Escroquerie à la sécurité sociale par des professions

Transcription

Escroquerie à la sécurité sociale par des professions
Escroquerie à la sécurité sociale par des professions médicales
S’il est choquant que des particuliers abusent de la solidarité de notre protection
sociale, il est encore plus inadmissible que des professionnels de santé le
détournent à leur profit, comme le révèlent de trop nombreux faits divers. Dans
cette enquête, la cellule antiblanchiment Tracfin explique comment des infirmières
escroquaient la Sécu. NDLR : Cas réel relaté par Tracfin dans son rapport annuel 2012
p.46-47, à peine modifié ici par souci de simplification.
Trois infirmières, Mme Xagère, Mme Yvole et Mme Zemballe, créent leur société Aboule,
spécialisée dans la vente et la location de matériel médical. Leur entreprise connaît une
activité florissante dès sa première année d’existence, avec un chiffre d’affaires proche
de 900 000 euros, constitué essentiellement de versements de la sécurité sociale.
Les trois associées-gérantes se reversent aussi des sommes importantes représentant 2 à 3
fois leurs revenus officiels, sans motif apparent. La principale bénéficiaire reçoit plus de
250 000 euros avant même d’être officiellement nommée associée. Le compte de la
société fait également apparaître des chèques au bénéfice de proches, là aussi sans
justification économique. Au total, plus de 900 000 euros sont ainsi versés par la société
Aboule en à peine vingt mois.
Les premières investigations permettent d’identifier l’utilisation d’une trentaine de
comptes personnels différents, dont une vingtaine ouverts par Mmes Xagère, Yvole et
Zemballe, signe d’une volonté de masquer l’ampleur de la fraude. L’analyse détaillée de
ces comptes montre une utilisation des sommes perçues à des fins strictement
personnelles : dépenses courantes importantes mais aussi achats de voitures, de biens
immobiliers et immobiliers avec paiement des travaux de rénovation, ou encore des
placements en produits d’épargne.
Tracfin repère aussi 240 000 euros de retraits en liquide, opérés le plus souvent de
manière fractionnée. Les infirmières expliquent d’abord qu’il s’agit de remboursements
de frais professionnels, mais cette justification ne tient pas car elles bénéficient déjà d’une
carte de crédit adossée au compte de la société pour régler ces frais. En outre, les comptes
privés des infirmières ne portent pas trace de ce type de dépenses. La réception de fonds
provenant de la société Aboule sur des comptes privés répondait avant tout à une logique de
financement de projets et d’achats personnels.
En parallèle, Tracfin s’interroge sur le volume et la réalité économique des paiements
effectués par les caisses d’assurance maladie et saisit le parquet territorialement
compétent. À l’issue de l’enquête de police judiciaire, les trois infirmières sont mises en
examen pour abus de biens sociaux, escroquerie, tenue de fausse comptabilité et
faux. Les investigations policières ont révélé une fraude centrée autour d’une minoration du
Escroquerie à la sécurité sociale par des professions médicales | 1
Escroquerie à la sécurité sociale par des professions médicales
chiffre d’affaires de la société, couplée à des volumes d’achats déclarés largement
supérieurs à ceux réalisés. Ces professionnelles de santé obtenaient auprès de
médecins des ordonnances pour des quantités très supérieures aux besoins de leurs
patients, la société n’achetant que le matériel nécessaire mais se faisant
rembourser bien plus par la Sécu.
Grâce à des manipulations comptables, cette arnaque permettait à la fois d’obtenir le
remboursement de l’intégralité de la prescription par la Sécu, d’obtenir un
remboursement de TVA indu auprès du Trésor public, et de minorer le chiffre
d’affaires de la société. Les revenus issus de la fraude permettaient aux professionnelles et
à leurs familles de mener grand train et de financer l’achat et l’aménagement de leurs
logements. Les avoirs criminels pourront être saisis.
Escroquerie à la sécurité sociale par des professions médicales | 2