Sœurs Dominicaines de Ste Catherine de Sienne Ankawa – Erbil

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Sœurs Dominicaines de Ste Catherine de Sienne Ankawa – Erbil
Sœurs Dominicaines de Ste Catherine de Sienne
Ankawa – Erbil – Iraq
240/1/456, P.O Box=1065/45
Erbil (Irak), le 1er novembre 2016
Cher(e)s sœurs, frères et amis,
En ce jour de Tous les Saints, nous vous écrivons pour vous informer de la
situation en Irak. Nous gardons en mémoire le souvenir des chrétiens qui ont
été tués en 2009, alors qu’ils attendaient le commencement de la Messe en
l’église de Notre-Dame-de-la-Délivrance à Bagdad. Ce fut le début de moments
difficiles pour tous les chrétiens d’Irak.
Il y a deux ans et quatre mois, nous quittions la plaine de Ninive. Ce fut une
longue période de déplacement, d’humiliation, de besoin et d’exil. Cependant,
les gens vivent toujours dans l’espérance que la miséricorde de Dieu leur
permettra de rentrer à la maison. Nous croyons que Dieu ne nous décevra pas.
Les opérations de Ninive ont commencé le 17 octobre dernier. Depuis lors,
chaque minute, les gens suivent les informations de l’armée avançant dans la
plaine de Ninive. Il y a un grand nombre de militants chrétiens au sein de
l’armée, dont certains que nous connaissons. Ainsi, ils nous envoient des
photos de nos villes chrétiennes qu’ils sont entrain de reprendre. Les photos
sont très perturbantes, car elles montrent nos églises, maisons, écoles,
couvents, hôpitaux, etc. brûlés et détruits après avoir été pillés. Nous avons
été choqués de voir que nos cimetières ont été creusés – est-il possible que
même la mort ne survive pas à leur cruauté !
Evidemment, nous suivons cela avec un sentiment partagé. D’un côté, nous
sommes heureux de savoir que nos villes ont éventuellement été reprises. De
l’autre, cela nous brise le cœur de voir les dommages causés par l’ISIS.
Quand nous les avions quittées, nous savions qu’à notre retour nos villes
n’auraient pas été les mêmes. Mais, nous espérions être réconfortés par le fait
de voir, au moins, nos maisons débout ; ce qui nous aurait encouragés à
rentrer. La réalité est que l’ISIS a utilisé nos maisons pour cacher les entrées
de tunnels et pour stocker des armes. De plus, ils ont implanté des bombes
dans des maisons prêtes à exploser aussitôt que la porte s’ouvre, et les mines
sont partout dans la terre. Certains d’entre nous, dont la maison est encore
debout, pourraient être heureux d’avoir un toit, mais en même temps, nous
avons peur que nos maisons soient un piège pour nous. Jusqu’à maintenant,
seules quelques personnes sont retournées pour voir leur maisons et elles sont
revenues choquées par ce qu’elles ont vu. Il ne sera possible de retourner dans
aucune des villes libérées, tant que le gouvernement n’aura pas annoncé
qu’elles sont hors de danger.
La question urgente que les gens posent régulièrement est : à qui
appartiendrons-nous en tant que peuple et en tant que terre ? Et cela, parce
différentes forces combattent pour nettoyer la terre : l’armée kurde, l’armée
irakienne, les NPU, et autres. Avec un peu de chance, nos terres ne seront pas
des terres disputées. Cela est, pour nous, une autre source d’inquiétude.
Toutefois, ce n’est qu’une question parmi tant d’autres. Les gens se
demandent comment rentrer dans la mesure où, dans les villes endommagées,
il n’existe pas de structures physiques et organisationnelles de base (par
exemple des immeubles, des routes, l’alimentation en électricité). Dans un
pays où il n’y a aucune assurance, les gens se demandent qui leur viendra en
aide. En outre, qu’est-ce qui garantit que les lieux seront sûrs quand les gens
rentreront.
En tant que sœurs, nous sommes préoccupées par l’héritage de notre terre.
Nous ne voulons pas voir notre héritage effacé quand le processus de
nettoyage aura commencé. Nous espérons que quelqu’un nous aidera à
documenter l’histoire.
Au milieu de tout ce qui se passe, le 21 octobre dernier, nos sœurs de Kirkuk
et d’autres personnes du voisinage parmi lesquels, de nombreux élèves de
l’IDP, ont vécu une expérience spécialement grave et douloureuse. Ces élèves
demeuraient à Kirkuk parce qu’ils étudiaient à l’Université de Mossoul qui a été
relocalisée à Kirkuk après la prise de Mossoul par l’ISIS en 2014. Pendant que
les gens étaient occupés à s’informer sur les opérations de Ninive, des
membres de l’ISIS sont entrés, de façon inattendue, dans la ville de Kirkuk qui
est à 100 km d’Erbil. Pendant que l’armée irakienne les combattait, ils se sont
réfugiés dans l’une des maisons des étudiants dans laquelle vivaient sept
jeunes chrétiennes. Les jeunes ont pu se cacher sous leurs lits durant de
longues heures. Mais, finalement, et avec l’aide de plusieurs personnes de
bonne volonté, elles ont réussi à quitter la maison et à s’échapper pendant que
les membres de l’ISIS étaient dans la maison (la pièce juste à côté). Tout le
monde considère cela comme un miracle. Plus tard, les jeunes ont parlé de
leur expérience, et elles ont affirmé à tous les chrétiens que Dieu était là et
qu’elles ont survécu grâce aux prières de leurs familles et de leurs amis. En
même temps, elles sont évidemment choquées et elles ont peur de retourner à
Kirkuk, car elles pensent que la ville n’est pas encore sûre.
A dire vrai, c’est comme si nous vivions dans un espace liminal. D’un côté on
voit gens frustrés et qui souhaitent quitter le pays, de l’autre, on rencontre des
personnes pressées de rentrer reconstruire leurs maisons quels que soient les
dommages qu’elles ont subis. Certains sont las de cette situation interminable,
et d’autres sont prêts à rentrer et à repartir de zéro. Nous attendons que soit
de nouveau publié le « Décret de Cyrus » (qui autorisa les juifs à rentrer
d’exil) nous permettant de retourner reconstruire nos églises et nos maisons.
Nous vous remercions d’être avec nous et nous continuerons de vous donner
de nos nouvelles.
Priez pour nous. Nous comptons sur vos prières.
Les Sœurs Dominicaines de Ste Catherine de Sienne
En la Solennité de Tous les Saints