Le respect de l`usage d`habitation de la résidence principale
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Le respect de l`usage d`habitation de la résidence principale
©Fotolia Etude Le respect de l’usage d’habitation de la résidence principale PAR Victoire DE BARY Avocat Associé Océan avocat www.oceanavocats.com D ans son article 2, la loi 89-462 du 6 juillet réglementant les rapports locatifs décrit précisémment à quel type de baux elle s’applique. Il se résume en deux notions : l’usage d’habitation et la résidence principale. 1 71ème année - n°762 octobre 2015 l’activité immobilière Etude 1. Ass. Plen., 2 février 1996, Bull. AP n°1 p. 1 ; Civ. 3ème, 9 mars 2011, n°10-30223 2. Civ. 3ème, 21 mars 2007, n°0611843, Bull. civ. III, n°41 3. Civ. 3ème, 16 juillet 1997, n°9517272 4. Civ. 3ème, 14 mai 1997, n°95-18290 5. Civ. 3ème, 14 janvier 2004, n°0212476 6. Civ. 3ème, 14 mai 1997, Bull. 1997 III, n°100, p. 66 7. CA Paris, 10 juin 2014, Rev. loyers 2014. 366 8. Civ. 3ème, 2 juillet 2014, n°1318731 9. voir également CA Paris, 30 janvier 2006, n°2004/08797 T ant la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 que l’article 1728 du code civil prévoient que le locataire est obligé d’user paisiblement de la chose louée suivant la destination qui lui a été donnée par le contrat de location. La destination donnée par le bail est utile à plus d’un titre. Principalement, cette utilité tient à la rédaction de l’article 2 de la loi de 1989 précitée au terme de laquelle : « Les dispositions du présent titre sont d’ordre public. Le présent titre s’applique aux locations de locaux à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation, et qui constituent la résidence principale du preneur (…) ». Ainsi, le respect de l’usage d’habitation de la résidence principale permet au locataire de bénéficier du statut protecteur de la loi de 1989. Outre que le non-respect de la destination prévue par le bail peut être sanctionné par sa résiliation, lorsque le bail est régi par la loi du 6 juillet 1989, l’inoccupation à titre d’habitation de locaux loués à usage mixte expose le preneur à être privé du droit au renouvellement1. De même, le bailleur peut délivrer un congé mettant fin à la location du logement n’étant pas utilisé à titre de résidence principale en se fondant sur les causes visées dans les dispositions du code civil2. Dans ces conditions, il convient de s’interroger sur ce que suppose le respect de l’usage d’habitation, mais également sur les contours de la notion de résidence principale. I- LE RESPECT DE L’USAGE D’HABITATION E n premier lieu, il est communément admis que l’usage exclusif d’habitation impose au locataire de s’abstenir de tout usage professionnel ou commercial des locaux loués. Par exemple, l’exercice dans les lieux de la profession d’architecte est interdit3. Il a, cependant, été jugé que certaines activités ne sont pas incompatibles avec un usage exclusif d’habitation en ce qu’elles n’affectent pas l’usage familial des locaux4 comme l’activité de styliste ne conduisant à recevoir ni client ni marchandise5 ou encore l’exercice de leur profession par les auteurs, compositeurs ou artistes dès lors que cela ne cause aucun trouble dans l’immeuble. De même, l’activité d’assistante maternelle étant une activité salariée, elle n’est pas incompatible avec le bail à usage exclusif d’habitation qui interdit expressément au preneur 2 l’activité immobilière 71ème année - n°762 octobre 2015 l’exercice de toute activité commerciale, artisanale ou libérale dans les lieux6. La Cour de cassation relève que d’une part, la locataire n’exerçait pas l’une des activités expressément interdite par le bail ; et, d’autre part, que l’activité exercée ne faisait pas perdre au logement son affectation essentielle et n’entraînait aucune modification de l’état des lieux ou gêne pour le voisinage. De façon dérogatoire, l’article L 123-11-1 du code de commerce autorise toute personne morale à installer son siège au domicile de son représentant légal. Cette possibilité est offerte « pour une durée ne pouvant ni excéder cinq ans à compter de la création de celle-ci, ni dépasser le terme légal, contractuel ou judiciaire de l’occupation des locaux ». Attention, le représentant de la société « doit, préalablement au dépôt de sa demande d’immatriculation ou de modification d’immatriculation notifier par écrit au bailleur, (…) son intention d’user de la faculté ainsi prévue ». Pour pallier toute difficulté, le code de commerce prévoit explicitement que la mise en œuvre de cette possibilité ne peut entraîner « ni le changement de destination de l’immeuble, ni l’application du statut des baux commerciaux ». Enfin, marquant l’indépendance des législations, il a été jugé que l’absence d’autorisation administrative nécessaire au changement de destination de locaux antérieurement utilisés à des fins commerciales en local d’habitation ne fait pas obstacle à l’application de la loi de 19897. En deuxième lieu, la Cour de Cassation considère que la notion d’usage d’habitation ne se définit pas en creux, et ne regroupe pas tout ce qui n’est ni usage professionnel, ni usage commercial. En effet, la Cour a jugé – en réponse à la Cour d’Appel de Paris qui avait retenu que « la loi n’interdit pas l’usage d’habitation à titre principal de deux appartements » et que l’occupation ne caractérisant ni un usage professionnel, ni un usage commercial, il s’agissait d’un usage d’habitation - que l’entreposage de livres dans un local loué à usage d’habitation principale, ne caractérise pas l’occupation des lieux à usage d’habitation8. Il faut donc en déduire que la clause prévoyant une habitation exclusive oblige le preneur à habiter effectivement les lieux9 ce qui suppose notamment que le local soit garni de meubles destinés à l’habitation. La Cour impose ainsi la caractérisation de l’usage d’habitation mais ne donne pas d’indice sur les éléments susceptibles de le caractériser. Etude L’usage exclusif d’habitation implique donc non mettre en demeure le locataire de cesser avant, seulement de ne pas faire un usage autre que éventuellement, de faire dresser un nouveau celui qui est prévu, mais aussi d’occuper effecti- constat établissant la persistance de la mise en vement les locaux selon l’usage prévu. Relevons location, et délivrer un congé pour motif sérieux cependant que, traditionnellement, la Cour de et légitime ou saisir le Tribunal aux fins de résiliacassation impose, sous peine de sanction, que le tion du bail. Du point de vue des responsabilités bénéficiaire d’un bail mixte à usage d’habitation enfin, il n’est pas inutile de rappeler que le loet professionnel conserve la double affectation10. cataire en titre est responsable des agissements En troisième lieu, la notion d’usage d’habitation a des occupants de son chef et qu’il doit répondre été précisée dans le cadre d’affaires de prêt d’ap- de ses proches vis-à-vis de son bailleur. partement et devrait connaître un regain d’actualité avec le développement des locations de meublés touristiques par internet. Il a été clairement établi que le prêt d’appartement peut être interdit par le bail sans que cela ne porte atteinte aux droits En réponse à une jurisprudence fournie et flucfondamentaux énoncés par la Convention Euro- tuante et depuis l’intervention de la loi n°2014-366 péenne des Droits de l’Homme11. En revanche, le du 24 mars 2014, dite loi ALUR, l’article 2 de la loi locataire dispose du droit fondamental d’héberger de 1989 précise que : « la résidence principale est gratuitement chez lui un membre de sa famille ou entendue comme le logement occupé au moins un ami. En effet, il a été jugé que « les clauses d’un huit mois par an, sauf obligation professionnelle, bail d’habitation ne [peuvent], (…) avoir pour ef- raison de santé ou cas de force majeure, soit par fet de priver le preneur de la possibilité d’héber- le preneur ou son conjoint, soit par une personne ger ses proches »12. Ainsi, la stipulation contrac- à charge au sens du code de la construction et de tuelle interdisant le prêt des lieux à un tiers sans le l’habitation ». Jusqu’à l’intervention de cette loi, consentement exprès et écrit du bailleur est licite le texte ne définissait pas l’habitation principale et car elle ne fait pas obstacle à ce que le preneur hé- la jurisprudence avait pallié ce manque en se réberge un membre de sa famille. Cette clause doit férant au lieu de fixation par le preneur du centre s’entendre comme prohibant seulement, confor- de ses intérêts et activités et à la durée d’occupamément au droit commun, toute cession de bail tion. La preuve pouvait résulter, par exemple, de et toute sous-location13. Ainsi, ne constitue donc l’inscription du locataire sur les listes électorales, pas une sous-location prohibée l’hébergement fa- du paiement de l’impôt ou encore, le cas échéant, milial de deux desdu lieu de scolacendants du locarisation des enL’usage exclusif d’habitation taire à condition, fants, et la durée toutefois, que le d’occupation était implique de ne pas faire un usage locataire ait gardé prise en compte autre que celui qui est prévu, mais par les juridictions dans les lieux son principal établisau cas par cas. Les aussi d’occuper effectivement les 14 sement . Le fait Tribunaux et Cours locaux selon l’usage prévu. d’héberger des ne pouvant applipersonnes sans quer une règle uni15 contrepartie n’est pas une sous-location et cela forme, il fallait l’intervention d’une loi. devient incontestable lorsque le locataire en titre En premier lieu, on ne peut que déplorer que la demeure dans les lieux. loi ALUR donne la primauté au critère quantitatif Finalement, une telle clause a pour objet d’inter- qu’est la durée d’occupation même si ce critère dire au locataire de mettre les locaux à la dispo- est assorti d’assouplissements quant aux occusition d’un tiers, quel qu’il soit, si lui-même n’oc- pants, d’une part, et aux périodes assimilables à cupe plus effectivement les lieux16. Les bailleurs une occupation, d’autre part. En effet, la loi est fi– qui constateraient que leur locataire propose nalement bien plus sévère que les juges qui avaient leur bien sur des sites de location touristique – été amenés à considérer que des contraintes fadoivent faire constater l’annonce par huissier puis miliales ou personnelles pouvaient justifier II. LA NOTION DE RÉSIDENCE PRINCIPALE “ 10. Ass. Plen., 2 février 1996, préc. 11. Civ. 3ème, 10 mars 2010, n°0910412, Bull. 2010, III, n°57 12. Civ. 3ème, 6 mars 1996, Bull. civ. III, no60 13. Civ. 3ème, 5 mai 1993, n°91-14650 14. CA Paris, 27 janvier 2011: Loyers et copr. 2011, no109 15. Civ. 3ème, 5 mai 1999, Bull. civ. III, no103 „ 3 71ème année - n°762 octobre 2015 l’activité immobilière Etude 16. Civ. 3ème, 10 mars 2010, Bull. civ. III, no57 17. Rép. min. à la question no68383: JOAN Q, 28 janv. 2002, p. 473 18. CA Versailles, 29 septembre 2009 CA Paris, 15 janvier 2009 19. CA Paris, 27 octobre 2011, loyers et copr. 2011, n°312 20. CA Paris, 16 novembre 2000, AJDI 2001 342 ; CA Aix-en-Provence, 11 janvier 2013, Rev. loyers 2013. 138 21. Civ. 3ème, 21 mars 2007, préc. une pluralité de résidences, et que le fait Ces tempéraments sont les bienvenus car plusieurs qu’un locataire n’occupe le logement que cinq cours d’appel avaient jugé que n’était pas abusive mois dans l’année n’était pas un obstacle à la au sens du droit de la consommation la clause imqualification d’habitation principale18. Dès lors, on posant au locataire d’occuper personnellement peut se demander si un professeur des écoles qui, les lieux à titre de résidence principale19 ou encore tous les week-ends et pendant ses presque 4 mois que le locataire ne peut pas faire occuper les lieux de congé par an, profiterait de sa résidence se- loués par un proche, un parent ou un tiers20. condaire pourrait se voir considérer comme n’oc- Dans ces conditions, lorsque le contrat de location cupant pas les lieux à titre de résidence principale, est conclu sous l’empire de la loi de 1989, il apn’ayant alors – au sens du droit des baux – aucune partient au bailleur – s’il entend dénier à son locarésidence principale. A l’inverse cette nouvelle dé- taire la protection de ladite loi – d’établir que cet finition n’exclut pas la possibilité de disposer de usage n’est pas respecté. Il devra alors rapporter deux baux à usage de résidence principale dès la preuve que le locataire – ou l’une des personnes lors qu’une personne peut passer 8 mois dans un pouvant occuper en ses lieu et place – est présent appartement et 4 mois dans un autre où ses ascen- moins de huit mois par an. Dès lors, le bailleur dants ou descendants sont occupants à l’année. La pourra, s’il le souhaite, délivrer un congé mettant fixation d’un critère peu souple n’ira donc pas sans fin à la location du logement n’étant pas utilisé à soulever de nouvelles questions. titre de résidence principale en se fondant sur les En deuxième lieu, la loi tempère la durée d’occu- causes visées dans les dispositions du code civil21. pation qu’elle fixe à 8 mois par an en indiquant En revanche, si le bail est soumis aux dispositions que cette durée peut être réduite du fait d’obli- du code civil – ce qui est le cas de la location d’une gations professionnelles, pour raison de santé résidence secondaire – la réalité de l’habitation à ou en cas de force majeure. Espérons que cette titre de résidence principale doit être établie par exception permettra le locataire qui entend de donner aux juges invoquer le bénéfice Il est probable que la mise la souplesse d’apdes dispositions de la en œuvre de la définition préciation dont ils loi de 1989. Il devra ont besoin. alors établir qu’il est légale de l’usage de résidence En troisième lieu, présent dans les lieux ces nouvelles dispo- principale ne se fera pas sans une au moins huit mois par sitions reconnaissent an.Naturellement, la jurisprudence fournie. que l’occupation par preuve de l’occupale conjoint du preneur ou par les personnes à sa tion – ou de l’inoccupation – risque d’être difficile à charge au sens du code de la construction et de établir mais on peut citer comme éléments utiles : l’habitation est considérée comme une occupa- la scolarisation des enfants ; la facture détaillée tion par le preneur. Rappelons que l’article R351- d’une ligne de téléphone fixe établissant une utili8 du CCH prévoit que sont à charge, s’ils vivent sation régulière ; des témoignages de voisins etc. habituellement au foyer (c’est-à-dire plus de 6 Au total, il est bien probable que la mise en œuvre mois par an) : de la définition légale de l’usage de résidence Les enfants scolarisés jusqu’à 16 ans ou âgés principale ne se fera pas sans une jurisprudence de moins de 21 ans sous condition de ressources ; fournie. A cet égard, rappelons que lorsque la Les ascendants du preneur ou de son destination n’a pas été précisée par le bail, les conjoint, concubin ou pacsé, qui sont âgés d’au juges apprécient souverainement, d’après les moins 65 ans ou de 60 ans en cas d’inaptitude au circonstances, celle que les parties ont entendu travail sous condition de ressources ; donner aux lieux loués au moment de la conclu Les ascendants, descendants ou collatéraux sion du contrat. Enfin, en cas de modification au 2ème ou au 3ème degré qui sont atteints de la destination des lieux, il appartient au juge d’une infirmité entraînant une incapacité perma- d’apprécier si le manquement est suffisamment nente au moins égale à 80% ou qui sont, compte grave pour justifier la résiliation du bail. tenu de leur handicap, dans l’impossibilité de se procurer un emploi, sous condition de ressources. V.d.B. “ 4 l’activité immobilière 71ème année - n°762 octobre 2015 „ Le Centre de formation de la SO.CA.F vous propose entre septembre et décembre : COPROPRIÉTÉ C6 - Actualité de la copropriété C1 - Gérer des immeubles en copropriété (3 jours) C3 - Assurances et gestion des sinistres dans les immeubles collectifs 1er octobre 23, 24 et 25 novembre 2 décembre GESTION G11 - Les impayés de loyers 9 octobre G9 - Lois Hamon, Alur et Macron : les applications pratiques en gérance 15 octobre G1 - Création et fonctionnement d'un service Gérance 28 octobre G2 - La pratique des baux d'habitation 29 octobre G4 - La location meublée G6 - Les baux commerciaux G8 - La gestion locative en copropriété (2 jours) G3 - Les charges récupérables et les réparations locatives 3 novembre 18 novembre 19 et 20 novembre 27 novembre TRANSACTION ET GESTION A4 - Pilotage financier d’une agence immobilière 14 octobre A5 - Transmettre un cabinet immobilier 22 octobre F2 - La fiscalité des plus values immobilières 16 novembre F3 - TVA et droits d’enregistrement 7 décembre F1 - Les revenus fonciers 8 décembre TRANSACTION T12 - Manager une équipe commerciale (2 jours) T9 - Le mandat exclusif 5 et 6 octobre 13 octobre T6 - La cession de fonds de commerce 17 novembre T1 - Le métier d'agent immobilier : Règlementation et obligations 10 décembre T2 - L'univers comptable de l'agence immobilière 11 décembre Pour toute information sur les stages, contactez Agnès FOUCHER Tél : 01 44 49 19 93 - E-mail : [email protected] CEPSO - 26, avenue de Suffren - 75015 PARIS