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Juliette DELESCLUSE
De l’exploration urbaine à la construction
patrimoniale. Récit d’une mobilisation
pour la sauvegarde du réseau souterrain
lyonnais des arêtes de poisson
Séminaire ville et pouvoir urbain
Sous la direction de Renaud Payre
Mémoire soutenu le 19 juin 2008
Université Lyon 2
Institut d’Etudes Politiques
Table des matières
Dédicace . .
Remerciements . .
Introduction . .
Regards sur le patrimoine . .
Un élargissement de la notion de patrimoine . .
Les hésitations de l’analyse . .
La prise de conscience d’un nouvel objet d’étude . .
Patrimoine et patrimonialisation . .
Patrimonialiser le souterrain ? . .
L’exploration du terrain . .
Mise en jambe . .
Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain . .
Chapitre 1 Une visibilité limitée : spécialisation, interdiction et utilisation pratique du
souterrain . .
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I/ L’expertise comme réponse à une prise de conscience tragique de l’existence des
souterrains . .
22
II/ L’interdiction d’accès aux souterrains : une solution préférée face au poids des
responsabilités . .
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III/ Le souterrain vu seulement dans son aspect utilitaire : contraste par rapport à
une ville « monumentale » . .
36
Chapitre 2 La déviance comme moyen de dépassement de la visibilité limitée du souterrain
..
I/ Un « nouveau jeu urbain » : l’exploration d’espaces interdits . .
II/ Les légendes urbaines : l’exploration de l’imaginaire lyonnais . .
III/ Résoudre des énigmes par l’exploration des archives : le début d’un souci de
transparence . .
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain . .
Chapitre 3 La déviance surmontée avec l’urgence de la mobilisation . .
I/ La tentative d’unification du mouvement cataphile face au possible péril . .
II/ La diffusion du message par une stratégie de médiatisation . .
III/ La politisation de l’enjeu : le souterrain sur la place publique . .
Chapitre 4 Le contexte urbain comme élément perturbateur de la mobilisation . .
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I/ La nécessité de se donner une nouvelle image pour devenir un interlocuteur
légitime . .
76
II/ Le projet du nouveau tunnel inscrit dans la continuité d’une légitime évolution
urbaine . .
83
III/ L’improbable classement : les moyens de protection du patrimoine interrogés par
le souterrain . .
I/ Le soutien des réseaux associatifs et l’utilisation de leur légitimité reconnue . .
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102
II/ Les politiques face à l’exigence d’un label : les devoirs d’une ville classée
mondialement . .
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Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain . .
Chapitre 5 La mobilisation tacite d’une nébuleuse plus large d’acteurs . .
III/ L’engagement des constructeurs : les garanties permises par les progrès
techniques . .
Chapitre 6 Le consensus autour d’une patrimonialisation « sur mesure » . .
I/ Le patrimoine comme une action collective : le souterrain retrouve un
« supplément d’âme » . .
II/ Le patrimoine comme une tendance : le souterrain comme nouvelle étape . .
III/ Le patrimoine comme une modernité : le souterrain modèle de consensus ? . .
Conclusion . .
Sources . .
Eléments d’observation . .
Entretiens . .
Séances d’observation . .
Echanges téléphoniques . .
Courriers . .
Emails . .
Comptes-rendus de réunions . .
Eléments journalistiques . .
Avant la mobilisation . .
Pendant la mobilisation . .
Gestion du sous-sol lyonnais . .
Rénovation lourde du tunnel . .
Préservation du patrimoine . .
Autres éléments . .
Sites Internet . .
Films . .
Documents écrits . .
Bibliographie . .
Ouvrages sur la notion de patrimoine . .
Ouvrages sur les souterrains et ses explorateurs . .
Autres ouvrages . .
Articles . .
Travaux universitaires . .
Colloque . .
Sites Internet . .
Annexes . .
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Dédicace
Dédicace
A Sarajevo,
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De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Remerciements
Je souhaite exprimer mes remerciements les plus sincères envers toutes les personnes qui grâce
à leurs encouragements, suggestions et témoignages m’ont permis d’explorer les « antres » de la
recherche.
Merci à Renaud Payre, mon précieux directeur de mémoire. L’alliance subtile de ses
compliments et exigences m’a permis d’ouvrir ma réflexion et aussi parfois de la recadrer.
Merci à mes parents qui ont su éveiller mon sens de la curiosité grâce à l’éducation qu’ils
m’ont donnée. Merci aussi à mes frères pour leurs stimulantes moqueries.
Merci à mes amis et autres membres de ma famille qui ont su chacun à leur manière
m’accompagner dans les excitations et les doutes de cette enquête.
Merci enfin à toutes les personnes rencontrées lors de cette étude. Sans leurs témoignages et
confiance, ce travail n’aurait jamais pu voir le jour.
Ce mémoire se veut être le reflet de toutes ces personnalités.
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Introduction
Introduction
« Est-ce que Monsieur est fou ? » me dit-elle. Je fis un signe affirmatif. « Et il
vous emmène avec lui ? » Même affirmation. « Où cela ? dit-elle. » J’indiquai
du doigt le centre de la terre. « À la cave ? s’écria la vieille servante. Non, dis-je
enfin, plus bas ! » Jules Verne, Voyage au centre de la terre, Chapitre VII
En 1864, Jules Verne entraîne ses lecteurs dans un nouvel imaginaire : le centre de la
Terre. L’attention du Professeur Otto Lidenbrock, héros « hors-norme » de cette aventure,
se porte avant tout sur la recherche d’un « passage » pouvant mener l’expédition dans
le monde souterrain. Une fois celui-ci franchi, la découverte de cet espace quasiment
inexploré débuta. Nos villes recèlent encore d’espaces inexplorés. Des espaces méconnus
qui nourrissent des légendes urbaines des plus captivantes. Les souterrains de Lyon font
partie de cet imaginaire urbain. Soulever une plaque, ouvrir une grille, descendre une
échelle métallique et déboucher sur une quarantaine de kilomètres de galeries en tout genre
1
sillonnant les collines de Fourvière et de la Croix-Rousse .
1
BARBIER C., Les souterrains de Lyon.Lyon, Editions Verso, 1994.
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De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Puits privé Rue Sainte-Catherine..
Photo : Julien Tatéossian
La plupart des galeries lyonnaises ont été construites pour répondre aux besoins en eau
des habitants. Dès la fondation de Lugdunum, quatre aqueducs alimentent la ville depuis
l’Yzeron, la Brévenne, le Gier et les Monts d’Or. Ils seront détruits lors de l’effondrement de
l’Empire romain aux IVème et Vème siècles. Durant les siècles suivants, la profession de
puisatier fait peu à peu son apparition. Dans le but d’atteindre une nappe d’eau, le puisatier
commence par creuser un puits. S’il rencontre tout de suite de l’eau, sa tâche est terminée.
Mais s’il n’en trouve pas, il creuse une galerie à l’horizontale depuis le fond de son puit afin de
le relier à une nappe phréatique voisine. Si là encore il ne trouve rien, il abandonne la galerie
initiale, et creuse une nouvelle galerie dans une autre direction. S’il rencontre un obstacle
et faute de moyens adéquats, il le contourne tout simplement. Ceci explique la présence de
nombreuses galeries sinueuses dans le sous-sol lyonnais. Les puits privés et les galeries
de captage se sont ainsi multipliés sans que des traces écrites sur les emplacements de
ces derniers subsistent. Quelques documents écrits existent cependant grâce aux différents
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Introduction
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procès ayant eu lieu pour des détournements de source. Une « guerre de l’eau » va en effet
débuter à Lyon. Le développement du réseau public de distribution d’eau marque le début de
l’abandon et de l’obstruction des puits privés et galeries de captage par les Lyonnais. Suite
aux diverses épidémies de choléra, le maire de Lyon Victor Augagneur décide en 1900 de
rendre obligatoire l’utilisation de l’eau fournie par les captages de Saint-Clair. Cette décision
mettra définitivement un terme à la pratique des puits privés. Les galeries tomberont dans
l’oubli à partir de ce moment-là jusqu’à la tragique catastrophe de Fourvière en 1930.
Un imaginaire collectif lyonnais va naître autour de ces galeries. Les rumeurs autour
de l’existence d’un lac sous la colline de Fourvière l’illustrent bien. Cet imaginaire est
notamment entretenu par de régulières découvertes fortuites de nouvelles galeries. En
1959, la découverte du réseau surnommé « arêtes de poisson », à cause de sa forme, en fait
ainsi partie. Trente-quatre galeries latérales d’une trentaine de mètres chacune rejoignent
une arête centrale. Ce réseau situé sur les pentes de la Croix-Rousse ne ressemble en rien
aux autres galeries lyonnaises « classiques » de drainage. Il est donc d’autant plus propice
à alimenter les imaginations et à susciter la curiosité.
Les « cataphiles » sont des Lyonnais passionnés par les réseaux souterrains de la ville.
Tous les explorateurs des souterrains lyonnais ne partagent pas cette appellation. Mais le
terme « cataphile » désigne néanmoins un amateur de visites des espaces souterrains, à
l’origine Parisien. La première partie du mot renvoie en effet aux catacombes de Paris. La
fin du mot au préfixe « -phile », celui qui aime. Le cataphile se distingue du spéléologue car
il part à l’exploration des souterrains construits avant tout par l’homme. Ces explorateurs
urbains présentent des profils multiples mais ils partagent tous la même motivation :
2
Expression utilisée par l’auteur dans: BARBIER C., op.cit.
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De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
découvrir ce qui se cache sous les pavés lyonnais. Suite à différents incidents, un arrêté
municipal du 22 février 1989 interdit l’accès aux souterrains lyonnais aux personnes autres
que les services compétents chargés de leur entretien. L’accès aux souterrains devient ainsi
réservé au service assainissement de la Communauté Urbaine du Grand Lyon (par la suite,
cette mission sera à la charge du service galeries) et à la division prévention sécurité de la
ville de Lyon. Les différents accès sont condamnés. Une rupture apparaît à partir de cette
date. Dès lors, les cataphiles se retrouvent dans l’illégalité lors de leurs visites souterraines.
Les cataphiles vont se mobiliser à partir de septembre 2007 suite au projet de
rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse. Ils décident d’agir car celui-ci risque de
détruire une partie du réseau souterrain des arêtes de poisson. Ce projet représente,
selon eux, une « irréversible atteinte au patrimoine qui [...] risque fort de pousser son cri
3
d’agonie, inaudible, sous les coulées de béton… » . Ils sont tous cependant conscients
qu’ils ne peuvent pas empêcher le percement du second tube. Celui-ci, parallèle au tunnel
existant, servira à la fois de tube de sécurité mais aussi de tube permettant la circulation
4
des transports en commun et des « modes doux » (vélos, rollers, piétons et trottinettes) .
Notre étude portera sur la notion de patrimoine et en particulier sur les acteurs qui
participent à sa préservation. Nous intégrerons dans notre étude la particularité des relations
mises en place dans un territoire spécifique qu’est la ville. Cet aspect urbain nous semble
intéressant dans le sens où la ville peut-être considérée comme un espace où se confrontent
des projets dits d’ «avenir» et des projets de préservation du patrimoine souvent accusés
de «passéistes». Enfin, notre intérêt portera aussi spécifiquement sur la particularité du
patrimoine souterrain, qui est un patrimoine « non visible » sauf dans l’illégalité ou pour des
spécialistes.
Regards sur le patrimoine
Afin de porter un regard scientifique sur la notion de patrimoine, l’exercice périlleux de
5
sa définition est un préalable inéluctable . La notion de patrimoine, et la réalité qu’elle
recouvre, sont de plus en plus difficiles à délimiter. Le patrimoine est en pleine expansion.
Le patrimoine a cessé d’être un patrimoine uniquement monumental. Mais ce mouvement
n’est pas seulement quantitatif, il est aussi qualitatif. Ce dernier aspect se traduit par
une transformation profonde de la perception du patrimoine. En quelques années, une
conception « continue » du patrimoine a pris la place d’une conception « discrète »,
3
Site de la pétition cataphile pour la sauvegarde des arêtes de poissons: < http://aretesdepoisson.free.fr > Consulté en mai
2008.
4
Définition donnée par le Grand Lyon sur son site à la rubrique « Déplacements ». Site Internet du Grand Lyon : <http://
www.grandlyon.com/> Consulté en mai 2008.
5
DI MEO G., « Processus de patrimonialisation et constructions des territoires ». Colloque Patrimoine et industrie en Poitou-
Charentes : connaître pour valoriser, Poitiers-Châtellerault, 12-14 Septembre 2007. En ligne. 19p. < http://www.ades.cnrs.fr/IMG/pdf/
GDM_PP_et_CT_Poitiers.pdf>. Consulté en mai 2008.
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Introduction
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discontinue du patrimoine. Cette mutation de la perception du patrimoine s’est faite non
seulement avec l’extension des publics mais aussi avant tout grâce à l’intérêt croissant
porté sur l’étude de cette notion par les juristes, historiens, sociologues, ethnologues et
7
philosophes. Derrière la vogue du mot, ils cherchent ainsi à décrire le « symptôme ». Le
patrimoine renvoie à des usages sociaux, des pratiques institutionnelles et des politiques
publiques qu’il convient d’analyser. La mobilisation du patrimoine est un aspect central de
la notion de patrimoine. Et en particulier de nos jours où cette mobilisation apparaît de plus
en plus éclatée mais sans pourtant avoir perdu de sa force.
Un élargissement de la notion de patrimoine
Un bien hérité
Comme le précise André Chastel, « le mot est ancien, la notion semble immémoriale ».
8
Le sens moderne du mot n’apparaît qu’au terme d’une évolution historique débutée
à la Révolution Française. Avant cette évolution sémantique, le Littré de 1863 définit le
patrimoine comme un « bien d’héritage qui descend, suivant les lois, des pères et mères
à leurs enfants ». Cette référence primaire aux biens et aux droits du père, hérités un
jour par filiation, introduit de fait l’idée d’une transmission intergénérationnelle. Le droit
romain, en partie à l’origine du droit français, considère le patrimoine comme l’ensemble
des biens familiaux non pas selon leur valeur pécuniaire, mais dans leur condition de biens
à transmettre. L’héritier est plus le dépositaire que le propriétaire
10
9
. Dans ce schéma
hiérarchisé, l’autorité procède toujours d’un temps antérieur . L’autorité du père légitime
la protection. Celle-ci s’exprime alors à travers le patrimoine qui devient une composante
de la famille. Selon Hannah Arendt, c’est une forme de coercition par la raison. C’est donc
11
un principe légitime de contrainte sans user des moyens externes de la violence . Cette
conception du patrimoine ne retient que des biens transmissibles ou cessibles. Elle évolue
pour correspondre de plus en plus à des valeurs de passage et à des valeurs sociales
collectives
12
.
Un bien collectif
6
DUPAVILLON C., « Préface », dans Collectif, Regards sur le patrimoine, Paris, Réunion des musées nationaux, coll. « Enjeux
Culture », 1992.
7
VADELORGE L., « Introduction », dans POIRRIER P. et VADELORGE L. (dir.), Pour une histoire des politiques du patrimoine,
Paris, La Documentation Française, 2003.
8
CHASTEL A. et BABALON J-P., La notion de patrimoine, Paris, L.Levi, 2000. Première parution dans La Revue de l’Art, numéro
49, 1980.
9
10
11
12
GREFFE X., La valorisation économique du patrimoine, Paris, La Documentation Française, 2003.
DOAT M. et REBOURG M. (dir.), Regards croisés sur les droits de la famille et du patrimoine, L’Harmattan, Paris, 2005.
ARENDT H., La crise de la culture. Huit exercices de pensée politique, Paris, Gallimard, 1972.
ROBINE N., « Des usages des mots », Dans LAMY Y. (dir.), L’Alchimie du patrimoine. Discours et politiques, Paris, Publications
de la Maison des sciences de l’Homme d’Aquitaine, 1996.
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De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Après la Révolution française, un patrimoine collectif commence à être envisagé notamment
avec la notion de Monument Historique. On passe dès lors d’une notion de patrimoine
personnel, dans un sens juridique de patrimoine, à une notion beaucoup plus ample. Les
biens et les propriétés de la monarchie et de l’Eglise sont dorénavant considérés comme un
bien public dont la propriété appartient à la collectivité. L’Abbé Grégoire avait fait admettre
cette nouvelle considération dans son rapport à la Convention intitulé « Rapport sur les
destructions opérées par le vandalisme et les moyens d’y remédier » (le 14 Fructidor an II,
c'est-à-dire en septembre 1794). Ils sont des témoins matériels appartenant à l’histoire et
donc utiles à la compréhension du présent. L’intérêt économique penchait aussi sans doute
en faveur du vandalisme par la récupération notamment de matériaux. Mais de nombreuses
personnalités dont Victor Hugo
13
et Stendhal se sont mobilisées contre ces pratiques.
Le Monument Historique va briser l’ordre symbolique auquel la conservation et la
14
mémoire étaient vouées dans l’Ancien Régime
. Une mutation s’effectue. L’hommage
religieux rendu à la relique a laissé sa place à un « culte laïque » pour la matière venue
15
16
du passé . Le titre de l’ouvrage d’Aloïs Riegl, « Le culte des monuments modernes »,
témoigne de ce fait. Une citoyenneté nouvelle est donnée aux monuments historiques qui
17
deviennent constitutifs du politique et intiment liés à sa souveraineté . Le patrimoine a
été un outil essentiel dans la création des Etats-Nations (National Awakening ou NationBuilding) au cours du XIXème siècle. Et inversement, la construction nationale a été un
producteur de patrimoine à la fois clair dans ses objectifs, peu hésitant dans ses choix et
18
efficace dans ses procédures . Les monuments deviennent à cette époque là une affaire
d’Etat et font l’objet d’une politique publique. Prosper Mérimée est nommé inspecteur des
Monuments Historiques en 1834. En tant que Ministre de l’Intérieur, François Guizot avait
créé cette fonction en 1830. En 1837, une Commission des Monuments historiques voit le
jour. Des lois sur l’inventaire, l’inscription ou le classement et la protection des Monuments
Historiques sont ensuite votées en France en 1887 et en 1913. En 1963, André Malraux avait
même suscité la création d’une Commission chargée de proposer une liste de monuments
emblématiques du XXème siècle. La logique du Monument Historique conduit à la doctrine
de la restauration. Celle-ci repose sur le principe qu’une fois sous la charge de l’Etat, l’édifice
ne doit plus évoluer, puisque parfait
19
.
La société est ainsi rassemblée autour de symboles irréfutables, régaliens, dans la
longue tradition de la naissance de la République. Cette logique savante, légitimiste, vise
à déterminer une catégorie d’objets et de lieux qui seraient à la fois exceptionnels et
universels. Les frontières politiques devraient dans l’idéal être abolies et le génie humain
13
BEGHAIN P., Victor Hugo. Guerre aux démolisseurs, Vénissieux, Paroles d’Aube, 1997.
14
15
16
17
18
GREFFE X., op.cit.
JADE M., Le Patrimoine immatériel. Perspectives d’interprétation du concept de patrimoine, Paris, L’Harmattan, 2006.
RIEGL A. et BOULET J., Le Culte moderne des monuments. Sa nature, ses origines, Paris, L’Harmattan, 2003.
BERCE F., Des monuments historiques au patrimoine du XVIIIe à nos jours, Paris, Flammarion, 2000.
GRAVARI-BARBAS M., « Le patrimoine territorial. Construction patrimoniale, construction territoriale : vers une
gouvernance », Dans BEAUCHARD J. (dir.), La Mosaïque territoriale, enjeux identitaires de la décentralisation, Paris, l’Aube, p.51-66.
En ligne. 8p. <http://carta.in2p3.fr/image/2004/gravari_barbas.pdf >. Consulté en mai 2008.
19
12
CHASTEL A. et BABALON J-P., op.cit.
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Introduction
célébré à travers eux. La notion de patrimoine mondial au sens de l’Organisation des
Nations-Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO), bien que plus tardive,
se révèle paradoxalement proche de cette vision. C’est « Le Patrimoine » qui a une essence
sacrée, quasi religieuse. Cette dernière s’exprime avec des interdits : interdiction de toucher,
20
de déplacer, de transformer. L’essentiel de leur sens se résume dans leur matérialité
. La crise de l’Etat-Nation met fin à ce projet national patrimonial en France. Au projet
national unique, fédérateur, centralisé et savant, s’est substituée toute une multitude de
projets parallèles menés par différents acteurs sociaux
donc la place à des « mémoires plurielles »
22
21
. La « mémoire nationale » cède
.
Un bien approprié
Dans les années 1970, les grands référents théoriques se désagrègent. Devant ce recul
de l’universel, dans un monde désenchanté et sécularisé où aucune valeur ne s’impose
vraiment
23
chaque objet, chaque évènement et chaque lieu affichent en toute légitimité une
potentialité, voire une prétention patrimoniale
24
25
. Cette extension de la notion de patrimoine
est synonyme pour Eugène Ollivier
d’un processus de « désagrégation du concept de
Monument Historique au profit de celui de patrimoine » qui a porté la « conception élitiste
et unificatrice du Monument Historique » à se fondre dans celle universaliste du patrimoine.
La logique subjective du patrimoine remplace dorénavant celle objective caractérisant le
26
Monument Historique . Cette rupture s’effectue dans un contexte d’éclatement de la famille
nucléaire traditionnelle. Tout comme le patrimoine, elle n’est plus une réalité biologique et
institutionnelle mais un mode de vie et un tissu affectif
paternelle » fait place à « l’autorité parentale »
28
27
. D’autre part, la « puissance
.
29
Cette nouvelle logique de construction du patrimoine est sociale, commune . Elle
résulte d’abord de la reconnaissance par des acteurs, que pour le groupe dont ils se
réclament appartenir, un objet ou un lieu prend un sens particulier à un moment donné, en
signifiant un rapport spécifique et collectif au passé ou au territoire. Ce type de patrimoine
prend tout son sens dans les rapports sociaux et se trouve à la base d’un échange
20
RAUTENBERG M., « Comment s'inventent de nouveaux patrimoines. Usages sociaux, pratiques institutionnelles et politiques
publiques en Savoie », Culture et Musées, numéro 1, 2003. pp.19-40.
21
22
GRAVARI-BARBAS M., op.cit.
LENIAUD J-M. et DELOCHE B., La culture des sans-culottes. Le premier dossier du patrimoine. 1789-1798, Paris, Editions
de Paris-les presses du Languedoc, 1989.
23
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26
27
28
BOURDIN A., Le patrimoine réinventé, Paris, Presses Universitaires de France, 1984.
DI MEO G., op.cit.
DESVALLEES A., « A l’origine du mot patrimoine », Dans POULOT D., Patrimoine et modernité, Paris, L’Harmattan, 1998.
GREFFE X., op.cit.
LAMY Y. (dir.), op.cit.
DOAT M. et REBOURG M. (dir.), op.cit.
29
RAUTENBERG M., op.cit.
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De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
économique ou symbolique avec le voisin. Dans cette optique, il peut se rapprocher du
sens originaire du patrimoine, à la différence qu’il comprend un champ d’objets patrimoniaux
beaucoup plus vaste. Ce patrimoine est donc « pragmatique »
parler au pluriel.
30
et il est plus juste d’en
En ce qui concerne la nature même de ce qui est transmis, une « dématérialisation
31
32
» du patrimoine apparaît. La question d’un « patrimoine immatériel » est ainsi étudiée .
Enfin, la patrimonialisation de la nature n’a cessé de progresser grâce au succès de sujets
33
comme le développement durable et la protection environnementale . Un site ou même
un paysage peuvent faire partie du patrimoine. Des précautions ont aussi été prises pour
protéger l’environnement autour de l’édifice protégé.
Pierre Nora utilise donc la notion de « construction patrimoniale par le bas », avec
des références identitaires multiples, pour la distinguer de la précédente, « une production
monumentale par le haut », en référence à l’identité nationale et aux élites
34
.
L’Etat semble avoir accompagné cette demande sociale et a légitimé l’élargissement
de la notion. Le terme de « patrimoine » se répand dans les institutions. En 1972,
l’UNESCO parle de « patrimoine mondial ». L’année 1980 est décrétée comme l’« année du
patrimoine ». Et en 1978, la « direction du patrimoine » est crée au Ministère de la Culture.
Cette nouvelle forme de construction patrimoniale apparaît donc plus fragile, plus mobile et
plus fluctuante. Sa valeur est essentiellement locale et contingente à une situation sociale
35
et historique donnée . Une prise de conscience a eu lieu sur le fait que la conservation
ne pouvait plus être fondée sur la qualité intrinsèque de la chose. Elle devait être fondée
dorénavant sur la capacité d’y reconnaître des valeurs esthétiques, historiques, scientifiques
et sociales. C’est désormais la société ou la communauté qui doit reconnaître les valeurs
sur lesquelles construire sa propre identité culturelle (Charte de Cracovie, 2000).
Les hésitations de l’analyse
C’est seulement dans le milieu des années 1970 que se développent des recherches
consacrées au patrimoine mais celles-ci portent encore principalement sur les Monuments
Historiques. Il faut attendre les années 1984-1987 pour que cela évolue, en particulier avec
les ouvrages d’Alain Chastel et Marc Guillaume
36
. Les années 1990 compléteront ces
approches en cherchant notamment à qualifier ou à expliquer l’extension du patrimoine
30
31
32
33
34
35
36
37
14
SHURSTERMAN R., Cité dans RAUTENBERG M., op.cit.
DI MEO G., op.cit.
JADE M., op.cit.
RAUTENBERG M., Campagne de tous nos désirs, Paris, Editions MSH, 2000.
NORA P., Les lieux de mémoire. Tome 3, Paris,Gallimard, 1992.
RAUTENBERG M., op.cit.
GUILLAUME M., La politique du patrimoine, Paris, Galilée, 1980.
POIRRIER P. et VADELORGE L. (dir.), op.cit.
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.
Introduction
Un phénomène critiqué
L’intérêt croissant porté au patrimoine fait l’objet d’une abondante littérature critique, de
la part non seulement des spécialistes mais aussi des sociologues. Lors de nombreux
colloques, journées d’études et séminaires, les chercheurs et acteurs approfondissent la
signification de l’extension du patrimoine. Cette extension de la patrimonialisation apparaît
déraisonnable pour certains. Elle reviendrait à une invasion de la société par un processus
de pétrification, d’immobilisme, de sclérose et de mise sous contrainte de la vie sociale
38
. Le patrimoine peut aussi devenir un banal objet de consommation pour un tourisme
de masse ou un objet victime des modes. La nouvelle vision du patrimoine renvoie à des
stratégies qui appellent la nécessité d'une éthique
39
.
Les politiques patrimoniales contemporaines sont aussi visées. Le manque de moyens
pour répondre aux intentions unitaires pour lesquelles elles ont été créées est critiqué.
40
« La balkanisation du patrimoine » est dénoncée . D’autres éveillent, au contraire, sur le
fait que les politiques patrimoniales peuvent prendre appui sur des traditions construites.
Elles semblent anciennes ou se proclament comme telles, mais elles ont souvent une
41
origine très récente et sont parfois inventées . La politique patrimoniale est comparée
par d’autres comme à une politique au sens traditionnelle du terme, c'est-à-dire un « art
de paître le bétail humain, aujourd’hui égaré et ramené dans le champ rassurant d’une
fiction : celle d’une société qui saurait mieux que les autres, concilier la continuité et le
42
changement, la conservation et la création » . Un conflit apparaît entre une démarche
exclusivement scientifique et un point de vue strictement social, entre « élitisme » d’une part
et « populisme » de l’autre
43
.
Un phénomène analysé
En parallèle à cette posture, il existe une autre démarche qui cherche plutôt à décrire et à
comprendre le processus de patrimonialisation. Elle aborde les faits sans les juger. Cette
44
« bienveillante neutralité »
cherche à saisir la logique sous-jacente des pratiques. Le
patrimoine devient un fait social à étudier. Certains utilisent même la notion controversée
de « patrimoine ethnologique »
45
. Le patrimoine est le résultat d’un tri dans la production
humaine, ou en d’autres termes d’une convention
38
39
46
. Par conséquent, un objet rentre dans
JEUDY P., Patrimoines en folie, Paris, Editions MSH, 1990.
Ibid.
40
41
LENIAUD J-M., L’Utopie française. Essai sur le patrimoine, Paris, Mengés, 1992.
HOBSBAWN E., « Inventer des traditions », Revue Enquête, Usages de la tradition numéro 2, 1995. pp.171-189 En ligne.
<http://enquete.revues.org/document319.html> Consulté en mai 2008.
42
43
44
45
46
GUILLAUME M., op.cit.
AUDRERIE D. et PRIEUR M., Les monuments historiques, un nouvel enjeu ?, Paris, L’Harmattan, 2004.
DAVALLON J., « Comment se fabrique le patrimoine ? », Sciences Humaines, Hors-série numéro 36, Mars-Avril-Mai 2002.
CHIVA I., Dans FABRE D, L’Europe entre culture et nations, Paris, MSH, 1996.
LENIAUD J-M., op.cit.
Delescluse Juliette - 2008
15
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
le patrimoine dès qu’il perd sa valeur d’usage pour se voir affecter une valeur patrimoniale.
Cette logique a été comparée par certains à ce qu’appelle Umberto Eco : « une logique de
trouvaille »
47
. Comme le résume André Chastel : « le patrimoine se reconnaît au fait que
sa perte constitue un sacrifice et que sa conservation suppose des sacrifices »
48
.
Il semble ne pas exister de patrimoine hors de processus complexes de désignation et
d’appropriation. Aucune intervention n’est donc possible sans la compréhension précise des
49
processus sociaux par lesquels une société produit son patrimoine . Yvon Lamy précise
la nature fondatrice des séquences juridiques de 1830, 1913 et 1964. Mais il propose aussi
de distinguer « patrimoine » et « objet patrimonial »
50
.
La prise de conscience d’un nouvel objet d’étude
Différents champs d’analyse questionnent l’objet d’étude nouveau qu’est devenu
le patrimoine. Les auteurs tentent d’abord d’établir différentes périodisations du
développement du fait patrimonial (dans les institutions notamment). D’autre part, les
chercheurs questionnent toujours plus les rapports entre mémoire, histoire et patrimoine. La
territorialisation des pratiques patrimoniales est aussi développée dans les études. Enfin, le
consensus scientifique porte sur la notion d’ « invention » voire de réinvention perpétuelle
du patrimoine à travers la patrimonialisation
51
.
Périodisation et patrimoine. Des moments Guizot (1830) et Malraux (1960) sont
distingués. Entre les deux, apparaissent des grandes lois républicaines protégeant le
patrimoine monumental (1887 et 1913) et les sites naturels (1906 et 1913). D’autres
séquences historiques moins connues que la période révolutionnaire sont étudiées, comme
la fin de l’Empire (1810-1815) et la Restauration (1815-1830)
52
.
Mémoire et patrimoine. L’œuvre de Pierre Nora se distingue dans la masse
53
bibliographique . Entre 1984 et 1993 paraissent à son initiative les différents tomes intitulés
Les lieux de mémoire. Le mot fera son entrée en 1993 dans le dictionnaire Le Grand Robert
de la langue française. Ainsi selon Pierre Nora : « un lieu de mémoire dans tous le sens
du mot va de l’objet le plus matériel et concret, éventuellement géographiquement situé, à
54
l’objet le plus abstrait et intellectuellement construit » . Il devient donc lieu de mémoire
quand une communauté l’investit de son affect pour qu’il échappe à l’oubli, en particulier
47
48
UMBERTO E., Cité dans DAVALLON J., op.cit.
CHASTEL A. et BABALON J-P., op.cit.
49
50
51
LAMY Y. (dir.), op.cit.
POIRRIER P. et VADELORGE L. (dir.), op.cit.
52
53
54
16
RAUTENBERG M., op.cit.
Ibid.
Ibid.
NORA P., op.cit.
Delescluse Juliette - 2008
Introduction
55
dans un contexte de crise de la modernité . Les travaux de Maurice Halbwachs démontrent
la pertinence de la notion de mémoire et en particulier de mémoire collective dans l’analyse
des phénomènes sociaux
56
.
Territoire et patrimoine. La « parenté conceptuelle » entre patrimoine et territoire
57
est soulignée. La patrimonialisation crée, redéfinit ou renforce les territoires . Ceci est
d’autant plus vrai depuis les lois sur la décentralisation. Dans cette optique, certains auteurs
proposent de développer la question de la gouvernance patrimoniale. Cette idée se base
sur le fait que dans la patrimonialisation participent désormais une multitude d’acteurs à
côté de l’Etat central et des collectivités territoriales. Elle impliquerait l’idée d’un projet
patrimonial global sur un territoire, intégrant les populations et dépassant le « fétichisme du
58
tout patrimoine » . L’histoire du patrimoine et l’histoire de l’urbanisme sont articulées dans
le sens où l’une et l’autre sont des manières de faire la ville et ne peuvent être dissociées
59
. Enfin, la construction patrimoniale apparaît intiment liée à des enjeux d’appropriation
de l’espace
60
.
Patrimoine et patrimonialisation
61
Trois étapes caractérisent en général la naissance d’un patrimoine
. Tout d’abord, la
société crée spontanément ce dont elle a besoin. C’est la première étape. L’étape suivante
consiste en une prise de conscience, qui place hors du champ utilitaire initial l’objet
produit précédemment. Enfin, la dernière étape est celle où l’objet a conquis une identité
patrimoniale qui justifie de son statut de gestion collective. Ce processus d’affectation d’une
valeur patrimoniale au terme d’un processus d’adoption s’appelle une « appropriation ».
Cette appropriation se fait selon certains critères appliqués par des « médiateurs »
63
62
ou
des « entrepreneurs du patrimoine » . L’application des critères donne lieu au phénomène
de patrimonialisation. En d’autres termes, c’est entre la deuxième et la troisième étape
que naît le patrimoine. Ce mécanisme est comparé au processus de « filiation inversée »
64
qui consiste à ce que les héritiers choisissent de facto ce qu’ils ont hérité. Mêlant
des acteurs variés et des contextes sociaux tant idéologiques, politiques, économiques
que territorialisés, la production patrimoniale devient un objet d’étude, dénué de tout
55
56
57
58
59
60
61
62
63
64
DI MEO G., op.cit.
HALBWACHS M., Cité dans RAUTENBERG M., La rupture patrimoniale, Paris, Editions A la croisée, 2003.
DI MEO G., op.cit.
GRAVARI-BARBAS M., op.cit.
CHOAY F., L’allégorie du patrimoine, Paris, Seuil, 1992.
GRAVARI-BARBAS M., op.cit.
COLARDELLE M., Cité dans GREFFE X., op.cit.
LENIAUD J-M., op.cit.
BOURDIN A. parle d’ « entrepreneurs de localisation ». Paraphrasé dans GRAVARI-BARBAS M., op.cit.
LENCLUD G., Cité dans DAVALLON J., Nouveaux regards sur le patrimoine, Arles, Actes Sud, 2003.
Delescluse Juliette - 2008
17
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
jugement critique. C’est cette dernière approche qui me parait la plus pertinente et la
65
plus aboutie. Ainsi selon Michel Rautenberg , l’appropriation de la notion de patrimoine
par les sciences humaines a conduit à un renouvellement de l’approche du patrimoine.
C’est donc l’ensemble des usages sociaux du patrimoine qu’il est fructueux de prendre en
considération. Notamment parce qu’il constitue assurément un lieu privilégié pour interroger
66
le rapport que les sociétés modernes entretiennent à elles-mêmes . Et en particulier dans
le cas qui nous intéresse, le rapport que certains acteurs développent à leur ville.
Patrimonialiser le souterrain ?
Nous étudierons la tentative de construction d’un objet patrimonial par la mobilisation de
différents acteurs aux représentations et aux stratégies différentes. Nous chercherons à
cerner comment cette construction s’insère dans un contexte particulier qui est le contexte
urbain avec un objet patrimonial lui aussi spécifique : un réseau souterrain méconnu par
les Lyonnais. Nous nous questionnerons sur les types d’interactions créés autour de cet
objet. A savoir si elles sont le reflet d’interactions pouvant se dérouler à la surface ou si
elles ont leurs logiques propres, en tant que situation parallèle mais non semblable du fait
de l’illégalité d’accès aux souterrains. Nous chercherons à comprendre si elles sont pour
autant opposées car situées dans une situation où l’illégalité fait partie de la mobilisation.
L’exploration du terrain
Notre étude repose avant tout sur un travail de terrain. La méthode utilisée est proche d’un
67
modèle d’investigation : le « paradigme indiciaire » de Carlo Ginzburg . Le détective lit
sur le cadavre tous les indices susceptibles de reconstituer une identité, une temporalité,
les circonstances de la mort et tente de détecter les traces laissées par le criminel. Cette
méthode peut s’utiliser en sociologie pour cerner les différents protagonistes, reconstituer
des représentations, des logiques et un processus. Tout cela est fait à partir d’indices, de
« traces ». Suivant cette méthode, nous avons cerné les différents acteurs gravitant autour
de la situation et nous les avons rencontrés pour suivre ensuite d’autres pistes et élargir le
champ de notre étude. Mais avant cela, il a d’abord fallu aborder le monde du souterrain
dans ses aspects scientifiques et historiques. Cela a été fait dans un premier temps grâce
à quelques ouvrages spécialisés sur la question. Et ensuite surtout au fur et à mesure sur
le terrain.
65
RAUTENBERG M., « Comment s'inventent de nouveaux patrimoines. Usages sociaux, pratiques institutionnelles et politiques
publiques en Savoie », op.cit.
66
BABADZAN A., « Les usages sociaux du patrimoine », Ethnologies comparées, Numéro 2, printemps 2001. En ligne. < http://
recherche.univ-montp3.fr/mambo/cerce/r2/a.b.htm> Consulté en mai 2008.
67
THOUARD D., L’interprétation des indices - Enquête sur le paradigme indiciaire avec Carlo Ginzburg, Villeneuve d’Ascq, Presses
universitaires du Septentrion, 2007.
18
Delescluse Juliette - 2008
Introduction
L’entrée sur le terrain s’est déroulée grâce à la méthode de l’ « observation
participante ». Cette méthode est théorisée par l’ethnologue polonais Bronislaw Malinowski
qui s’était inséré plusieurs années au sein des sociétés mélanésiennes. Elle sera, entre
autres, diffusée par l’Ecole de Chicago. La ville est vue comme une sorte de « laboratoire
68
social »
. Afin de se faire accepter dans les différents groupes et en particulier chez
les cataphiles, il s’est agi avant tout de créer un climat de confiance sincère avec un
acteur central du groupe. Il nous a ainsi permis d’entrer légitimement dans le groupe. Cette
confiance nous l’avons notamment obtenu en aidant concrètement à la préservation des
arêtes de poisson. Il a donc été nécessaire de remettre sans cesse en question cette
implication afin de garder, comme le dit Max Weber, une certaine « neutralité axiologique »
69
. Mais cependant il a fallu veiller en permanence à alimenter la relation avec notre
« informateur ».
Les différents entretiens ont été faits sur le mode semi-directif. Un certain nombre
de thèmes à aborder étaient prédéterminés en amont. Les premiers entretiens avaient
avant tout pour but la connaissance du terrain. Par la suite, ils ont consisté à mieux cerner
les représentations des différents acteurs, en particulier sur le patrimoine. Nous avons pu
participer aux diverses réunions réunissant les nombreux acteurs grâce à notre implication
dans la préservation. Il a fallu gérer lors de ces réunions les positions variables que nous
avions pu avoir avec les multiples acteurs. Pour cela, un journal d’enquête a été tenu afin de
se remémorer ces différents statuts. Les acteurs peuvent se décliner en plusieurs groupes :
1. Les « cataphiles » avec les multiples « tendances » au sein de ce groupe.
2. Les « responsables » de la construction du nouveau tube de sécurité dans le cadre
de la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse.
3. Les « institutionnels » municipaux chargés du patrimoine et des sites historiques
lyonnais. Ainsi que les instances de la « démocratie participative ».
4. Les différents « associatifs » défendant la préservation du patrimoine lyonnais.
5. Les « experts » de la Direction Régionale des Affaires Culturelle (DRAC) et les
archéologues du service archéologique de la ville de Lyon.
D’autre part, la recherche de sources aussi variées que possible a aussi fait partie de notre
travail de terrain. Les sources journalistiques ont été recherchées sur le sujet depuis les
années 1980. Une revue de presse a aussi été faite dès les débuts de la mobilisation
(septembre 2007). Il s’est aussi agi de collecter un maximum de sources pouvant provenir
des différents acteurs. Enfin, les archives municipales et celles du Grand Lyon ont été
utilisées. Mais cependant, le travail de terrain a été privilégié afin d’appréhender au mieux
les différentes interactions, représentations et logiques en train de s’élaborer à une période
donnée. Il a fallu observer les détails pour fonder une recherche. C’est donc en conclusion
70
selon la méthode de « l’ethnographie sociologique »
fondée sur l’observation, l’entretien
ethnographique et l’analyse des « matériaux » officiels et officieux des acteurs que nous
avons effectué notre recherche. Ce mémoire se veut donc l’illustration d’une situation
particulière tant au niveau géographique, que temporel ou matériel. Il reste dans cette
optique le récit d’un moment.
68
69
GRAFMEYER Y. et JOSEPH I., L’Ecole de Chicago. Naissance de l’écologie urbaine. Paris, Aubier, 1984.
WEBER M., Le savant et le politique, Union générale d’éditions, Paris, Collection 10/18, 1997, cop.1963. En ligne. 98p.
<http://classiques.uqac.ca/classiques/Weber/weber_max.html> Consulté en mai 2008.
70
BEAUD S. et WEBER F., Guide de l’enquête de terrain, Paris, La Découverte, 1997, pp. 291-314.
Delescluse Juliette - 2008
19
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Mise en jambe
Nos hypothèses de départ ont été que malgré les divergences entre les acteurs, un
consensus entre leurs représentations, logiques et stratégies existait. Il a fallu le déterminer.
Au cas où un consensus n’émergeait pas, des profils communs devaient exister au sein des
différents acteurs. D’autre part, il semble que les logiques mobilisées autour des souterrains
ne pouvaient pas être que l’opposé strict de la réalité en surface malgré l’illégalité. Elles ont
sûrement une logique propre mais ont un trait commun : la préservation d’un patrimoine
qui malgré tout, se fait selon des codes, processus et normes déterminés et intégrés.
Cependant, ce sont sûrement des manières qui ont leur particularité propre dans un contexte
urbain.
Notre étude se déclinera en trois aspects principaux. Le souterrain est largement
considéré comme un lieu méconnu sous la ville qu’il convient de sécuriser. Pour les
cataphiles, c’est aussi un lieu d’exploration spatiale, imaginaire et historique (Partie 1).
Une brèche est ouverte à partir de l’automne 2007 lorsque les cataphiles tentent de se
mobiliser de diverses manières pour préserver de la menace le réseau souterrain des
arêtes de poisson. Cette tentative de patrimonialisation du souterrain se heurte à des
réalités sociologiques, urbanistiques et patrimoniales (Partie 2). Finalement, c’est une
patrimonialisation particulière qui voit le jour autour des arêtes de poisson, du fait notamment
de la rencontre entre les différents acteurs (Partie 3).
20
Delescluse Juliette - 2008
Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain
Partie 1 Une trame particularisée : le
souterrain sous l’urbain
« Je regardais autour de moi. Nous étions au centre d’un carrefour, auquel deux
routes venaient aboutir, toutes deux sombres et étroites. Laquelle convenait-il de
prendre ? » Jules Verne, Voyage au centre de la terre, Chapitre VII
Photo : Superflux.
La ville privilégie ses atouts extérieurs. Le promeneur qui la traverse remarque en
premier lieu ses monuments, ses formes et ses couleurs. Il ne se rend pas compte que
sous ses pieds sont enfouis des lieux discrets, invisibles et quasiment inaccessibles. Ainsi,
« les espaces souterrains ont ceci de particulier qu’ils ne se livrent pas avec évidence »
71
. Les souterrains lyonnais ont souvent fait part de leur existence de manière fortuite.
La sécurisation du sous-sol lyonnais reste une priorité pour les pouvoirs publics. Cette
sécurisation se fait non seulement en termes techniques mais aussi en termes de fermeture
d’accès (Chapitre 1). La vision utilitaire du sous-sol lyonnais est estompée dans l’esprit des
cataphiles lyonnais pour laisser la place à un regard de passionnés. De fait, le souterrain
devient pour eux un lieu d’explorations illégales (Chapitre 2).
71
VON MEISS P. et RADU F. (dir.), Vingt mille lieux sous les terres : Espaces publics souterrains, Lausanne, Presses
polytechniques et universitaires romandes, 2004, p.12.
Delescluse Juliette - 2008
21
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Chapitre 1 Une visibilité limitée : spécialisation,
interdiction et utilisation pratique du souterrain
Suite à divers incidents, les pouvoirs publics locaux ont pris en charge dès 1930 la mission
de sécuriser les galeries lyonnaises (I). Par la suite, ils ont décidé en 1989 de limiter à des
spécialistes l’accès au réseau (II). Ainsi les souterrains restent non visibles pour la majorité
des Lyonnais. Le sous-sol lyonnais est une marge de la ville. Il n’est principalement vu que
dans son aspect utilitaire (III).
I/ L’expertise comme réponse à une prise de conscience tragique de
l’existence des souterrains
Après des années d’oubli, les Lyonnais redécouvrent tragiquement les galeries souterraines
de la ville avec la catastrophe de Fourvière qui se produit dans la nuit du 12 au 13 novembre
1930. Cet événement fait trente-neuf victimes et va marquer durablement l’inconscient
lyonnais (A). L’entretien des réseaux de galeries va ainsi devenir une nouvelle mission
pour les pouvoirs publics locaux (B). Une mission qui reste pour certains non dénuée de
questionnements (C).
A. Les lyonnais hantés par l’instabilité de leur sous-sol : les souterrains
comme sources de dangers
Le sous-sol lyonnais apparaît comme hostile en partie du fait de la succession d’accidents
dont il est à l’origine. Le premier de ces accidents est le plus cité. Il sert régulièrement
d’illustration à cette affirmation.
La catastrophe de Fourvière : un traumatisme qui marque la redécouverte
des galeries souterraines lyonnaises
La catastrophe de Fourvière se déroule en deux temps. Elle débute tout d’abord avec la
rupture du mur de soutènement du Chemin-neuf placé en bas du jardin des Chazeaux.
Celui-ci a cédé sous la pression du terrain gonflé par les eaux avant de s’abattre sur
l’immeuble situé au numéro 5 de la montée du Chemin-neuf. Les dégâts sont surtout
matériels. Les pompiers se trouvent rapidement sur les lieux pour sortir les blessés des
décombres. Mais tout à coup, deuxième temps de la catastrophe, une nouvelle partie du
flanc de la colline se détache et balaie tout sur son passage. La colline est marquée par
l’éboulement sur quatre cents mètres de longueur et deux cents mètres de large. Cette
seconde coulée sera la plus meurtrière.
Vue de l’éboulement de puis la Place Saint-Jean.
22
Delescluse Juliette - 2008
Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain
Photo : Archives municipales.
La catastrophe de Fourvière est mentionnée dans la majorité des articles portant sur les
souterrains lyonnais. Dans un premier temps, l’ampleur des dégâts et des pertes humaines
72
est rappelée. C’est ainsi un cinquième de l’effectif des pompiers de l’époque qui meurt
. Mais dans un second temps et principalement, un vocabulaire spécifique est utilisé pour
décrire les réseaux de galeries qui parcourent la ville. Trois champs lexicaux se distinguent :
Le champ lexical de l’énigmatique. On parle d’un « monde mystérieux »
« monde secret sous la ville »
inconnues »
72
75
74
73
et d’un
. Ce sont aussi de nombreuses « caves et cavités
.
LANDRON P.Y., « Lyon underground », Points d’actu de la Bibliothèque municipale de Lyon, 14/10/2007. En ligne. < http://
www.pointsdactu.org/article.php3?id_article=960>. Consulté en mai 2008.
73
BARBIER C., «Les galeries souterraines : un monde mystérieux», Côté cour Côté jardin (Le magazine du personnel de la
communauté urbaine de Lyon), n°16, novembre 1992. (Archives du Grand Lyon 0010 PER 180).
Delescluse Juliette - 2008
23
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Le champ lexical de l’insondable, au sens d’un phénomène dont on ne peut atteindre
le fond. C’est ainsi un « réseau compliqué, dense »
76
Voire même, au pluriel : « des réseaux inextricables »
« labyrinthe »
79
78
qui constitue le sous-sol lyonnais.
77
. Enfin, c’est aussi un véritable
.
Le champ lexical du danger. Les Lyonnais sont victimes d’un « héritage empoisonné »
. Les souterrains sont « une termitière encore menaçante pour la ville du dessus »
80
.
La catastrophe de Fourvière permet donc de découvrir à nouveau ce « gruyère »
pendant longtemps tombé dans l’oubli mais pourtant au cœur de la ville.
81
A la recherche des responsabilités: comment qualifier juridiquement ce
nouvel espace ?
Une fois la surprise du drame passée, les questionnements portent principalement sur le
caractère prévisible ou non de cette catastrophe. Il faut attendre 1952 pour qu’une note
remise au Maire de Lyon Edouard Herriot attribue les responsabilités de la catastrophe
à « l’affouillement de la colline dû à des infiltrations d’eau. Une étude entreprise par des
experts permit de déceler la présence de plusieurs nappes aquifères et de galeries très
82
anciennes, la plupart effondrées » . C’est l’effondrement de ces galeries qui a empêché
l’évacuation correcte de l’eau provenant du sous-sol de la colline. La pression de l’eau
accumulée a fini par provoquer une rupture du mur de soutènement et l’éboulement d’un
flanc de colline. Une prise de conscience se produit avec ce drame : le non entretien des
galeries souterraines peut devenir un réel danger pour la sécurité publique.
La question de la propriété de ces galeries est juridiquement assez floue. Aucune
législation n’indique clairement à qui elles appartiennent. C’est dans la jurisprudence que
l’on trouve les prémices d’une qualification juridique. L’arrêt du Conseil d’Etat de décembre
83
1971
(confirmant le rejet de la requête par le tribunal administratif de Lyon de décembre
1968) considère que malgré le fait que la ville de Lyon ait fait exécuter des travaux
confortatifs dans des galeries situées à une dizaine de mètres de profondeur à l’état
d’abandon (sous des immeubles privatifs ou sous la voie publique), cela ne les a pas
transformé en « ouvrages publics ». Les galeries sont ainsi des « Regis nulli », c'est-à-dire
74
« Les entrailles de Lyon : un labyrinthe secret et dangereux », Courly-informations (Journal d’information de la communauté
urbaine de Lyon), n°27, septembre 1982. (Archives du Grand Lyon 0012 PER 027).
75
Note géotechnique de la Commission des balmes de Lyon, réalisée par N. Mongereau et L. Vinet en avril 2004. En ligne.
18p. < www.lyon.fr/static/vdl/contenu/securite/balmes/notegeotech.pdf?&view_zoom=1 > Consulté en mai 2008.
76
77
78
79
80
81
82
« Les entrailles de Lyon : un labyrinthe secret et dangereux », cf.supra.
Ibid.
Ibid.
Une expression de C. Barbier dans : BOUCHER S. et MAILHES F., cf.supra.
BARBIER C., cf.supra.
BARBIER C., Les souterrains de Lyon. Editions Verso, Lyon, 1994.
83
24
BOUCHER S. et MAILHES F., « Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon, 05/05/2006.
Décision du Conseil d'Etat du 17 décembre 1971, numéro 77103 77104 77105 77211.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain
« les choses de personne ». La responsabilité des services municipaux qui interviennent
dans ces galeries n’est donc pas engagée. En poussant le raisonnement à l’extrême, ils ne
sont même pas tenus d’intervenir. D’autre part, pour régler le problème de la responsabilité,
84
la Cour administrative d’appel de Lyon stipule en mai 1991
que du fait de l’ancienneté
et la profondeur des galeries, leur effondrement doit être considéré comme un « accident
naturel quels que soient les propriétaires ». Néanmoins, comme l’a confirmé la catastrophe
de Fourvière, les galeries non entretenues représentent un danger non négligeable pour la
stabilité des collines lyonnaises. Il s’agit donc pour les pouvoirs publics de prendre en charge
85
« les opérations nécessaires au bon état des sous-sols lyonnais » . En d’autres termes,
cela signifie en assumer la responsabilité et se substituer aux propriétaires qui n’auraient
en « aucun cas » les moyens d’effectuer cette tâche
87
86
.
Les cataphiles connaissent la jurisprudence vue précédemment, sur le bout des doigts
. Pour certains, le « flou juridique » qui existe autour de la propriété de ces galeries
88
permet au « Grand Lyon de faire la loi » . Et par conséquent, de posséder une sorte
d’impunité juridique. Mais au delà des conflits de propriété et/ou de responsabilité, l’entretien
des galeries devient implicitement une nouvelle prérogative à assumer pour les pouvoirs
publics.
B. Une nouvelle mission pour les pouvoirs publics : maîtriser les aléas du
sous-sol lyonnais
La Commission des balmes est créée par la municipalité lyonnaise dans un contexte
d’insécurité et d’interrogations. Une structure compétente est mise en place pour « éviter
89
que l’on ait tous ces incidents » . Le service galeries du Grand Lyon élargira par la suite au
niveau de la communauté urbaine cette volonté de prévention des risques liés au sous-sol.
Un élargissement des missions de la Commission des balmes au rythme des
incidents
Quelques jours après la catastrophe de Fourvière, avec les arrêtés municipaux des 13 et
19 novembre 1930, une commission est créée pour déterminer les causes du sinistre. Elle
est aussi chargée de vérifier la solidité des immeubles signalés comme pouvant présenter
des risques pour la sécurité publique. Sa mission est élargie à la surveillance des terrains
par un arrêté municipal du 24 mars 1951. Son rôle est par la suite relancé avec l’arrêté
municipal du 27 juin 1977 qui fait suite à un nouvel incident cours d’Herbouville faisant
trois morts. Dans les mois qui suivent, des diagnostics globaux et des cartes des zones à
risques sur la commune sont réalisés. Deux arrêtés du Maire de Lyon vont compléter la
réglementation sur la prévention des risques liés au sous-sol lyonnais. L’arrêté du 2 mai
84
85
86
87
Décision de la Cour administrative d’appel de Lyon (1ère chambre) du 21 mai 1991, numéro 90LY00406.
« Les entrailles de Lyon : un labyrinthe secret et dangereux », cf.supra.
Entretien n ° 12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, le 12/02/2008, dans son bureau.
Entretien n° 3 avec un cataphile membre de l’OCRA, le 16/11/2007, chez lui. Ainsi que l’entretien n°2 avec un cataphile à
l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », le 09/11/2007, restaurant universitaire de la Manufacture des tabacs (Lyon III).
88
89
Entretien n° 1 avec J.-L. Chavent, le 09/11/2007, chez lui.
Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
25
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
1994 rappelle les différentes obligations incombant à tout propriétaire d’un terrain ou d’un
mur de soutènement. Le second, du 16 mars 1999, indique que tous les travaux réalisés
dans les zones à risques géotechniques déterminées doivent recueillir, avant le début des
travaux, l’avis favorable de la « Commission des balmes ». Ces travaux doivent respecter
des conditions particulières décrites dans l’arrêté. La balme désigne tout coteau escarpé,
90
pente ou talus. Dans la région lyonnaise, 2500 hectares sont concernés . Ces zones qui
connaissent des glissements et des éboulements naturels sont d’autant plus fragilisées par
le développement urbain moderne. Elles le sont plus particulièrement avec les nombreuses
adductions d’eau.
Carte des zones à risques géologiques naturels.
Source : Commission des balmes.
La Commission est essentiellement composée d’experts en géotechnique et en
géologie, d’ingénieurs et de techniciens du service des balmes de la ville de Lyon. Sa
90
26
Rubrique des balmes et collines lyonnaises sur le site Internet de la ville de Lyon: < http://www.lyon.fr >
Delescluse Juliette - 2008
Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain
composition a été par la suite élargie au service galeries du Grand Lyon. Elle se réunit une
fois par mois pour donner son avis concernant la délivrance des permis de construire sur
les zones à risque. Son avis est suivi ou non par le maire de Lyon
92
91
. En principe, ce dernier
suit cet avis . Le service sécurité des balmes est, quant à lui, un service spécifique qui
se dit « à l’écoute de la population et procède à de nombreuses visites préventives sur le
terrain »
93
. La surveillance des balmes lyonnaises est ainsi mise en avant comme une
mesure centrale dans la gestion des risques à Lyon
94
.
Le service galeries du Grand Lyon : un nouvel acteur dans la sécurisation du
sous-sol lyonnais
Le service galeries du Grand Lyon a permis d’élargir la surveillance des réseaux souterrains
au niveau de la communauté urbaine. Ce service dépend du service assainissement du
Grand Lyon. Il se définit plutôt comme responsable de l’exécution de travaux spécifiques
dans les galeries, alors qu’il considère « les Balmes » comme s’occupant plutôt des
« relations avec les riverains qui les alertent »
95
.
L’argument sécuritaire est régulièrement mis en avant pour justifier la mission du service
galeries du Grand Lyon. Il est repris par les membres du service eux-mêmes, ceci quelle
que soit l’époque. Qualifiés de « veilleurs des souterrains »
97
96
, ils disent travailler « pour
la sécurité publique, la sécurité des gens »
. Cette mission passe notamment par un
« effort maintenu » de veille afin d’éviter les grandes catastrophes et autres événements
98
graves passés. Ceux-ci servent de références dans leur mission. Il s’agit d’effectuer des
contrôles périodiques sur l’ensemble des galeries connues des communes du Grand Lyon.
Trois personnes sont en permanence sur le terrain
sont souvent qualifiés d’être « le ventre »
100
99
. Alors que les réseaux souterrains
, « les entrailles »
101
le service galeries s’attache à faire, selon ses mots, « l’état de santé»
91
92
93
ou le cœur de Lyon,
102
du réseau. Se
Entretien n° 12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf. supra.
Ibid.
Notice d’information sur les risques naturels et technologiques de la commune de Lyon, réalisée durant le mandat du Maire
de Lyon Raymond Barre.
94
95
Ibid.
Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra.
96
BARBIER C., « Direction de l’eau : les veilleurs de souterrains », Côté cour Côté jardin (Le magazine du personnel de la
communauté urbaine de Lyon), novembre 1996. (Archives du Grand Lyon 0010 PER 226).
97
98
99
100
101
102
Entretien n° 12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra.
Ibid.
Ibid.
BARBIER C., Voyage au ventre de Lyon, Paris, J-M. Laffont éditeur, 1981.
« Les entrailles de Lyon : un labyrinthe secret et dangereux », cf.supra.
Entretien n° 12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
27
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
définissant comme un « comité d’experts»
103
104
, ils se veulent compétents pour la gestion
du risque. Ils se disent discrets
, du fait de leur mission qui par définition n’est que peu
visible car elle se déroule sous terre. D’autre part, leur discrétion répond à un impératif de
sécurité car selon eux les souterrains pourraient se révéler le lieu parfait pour une attaque
105
106
terroriste
. Ils ont dû ainsi parfois « veiller à la sécurité des grands de ce monde
».
Deux exemples sont souvent cités. Les souterrains qui se trouvaient sous le parcours du
cortège du pape Jean�Paul II lors de sa visite en 1986 ont été inspectés. Il en a été de
107
même lors de la tenue du G7 à Lyon en 1996 . C’est donc bien un « métier pour la sécurité
et non pas pour la distraction ». Pour toutes ces raisons, il se trouve être « bien prenant,
spécifique et intéressant »
108
.
L’importance de cette mission permet de justifier l’ampleur des moyens mis en œuvre.
En effet, la rénovation d’anciennes galeries coûte cher, voire plus cher que de créer un
109
ouvrage neuf de même gabarit
. La notion du temps n’est pas la même que dans les cas
de chantiers classiques. Rien ne peut être planifié dans l’année car tout dépend du nombre
de galeries découvertes et de leur état. D’autre part, la durée d’un chantier est souvent
110
inconnue
. Ainsi le budget 2008 du Grand Lyon voté le 21 décembre 2007, attribue
5,7 millions d’Euros de dépenses pour l’entretien des galeries drainantes et ruisseaux de
111
l’agglomération
. L’importance des coûts est telle que déjà en 1968, dans un rapport de
voirie des services techniques de la ville de Lyon, la question est posée de savoir qui doit
véritablement les prendre en charge
112
.
L’entretien des galeries passe par deux tâches principales : la mise au gabarit des
galeries découvertes et la recherche de galeries inconnues. La mise au gabarit s’insère
dans le processus de dégagement et de renforcement des anciennes galeries souterraines
découvertes la plupart du temps lors d’incidents comme par exemple des fontis. Un fontis
113
est « un vide qui vient du sous-sol et qui remonte à la surface
». Les galeries découvertes
sont parfois en pierres ou en briques, le plus souvent elles sont directement creusées dans
103
104
105
106
107
108
109
110
111
Ibid.
BARBIER C., cf.supra.
Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra.
BARBIER C., cf.supra.
Ibid.
Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra.
« Les entrailles de Lyon : un labyrinthe secret et dangereux », cf.supra.
BARBIER C., cf.supra.
Budget 2008 du Grand Lyon dans les publications sur les finances du site Internet de la communauté urbaine : < http://
www.grandlyon.com/Publications-sur-les-finances.519.0.html >
112
Rapport des services techniques de la ville de Lyon relatif aux travaux dans les galeries souterraines (service de voirie
assainissement), décembre 1968. (Archives du Grand Lyon 1907 WO 14).
113
28
Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain
le terrain naturel et c’est là le plus problématique
114
reconnaître et entretenir les galeries de drainage »
majoritairement avec du béton
116
. C’est cependant une « nécessité de
115
. A cet effet, la galerie est renforcée,
. Les cataphiles regrettent cette façon de faire qui est
117
devenue, selon eux, « un classique »
. Ainsi, « ils ne savent faire que ça ! », déplore un
cataphile, « la galerie elle ne ressemble plus à rien, en fait elle ressemble aux autres et c’est
ça qui est terrible
118
». La pénibilité et la technicité du travail sont souvent associées aux
travaux souterrains. Les conditions de travail difficiles
à celles « d’une mine »
120
119
vont même jusqu’à être comparées
. Ce sont aussi « des travaux de spécialistes »
pour cela délégués à des entreprises « qualifiées »
123
122
121
qui doivent être
. Il ne faut pas, pour le service galeries,
travailler avec « n’importe qui »
. Une expérience est nécessaire. Ainsi, les employés du
service galeries ont acquis selon eux des technicités, expériences et capacités pour faire
ces travaux (notamment du fait de leur expérience pour certains au service des eaux de
la communauté urbaine). A l’opposé, les cataphiles « ne connaissent pas suffisamment la
problématique de ces travaux et font donc courir des faux bruits »
124
. Notamment parce
qu’ils ne réalisent pas que ces travaux peuvent « vite devenir dangereux »
de chantiers qui frôlent l’accident illustrent ces propos.
125
. Les exemples
Chantier de renforcement de galeries.
114
115
Ibid.
Bulletin officiel de la Communauté urbaine de Lyon, « Le réseau des galeries de drainage en sous-sol des collines de la
Croix-Rousse et de Fourvière », juin 1975. (Archives du Grand Lyon 2724 W 032).
116
Entretien n° 5 avec un salarié intérimaire d’une entreprise mandatée par le Grand Lyon pour le confortement des galeries
souterraines, 05/12/2007, chantier sur la colline de Fourvière.
117
Séance d’observation n°8: rencontre entre un cataphile, deux archéologues du service archéologique de la ville de Lyon, un
archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et une responsable du service de l’inventaire, le 19/03/2008,
à la DRAC.
118
119
120
121
122
123
124
125
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
BARBIER C., «Les galeries souterraines : un monde mystérieux», cf.supra.
« Voyage au-dessous de la ville », Le Progrès, 13/04/1999.
« Les entrailles de Lyon : un labyrinthe secret et dangereux », cf.supra.
Entretien n° 12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra.
Ibid.
Ibid.
Ibid.
Delescluse Juliette - 2008
29
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Photos : Julien Tatéossian.
Le second volet de la mission du service galeries du Grand Lyon est la recherche
de souterrains inconnus, et donc par conséquent non entretenus dans un but avant tout
126
sécuritaire
. Les moyens de découvrir des souterrains inconnus sont limités du fait
que la plupart des galeries étaient creusées par des puisatiers de manière anarchique et
sans documents écrits. Les traces écrites qui restent sont celles laissées lors des conflits
127
juridiques autour de la propriété d’une galerie d’adduction d’eau
. Le second moyen,
plus problématique dans certains cas, est le résultat de découvertes fortuites. Mais cela
« arrive en permanence »
128
. Enfin, la dernière manière de découvrir les galeries à
129
l’abandon consiste à « faire des enquêtes »
. Lorsqu’un puits est répertorié ou qu’il
est découvert dans un immeuble, il faut descendre au fond du puits pour voir s’il n’y a
pas un départ de galerie. L’autre méthode de recherche consiste à faire des sondages de
reconnaissance notamment lorsque des permis de construire sont déposés dans les zones
130
à risques prédéterminées à Lyon. Cela permet de « voir un peu ce qui se passe dessous »
. C’est dans cet aspect de la mission que se trouve la particularité qui distingue les membres
du service galeries des égoutiers. L’état d’esprit est « différent car il faut se mettre dans la
peau des puisatiers […] le casque sur la tête, en train de marcher dans la boue du ventre
de Lyon »
131
. L’intuition occupe une place importante dans la profession.
La découverte du réseau des arêtes de poisson est l’illustration type de la découverte
d’un réseau méconnu. Elle allie trois aspects vus précédemment : la découverte fortuite,
la volonté de sécuriser au maximum les galeries dans une situation d’urgence et enfin les
nombreux conflits juridiques portant sur les différentes responsabilités.
126
127
Ibid.
BOUCHER S. et MAILHES F., « Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon, 05/05/2006. Propos confirmés lors de
la séance d’observation n°8: cf. supra.
128
129
130
131
30
Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra.
Ibid.
Ibid.
BARBIER C., « Direction de l’eau : les veilleurs de souterrains », cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain
C. Un enchevêtrement de représentations autour d’une mission
Cette mission voit émerger des représentations différentes dans l’esprit des membres du
service galeries et celui des cataphiles. Celles-ci ne sont pas pour autant opposées en
permanence.
La création de structures spécialisées : un moyen privilégié pour rassurer
les Lyonnais
L’augmentation de la densité de la population en ville est perçue comme une source de
132
dangers pour les pouvoirs publics . Ils se doivent donc d’y répondre. Cette réponse est de
plus en plus élaborée au niveau de la ville elle-même ou de la communauté urbaine. C’est
notamment ces deux niveaux qui semblent les plus appropriés pour répondre à l’instabilité
du sous-sol lyonnais. Du moins, ce sont ces niveaux qui ont été choisis pour le surveiller. La
mise en place des deux structures vues précédemment l’illustre bien. Au-delà de l’aspect
sécuritaire, il s’agit de répondre à un besoin local et de relayer des bonnes pratiques en
133
matière d’aménagement dans les secteurs à risque. Les risques existent toujours
mais
ils deviennent secondaires par rapport à la capacité des structures mises en place. Cette
image, bien que semble-t-il réelle, permet avant tout de rassurer les Lyonnais. Ainsi « tout
le monde a entendu parler des souterrains »
134
, a vu la carte des accidents
135
136
et connaît
la morphologie géologique particulière des collines lyonnaises
. A partir de tous ces
éléments, les Lyonnais se doivent d’adhérer au principe qui définit les souterrains comme
un lieu de spécialistes, condition sine qua non pour assurer leur sécurité.
Quand les bonnes intentions se croisent
La plupart des cataphiles reconnaissent que le service galeries n’a pas une mission évidente
137
et que ce sont des experts et des professionnels
. Cependant, ils critiquent le fait que
certains chantiers ne sont pas forcément nécessaires. Il s’agit avant tout d’ « injecter » du
béton, sans limites et sans contrôle
139
138
. De ce fait, il est bien sûr, plus difficile de « dater du
mortier » . De manière plus générale, c’est une critique plus globale qui est formulée et qui
dépasse les souterrains et les cataphiles. « Aujourd’hui pour ne pas qu’il y ait d’accidents,
132
133
134
135
136
137
138
Notice d’information sur les risques naturels et technologiques de la commune de Lyon, cf.supra.
BARBIER J. et MASSIP M., « Pourquoi le sous-sol de Lyon est instable ? », Lyon Mag, 01/03/2002.
BARBIER C., cf.supra.
BARBIER J. et MASSIP M., cf.supra.
Notice d’information sur les risques naturels et technologiques de la commune de Lyon, cf.supra.
Entretien n° avec J.-L. Chavent, cf.supra.
Séance d’observation n°7: rencontre entre le cataphile membre de l’OCRA, un cataphile, le responsable de la maîtrise d’ouvrage
de la construction du tube de sécurité, l’assistant à la maitrise d’ouvrage, le responsable du service tunnels du Grand Lyon, le directeur
et la chargée de communication de la mission Vaise-Serin, le 28/02/2008, salle de réunion de la mission Vaise-Serin.
139
Entretien n° 3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
31
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
on démolit tout ». Et puis, dans le cas des galeries qui sont interdits d’accès, « personne
ne peut contrôler ce qui est détruit »
140
.
Pourtant, le service galeries se dit aussi passionné et en particulier par la recherche de
141
nouveaux réseaux
. Un membre de l’équipe s’intéresse aux égoûts romains. Du coup,
« on se garde bien de les abîmer, bien au contraire, on les conserve ». Il regrette que
certains ne se rendent pas compte de leur intérêt. Fermer les souterrains permet, selon lui,
142
de les sécuriser
. Car certaines galeries sont « magnifiques ». Finalement, la mission du
service galeries est perturbée par des intrusions. Les « portes et serrures sont cassées en
permanence »
143
et cela coûte cher. Il s’agit donc avant toute chose d’y remédier.
II/ L’interdiction d’accès aux souterrains : une solution préférée face
au poids des responsabilités
La sécurité est l’argument principal avancé par les pouvoirs publics locaux pour justifier la
fermeture d’accès aux galeries souterraines lyonnaises (A). Mais ce choix ne satisfait pas
tout le monde (B).
A. Les raisons sécuritaires d’une fermeture
Le réseau souterrain dit des Sarrasinières a, selon les rumeurs, était fermé à la Révolution
144
française « pour éviter les gens mal intentionnés » . L’anecdote prend tout son sens quand
on sait que 200 ans plus tard l’accès aux souterrains lyonnais sera interdit pour quasiment
les mêmes raisons.
Les moyens juridiques mis en place
L’interdiction d’accès aux souterrains prend trois formes principales, plus ou moins
explicites. Un cadre juridique est tout d’abord mis en place. L’arrêté du maire de Lyon
Francisque Collomb du 22 février 1989 ordonne « l’interdiction d’accès et de circulation
dans les galeries souterraines de la ville de Lyon à toute personne non expressément
autorisée par les services compétents (Division prévention sécurité Ville de Lyon- Service
Assainissement COURLY) ». Une décision juridique applique ensuite ce cadre juridique.
Dans la nuit du 25 au 26 août 1995, cinq jeunes se perdent dans les souterrains lyonnais. Les
secours doivent intervenir. Le tribunal de police de Lyon, saisi par la Communauté urbaine
qui s’est portée partie civile, rend son jugement le 13 mai 1996. Celui-ci condamne les cinq
jeunes à payer 27 604,91 Francs en réparation des frais d’intervention des pompiers et 1000
140
Entretien n° 15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine, le 22/02/2008, dans son bureau au
Fort de Vaise.
141
142
143
144
Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, le 12/02/2008, dans son bureau.
Ibid.
Ibid.
BARBIER C., « Mystère : Les souterrains de Miribel », Côté cour Côté jardin (Le magazine du personnel de la communauté
urbaine de Lyon), n°26, octobre 1993. (Archives du Grand Lyon 0010 PER 190).
32
Delescluse Juliette - 2008
Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain
145
Francs au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale . Enfin la dernière forme de
contrainte, ce sont les « lourdeurs administratives » auxquelles il faut répondre pour obtenir
une autorisation de visites de certains sites particuliers comme les bassins filtrants à Caluire.
En effet, selon Jean-Luc Chavent
146
, il faut « faire une demande en 60 exemplaires ».
Boulonnage, soudage de plaques et portes métalliques pour condamner les accès aux
galeries.
Photos : Julien Tateossian.
Une volonté de sécuriser le réseau à la suite d’accidents
Quatre types de risques principaux sont mis en avant pour justifier la fermeture de l’accès
aux souterrains lyonnais.
Des risques pour les visiteurs. L’arrêté de février 1989 indique que « les galeries
souterraines peuvent représenter un danger pour la sécurité publique en raison de l’absence
totale d’éclairage, de la non signalisation des multiples obstacles pouvant s’y présenter […],
des risques d’éboulement dans les galeries non bétonnées, vétustes et non entretenues,
des dimensions réduites qui ne permettent pas une circulation aisée ». La décision fait
suite, selon l’un des membres du service galeries, à des accidents notamment lorsqu’une
personne est tombée et a eu les poumons perforés en recevant une échelle métallique
145
146
147
.
BARBIER C., « Direction de l’eau : les veilleurs de souterrains », cf.supra.
Jean-Luc Chavent est un des premiers cataphiles. Passionné de la ville de Lyon, il souhaite depuis une vingtaine d’années
l’ouverture au public des souterrains lyonnais et en particulier celui des arêtes de poisson. Entretien n° 1 avec J.-L. Chavent, cf.supra.
147
Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
33
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Ces accidents graves lui font craindre la mort d’une personne un jour. « Des gamins » sont
aussi emmenés, selon lui, dans les souterrains par des adultes. Sa crainte en est d’autant
plus forte.
Des risques pour la ville. Le service galeries se veut travailler pour la sécurité publique.
L’ouverture des réseaux souterrains peut présenter, selon l’un des membres de l’équipe, un
risque d’attentat. Notamment « si on y met des gens qui prennent conscience qu’à partir
de ces souterrains, on peut mettre quelques explosifs : vous faites péter tout un quartier
148
de Lyon. Toute la Croix-Rousse, tout Fourvière, vous faites tout sauter» . L’autre risque
avancé est celui de l’inévitable non maîtrise du sous-sol lyonnais si les souterrains sont
ouverts. Cet espace pourrait vite devenir un lieu où « la loi du plus fort » règne explique un
membre du service galeries. Et où, au final plus personne n’ose rentrer : « si vous venez je
sors le fusil, je sors le couteau. C’est à moi, je fais ce que je veux »
149
.
Des risques pour les souterrains. « Si on se bat […] c’est aussi pour éviter les
150
dégradations »
. Fermer les souterrains permet, selon le membre du service galeries de
préserver des éléments de connaissance sur la manière dont étaient construits les réseaux
d’assainissement, romains pour certains. Ces destructions passent notamment par le tag
et les dégradations. Il considère que leurs auteurs n’ont pas conscience de leurs actes.
Des risques pour les autorités responsables. Malgré l’arrêté, il existe la crainte de
ne pas savoir comment cela se passerait en termes de responsabilités si un accident se
produisait. D’ores et déjà, un accès aux galeries est exclu car « un maire ne peut pas prendre
des responsabilités comme ça ». Au final, les responsabilités retomberaient sur le maire
mais aussi, c’est sa peur, « sur tout le monde en cascade […] car ils vont chercher des
responsabilités un peu partout »
151
.
Pour toutes ces raisons, une incompréhension reste prégnante chez ce membre du
service galeries. Il se demande pourquoi les cataphiles « utilisent leur site pour faire de la
publicité, donner des documents ». Il ne veut en aucun cas « être le maître de ces galeries ».
Finalement, c’est une sorte d’obligation morale pour lui d’éviter les intrusions et il ne peut
s’imaginer, pour la sécurité des gens, que l’on ouvre l’accès aux souterrains
152
.
A la recherche des « clandestins »
De véritables moyens policiers ne sont pas mis en place pour rechercher les coupables
d’intrusions dans les galeries. Cependant une sorte d’enquête permanente est effectuée
par le service galeries.
Les éléments d’une enquête. Le champ lexical de l’enquête policière est utilisé dans
153
le discours de l’un des membres du service galeries
. Il a lui aussi des « éléments »,
fruits d’un « long travail ». Ces éléments sont principalement des articles de presse
148
149
150
151
152
153
34
Ibid.
Ibid.
Ibid.
Ibid.
Ibid.
Ibid.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain
sur les cataphiles. Mais c’est aussi l’utilisation d’un système informatique recensant les
« effractions ». Il remarque une hausse des effractions et a chiffré le coût de celles-ci sur
huit mois à plus de 20 000 Euros. Le mois de juin est le mois où il y a le plus d’effractions car
« il faut bien occuper les gamins », considère-t-il. En fait, « ils laissent des traces ». Grâce
à celles-ci, il sait qu’un journaliste a pu rentrer dans les souterrains grâce à l’Organisation
pour la Connaissance et la Restauration d’Au-dessous terre (OCRA)
154
. Et puis, au regard
de la précision du circuit dans le projet de visites des arêtes de poisson
présentons lors de l’entretien, cela prouve bien, selon lui, qu’ils y vont
156
155
que nous lui
.
La punition relative des fautifs. En novembre 1991, on parle de créer une brigade de
157
surveillance nocturne pour « stopper l’hémorragie »
. Celle-ci ne sera pas mise en place.
La punition des fautifs a lieu de façon aléatoire, au rythme des remontées à la surface : le
158
groupe égaré qui fait appel aux secours
, les plaintes déposées par les entreprises pour
des vols de chantiers et une plaque restée ouverte sur la voie publique qui conduisit les
« inconscients » au commissariat
159
. Les cataphiles regrettent ce changement de statut :
quand d’ «aventuriers urbains », ils sont tombés dans l’ « illégalité »
160
.
B. Multiples critiques d’une fermeture d’accès
Selon les types d’acteurs, il existe différentes sortes de critiques concernant la fermeture
de l’accès aux souterrains.
« Un verrouillage de l’information »
Certains acteurs considèrent que les souterrains sont cachés au public volontairement
et que la sécurité n’est qu’une contrainte officielle
souvent.
162
161
. Ce dernier argument se retrouve très
« Une discrimination entre experts »
L’accès d’experts aux souterrains dépend de la décision d’autres experts. Même si cet accès
est souvent autorisé, cela reste une contrainte, même symbolique. Ainsi, un archéologue
154
155
Association lyonnaise amatrice des souterrains dont certains cataphiles font partie.
Le projet de visites des arêtes de poisson sera une des stratégies élaborées par les cataphiles pour éviter le péril du
réseau souterrain.
156
157
158
159
160
161
162
Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra.
« Les réseaux de l’ombre », Lyon Figaro, 07/11/1991.
CHAPGIER J., cf.supra
Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra.
Dossier de J-L. Chavent « Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, écrit en décembre 2007.
Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra.
Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, le 30 janvier 2008, dans un des
appartements de Tony Garnier à la cité des Etats-Unis.
Delescluse Juliette - 2008
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De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
reconnaît que l’accès est difficile même pour lui
163
. De manière plus générale, il y a toute
164
une symbolique, selon lui, des choses sous terre qui en limitent l’accès
. Et puis il faut
être capable de présenter les garanties de son expertise. Cela passe par exemple par une
autorisation du directeur d’école pour un étudiant en architecture
165
.
« Une restriction de liberté » et autres points de vue
Le service galeries est souvent accusé par certains cataphiles de « verrouiller le truc »
166
167
. La sécurité est, selon eux, un « parapluie béton
» qui permet plusieurs actions
notamment de bétonner des endroits où cela n’est pas nécessaire. Ou même de faire des
168
« pique-niques »
dans les galeries en emmenant des personnes « non habituées aux
souterrains ». Ils considèrent que les intrusions gênent le service galeries car cela les touche
personnellement. En particulier parce qu’ils se sont « appropriés les lieux ». Finalement,
poursuit un cataphile, c’est comme si quelqu’un rentrait chez eux lorsqu’ils ne sont pas là
169
.
Pour toutes ces raisons, Jean-Luc Chavent regrette que « les simples curieux n’y ont
170
pas accès »
. L’absence de visibilité est donc dénoncée. Certains reconnaissent qu’ils
se battent pour l’ouverture des souterrains non pas pour eux mais pour les autres. En effet,
de toute façon eux peuvent y aller quand ils veulent car « personne ne peut [les] empêcher
171
d’entrer dans [leur] ville », disent-ils
. D’autres pensent au contraire que cela devient
de plus en plus dur d’y aller, en particulier si l’on refuse de casser des plaques, portes et
172
serrures
. Il est donc temps pour eux d’envisager d’autres manières, notamment légales,
d’y accéder.
III/ Le souterrain vu seulement dans son aspect utilitaire : contraste
par rapport à une ville « monumentale »
Dans une ville déjà largement patrimonialisée (A), le souterrain ne semble être vu que dans
son aspect fonctionnel (B).
A. Surabondance : une ville patrimonialisée
163
164
165
Séance d’observation n°8 : cf.supra.
Ibid.
Entretien n° 8 avec J. Tatéossian, lauréat du prix de la jeune architecture de la ville de Lyon en 2005 pour son projet « Dérives
labyrinthiques aux pentes de la Croix-Rousse », le 23/08/2008 chez lui.
166
167
168
169
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Ibid.
Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra.
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
170
171
172
36
Dossier de J-L. Chavent « Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, cf.supra.
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Ibid.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain
La richesse patrimoniale de la ville de Lyon est un fait reconnu. C’est un élément mis en
avant dans le dossier de candidature à l’inscription du site historique de la ville sur la liste du
patrimoine mondial de l’UNESCO. Ce dossier de presque six-cents pages passe en revue le
patrimoine lyonnais. Ainsi l’année où celui-ci est rendu, c’est-à-dire en 1997, cent-soixante
quatorze édifices sont classés et inscrits au titre des Monuments Historiques
173
quatre-cent cinquante dossiers qui sont actuellement en attente de classement
. Et ce sont
174
.
Un autre aspect concerne la richesse archéologique du sous-sol lyonnais. Du fait de
la géologie particulière de la ville, un archéologue remarque qu’il n’a jamais vu ça ailleurs :
« Crac, crac et crac, on n’en finit plus […] C’est un truc de fou »
175
.
Finalement, c’est aussi une représentation très visuelle et extérieure du patrimoine qui
se dégage de la conception du patrimoine lyonnais. Elle découle plutôt d’une conception
« classique élargie » du patrimoine. Ainsi dans le dossier d’inscription du site historique de
Lyon au patrimoine mondial, on distingue neuf « cônes de vue » qui sont des sortes de
« cartes postales que chacun a en mémoire et capitalise dans le patrimoine architectural
et urbain du quartier »
176
. D’autre part, la silhouette extérieure de la colline de la Croix-
Rousse est aussi un élément de travail dans le dossier
177
. La question de savoir quelle
pourrait être la place du souterrain dans ce cadre est posée par un homme politique
Notamment quand « trop de musées, ça nuit »
173
179
178
.
.
Dossier de candidature à l’inscription du site historique de Lyon sur la liste du patrimoine mondial, 1998. En ligne. 571 pages.
<http://whc.UNESCO.org/fr/list/872/documents/> Consulté en mai 2008. pp.32-33.
174
Entretien n° 9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf. supra.
175
176
177
178
Séance d’observation n°8 : cf.supra.
Dossier de candidature à l’inscription du site historique de Lyon sur la liste du patrimoine mondial, cf.supra.
Ibid.
Séance d’observation n°6 : rencontre entre un cataphile membre de l’OCRA et C.Pillonel, vice-président du Grand Lyon
chargé de la Voirie jusqu’en avril 2008, le 25/01/2008, dans le bureau de C.Pillonel au Grand Lyon.
179
Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine, cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
37
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
B. Surabondance : des souterrains sécurisés
Une autre manière de gérer la surabondance : sécuriser les souterrains. Suite à une prise
de conscience dramatique, la priorité a été de les maîtriser afin d’assurer la sécurité. Pour
remplir cet objectif, il s’agit avant tout de recenser les galeries, de solidifier l’existant, de
rétablir les écoulements d’eau et de rechercher les galeries à l’abandon encore inconnues.
La sécurité est une priorité, la question patrimoniale est secondaire dans ce cadre. Les
cataphiles vont chercher à dépasser cette conception en bravant les interdictions selon
divers moyens.
Chapitre 2 La déviance comme moyen de
dépassement de la visibilité limitée du souterrain
180
La « spéléologie urbaine »
est une pratique illégale. C’est une adhésion à un groupe
humain et sportif situé à la marge du sport institutionnel qui se transforme en une expérience
ludique vécue directement sans calendriers préconçus, organigrammes et programmes
181
définis
. La cataphilie se décline sous plusieurs formes. C’est avant tout une exploration
des souterrains (I). Mais aussi paradoxalement, à la fois une exploration de l’imaginaire
lyonnais (II) et des archives municipales (III).
180
LEBRETON F. et HEAS S., « La spéléologie urbaine. Une communauté secrète de cataphiles », Ethnologie française, 2007/2
Tome XXVII. pp. 345-352. En ligne. <www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=ETHN&_072&ID_ARTICLE=ETHN_072_0345> Consulté
en mai 2008.
181
38
Ibid.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain
I/ Un « nouveau jeu urbain » : l’exploration d’espaces interdits
182
Qualifiés d’« aventuriers d’un nouveau genre » , les explorateurs des souterrains lyonnais
s’inscrivent dans la lignée des explorateurs urbains. L’exploration urbaine est le reflet
d’une recherche et parfois d’une obsession de la ville cachée. Une sorte de chasse aux
trésors moderne qui est pratiquée, contre toute attente, par des individus « ordinaires » (A).
Le souterrain va leur apporter des sensations particulières (B). Et par conséquent, un
imaginaire cataphile va peu à peu se construire (C).
A. Quand « Monsieur tout le monde » descend sous la ville
Comme dans tout ensemble humain, les cataphiles ont des profils hétérogènes. Néanmoins
aucun d’eux n’est à la marge de la société, « à la surface ». Au contraire, ils
choisissent même volontairement de se marginaliser en explorant des lieux, sous la ville,
majoritairement abandonnés dans l’esprit des Lyonnais.
Le cataphile lyonnais
Le cataphile lyonnais n’aime pas toujours le terme de « cataphile » pour le désigner. Cette
approximation lui permet cependant d’être plus facilement identifié par les autres. Alors il
l’utilise souvent pour se désigner dans les médias. Cependant pour certains cataphiles,
183
il illustre bien « l’univers secret de la galerie, du souterrain »
. Nous utiliserons cette
qualification par souci de clarté et par devoir de généralisation. Mais le cataphile lyonnais
considère l’expression de « cataphile » trop « parisienne » à son goût. Il y a dans le cataphile
184
parisien un côté un peu trop « show-off », explique un cataphile lyonnais
. Celui-ci se
doit par exemple de connaître les salles souterraines en vue. Il est aussi parfois trop violent,
casseur ou finalement trop déterminé dans son exploration. Le cataphile lyonnais cultive
son côté provincial. Il ne descend pas sous terre pour se montrer. Parmi les expressions
utilisées pour se désigner, nous noterons celles de « clandestins »
186
185
ou « de fous furieux »
. Dites dans des contextes amicaux parfaitement anodins en apparence, elles reflètent
cependant une certaine conscience de déviance. Ce sentiment peut parfois conduire à un
complexe, notamment lorsqu’il s’agit de se mobiliser. Les cataphiles sont une quinzaine à
187
descendre régulièrement dans les souterrains de Lyon . Mais toute une nébuleuse autour
descend de manière intermittente. Les groupes se font et se défont. Un noyau dur subsiste :
« les vrais mordus sont rares »
182
183
184
185
186
187
188
. Le cataphile lyonnais n’a pas le profil que l’on pourrait
FILLON F., « Plongée dans les entrailles de Lyon », L’Essor du Rhône, 05/11/1993.
BOUCHER S. et MAILHES F., « Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon, 05/05/2006.
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, le 16/11/2007, chez lui.
Séance d’observation n°9: Réunion OCRA du 05/04/2008, salle de réunion du Fort de Vaise.
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Entretien n°2 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », le 09/11/2007, restaurant universitaire
de la Manufacture des tabacs (Lyon III).
188
BOUCHER S. et MAILHES F., cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
39
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
imaginer. Il n’est pas un marginal, bien au contraire, il est parfaitement intégré dans la
société. Le cataphile est plutôt un homme entre 20 et 35 ans. Il travaille dans l’informatique,
la finance, l’artisanat, l’éducation, la photographie ou bien il étudie. Les femmes ont aussi
une place parmi les cataphiles, elles constituent à peu près un tiers des cataphiles. Environ
la moitié des cataphiles a une vie de famille avec des enfants. Si marginalité il y a finalement,
elle se trouve dans le fait que le cataphile lyonnais se veut marginal dans ses pensées et
sa manière d’être
189
.
Profils de cataphiles
190
Barbara Glowczewski et Jean-François Matteudi ont étudié les cataphiles parisiens
. Ils
ont distingué plusieurs profils types qui se regroupent en quatre catégories principales : les
sérieux, les conquérants, les fantasques et les sensuels. La communauté cataphile étant
assez réduite à Lyon, il serait imparfait de distinguer des profils-types. Nous parlerons plutôt
de tendances, tantôt délaissées, adoptées ou cumulées par les cataphiles lyonnais.
Le passionné. La tendance la plus répandue parmi les cataphiles. Le passionné regarde
191
192
les plaques dans la rue
, veut explorer les souterrains sur son lieu de travail
, visite
d’autres souterrains en France et dans le monde, surfe sur les sites Internet de cataphiles
et rejoint une association cataphile.
Le déterminé. La tendance la moins répandue parmi les cataphiles. Le déterminé
n’hésite pas à forcer les plaques et portes pour rentrer dans les souterrains, il plonge dans
des poches d’eau, il se pose la question de diffuser des plans des réseaux souterrains sur
Internet, il a une salle souterraine préférée et la marque de sa trace.
L’amateur. Il est souvent introduit par un ami cataphile. Il ne descend pas forcément
dans les souterrains lyonnais mais s’y intéresse. Il peut avoir travaillé sur le sujet dans le
cadre notamment de ses études
se cherche.
193
. Il est un peu finalement un cataphile qui s’ignore et
L’ancien. Surnommé « le papa des cataphiles
194
195
», il ne fait pas partie de la « nouvelle
génération»
mais fait partie de celle des précurseurs, celle qui a notamment connu
les souterrains avant l’interdiction d’accès. Il descend soit moins souvent qu’avant, soit il
s’est assagi dans ses descentes. Il sert de référence pour les plus jeunes et est respecté. A
189
Séance observation n°3: Présentation des souterrains lyonnais par deux cataphiles lors de la réunion du Comité d’Intérêts Locaux
(CIL) de Vaise, le 11/12/2007, Maison de la Jeunesse et de la Culture (MJC) de Vaise.
190
GLOWCZEWSKI B. et MATTEUDI J.F., La cité des cataphiles. Mission anthropologique dans les souterrains de Paris. Paris,
Librairie des Méridiens, 1983.
191
Des passionnés ont même fait un site répertoriant des photos de plus belles plaques de leurs villes: <http://www.traque-
aux-plaques.com/fr/>
192
193
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Entretien n°8 avec J. Tatéossian, lauréat du prix de la jeune architecture de la ville de Lyon en 2005 pour son projet « Dérives
labyrinthiques aux pentes de la Croix-Rousse », le 23/08/2008 chez lui.
194
195
40
Entretien n° 10 avec R. Neyret, le 01/02/2008, chez lui.
« Soirées poubelle et défense du patrimoine », Le Monde, 12/08/1997.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain
Paris, on parle même parfois de « Kata-star »
par les médias.
196
. Il est celui qui est le plus souvent contacté
Le chercheur. Il décortique les archives pour découvrir des nouvelles galeries, vérifie
ses pistes sur le terrain, contacte des spécialistes du domaine, publie un livre ou crée un
site. Le chercheur est plutôt solitaire ou dans un binôme.
Le témoin. Il photographie et filme les souterrains. Il diffuse ou non son travail, le plus
souvent sur Internet. Il scanne les articles concernant les cataphiles et les souterrains. Le
témoin a parfois une âme d’artiste quand il utilise la technique du « light painting » dans ses
photographies souterraines
197
.
Une gamme des tendances cataphiles qui reflète la diversité des vertus du souterrain.
Chaque cataphile trouve ce qu’il y cherche.
B. Les vertus du souterrain
Le souterrain occupe une fonction bien particulière dans l’esprit du cataphile lyonnais.
Les fonctions attribuées au sous-sol
Le sous-sol de nos villes revêt avant tout une nature utilitaire et ponctuelle. Il remplit des
fonctions de services : alimenter, évacuer, circuler, stocker, cacher et protéger des êtres
198
humains. Ainsi le sous-sol devient la banlieue du « sur-sol »
. Le sous-sol est aussi
communément empreint d’immobilité et d’obscurité. Il est négativement connoté : il est le
lieu où se trament les complots, les bruits sont étouffés, les forces qui le traversent sont
199
maléfiques, des animaux rampants et visqueux y vivent et l’air est lourd
. Cependant, le
sous-sol peut servir d’alternative aux espaces hors-sol et possède un potentiel de liberté
et d’autonomie là où les normes paralysent le monde extérieur
200
. C’est dans cet espace
201
à un seul côté, à la fois fin et début, que se génèrent des fantasmes
. Mais aussi des
passions. Certains rêvent de faire du souterrain « un espace de déambulation publique »
où le passant intervient par le jeu. Un espace d’expériences individuelles qui dépasse la
202
simple visite et se poursuit sur les toits de la ville
. Les cataphiles retiennent, quant à eux,
l’immense espace alternatif à la surface que représente le souterrain. Mais aussi l’espace de
196
197
198
Ibid.
Les photos de « Superflux » qui illustrent ce mémoire en sont des exemples.
VON MEISS P. et RADU F. (dir), Vingt mille lieux sous les terres : Espaces publics souterrains, Lausanne, Presses polytechniques
et universitaires romandes, 2004. p.28.
199
200
201
202
Ibid. p.17.
Ibid. p.14.
Ibid. p.17.
Entretien n° 8 avec J. Tatéossian, lauréat du prix de la jeune architecture de la ville de Lyon en 2005 pour son projet « Dérives
labyrinthiques aux pentes de la Croix-Rousse », le 23/08/2008 chez lui. Le projet de Julien Tatéossian a l'ambition de créer un
réseau complexe de parcours labyrinthiques, au sein des Pentes de la Croix-Rousse, qui mêle passages souterrains, surfaciques et
toituresques. Parcours contrastés sans cesse renouvelés car transformés par les pratiquants lors de leurs passages.
Delescluse Juliette - 2008
41
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
203
liberté, d’autonomie et de gratuité
. La plus grande crainte du cataphile c’est finalement
la fermeture totale des souterrains. Le fait qu’il ne reste plus un seul accès pour se glisser
dans le sous-sol lyonnais.
Le souterrain comme lieu pour se retrouver : soi-même et les autres
Les cataphiles ont été analysés psychologiquement plusieurs fois dans le passé. Selon des
psychologues, ils vont dans les souterrains pour chercher de nouvelles inspirations, pour
204
dominer la ville par ses profondeurs ou pour retourner dans le ventre de leur mère
.
Certains parlent même d’un retour à la vie primitive car le cataphile exclut les autres et
construit son monde
205
. C’est aussi pour d’autres la conséquence d’un « mal d’aventures
206
dans les villes de grande platitude »
. Il y a certes chez les cataphiles lyonnais un goût
207
indéniable de l’aventure. Ils se qualifient même parfois, « d’aventuriers urbains »
. Mais
il y a aussi avant tout une curiosité partagée par le groupe. Une envie d’un « autre monde
208
de la nuit »
, différent des boîtes de nuit « tellement banales » selon un cataphile. C’est
cette envie d’autre chose qui fait « qu’il vaut mieux traîner sous les rues que dans les rues »
209
. D’autant que l’on y retrouve la convivialité ou la solitude selon ses envies. Le cataphile
lyonnais aime les « chili-parties », les bonnes bières et « se caler » ensemble autour
210
d’une bougie quelques mètres sous terre
. On discute d’autres souterrains et d’autres
cataphiles. La vie quotidienne prend une place secondaire dans les discussions. La visite
211
des souterrains c’est un « hobby »
mais c’est aussi un peu plus pour le cataphile lyonnais.
C’est une passion des parcours non fléchés. Mais le cataphile lyonnais ou « collectionneur
212
de souterrains »
a néanmoins ses repères dans les galeries, ses habitudes et ses
préférences. Il lui arrive parfois de dormir dans les souterrains et là toute notion du temps
213
est oubliée
. Finalement, le retour à la surface, souvent au petit matin, est craint par le
cataphile. Mais paradoxalement, c’est aussi une jouissance car c’est l’envie d’une descente
prochaine qui reprend vite le dessus. Le cataphile lyonnais oscille en permanence entre
surface et souterrain, physiquement mais aussi avant tout mentalement.
203
204
205
206
207
208
209
« Soirées poubelle et défense du patrimoine », Le Monde, 12/08/1997.
« Les réseaux de l’ombre », Lyon Figaro, 07/11/1991.
Ibid.
FINAND S., « Lyon à travers ses souterrains », Jeudi Lyon, 17/11/1994.
Dossier de J-L. Chavent « Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, écrit en décembre 2007.
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Séance d’observation n°2: Constitution du dossier de visite des arêtes de poisson avec un cataphile membre de l’OCRA, novembre
2007, lieux divers. Complété en février 2008.
210
211
212
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
BOLE DU CHAUMONT, « J-L. Chavent : Lyon la souterraine », Le Dauphiné libéré, 19/04/1994.
LANDRON P.Y., « Lyon underground », Points d’actu de la Bibliothèque municipale de Lyon, 14/10/2007. En ligne. < http://
www.pointsdactu.org/article.php3?id_article=960> Consulté en mai 2008.
213
42
COLIN L., « Souterrains de Lyon : un vrai gruyère », Lyon Mag, 01/04/2006.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain
C. Initiations à la cataphilie
Le cataphile rentre peu à peu au fil des descentes dans un imaginaire qui lui est propre.
Devenir cataphile
Les débuts. La passion pour la cataphilie n’est pas une donnée, c’est une découverte.
« On se découvre cataphile après la première descente »
214
215
. Et puis après vient le
goût de voir d’autres galeries, « d’explorer, de fouiner »
. On devient cataphile comme
lorsque l’on rentre dans une bande de copains : un peu par hasard. Pas d’épreuves à
216
passer, la motivation est le principal critère pour faire partie du réseau
. L’uniforme
de la communauté c’est les bottes en caoutchouc, la lampe frontale et parfois le casque.
Sans oublier, les vieux habits qui ne craignent pas la boue. Les rites initiateurs consistent
en l’apprentissage des techniques de base. L’apprenti cataphile se doit d’observer et
d’appréhender ce nouvel environnement qui l’entoure. La descente se fait souvent par
groupe de deux ou trois personnes. La personne à l’avant est souvent connaisseuse des
réseaux et munie d’un plan. Le plan du cataphile est particulier, il reprend le nom des rues
mais des traits noirs le bariolent indiquant les galeries. Parfois des points noirs indiquent
les entrées. Les autres suivent donc silencieux, seul demeure le bruit des pas dans la boue
mêlée d’eau. Et le silence. Et puis il y a une échelle métallique. Règle technique de base,
il ne faut pas la descendre en même temps mais chacun à son tour. Et enfin l’arrêt dans
une salle souterraine. On se parle, un autre groupe arrive, on présente les nouveaux, et le
groupe repart. Puis les débuts du cataphile se terminent, il l’est maintenant. « Tu verras »
217
, disent-ils souvent au débutant avant sa première descente dans un café en milieu de
soirée. Le cataphile lyonnais sait très bien ce qu’il aime dans les souterrains, mais il laisse
les autres découvrir par eux-mêmes ce qu’ils y aimeront.
Les raisons d’une pause. Il y a des moments où le cataphile est lassé. Il l’est non pas
des souterrains, mais parfois des autres cataphiles. Des cataphiles parfois « trop extrêmes »
à son goût. Le temps entre les descentes s’espace, c’est la pause. Et puis il y a aussi toutes
les raisons classiques qui font que l’on délaisse sa passion : les enfants qui naissent
le temps qui manque
219
218
et
. Mais il y a la reprise le plus souvent. La crainte de la fermeture
totale des galeries peut expliquer un retour
220
.
L’imaginaire du cataphile
214
215
216
BOUCHER S. et MAILHES F., « Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon, 05/05/2006.
Ibid.
Séance d’observation n°8: rencontre entre un cataphile, deux archéologues du service archéologique de la ville de Lyon, un
archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et une responsable du service de l’inventaire, le 19/03/2008,
à la DRAC.
217
Entretien n°2 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », cf. supra.
218
219
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Entretien n°8 avec J. Tatéossian, lauréat du prix de la jeune architecture de la ville de Lyon en 2005 pour son projet « Dérives
labyrinthiques aux pentes de la Croix-Rousse », cf.supra.
220
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
43
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Les surnoms et autres dénominations. La cataphile aime les surnoms que ce soit à
Lyon ou à Paris. Ces surnoms ont plusieurs fonctions : l’amusement, l’anonymat et le
sentiment d’appartenance au cercle des cataphiles. Pour autant, avoir un surnom n’est pas
une obligation pour faire partie des cataphiles. Mais cela reste la preuve implicite d’une
intégration au groupe. Une liste non exhaustive des surnoms cataphiles peut se trouver
221
sur une « K-taliste » diffusée sur Internet
. C’est ainsi plus de mille surnoms qui sont
répertoriés. A Lyon, ce sont les noms d’animaux qui dominent ou par extension liés à la
nature. Le « chat », « poisson », « red fish », « la bûche » sont des exemples parmi d’autres.
Des surnoms sont aussi donnés aux différentes salles et galeries souterraines au hasard
des périples
222
.
Des groupes. Il existe différents groupes de cataphiles. Le groupe est un cercle restreint
plus ou moins important. Il est constitué le plus souvent des compagnons de descente ou
des compagnons de recherche aux archives municipales. L’appartenance à un groupe est
mouvante : on appartient à un groupe mais on fait aussi partie de tous les autres groupes.
Les groupes sont surtout faits « pour se marrer, c’est artificiel, ils ne sont pas déclarés en
Préfecture », précise un cataphile
223
.
Les autres. Tels des cercles concentriques, le cataphile est au centre et autour se trouve
plusieurs niveaux « d’autres ». Les autres se sont d’abord les autres groupes cataphiles que
l’on croise dans les souterrains. Mais les autres, c’est aussi cette « population inconnue »
224
, fantasmée peut-être, qui laisse des traces sans que jamais on ne la croise vraiment.
On la redoute mais en même temps on l’attend pour la connaître enfin. Cet autre c’est aussi
le travailleur qui s’occupe de l’entretien des galeries. On ne voit que le résultat ou l’avancée
de son travail mais lui on ne le voit jamais car il travaille le jour et l’exploration se fait le plus
souvent la nuit. Les autres, en dehors du souterrain cette fois, ce sont aussi ces visiteurs
225
226
« occasionnels »
, des « simples curieux »
que l’on pense intéressés par des projets
de visites de souterrains mais qui n’y ont pas accès. Des personnes auxquelles il faut prêter
227
une attention particulière car ce sont des « amateurs »
, qui peuvent être pris d’angoisse
dans un souterrain à tout moment. Il faut donc intégrer cette donnée dans le projet de visites
228
de souterrains. Cet autre doit pouvoir remonter rapidement à la surface
car il craint
plus facilement que le cataphile d’être sous-terre. Enfin, les autres ce sont ces inconnus
qui pourraient être intéressés par les plans des réseaux de galeries s’ils étaient diffusés sur
Internet. Les autres occupent ainsi une large place dans l’inconscient cataphile.
221
222
Un des sites Internet avec une liste des surnoms cataphiles: <http://www.chez.com/taara/ktaliste.htm>
« Voyage au-dessous de la ville », Le Progrès, 13/04/1999. Et BOUCHER S. et MAILHES F., « Voyage au ventre de la terre »,
Tribune de Lyon, 05/05/2006.
223
224
225
Entretien n° 2 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », cf.supra.
BOUCHER S. et MAILHES F., cf.supra.
Séance d’observation n°6: rencontre entre un cataphile membre de l’OCRA et C.Pillonel, vice-président du Grand Lyon
chargé de la Voirie jusqu’en avril 2008, le 25/01/2008, dans le bureau de C.Pillonel au Grand Lyon.
226
227
228
Dossier de J-L. Chavent « Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, écrit en décembre 2007.
BOUCHER S. et MAILHES F., cf.supra.
Entretien n°8 avec J. Tatéossian, lauréat du prix de la jeune architecture de la ville de Lyon en 2005 pour son projet « Dérives
labyrinthiques aux pentes de la Croix-Rousse », cf.supra.
44
Delescluse Juliette - 2008
Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain
Les références. Les cataphiles sont souvent comparés aux compagnons du « Club des
cinq »
229
. Pour d’autres, l’imaginaire cataphile est un « mélange de bandes dessinées et
230
d’images vidéos […] une culture du fantastique »
. Les références cataphiles mélangent
ces univers aventuristes, fantastiques et virtuels. Le film culte des cataphiles c’est « Les
231
Gaspards »
où un petit libraire du quartier latin à Paris part à la recherche de sa fille
disparue et découvre dans les catacombes une société secrète qui tente de préserver sa
tranquillité en luttant contre les travaux de surface. Certains ont pour références des auteurs
232
comme Kafka, Vian ou Baudelaire
. Ou ce peut-être aussi tout simplement des ouvrages
sur les souterrains qui se trouvent dans leurs bibliothèques.
Internet et les tracts comme moyens de communication. Internet a facilité la
communication entre les cataphiles notamment avec des listes de diffusion. Il leur a aussi
permis de faire des sites Internet. Ce mode de communication offre l’opportunité au cataphile
de préserver son anonymat tout en lui permettant de tisser un réseau avec d’autres
233
cataphiles. Les forums cataphiles
présentent différentes catégories de sujets : les
alertes, les carnets de voyage, la photo, la réglementation, les médias et les livres. Il existe
aussi une rubrique qui regroupe des sujets et photos sur un ensemble d’espaces délaissés
ou méconnus de l’espace urbain intéressant le cataphile. Ce sont, par exemple, les usines,
friches industrielles, métros et réseaux ferroviaires, canaux, plaques commémoratives et
toitures. L’autre moyen plus traditionnel pour le cataphile de communiquer c’est le « tract »
234
. Le tract est « un petit bout de papier laissé dans les galeries et destiné à faire passer un
235
message, à pousser un coup de gueule ou tout simplement à être joli » . Les tracts, ce sont
souvent des dessins, des poèmes, des photos, des blagues ou des explications historiques
sur certains souterrains. La reprographie moderne et l’informatique ont facilité la création
de tracts. Beaucoup de cataphiles les collectionnent. Internet présente de nombreux sites
avec le fruit de leurs découvertes
236
.
Exemples de tracts cataphiles.
229
230
231
232
233
234
235
236
BOLE DU CHAUMONT, « J-L. Chavent : Lyon la souterraine », Le Dauphiné libéré, 19/04/1994.
AVIGAL A., « Les jeunes adeptes des catacombes inventent des rituels et des codes souterrains », Le Monde, 12/08/1997.
Film « Les gaspards » réalisé par P.Tchernia (sorti sur les écrans en 1974).
BOLE DU CHAUMONT, cf.supra.
Un des plus connus forums de cataphiles: <http://ckzone.org/>
« Soirées poubelle et défense du patrimoine », cf.supra.
Un des sites de collection de tracts: < http://www.ktatracts.free.fr >
Ibid.
Delescluse Juliette - 2008
45
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Source : www.ktatracts.free.fr
Le cataphile a donc un imaginaire particulier. Il n’est pas pour autant marginalisé dans
la société. Finalement, le cataphile lyonnais aime la légèreté et le jeu. Il aime aussi les
légendes urbaines.
II/ Les légendes urbaines : l’exploration de l’imaginaire lyonnais
Le sous-sol lyonnais fait fantasmer. A partir de ce lieu particulier, de multiples légendes
urbaines vont se diffuser (A). Les cataphiles ont une attitude paradoxale en ce qui concerne
ces dernières (B).
A. Les légendes urbaines : l’autre « brume » lyonnaise
L’imaginaire lyonnais regorge d’imagination. Cela est d’autant plus vrai qu’il se développe
dans une ville qui possède des souterrains.
Quand les légendes urbaines drapent une ville
La « légende urbaine » ou « légende moderne » est loin d’être une histoire insignifiante.
C’est en réalité une histoire significative, pleine de sens qu’il convient d’étudier. La légende
urbaine peut-être définie comme : « un récit anonyme, présentant de multiples variantes,
de forme brève, au contenu surprenant, raconté comme vrai et récent dans un milieu social
46
Delescluse Juliette - 2008
Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain
237
dont il exprime de manière symbolique les peurs et les aspirations »
. La légende urbaine
présente des genres voisins mais distincts. La légende urbaine n’est pas une légende
traditionnelle. Dans la légende urbaine le narrateur et les protagonistes de l’histoire sont des
contemporains. La légende urbaine n’est pas une rumeur. La légende urbaine est la forme
complexe de la rumeur. La légende urbaine n’est pas un mythe ou un conte. Contrairement
au mythe, la légende urbaine ne fait pas partie intégrante d’un système idéologique et ne
s’accompagne pas de rites. Contrairement au conte, la légende urbaine n’est pas perçue
comme une fiction. La légende urbaine n’est pas un fait divers. Le fait divers est une
« légendarisation » du réel et la légende est un fait divers imaginaire
238
.
239
Les légendes urbaines circulent à l’oral mais aussi surtout par l’écrit
. Notamment
avec les médias qui les relatent comme d’authentiques faits divers. La légende urbaine
permet à la société de parler de ses propres questionnements dans un langage symbolique
240
parce qu’elle ne veut pas ou ne peut pas les dire autrement
. Elle exprime les peurs
et désirs de ceux qui la racontent. Les légendes sur les souterrains lyonnais s’inscrivent
dans une symbolique fantasmatique et craintive d’un espace méconnu et pourtant si proche
physiquement. La distance entre le citadin et le souterrain semble symboliquement plus
éloignée que physiquement. Mais finalement, avec les légendes urbaines, le citadin et le
souterrain se rapprochent symboliquement car celui-ci, de ce fait, se situe dans l’intimité de
l’inconscient du citadin lyonnais.
Légendes variées sur les souterrains lyonnais
« Il existe des rumeurs, des croyances, des non-dits, des fantasmes, des contes et légendes
variés autour de ces souterrains »
décline en plusieurs thèmes.
241
. Cet imaginaire autour des souterrains lyonnais se
Sur des phénomènes fantastiques : du lac sous Fourvière au passage sous la Saône.
L’eau et les souterrains sont intimement liés dans l’imaginaire lyonnais. Le traumatisme de la
catastrophe de Fourvière a sa part de responsabilité. C’est dans ce contexte qu’est relancée
la légende du lac sous la colline de Fourvière. De nombreux « sourciers, radiesthésistes
242
et pendulisants de tous poils
» proposèrent à l’époque leurs analyses des causes de
la catastrophe. De nombreux témoignages relatant l’existence d’un lac sous la colline sont
adressés à la municipalité. Le maire de Lyon Edouard Herriot reçoit ainsi en janvier 1931
une lettre signée de « la veuve Richard » où elle relate comment avec un ami elle est allée
dans son enfance faire du bateau sur un lac souterrain. Elle se propose de lui faire voir
l’endroit exact où il se trouve
237
238
. Les journaux se saisirent de l’affaire.
BERNARD J-B., Rumeurs et légendes urbaines, Paris, Presses Universitaires de France, Collection Que sais-je?, 1999. p.6
Ibid. pp.48-84.
239
240
241
243
CAMPION-VINCENT V. et BERNARD J-B., Légendes urbaines. Rumeurs d’aujourd’hui, Paris, Editions Payot, 1992. p.341.
BERNARD J-B., cf.supra. p.123.
Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, le 30 janvier 2008, dans un des
appartements de Tony Garnier à la cité des Etats-Unis.
242
243
BARBIER C., Les souterrains de Lyon.Lyon, Editions Verso, 1994.
Ibid.
Delescluse Juliette - 2008
47
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Extrait de la lettre de la Veuve Richard
244
« Satilleu, le 30 janvier 1931, Monsieur le Maire Depuis le 13 décembre la
catastrophe me préocupe beaucoup. De voir tan deaux et ne savoir pas d'out elle
viens. Par la vois des journau je doit comprandre que tres peu de personne save
comme moi quond peut se promené en bateau à Fourvière. Pour la révolution
des choses très précieuse ont été caché dans se soutérin qu'une personne avait
déposé.Vous me direz comment le savé vous ? J'ai habité lomptan à fourvière.
Un jour un ami me dit qui voulait me faire voir le lac de Fourvière et qui me ferait
allez en bateau. Je sourit et le suivie.A mon plus grand étonnement il me fit rentré
à reculon, on ne peut pas autrement, une fois dans le soutérin.Nous fimes 80
ou 100 mètre et nous étions au lac avec un bateau.Crinte d'accident nous ni
sommes pas allé. Depui cette époque savait été bouché; il faudrait que je sois
sur les lieu pour faire voir la fermeture; si monsieur le maire croit à ma parole qui
me fasse allez à Lyon je me charge de le conduire comme lon ms fait. se serait
un grand service pour le cartier st-jean attendu que l'eau se repan vien toute
du lac. Recevé monsieur le maire de votre très umble veuve Richard à Satilleu
Ardeche. »
Dans l’excitation générale, un sourcier réputé le situa même sous le cimetière de Loyasse
245
. La légende est principalement véhiculée par la presse qui y fait référence dans
beaucoup d’articles traitant des souterrains. Elle a aussi été alimentée par Jean-Luc
Chavent notamment de part sa fonction de « conteur de rues »
247
246
. Ainsi, les médias
ont souvent relaté qu’il avait fait du bateau sous Fourvière
. Mais récemment, JeanLuc Chavent a reconnu qu’à la place d’un lac, il existe bien « des petites retenues d’eau
248
naturelles, des citernes qui forment des plans d’eau d’une dizaine de mètres de large »
.
Le lac sous Fourvière fait rêver et permet d’expliquer facilement une catastrophe. C’est une
solution simple, globalisante et rassurante. Contrairement à celle jugée plus crédible d’une
multitude de réseaux souterrains entretenus ou non et où ruissellent des litres d’eaux dont
on ne connaît pas toujours la destination. D’autres légendes portent sur des galeries subfluviales et notamment sur une galerie sous la Saône reliant les deux collines lyonnaises.
Ce sont principalement sur ces légendes que les visiteurs du souterrain du Fort de Vaise
249
ont questionné leurs guides lors des Journées Européennes du Patrimoine
. Dans
cette thématique, nous pouvons aussi inclure toutes des métaphores fantastiques ancrées
244
245
246
247
248
249
48
Les fautes d’orthographe sont d’origine. BARBIER C., cf.supra.
« Les réseaux de l’ombre », cf.supra.
Site professionnel de J-L. Chavent: <http://lyoninsolite.free.fr/index2.php>
FILLON F., « Plongée dans les entrailles de Lyon », cf.supra. Et « Voyage au-dessous de la ville », cf.supra.
BOUCHER S. et MAILHES F., « Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon, 05/05/2006.
Séance d’observation n°6: cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain
dans l’imaginaire lyonnais pour qualifier les réseaux souterrains. On parle notamment de
« labyrinthe »
250
ou d’ « iceberg »
251
.
Sur les acteurs : des brigands aux messes noires. La population qui se trouve dans
les souterrains fait peur. C’est une population que l’on pense à l’écart du droit et des règles
de la surface. Le souterrain offre une possibilité de refuge pour ces hors-la-loi. Le sous-sol
grouille ainsi d’êtres qui se cachent du fait de leur culpabilité. Ils fuient dans le sous-sol pour
ne pas rendre compte de leurs crimes. Le sous-sol représente une zone de non intégration
où tous types de « marginaux » trouvent un lieu à leur image. On dit ainsi que Mandrin,
célèbre brigand dauphinois de l’Ancien Régime, aurait assuré sa fuite grâce à une galerie
allant de la rue du Bœuf à Gorge de Loup. Les autorités l’auraient faite couper parce qu’elle
servait à la contrebande
252
. Au début des années 1990, les galeries souterraines font aussi
253
l’objet de fantasmes autour de messes noires qui s’y dérouleraient
. Des restes d’un
poulet sacrifié auraient été retrouvés. On parle aussi des souterrains comme un repaire de
254
« skin-heads »
. Plus récemment, les actions des cataphiles font fantasmer. Au bateau
sous la colline s’ajoute la possibilité de se rendre par le sous-sol dans des lieux inédits : un
musée, un hôtel du Vieux-Lyon, dans le réfectoire des Maristes ou à la terrasse d’un café
255
.
Sur les origines : les arêtes de poisson objet type de toutes les imaginations. Les
origines des galeries lyonnaises restent méconnues pour la plupart des Lyonnais. Dans ce
contexte de méconnaissance, de nombreuses légendes se développent autour des réseaux
énigmatiques de galeries. Le cas du réseau des arêtes de poisson « sous » les pentes
de la Croix-Rousse reste l’objet principal de spéculations sur ses origines, notamment
parmi les cataphiles et les divers spécialistes. Il est, de part sa forme, un réseau à part
au niveau des galeries lyonnaises. Il est rectiligne et ordonné alors que les autres galeries
sont anarchiques et disproportionnées. Il est sec alors que les autres souterrains servent
principalement au drainage de l’eau. Plusieurs analyses se confrontent sur ses origines. On
parle majoritairement d’un ouvrage militaire. Mais des avis divergents émergent sur le sujet
256
. On affirme aussi souvent que ce lieu servait de lieu de stockage. Mais pour stocker quoi ?
Les suggestions avancées portent, selon les points de vue, sur du stockage de munitions,
d’eau, de troupes ou même parfois, sur le ton de la plaisanterie, de beaujolais. Les débats
ème
ème
portent aussi autour des dates de sa construction : époque romaine, 17
siècle ou 19
siècle, selon les avis. La date de la redécouverte du réseau pose également problème.
Finalement, il y a « énormément de choses sous terre à Lyon dont on ne sait pas pourquoi
250
A. M.-A., « Réseaux souterrains de Lyon : un patrimoine caché à découvrir », Le Tout Lyon, 07/06/1994. Et LANDRON P.Y.,
cf.supra.
251
A. M.-A., cf.supra.
252
253
254
255
256
BARBIER C., op.cit.
« Les réseaux de l’ombre », Lyon Figaro, 07/11/1991.
Ibid.
Ibid.
Séance d’observation n°7: Rencontre entre un cataphile, deux archéologues du service archéologique de la ville de Lyon,
un archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et une responsable du service de l’inventaire, le 19/03/2008,
à la DRAC.
Delescluse Juliette - 2008
49
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
257
elles ont été construites »
. Par la suite, c’est une série « d’interprétations délirantes
258
ème
d’auteurs du 19
siècle »
qui va naître. Elle va ajouter une dose de crédibilité à la
diffusion de nombreuses légendes sur les origines des souterrains lyonnais.
B. Ambiguïtés autour des vecteurs de transmission
Le cataphile lyonnais va progressivement réaliser que les légendes urbaines ne servent pas
forcément sa cause. Retour sur une position ambiguë.
« Faire vibrer la fibre de l’imaginaire »
Les légendes attirent. En effet, « une curiosité automatiquement c’est passionnant et en
259
même temps c’est une page de l’histoire »
. Le cataphile l’a bien compris. C’est dans le
but de faire connaître les souterrains aux Lyonnais que le cataphile joue avec les légendes
autour des souterrains. Sans forcément les diffuser, il ne les renie pas grâce à une subtile
maîtrise de l’art du mystère. Le cataphile sait que les souterrains passionnent, il se doit donc
260
de « faire vibrer la fibre des légendes » et « ne pas enlever aux gens leurs illusions »
.
Faire rêver les Lyonnais passe notamment par un spectacle audiovisuel mêlant images et
261
anecdotes
. Le cataphile se fait parfois conteur. Il l’est aussi de temps en temps vis-à-vis
des autres cataphiles. Il sait manier le suspens en ce qui concerne « ses pistes » sur les
arêtes de poisson et il refuse parfois de les dévoiler aux autres cataphiles enthousiastes. Il
en dévoilera finalement peut-être qu’une toute petite partie mais pas plus. Au risque selon
lui que cela soit « la porte ouverte à raconter un tas de choses »
262
.
Quand les légendes servent l’ignorance, quand l’ignorance sert la sécurité ?
Les cataphiles vont petit à petit comprendre que les légendes urbaines cachent une
ignorance des Lyonnais en ce qui concerne les souterrains de la ville. Ils vont aussi réaliser
que cette connaissance imparfaite des souterrains ne sert paradoxalement pas la cause
263
cataphile. Au contraire, cet « univers de fantasmes et de dangers »
justifie dans
l’imaginaire lyonnais la fermeture de l’accès aux souterrains. Les légendes au lieu d’attirer,
freinent un possible projet de visites. « Dire la vérité aux lyonnais » ne conduira pas selon
eux à ce que les gens décident tout à coup d’explorer les souterrains lyonnais. Cela ne
257
258
259
260
Entretien n° 9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, cf.supra.
Constat de l’archéologue de la DRAC présent lors de la séance d’observation n°8: cf.supra.
Entretien n°10 avec R. Neyret, le 01/02/2008, chez lui.
Séance d’observation n°7: Rencontre entre le cataphile membre de l’OCRA, un cataphile, le responsable de la maîtrise d’ouvrage
de la construction du tube de sécurité, l’assistant à la maitrise d’ouvrage, le responsable du service tunnels du Grand Lyon, le directeur
et la chargée de communication de la mission Vaise-Serin, le 28/02/2008, salle de réunion de la mission Vaise-Serin.
261
262
263
Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, le 09/11/2007, chez lui.
Séance d’observation n°7: cf.supra.
LANDRON P.Y., « Lyon underground », Points d’actu de la Bibliothèque municipale de Lyon, 14/10/2007. En ligne. < http://
www.pointsdactu.org/article.php3?id_article=960> Consulté en mai 2008.
50
Delescluse Juliette - 2008
Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain
conduira donc pas à un accident
264
. Ce n’est pas le point de vue du service galeries qui
265
craint que la publicisation du souterrain soit source d’accidents
. C’est donc dans cette
optique que les cataphiles vont de plus en plus chercher à résoudre les énigmes tournant
autour de ce « patrimoine méconnu et largement fantasmé »
266
.
III/ Résoudre des énigmes par l’exploration des archives : le début
d’un souci de transparence
Même si le cataphile lyonnais aime rêver de « mystérieux » souterrains, l’exploration des
archives et des autres moyens de connaissance est une réelle passion pour lui. Pour de
multiples raisons, c’est aussi de plus en plus une nécessité (A). Ses recherches sont de
fait méthodiques (B). Mais les résultats de ces dernières ne sont pas à la hauteur de ses
espérances (C).
A. Les raisons d’une volonté de clarification sur les souterrains lyonnais
Les cataphiles aiment rechercher des éléments nouveaux pour résoudre les différentes
énigmes sur les souterrains. Ils cherchent tous en permanence des « indices ». Le cataphile
lyonnais est tout le temps en situation de « veille » au cas où, par exemple, se promenant
dans la rue un élément nouveau l’interpelle. Mais certains vont plus loin dans leurs
recherches. Ils vont notamment passer des journées aux archives municipales. Cette envie
répond, au-delà de la passion, à plusieurs éléments.
Un combat contre la désinformation
Les cataphiles considèrent que le peu d’informations diffusées à propos des souterrains par
la municipalité ou le service galeries sont souvent fausses
267
. Ainsi ils regrettent que l’on
268
« avance des dates mais finalement on ne sait rien du tout »
. Un cataphile a décidé
dans ce contexte de faire des recherches sur les origines des arêtes de poisson. Il en avait
« marre » de ne pas avoir de réponses ou des réponses faciles sur le sujet
décidé de « creuser » la question et souhaite en faire un livre.
269
. Il a donc
Un moyen de se forger une identité
La découverte d’archives permet pour les cataphiles d’obtenir une place d’interlocuteur
privilégié lorsque l’on traite du sujet des souterrains à Lyon. Ainsi, un cataphile dit « ne
pas récupérer les archives pour les collectionner ». C’est aussi avant tout un moyen de
264
265
266
267
268
269
Séance d’observation n°7: cf.supra.
Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, le 12/02/2008, dans son bureau.
LANDRON P.Y., cf.supra.
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Séance d’observation n°8 : cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
51
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
se faire entendre
270
. D’autre part, affirmer qu’une hypothèse répandue sur l’origine des
271
arêtes de poisson est fausse permet de se distinguer
. Cela contribue à se particulariser,
à s’identifier. La connaissance par les cataphiles de la ville du dessous est reconnue par les
médias locaux
272
. La connaissance de la ville du dessus l’est aussi parfois
273
.
B. Les éléments pratiques d’une recherche
Les moyens mobilisés
Les cataphiles utilisent dans leurs recherches quatre moyens principaux. Chacun les utilise
tout ou partie.
L’échange de documents entre cataphiles : la construction d’un réseau. Le principal
moyen de recherche pour les cataphiles est l’échange entre eux de documents provenant
274
principalement des archives municipales
. Cet échange est fait majoritairement grâce à
Internet car les documents sont photographiés ou scannés.
Le repérage, l’imagination et la connaissance pratique. La recherche du cataphile
prend aussi la forme d’une recherche informelle, une recherche dans l’action. Quand il
descend sous terre le cataphile lyonnais repère, observe et prend note. C’est toute cette
connaissance pratique compilée qu’il met en avant lors des rencontres avec des spécialistes
275
. Il devient alors un acteur complémentaire dans l’optique d’un travail en commun. Le
cataphile lyonnais calcule aussi. Il imagine par exemple le volume de terre qu’il a fallu
276
enlever pour construire les arêtes de poisson
. Ce chiffre concret est utilisé comme un
argument pour démontrer l’importance de ce réseau.
La recherche des témoins. Le cataphile lyonnais cherche des témoins. Ces témoins
peuvent être notamment les anciens techniciens qui ont redécouvert les arêtes de poisson
277
. Il est conscient de l’urgence de faire cette recherche de terrain rapidement car le temps
presse et les protagonistes de l’époque sont déjà vieux
peu ce type de recherche
270
271
272
279
278
. Faute de temps, il délaisse un
. Mais en secret, il rêve de ce genre de rencontres
Séance d’observation n°8 : cf.supra.
BOUCHER S. et MAILHES F.,« Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon, 05/05/2006. Et BOLE DU CHAUMONT,« J-L.
Ibid.
274
275
276
277
278
279
280
52
.
Séance d’observation n°7: cf.supra.
Chavent : Lyon la souterraine », Le Dauphiné libéré, 19/04/1994.
273
280
Séance d’observation n°9: cf.supra.
Séances d’observation n°7 et n°8 : cf.supra.
Séance d’observation n°8 : cf.supra. Et entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra.
Séance d’observation n°8: cf.supra.
Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra.
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain
Le rôle des spécialistes et références dans le domaine. La connaissance de spécialistes
dans le domaine du souterrain ou d’autres personnes susceptibles de faire avancer les
281
recherches (un militaire par exemple) se fait souvent par relations indirectes
. Chaque
cataphile dispose d’un « stock » de contacts particuliers qu’il transmet aux autres cataphiles.
C’est une sorte de mise en commun des relations qui se dégage. Pour juger de la qualité d’un
contact, la qualité des publications est par exemple un des critères choisi par un cataphile
282
.
Le cataphile dispose ainsi d’une gamme de moyens qu’il s’emploie à utiliser pour
effectuer « son enquête ».
Un registre policier de la recherche
Le cataphile utilise le champ lexical de l’enquête lorsqu’il décrit son travail de recherche.
Il a des « pistes », « met la main » sur des éléments, fait des « constations » et émet
des « hypothèses »
283
. Sa méthode est celle de la déduction par élimination. Ainsi il
élimine progressivement les fausses pistes
284
. Il fait aussi un travail de construction, « en
285
échafaudant » des tentatives de réponses parmi les choses qui l’interpellent
. Dans le
même registre, l’archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelle (DRAC) parle
des arêtes de poisson comme d’un « mystère » et de la « monstruosité » du radier qui se
trouve dans le réseau. Mais dans un registre plus léger, le « but du jeu » reste pour lui de
découvrir les origines du réseau
286
.
C. Les résultats de la recherche : entre accusations de complot et impératifs
professionnels
Le cataphile lyonnais est frustré par le peu de résultats que lui procurent ses recherches.
D’autant que la découverte d’éléments nouveaux lui donne un réel plaisir. Il va donc chercher
des coupables face à ce manque d’informations.
Les plaisirs de la découverte
La découverte est pour tous ceux qui travaillent sur les souterrains un plaisir. Un plaisir
287
gustatif pour un cataphile : « quelque chose d’intéressant à se mettre sous la dent »
. Un plaisir rêvé ou un plaisir utopique, « un miracle » pour une responsable du service
de l’inventaire de la DRAC
281
282
283
284
285
286
287
288
288
. Mais la découverte n’est pas acquise d’avance. Elle arrive
Séance d’observation n°8: cf.supra.
Ibid.
Ibid.
Ibid.
Ibid.
Constat de l’archéologue de la DRAC présent lors de la séance d’observation n°8: cf.supra.
Séance d’observation n°8: cf.supra.
Ibid.
Delescluse Juliette - 2008
53
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
289
« d’un bloc ou au compte-goutte », comme le constate un cataphile
. Que ce soit pour les
cataphiles, les archéologues, les membres de la DRAC et les membres du service galeries,
l’appétit de découvertes est une passion
290
.
Les questionnements d’une découverte limitée
Les accusations d’un complot pour certains. Certains cataphiles ne comprennent pas qu’il y
ait si peu d’informations sur les souterrains, « pourquoi des questions simples restent sans
291
réponses ? »
. Certes ce sont des réseaux pour la plupart privés, mais dans le cas des
arêtes de poisson, pourquoi pour un ouvrage d’une telle ampleur ne retrouve-t-on pas des
archives, même dans les archives militaires ? La réponse de certains cataphiles à cette
question est de dire que les archives ont été détruites et que ce n’est pas faute de les avoir
cherchées
292
. Le seul avantage d’un projet de visites des arêtes de poisson serait pour un
293
des cataphiles d’avoir accès aux archives . Certains cataphiles se posent aussi une autre
question. Alors que la ville de Lyon met en avant sa tradition d’archéologie et d’érudition
294
, comment se fait-il qu’aucune étude historique profonde des arêtes de poisson n’ait été
faite ? Cela fait pourtant plusieurs années, selon eux, qu’elle est demandée
295
.
296
Un étonnement pour d’autres. Pour un archéologue de la DRAC
et d’autres
cataphiles, c’est plutôt un « étonnement » qu’il n’y ait pas plus d’éléments sur les origines
297
des arêtes de poisson
. Selon un cataphile, les archives n’ont pas été cachées et il ne
faut pas raconter des mensonges comme d’autres cataphiles le font parfois. Il reconnaît qu’il
y a beaucoup d’ « intox » dans la « nébuleuse » cataphile lyonnaise mais pas forcément
298
299
des mythomanes
. Il ne faut pas être « psychopathe » selon lui
. Mais il confie
néanmoins son étonnement par rapport au manque d’archives relatives au creusage des
arêtes de poisson
300
. Un autre cataphile, habitué des recherches, est conscient qu’il y a
des problèmes de classement aux archives en ce qui concerne les souterrains
289
290
291
292
293
294
295
Ibid.
Ibid.
Ibid.
Entretien n°2 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », cf.supra.
Ibid.
Dossier de J-L. Chavent « Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, cf.supra.
CORNELOUP G., « Les dessous de Lyon », Lyon Figaro, 02/03/1995.
296
297
298
299
300
301
54
Séance d’observation n°8: cf.supra.
Ibid.
Séance d’observation n°7: cf.supra.
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Ibid.
Séance d’observation n°7: cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
301
. Plus
Partie 1 Une trame particularisée : le souterrain sous l’urbain
généralement, différents acteurs non cataphiles se demandent si quelqu’un a véritablement
cherché
302
et si un travail universitaire a été réellement fait sur le sujet
303
304
. Un archéologue
de la DRAC rappelle que le travail d’archives, « c’est un métier »
. A ces questions, les
cataphiles répondent que même si une personne souhaitait faire ce travail de recherche,
l’interdiction d’accès aux souterrains la freinerait dans ses avancées
donc nécessaire.
305
. Une rupture est
Il convient d’étudier dans une seconde partie en quoi la « déviance » cataphile va
être dépassée par le possible péril du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson.
Les cataphiles vont mettre de côté leur illégalité et saisir la possibilité d’une construction
patrimoniale de l’objet souterrain.
302
Entretien n° 16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008,
le 27/02/2008, dans son bureau.
303
304
305
Séance d’observation n°8: cf.supra.
Ibid.
Ibid.
Delescluse Juliette - 2008
55
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Partie 2 Une trame mobilisée : le
souterrain à l’image de l’urbain
Photo : Superflux.
« Je pensais seulement que les ténèbres sont belles aussi. Si tu savais tout
ce qu’y voient des yeux habitués à leur profondeur ! Il y a des ombres qui
passent et que l’on aimerait suivre dans leur vol ! Parfois ce sont des cercles
qui s’entrecroisent devant le regard et dont on ne voudrait plus sortir !... Vois-tu,
Harry, il faut avoir vécu là pour comprendre ce que je ressens, ce que je ne puis
t’exprimer ! » Jules Verne, Les Indes noires, Chapitre XV
56
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
C’est dans la mobilisation pour le réseau souterrain des arêtes de poisson que les cataphiles
vont tenter de créer et de revendiquer publiquement une nouvelle appartenance au groupe
des défenseurs du bien public. L’opportunité de sortir de l’image de déviance qui leur est
accolée se trouve dans ce cas si importante qu’ils vont l’appréhender. Ils vont aussi saisir
la possibilité de construire une nouvelle image des souterrains à Lyon. Pour cela, il va leur
falloir prouver aux Lyonnais que ces lieux peuvent être considérés comme patrimoine. La
mobilisation pour les arêtes de poisson va donc être une nouvelle phase dans la définition
qu’a le cataphile de lui-même (Chapitre 3). Cette mobilisation va cependant se heurter à
divers impératifs (Chapitre 4).
Chapitre 3 La déviance surmontée avec l’urgence de
la mobilisation
Delescluse Juliette - 2008
57
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Source : Article de Lyon Capitale du 09/10/2007.
I/ La tentative d’unification du mouvement cataphile face au possible
péril
Le possible péril des arêtes de poisson devient l’opportunité pour les cataphiles de
patrimonialiser l’ensemble des souterrains lyonnais (A). Cependant la patrimonialisation
des arêtes de poisson se heurte à la confrontation de différents schémas de mobilisation
n’empêchant pas pour autant pas une unification du mouvement cataphile (B).
A. L’apparition du péril : une opportunité de construction patrimoniale
Des registres du péril
La préservation du patrimoine passe en premier lieu par l’observation. Faire attention aux
choses qui nous entourent au quotidien et tenter de sauver ce qui est menacé de péril. Ainsi
les protecteurs du patrimoine lyonnais parlent plus souvent de « sauvegarde du patrimoine »
306
que de « protection du patrimoine »
. Dans le cas des arêtes de poisson, la menace du
péril va paradoxalement être l’opportunité pour les cataphiles que « ça commence un petit
peu à bouger »
307
. En effet, les arêtes de poisson ne sont pas un sujet nouveau
depuis longtemps une étude historique est demandée
309
308
car
.
Pour désigner le péril, plusieurs types de vocabulaire sont utilisés. Les cataphiles
310
parlent d’une déconstruction : « il va démonter ces arêtes »
. Pour d’autres c’est la
« menace » qui est mise en avant avec un risque de gâchis inutile : « bousiller des arêtes »
311
. Pour un membre du service galeries, le péril est un contact entre le tunnel et le réseau :
312
« il va toucher quelques arêtes »
. Quant à un archéologue de la Direction Régionale
des Affaires Culturelles (DRAC), le péril relève d’une ingurgitation : « il va en bouffer un
313
morceau »
. C’est aussi, constate le président de l’Union des Comités d’Intérêts Locaux
du Grand Lyon (UCIL), une destruction sans aucune possibilité de visibilité : « casser un
306
Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine, le 22/02/2008, dans son bureau au Fort
de Vaise.
307
Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008, le
27/02/2008, dans son bureau.
308
Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, le 30 janvier 2008, dans un des
appartements de Tony Garnier à la cité des Etats-Unis.
309
CORNELOUP G., « Les dessous de Lyon », Lyon Figaro, 02/03/1995.
310
311
312
313
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, le 09/11/2007, chez lui.
Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, le 12/02/2008, dans son bureau.
Séance d’observation n°8: Rencontre entre un cataphile, deux archéologues du service archéologique de la ville de Lyon,
un archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et une responsable du service de l’inventaire, le 19/03/2008,
à la DRAC.
58
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
314
truc que personne n’a vu et ne verra, qu’est-ce que ça peut foutre ? ».
C’est bien là
le cœur de la mobilisation cataphile : servir de témoins illégaux de la destruction possible
du réseau souterrain des arêtes de poisson qu’ils jugent être un patrimoine. Un patrimoine
souterrain non visible pour la majorité des lyonnais.
L’opportunité d’une bataille
La mobilisation pour protéger les arêtes de poisson va être l’occasion pour les cataphiles
de tenter d’obtenir une reconnaissance plus générale de la valeur patrimoniale que peuvent
représenter les souterrains lyonnais. Ils vont tenter d’utiliser cet événement pour sortir les
souterrains lyonnais de leur image utilitaire. C’est pour eux une occasion de « mettre un peu
la pression »
315
, voire « de frapper un bon coup cette fois »
se mettre en place, « une croisade »
317
318
316
. C’est ainsi un combat qui va
pour certains afin d’« amener les souterrains aux
gens »
. Finalement, la sensation dominante chez les cataphiles est que cet événement
est l’opportunité de protéger un site et d’obtenir une reconnaissance. Mais aussi qu’une
rupture se produise : « s’il doit se passer un truc, ça devrait se passer bientôt »
319
.
320
La crainte du cataphile lyonnais a été d’avoir réagi trop tardivement
. Alors que la
concertation préalable sur le nouveau tube de sécurité a eu lieu du 20 avril au 8 juin 2007,
les cataphiles n’ont commencé leur mobilisation qu’à partir de septembre 2007
322
321
. Les
cataphiles exprimeront ce fait plusieurs fois lors de la mobilisation . Mais en même temps,
ils sont conscients dès le début que rien n’est vraiment encore joué. Le choix de la technique
de creusage dans les débuts du tunnel est notamment très important pour eux. Le creusage
par un tunnelier, c’est « nickel ». Alors que si c’est un creusage manuel, « ils débouchent
sur une galerie, ne s’en rendent pas compte, ils envoient la purée et tu as un paquet de
béton qui a tout dégueulassé », explique un cataphile
314
323
.
Entretien n° 16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008,
cf.supra.
315
316
317
318
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra.
Email de J-L. Chavent, 28/12/2007.
Séance observation n°3: Présentation des souterrains lyonnais par deux cataphiles lors de la réunion du Comité d’Intérêts Locaux
(CIL) de Vaise, le 11/12/2007, Maison de la Jeunesse et de la Culture (MJC) de Vaise.
319
Entretien n° 3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
320
Séance d’observation n°7: Rencontre entre le cataphile membre de l’OCRA, un cataphile, le responsable de la maîtrise
d’ouvrage de la construction du tube de sécurité, l’assistant à la maitrise d’ouvrage, le responsable du service tunnels du Grand Lyon,
le directeur et la chargée de communication de la mission Vaise-Serin, le 28 février 2008, salle de réunion de la mission Vaise-Serin.
321
SILVAIN P., « Ils lancent une pétition pour sauver les souterrains », 20 Minutes Lyon, 09/10/2007. La pétition est lancée
le 28 septembre 2007.
322
Lors de deux séances d’observation, ces propos seront tenus. Séance d’observation n°6: Rencontre entre un cataphile
membre de l’OCRA et C.Pillonel, vice-président du Grand Lyon chargé de la Voirie, le 25/01/2008, dans le bureau de C.Pillonel au
Grand Lyon. Et lors de la séance d’observation n°7 : cf.supra.
323
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
59
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
B. La construction d’un réseau : l’enjeu de se mobiliser malgré les
différentes visions
Différentes stratégies de mobilisation apparaissent dans la nébuleuse cataphile. Mais un
accord de principe émerge parmi les différentes représentations. Le compromis consiste
à ce qu’en cas de succès d’une des stratégies, l’association Organisation pour la
Connaissance et la Restauration d’Au-dessous terre (OCRA)
qu’ « interlocuteur valable ».
324
prenne le relais en tant
Les différentes stratégies de mobilisation
La discussion a lieu dans une des arêtes de poisson, à quelques dizaines de mètres du
futur du tube de sécurité. On entend un léger brouhaha. Un groupe rejoint l’autre groupe
déjà assis autour de quelques bougies. Les lampes frontales sont éteintes. Des pierres
sur le sol servent de sièges. Quelques bières sorties d’un sac à dos sont distribuées à la
petite dizaine de cataphiles présents. Et puis vient le débat. On s’informe les uns les autres
des nouveautés et on propose différentes manières de se mobiliser. On s’accorde ou on
s’oppose. Et puis chacun repart faire son chemin, souterrain.
Une pétition sur Internet. C’est l’une des premières stratégies dont les Lyonnais ont
entendu parler : « ils lancent une pétition pour sauver les arêtes de poisson », titre le
325
quotidien 20 Minutes début octobre 2007
. C’est aussi celle qui a été la plus rapide
à mettre en place. Ce sont deux cataphiles qui en sont à l’origine. Pour l’un d’eux, il
faut que cette pétition s’accompagne aussi de tractage. Internet n’est pas suffisant pour
326
« se payer la Courly »
. C’est le sentiment de revanche par rapport à la fermeture de
l’accès aux souterrains lyonnais qui domine chez lui. Dans cette situation là, il se trouve
qu’il présente les différentes caractéristiques du cataphile « déterminé » que nous avons
étudiées précédemment.
Permettre la visite des arêtes de poisson : une destruction partielle mais une valorisation
du reste. L’idée de rendre visitable la partie haute des arêtes de poisson n’est pas nouvelle.
Un projet de visites avait déjà été imaginé en 1994 par Jean-Luc Chavent. Celui-ci avait
échoué pour diverses raisons, mais principalement pour des questions de sécurité. Le sujet
d’un projet de visites revient d’actualité avec le projet de rénovation lourde du tunnel. En
327
effet, la proposition « non extravagante »
que font certains cataphiles, c’est d’accepter
qu’une partie des arêtes de poisson soit détruite mais qu’en échange le reste soit valorisé,
notamment en le rendant visitable au public. D’une certaine manière, ils savent que les
« arêtes sont tirées d’affaire »
324
328
mais ils souhaitent saisir cette opportunité pour un projet
L’association OCRA est née en 2001 sur Lyon. Elle devient la branche provinciale de l’OCRA Paris. Elle se veut être une
association de passionnés des espaces souterrains en tout genre. Les membres de l’association ne sont pas tous des cataphiles.
325
326
SILVAIN P., « Ils lancent une pétition pour sauver les souterrains », 20 Minutes Lyon, 09/10/2007.
Entretien n°2 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », le 09/11/2007, restaurant
universitaire de la Manufacture des tabacs (Lyon III).
327
ème
MENVIELLE D., « Et si le 2
tunnel de la Croix-Rousse ouvrait les souterrains aux Lyonnais ? », Le Progrès, 20/10/2007.
328
60
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
329
plus global de visites qui est leur « but »
. Il s’agit de « profiter » notamment de l’important
financement du projet du tube de sécurité : « un projet de visites ne coûterait presque rien
par rapport au coût du tunnel », précise un cataphile
330
.
Le projet de visites a été principalement porté par l’OCRA et en particulier par un
des ses membres. Mais les autres membres de l’OCRA ont aussi participé en fournissant
principalement par Internet les documents administratifs nécessaires à l’élaboration du
projet
331
. Le cataphile mobilisé pour le projet explique que c’est une visite de « type sportive,
332
plutôt du genre de l’accro branche que du musée des beaux arts ! »
. Un dossier d’une
vingtaine de pages est élaboré en novembre 2007. Nous avons participé à sa rédaction
dans le cadre de notre recherche. Ce dossier est constitué de trois parties : une présentation
des arêtes de poisson, une description des modalités de visites et l’ensemble des modalités
de sécurité à envisager. Le respect des conditions de sécurité des établissements recevant
du public est une anticipation des cataphiles sur les reproches que l’on pourrait leur faire
333
. Dans ce sens, le fait qu’un assureur, ami d’un cataphile, s’engage à couvrir le projet
de visites sous réserve d’un accord de la municipalité a été vécu comme une preuve pour
334
les cataphiles que leur dossier était crédible
. La visite doit être rendue vivante car un
souterrain « ne parle pas assez » à des non habitués, considère le membre de l’OCRA qui
s’est occupé du dossier. Il y a chez lui une inquiétude que les gens s’ennuient, alors que
pour lui le souterrain lui suffit en lui-même. Différents concepts sont imaginés pour que le
« visiteur occasionnel »
335
, profil type moyen envisagé, ne se lasse pas. Parmi ceux-ci :
1. Une exposition ou une projection sur les autres souterrains, afin de pallier au
« manque de connaissances »Ibid. constaté des Lyonnais sur le sujet.
2. La possibilité que des artistes travaillent autour d’une arête, afin d’avoir un mélange
des visions : « des artistes, de nous et des néophytes »Ibid..
3. Faire des jeux de lumière et de sons, des mises en scène historiques. Le visiteur peut
participer en changeant les ambiances. Un étal de glaise est aussi laissé à la libre
disposition des visiteurs pour voir s’ils se l’approprient ou nonIbid..
C’est une vision d’un patrimoine en interaction avec le visiteur qui se dégage de ce projet de
visites des arêtes de poisson. C’est aussi la conscience qu’un tel projet servirait positivement
l’image de la ville
329
330
331
332
333
336
.
Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra.
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Email de la mailing liste de l’OCRA.
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Séance d’observation n°2: Constitution du dossier de visite des arêtes de poisson avec un cataphile membre de l’OCRA,
novembre 2007, lieux divers.
334
Séance d’observation n°6: Rencontre entre un cataphile membre de l’OCRA et C.Pillonel, vice-président du Grand Lyon
chargé de la Voirie, le 25/01/2008, dans le bureau de C.Pillonel au Grand Lyon.
335
336
Séance d’observation n°6: cf.supra.
BOUCHER S. et MAILHES F., « Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon, 05/05/2006
Delescluse Juliette - 2008
61
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Le projet de visites des arêtes de poisson a fait l’objet d’un débat parmi les cataphiles.
Les opinions divergent mais aucun cataphile opposé au projet n’a pour autant tenté de
bloquer le projet en tant qu’élément de mobilisation. Le membre de l’OCRA à l’origine
du dossier reconnaît qu’il y a un paradoxe pour les « clandestins » dans ce projet. Avec
l’organisation de visites légales, les arêtes de poisson seraient inéluctablement isolées du
337
reste du réseau
. C’est donc une sorte de sacrifice nécessaire. D’autres cataphiles ne
sont « pas forcément pour un projet de visites ». Cela dénaturerait le charme d’une descente
338
dans les souterrains et ça serait « moins amusant »
, explique un cataphile peu motivé
par le projet. A la limite, cela permettrait de faciliter un accès aux archives. Pour autant, il
est persuadé que de toute façon « cela ne l’empêchera pas d’y aller quand il veut ». Enfin,
une dernière frange de cataphiles est indifférente à ce projet. Le principal pour eux c’est la
connaissance historique du lieu ou sa protection
339
.
Le cataphile lyonnais oscille donc entre construire et diffuser une image patrimoniale
des souterrains lyonnais ou se préserver le côté privé et alternatif d’une descente en soussol. Face au péril, le cataphile lyonnais va trouver un consensus : rendre visitable une
partie du réseau servant indirectement l’image patrimoniale des souterrains tout en gardant
le reste du réseau pour sa recherche d’indépendance. Le cataphile lyonnais rêve aussi
d’un « passe-droit » pour les souterrains. Une autorisation légale de les visiter comme une
reconnaissance de leurs « expériences collectives et de leur respect des conditions de
sécurité »
340
.
Retour sur un premier projet de visites des arêtes de poisson : une tentative manquée
Le personnage de Jean-Luc Chavent à l’origine du projet
Jean-Luc Chavent est un des premiers à ajouter l’adjectif « souterrain » au mot
« patrimoine ». Dès 1993, il parle d’un « patrimoine fantastique »
d’architecture »
342
341
et de « trésors
. Considérant que les souterrains lyonnais sont à l’époque « dans les
343
ténèbres du secret défense »
, il souhaite que les Lyonnais se les réapproprient. En
partenariat avec l’association Patrimoine Rhônalpin, il monte en 1994 un projet de visites
des arêtes de poisson d’une trentaine de pages. Ce projet est un véritable aménagement
touristique qu’il souhaite intégrer dans une politique globale. Il chiffre le coût du projet total
à 500 000 Francs (75 000 Euros).
Le personnage de Jean-Luc Chavent médiatisé
337
338
339
340
341
342
343
62
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Entretien n°2 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », cf.supra.
Propos tenus par le cataphile présent lors de la séance d’observation n°6: cf.supra.
Email d’un cataphile membre de l’OCRA, 13/01/2008.
FILLON F., « Plongée dans les entrailles de Lyon », L’Essor du Rhône, 24/06/1994.
MAIRE M.A., « Lyon tire des plans sur ses galeries », Lyon Figaro, 24/05/1994.
Ibid.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
Suite à ce projet, la presse lyonnaise de l’époque médiatise Jean-Luc Chavent et lui
attribue toute une série de surnoms : «un pro du boyau »
345
344
, « un passionné mais pas
346
fou »
ou « un fervent défenseur de la connaissance des entrailles de Lyon »
. Sa
moustache épaisse lui donne un air sympathique et le rend photogénique. On reconnaît
son érudition en ce qui concerne les sous-sols lyonnais mais aussi sur l’histoire de la ville
dans son ensemble.
348
347
Mais Jean-Luc Chavent, à l’époque déjà, « gonfle les gens de
la Courly »
notamment parce qu’il fait la promotion des souterrains, interdits d’accès
quelques années auparavant.
Des échos favorables de la presse à l’échec du projet
Le projet de visites reçoit les éloges de la presse de l’époque. On le présente comme
un projet « en béton » qui est une « parade légale aux serrures inviolables »
349
350
. Le projet
a même reçu un écho favorable de la part de la mairie, relate un article
. Mais finalement
le projet n’aboutira pas pour des « raisons de sécurité et de responsabilités de la ville »
351
. Fort du succès des visites atypiques qu’il a mis en place sur Lyon, Jean-Luc Chavent
soutient l’actuel projet de visites des arêtes de poisson
enfin, selon lui, ce « patrimoine unique »
353
352
afin que les Lyonnais découvrent
.
Un dossier de demande de préservation auprès de l’UNESCO. Jean-Luc Chavent a
choisi une stratégie non locale pour la protection des arêtes de poisson. Celle-ci consiste
354
à déposer « en mains propres »
à l’UNESCO un dossier d’une quinzaine de pages à la
fin de l’année 2007. Ce dossier a pour but d’alerter sur le péril d’un site aux abords de la
zone classée patrimoine mondial et voire même de le faire classer. Des mots marquants
du texte sont volontairement colorés, grossis et associés à des images et à des plans. La
ville de Lyon est accusée de cacher ces lieux. Elle est aussi accusée de garder « un silence
volontaire » sur les dégâts occasionnés par le nouveau tube de sécurité. Le dossier insiste
sur des cas précédents où pour des « raisons venues de plus haut » des démolitions ont
eu lieu. Celles-ci ont ainsi privé « les Lyonnais à tout jamais d’une partie de leur histoire ».
344
345
346
347
348
349
350
351
352
353
354
FINAND S., « Lyon à travers ses souterrains », Jeudi Lyon, 17/11/1994.
Ibid.
MAIRE M.A., cf.supra.
FINAND S., cf.supra.
« Les réseaux de l’ombre », Lyon Figaro, 07/11/1991.
FINAND S., cf.supra.
A. M.-A., « Réseaux souterrains de Lyon : un patrimoine caché à découvrir », Le Tout Lyon, 07/06/1994.
Email de Michel Noir, ancien maire de Lyon, le 08/02/2008.
Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra.
BARBIER J. et MASSIP M., « Pourquoi le sous-sol de Lyon est instable ? », Lyon Mag, 01/03/2002.
Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
63
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Il se dit faire partie des Lyonnais « qui savent » à propos de ce péril et de ce fait réclame
que l’on perde « quatre arêtes pour en gagner trente »
355
.
C’est avec une palette de stratégies que les cataphiles vont se mobiliser et vont aussi
tenter de s’unifier.
Une unification non acquise d’avance
Les différentes stratégies des cataphiles vont être menées parallèlement. Malgré les
désaccords, chacun respecte la stratégie de l’autre et ne cherche pas à la bloquer. Ce
sont aussi des accords implicites qui vont se construire entre eux. Ceux-ci portent sur
l’acceptation en cas de réussite d’une des stratégies, que l’OCRA prenne le relais. Malgré
le fait qu’un des cataphiles reproche à l’OCRA son immobilisme
356
.
L’OCRA Lyon est une association de préservation du patrimoine comme tant d’autres.
C’est la petite sœur de l’OCRA Paris. L’association naît à Lyon en 2001. Son objectif
357
est d’ « étudier, préserver et faire connaître le patrimoine souterrain lyonnais »
.
L’association se réunit une fois par mois au Fort de Vaise appartenant à la Fondation
Renaud. La communication entre les membres, plutôt masculins, se fait principalement via
une mailing liste (notamment la diffusion du compte-rendu des réunions). Ses activités sont
variées : chantier de restauration du souterrain du Fort de Vaise ; organisation des Journées
Européennes du Patrimoine pour faire visiter ce même souterrain ; recherche de souterrains
chez des propriétaires privés hors de Lyon ; sorties à Provins et dans d’autres villes avec des
souterrains et enfin échanges avec les autres membres de l’OCRA Paris. Un membre de
l’association explique clairement que l’OCRA n’est en aucun cas « un passe droit pour visiter
les souterrains lyonnais ». Si des cataphiles font partie de l’OCRA, tous les membres de
l’OCRA ne sont pas cataphiles. L’OCRA présente les difficultés d’une association classique :
manque de temps du fait de la vie de famille des membres et problèmes de classement des
documents. Un autre problème propre aux associations est que la plupart des tâches sont
effectuées par quelques membres seulement. Comme toute association, « une association
est faite de ses membres », remarque un membre de l’OCRA
358
.
Les cataphiles et l’OCRA ont donc conclu un accord. L’OCRA sera l’interlocuteur-clé
pour les politiques
361
359
et les journalistes
360
. Ils ont décidé de « s’unir pour un truc général »
. Notamment parce que le péril a permis à chacun d’eux de prendre conscience de
362
l’importance des arêtes de poisson
. Le péril a déclenché une prise de conscience :
l’image des arêtes a donc aussi changé dans l’esprit des cataphiles du fait du péril possible.
Les cataphiles vont donc coûte que coûte se mobiliser pour les arêtes de poisson. Un
355
356
Entretien n°3 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », cf.supra.
357
358
359
360
361
362
64
Dossier de J-L. Chavent « Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, écrit en décembre 2007.
BOUCHER S. et MAILHES F., « Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon, 05/05/2006.
Entretien n°1 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Entretien n°3 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », cf.supra.
Séance d’observation n°7: cf.supra.
Ibid.
Séance d’observation n°8 : cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
cataphile est déterminé à poursuivre la mobilisation « même si on se ramassera car
beaucoup de choses sont en orbite autour de ça »
tout par une médiatisation.
363
. La mobilisation cataphile passe avant
II/ La diffusion du message par une stratégie de médiatisation
C’est avec une « action de relations publiques » que le Vieux Lyon a été sauvé de la
364
destruction à la fin des années 1950, confie Régis Neyret
. Dans une société où
l’information primait sur la communication, poursuit-il, la presse lyonnaise était leur principal
relais et moyen de communication. Les cataphiles vont utiliser cette même méthode pour les
arêtes de poisson. La médiatisation mise en place par les cataphiles est largement maîtrisée
(A). Les messages diffusés sont diversifiés (B). Et l’impact est globalement positif pour les
cataphiles (C).
A. Le sentiment cataphile d’une campagne médiatique contrôlée et réussie
Les cataphiles possèdent une maîtrise des techniques nécessaires à une médiatisation
réussie. La médiatisation sera d’autant plus développée du fait d’un sentiment partagé par
les cataphiles d’une campagne médiatique réussie.
Une maîtrise des techniques de médiatisation
Les cataphiles sont conscients qu’une médiatisation réussie passe par certaines modalités.
Informer sur l’existence des souterrains : la conscience du public visé. Les cataphiles
connaissent le lectorat type des titres de la presse lyonnaise. Ils utilisent cette donnée dans
la médiatisation de leur message. Même si leur conception peut s’avérer être en réalité
fausse, ils agissent en fonction de leurs représentations. Ainsi : « Lyon Mag, ils touchent un
public qui n’est pas le même que Métro […] ça touche des chefs d’entreprises, des mecs qui
en imposent »
365
. Dans cette optique, les cataphiles essaient de varier les types de médias.
Ils ne refusent aucune offre de médiatisation car « la presse ce n’est jamais mauvais »
366
.
Utiliser le contexte électoral : le sentiment d’un avantage. Un cataphile reconnaît que
les élections municipales arrivant, il est possible de « foutre la bordel autant qu’on veut »,
notamment parce que le « gars de 20 Minutes » le contactait tous les trois jours. D’autant
que, selon lui, Gérard Collomb est quelqu’un d’inquiet par nature et que le « battage
médiatique ne lui va pas trop », surtout sur un « dossier chaud » comme les arêtes de
367
poisson. Il s’agit donc de profiter de cet avantage
. Finalement, un autre cataphile
déclarera que ce n’est pas tant la rencontre avec un politique qui est importante mais le fait
de dire à la presse que l’on a envoyé à cet homme politique une lettre
363
364
368
.
Entretien n°1 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Entretien n°10 avec R.Neyret, le 01/02/2008, chez lui.
365
366
367
368
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
Ibid.
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
65
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Profiter de la notoriété d’un acteur : les contacts facilités avec la presse. Jean-Luc
Chavent est en permanence cité dans les articles portant sur les souterrains. De plus
il co-anime l’émission « Vie de quartiers » sur chaîne de télévision lyonnaise TLM. Il
est donc familier des médias et possède un répertoire de contacts dans le milieu. Le
cataphile lyonnais les lui demande parfois. Notamment pour que la presse soit présente
369
lors des séances pétitions pour la sauvegarde des arêtes de poisson
. De part cette
notoriété audiovisuelle, les actions de Jean-Luc Chavent ont plus d’échos dans les médias.
Notamment parce qu’il a acquis la réputation d’être l’ « un des meilleurs connaisseurs de
370
Lyon »
. On parle ainsi du fait qu’il a lancé « une polémique »
déposé à l’UNESCO pour préserver les arêtes de poisson.
371
avec le dossier qu’il a
Diffuser des images et des messages forts : une volonté de marquer les esprits. La
diffusion du message cataphile passe par la multiplication des superlatifs pour décrire à la
fois les arêtes de poisson, la menace et la taille du groupe des cataphiles : « on est une
372
373
énorme équipe »
. Elle passe aussi par l’utilisation de la photographie
. Le réflexe d’un
des cataphiles a été de vouloir prendre une photo en voyant que des sondages coupaient
une arête en deux. Cela a été fait quelques minutes plus tard par un autre cataphile.
Se saisir des nouveaux types de médias : une pétition sur Internet. Le cataphile lyonnais
se saisit de l’opportunité des nouveaux moyens de communication. La pétition pour les
arêtes de poisson est principalement sur Internet. Ainsi, un bandeau clignotant avec des
photos « les arêtes de poisson / patrimoine lyonnais / menace de disparaître / signez la
374
pétition » a été mis en ligne sur plusieurs forums cataphiles
. C’est aussi dans ces forums
et plus spécialement dans la rubrique « travaux » que le cataphile lyonnais diffuse des
informations à propos des arêtes de poissons. Un cataphile utilise aussi le site Internet
« daily motion »
375
pour mettre en ligne l’avancée de ses recherches.
La sensation d’un succès médiatique
La médiatisation peut présenter des revers ou obliger les cataphiles à prendre des risques.
L’OCRA a ainsi souhaité apporter des corrections à un article portant sur les arêtes de
poisson qui n’allait pas dans son sens
377
376
. Son « droit de réponse » a été diffusé sur son site
Internet
. La diffusion d’un article dans Lyon Mag a inquiété au préalable les cataphiles.
Ils souhaitaient profiter de l’opportunité d’un lectorat nouveau mais craignaient ce journal
369
370
371
372
373
374
375
Ibid.
LAMY G., « Les souterrains de Lyon menacés par le projet de tunnel », Lyon Capitale, 09/10/2007.
X.T., « Les arêtes préservées », Métro Lyon, 30/01/2008.
Dossier de J-L. Chavent « Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, cf.supra. Et séance d’observation n°8: cf.supra.
ème
MENVIELLE D., « Et si le 2
tunnel de la Croix-Rousse ouvrait les souterrains aux Lyonnais ? », Le Progrès, 20/10/2007.
Un des forums cataphiles: <http://ckzone.org/> Consulté en novembre 2007.
Film « Lyon souterrain » sur la découverte du plan des arêtes de poisson mentionnant la présence d’ossements sur le site
Internet de vidéos en ligne : < http://www.dailymotion.com/fr > Consulté en mai 2008.
376
377
66
F.C., « Le tunnel épargnera les arêtes », 20 Minutes Lyon, 30/01/2008.
Site de l’OCRA Lyon: < http://www.ocra-lyon.org/ > Consulté en mai 2008.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
qui fait selon eux des « articles à sensation ». Ainsi, « on savait que si jamais ils ne peuvent
pas taper sur la ville de Lyon, ils vont taper sur nous […] on avait bien préparé »
378
.
Mais globalement, différents éléments ont fait que les cataphiles ont eu le sentiment
d’avoir réussi la médiatisation de leur message. C’est grâce à un article « déclencheur »
379
dans le journal 20 Minutes que tout a commencé, juge un cataphile. Dans cet article,
on considère que le nouveau tube de sécurité pourrait être «remis en question par des
amateurs de souterrains »
380
. De fait, le maire de Lyon répond, dans l’article suivant de 20
381
Minutes sur le sujet, qu’il est « sensible aux arêtes de poisson »
. C’est donc la preuve
pour les cataphiles que la campagne médiatique entreprise produit ses effets. Un autre
cataphile nous parlera de rumeurs sur le fait que la pétition aurait fait « beaucoup de mal »
382
et qu’elle inquièterait la mairie dans le contexte préélectoral
. Rumeur fondée ou non, la
sensation d’avoir un impact se précise. Le message diffusé se doit d’être à la hauteur.
B. Les messages d’une mobilisation
Jean-Luc Chavent nous explique l’importance qu’il y a d’avoir des témoins lors d’une
383
destruction
. La diffusion du message des cataphiles s’inscrit dans cette logique : être
les témoins d’une destruction possible que peu de personnes pourront voir, et transmettre
cette information à ceux qui en sont privés. Ce sont différents messages qui vont peu à
peu apparaître.
Un « patrimoine en péril »
Le cataphile lyonnais va parler des arêtes de poisson dans la presse comme du
« patrimoine ». Notamment parce que la notion de patrimoine est une notion qui parle plus
aux Lyonnais, à l’opposé des arêtes de poisson. Le patrimoine s’est en effet imposé comme
une catégorie dominante et englobante
385
387
378
380
381
382
384
385
386
387
388
. C’est ainsi un patrimoine « unique en Europe»
et un « joyau du patrimoine souterrain »
386
qui risque d’être bétonné « pour l’éternité »
. Il va expliquer que ce patrimoine est d’autant plus menacé
388
d’ « amputation » qu’il
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
379
383
384
Les références de l’article « déclencheur » : SILVAIN P., « Un tunnel peut en casser un autre », 20 Minutes Lyon, 26/09/2007.
SILVAIN P., cf.supra.
P.S. et C.B., « Gérard Collomb sensible aux arêtes de poisson », 20 Minutes Lyon, 29/10/2007.
Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra.
Ibid.
ANDRIEUX J-Y., Patrimoine et société, Rennes, Les Presses Universitaires de Rennes, 1998. p.3.
LAMY G., « Ossements humains sous la Croix-Rousse », Lyon Capitale, 26/03/2008.
BURY E., « Faut-il sauver les arêtes de poisson ? », Tribune de Lyon, 11/10/2007.
LAMY G., « Les souterrains de Lyon menacés par le projet de tunnel », Lyon Capitale, 09/10/2007.
Ibid.
Delescluse Juliette - 2008
67
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
389
est méconnu
. Cela rejoint le fait que le cataphile lyonnais considère que même si l’on ne
parle pas beaucoup des arêtes de poisson, cela n’empêche pas pour autant que ce soit un
390
patrimoine exceptionnel
. Le cataphile lyonnais s’identifie, dans ce sens, à la mobilisation
qu’il y a eu autour du quartier de Saint-Jean menacé par un projet autoroutier lors du mandat
du maire Louis Pradel
391
.
Un message consensuel de non opposition au tunnel
Dès les premiers articles de la mobilisation, le cataphile lyonnais a voulu adresser un
message consensuel vis-à-vis de la construction du tube de sécurité. Ainsi l’objectif, selon
Jean-Luc Chavent dans un article de 20 Minutes, ce n’est pas d’empêcher le percement
392
du tunnel mais qu’il soit réalisé de manière à protéger ce « patrimoine souterrain »
.
Un cataphile admettra, lors d’une réunion avec les responsables de la construction du tube
de sécurité, que la diffusion d’articles dans la presse ne sera en aucun cas un obstacle au
projet
393
.
- Une demande d’informations sur le tunnel et un moyen d’informer sur leurs
stratégies
Le cataphile lyonnais réclame que le « projet soit concerté »
394
. En d’autres termes, que
395
le cataphile lyonnais puisse obtenir un « droit de regard sur le chantier »
. La presse lui
permet aussi d’informer ses interlocuteurs sur ses projets. Il annonce ainsi des échéances
396
, indique qu’il se rendra à une réunion sur le projet de rénovation
dossier à l’UNESCO
398
397
et qu’il a déposé un
. Il fait part aussi de sa non naïveté par rapport à des coïncidences
entre la « polémique » et la réaction hâtive des services municipaux
399
.
Ossements : un nouveau rebondissement qui permet une nouvelle vague de
médiatisation
389
LANDRON P.Y., « Lyon underground », Points d’actu de la Bibliothèque municipale de Lyon, 14/10/2007. En ligne. < http://
www.pointsdactu.org/article.php3?id_article=960> Consulté en mai 2008.
390
391
392
393
394
395
396
397
398
399
68
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
BURY E., cf.supra.
SILVAIN P., « Un tunnel peut en casser un autre », 20 Minutes Lyon, 26/09/2007.
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
LAMY G., « Les souterrains de Lyon menacés par le projet de tunnel », Lyon Capitale, 09/10/2007.
SILVAIN P., « Ils lancent une pétition pour sauver les souterrains », 20 Minutes Lyon, 09/10/2007.
SILVAIN P., « Un tunnel peut en casser un autre », 20 Minutes Lyon, 26/09/2007.
ème
MENVIELLE D., « Et si le 2
tunnel de la Croix-Rousse ouvrait les souterrains aux Lyonnais ? », Le Progrès, 20/10/2007.
Inconnu, « Les arêtes de poisson à l’UNESCO », Lyon Capitale, 28/12/2007.
Inconnu, « Croix-Rousse : des ossements humains enterrés », Lyon Mag, 12/03/2008.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
Lors de la redécouverte des arêtes de poisson en 1959, le service voirie va trouver entre
quatre et cinq mètres cubes d’ossements humains. Aucune étude archéologique ne sera
400
faite
compte tenu de l’urgence de renforcer en priorité ce réseau. La question que se
posait le cataphile lyonnais était de savoir si ces ossements avaient été murés ou déplacés.
Deux cataphiles vont découvrir en début d’année 2008 un plan précisant clairement où se
trouvent les ossements. Cette pièce, même si plus tard les cataphiles apprendront que le
service archéologique de la ville la possède déjà, constitue un élément intéressant pour
relancer la médiatisation autour des arêtes de poisson. C’est aussi un moyen de réclamer
une étude archéologique sur ces ossements, accentuant ainsi l’importance de protéger ce
site. Cela fait dire à un des cataphiles qu’avec la presse, « la recherche sur les ossements va
passer comme une lettre à la poste »
401
. Une petite série d’articles suivra cet échange
402
.
C. Des réponses nuancées de la part des interlocuteurs
La médiatisation faite par les cataphiles sur les arêtes de poisson devient un sujet de
vigilance dans un contexte électoral. Elle sera d’autant plus écoutée. Pour d’autres, la
campagne médiatique mise en place par les cataphiles est avant tout une inconscience en
terme de sécurité.
Une certaine écoute de la médiatisation cataphile dans un contexte électoral
Les politiques vont réagir aux différents articles. C’est tout d’abord le maire de Lyon qui va
403
annoncer dans 20 Minutes qu’il se dit « sensible aux arêtes de poisson »
. Il souhaite
engager des discussions avec l’OCRA et Jean-Luc Chavent. D’autre part, une visite des
arêtes de poisson sera organisée pour la presse par la mairie du quatrième arrondissement
404
de la ville en janvier 2008
. Suite à la publication des articles sur les ossements, la presse
annonce qu’un diagnostic archéologique devrait être prescrit car, comme le présente un
rapport d’un adjoint au maire du quatrième arrondissement, cette « structure fort originale »
405
n’a pas « encore fait l’objet de l’étude architecturale et archivistique qu’elle mérite »
.
Les pouvoirs publics vont aussi diffuser dans la presse un message de minimisation des
406
dégâts et utiliser la légitimité de l’approbation des experts de la DRAC
. Ce sont donc
des « arêtes préservées » que le tunnel « épargnera » ou bien « seul trois petits bouts
d’antenne » qui seront touchés
407
.
Une médiatisation accusée d’être une facilité et une imprudence
400
401
402
Séance d’observation n°8: cf.supra.
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
Inconnu, « Croix-Rousse : des ossements humains enterrés », cf.supra. Et LAMY G., « Ossements humains sous la Croix-
Rousse », Lyon Capitale, 26/03/2008.
403
404
405
406
407
P.S. et C.B., « Gérard Collomb sensible aux arêtes de poisson », 20 Minutes Lyon, 29/10/2007.
F.C., « Le tunnel épargnera les arêtes », 20 Minutes Lyon, 30/01/2008. Et X.T., « Les arêtes préservées », Métro Lyon, 30/01/2008.
R.L. et M.M., « Le mystère des arêtes de poisson bientôt résolu », Le Progrès, 15/04/2008.
F.C., cf.supra.
X.T., cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
69
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Le service galeries du Grand Lyon va considérer cette médiatisation comme une accusation
de la part des cataphiles de son manque de travail sur le sujet. Les arêtes de poisson ne
sont qu’une occasion pour les cataphiles de « faire du bruit, de la propagande », relate
un membre du service galeries. C’est aussi un moyen pour les cataphiles de « faire de la
publicité » autour des souterrains et donc d’encourager les intrusions. Le service galeries
se sent en porte-à-faux car il a le sentiment d’être accusé de garder le silence alors qu’il
considère que son travail se doit de rester secret pour des raisons de sécurité. Lors de notre
entretien avec un membre du service, l’une des premières questions que l’on nous posera
408
sera de savoir si notre intérêt pour le sujet fait suite aux articles dans la presse
. C’est
finalement sur la scène politique que les cataphiles vont peu à peu déplacer la mobilisation.
III/ La politisation de l’enjeu : le souterrain sur la place publique
Le rapport annuel 2006 de la charte de participation du Grand Lyon met en avant sur
sa deuxième page de couverture la phrase suivante : « Donner l’occasion mais aussi
l’envie à tous ceux qui le souhaitent de devenir acteurs et auteurs de leur cadre de vie,
d’exercer leur responsabilité de citoyen, de participer au renouvellement du débat public ».
Cette occasion de s’insérer -à leur manière- sur la scène publique est déjà saisie par les
différents défenseurs du patrimoine lyonnais (A). Elle le sera aussi par les cataphiles selon
deux principaux modes d’action (B). Les réactions seront plutôt favorables mais resteront
individuelles (C).
A. Politiques, patrimoine et souterrain : une alchimie mobilisée
La politique est un moyen parmi d’autres pour les acteurs du patrimoine lyonnais. Les
cataphiles vont utiliser cette donnée dans leur mobilisation pour les arêtes de poisson.
Politiques et patrimoine : des influences réciproques
Les échanges fonctionnent dans les deux sens entre les défenseurs du patrimoine et les
politiques. Cela est d’autant plus vrai depuis quelques années.
Une tendance à utiliser le politique par ceux qui font le patrimoine. Les acteurs du
patrimoine lyonnais ne négligent pas l’utilisation des politiques à des fins de préservation
patrimoniale. Ainsi selon Régis Neyret, le fait d’avoir un discours consensuel avec les
409
politiques, « cela peut servir le patrimoine » . La relation avec les politiques ne correspond
pas dans ce cas à l’adhésion à un discours mais plutôt à un moyen parmi d’autres de
protéger le patrimoine. Pour Eddie Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine
Rhônalpin, le plus important dans la sauvegarde d’un lieu c’est d’avoir un accord de principe
410
des collectivités, élus et propriétaires . Car finalement, comme le remarque Denis Eyraud,
président de l’Union des Comités d’Intérêts Locaux du Grand Lyon (UCIL), les associations
408
Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra.
409
410
70
Entretien n°10 avec R. Neyret, cf.supra.
Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
se dévouent mais ceux qui ont vraiment la potentialité dans la préservation du patrimoine
sont, avant tout, les élus
411
. Une potentialité récente notamment pour les élus locaux.
La prise en compte d’une réalité : le rôle croissant des élus dans le patrimoine. Les élus
s’impliquent de plus en plus dans la gestion du patrimoine, considère Patrice Béghain
412
413
,
adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008.
C’est ainsi,
selon lui, la responsabilité de la gestion du patrimoine mais aussi sa définition qui sont en
train de passer de l’Etat aux élus locaux. Cette délégation passe notamment par la signature
de deux conventions pour le patrimoine entre l’Etat et la ville de Lyon pour les périodes
414
1998/2002 et 2003/2007. Celles-ci ont permis la restauration de différents monuments
.
Il espère que cette convention, avant tout financière, sera signée à nouveau cette année.
L’intégration de zones de protection patrimoniale dans le Plan Local d’Urbanisme du Grand
Lyon s’est faite en partie grâce à l’« initiative d’élu » que possède Patrice Béghain avec son
collègue adjoint à l’urbanisme Gilles Buna. Afin notamment, confie-t-il, de « faire intégrer des
édifices ou des ensembles que nous jugions intéressants d’un point de vue patrimonial qui
n’étaient ni classés, ni inscrits ». Au-delà d’un rôle croissant des élus locaux dans la gestion
du patrimoine, c’est surtout l’intérêt qu’ils y portent qu’il est intéressant de remarquer.
Politiques et souterrains : entre accusations et utilisations
Les cataphiles ont une vision nuancée des politiques. Ils sont à la fois coupables du silence
actuel sur les souterrains lyonnais. Mais cette capacité peut aussi s’inverser pour aller dans
le sens des cataphiles. La mobilisation cataphile aura, entre autres, cet objectif.
Les politiques accusés de complot. La ville de Lyon a souvent été accusée par certains
415
cataphiles de cacher « volontairement »
les souterrains aux lyonnais. Ainsi, la première
accusation porte sur l’échec jusqu’à présent du projet de visite des arêtes de poisson. Selon
un cataphile, « la vraie question elle n’est pas technique mais politique. Si le maire dit qu’il
faut, ça se fera sans aucun problème »
416
. Pour illustrer leurs propos, ils utilisent l’exemple
417
d’autres villes qui font visiter leurs souterrains
. L’autre attaque, plus générale cette fois,
porte sur le « laxisme qui est désolant » de la ville de Lyon par rapport à de précédentes
418
destructions commises lors de chantiers . La mobilisation pour les arêtes de poisson n’est
pas « un coup d’essai », poursuit Jean-Luc Chavent. D’autre part, un cataphile pense que la
ville de Lyon a le pouvoir de dire non aux archéologues de l’archéologie préventive « quand
411
Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008,
cf.supra.
412
413
414
Entretien avec Patrice Béghain, adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008, le 08/02/2008.
Le nouvel adjoint municipal à la culture et au patrimoine est Georges Képénékian depuis avril 2008.
Délibération du conseil municipal de Lyon, séance du 30/06/2003. En ligne. 4p. <http://www.lyon.fr/static/pdf/200306/
delib/20032663.pdf> Consulté en mai 2008.
415
416
417
418
Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra.
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra. Et entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
71
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
c’est un truc qui appartient à la ville », notamment parce qu’elle détient les financements.
Un autre lui répondra que ça n’a rien à voir, « la ville de Lyon, c’est la ville de Lyon. La
419
DRAC, c’est la DRAC »
. Les représentations du politique et de ses rôles ne sont donc
pas les mêmes. Cependant les avis convergent sur une possible utilité des politiques dans
un contexte électoral.
Les politiques utilisés dans un contexte électoral. Selon Claude Pillonel, vice-président
du Grand Lyon en charge de la voirie jusqu’en avril 2008, il n’y a pas de période idéale pour
420
une revendication vis-à-vis d’élections municipales
. Le plus important, confie-t-il, c’est
d’avoir l’accord des services techniques car ceux sont eux qui restent. Ce n’est pas l’avis
des cataphiles qui considèrent comme « tant mieux pour nous » le fait que la mobilisation
421
pour les arêtes de poisson ait lieu en pleine période électorale
. Ainsi, Jean-Luc Chavent
veut l’assurance avant les élections municipales que les arêtes de poisson seront à l’avenir
ouvertes au public
422
. Un cataphile envisage notamment de faire jouer l’opposition entre les
423
candidats pour obtenir la préservation du réseau
. Il souhaiterait aussi se rendre devant
un tribunal administratif. Selon lui, ce sont ces deux manières « qui marcheront ». Il craint
pourtant que faute de temps il ne puisse s’en occuper. Pour Denis Eyraud, président de
l’UCIL, il faut attendre la prochaine municipalité pour avoir un interlocuteur valable. Avant
424
cela, « ça ne sert à rien de s’exciter »
. Les cataphiles n’attendront pas les élections
municipales pour mettre les arêtes de poisson sur la scène politique notamment parce qu’ils
considèrent que « Lyon nous appartient autant qu’à eux »
425
.
B. Deux stratégies distinctes de politisation
L’un des cataphiles va reconnaître qu’il existe deux manières différentes d’agir avec les
426
politiques chez les cataphiles
. Là encore, il n’y a pas d’opposition frontale car l’objectif
est le même : faire entendre la position des cataphiles pour la préservation des arêtes de
poisson et de manière plus générale promouvoir le patrimoine souterrain lyonnais.
Une stratégie plus « informelle »
Cette stratégie est principalement celle de Jean-Luc Chavent. C’est la relation amicale ou
la tentative de rencontre « entre deux portes » qui priment avec les hommes politiques.
Notamment parce que les cataphiles qui utilisent cette stratégie considèrent qu’avant tout les
décisions politiques se prennent de manière informelle. L’homme politique ami du cataphile
419
420
421
422
423
424
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
Séance d’observation n°6 : cf.supra.
Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra.
Discussion imprévue avec J-L. Chavent, le 05/12/2007, chez lui.
Entretien n°3 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », cf.supra.
Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008,
cf.supra.
425
426
72
Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra.
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
est avant tout une source d’informations
427
. Il semble perdre son rôle de décideur et devient
428
un intermédiaire. Il joue aussi un rôle d’écoute : « il m’a toujours écouté »
. C’est cette
relation informelle avec les hommes politiques qui est parfois mise en avant par le cataphile
devant d’autres interlocuteurs
429
.
Une stratégie plus « formelle »
L’autre stratégie est celle qui a été principalement choisie par l’OCRA dans la mobilisation
pour les arêtes de poisson. L’idée principale n’est pas d’aller faire « une révolution contre la
430
431
Mairie »
. Mais de passer par la « voie normale mais plus longue »
. Cette voie débute
par l’envoi d’un courrier à la mairie en novembre 2007. Dans celui-ci, l’OCRA fait part de
son inquiétude par rapport aux arêtes de poisson, informe qu’elle a communiqué dans la
presse à ce sujet et qu’elle souhaite une entrevue avec le maire de Lyon. Elle met aussi en
432
avant son attachement au rayonnement culturel de la ville
. En attendant la réponse, le
dossier de visites des arêtes de poisson a été monté afin d’avoir un élément à présenter
à la hauteur de la rencontre. La réponse du maire va arriver fin décembre 2007, « voilà
433
du lourd » commente un cataphile
. Son emploi du temps chargé ne lui permet pas de
les rencontrer, il transmet donc « directement » le dossier au vice-président du Grand Lyon
chargé de la Voirie, Claude Pillonel
pour qu’il rédige la lettre de réponse
436
434
435
. L’OCRA fait appel à un des membres instituteur
.
La rencontre entre un membre de l’OCRA et Claude Pillonel a lieu le 25 janvier 2008
. Nous y assistons car nous avons aidé à la prise du rendez-vous. Un accord doit être
trouvé car le « problème du tunnel est fondamental ». Monsieur Pillonel considère que
c’est une continuité de discussions qui doit avoir lieu plutôt que la prise d’une décision. Le
membre de l’OCRA explique que le tunnel pourrait être l’opportunité, du fait de sa proximité,
d’intégrer une sortie de secours nécessaire dans le circuit de visites des arêtes de poisson.
Afin notamment, explique le membre de l’OCRA, d’envisager à « plus ou moins long terme
de rendre visitable ce lieu ». La phrase est dite. Le compromis se trouve sur ce point précis.
Monsieur Pillonel explique qu’il a consulté « un peu tout le monde » sur ce sujet et qu’ « ils ne
sautent pas de joie » et en particulier pour des raisons de sécurité. Le membre de l’OCRA se
demande si pour autant on n’a le droit de dire aux Lyonnais que ça n’existe pas. D’autant que
si les gens veulent y aller, il existe déjà des livres qui indiquent où se trouvent les souterrains.
427
428
429
430
431
432
433
434
435
Discussion imprévue avec J-L. Chavent, cf.supra.
Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra.
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
Ibid.
Ibid.
Lettre de l’OCRA au maire de Lyon Gérard Collomb, novembre 2007.
Email de la mailing liste de l’OCRA.
Lettre du maire de Lyon Gérard Collomb à l’OCRA, décembre 2007.
Email de la mailing liste de l’OCRA.
436
Séance d’observation n°6 : cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
73
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
« De toute façon les plaques et les grilles sont soudées », mentionne-t-il. Il précise aussi
que l’OCRA n’organise en aucun cas des sorties dans les souterrains lyonnais. Si certains
membres y vont, c’est « à titre personnel ». Le succès des Journées Européennes du
Patrimoine organisées par l’OCRA pour que le public puisse visiter le souterrain du Fort de
Vaise est mis en avant. Le cataphile ajoute que quand l’OCRA organise des activités, cela
se fait avec des autorisations. L’importance de l’image prime dans cet échange. A la fin de
la discussion, Monsieur Pillonel va prendre note de l’intégration de la sortie de secours dans
le projet. Mais il précise que le projet de visites ne pourra se faire qu’une fois les travaux
terminés. Le membre de l’OCRA se dit satisfait : « ça nous laisse le temps d’affûter nos
crayons ». Il attend avec impatience une rencontre avec tous les acteurs. Enfin, il ajoute
que Lyon s’internationalise et que la ville n’a peut-être pas forcément besoin des arêtes de
poisson mais que ça pourrait être un véritable plus. L’image de Lyon devient un argument
pour la mobilisation. Fin de l’échange. Le membre de l’OCRA nous confie sa satisfaction :
« on pouvait difficilement taper plus haut ».
Les échanges que l’OCRA aura par la suite avec les politiques se dérouleront par
l’intermédiaire de lettres envoyées aux maires des premier et quatrième arrondissements
437
de Lyon à la suite des articles parus dans la presse
. Les élections municipales vont
mettre en suspens pendant un temps la poursuite de la mobilisation sur le plan politique.
Dans les deux cas : utiliser les codes politiques et réinventer l’image de la
ville
Les deux stratégies, informelle et formelle, possèdent des points communs en plus d’avoir
le même but.
1. Toutes les deux justifient leur mobilisation par une cause plus générale : l’image de
Lyon. La ville de Lyon est comparée à d’autres villes ayant des souterrains ouverts
au public. Ouvrir les souterrains aux lyonnais serait ainsi « fabuleux pour l’image de
Lyon », explique Jean-Luc Chavent. Cet « autre tourisme » pourrait permettre à la
ville d’avoir des retombées en terme d’image mais aussi économiquesEntretien n°1
avec J.-L. Chavent, cf.supra. Et séance d’observation n°6: cf.supra..
2. La politisation du sujet nécessite pour les cataphiles de respecter des codes dont
notamment le fait de rédiger un dossier attractif et expliciteDossier de J-L. Chavent
« Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, cf.supra..
3. La rencontre avec des hommes politiques est mise en avant par les cataphiles devant
leurs différents interlocuteursSéances d’observation n°7 et n°8: cf.supra. .
4. Les hommes politiques sont utilisés comme un moyen de faire pression sur le service
galeriesSéance d’observation n°8 : cf.supra.. C’est en partie pour cela que le discours
avec les hommes politiques est consensuel. Les cataphiles ne se présentent pas
comme des opposants mais bien comme des alliés sensibles à l’avenir de la ville.
Ces stratégies vont se révéler partiellement opérantes.
C. Des réactions favorables mais individuelles
Les politiques, et en particulier les organes participatifs, vont écouter la mobilisation
cataphile. Néanmoins ces réactions ne seront pas suffisamment structurées pour satisfaire
pleinement les demandes cataphiles.
437
F.C., « Le tunnel épargnera les arêtes », 20 Minutes Lyon, 30/01/2008. Et X.T., « Les arêtes préservées », Métro Lyon,
30/01/2008.
74
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
Organes participatifs : le conseil de quartier se mobilise par écrit
Le conseil de quartier de « l’ouest des pentes » fait part de son soutien à la préservation
des arêtes de poisson sous la forme d’un courrier adressé en janvier 2008 au président du
Grand Lyon Gérard Collomb, aux vice-présidents délégués à l’urbanisme, au déplacement
et à la concertation et au responsable du site de la pétition pour « sauver les arêtes de
poisson ». Dans ce courrier, le conseil de quartier propose que des études précises soient
faites sur l’impact des travaux sur le réseau ; que l’on examine des possibilités d’ouverture
des arêtes ; que des mesures alternatives soient prises pour éviter les dommages et que
ces questions soient inscrites à l’ordre du jour des réunions de concertation auxquelles le
conseil participe. Le message cataphile est donc en partie relayé.
438
Pour le co-président habitant du conseil de quartier
, c’est après avoir lu les articles
dans la presse, qu’il s’est dit que le sujet « pouvait accrocher » notamment parce qu’il y a
des « férus d’histoires » dans le conseil. La décision de soutenir les cataphiles a été prise
par le bureau du conseil de quartier. Il était personnellement moins motivé par un projet de
visites car il aime l’idée qu’il y ait dans la ville des « lieux un peu mystérieux et pas forcément
balisés ». Mais les autres pensaient que les ouvrir au public était le meilleur moyen de les
préserver. A la question de savoir s’ils vont se mobiliser à nouveau, la réponse est qu’ils ne
sont pas non plus des «accrocs au truc ». C’est donc plus une réaction à un sujet d’actualité
local qu’un véritable engagement. Il considère d’autre part, qu’il est nécessaire de trouver un
terrain d’entente avec les politiques. Car l’opposition frontale en permanence, ça n’intéresse
pas les gens. C’est dans ce sens que s’inscrit la mobilisation pour les arêtes de poisson. Les
conflits directs sont évités. La priorité est la négociation. Néanmoins le cataphile lyonnais
reste sur ses gardes.
Les élus : une saisie limitée de l’opportunité patrimoniale dans un contexte
électoral
Lorsqu’un groupe se mobilise pour préserver un patrimoine, il le fait le plus souvent contre
les élus qui sont à l’origine du possible péril ou qui ont accepté le permis de construire. Le
groupe mobilisé est donc souvent une opposition. Mais les élus sont aussi paradoxalement
demandeurs de ce genre de mobilisations
439
440
et ils reconnaissent le rôle important des
associations dans le patrimoine
. Notamment parce qu’ils ont la possibilité de récupérer
ce mouvement dans la construction de leur image et en particulier dans un contexte
électoral. Dans le cas des arêtes de poisson, en octobre 2007, le maire de Lyon a fait part
de sa sensibilité sur le sujet
441
. Le même mois, Gilles Buna, vice président du Grand
442
Lyon délégué à l’urbanisme, s’est dit « favorable à l’ouverture au public du site »
. Mais
finalement, l’opportunité que représentaient les arêtes de poisson n’a pas été pleinement
exploitée dans la campagne pour les municipales. Il s’est avant tout agi d’apaiser les craintes
des cataphiles pour qu’ils ne perturbent pas la campagne. Mais la promesse d’ouvrir les
438
Entretien avec L. Voiturier, co-président élu du conseil de quartier de « l’ouest des pentes » (Croix-Rousse), le 21/02/2008,
dans un café place Sathonay.
439
440
441
442
Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin: cf.supra.
Entretien n°11 avec Patrice Béghain, adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008, cf.supra.
P.S. et C.B., « Gérard Collomb sensible aux arêtes de poisson », 20 Minutes Lyon, 29/10/2007.
ème
MENVIELLE D., « Et si le 2
tunnel de la Croix-Rousse ouvrait les souterrains aux Lyonnais ? », Le Progrès, 20/10/2007
Delescluse Juliette - 2008
75
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
arêtes de poisson n’a pas été faite, elle a été repoussée à plus tard, au lieu d’être exploitée
dans la campagne comme un projet en plus des candidats. La décision a souvent été
présentée par les hommes politiques aux cataphiles comme relevant d’autres personnes.
Les acteurs ne voulaient pas prendre la responsabilité d’impulser le projet. La peur d’être
qualifiés d’« opportunistes » dans un contexte électoral peut être considérée comme un
début d’explication
443
.
Plusieurs modes de mobilisation vont être utilisés par les cataphiles dans l’optique
de préserver les arêtes de poisson et promouvoir le patrimoine souterrain lyonnais. Ces
différentes stratégies vont partiellement aboutir. Ce semi-échec ou semi-succés n’est pas
le résultat d’une mobilisation mal menée par les cataphiles. Elle est surtout le fait d’une
mobilisation malmenée par un contexte urbain particulier.
Chapitre 4 Le contexte urbain comme élément
perturbateur de la mobilisation
La mobilisation cataphile va devoir s’adapter à différentes réalités dans lesquelles s’insèrent
ses revendications. Le poids de la réputation des cataphiles limite les contacts avec des
interlocuteurs clés (I). La construction d’un nouveau tube de sécurité est présentée comme
primordiale et s’insérant dans une légitime évolution urbaine (II). Enfin, les instruments de
protection patrimoniale rencontrent des difficultés à appréhender le possible patrimoine que
pourrait être le souterrain (III).
I/ La nécessité de se donner une nouvelle image pour devenir un
interlocuteur légitime
Aucune communication n’est possible avec les cataphiles, considère un membre du service
galeries, car ce sont des « clandestins ». « Ils font du mal, ils cassent, ils nous prennent
444
du temps, beaucoup de temps », poursuit-il
. Avec l’interdiction d’accès aux souterrains
lyonnais décidée en 1989, le cataphile lyonnais rentre dans l’illégalité envers la norme
juridique. Il devient aussi déviant, surtout dans les esprits. Car comme Howard Becker le
445
fait remarquer dans Outsiders
, ce n’est pas tant l’acte en lui-même qui est déviant
mais celui-ci le devient avec le regard d’autrui. Ainsi selon l’auteur, « le déviant est celui
auquel cette étiquette a été appliquée avec succès ». C’est donc plus la manière dont est
vu le cataphile lyonnais que nous nous attacherons à étudier (A). Nous analyserons aussi
les différentes méthodes que le cataphile tente d’utiliser pour sortir de cette représentation
que l’on a de lui (B). La mobilisation pour les arêtes de poisson nécessite cette mutation
mais elle en est aussi l’opportunité.
A. L’image négative accolée aux cataphiles : une actualité pesante
443
444
445
76
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, 12/02/2008, dans son bureau.
BECKER H., Outsiders, Paris, Editions Métailié, 1983 (traduction). Version originale de 1963.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
La déviance des cataphiles va peu à peu se construire en une « action publiquement
disqualifiée »
446
. Récit d’une évolution progressive.
La presse du début des années 1990 : le cataphile sort d’outre-tombe
Avant le premier projet de visites des arêtes de poisson imaginé en 1994 par Jean-Luc
Chavent, la presse parle peu du cataphile lyonnais. Quand elle en en parle, elle en a peur.
Ou du moins, elle le décrit d’une telle manière que le cataphile fait peur. C’est un article de
447
Lyon Figaro du 7 novembre 1991 qui est le plus critique envers les cataphiles
. Il raconte,
entre autres, une descente dans les souterrains de Lyon. Le phénomène cataphile est tout
d’abord perçu comme une maladie : « une hémorragie », « un phénomène contagieux ».
Dans le registre biologique, les cataphiles sont considérés comme une « nouvelle race »,
« une espèce » et « une faune ». C’est aussi un phénomène sectaire. Les cataphiles
« convertissent du monde ». Ils sont comparés à une « société secrète avec gourou,
langages et rites particuliers » qui veut découvrir « les ténèbres ». Lors de sa descente
dans les souterrains lyonnais, le journaliste raconte qu’il croise des objets et tags à la limite
du satanisme et du nazisme. Il explique avoir vu notamment une croix en bois à moitié
brûlée, un poignard, une croix gammée sur un mur. Il parle aussi de la rumeur existant
autour d’un groupe autre que les cataphiles qui est composé « d’illuminés » et qui s’adonne
à des messes noires. Il existerait donc une autre population que les cataphiles dans les
souterrains lyonnais. Mais le journaliste ne fait pas clairement la distinction entre ces deux
groupes, il semble même faire un amalgame implicite. Si tant est que ce groupe autre que
les cataphiles existe. Le titre même de l’article « Les réseaux de l’ombre » introduit le côté
obscur du phénomène cataphile et le monde sans loi que représente le sous-sol lyonnais.
L’article se finit par un jeu de mots : « on n’est jamais descendu aussi bas ». Le thème de
la régression transparaît tout au long de l’article et se trouve confirmé dans sa conclusion.
La persistance d’une image : « Des casseurs, des inconscients et des
profiteurs »
L’image des cataphiles s’est améliorée dans la presse. A un point qu’ils sont même
448
parfois devenus des « passionnés d’histoire et de spéléologie »
. Par contre, pour le
service galeries du Grand Lyon, c’est une certaine image du cataphile qui persiste. Du fait
notamment des grilles et plaques endommagées par certains cataphiles pour entrer dans
449
les galeries, un membre du service qualifie les cataphiles de « casseurs »
. La seule
évolution qu’il remarque, c’est le coût croissant de ces dommages. Il existe un autre genre
450
de dégradations, selon lui, ce sont les sculptures dans le sable
faites par les cataphiles à
certains endroits. C’est pour lui la preuve d’un manque de maturité et puis « ce n’est pas de
l’art ». Ils ne réalisent pas la problématique de ces lieux. Ils y vont « par curiosité, pour boire
ou se shooter » et allument des bougies sans se rendre compte du danger. Dans ce sens, ils
sont aussi, poursuit-il, « inconscients » des dangers du souterrain. Notamment parce qu’ils
446
447
448
449
450
Ibid. p.186.
« Les réseaux de l’ombre », Lyon Figaro, 07/11/1991.
COLIN L., « Souterrains de Lyon : un vrai gruyère », Lyon Mag, 01/04/2006.
Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, cf.supra.
X.T., « Les arêtes préservées », Métro Lyon, 30/01/2008.
Delescluse Juliette - 2008
77
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
n’ont aucune expérience dans ce genre de travaux. L’OCRA a proposé un jour au service
galeries de les aider à faire des travaux, enlever les tags mais, indique-t-il, « chacun a son
champ de compétences ». Ce qu’il constate c’est que certains des cataphiles ont fait de la
visite des souterrains lyonnais un « commerce ». Pour toutes ces raisons, le service galeries
se refuse à un échange avec les cataphiles pour la sauvegarde des arêtes de poisson,
même avec l’OCRA. Notamment parce qu’il est convaincu que l’OCRA « rentre » aussi.
D’autant que le service galeries se dit travailler sur le sujet et qu’il ne voit vraiment pas ce
que les cataphiles pourraient leur apporter, conclut-il. Il va falloir que les cataphiles prouvent
le contraire.
B. La difficile métamorphose dans les esprits
Le cataphile lyonnais est stressé quand il rencontre Monsieur Pillonel, les responsables
chargés de la rénovation du tunnel ou les archéologues du service municipal et de la
DRAC. C'est-à-dire lors des trois principales rencontres entre les différents types d’acteurs
autour des arêtes de poisson. L’enjeu est à chaque fois de taille : « sortir de l’image des
canalisations, des mauvaises fréquentations », explique un cataphile, afin de devenir dans
451
l’esprit des gens des « amoureux du patrimoine lyonnais »
. Le cataphile lyonnais
est conscient que le service galeries « déteste les clandestins et [ils] haïssent Jean-Luc
452
Chavent »
. Réalité ou représentation, peu importe, le cataphile lyonnais va s’adapter
à cela et tenter de redorer son image en particulier pour permettre la préservation des
arêtes de poisson. Ce phénomène s’inscrit dans une tendance plus lourde entreprise depuis
quelques années par les cataphiles. Cette métamorphose se décline en trois aspects.
Par les discours
Jouer la carte neutre de l’association. L’appartenance à l’association OCRA est mise en
avant par les cataphiles lors des principales rencontres de la mobilisation
454
453
. Le cataphile
lyonnais a conscience que l’OCRA est devenue « une bonne carte »
. Cette conclusion
faite par un cataphile s’explique par le fait que les courriers envoyés aux politiques avec l’entête OCRA ont eu des retombées. L’OCRA sert de représentant identifiable de la nébuleuse
cataphile. Les cataphiles cherchent à préserver l’image de l’OCRA. On précise que JeanLuc Chavent ne fait pas partie de l’OCRA mais est néanmoins un ami. On indique aussi
que l’OCRA « ne fait pas des choses sans autorisation ». Et enfin, que l’OCRA n’organise
451
452
453
Dossier de l’OCRA pour un projet de visite des arêtes de poisson, rédigé en novembre 2007 et actualisé en février 2008.
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, le 16/11/2007, chez lui.
Trois moments où les cataphiles ont été amenés à se présenter: Séance d’observation n°6: rencontre entre un cataphile membre
de l’OCRA et C.Pillonel, vice-président du Grand Lyon chargé de la Voirie jusqu’en avril 2008, le 25/01/2008, dans le bureau de
C.Pillonel au Grand Lyon. Ainsi que la séance d’observation n°7: rencontre entre le cataphile membre de l’OCRA, un cataphile, le
responsable de la maîtrise d’ouvrage de la construction du tube de sécurité, l’assistant à la maitrise d’ouvrage, le responsable du
service tunnels du Grand Lyon, le directeur et la chargée de communication de la mission Vaise-Serin, le 28/02/2008, salle de réunion
de la mission Vaise-Serin. Et la séance d’observation n°8: rencontre entre un cataphile, deux archéologues du service archéologique
de la ville de Lyon, un archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et une responsable du service de
l’inventaire, le 19/03/2008, à la DRAC.
454
78
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
455
pas des sorties dans les souterrains lyonnais
. Un membre de l’OCRA expliquera à un
autre cataphile que l’OCRA « a fini son adolescence » et que ses membres se doivent d’être
456
« décomplexés » car l’OCRA n’a pas de clandestins « purs et durs »
. Il poursuit que
l’OCRA s’est enfin débarrassée de la crainte qu’elle avait « d’aller demander […] aux autres
parce que l’on savait que l’on allait se faire jeter ». Bien au contraire, les cataphiles vont se
mettre à l’avant de la scène avec la mobilisation. Mais avec le filtre que représente l’OCRA.
Jouer la carte du consensus et s’interdire les attaques personnelles. Les cataphiles
souhaitent avoir un message consensuel à propos de la construction du nouveau tube.
Ils parlent même parfois d’une « opportunité »
457
. Ils se disent refuser toute attaque et
458
souhaitent être « courtois » avec le service galeries
. Après avoir eu connaissance par
notre intermédiaire que le service galeries allait dans le sens d’une préservation des arêtes
de poisson, l’OCRA va modifier un des textes qu’elle souhaitait publier sur son site Internet
afin d’être « moins rentre-dedans », comme le désire un des membres de l’association.
Notamment parce qu’il sait, nous explique-t-il, que le service galeries se rend souvent sur
le site Internet
459
.
Par les actions
Présenter de manière légale le souterrain du Fort de Vaise lors des Journées Européennes
du Patrimoine et en faire un atout. L’OCRA organise chaque année depuis 2005 la visite du
souterrain du Fort de Vaise lors des Journées Européennes du Patrimoine.
Souterrain du Fort de Vaise.
455
456
Trois moments où les cataphiles ont été amenés à se présenter: Séances d’observation n°6, 7 et 8 : cf.supra.
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
457
458
459
Dossier de J-L. Chavent « Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, écrit en décembre 2007.
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
Echange téléphonique avec un cataphile membre de l’OCRA, le 05/02/2008.
Delescluse Juliette - 2008
79
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Source : OCRA Lyon
Toute l’association est mobilisée autour de cet événement qui nécessite un long travail
de préparation
460
. Au début, cette ouverture s’est faite « un peu à l’arrachée », confie
461
un membre de l’association
. Mais l’association a toujours pris soin de respecter les
normes s’appliquant aux Etablissement Recevant du Public (ERP), poursuit-il. Pour cela,
un dossier a été constitué. Celui-ci contient notamment l’autorisation du propriétaire du
fort, Jean-Jacques Renaud. Un « expert » leur a aussi fait un courrier indiquant que les
462
normes de sécurité étaient respectées : «une clé qui ouvre plein de trucs »
. Chaque
année, les membres de l’association craignent un refus de la part de la direction municipale
463
de la sécurité et de la prévention
. L’objectif à moyen terme est de rendre ce site
accessible au public de façon permanente, afin de faire de ce lieu « un cheminement
460
461
462
463
80
Séance d’observation n°9: réunion OCRA du 05/04/2008, salle de réunion du Fort de Vaise.
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, cf.supra.
Ibid.
Séance d’observation n°9: cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
464
propice à la présentation d’expositions ou de tranches d’histoire de la ville »
. L’OCRA va
régulièrement insister devant ses différents interlocuteurs sur le succès de ces visites au Fort
465
de Vaise. « On était obligé de les bloquer », explique un membre de l’association
. C’est
presque un renversement de situation qui se produit, le cataphile se trouve dans la situation
où il doit limiter l’accès au souterrain. Ce succès démontre aussi la capacité de l’OCRA à
organiser un projet de visites. L’OCRA met donc aussi en avant cette « expérience » acquise
466
. Cela sera fait en particulier dans le dossier présentant le projet de visites des arêtes
de poisson. Une partie sur les visites au Fort de Vaise sera ajoutée au dossier et illustrée
467
de nombreuses photos
.Dans cette même optique de respect des normes de sécurité
par l’OCRA, le projet de visites des arêtes de poisson se voudra répondre à un maximum
d’exigences sécuritaires. D’autre part, tout profit financier est banni afin que les cataphiles
ne soient pas accusés de « s’enrichir sur le dos des souterrains »
468
.
Faire des chantiers de restauration et se séparer des éléments destructeurs. Les
469
cataphiles ont leurs « briseurs de rêves », les tagueurs en particulier
. A Paris, ce sont
des grandes « soirées poubelles » qui sont organisées où l’on ramasse les détritus et où
l’on gratte les tags des parois
470
. A Lyon, l’esprit de l’OCRA est le même. Le projet de
471
visites des arêtes inclura que l’on enlève la plupart des tags qui s’y trouvent
. Chez les
cataphiles lyonnais, les personnes qui dégradaient ont été volontairement mises de côté
472
. L’OCRA s’attelle à la restauration du souterrain du Fort de Vaise. Le principe de cette
473
sorte de « chantier de jeunesse »
est principalement de se retrouver quelques samedis
dans l’année et sortir des sacs de terre à l’extérieur pour dégager le souterrain. Les salles
474
déblayées font ensuite l’objet d’ « inaugurations » festives par les membres
. Un des
membres de l’OCRA souhaite monter le même genre de chantier au Fort de Loyasse afin
que les « Lyonnais se réapproprient leur patrimoine »
464
475
. Ce qui est sûr c’est que de part
Dossier de l’OCRA à l’attention de la direction prévention et sécurité de la ville de Lyon pour la visite du souterrain du Fort
de Vaise lors des Journées Européennes du Patrimoine, 2006.
465
466
467
468
469
470
471
472
473
474
Entretien avec un cataphile membre de l’OCRA, le 16/11/2007, chez lui.
Echange téléphonique avec un cataphile membre de l’OCRA, le 25/02/2008.
Dossier de l’OCRA pour un projet de visite des arêtes de poisson, rédigé en novembre 2007 et actualisé en février 2008.
Séance d’observation n°6 : cf.supra.
« Soirées poubelle et défense du patrimoine », Le Monde, 12/08/1997.
Ibid.
Actualisation en février 2008 du projet de l’OCRA de visite des arêtes de poisson rédigé en novembre 2007.
Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, le 09/11/2007, chez lui.
BOUCHER S. et MAILHES F., « Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon, 05/05/2006.
Séance d’observation: rencontre entre le cataphile membre de l’OCRA, un cataphile, le responsable de la maîtrise d’ouvrage
de la construction du tube de sécurité, l’assistant à la maitrise d’ouvrage, le responsable du service tunnels du Grand Lyon, le directeur
et la chargée de communication de la mission Vaise-Serin, le 28/02/2008, salle de réunion de la mission Vaise-Serin.
475
Entretien avec un cataphile membre de l’OCRA, le 16/11/2007, chez lui.
Delescluse Juliette - 2008
81
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
leurs actions, notamment dans le cadre de l’OCRA, les cataphiles tentent de se construire
une image respectable.
Par une mobilisation selon des règles établies
Se placer en position de légitimité par son apport de connaissances et ses relations. Le
cataphile lyonnais souhaite apporter, comme nous l’avons vu dans le deuxième chapitre,
476
sa connaissance « pratique » du lieu à ses différents interlocuteurs
. Il le fait d’une telle
manière, qu’il souhaite démontrer la nécessité de faire appel à lui. Il va même parfois jouer
avec l’image de casseurs d’autres cataphiles pour obtenir une étude archéologique sur les
ossements des arêtes de poisson. En effet, si aucune étude n’est faite, connaissant le mur
où derrière lequel sont supposés se trouver les ossements, d’autres cataphiles pourraient
être tentés de vouloir les découvrir. Mais « personne n’a essayé de le toucher, pour l’instant.
Je dis bien pour l’instant » rassure-t-il l’auditoire
477
. Le cataphile lyonnais va aussi présenter
les rencontres qu’il a effectuées jusqu’à présent avec des hommes politiques
479
478
. Il va
insister sur ses contacts indirects pouvant servir
. Les travaux faits sur les souterrains
par un architecte qui a eu le prix de la ville de Lyon en 2005 vont aussi être présentés avec
fierté
480
.
La publication d’ouvrages sur les souterrains lyonnais est un autre moyen de se
légitimer. C’est une « référence » pour l’OCRA qu’un cataphile écrive un livre, déclare un
481
membre de l’association . D’autre part, ces « connaissances livresques » seront vraiment
utiles pour les visites des arêtes de poisson, poursuit-il. Celles-ci seront d’ores et déjà mises
482
en avant lors de la réunion avec les responsables de la rénovation lourde du tunnel
.
Le cataphile lyonnais tente de banaliser son image et en même temps de se singulariser
afin que l’on fasse appel à lui pour ses connaissances particulières. En parallèle, il tente de
prouver que ces dernières sont utiles.
Notre participation dans la construction d’une nouvelle image. Durant notre travail
de recherche selon la méthode de l’observation participante, nous avons participé à la
construction d’une nouvelle image pour les cataphiles. Nous avons tout d’abord été une
source d’informations pour les différents acteurs de la mobilisation. Cette position nous a
permis d’en obtenir en échange. Nous avons aussi participé à la conception du dossier de
visites des arêtes de poisson. Cela nous a permis d’être acceptés parmi les cataphiles.
Enfin et surtout, nous nous sommes rendus aux trois principales réunions avec l’accord des
cataphiles en partie parce que notre image « sortait de celle de casseur » et que ça se
476
477
478
479
480
Trois moments où les cataphiles ont été amenés à se présenter: Séances n°6, 7 et 8 : cf.supra.
Séance d’observation n°8 : cf.supra.
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
Séance d’observation n°8 : cf.supra.
Présentation du projet de Julien Tatéossian (Entretien n°8 avec J. Tatéossian, lauréat du prix de la jeune architecture de la ville
de Lyon en 2005 pour son projet « Dérives labyrinthiques aux pentes de la Croix-Rousse », le 23/08/2008 chez lui.) lors de la séance
d’observation n°6, cf.supra.
481
482
82
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
Ibid.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
483
« voyait » que nous ne descendions pas dans les souterrains
. Ce qui n’est pas le cas
d’autres cataphiles, nous a confié l’un d’eux. Nous nous sommes donc retrouvés mêlés,
de part notre recherche, à un processus de construction d’une nouvelle image pour les
cataphiles qui souhaitent, pour la plupart, sortir de ce « lourd passif »
en construction qui n’a, pour l’instant, pas encore abouti.
484
. C’est un processus
II/ Le projet du nouveau tunnel inscrit dans la continuité d’une
légitime évolution urbaine
485
Dans sa délibération du 9 juillet 2007
, le conseil de communauté du Grand Lyon va
approuver le bilan de la concertation préalable sur la rénovation lourde du tunnel de la CroixRousse. La réalisation de cette opération poursuit, selon la délibération, quatre objectifs
principaux : « mettre l’ouvrage aux normes de sécurité, respecter le Plan de Déplacements
486
Urbains du Grand Lyon , rendre urbain cet ouvrage routier et respecter l’environnement ».
Ce projet s’inscrit donc dans une mise aux normes de sécurité (A) et une nécessaire
évolution urbaine (B) qui rendent moins facile une mobilisation pour le réseau souterrain
des arêtes de poisson.
A. Une exigence de sécurité qui prévaut sur toute opposition
De réels moyens ont été mis en place par les pouvoirs publics locaux pour la rénovation
lourde du tunnel. Une opposition totale apparaîtrait comme déplacée et se révélerait contreproductive pour la mobilisation cataphile.
La conscience cataphile qu’une opposition totale est impossible face à une
mise aux normes sécuritaires
487
Le cataphile lyonnais sait très bien qu’il ne peut pas « bloquer une ville »
. Notamment
parce que la mise aux normes de sécurité du tunnel de la Croix-Rousse est une obligation.
Le tunnel, inauguré en avril 1952
483
484
485
486
488
doit faire « peau neuve »
489
.
Echange téléphonique avec un cataphile membre de l’OCRA, le 05/02/2008.
Séance d’observation n°6 : cf.supra.
Décision du Conseil de Communauté du Grand Lyon du 9 juillet 2007, numéro 2007-4246.
C’est en 1997 que l’agglomération lyonnaise s’est dotée pour la première fois d’un Plan de Déplacements Urbains (PDU). Celui-
ci conduira notamment à la création de deux lignes de tramway. Il sera révisé en 2003 et en 2005.
487
488
Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, cf.supra.
La construction du tunnel de la Croix-Rousse débute en 1939 mais elle sera interrompue par la seconde guerre mondiale. Il
sera inauguré en 1952.
489
Dossier de présentation du projet Serin-Quais de Saône (incluant la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse), édité par
la mission Serin-Quais de Saône du Grand Lyon.
Delescluse Juliette - 2008
83
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Source : Fond Sylvestre - Bibliothéque municipale de Lyon
490
Pour un responsable de la maîtrise d’ouvrage (service des tunnels du Grand Lyon)
,
le tunnel de la Croix-Rousse est « extrêmement vétuste ». C’est suite à l’accident du tunnel
491
du Mont-blanc qu’une circulaire interministérielle du 25 août 2000
rend obligatoire un
diagnostic de sécurité pour les tunnels de plus de 300 mètres du réseau routier national.
Le tunnel de la Croix-Rousse est la propriété de la collectivité territoriale donc de fait non
soumis à ce texte. Mais un décret du 24 juin 2005
490
492
étend les procédures techniques du
Entretien n° 6 avec un des responsables de la maîtrise d’ouvrage du projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix-
Rousse (service tunnels du Grand Lyon), le 06/12/2007, dans son bureau Montée de Choulans.
491
Circulaire interministérielle du 25 août 2000 relative à la sécurité dans les tunnels du réseau routier national (ministère de
l’intérieur et ministère de l’équipement, des transports et du logement), numéro 2000-63. En ligne. 59p. < http://www.vie-publique.fr/
documents-vp/circulaire_25-08-2000-1.pdf > Consulté en mai 2008.
492
84
Décret du 24 juin 2005 relatif à la sécurité d'ouvrages du réseau routier, numéro 2005-701.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
texte précédent à tous les tunnels routiers de plus de 300 mètres en règle générale, et donc
aussi ceux des collectivités territoriales. C’est sur cette base, indique-t-il, qu’un diagnostic
de sécurité est effectué par rapport au référentiel de 2000. Celui-ci a été réalisé pour le
tunnel de la Croix-Rousse début 2006. Les études sur la rénovation lourde de l’ouvrage
493
commencent à cette même période. En parallèle, des travaux d’urgence
sont réalisés
entre septembre 2004 et mars 2006 afin de limiter le risque d’incendie. La préoccupation
principale a donc été avant tout de sécuriser l’existant.
494
Les manquements en termes de sécurité du tunnel portent sur trois points principaux
: aucun aménagement pour l’évacuation et la protection des usagers, le faux plafond
de la gaine de ventilation ne garantit pas de stabilité au feu et si un incendie se démarrait
à l’extrémité du tunnel, les fumées pourraient se développer et rattraper les usagers. Avec
495
une estimation de 52 000 véhicules
par jour qui empruntent actuellement le tunnel,
« chaque jour qui passe est un jour de trop, je ne vous dis pas l’état d’esprit dans lequel
nous sommes », confie un des responsables de la rénovation lourde du tunnel
496
.
La rénovation lourde du tunnel est donc une obligation. Elle est aussi largement
497
présentée comme telle vis-à-vis des cataphiles
. Si un ouvrage neuf devait être construit,
il devrait comporter deux tubes comme c’est le cas pour le tunnel de Fourvière. C’est pour
cette raison que les différentes solutions de rénovation envisagées comportent toujours
la construction d’un second tube. Une seule parmi les cinq solutions n’en comporte pas.
Mais elle a été écartée du fait qu’elle nécessitait l’interruption du trafic routier pendant les
498
travaux, c'est-à-dire entre un an et demi et deux ans
. Dans tous les cas, la sécurisation
du tunnel existant nécessite un second tube interceptant les arêtes de poisson. En fonction
de ces données incontestables, les cataphiles vont se mobiliser pour limiter au maximum
les dommages.
Une procédure particulière à la hauteur du projet
La procédure retenue pour les travaux de rénovation lourde du tunnel est celle de la
conception-réalisation
499
. C’est une procédure dérogatoire du code des marchés publics
500
qui permet, selon le responsable de la maîtrise d’ouvrage
, « d’associer l’entreprise au
concepteur pour définir la solution ». Le maître d’ouvrage est « la personne morale […] pour
493
494
Décision du Conseil de Communauté du Grand Lyon du 26 mars 2007, numéro 2007-4013.
Dossier de la concertation préalable sur la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse (du 20 avril au 8 juin
2007), édité par le Grand Lyon. En ligne. 28p. Consulté en mai 2008. <www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/Pdf/actualites/
Concertation_tunnel_Cx_Rousse.pdf>
495
496
497
498
499
500
Ibid.
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
Ibid.
Dossier de la concertation préalable sur la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse : cf.supra.
Décision du Conseil de Communauté du Grand Lyon du 12 novembre 2007, numéro 2007-4512.
Entretien n° 6 avec un des responsables de la maîtrise d’ouvrage du projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse :
cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
85
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
laquelle l’ouvrage est construit. Responsable principal de l’ouvrage, il remplit dans ce rôle
501
une fonction d'intérêt général dont il ne peut se démettre »
. Il est important de noter que
le maître d’ouvrage est investi d’une mission, c'est-à-dire qu’il n’agit pas dans son intérêt
propre mais dans l’intérêt général. Le maître d’ouvrage pour la rénovation du tunnel de la
Croix-Rousse est le Grand Lyon et en particulier le service des tunnels. Dans le cadre de la
procédure de conception-réalisation, le maître d’ouvrage rédige un programme fonctionnel
auquel un groupement de concepteurs-réalisateurs va répondre et proposer un avantprojet. Cette procédure exceptionnelle est justifiée, indique le responsable de la maîtrise
d’ouvrage, du fait qu’ « il y a des motifs techniques, urbains, géologiques, géotechniques
qui justifient d’associer l’entreprise au concepteur […] parce que les moyens utilisés, les
502
modes opératoires, le concepteur seul ne peut pas le prévoir de manière pertinente »
. La présence de galeries souterraines est un des motifs pris en compte dans le choix de
cette procédure
503
.
Une procédure dérogatoire
La procédure de conception-réalisation est prévue par l'article 18-I de la loi n° 85-704
du 12 juillet 1985 modifiée relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec
la maîtrise d'œuvre privée (Loi « MOP »). Les conditions d'application de l'article 18-I ont
ensuite été précisées par le décret n° 93-1270 du 29 novembre 1993. Ainsi, l'article 1er
de ce décret stipule : « Lorsqu'en application du I de l'article 18 de la loi du 12 juillet
1985 susvisée, le maître d'ouvrage confie par contrat à un groupement de personnes de
droit privé ou, pour les seuls ouvrages d'infrastructure, à une personne de droit privé,
une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux, il
passe un contrat dit de conception-réalisation. Il ne peut recourir au contrat de conceptionréalisation que si l'association de l'entrepreneur aux études est nécessaire pour réaliser
l'ouvrage, en raison de motifs techniques liés à sa destination ou à sa mise en œuvre
technique. Sont concernées des opérations dont la finalité majeure est une production dont
le processus conditionne la conception, la réalisation et la mise en œuvre ainsi que des
opérations dont les caractéristiques intrinsèques (dimensions exceptionnelles, difficultés
techniques particulières) appellent une exécution dépendant des moyens de la technicité
des entreprises ».
Le maître d’ouvrage va aussi se doter d’un « assistant à la maîtrise d’ouvrage » (AMO)
504
pour la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse . Rien n’oblige le maître d’ouvrage
à se faire aider mais faute de disposer de l’ensemble des compétences nécessaires dans
les domaines techniques, il préfère y recourir. Il est le « véritable bras droit » qui s’occupe
501
Loi du 12 juillet 1985 modifiée relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée (dite
loi MOP), numéro 85-704.
502
Entretien n°6 avec un des responsables de la maîtrise d’ouvrage du projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse :
cf.supra.
503
Appel d’offre numéro 07-261556 pour les études de conception, la réalisation des travaux de rénovation du tunnel existant ainsi
que le creusement et l’aménagement d’un nouveau tube circulé de 1750 mètres parallèle au tunnel existant, réservé aux transports
en commun et aux modes doux. Date limite de réception des offres: 28 janvier 2008.
504
86
Décision du Conseil de Communauté du Grand Lyon du 12 novembre 2007, numéro 2007-4512.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
du pilotage du projet sur le plan technique et administratif, précise l’assistant à la maîtrise
d’ouvrage du tunnel de la Croix-Rousse
505
. Il ajoute que « c’est très intime finalement ».
Dans le cas de la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse, le calendrier est très
précis
506
.
Dossier de sécurité : avril 2006 (Désignation d’un assistant à maîtrise d’ouvrage) ↓
Études préliminaires : décembre 2006 (Recherche de solutions de rénovation) ↓
Concertation préalable du 20 avril au 8 juin 2007
solutions de rénovation) ↓
(Présentation au public des
Bilan de la concertation et choix d’une solution par le Conseil du Grand Lyon :
9 juillet 2007 ↓
Élaboration du programme de rénovation de la solution retenue : octobre 2007 ↓
Approbation du programme par le Conseil du Grand Lyon : novembre 2007 ↓
↓
Consultation des entreprises et enquête publique : second semestre 2008 (Choix
du titulaire par le Conseil du Grand Lyon) ↓
Démarrage des travaux : 2009 ↓
Mise en service prévisionnelle : 2013
L’échéance de la mise en service du nouveau tube est 2013. L’objectif est de finir
507
l’ouvrage « avant la fin du mandat », admet un responsable de la maîtrise d’ouvrage
.
C’est donc une procédure particulière qui est enclenchée. Le projet doit être à la hauteur
des attentes en matière de sécurité mais aussi en matière d’échéances électorales. Les
cataphiles doivent gérer ces impératifs dans leur mobilisation.
B. Un projet qui veut s’insérer dans la tendance urbaine actuelle
Le projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse a été voulu comme une
opportunité d’amélioration du cadre de vie globale de deux quartiers (côté Rhône et côté
Saône). Il rencontre donc plus facilement l’adhésion de nombreux Lyonnais du fait de son
respect - voire amélioration- de l’environnement. La question des arêtes de poisson reste
néanmoins une question secondaire.
Une mise aux normes présentée comme une opportunité pour l’avenir de la
ville : le choix d’une solution combinant sécurité et environnement
505
Entretien n° 7 avec l’assistant à la maîtrise d’ouvrage du tunnel de la Croix-Rousse, le 08/01/2008, dans une salle de
réunion au Grand Lyon 20 rue du lac.
506
Dossier de la concertation préalable sur la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse : cf.supra.Et
Panneau présentant le calendrier « les prochaines étapes », exposition à la mission Serin-Quais de Saône du Grand
Lyon. En ligne. 1p. <www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/Pdf/vie_democratique/concertation_projets/Serin_quaisdeSaone/
PANNEAU-6_80X200.pdf > Consulté en mai 2008. Et entretien n°7 avec l’assistant à la maîtrise d’ouvrage du tunnel de la CroixRousse: cf.supra.
507
Entretien n°6 avec un des responsables de la maîtrise d’ouvrage du projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix-
Rousse : cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
87
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
La concertation préalable pour la rénovation lourde du tunnel a eu lieu entre le 20 avril et le
8 juin 2007. Trois solutions ont été soumises à la concertation :
Solution 1 : Réalisation d’une galerie de sécurité parallèle au tunnel existant.
Source : Grand Lyon.
Solution 2 : Réalisation d’un tube de circulation parallèle au tunnel existant réservé
aux véhicules légers.
88
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
Source : Grand Lyon.
Solution 3 : Réalisation d’un tube de circulation parallèle au tunnel existant réservé
aux transports en commun et aux modes doux.
Delescluse Juliette - 2008
89
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Source : Grand Lyon.
Les aménagements communs aux trois solutions sont l’intégration paysagère des têtes
508
de tunnel, l’aménagement et la mise en valeur du passage piéton côté Rhône
. C’est
au final la troisième solution qui va être retenue par le conseil de communauté du Grand
509
Lyon
. Sa décision est motivée, explique-t-il, par le fait qu’elle est « la seule solution qui
permette, à terme, outre la mise en sécurité réglementaire du tunnel existant, de concevoir,
dans le cadre du projet urbain, une véritable ligne forte bidirectionnelle par transports en
commun en site propre entre le quartier de la Duchère et celui de la Part-Dieu et donc,
de s’inscrire dans une démarche de développement des modes de transports alternatifs
apportant ainsi des solutions crédibles à une éventuelle limitation de la place de la voiture ».
Cette solution a pour but d’allier une mise en valeur urbaine à un projet de mise aux
normes de sécurité. La mise aux normes de sécurité va donc être présentée comme une
opportunité pour l’avenir de la ville. « C’est une manière de résoudre le problème de la
510
sécurité différemment », explique le responsable du service tunnels
. Le choix effectué
semble être celui de l’ajout de valeur ajoutée à une obligation. Un responsable de la maîtrise
508
Solutions détaillées dans le dossier de la concertation préalable sur la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse
(du 20 avril au 8 juin 2007), édité par le Grand Lyon. En ligne. 28p. < http://www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/Pdf/actualites/
Concertation_tunnel_Cx_Rousse.pdf> Consulté en mai 2008.
509
510
90
Décision du Conseil de Communauté du Grand Lyon du 9 juillet 2007, numéro 2007-4246.
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
511
d’ouvrage
considère que compte-tenu du contexte urbain et du trafic soutenu, c’est une
« solution innovante » qui permet d’associer à l’exigence de sécurité l’ajout de transports en
commun, « modes doux » et piétons. Elle s’inscrit aussi, selon lui, dans une « vision globale »
des liaisons entre deux quartiers. L’engagement de la ville dans les « modes doux » est
ainsi confirmé par ce projet. L’objectif est de créer un espace sécurisant et accueillant pour
512
ces modes de transports
. Lors de la concertation, certaines personnes ont craint qu’un
jour les voitures viennent à circuler aussi dans ce nouveau tube. L’assistant à la maîtrise
d’ouvrage leur a répondu que tout était possible mais que ce n’était pas la « tendance
urbaine quels que soient les parties »
urbaine actuelle.
513
. Ce projet s’inscrit donc bien dans une évolution
L’environnement naturel et urbain est aussi pris en compte et étudié
est de réduire les nuisances
sont volontairement limitées
515
516
517
514
. L’objectif
. Les nuisances sur l’environnement des travaux du projet
. Mais le projet se veut aussi avant tout structurant : « une
518
recomposition »
. Ainsi, « une nouvelle ville se dessine »
pour que l’environnement
urbain soit amélioré. Il allie ces deux dimensions : limitation d’un mal, construction d’un bien.
Respect de l’existant et anachronisme d’une destruction du patrimoine
Les critères d’un environnement urbain idéal sont définis avant tout dans une réflexion
globale. Le projet se doit de s’intégrer dans un contexte particulier tout en introduisant des
519
conditions de vie améliorées, « une valorisation de l’urbain »
. Dans ce sens, nous
pourrions penser que le projet se doit aussi d’être respectueux du patrimoine. Notamment
511
Entretien n°6 avec un des responsables de la maîtrise d’ouvrage du projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix-
Rousse: cf.supra.
512
Panneau « place aux transports en commun et aux modes doux », exposition à la mission Serin-Quais de
Saône du Grand Lyon. En ligne. 1p. <http://www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/Pdf/vie_democratique/concertation_projets/
Serin_quaisdeSaone/PANNEAU-2_80X200.pdf> Consulté en mai 2008.
513
514
Entretien n°7 avec l’assistant à la maîtrise d’ouvrage du tunnel de la Croix-Rousse, cf.supra.
Panneau présentant le nouveau pont Schuman « autour du pont... », exposition à la mission Serin-Quais de
Saône du Grand Lyon. En ligne. 1p. <http://www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/Pdf/vie_democratique/concertation_projets/
Serin_quaisdeSaone/PANNEAU-5_80X200.pdf > Consulté en mai 2008.
515
Dossier de présentation du projet Serin-Quais de Saône (incluant la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse), édité
par la mission Serin-Quais de Saône du Grand Lyon.
516
517
518
Décision du Conseil de Communauté du Grand Lyon du 12 novembre 2007, numéro 2007-4512.
Dossier de présentation du projet Serin-Quais de Saône : cf.supra.
Panneau « une nouvelle ville se dessine », exposition à la mission Serin-Quais de Saône du Grand Lyon.
En ligne. 1p. <http://www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/Pdf/vie_democratique/concertation_projets/Serin_quaisdeSaone/
PANNEAU-1_80X200.pdf > Consulté en mai 2008.
519
Dossier de la concertation préalable sur la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse : cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
91
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
520
parce que la mode n’est plus dans « l’évolution urbaine qui rase tout »
. Ce projet se veut
être en cohérence avec un milieu urbain « très contraignant » car il se situe au cœur de la
521
ville historique de Lyon
. Il se doit de garantir la meilleure insertion de l’ouvrage dans son
environnement. Le site va être dénaturé mais uniquement pendant le temps des travaux,
explique un responsable de la maîtrise d’ouvrage
522
.
Dans ce cadre de réflexion globale, les associations et les riverains ont été interrogés
lors de la consultation préalable. « Ce sont des réunions qui finissent tard » et les gens
ne font pas toujours la distinction « entre l’objet et l’homme », regrette l’assistant à la
523
maîtrise d’ouvrage
. Il poursuit en expliquant que c’est souvent la minorité qui s’exprime,
seulement « ceux qui sont contre ». C’est un des problèmes de la démocratie selon lui. C’est
dans ce cadre de « sujets nombreux à traiter »
524
que va s’insérer la mobilisation cataphile.
Les arêtes de poisson : une problématique mineure parmi d’autres plus
« primordiales »
Le projet de rénovation lourde veut s’insérer au mieux dans l’environnement urbain. Dans
cette optique, le réseau des arêtes de poisson reste considéré dans les débuts de la
mobilisation comme un élément de l’environnement urbain uniquement dans son aspect
technique et non esthétique. L’impact sur le réseau est vu comme marginal par rapport à
tous les bienfaits du projet dans sa globalité. Ce projet sera « plein d’améliorations pour
525
l’environnement »
. Pour les arêtes de poisson, l’aspect hydraulique et piéton va être
rétabli, poursuit l’assistant à la maîtrise d’ouvrage. C’est donc l’aspect utilitaire du réseau
qui est avant tout préservé. Dans l’esprit des responsables du projet, le réseau ne sera
donc pas mis en péril. Le côté exceptionnel du site n’a pas été remarqué lors des visites
de chantier. D’autant que c’est « tout bétonné », considère un responsable de la maîtrise
526
d’ouvrage
. Il poursuit sur le fait que le dossier « arêtes de poisson » reste un « sujet
de vigilance » notamment dans un contexte d’élections. Il ne souhaite pas rentrer dans des
opérations qui pourraient compliquer le débat. Finalement, ce qui le préoccupe c’est avant
527
tout le « bon déroulement des opérations »
. Ainsi, l’assistant à la maîtrise d’ouvrage
remarque néanmoins, à la fin de notre discussion, qu’il faut qu’il pense à traiter ce sujet là
520
Entretien n°13 avec un membre du Service de la planification et de l'urbanisme réglementaire du Grand Lyon, le 13/02/2008,
dans son bureau au Grand Lyon 20 rue du lac.
521
522
Dossier de la concertation préalable sur la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse : cf.supra.
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
523
524
Entretien n°7 avec l’assistant à la maîtrise d’ouvrage du tunnel de la Croix-Rousse: cf.supra.
Entretien n°6 avec un des responsables de la maîtrise d’ouvrage du projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix-
Rousse : cf.supra.
525
526
Entretien n°7 avec l’assistant à la maîtrise d’ouvrage du tunnel de la Croix-Rousse : cf.supra.
Entretien n° 6 avec un des responsables de la maîtrise d’ouvrage du projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse:
cf.supra.
527
92
Ibid.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
dans le dossier d’enquête d’utilité publique
cataphiles lors de l’enquête publique.
528
. Une brèche est peut-être ouverte pour les
III/ L’improbable classement : les moyens de protection du patrimoine
interrogés par le souterrain
L’entrelacement des acteurs et des procédures de protection du patrimoine est difficilement
perçu par le cataphile lyonnais. Dans ce maillage, nous avons tenté de rechercher quel
mode de protection semblait le plus adapté pour le réseau des arêtes de poisson. Nous
verrons que la protection d’un souterrain sort des normes du patrimoine et oblige celles-ci à
529
être redéfinies. Néanmoins selon Régis Neyret,
une procédure de protection locale vaut
mieux dans ce cas qu’une procédure à un niveau international de type UNESCO.
A. Classement ou inscription au titre des Monuments Historiques
Le classement et plus spécialement l’inscription au titre des Monuments Historiques du
réseau souterrain des arêtes de poisson est une première possibilité de protection pour ce
lieu.
Un processus hiérarchisé
L’inscription simple au titre des Monuments Historiques permet de « geler un peu les
530
choses »
. Comme toute forme de protection, elle n’est pas totalement immuable mais
elle permet d’introduire un principe de précaution. Celui-ci est plus important lors d’un
classement comme Monument Historique. La loi du 31 décembre 1913 prévoit ainsi deux
niveaux de protection, le classement et l’inscription. Mais tous deux sont désormais régis
531
par le titre II du livre VI du Code du patrimoine instauré en 2004
et par le décret
2007-487 du 30 mars 2007. Selon l’article L.621-1 du code du patrimoine : « Sont classés
comme Monuments Historiques, en totalité ou en partie, les immeubles dont la conservation
présente, au point de vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt public ». Le critère artistique
renvoie avant tout à une perception visuelle du patrimoine conçu un peu à la manière d’un
tableau
528
532
.
Entretien n°7 avec l’assistant à la maîtrise d’ouvrage du tunnel de la Croix-Rousse, le 08/01/2008, dans une salle de réunion
au Grand Lyon 20 rue du lac.
529
530
Entretien n°10 avec R. Neyret, le 01/02/2008, chez lui.
Entretien n°17 avec une chargée d’études documentaires de la conservation régionale des Monuments Historiques de la DRAC
Rhône-Alpes, le 29/02/2008, dans son bureau à la DRAC.
531
Le droit du patrimoine s'est considérablement enrichi et complexifié en quelques années. Le code du patrimoine est une
codification à droit constant, c'est-à-dire que ce code est formé à partir de textes déjà existants. Il ne s'agit donc que d'une classification.
Ce code donne une définition très large du patrimoine en son article L1 puisqu'il « s'entend, au sens du présent code, de l'ensemble
des biens, immobiliers ou mobiliers, relevant de la propriété publique ou privée, qui présentent un intérêt historique, artistique,
archéologique, esthétique, scientifique ou technique ». La publication du code du patrimoine remplace et abroge plusieurs textes
importants dont la loi du 31 décembre 1913 relative aux Monuments Historiques. Code du patrimoine en ligne. 81 pages. <http://
www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droit-culture/patrimoine/pdf/code_du_patrimoine.pdf> Consulté le 15 mai 2008.
532
PRIEUR M. et AUDREDIE D. (dir.), Les monuments historiques, un nouvel enjeu ?, Paris, L’Harmattan, 2004.
Delescluse Juliette - 2008
93
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Les étapes d’une procédure
Le dossier de protection est le plus souvent constitué par les documentalistes
recenseurs de la conservation régionale des Monuments historiques. Il comprend une partie
documentaire donnant des renseignements détaillés sur l’immeuble et différents documents
d’identification comme des photographies ou des plans. L’avis de l'architecte en chef des
Monuments Historiques, de l'architecte des bâtiments de France et du conservateur régional
des monuments historiques (ou du conservateur régional de l'archéologie s'il s'agit d'un
gisement archéologique) font aussi partie du dossier. Celui-ci est ensuite soumis pour
avis à la Commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS) instituée par décret
du 5 février 1999. Cette commission comprend des personnalités titulaires d’un mandat
électif national ou local, des représentants de l’Etat et des personnalités qualifiées. Elle est
présidée par le préfet de région. Elle se réunit au moins trois fois par an sur convocation
de son président et émet un avis sur les propositions de protection. L'arrêté d'inscription est
préparé après la réunion de la CRPS et signé par le préfet de région. Le préfet de région
peut alors décider de l'inscription de l'immeuble ou proposer son classement au Ministre
chargé de la culture. Le préfet de région établit, à titre conservatoire, un arrêté d'inscription,
et transmet le dossier au ministère. La commission supérieure des Monuments Historiques,
sur présentation du dossier par le service régional instructeur et sur rapport de l'inspecteur
général des Monuments Historiques, peut soit proposer le classement (le propriétaire est
alors invité à formuler son accord par écrit), soit estimer suffisante l'inscription sur l'inventaire
supplémentaire. Les arrêtés de classement sont signés par le Ministre de la Culture.
Dans le cas où l'immeuble est menacé de disparition ou d'altération imminente, le ministre
peut prendre une décision d'instance de classement. Dès que le propriétaire en a reçu
notification, tous les effets du classement s'appliquent à l'immeuble considéré pendant un
an, délai pendant lequel l'administration peut mettre en oeuvre la procédure normale de
protection
533
.
L'immeuble classé ne peut être détruit, déplacé ou modifié, même en partie, ni être
l'objet d'un travail de restauration ou de réparation, sans l'accord préalable du ministère
chargé de la Culture. Les travaux autorisés s'effectuent sous la surveillance de son
administration. Aucune construction neuve ne peut être adossée à un immeuble classé sans
une autorisation spéciale du ministre chargé de la Culture. Les immeubles classés sont
imprescriptibles. L'immeuble classé ne peut être cédé sans que le ministère chargé de la
Culture en soit informé, il ne peut s'acquérir par prescription et ne peut être exproprié sans
que le ministère ait été consulté. Toute modification effectuée dans le champ de visibilité
534
d'un bâtiment classé
doit obtenir l'accord de l'architecte des bâtiments de France. Est
considéré dans le champ de visibilité du monument tout autre immeuble distant de celui-ci
de moins de cinq-cent mètres et visible de celui-ci ou en même temps que lui. L'immeuble
inscrit ne peut être détruit, même partiellement, sans l'accord du ministre chargé de la
Culture. Il ne peut être modifié, même en partie, ni être l'objet d'un travail de restauration
ou de réparation, sans que le ministère chargé de la culture en soit informé quatre mois
auparavant. La Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) ne peut s'opposer à ces
travaux qu'en engageant une procédure de classement. C’est donc un régime d’autorisation.
533
Plus de détails sur les fiches du ministère de la culture publiées sur Internet: <http://www.culture.gouv.fr/culture/organisation/
dapa/publications.htm> Consulté en mai 2008. Voir aussi BADY J-P., Les Monuments Historiques, Paris, PUF, collection « Que saisje ? », 1985.
534
94
Loi du 25 février 1943 instituant une servitude d’abords au profit des Monuments Historiques, numéro 92.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
Une solution inadéquate pour les souterrains ?
« On peut dire qu’aujourd’hui, il n’y a plus trop d’exclusions », explique une chargée
d’études documentaires de la conservation régionale des Monuments Historiques de la
535
DRAC Rhône-Alpes
, à propos de la définition du patrimoine. Cependant, il faut
quand même qu’il y ait, selon elle, quelque chose d’assez « fort et authentique ». D’où
par exemple des débats sur les lieux de mémoire entre les conservateurs, notamment
entre les différentes régions. Dans le cas du réseau des arêtes de poisson, ce n’est
pas totalement de l’archéologie préventive, explique-t-elle, notamment à propos de la
question des financements. Quant à la protection au titre de patrimoine, « on a du mal
comme ça un peu sur des dossiers mal connus », confie-t-elle. Surtout lorsqu’en face, il
y a un projet d’aménagement de tunnel, précise-t-elle. D’autre part, pour un réseau de
souterrain il n’y a jamais de co-visibilité par rapport à un bâtiment classé pouvant permettre
une protection même limitée. Se pose aussi la question du propriétaire dans le cas des
souterrains, poursuit-elle. Elle propose à l’OCRA d’écrire une lettre, en particulier au service
de l’archéologie, pour faire état de leurs recherches. « On se doit de répondre », conclutelle. Elle conseille de bien argumenter afin « de susciter l’intérêt auprès des personnes ».
Notamment parce qu’ils reçoivent beaucoup de sollicitations. Il ne faut donc pas hésiter à
536
« accrocher ». Finalement, comme l’explique Régis Neyret,
il est très difficile de classer
quelque chose que l’on ne voit pas. Mais dans tous les cas, l’inscription ne semble pas
adaptée pour le cas des arêtes de poisson. Ça serait même « contre-productif », selon le
537
président de Patrimoine Rhônalpin Eddie Gilles Di Pierno
. Un classement se révèle par
la suite ingérable notamment en termes d’aménagement pour des mises aux normes de
sécurité ou des modifications autres. Surtout qu’à tout moment le ministère chargé de la
Culture peut déclasser le monument, ajoute-t-il. « C’est une lourdeur administrative qui à
la sortie est contraignante », conclut-il. Cela pourrait être un problème notamment pour un
futur projet de visites du réseau. La protection figerait le site de manière excessive et ce
n’est pas ce que recherchent vraiment les cataphiles lyonnais. Une protection au niveau du
Plan Local d’Urbanisme (PLU) semble plus adaptée dans le cas des arêtes de poisson.
B. Inscription au Plan Local d’Urbanisme (PLU)
L’inscription au Plan Local d’Urbanisme du réseau souterrain des arêtes de poisson est une
seconde possibilité de protection pour ce lieu.
Un processus local
538
Les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU)
peuvent au titre de l’article 123- 1 7 du code de
l’urbanisme : « Identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les quartiers, îlots,
immeubles, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à mettre en valeur
535
Entretien n°17 avec une chargée d’études documentaires de la conservation régionale des Monuments Historiques de la DRAC
Rhône-Alpes : cf.supra.
536
537
Entretien n°10 avec R. Neyret : cf.supra.
Entretien n° 9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, le 30 janvier 2008, dans un des
appartements de Tony Garnier à la cité des Etats-Unis.
538
Le Plan Local d’Urbanisme (PLU) remplace le Plan d’Occupation des Sols (POS) depuis la loi du 13 décembre 2000 (numéro
2000-1208) relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.
Delescluse Juliette - 2008
95
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou écologique et définir, le cas
échéant, les prescriptions de nature à assurer leur protection ». Les collectivités territoriales
peuvent ainsi intégrer dans les documents d’urbanisme de nouvelles connaissances et de
nouvelles protections du patrimoine. A partir de cette législation, le Grand Lyon a développé
deux outils principaux
539
.
Le premier outil protége un immeuble en le qualifiant dans le PLU comme « un élément
bâti à préserver ». L’élément à préserver peut juste être un élément de l’immeuble, comme
par exemple une façade. Les travaux d’extension ou d’aménagement de ces bâtiments
sont possibles dès lors qu’ils sont conçus dans le sens d’une préservation : a) Des
caractéristiques, techniques ou historiques des dits bâtiments. b) De l’ordonnancement et
de l’équilibre des éléments bâtis et des espaces végétalisés et arborés organisant l’unité
foncière.
Le second outil permet de protéger un secteur appelé « Périmètre d’Intérêt
Patrimonial » (PIP). On considère dans ce cas que c’est « l’ensemble qui a une certaine
homogénéité, une certaine histoire, un certain intérêt patrimonial », précise un membre du
Service de la planification et de l'urbanisme réglementaire du Grand Lyon
La diversité des zonages de protection du patrimoine
540
.
541
Le zonage est une des méthodes privilégiée pour mener à bien une politique de
protection du patrimoine, en particulier urbaine. C’est une vision en termes d’espaces qui
est adoptée. Il existe quatre formes principales de zonage. L’apparition successive de ces
formes ébauche une tendance croissante de prise en charge de la politique patrimoniale
par les collectivités territoriales.
La loi du 25 février 1943 introduit une protection des abords des Monuments Historiques
classés ou inscrits. Un périmètre de cinq-cent mètres protégé autour du bâtiment est établi. Il
fait l’objet d’un contrôle préventif des travaux réalisés sur cette zone. Protéger un Monument
Historique ne suffit pas si les alentours proches ne le sont pas aussi.
La « loi Malraux » du 4 août 1962 va concerner les secteurs sauvegardés. Cette loi isole
le patrimoine à l’échelle de la ville et prend en considération les quartiers anciens en tant
qu’ensembles cohérents qui ne se limitent pas à leurs monuments les plus remarquables.
Il s’agit ici de mettre en valeur le patrimoine dans sa dimension artistique, historique et
urbaine. Le secteur sauvegardé de Lyon a été le premier à être mis en place par un arrêté
interministériel du 12 mai 1964 sur le territoire de Saint Paul / Saint Jean / Saint Georges.
La loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes,
les départements, les régions et l’Etat, crée les zones de protection du patrimoine
architectural et urbain. La loi du 8 janvier 1993 va étendre son champ d’application aux
paysages. Ces périmètres prennent le nom de « Zones de Protection du Patrimoine
Architectural, Urbain et Paysager » (ZPPAUP). A Lyon, la ZPPAUP des Pentes de la Croix539
Entretien n°17 avec une chargée d’études documentaires de la conservation régionale des Monuments Historiques de la DRAC
Rhône-Alpes: cf.supra.
540
541
Ibid.
CHOUQUET M., Les périmètres patrimoniaux, Mémoire Master 2 : Droit de l’urbanisme, de la construction et de l’immobilier.
Bordeaux : Université Montesquieu Bordeaux IV, 2006. En ligne. 71p. < http://www.gridauh.fr/sites/fr/fichier/464804d33de6c.pdf >
Consulté en mai 2008.
96
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
Rousse est crée le 25 juillet 1994 par un arrêté du préfet de région, à l'issue d'une procédure
lancée le 18 mars 1991 par une délibération du conseil municipal. Cette ZPPAUP va assurer
la protection des zones périphériques du secteur sauvegardé. Régis Neyret préfère pour
les désigner l’appellation Zones de Patrimoine Partagé (ZPP)
542
.
Enfin, la dernière forme de zonage est celle introduite par la possibilité pour les
collectivités territoriales d’introduire dans leur PLU des mesures de protection patrimoniale.
Ce sont notamment les « Périmètres d’Intérêt Patrimonial » (PIP) pour le Grand Lyon.
Le succès du zonage pose la question de la superposition de ces périmètres
patrimoniaux et du même coup de la complexité juridique et pratique du système de
protection patrimoniale.
Ces deux procédures sont principalement mises en œuvre lors d’une révision du
PLU. Elles sont ainsi beaucoup moins compliquées qu’une procédure d’inscription ou de
classement au titre des Monuments Historiques. Elles sont même qualifiées de « flexibles »
543
544
. C’est le côté « à la carte »
qui attire de plus en plus les associations locales et
les privés vers ce genre de techniques de protection patrimoniale. Ces outils viennent en
complément et permettent de protéger du patrimoine « un petit peu ordinaire mais qui mérite
d’être conservé ». D’autant que les critères « ne sont pas encore véritablement calés »
545
. Le choix se fait après des discussions et de la concertation. L’outil « bâtiment bâti à
préserver » peut sembler adapté dans le cas d’une préservation des arêtes de poisson.
Ainsi, le tube de sécurité peut avoir un impact sur une partie du réseau mais le reste est
préservé grâce à cet outil.
Une solution possible pour les souterrains ?
Une inscription au PLU de la partie préservée des arêtes de poisson en tant qu’« élément
bâti à préserver » permet un recours devant un tribunal administratif. Notamment dans le
cas de dégâts non prévus, pouvant être justifiés par un : «c’est plus compliqué que prévu, on
546
pensait les préserver mais... »
. C’est donc une certaine garantie juridique. Cependant,
l’inscription au PLU d’un réseau souterrain en tant qu’ « élément bâti à préserver » n’est
pas si simple. « On ne fait pas encore de PLU en sous-sol ! », explique un membre du
547
Service de la planification et de l'urbanisme réglementaire du Grand Lyon
. Le PLU
gère principalement ce qui est en surface. D’autant que pour la rénovation lourde du
tunnel, il n’existe pas de permis de construire. La question est posée d’une opérabilité
de cette inscription. Les arêtes de poisson pourraient éventuellement être inscrites dans
le PLU en tant qu’ « ouvrage non soumis à servitude ». C’est une catégorie donnée à
titre informatif, contenant notamment les ruisseaux canalisés, le métro, les tunnels, les
canalisations et les lignes électriques situés dans le sous-sol. Cependant, cette catégorie
542
543
NEYRET R., « Du monument isolé au tout patrimoine », Géocarrefour, volume 79, mars 2004.
Entretien n°13 avec un membre du Service de la planification et de l'urbanisme réglementaire du Grand Lyon, le 13/02/2008,
dans son bureau au Grand Lyon 20 rue du lac.
544
545
546
547
Entretien n° 9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin: cf.supra.
Entretien n°13 avec un membre du Service de la planification et de l'urbanisme réglementaire du Grand Lyon : cf.supra.
Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf.supra.
Entretien n°13 avec un membre du Service de la planification et de l'urbanisme réglementaire du Grand Lyon : cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
97
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
ne contient en rien un aspect patrimonial. Et le membre du Service de la planification et de
l'urbanisme réglementaire du Grand Lyon rencontré n’exclut pas totalement la possibilité
d’une extension de l’inscription en tant qu’ « élément bâti à préserver » au réseau souterrain
des arêtes de poisson. « Je ne peux pas vous dire aujourd’hui : il n’y a pas de problème
ou c’est impossible », ajoute-t-il. Il explique que pour cela l’OCRA doit envoyer une lettre
« formalisée et motivée » et qu’ensuite la demande sera examinée avec les élus et la
direction de l’eau du Grand Lyon. Là encore, une demande doit être exprimée avec clarté
et détermination.
C. Une étude archéologique
Une étude archéologique sur les origines des arêtes de poisson permettrait de faciliter une
possible préservation du lieu. Ou du moins de l’endommager en connaissance de cause.
Un processus réglementé
L’archéologie préventive veut concilier impératifs du développement urbain et étude voire
préservation des éléments significatifs du patrimoine archéologique. Pour Patrice Béghain
548
, adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008, « Lyon est
un peu une des villes où est née l’archéologie préventive dans les années 1970 ». Cette
naissance correspond à une période où se multiplient les grands travaux d’aménagement
du territoire et de constructions. L’archéologie préventive « relève de missions de service
public, est partie intégrante de l'archéologie. Elle est régie par les principes applicables à
toute recherche scientifique. Elle a pour objet d'assurer, à terre et sous les eaux, dans les
délais appropriés, la détection, la conservation ou la sauvegarde par l'étude scientifique
des éléments du patrimoine archéologique affectés ou susceptibles d'être affectés par
les travaux publics ou privés concourant à l'aménagement. Elle a également pour objet
549
l'interprétation et la diffusion des résultats obtenus »
. L’Etat maîtrise le déroulement de
cette mission. Les opérations d'archéologie préventive sont de deux types : les diagnostics
et les fouilles . Le diagnostic est une opération limitée de reconnaissance qui vise à
caractériser un site archéologique. Il permet de définir précisément la nature des fouilles
éventuellement nécessaires. Le diagnostic est réalisé par un opérateur public : l’Institut
national de recherches archéologiques préventives (INRAP) ou une collectivité agréée. Le
diagnostic est financé par la redevance d'archéologie préventive . Les fouilles sont quant
à elles financées par l'aménageur et sous sa maîtrise d'ouvrage.
- Une solution en suspens pour les arêtes de poisson ?
Dans le cadre de la construction du nouveau tube de sécurité, le Service Régional de
l’Archéologie (SRA) a prescrit un diagnostic à la fin de l’année 2007
550
. Le réseau des arêtes
de poisson se trouve dans la ZPPAUP Archéologie des pentes de la Croix-Rousse
548
551
.
Entretien n°11 avec Patrice Béghain, adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008, le 8 février
2008, dans son bureau à l’hôtel de ville de Lyon.
549
550
Loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive (modifiée à plusieurs reprises), numéro 2001-44.
Si des éléments du patrimoine archéologique sont déjà connus sur le terrain du projet, une fouille ou une modification de
la consistance du projet peuvent être directement prescrits.
98
Delescluse Juliette - 2008
Partie 2 Une trame mobilisée : le souterrain à l’image de l’urbain
Dans le cas des arêtes de poisson, c’est le service archéologique de la ville de Lyon
552
qui est chargé du diagnostic en tant que service agréé par l’Etat
. Les résultats seront
exposés dans un rapport de diagnostic. Au moment où nous rédigeons, ce rapport n’a pas
encore été rendu. Différents scénarii sont encore possibles.
Suite à la découverte en mars 2008 d’un plan mentionnant le lieu où seraient murés
les ossements dans les arêtes de poisson, les cataphiles ont rencontré les archéologues
du service municipal chargés du dossier. Un membre du SRA était présent, ainsi qu’une
conservatrice en chef du patrimoine de la DRAC. Ils ont tous « débarqués là avec le tunnel »,
confiera un des présents. Nous faisons partie de cette réunion du fait de notre aide dans
553
la création d’un contact entre les cataphiles et le SRA
. Une limite de l’archéologie
préventive va apparaître au cours de cette discussion. Le cas des arêtes de poisson
va l’illustrer. D’après le plan, l’endroit où les ossements sont probablement murés est à
quelques dizaines de mètres de la zone impactée par le tube. De fait, l’aménageur n’est pas
tenu d’engager des fouilles dans ce lieu hors de la zone impactée. Même si le rapport de
diagnostic en mentionne l’existence. Ainsi, comme l’explique le membre du SRA, « cela fait
baver certains archéologues car effectivement il y a des cas de figures comme les tracés
d’autoroute qui passent comme ça et on s’arrête à la bande d’arrêt d’urgence ». Quant au
service de l’inventaire, il n’étudie que l’existant. « On n’a pas la possibilité d’arriver avec une
pioche pour démolir le mur », clarifie la conservatrice en chef du patrimoine de la DRAC
présente. Le membre du SRA parle de « textes bêtement réglementaires ». Le paradoxe
est donc que faute de moyens légaux de recherche et surtout de financements, le mur
supposé murer les ossements ne peut être brisé par les archéologues. La tentation est
donc forte pour les cataphiles qui ont déjà repéré ce mur dans la réalité. Et là, deuxième
limite de la préservation du patrimoine en général, le risque de péril introduit par l’attitude
possible des cataphiles, inquiète la conservatrice en chef du patrimoine de la DRAC. Cela
peut même peut-être engager une procédure. Il faut donc une menace directe pour qu’il y
ait une intervention.
Finalement, tous considèrent que si la ville de Lyon donne son accord, ce qui induit
un financement, la situation pourrait être débloquée. Mais ils constatent que le contexte
électoral n’est pas favorable à cela. Ici intervient aussi le problème du souterrain. On parle
de « prudence » par rapport à cela. Et puis, le domaine du souterrain est particulier. Les
archéologues ne sont pas spécialisés dans ce domaine mais plutôt dans le bâti. Enfin, le
manque d’archives et de recherches sérieuses à un niveau universitaire dans le domaine fait
que tous les interlocuteurs présents reconnaissent leur méconnaissance de ce lieu et de ce
type de construction. « Tout ça conjugué fait que ça devient compliqué », conclut le membre
du SRA. Toujours est-il qu’une confirmation semble avoir émergé de la discussion : il est
incroyable que le réseau des arêtes de poisson, du fait de sa particularité et de sa situation,
n’ait jamais fait l’objet d’une réelle étude historique. Le rapport de diagnostic ira sûrement
dans ce sens. Tout dépendra après de la volonté des pouvoirs publics pour engager une
étude du réseau dans son ensemble. Un article du Progrès du 15 avril 2008 titre « le mystère
551
La Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager (ZPPAUP) des Pentes de la Croix-Rousse est crée le
25 juillet 1994. Le périmètre de la Z.P.P.A.U.P. se justifie à la fois par l'unité du site et l'identité du bâti, l'histoire et la densité de sa
population.
552
Le service archéologique de la ville de Lyon se trouve dans la liste des opérateurs agrées pour la réalisation d’opérations
d’archéologies préventives, diffusée par le ministère de la culture. En ligne. 13 p. < http://www.culture.gouv.fr/culture/politiqueculturelle/ope041207.pdf > Consulté en mai 2008.
553
Séance d’observation n°8 : cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
99
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
554
des arêtes de poisson enfin résolu »
. En réalité, aucun élément nouveau n’est à noter.
Il traite seulement du diagnostic qui est en cours depuis le début d’année. Mais il apparaît
comme une réponse aux articles sur les ossements publiés par les cataphiles.
Il convient d’étudier dans une dernière partie comment les freins à une possible
patrimonialisation du réseau souterrain des arêtes de poisson vont être dépassés par une
mobilisation plus large d’acteurs et la rencontre entre les différents acteurs sensibilisés à
cet enjeu.
554
100
R.L. et M.M., « Le mystère des arêtes de poisson bientôt résolu », Le Progrès, 15/04/2008.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain
Partie 3 Une trame patrimonialisée : le
souterrain intégré à l’urbain
« Merveilleux génie ! s’écriait-il, tu n’as rien oublié de ce qui pouvait ouvrir à
d’autres mortels les routes de l’écorce terrestre, et tes semblables peuvent
retrouver les traces que tes pieds ont laissées, il y trois siècles, au fond de
ces souterrains obscurs ! A d’autres regards que les tiens, tu as réservé la
contemplation de ces merveilles ! » Jules Verne, Voyage au centre de la terre,
Chapitre XL
Delescluse Juliette - 2008
101
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Le souterrain se forge peu à peu une nouvelle image. Il se trouve progressivement sur la voie
555
d’une reconnaissance par ceux qui d’une certaine manière « font la ville »
: associatifs,
politiques et aménageurs. La mobilisation cataphile va finalement bénéficier d’un support,
avant tout moral, des principales associations lyonnaises de préservation du patrimoine.
L’inscription de la ville au patrimoine mondial de l’UNESCO sera présentée comme une
exigence à laquelle les politiques se doivent de répondre. Les cataphiles feront appel à cet
impératif avant tout informel. La rencontre entre les cataphiles et les responsables de la
rénovation lourde du tunnel vont faire aboutir - d’une manière particulière - la mobilisation
pour la préservation des arêtes de poisson (Chapitre 5). Le réseau souterrain des arêtes de
poisson va être dans une certaine mesure et à sa façon patrimonialisé (Chapitre 6).
Chapitre 5 La mobilisation tacite d’une nébuleuse plus
large d’acteurs
Il existe diverses temporalités. Nous pouvons distinguer d’un côté les temporalités
« objectives » qui se manifestent sous la forme de calendriers, d’enchaînements de
séquences qui mettent en œuvre différentes échelles d’espaces et de temps. De l’autre
côté, une temporalité des individus. Ce sont des enchaînements d’états et d’événements
556
qui structurent leurs biographies, leur mémoire et leur implication dans les enjeux locaux
. Ce sont ces deux temporalités qui sont mêlées dans le processus de patrimonialisation.
Les diverses temporalités des acteurs s’acorderont peu à peu dans le cas des arêtes de
poisson. Les réseaux associatifs vont mobiliser leurs expériences (I). Les politiques vont se
trouver face aux exigences, avant tout morales, de la gestion d’un label international (II).
Et les responsables de la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse intégreront cette
nouvelle problématique dans le futur projet (III).
I/ Le soutien des réseaux associatifs et l’utilisation de leur légitimité
reconnue
Les cataphiles bénéficient du soutien, même informel parfois, des différents acteurs
associatifs locaux. Ces derniers possèdent une expérience forte en termes de préservation
du patrimoine (A). Ils vont en partie la mettre au service de la mobilisation pour le réseau
souterrain des arêtes de poisson, sans pour autant s’opposer à la rénovation lourde du
tunnel (B). Dans ce sens ils confirmeront la volonté cataphile de trouver un compromis.
A. De forts liens entre les associations et le patrimoine lyonnais
La multiplication des implications associatives dans la préservation et la valorisation du
patrimoine permettra à ces dernières de se doter d’une légitimité, en particulier face aux
pouvoirs publics locaux.
555
AUBERTEL P., GILLIO C. et GARIN-FERRAZ G., Qui fait la ville aujourd’hui ? Intervention de la puissance publique dans les
processus de production urbaine, Paris, Plan urbain, 1997.
556
102
AUTHIER J-Y., La vie des lieux. Un quartier du Vieux-Lyon au fil du temps. Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1993. p.249.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain
Des parcours
Patrimoine Rhônalpin. Patrimoine Rhônalpin est une fédération d’associations créée en
557
1983. Sa mission principale est de « mettre en réseau »
les acteurs de tous les types
de patrimoine de la région. Ces échanges se produisent lors de colloques et séminaires
organisés par la fédération. Le site Internet de l’association est une véritable base de
données des acteurs du patrimoine régional. A la base de cette structure, c’est une
conception particulière de la construction patrimoniale qui se dégage. Le patrimoine ce sont
558
ces « groupes informels, ces groupes de pression »
qui en le sauvant, le construisent.
Le groupe plus que l’institution est à la base du patrimoine. Mais ces groupes se doivent
d’être fédérés et informés pour être opérants. Tout comme Régis Neyret, fondateur de
l’association, pour Eddie Gilles Di Pierno, l’actuel président de Patrimoine Rhônalpin, tout
a débuté « par hasard », avec une mobilisation. Pour l’un c’était le Vieux Lyon, pour le
559
second, le quartier des Etats-Unis. Et puis « les choses arrivent »
. C’est un lien fort que
Patrimoine Rhônalpin entretient avec le patrimoine de la région. Mais avant tout un lien pour
structurer des tendances déstructurées par définition.
Union des Comités d’Intérêts Locaux du Grand Lyon (UCIL). La pérennité des Comités
d’Intérêts Locaux (CIL) leur permet d’être reconnus par les pouvoirs publics. Dans ce sens
ème
il se révèle aussi être un référent pour les habitants. Les CIL sont nés à la fin du XIX
siècle et ont opéré un maillage de l’agglomération lyonnaise. Leur regroupement en une
560
union en 1960 leur a permis de se doter d’une vision d’agglomération
. L’Union des
Comités d’Intérêts Locaux du Grand Lyon (UCIL) regroupe actuellement quarante-neuf
Comités d’Intérêts Locaux. Ces associations d’habitants se préoccupent du cadre de vie
à l’échelle de leur quartier. En somme, la définition d’un « vivre bien » territorialisé. Le
patrimoine est un des piliers des CIL depuis longtemps, et en particulier pour le Vieux561
Lyon, affirme Denis Eyraud, président de l’UCIL jusqu’à mars 2008
. Cette prise en
compte du patrimoine en tant qu’élément fondamental de « l’ambiance et de la vie de
quartier » s’est faite il y a une dizaine d’années. L’UCIL va servir de relais à cette tendance
et la mutualiser en créant en 2003 les « états généraux du patrimoine ». Le but de cet
événement est que les différents acteurs du patrimoine se rencontrent. Quatre-cents entités,
majoritairement des associations, ont ainsi été répertoriées. Cette démarche s’inscrit dans
une volonté, là encore, de préserver non seulement ce qui est du « grand patrimoine bâti »
mais aussi avant tout « ce qui fait patrimoine par l’ensemble et en particulier au niveau des
quartiers », explique Denis Eyraud. Les CIL ont dans ce sens un rôle de repérage de ce
« petit patrimoine ».
557
558
Site de l’association Patrimoine Rhônalpin: < http://www.patrimoine-rhonalpin.org/ > Consulté en mai 2008.
Entretien n° 9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, le 30 janvier 2008, dans un des
appartements de Tony Garnier à la cité des Etats-Unis.
559
Entretien n°10 avec R. Neyret, le 01/02/2008, chez lui. Et entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association
Patrimoine Rhônalpin : cf.supra.
560
CHIGNIER-RIBOULON F., « Les conseils de quartier à Lyon, entre progrès de la démocratie participative et nouvelle
territorialisation de l’action publique », Géocarrefour, Volume 79, numéro 3, 2001. pp.191-197. En ligne. 7p. <http://www.persee.fr/
web/revues/home/prescript/article/geoca_1627-4873_2001_num_76_3_2555 > Consulté en mai 2008.
561
Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008,
le 27/02/2008, dans son bureau.
Delescluse Juliette - 2008
103
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Les CIL se sont récemment trouvés concurrencés sur un même territoire, le quartier,
562
par les conseils de quartier. Pour positionner le conseil de quartier
comme un
interlocuteur de droit, la mise en place de cette structure s’est accompagnée d’un débat sur
la représentativité des associations et notamment des CIL. Ces derniers ont vu la mise en
place des conseils de quartier d’un mauvais œil, l’UCIL a même dû « hurler pour qu’ils n’aient
563
pas le monopole de la concertation »
. L’orientation choisie par l’UCIL est de privilégier
comme niveau de représentation pertinent les corps intermédiaires dont en particulier les
564
associations parce qu’elles « contribuent à la représentation »
. « Autant que le nombre
restreint d’individus soit le plus représentatif possible […] c’est exactement ce que sont des
représentants d’associations », précise Denis Eyraud. Le problème, poursuit-il, c’est que
les conseils de quartier donnent « une certaine existence légale à ces habitants tirés au
sort ». Quant à la manière dont sont perçus les conseils de quartier par l’UCIL en matière
de protection du patrimoine, la critique porte sur une sorte de « concurrence tellement
déloyale ». Les conseils de quartier disposent « de tous les moyens de la mairie » : salles,
secrétariat et journaux de la mairie. Finalement, les conseils de quartier sont reconnus
capables de faire de la préservation du patrimoine mais « au même titre que la municipalité.
C’est un bout de la municipalité ! », conclut l’ancien président de l’UCIL. Cette représentation
des conseils de quartier met en lumière l’image qu’a de soi l’UCIL : « d’un côté ceux
565
qui s’autogérent pour défendre leur quartier et de l’autre ceux qui gèrent la ville »
.
Néanmoins, malgré la concurrence des conseils de quartier, le déclin des CIL n’est pas
assuré. La préservation du patrimoine est notamment une stratégie parmi d’autres pour
garantir l’influence des CIL.
Fondation Renaud. Le patrimoine c’est aussi souvent des individus. Tout comme Régis
Neyret, Jean-Jacques Renaud est à son échelle l’un d’eux. « Heureusement qu’il y a des
566
gens comme lui », estime Eddie Gilles Di Pierno
. Avec son frère, architecte lui aussi, ils
créent en 1994 la Fondation Renaud pour le patrimoine. Le patrimoine devient un vecteur
de socialisation et d’intégration. « C’est un plaisir, c’est merveilleux » explique l’intéressé
567
à propos du patrimoine. Notamment parce que cela permet de rencontrer des gens
extraordinaires et d’avoir des « attaches », confie-t-il. Les missions de la fondation se
déclinent en plusieurs aspects : restauration et conservation de monuments ; valorisation
562
Les conseils de quartier ont été créés par la loi du 27 février 2002, dite loi Vaillant, relative à la démocratie de proximité,
dont les dispositions sont codifiées à l'article L. 2143-1 du Code général des collectivités territoriales.
563
Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 :
cf.supra.
564
L’UCIL soutient notamment la mise en place de structures telles des Comités d'Initiative et de Consultation d'Arrondissement
(CICA). Le CICA réunit les représentants des associations exerçant leur activité dans l'arrondissement, qu'il s'agisse d'associations
locales ou d'associations membres de fédérations ou de confédérations nationales (les syndicats de salariés par exemple) qui en font
la demande. Ils ont été mis en place avec la loi PLM du 31 décembre 1982 (Numéro 82-1169) relative à l'organisation administrative
de Paris, Lyon, Marseille et des établissements publics de coopération intercommunale (dite loi PLM).
565
Entretien n° 16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 :
cf.supra.
566
567
Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf.supra.
Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine, le 22/02/2008, dans son bureau
au Fort de Vaise.
104
Delescluse Juliette - 2008
Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain
des sites et de la collection d'œuvres d'art et d'objets populaires ; soutien aux artistes et à
leurs œuvres et protection de la faune et de la flore. La Fondation travaille surtout avec des
associations privées plus qu’avec la DRAC. Ce sont d’abord elles qui font vivre le patrimoine,
considère Jean-Jacques Renaud. « Il y a des moments où l’on a le cafard », confie-t-il.
Comme lorsqu’une partie du Fort de Vaise, l’actuel siège de la Fondation, s’est effondrée
peu de temps après son achat. Mais différents éléments font que le goût pour le patrimoine
reste présent malgré tout. La mobilisation pour le patrimoine est donc aussi nourrie de
doutes. La question financière est un autre élément important. « L’argent ne doit pas trop
compter. […] Mais il ne faut pas faire des bêtises ou des folies pour autant », conclut-il.
Le patrimoine c’est donc aussi la modération parfois. Même si, confie affectueusement un
cataphile à propos des frères Renaud, « ils entassent tout ce qu’ils collectionnent ! »
568
.
Expériences et légitimité de leurs actions
La valorisation du Vieux-Lyon. Avant d’être réellement mis en valeur, le quartier historique
de Lyon a dû être sauvé. Il a d’abord ainsi fallu se mobiliser contre le projet de percée du
Vieux Lyon que le maire de Lyon Louis Pradel souhaite réaliser au début de son mandat
(1957-1976). A la pointe de la mobilisation se trouve l’association pour la Renaissance du
Vieux-Lyon présidée notamment entre 1961 et 1964 par Régis Neyret. Le projet consistait
dans un premier temps à détruire deux ponts, le pont du Change et le pont du Palais de
Justice, pour les remplacer par le Pont Maréchal Juin notamment pour des questions de
navigation et de circulation automobile. Cela fut effectivement fait. Mais c’était sous-estimer
l’ampleur du projet. Celui-ci prévoyait aussi de relier ce pont à la colline de Fourvière grâce
à un grand boulevard qui traverserait le Vieux Lyon, et détruirait la rue de la Baleine, une
partie de la rue Saint-Jean et la moitié de la rue du Boeuf. Le tracé était fait comme si
rien ne préexistait, la seule exigence était la rationalité : relier un point à un autre
570
569
.
Retrouvé là « par hasard » dans la mobilisation, Régis Neyret
, alors journaliste, multiplie
avec d’autres journalistes les articles dans la presse. La création par André Malraux du
secteur sauvegardé du Vieux Lyon, le 12 mai 1964, mit finalement fin à ce projet. Mais la
sauvegarde du quartier passe aussi par l’ambition de changer son image dans l’esprit des
Lyonnais. La patrimonialisation consiste avant tout en un changement de la représentation
que l’on a d’un lieu. C’est ce qui a été fait pour le Vieux-Lyon, raconte Régis Neyret. Pour
le 8 décembre 1959, ses camarades et lui vont éclairer de manière artisanale des cours
d’immeubles du quartier avec des lumignons. Sur des tourne-disques Teppaz est jouée de
la musique Renaissance. Cela a été un succès. Les Lyonnais ont « traversé la Saône »,
ajoute-t-il les yeux pétillants. La passerelle Saint-Georges a même dû être fermée par le
571
Préfet ce soir-là, tant la foule l’empruntait
. Par la suite, les commerçants du quartier
vont être invités à remplacer sur leurs cartes de visite les appellations « Saint Jean, Saint
Paul et Saint Georges » par « Vieux Lyon », explique-t-il. C’est le début d’une nouvelle
dénomination pour le quartier. Et le début d’une « renaissance ». Ainsi, comme le confie
Régis Neyret : « Quand nous nous sommes installés dans ce quartier du Vieux Lyon avec
568
569
Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA, le 16/11/2007, chez lui.
DAVENNE J., Du Lyon pittoresque au secteur sauvegardé : la constitution de la valeur patrimoniale du Vieux-Lyon, Mémoire de
fin d’études. Lyon : Institut d’Etudes Politiques, 1997. En ligne. 184p. < http://doc-iep.univ-lyon2.fr/Ressources/Documents/Etudiants/
Memoires/detail-memoire.html?ID=237 > Consulté en mai 2008.
570
571
Entretien n°10 avec R. Neyret : cf.supra.
DURIEZ I., « Régis Neyret : le batailleur de pierres », L’Humanité, 18/02/2000.
Delescluse Juliette - 2008
105
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
ma femme, nous étions des jeunes dans un quartier de vieux. Quand nous l’avons quitté, à
ma retraite, nous étions des vieux dans un quartier de jeunes »
572
.
Les abris anti-aériens. La mobilisation pour les abris anti-aériens du quartier des EtatsUnis à Lyon s’inscrit dans le même type de problématique que pour le réseau souterrain des
arêtes de poisson. La différence entre les deux se trouve dans le fait que les origines des
abris anti-aériens sont connues. Ils ont été construits en 1939 dans l’optique de la Seconde
Guerre mondiale car on pensait que les Allemands allaient bombarder la ville avec du gaz
moutarde comme lors de la précédente guerre. Le gaz moutarde étant plus léger que l’air, il
monte. On est donc en lieu sûr sous terre. Ces abris vont finalement surtout servir lorsqu’à
partir de 1943 les Alliés vont bombarder la ville. Le problème est qu’ils n’ont pas été conçus
pour résister à des bombes. Il y aura donc énormément de morts dans ces lieux où les
gens se pensaient en sécurité. Après guerre, ces abris seront désaffectés, murés et pour
beaucoup démolis. Notamment parce que la plupart d’entre eux, une centaine sur Lyon, se
trouvaient sous des places, des grandes avenues, des endroits qui après guerre ont été
réaménagés. Comme pour les souterrains, les gens les oublient petit à petit. Et puis en
1985, lors de découvertes fortuites, on en retrouve. Et notamment boulevard des Etats-Unis.
Le Comité d’Intérêt Local des Etats-Unis va demander à la ville de Lyon à partir de 1985
que ces abris ne soient pas détruits, en particulier du fait que ce sont « un lieu de mémoire
et de témoignage ». La ville doute de l’intérêt que les Lyonnais pourraient avoir pour ce
573
site, explique Eddie Gilles Di Pierno
. La contre-argumentation a duré vingt ans. Jusqu’à
l’ouverture d’un des abris au public lors des Journées Européennes du Patrimoine en 2005
dont la thématique était « Guerre et Paix ». En deux jours, « il y a eu 3500 visiteurs »,
s’enthousiaste-t-il. Ce succès a été une preuve à présenter aux personnes doutant de
l’intérêt d’une telle visite. Un livre d’or a aussi permis de recueillir des témoignages poignants
servant aussi d’éléments pour illustrer l’aspect mémoriel du lieu.
Un tournant dans la mobilisation va se produire quand les acteurs de la valorisation
des abris apprennent que la future ligne de tramway T4 va démolir les abris restants
en passant dessus. « Là, on s’est dit ça devient chaud », confie Eddie Gilles Di Pierno.
La mobilisation s’organise pour que le Syndicat Mixte des Transports pour le Rhône et
l'Agglomération Lyonnaise (SYTRAL), responsable du projet, intègre la préservation des
abris. Les interlocuteurs ne comprennent pas comment sous prétexte que l’on veuille
protéger des abris, un projet de tramway important pour l’avenir de la ville soit perturbé. Lors
de l’enquête publique, les tenants de la préservation des abris se mobilisent. Ils participent
aussi à toutes les réunions publiques. La question des abris tombe petit à petit « dans les
574
mœurs »
. Finalement, plusieurs solutions sont imaginées par le SYTRAL. Celle choisie
consiste à déplacer d’une centaine de mètres un des abris parmi les trois. Le SYTRAL
proposera même de prendre les meilleurs éléments des trois abris pour n’en faire qu’un
dans le meilleur état possible. Il se chargera aussi des mises aux normes de sécurité pour
un projet de visites. Ainsi, la démarche pour les abris anti-aériens présente des similitudes
avec les arêtes de poisson. Un groupe s’est mobilisé pour argumenter sur l’intérêt d’un lieu.
Cette mobilisation devient plus aigüe quand le site est en danger. Finalement, le consensus
porte dans les deux cas sur le fait d’accepter la destruction d’une partie du site en échange
d’une valorisation du reste.
572
Ibid.
573
574
106
Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf.supra.
Ibid.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain
B. Diversité des soutiens dans la patrimonialisation des souterrains lyonnais
Les associations lyonnaises de préservation du patrimoine vont mobiliser différents types
de soutien au mouvement cataphile.
Compréhension des enjeux introduits par le souterrain
Les différents acteurs associatifs comprennent la mobilisation cataphile pour une
reconnaissance croissante de la place des souterrains dans le patrimoine lyonnais. Les
difficultés d’une mobilisation autour des arêtes de poisson sont connues notamment parce
575
que « personne n’y habite donc il n’y a pas de CIL », explique Denis Eyraud de l’UCIL . Ce
n’est donc qu’un « truc de spécialistes » et « un patrimoine caché et confidentiel », confiet-il. Une large mobilisation est donc rendue difficile du fait que les Lyonnais ne peuvent
576
pas réellement se l’approprier ou en profiter. Pour d’autres comme Régis Neyret
, cela
reste encore un des grands secrets lyonnais. De ce fait, ce n’est pas un sujet nouveau,
577
selon Monsieur Gilles Di Pierno
. Ils partagent tous la nécessité de rénover le tunnel en
préservant au maximum le réseau des arêtes de poisson. Quant au projet de visites, Denis
578
Eyraud préfère un lieu comme la citerne Berelle
. Dans tous les cas, les problématiques
d’une mobilisation patrimoniale autour d’un réseau souterrain à Lyon sont comprises par
les différents acteurs associatifs lyonnais.
Indication des acteurs clés
Forts de leurs expériences, les différents acteurs associatifs vont clarifier la démarche que
les cataphiles devraient avoir dans le cas des arêtes de poisson. Ces premiers éclairages
portent sur l’indication des acteurs clés. Il est important de se constituer un réseau de
soutiens à la fois politiques et associatifs : maire d’arrondissement, Grand Lyon et CIL. « Le
579
soutien peut n’être qu’oral », explique Eddie Gilles Di Pierno
. Et « même s’ils ne sont
pas porteurs du projet, au moins ils ne sont pas contre ». Le conseil de quartier ne peut pas
être exclu non plus, sinon les cataphiles pourraient être accusés de « politiser le débat » en
580
particulier dans une période électorale
. Pour la préservation du patrimoine, les mobilisés
doivent donc s’appuyer sur les politiques car « ce sont eux qui ont vraiment la potentialité »
581
582
. Les mobilisés se doivent aussi de « garder leur place » par rapport aux élus
. Les
acteurs associatifs vont notamment aider les cataphiles en les conseillant dans le choix
d’une procédure adéquate pour le cas des arêtes de poisson. Ils conseillent une procédure
575
576
577
578
579
580
581
582
Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Intérêts Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra.
Entretien n°10 avec R. Neyret: cf.supra.
Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf.supra.
Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra.
Entretien n° 9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf.supra.
Ibid.
Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra.
Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
107
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
583
de protection locale
. Voire même de filmer dans les détails les arêtes de poisson comme
cela a été fait pour la citerne Berelle lors de la candidature de Lyon au patrimoine mondial de
l’UNESCO
584
. Le visuel permettrait aux Lyonnais de réaliser l’importance de ce patrimoine.
Une aide matérielle et un lieu de présentation des souterrains
Des acteurs associatifs aident déjà régulièrement les cataphiles dans la présentation des
souterrains aux Lyonnais. C’est le cas de la Fondation Renaud qui héberge les réunions
585
de l’OCRA au Fort de Vaise. Jean-Jacques Renaud
décrit les membres de l’OCRA
comme des « gens passionnés qui passionnent les autres ». Etant propriétaire des lieux, il
donne aussi son autorisation à la visite du souterrain du Fort lors des Journées Européennes
du Patrimoine. Indirectement impliqué dans la mobilisation pour les arêtes de poisson, il
s’occupe néanmoins personnellement de la réhabilitation du Fort de Loyasse qui possède
aussi des souterrains. Il regrette que l’OCRA ne soit pas écouté notamment du fait du jeune
âge de ses membres. Il souhaite monter pour ce lieu un comité « type OCRA avec des
personnalités » auxquelles on ne pourra pas « dire non systématiquement ». La légitimité
des acteurs reste un élément à prendre en compte dans le devenir d’une mobilisation.
Le CIL de Vaise va aussi recevoir les cataphiles, surnommés affectueusement par l’un
586
des membres « rats d’égoûts », lors de l’une de ses réunions en décembre 2007 . Devant
une large assemblée intéressée, les cataphiles présenteront les souterrains avec l’aide de
nombreuses photos projetées. Ce sera aussi l’occasion pour eux de décrire leur mobilisation
naissante pour les arêtes de poisson. Cette rencontre sera pour les cataphiles l’occasion de
587
lier différents contacts importants. Denis Eyraud
essaie, quant à lui, d’obtenir une étude
archéologique pour les arêtes de poisson. Il ne trouve pas normal que pour un ouvrage
d’une telle ampleur, aucune étude n’ait été faite.
II/ Les politiques face à l’exigence d’un label : les devoirs d’une ville
classée mondialement
Lyon devient patrimoine mondial de l’UNESCO en 1998 un peu par le hasard d’initiatives
individuelles sensibilisées à la gestion du patrimoine dans un contexte d’évolution urbaine.
C’est cette dernière qu’ils vont mettre en avant (A) et c’est en son nom qu’ils vont la défendre
lorsqu’ils estiment que celle-ci est menacée (B).
A. Les raisons d’un classement : la gestion patrimoniale de la ville mise en
avant
583
584
Ibid.
Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra.
585
Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président et fondateur de la Fondation Renaud pour le patrimoine, le 22/02/2008, dans son
bureau au Fort de Vaise.
586
Séance observation n°9: Conférence sur les souterrains lyonnais par l’OCRA lors de l’Assemblée générale du Comité
d’Intérêts Locaux de Vaise, le 11/12/2007.
587
Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 :
cf.supra.
108
Delescluse Juliette - 2008
Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain
La qualité de la gestion patrimoniale de la ville est reconnue mondialement. C’est sa capacité
à allier mobilisation pour le patrimoine et évolution urbaine qui a été « récompensée ».
L’histoire d’un label : la mobilisation d’acteurs hétérogènes
L’inscription au patrimoine mondial du site historique de Lyon a dépendu pour large part
588
des acteurs locaux et en particulier de leur capacité de mobilisation
. Les liens tissés
au niveau local ont été d’une importance centrale dans ce processus. Ce sont notamment
quelques individus déjà sensibilisés aux problématiques du patrimoine qui vont agir comme
des « médiateurs » ou des « traducteurs ». De part leurs actions, ils faciliteront en amont
la mise en compatibilité de cette action internationale avec les politiques urbaines et
589
patrimoniales plus traditionnelles
.L’idée vient à l’origine de Régis Neyret. En 1995,
alors qu’il est président de Patrimoine Rhônalpin et ancien président de la Renaissance du
Vieux-Lyon, il suggère à Denis Eyraud l’inscription du Vieux-Lyon au patrimoine mondial.
Celui-ci est alors président de la Renaissance du Vieux-Lyon et cherche des idées pour
« célébrer avec fastes »
590
les cinquantenaires de l’association crée en 1946. L’idée est
591
très bonne, d’autant qu’elle ne coûtait pas cher
. « Raymond Barre a marché tout de
suite », explique Denis Eyraud. A partir de ce moment là, le processus est enclenché.
L’ancien directeur du patrimoine mondial, Azzedine Beschaouch, archéologue tunisien, est
invité aux cinquantenaires de l’association à l’Hôtel de ville. Cinq cents personnes sont
présentes. Il propose d’élargir la zone susceptible d’inscription à Fourvière. Le Vieux-Lyon
et Fourvière comme les deux périodes d’apogées lyonnaises. Finalement, c’est l’associé de
Didier Repellin qui suggéra d’étendre encore plus la zone délimitée. Les anciens remparts
seront choisis comme la limite pertinente car au sein de ceux-ci, la ville s’est développée
pendant deux-mille ans.
Site historique de Lyon (en rouge) inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.
588
RUSSEIL S., Les enjeux patrimoniaux entre processus de mobilisation et transformation de l'action publique locale : l'inscription
au patrimoine mondial du Site Historique de Lyon, Mémoire DEA : Science politique. Lyon : Institut d’Etudes Politiques, 2001. En ligne.
165p. < http://doc-iep.univ-lyon2.fr/Ressources/Bases/Travetu/memoire.html?ID=775 > Consulté en mai 2008.
589
RUSSEIL S., L’espace transnational, ressource ou contrainte pour l’action internationale des villes a la fin du XXème siècle ?,
Thèse de doctorat de science politique. Lyon : Université Lyon 2, 2006. En ligne. < http://theses.univ-lyon2.fr/ > Consulté en mai 2008.
590
591
Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra.
Entretien n°10 avec R. Neyret : cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
109
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Source : Dossier de candidature de la ville de Lyon.
« Ça avait l’avantage de faire lier les Romains à Fourvière, la Renaissance avec le
ème
Vieux-Lyon, le Grand siècle avec la Presqu'île et le 19
siècle avec les pentes de la
Croix-Rousse », clarifie Denis Eyraud. Le dossier de candidature a été fait dans ce sens
par le groupe de travail constitué autour de Régis Neyret et de Didier Repellin, architecte
en chef des Monuments Historique de Lyon et du Rhône. Le 5 décembre 1998, le centre
historique de Lyon est inscrit au patrimoine mondial de l’Organisation des Nations Unies
pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO).
Les motivations d’une attribution : la place centrale de la préservation
urbaine lyonnaise
110
Delescluse Juliette - 2008
Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain
Lyon n’a pas reçu ce titre de patrimoine mondial uniquement pour la beauté et l’ancienneté
de ces bâtiments et sites. Mais avant tout pour deux autres critères qui marquent la
spécificité de la ville
592
:
- critère ii de la convention : Lyon représente un témoignage exceptionnel de la
continuité de l'installation urbaine sur plus de deux millénaires, sur un site à l'énorme
signification commerciale et stratégique, où des traditions culturelles en provenance de
diverses régions de l'Europe ont fusionné pour donner naissance à une communauté
homogène et vigoureuse.
- critère iv de la convention : de par la manière dont elle s'est développée dans l'espace,
illustrant de manière exceptionnelle les progrès et l'évolution de la conception architecturale
et de l'urbanisme au fil des siècles.
Dans son dossier d’inscription, la ville de Lyon va mettre en avant le fait que, malgré
le tissu très dense que représente le site historique, la « cohérence » a été respectée
593
ème
même lors des opérations d’urbanisme du 19
siècle
. C’est la notion de « qualité
urbanistique »
594
qui est présentée, c'est-à-dire le choix d’une modernité respectant le
595
patrimoine. Dans ce sens, la tradition lyonnaise d’ « architecture civile »
est mise
en avant, vision plus modeste par rapport à un patrimoine monumental. La préservation
596
monumentale céde sa place à une « préservation urbaine »
. C’est donc une vision
particulière du patrimoine qui est adoptée par le comité de travail ayant rédigé le dossier.
C’est celle d’un patrimoine vivant, porté par une ville dans ses évolutions. La labellisation
de patrimoine mondial acquise, cette vision sera légitimée.
B. Les raisons d’une exigence : la gestion du patrimoine par une ville
labellisée
Les dérives d’une politique patrimoniale : la demande d’un sursaut
Les obligations incombant aux sites inscrits au patrimoine mondial sont celles contenues
dans la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel
de novembre 1972. Les Etats parties s’engagent non seulement à assurer la bonne
conservation des sites du patrimoine mondial qui se trouvent sur leur territoire, mais aussi
597
à protéger leur patrimoine national
. Les Etats parties sont encouragés à intégrer la
protection du patrimoine culturel et naturel dans les programmes régionaux de planification,
à mettre en place du personnel et des services sur leurs sites, à entreprendre des études
592
Document relatif à l’inscription du site historique de Lyon au titre de patrimoine mondial (numéro 872) avec les justifications de
l’état partie, l’évaluation et la recommandation d’inscription, rédigé par le Conseil International des Monuments et des Sites (ICOMOS),
octobre 1998.
593
Dossier de candidature à l’inscription du site historique de Lyon sur la liste du patrimoine mondial, 1998. En ligne. 571
pages. < http://whc.UNESCO.org/fr/list/872/documents/> Consulté en mai 2008. p.31.
594
Entretien n°14 avec L. Voiturier, co-président élu du conseil de quartier de « l’ouest des pentes » (Croix-Rousse), le
21/02/2008, dans un café Place Sathonay.
595
596
597
Dossier de candidature à l’inscription du site historique de Lyon sur la liste du patrimoine mondial : cf.supra. p.32.
Dossier de candidature à l’inscription du site historique de Lyon sur la liste du patrimoine mondial : cf.supra. p.60.
Article 4 de la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de novembre 1972.
Delescluse Juliette - 2008
111
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
scientifiques et techniques sur la conservation et à prendre des mesures pour conférer à
ce patrimoine une fonction dans la vie quotidienne des citoyens. Elle stipule l’obligation
pour les Etats parties de rendre compte régulièrement au Comité du patrimoine mondial
de l’état de conservation de leurs biens inscrits. Les contraintes de protection pour un site
inscrit ne diffèrent pas fondamentalement des contraintes de protection pour un site non
inscrit. En fait, les implications introduites par une « reconnaissance » internationale de ce
genre sont avant tout symboliques et morales. Les différents acteurs du patrimoine local
vont devenir plus exigeants, du fait de ce titre, en matière de protection du patrimoine vis-àvis notamment des collectivités territoriales. Alors que ce sont ces collectivités territoriales
qui ont utilisé ce label comme la preuve de leur internationalisation, celles-ci se retrouvent
par conséquent face à des exigences nouvelles. C’est donc un effort qui est demandé aux
collectivités territoriales. En particulier pour les dix ans de l’obtention du label qui coïncident
598
avec une année électorale. L’UCIL a ainsi adressé aux candidats en janvier 2008
une
liste de recommandations pour une meilleure valorisation du site inscrit au patrimoine
mondial. Listant les points positifs, elle s’attarde sur différents problèmes principalement en
matière de communication autour du site. Cette « mise en sommeil » de la publicité et de
la communication est déplorée, ainsi que la disparition du tampon postal vantant le label
UNESCO et le manque d’entretien des cent plaques bilingues posées sur cent bâtiments
du site historique. La taille du site classée, 427 hectares, est mise en avant pour révéler
l’importance de ces enjeux
599
. L’action d’autres villes classées est aussi citée pour mieux
600
601
insister sur les manquements lyonnais
. Régis Neyret
regrette ce laisser-aller dans la
gestion du patrimoine mondial. Il n’attribue pas la faute au chargé de mission « site historique
de Lyon ». Bien au contraire. Le problème est plus global. « Chacun gère son problème à
602
son niveau », explique Eddie Gilles Di Pierno . Il n’y a pas de réelle coordination et aucune
personne avec une « casquette transversale », suggère-t-il, pouvant gérer par exemple le
problème du parking des bus de touristes. L’office du tourisme se devrait d’être dans le
Vieux-Lyon, poursuit-il. La nécessité d’un référent gérant le patrimoine et le site UNESCO
603
est demandée par les acteurs locaux du patrimoine
. Cela va même plus loin, il faudrait
une personne gérant la coordination de la politique patrimoniale et culturelle au niveau du
604
Grand Lyon, propose Régis Neyret
. Mais pour cela, les communes devraient accepter
de déléguer leurs prérogatives dans ces domaines à la communauté urbaine. Pour Patrice
598
THOUVENOT X., « Le centre historique mérite mieux. Les Comités d’Intérêts Locaux interpellent les candidats », Métro Lyon,
25/01/2008.
599
600
Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf.supra.
Lettre de l’UCIL aux candidats aux élections municipales « Lyon : quel avenir pour le site historique de l’UNESCO ? », janvier 2008.
601
602
603
Entretien n°10 avec R. Neyret : cf.supra.
Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf.supra.
Actuellement, il existe pour la ville de Lyon un adjoint à la culture et au patrimoine (Patrice Béghain jusqu’en mars 2008. Il
est remplacé par Georges Kepenekian dans la nouvelle équipe municipale). Il existe aussi un chargé de mission site historique,
actuellement B.Delas (Entretien n° 18 avec B. Delas, chargé de mission site historique de la ville de Lyon, le 10/03/2008, dans son
bureau).
604
112
Entretien n°10 avec R. Neyret : cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain
605
Béghain
, adjoint à la culture et au patrimoine de Lyon jusqu’en mars 2008, l’unité de
délégation « culture et patrimoine » n’est pas un problème. Cela permet même d’ « avoir
une action d’animation » complémentaire du patrimoine. Finalement, les différents acteurs
s’accordent sur le fait que ce label ne doit faire en aucun cas de la ville un musée
606
.
Le classement des arêtes de poisson : utiliser l’opportunité d’un label
607
« Ce label n’est pas une excellence, c’est une responsabilité », reconnaît Bruno Delas
,
chargé de mission « site historique de Lyon ». Les cataphiles utilisent dans leur mobilisation
cette exigence qu’implique le titre de patrimoine mondial. « On ne peut rien faire à Lyon,
tout est fermé et on se targue d’être classé à l’UNESCO mais un jour on va se faire radier »,
explique Jean-Luc Chavent. Le souterrain est utilisé comme la preuve des incohérences
de la gestion du titre de patrimoine mondial. Dans son dossier pour l’UNESCO concernant
les arêtes de poisson, Jean-Luc Chavent considère que le titre de patrimoine mondial n’est
608
« pas un acquis, mais un défi permanent »
. Non reconnu par les collectivités territoriales
ne faisant pas leur « devoir », le souterrain doit l’être par les instances internationales. Une
liaison est établie. Elles deviennent arbitres du fait de leur impartialité que certains cataphiles
609
lui reconnaissent. Du coup, ces mêmes cataphiles parlent de « réelles opportunités »
qui s’ouvrent enfin. D’autres cataphiles vont préférer dialoguer avec les acteurs locaux.
L’UNESCO est trop loin dans leurs esprits, voire même déconnecté et hors d’atteinte. « On
610
ne monte pas un dossier comme ça, il ne faut pas se leurrer », réalise un cataphile
.
Pour un autre cataphile, c’est « un raccourci saisissant » de dire que les souterrains sont
611
classés car la Croix-Rousse est classée . En tous cas, le classement au titre de patrimoine
mondial est une exigence imposée aux collectivités territoriales par les acteurs associatifs
locaux. Bien plus qu’une assurance réelle de non destruction arbitraire, comme l’explique
612
un membre du SRA
. Cela reste un label plus qu’une garantie. Néanmoins, dans le cas
des arêtes de poisson, cela demeure un argument de poids dans la mobilisation.
605
Entretien n°11 avec Patrice Béghain, adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008, le 8 février
2008, dans son bureau à l’hôtel de ville de Lyon.
606
Lettre de l’UCIL aux candidats aux élections municipales, cf.supra. Ainsi qu’entretien n° 18 avec B. Delas, chargé de mission site
historique de la ville de Lyon: cf.supra.. Et entretien n°10 avec R. Neyret: cf.supra.
607
608
609
610
Entretien avec B. Delas, chargé de mission site historique de la ville de Lyon : cf.supra.
Dossier de J-L. Chavent « Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, écrit en décembre 2007.
Email de J-L. Chavent, le 28/12/2007.
Entretien n°2 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », le 09/11/2007, restaurant universitaire
de la Manufacture des tabacs (Lyon III).
611
612
Entretien n3 avec un cataphile membre de l’OCRA : cf.supra.
Séance d’observation n°6: rencontre entre un cataphile, deux archéologues du service archéologique de la ville de Lyon, un
archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et une responsable du service de l’inventaire, le 19/03/2008,
à la DRAC.
Delescluse Juliette - 2008
113
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
III/ L’engagement des constructeurs : les garanties permises par les
progrès techniques
L’urbain introduit des problématiques particulières en termes d’aménagements. « En ville,
c’est tellement plus complexe », confie l’assistant à maîtrise d’ouvrage de la rénovation
lourde du tunnel. L’exemple de l’archéologie préventive est révélateur. Lorsqu’il n’y a pas
de pression financière et qu’un promoteur s’aperçoit qu’il est obligé de financer des fouilles,
il décide de s’implanter ailleurs. En ville, l’aménageur n’a pas le choix, il se doit de gérer
les différentes problématiques et notamment celle de rencontrer dans ce cadre les plus
importants mouvements contestataires (A). La préservation maximale des arêtes de poisson
est l’une des problématiques auxquelles il doit répondre (B).
A. Les acteurs se rencontrent : une nouvelle étape dans la mobilisation
613
La rencontre entre les cataphiles et les responsables du projet a eu lieu fin février 2008
, soit cinq mois et demi après le début de la mobilisation. Parmi les cataphiles présents se
trouve le membre de l’OCRA en pointe de la mobilisation. Il préfère la voie formelle avec les
politiques et conçoit le projet de visite comme un moyen de valoriser les arêtes préservées
614
. Le second cataphile n’est pas réellement membre de l’OCRA à part entière. Il a écrit un
livre sur les souterrains à Lyon et a fait pas mal de recherches sur les arêtes de poisson dans
l’optique d’en écrire un second
615
. Parmi les responsables de la rénovation lourde du tunnel
se trouve le responsable de la maîtrise d’ouvrage
617
616
. L’assistant à maîtrise d’ouvrage est
également présent
. Le responsable du service des tunnels du Grand Lyon, le directeur
et la chargée de communication de la mission Vaise-Serin assistent aussi à la réunion.
Histoire d’une rencontre : les arêtes de poisson et le second tube
Cette rencontre est une sorte d’aboutissement dans la mobilisation cataphile. Le cataphile
lyonnais va se sentir enfin écouté par les décideurs du projet. Cette réunion permet aux
différents acteurs présents d’exposer en face-à-face leurs motivations, positions et volontés.
Nous assistons à cette réunion dans le cadre de notre participation à la mobilisation avec
le membre de l’OCRA. La situation est délicate car nous avons également lors de notre
recherche rencontré deux des responsables de la rénovation lourde du tunnel. L’observation
participante montre ses limites ou touche à sa fin. Nous avons donc dû combiner ces rôles
durant la réunion, notamment en les équilibrant et en adoptant un discours neutralisant.
613
Séance d’observation n°7: rencontre entre le cataphile membre de l’OCRA, un cataphile, le responsable de la maîtrise d’ouvrage
de la construction du tube de sécurité, l’assistant à la maitrise d’ouvrage, le responsable du service tunnels du Grand Lyon, le directeur
et la chargée de communication de la mission Vaise-Serin, le 28/02/2008, salle de réunion de la mission Vaise-Serin.
614
615
Voir son entretien: Entretien n°3 avec un cataphile membre de l’OCRA : cf.supra.
Ce cataphile sera aussi présent avec nous lors de la séance d’observation n°8: rencontre entre un cataphile, deux archéologues du
service archéologique de la ville de Lyon, un archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et une responsable
du service de l’inventaire, le 19/03/2008, à la DRAC.
616
Entretien n°6 avec un des responsables de la maîtrise d’ouvrage du projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse
(service tunnels du Grand Lyon), le 06/12/2007, dans son bureau Montée de Choulans.
617
Entretien n°7 avec l’assistant à la maîtrise d’ouvrage du tunnel de la Croix-Rousse, le 08/01/2008, dans une salle de réunion
au Grand Lyon 20 rue du lac.
114
Delescluse Juliette - 2008
Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain
Le directeur de la mission Vaise-Serin entame la réunion en présentant les travaux
comme l’opportunité d’une discussion. Le fait que cette rencontre ait lieu si tard par rapport
aux débuts de la mobilisation cataphile est justifié par l’attente d’avoir des « avancées
techniques » suffisantes avant de convoquer ces derniers. L’expertise des responsables
de la rénovation est avancée. Le « périmètre de la discussion » est ensuite délimité par
le même orateur. L’échange se veut structuré et structurant. Dans ce sens, les cataphiles
présents vont faire appel aux divers éléments qui permettent de les rendre crédibles. Tout
d’abord au niveau de leurs ambitions. Ils vont généraliser leur cause en insistant sur le fait
que les arêtes de poisson sont le « patrimoine des Lyonnais avant tout ». Le cataphile vient
défendre ce qui est la propriété de tous. Pour autant et dans ce sens, ils ne veulent pas
non plus gêner « des travaux pour la ville ». Ils proposent donc de trouver des compromis.
Le compromis exposé est l’intégration éventuelle dans le projet d’une sortie de secours
reliée au tunnel permettant de sécuriser un futur projet de visites. Il s’agit donc de profiter du
chantier pour mettre en valeur les arêtes de poisson. Le second compromis est d’accepter
la décision de la DRAC de ne pas entamer une procédure de classement des arêtes de
618
poisson
. Néanmoins, la découverte du plan mentionnant où se trouvent les ossements
est présentée par les cataphiles présents. Cet élément avancé introduit une remise en
cause implicite de la décision de la DRAC par rapport à l’importance de ce site. Elle
permet aussi de questionner indirectement sur le fait que les responsables de la rénovation
lourde aient suffisamment pris en compte tous les éléments. La seconde manière pour les
cataphiles de se rendre crédibles est d’introduire des éléments constructifs d’une nouvelle
image. Les cataphiles se présentent tous deux comme des membres de l’OCRA même si le
second l’est de façon intermittente. Le cataphile ayant rédigé un livre le mentionne dans sa
présentation. Il présente aussi le fait qu’il veut en écrire un second sur les arêtes de poisson.
L’action de l’OCRA au Fort de Vaise lors de Journées Européennes du Patrimoine est à
619
nouveau mentionnée. La rencontre avec Monsieur Pillonel
l’est aussi. Enfin, c’est leur
connaissance du lieu qui est mise en avant. Ils font discrètement des commentaires sur des
erreurs du plan. Ils utilisent cet ensemble d’éléments pour démontrer qu’ils connaissent le
sujet et qu’un travail commun est aussi possible avec eux.
Minimiser l’impact des dégâts et informer sur les volontés futures
Les responsables de la rénovation lourde du tunnel présents vont dans un premier temps
expliquer les raisons d’un tel chantier. Les arguments de sécurité sont les mêmes que ceux
diffusés sur le site du Grand Lyon, dans la presse et lors des rencontres que nous avons eu
avec ces acteurs lors de notre recherche. La présentation ici est cependant plus technique.
Des plans précis sont présentés. L’objectif est avant tout de rassurer les cataphiles. La
vérité est dite : « il y a des bouts de galeries qui peuvent être interceptées », explique
l’assistant à la maîtrise d’ouvrage. Les écoulements hydrauliques vont être rétablis dans la
galerie située sous les arêtes de poisson, elle-même aussi reconstruite. D’autant que les
parties interceptées sont « largement remaniées et bétonnées », précise le responsable
de la maîtrise d’ouvrage. Le membre de l’OCRA présent regrette que cela soit bétonné à
nouveau. Le directeur de la mission Vaise-Serin répond par une plaisanterie. L’atmosphère
se détend.
618
619
Visite de la DRAC dans les arêtes de poisson effectuée en fin d’année 2007.
Séance d’observation n°6: Rencontre entre un cataphile membre de l’OCRA et C.Pillonel, vice-président du Grand Lyon
chargé de la Voirie jusqu’en avril 2008, le 25/01/2008, dans le bureau de C.Pillonel au Grand Lyon.
Delescluse Juliette - 2008
115
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
B. Le nouveau tube s’explique : les arêtes de poisson sont rassurées
Sur le site Internet du Grand Lyon en février 2008, de nouveaux éléments sont mis en
ligne. Notamment la dernière exposition sur le projet de rénovation du tunnel et le projet
620
de construction du pont Schuman
. Un des panneaux comporte un encadré précisant :
« Préserver le patrimoine. La colline de la Croix-Rousse abrite un réseau de galeries
621
ème
souterraines aménagé au 17
siècle, par l’ingénieur architecte Vauban
, appelé les
« arêtes de poisson », qui constitue un patrimoine remarquable. Le Grand Lyon s’est engagé
à les préserver au maximum dans le cadre de la réalisation du futur tunnel ». Cette mention
est une nouveauté sur le site du Grand Lyon, la portée de ce message est de ce fait
largement étendue. La réunion, se déroulant à la même période, ira dans ce sens.
Se donner les moyens techniques de préserver les arêtes de poisson
Au cœur de la réunion, le responsable de la maîtrise d’ouvrage va rappeler que l’équipe n’a
pas de « baguette magique ». Néanmoins il promet que tous les moyens techniques seront
mis en œuvre pour que l’impact prévu sur les arêtes de poisson ne soit pas plus étendu.
622
Pour cela, le choix de l’entreprise est important. L’appel d’offre de la rénovation lourde
exige que le « groupement » candidat à l’offre ait au minimum un chiffre d’affaire annuel
au moins égal à 150 millions d’Euros (H.T). Des garanties sur les capacités techniques de
l’entreprise sont aussi exigées. N’importe quelle entreprise ne peut donc pas être candidate.
Les entreprises sélectionnées dans le cadre de la procédure conception-réalisation doivent
dès leur offre traiter la problématique des arêtes de poisson. Des certitudes existent déjà sur
l’impact limité du tube de sécurité sur les arêtes de poisson, explique l’assistant à la maîtrise
d’ouvrage. Un effort de qualification du massif a déjà été fait pour que les entreprises
reçoivent un maximum d’éléments en amont « afin qu’il n’y ait pas de mauvaises surprises ».
L’accès depuis la place Chazette aux arêtes de poisson doit aussi être rétabli. Tout cela
finalement, conclut l’assistant à la maîtrise d’ouvrage, « ce n’est pas un plus, c’est une
exigence ». Un des cataphiles s’inquiète néanmoins du cas où les travaux fragiliseraient
le terrain et donc les arêtes de poisson. Pour le second cataphile, l’inquiétude concerne
plutôt le choix de la technique de creusage. Tous deux se présentent comme avisés des
enjeux. La réponse aux deux inquiétudes se décline en trois points. Le premier est qu’un
réseau de capteurs de suivi sera installé et l’entreprise devra être vigilante. En d’autres
termes, l’entreprise est avertie « que des galeries sont en jeu, que c’est quelque chose
d’important », explique l’assistant à la maîtrise d’ouvrage. Le second point porte sur le fait
que les arêtes de poisson sont dans les cinquante premiers mètres du tube de sécurité. De
ce fait, « ce n’est pas du creusement en pleine section où on avance. C'est du creusement
où on avance petit à petit, vraiment de manière progressive avec des soutènements lourds.
Donc on va étape par étape. Ce n'est pas comme en plein massif où on aurait un rendement
beaucoup plus important », précise-t-il. Enfin, troisième point, des techniques confortatives
seront installées dans les arêtes avant les débuts du creusage. Finalement, l’argument des
progrès techniques dans le domaine depuis cinquante ans est un élément important de la
620
Exposition à la mission Serin-Quais de Saône du Grand Lyon. En ligne. < http://www.grandlyon.com/Serin-Quais-de-
Saone.2886.0.html > Consulté en mai 2008.
621
622
Les cataphiles rejettent cette hypothèse.
Appel d’offre numéro 07-261556 pour les études de conception, la réalisation des travaux de rénovation du tunnel existant ainsi
que le creusement et l’aménagement d’un nouveau tube circulé de 1750 mètres parallèle au tunnel existant, réservé aux transports
en commun et aux modes doux. Date limite de réception des offres: 28 janvier 2008.
116
Delescluse Juliette - 2008
Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain
démonstration. C’est donc une garantie de moyens que promettent les responsables de la
construction du tube de sécurité, bien plus qu’une garantie de résultats. D’autre part, à la
fin de la réunion, le responsable de la maîtrise d’ouvrage confiera : « Et puis nous sommes
aussi Lyonnais et attachés aussi au patrimoine de notre territoire. Donc on ne fera pas
n'importe quoi ».
Bilan d’une rencontre : une préservation maximale prise en compte dans le
projet
Les cataphiles reconnaîtront, à la suite de la réunion, le professionnalisme de leurs
interlocuteurs et que le « dossier était bien fait ». Cela les rassure. Notamment parce qu’ils
ne se laisseront pas influencés. La technicité du projet prime avant tout. Ils admettent qu’ils
n’étaient pas forcément à l’aise. Mais ils sont néanmoins satisfaits : « on n’est pas passé
pour des guignols pour autant ». Le projet de visites des arêtes de poisson a peu été
abordé dans la réunion. Les responsables du programme ont jugé que ce n’était pas de
leur compétence de décider pour ce projet. Quant à une étude historique, le programme
peut l’impulser mais les deux ne sont pas corrélés. Le compte-rendu de la réunion que
623
nous obtiendrons
retranscrit correctement les préoccupations de l’OCRA. Une phrase
marquera cependant notre attention : « L’OCRA confirme que les arêtes intersectées sont
bien bétonnées ». Mais finalement les cataphiles seront globalement satisfaits de cette
réunion et transmettront ce message aux autres. Ils souhaitent néanmoins rester vigilants.
Chapitre 6 Le consensus autour d’une
patrimonialisation « sur mesure »
La préservation du patrimoine peut être considérée comme un désir de retour à « la
624
maternité de la maison »
. C’est dans cette maison natale qu’est logé un grand nombre
de nos souvenirs. Le schéma se complexifie lorsque l’on intègre les multiples refuges, plus
ou moins appréciés, qui s’y trouvent : des coins et des couloirs, de la cave au grenier. Le
patrimoine a jusqu’à présent été avant tout identifié à du monumental. « Au grenier souris
et rats peuvent faire leur tapage. Que le maître survienne, ils rentreront dans le silence
de leur trou. A la cave remuent des êtres plus lents, moins trottinants, plus mystérieux »
625
, analyse Gaston Bachelard. Au grenier, les peurs se rationalisent aisément. A la cave,
la rationalisation est moins rapide. Elle n’est également jamais définitive. Dans le cas
de la patrimonialisation du réseau souterrain des arêtes de poisson, le souterrain a été
« réchauffé » par l’action de groupes humains (I). Cela lui a permis d’obtenir en partie la
même légitimité que les autres pièces de la maison natale (II). Son insertion dans la maison
natale rénovée pose la question de sa modernité (III).
623
Il sera transmis aux membres présents lors de la réunion. Mais aussi entre autres au service galeries, au service de la voirie et
au vice-président chargé de la concertation du Grand Lyon.
624
625
BACHELARD G., La poétique de l’espace, Paris, PUF, 1957. p.27.
Ibid. p.36.
Delescluse Juliette - 2008
117
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
I/ Le patrimoine comme une action collective : le souterrain retrouve
un « supplément d’âme »
L’action collective peut être définie comme une « action commune ayant pour but d’atteindre
des fins partagées ». Elle est le produit à la fois de composantes rationnelles et non
626
rationnelles
. En matière de patrimoine, la collectivité entre en action pour des raisons
multiples. Ces différentes motivations influencent la définition du patrimoine qu’ont les
acteurs (A). Dans le cas des arêtes de poisson, le côté hors norme du site va influencer sa
définition collective en tant que patrimoine. Le réseau souterrain se dotera peu à peu d’une
définition patrimoniale par la collectivité (B).
A. De multiples définitions du patrimoine : la plus pertinente, celle d’une
société autour du patrimoine
Les personnes que nous avons rencontrées lors de cette recherche n’ont pas souvent trouvé
les mots pour donner clairement leur définition du patrimoine. Certains ont pour cela d’abord
627
utilisé des définitions institutionnelles du patrimoine
. Et puis tous ont vite finalement
raconté leurs histoires. Le patrimoine comme des expériences humaines avant tout. Chacun
navigue entre les différentes facettes de la valeur qu’il attribue au patrimoine. Nous en
relèverons trois au cours de notre recherche.
Le patrimoine et la « petite » mémoire
Pour certains, le patrimoine c’est le souvenir des parents. D’un père notamment qui « était
amoureux de la nature et des vieilles pierres »
628
. La mémoire dans le patrimoine c’est
629
avant tout, et de plus en plus, une mémoire de l’intime, du « petit patrimoine »
. C’est
collectionner par exemple des objets et outils de la vie quotidienne d’antan. Et faire un
musée des musées ruraux qui, sans quoi, se meurent peu à peu parce que le maire
change ou le créateur décède. L’important c’est aussi de s’imaginer l’ambiance et l’amour
de l’ouvrier pour son outil. Finalement préserver ce type de patrimoine c’est préserver
la mémoire de ces « amoureux de l’objet » : l’ouvrier qui s’en est servi et celui qui l’a
précédemment sauvé
630
.
Le patrimoine et la participation
626
627
MANN P., L’action collective. Mobilisation et organisation des minorités actives, Paris, Armand Colin, 1991.
Entretien n° 11 avec Patrice Béghain, adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008, le 8 février 2008,
dans son bureau à l’hôtel de ville de Lyon. Et entretien avec un membre du Service de la planification et de l'urbanisme réglementaire
du Grand Lyon, le 13/02/2008, dans son bureau au Grand Lyon 20 rue du lac.
628
Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine, le 22/02/2008, dans son bureau au Fort
de Vaise.
629
630
118
Entretien n°11 avec Patrice Béghain, adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra.
Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine : cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain
D’autres, plus nombreux, ont été sensibilisés par « hasard », avec une mobilisation, souvent
dans leur jeunesse
631
. La mobilisation devient leur formation
632
. Certains affirment même
633
que leur meilleure qualité c’est d’être des « incompétents du patrimoine »
. C’est un
enchevêtrement de mobilisations qui va leur donner le goût du patrimoine. Mais pour eux
aussi, c’est surtout la mobilisation d’individus autour d’un lieu qui va donner à celui-ci
634
sa valeur de patrimoine
. Et ce sont également avant tout pour eux des « groupes
de personnes informels » qui sauvent le patrimoine. La participation prend forme dans
la défense d’un lieu mais aussi dans la transmission. « Je ne verrais peut-être pas ça
terminé mais ça me fait plaisir de voir que ça démarre », confie l’un d’eux
635
636
. Cette
passation va avant tout en direction des jeunes considérés comme passionnés
. Parce
que la participation c’est avant tout s’investir dans sa passion, « c’est une vie mais c’est
passionnant »
637
. C’est aussi une volonté. Parce que la participation a son revers : des
gens pour le patrimoine mais aussi souvent des gens contre
peut tenter de devenir un dialogue
639
638
. Dans ce cas, le patrimoine
.
Le patrimoine et la qualité de vie
640
Finalement, le patrimoine ça rend aussi des gens « heureux, heureux, heureux »
. C’est
la définition plaisir du patrimoine. Ce sont ces gens, souvent réunis en association, qui font
« vivre » le patrimoine. C’est avant tout le patrimoine de l’associatif non pas défensif mais
intégrationniste. Notamment parce que l’on crée des liens avec d’autres passionnés. Il arrive
que l’on soit réveillé à minuit pour s’échanger des anecdotes. Et puis, parfois, de finir la
réunion dans la cuisine, car « c’est là que l’on travaille le mieux »
641
.
B. Une volonté commune se dégage autour du lieu atypique qu’est le réseau
souterrain des arêtes de poisson
631
Entretien n°10 avec R. Neyret, le 01/02/2008, chez lui. Et entretien avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine
Rhônalpin, le 30 janvier 2008, dans un des appartements de Tony Garnier à la cité des Etats-Unis.
632
Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, le 30 janvier 2008, dans un des
appartements de Tony Garnier à la cité des Etats-Unis.
633
634
Entretien n°18 avec B. Delas, chargé de mission site historique de la ville de Lyon, le 10/03/2008, dans son bureau.
Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, le 30 janvier 2008 : cf.supra. Et Entretien
n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008, le 27/02/2008, dans
son bureau.
635
636
637
638
639
640
641
Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine : cf.supra.
Ibid.
Ibid.
Entretien n°11 avec Patrice Béghain, adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008: cf.supra.
Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin: cf.supra.
Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine : cf.supra.
Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine : cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
119
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Le risque possible que court le réseau souterrain des arêtes de poisson va permettre de
faire émerger une volonté globale de le préserver. Les différents types d’acteurs vont, au fil
de la mobilisation, prendront peu à peu conscience que ce désir de préservation maximale
est partagé.
Un lieu extraordinaire reconnu par la majorité
Les cataphiles, les associatifs et le service galeries expriment chacun à leur manière
le caractère particulier des arêtes de poisson. Ce lieu sort du commun par rapport aux
autres souterrains lyonnais. C’est un « réseau à part »
642
juge un membre du service
galeries. Du coup, les « arêtes de poisson, ce n’est pas pareil »
C’est une exception
644
643
considère un cataphile.
. Ils constatent aussi la méconnaissance du lieu. A la fois au
645
niveau des origines, « aussi énigmatiques que les géants de l’île de Pâques »
. Mais
une méconnaissance aussi de la part des Lyonnais. Un cataphile regrette ce manque de
connaissance contrastant avec « l’ampleur du boulot »
646
. La taille du réseau est aussi
mise en avant, « c’est l’un des plus grands réseaux de Lyon »
648
647
. Pour toutes ces raisons,
ce lieu « empreint d’histoire et d’esthétisme »
devient patrimoine dans l’esprit de ces
acteurs. Peu de lieux souterrains à Lyon peuvent prétendre au même titre dans les esprits
sauf peut-être la citerne Berelle
649
.
Un travail commun et une passion partagée au-delà des oppositions
d’interprétations
Du fait du caractère atypique des arêtes de poisson, les différents acteurs partagent malgré
les différences de points de vue la volonté de les préserver. Pour un membre du service
650
galeries
, qui se dit aussi « passionné », les cataphiles ne comprennent pas que le
service galeries souhaite aussi préserver au maximum les arêtes de poisson et que pour
cela ce dernier y travaille. Ce travail passe notamment par des échanges permanents avec
642
Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon, le 12/02/2008, dans son bureau.
643
Propos du cataphile présent lors de la séance d’observation n°6: rencontre entre un cataphile, deux archéologues du service
archéologique de la ville de Lyon, un archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et une responsable du
service de l’inventaire, le 19/03/2008, à la DRAC.
644
Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine : cf.supra.
645
646
FINAND S., « Lyon à travers ses souterrains », Jeudi Lyon, 17/11/1994.
Entretien n°2 avec un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson », le 09/11/2007, restaurant universitaire
de la Manufacture des tabacs (Lyon III).
647
Séance d’observation n°7: rencontre entre le cataphile membre de l’OCRA, un cataphile, le responsable de la maîtrise d’ouvrage
de la construction du tube de sécurité, l’assistant à la maitrise d’ouvrage, le responsable du service tunnels du Grand Lyon, le directeur
et la chargée de communication de la mission Vaise-Serin, le 28/02/2008, salle de réunion de la mission Vaise-Serin.
648
649
Entretien n°1 avec J.-L. Chavent, le 09/11/2007, chez lui.
Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra.
Et entretien n°1 avec J.-L. Chavent : cf.supra.
650
120
Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon : cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain
les responsables de la rénovation lourde du tunnel. Il ne se fait pas d’ « illusions », un « petit
bout sera touché » mais il espère le moins possible. Il s’agit aussi de « rétablir au maximum »
ce qui a été abîmé. Les cataphiles vont peu à peu découvrir le fait que le service galeries
cherche aussi à les préserver. Néanmoins les cataphiles craignent encore de contacter le
service directement, du fait notamment de leur réputation. Les arêtes de poisson deviennent
donc un patrimoine en raison de leur aspect atypique et de leur capacité mobilisatrice. Le
réseau souterrain sort peu à peu de son aspect purement utilitaire et l’attention qu’on lui
porte le patrimonialise.
II/ Le patrimoine comme une tendance : le souterrain comme nouvelle
étape
Nous assistons à une tendance patrimoniale croissante de la part de « Monsieur tout le
monde ». Le patrimoine répond de plus en plus à une demande des gens. Les gens le
respectent du plus en plus aussi
651
. De fait, la notion de patrimoine se diversifie
question peut même être de savoir « ce qui n’est pas patrimoine »
653
652
. La
. Cette demande rend
654
la définition du patrimoine « mouvante » et rien n’est vraiment fixé dans sa détermination .
Les arêtes de poisson ont été patrimonialisées du fait principalement de la mobilisation faite
autour et dans le contexte actuel d’une société patrimonialisante. Bilan d’une mobilisation.
Une demande d’informations : satisfaite
La première revendication demandée par les cataphiles était d’être informés par les
responsables de la rénovation du tube de sécurité au sujet de l’impact sur les arêtes
de poisson. Certains attendaient même une « table ronde » avec les différents acteurs
655
. Les cataphiles acceptaient la destruction d’une partie du réseau mais en échange
ils souhaitaient être informés
657
656
. Cette rencontre a eu lieu, comme nous l’avons vu, fin
février 2008
. Cette demande d’information va donc être satisfaite. Les cataphiles vont
être invités lors de cette réunion à contacter Gérard Claisse, vice-président du Grand
Lyon chargé de la participation citoyenne, pour éventuellement participer au comité de
658
suivi participatif sur le projet, si celui-ci est renouvelé après les élections municipales
. Pour Claude Pillonel, le compromis se trouve dans une participation des cataphiles à la
651
652
Entretien n°15 avec J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine : cf.supra.
Entretien n°17 avec une chargée d’études documentaires de la conservation régionale des Monuments Historiques de la DRAC
Rhône-Alpes, le 29/02/2008, dans son bureau à la DRAC.
653
Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008, le
27/02/2008, dans son bureau.
654
Entretien n°13 avec un membre du Service de la planification et de l'urbanisme réglementaire du Grand Lyon, le 13/02/2008,
dans son bureau au Grand Lyon 20 rue du lac.
655
656
657
658
Echange téléphonique avec un cataphile membre de l’OCRA, le 05/02/2008.
Entretien n°1 avec J.-L. Chavent : cf.supra.
Séance d’observation n°7 : cf.supra.
A l’heure où nous rédigeons, cette voie n’a pas encore été explorée par les cataphiles faute de temps notamment.
Delescluse Juliette - 2008
121
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
659
concertation . Les cataphiles, bien que non riverains, ont cherché à démontrer leur intérêt
pour le sujet afin de justifier leur participation à la rénovation lourde du tunnel de la CroixRousse.
Une protection au titre des Monuments Historiques : inappropriée
Le classement des arêtes de poisson au titre des Monuments Historiques n’est pas sûr
d’aboutir. Mais d’autre part, celui-ci pourrait se révéler contre-productif et contraignant. Cette
hypothèse est donc écartée.
Une protection au niveau du Plan Local d’Urbanisme : envisageable
Une inscription au PLU en tant qu’ « élément bâti à préserver » n’est pas exclue. Le
patrimoine souterrain est une nouvelle évolution vers laquelle le PLU pourra sans doute
s’orienter. Cette inscription serait un niveau de protection adéquat pour les arêtes de poisson
du fait de sa définition très flexible. Les cataphiles comptent aller dans ce sens.
Une étude archéologique : très probable
Le diagnostic du service municipal d’archéologie ne pourra imposer des fouilles dans
l’ensemble du réseau des arêtes de poisson. S’il le fait cela ne pourra l’être que dans la zone
endommagée. Néanmoins, du fait de la possible présence d’ossements quelques dizaines
de mètres plus loin, le diagnostic va sûrement suggérer qu’une étude archéologique soit
faite. Dans ce cas, les pouvoirs publics vont sûrement l’initier du fait notamment qu’aucune
étude historique n’a été entreprise sur cet ouvrage. D’autant que les Lyonnais commencent
à être sensibilisés sur ce fait
cas dans ce sens.
660
. Les cataphiles et les associatifs
661
iront dans tous les
Un projet de visites : à plus long terme
662
A cause des travaux, le projet de visites des arêtes de poisson est de fait reporté
.
Néanmoins, il reste compromis, comme en 1994, pour différentes raisons. A la demande
de Gérard Collomb en fin d’année 2007, un rapport a été fait par le service galeries sur les
conditions à remplir pour un projet de visites. Ce rapport contient deux pages de normes
relatives aux Etablissements Recevant du Public (ERP) à remplir. Celui-ci a été présenté à la
presse en janvier 2008
663
. Le respect de ces normes entraînerait une destruction du réseau
664
et cela ne va pas dans le « bon sens », explique un membre du service galeries
. Les
rendre visitables serait une manière de les défigurer. Le second problème pour le service
galeries est le fait qu’ouvrir au public les arêtes de poisson n’évitera pas les intrusions dans
les autres souterrains lyonnais. Les cataphiles, poursuit le membre du service galeries,
659
Séance d’observation n°6: rencontre entre un cataphile membre de l’OCRA et C.Pillonel, vice-président du Grand Lyon chargé
de la Voirie jusqu’en avril 2008, le 25/01/2008, dans le bureau de C.Pillonel au Grand Lyon.
660
661
R.L. et M.M., « Le mystère des arêtes de poisson bientôt résolu », Le Progrès, 15/04/2008.
Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra.
662
663
664
122
Séance d’observation n°6: cf.supra.
F.C., « Le tunnel épargnera les arêtes », 20 Minutes Lyon, 30/01/2008.
Entretien n°12 avec un membre du service galeries du Grand Lyon : cf.supra.
Delescluse Juliette - 2008
Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain
« veulent pouvoir rentrer où ils veulent et quand ils veulent ». Ils ne souhaitent pas de visites
avec un guide. Enfin, la question du financement se pose aussi, « le tunnel n’aura pas les
crédits », conclut-il.
Cependant le projet de visites des arêtes de poisson se fera sûrement à plus long
terme, même si ce n’est que de manière exceptionnelle lors des Journées Européennes
du Patrimoine. Les arêtes de poisson ne se visiteront peut-être pas mais au moins des
lieux souterrains plus faciles d’accès comme par exemple la citerne Berelle sur la colline de
665
Fourvière
. Les visites atypiques plaisent de plus en plus. La ville d’Arras a ainsi ouvert
au public en mars 2008 une visite autoguidée dans les carrières Wellington ayant abrité plus
de vingt-mille soldats britanniques pendant la Première Guerre mondiale. La ville de Provins
666
fait aussi visiter ses souterrains. Selon le directeur de l’office de tourisme de la ville
, le
strict respect des ERP n’est pas vraiment une norme dans la visite de souterrains. C’est de
la responsabilité de l’exploitant. Celui-ci met donc en œuvre un maximum de moyens pour
limiter les risques qui ne peuvent jamais être nuls dans ce genre de lieu. C’est le « principe
de précaution et la volonté politique qui prévalent dans ce cas », poursuit-il. Personne ne
souhaite encore prendre ce risque à Lyon pour les arêtes de poisson. Pour l’instant. Cela
pourrait évoluer, notamment dans une optique de rayonnement touristique
667
.
D’autres formes de protection?
D’autres manières de protéger les arêtes de poisson sont envisagées. Certains ont proposé
de filmer dans les détails les arêtes de poisson. Cela pourrait être mis en place de manière
668
officielle comme cela avait été fait pour la citerne Berelle
. Un projet portant sur les
souterrains de Lyon est en cours de réalisation pour la fête des Lumière en décembre
2009. Les arêtes de poisson seront largement présentées à travers des images dans ce
cadre. L’OCRA travaille actuellement sur ce projet avec les artistes mobilisés. Celui-ci
devrait aboutir. Une autre manière de protéger les arêtes de poisson serait qu’une étude
669
universitaire soit débutée sur le sujet, une étude historique en particulier
. Enfin, dernière
méthode de protection et non des moindres, les cataphiles comptent se mobiliser lors de
l’enquête publique sur la rénovation lourde du tunnel.
III/ Le patrimoine comme une modernité : le souterrain modèle de
consensus ?
Le réseau des arêtes de poisson devient en quelque sorte une nouvelle étape de la
patrimonialisation. Il permet d’allier début de « patrimonialisation dans les esprits » et projet
urbain. Ce compromis place la confiance au centre de ce processus (A). Par conséquent,
il devient une sorte de modèle (B).
665
Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 :
cf.supra.
666
667
Echange téléphonique avec le directeur de l’office de tourisme de Provins, le 06/12/2007.
LANDRON P.Y., « Lyon underground », Points d’actu de la Bibliothèque municipale de Lyon, 14/10/2007. En ligne. < http://
www.pointsdactu.org/article.php3?id_article=960> Consulté le 30 janvier 2008.
668
669
Entretien n°16 avec D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du Grand Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra.
Ibid.
Delescluse Juliette - 2008
123
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
A. La parole donnée au centre de la patrimonialisation du réseau souterrain
des arêtes de poisson
La protection la plus certaine dont bénéficient les arêtes de poisson est paradoxalement
la plus fragile : la parole donnée. C’est l’engagement des responsables de la rénovation
lourde du tunnel qui devient central dans cette patrimonialisation. En effet, la préservation
des arêtes de poisson a été, selon eux, inscrite dans le projet, « je peux vous dire que
670
le programme est rédigé avec une attention sur les arêtes »
. Ils se transforment
paradoxalement en acteurs centraux de cette protection en intégrant dans le projet une
sensibilité non prise en compte à l’origine de celui-ci. Cette ignorance des débuts n’était
pas forcément volontaire. C’est la mobilisation des cataphiles qui va permettre une prise
de conscience de l’intérêt que peut représenter le site. Les cataphiles leur font dorénavant
confiance tout en restant vigilants. Selon Eddie Gilles Di Pierno, le plus important c’est
d’avoir un accord de principe
671
. La mobilisation y est parvenue.
B. Le patrimoine comme recherche d’un équilibre fragile: les arêtes de
poisson comme illustration
La mobilisation pour les arêtes de poisson a illustré la manière dont le patrimoine pouvait
faire preuve de modernité. La recherche d’un consensus en est le principal élément. La
patrimonialisation sort du champ du conflit pour s’inscrire dans celui de la discussion, de la
négociation et enfin de la construction. Pour cela, les acteurs se doivent d’être suffisamment
disposés à cela. Cela prend du temps et parfois même nécessite la construction d’une
nouvelle image dans l’esprit des autres. Finalement, le propre de la préservation urbaine
se trouve dans cette capacité à allier patrimoine et nouvelles constructions. Alors que
Régis Neyret craint parfois que l’amour pour le patrimoine soit un refus de la mort, bien
au contraire, le patrimoine est intégré dans la modernité. C’est cette intégration dans le
présent qui le rend moderne et donne un « supplément d’âme » à la nouvelle construction.
Le patrimoine devient dans ce sens une opportunité
673
672
. Il s’agit donc d’intégrer évolution
et patrimoine en tant que politique pour certains
. Ou finalement trouver un compromis
au cas par cas. Ne pas définir ce qui est patrimoine mais sans cesse en rechercher la
674
définition. C’est ce flou dans la définition qui est actuellement de plus en plus privilégié
. C’est peut-être la plus grande chance du patrimoine souterrain. Finalement, dès le début
de la mobilisation, la solution était donnée dans un article du quotidien 20 Minutes du 29
670
Séance d’observation n°7: cf.supra.
671
Entretien n°9 avec E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin : cf.supra.
672
Séance d’observation n°8: rencontre entre un cataphile, deux archéologues du service archéologique de la ville de Lyon, un
archéologue de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et une responsable du service de l’inventaire, le 19/03/2008,
à la DRAC.
673
674
Entretien n° 11 avec Patrice Béghain, adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon jusqu’en mars 2008 : cf.supra.
Entretien n°13 avec un membre du Service de la planification et de l'urbanisme réglementaire du Grand Lyon : cf.supra.Et entretien
n°17 avec une chargée d’études documentaires de la conservation régionale des Monuments Historiques de la DRAC Rhône-Alpes:
cf.supra.
124
Delescluse Juliette - 2008
Partie 3 Une trame patrimonialisée : le souterrain intégré à l’urbain
675
octobre 2007
. Gérard Collomb souhaite dans cet article associer rénovation du tunnel
et préservation du patrimoine. C’est ce que les cataphiles semblent avoir obtenu de la part
des politiques et des responsables de la rénovation. Au terme d’une mobilisation.
675
Et aussi dans MENVIELLE D., « Et si le 2
ème
tunnel de la Croix-Rousse ouvrait les souterrains aux Lyonnais ? », Le Progrès,
20/10/2007.
Delescluse Juliette - 2008
125
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Conclusion
La mobilisation cataphile pour le réseau souterrain des arêtes de poisson a été un essai de
métamorphose. Celle-ci tentait de transformer l’image uniquement utilitaire que l’on confère
généralement au sous-sol en une image patrimoniale. Elle s’est aussi accompagnée d’une
volonté de mutation de la représentation qu’ont les Lyonnais des cataphiles. Cela se trouvait
être à la fois une nécessité mais aussi une opportunité face au péril possible des arêtes de
poisson. La mobilisation cataphile comme tout mouvement collectif n’allait, en effet, pas de
soi. L’action commune a supposé que les acteurs s’organisent au préalable. Trois étapes
ont pu être distinguées : la dénonciation du péril avec le passage d’une sphère privée
et confidentielle à une sphère publique ; la construction des alliances ; et enfin la prise
de conscience des Lyonnais de l’impact réel du projet et de la possible patrimonialisation
676
des souterrains lyonnais
. La particularité de l’objet souterrain a dû être maîtrisée et
partiellement dépassée. En effet, les politiques patrimoniales ont dû appréhender un objet
autre que du bâti. Cela s’est donc révélé être un défi. Face à l’urgence du péril, les cataphiles
ont dû aussi dépasser le complexe de leur illégalité. Ils ont utilisé des codes en matière de
médiatisation et de politisation. Lorsque que de nouveaux acteurs prétendent entrer dans
677
le jeu politique, ils doivent se conformer à un minimum de règles du jeu établies
. Cette
nécessité est d’autant plus grande lorsque les mobilisés sont considérés comme déviants.
Les cataphiles n’ont pas totalement agi de manière spontanée. Notamment parce qu’avec
la mobilisation autour des arêtes de poisson, c’est une reconnaissance plus globale qui
était visée : patrimonialiser les souterrains lyonnais. Leurs actes ont donc été réfléchis.
Ils ont tenté d’élaborer des stratégies qu’ils ont modifiées et ajustées dans le cours de
l’action. Cette remise en cause partielle de l’action publique locale s’est doublée d’une force
de proposition d’une nouvelle forme d’action publique locale. Les cataphiles ont tenté de
modifier l’horizon des autorités publiques locales en leur suggérant la construction d’une
nouvelle image : celle d’un projet urbain intégrant des contraintes patrimoniales, et en
particulier peu reconnues dans le cas du souterrain. Les différents acteurs ont fini par
ajuster leurs exigences. Un accord a finalement été trouvé même s’il reste avant tout oral.
La probable patrimonialisation du réseau souterrain des arêtes de poisson confirme la
678
logique de la conservation patrimoniale qui exclut l’ « accident de transmission »
. Telle
une pièce manquante dans une collection, ce qui a été oublié peut être découvert à tout
moment pour entrer aussitôt dans une procédure de conservation patrimoniale. Il ne s’agit
679
donc plus de l’accident mais de l’ « éternel oublié »
. Le patrimoine est donc avant
tout un choix. L’acte créateur individuel n’est pas nié, mais il est estompé et appréhendé
676
Un autre exemple de remise en cause d’un projet public par un ou des groupes minoritaires: CATHARIN V., La contestation des
grands projets publics, Paris, L’Harmattan, 2000. p. 186.
677
678
679
126
ARNAUD L. et GUIONNET C. (dir.), Les frontières du politique, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2005. p. 263.
JEUDY H-P., La machinerie patrimoniale, Paris, Sens & Tonka éditeurs, 2001. p. 12.
Ibid.
Delescluse Juliette - 2008
Conclusion
680
avant tout comme facteur historique et non pas comme un « geste d’artiste »
. Il peut
donc sembler paradoxal de ce fait de traiter scientifiquement une question qui devient de
681
plus en plus affective
. Cette contradiction se révèle particulièrement infondée lorsque
la sacralisation du patrimoine se perd parfois dans des processus d’automutilation, de
682
vandalisme et d’ « urbanicide », notamment durant les guerres civiles
. La connaissance
des constructions identitaires autour du patrimoine devient, en particulier dans ce sens, une
nécessité. Elle l’est aussi dans des constructions patrimoniales, plus « pacifiques ». L’étude
de constructions patrimoniales locales peut, en effet, être une piste de compréhension
des « déconstructions » locales, entre autres patrimoniales.Ainsi comme l’écrit l’écrivain
yougoslave Ivo Andrić, « Il n’y a pas de constructions fortuites, sans rapport avec la
société humaine dans laquelle elles ont vu le jour, avec ses besoins, ses aspirations et
ses conceptions, de même qu’il n’y a pas de lignes arbitraires ou de formes gratuites en
architecture. La naissance et la vie de toute grande et belle construction utile, son rapport
avec le milieu dans lequel elle a été édifiée, portent souvent en eux des drames et des
683
histoires complexes et mystérieuses.» . C’est par le contact étroit au cours de notre étude
avec des « constructeurs patrimoniaux » à la fois si proches et si « hors-norme » que nous
avons tenté d’esquisser une ébauche de réponse expliquant ces fragiles enchevêtrements.
680
LAMY Y. (dir.), L’Alchimie du patrimoine. Discours et politiques, Paris, Publications de la Maison des sciences de l’Homme
d’Aquitaine, 1996. p.530.
681
682
683
LE GOFF J. (dir.), Patrimoine et passions identitaires, Paris, Fayard, 1998. p.427.
CHASLIN F., Une haine monumentale. Essai sur la destruction des villes en Ex-Yougoslavie, Paris, Descartes & Cie., 1997.
ANDRIC I., Le pont sur la Drina, Paris, L
Delescluse Juliette - 2008
127
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Sources
Afin de mieux cerner l’évolution de la mobilisation autour du réseau souterrain des arêtes
de poisson, la classification des éléments d’observation et éléments journalistiques est
chronologique.
/!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques
de Lyon. /!\
Eléments d’observation
Entretiens
∙
Entretien n°1: J.-L. Chavent, le 09/11/2007, chez lui.
∙
Entretien n°2: un cataphile à l’origine de la pétition « Sauvons les arêtes de poisson »,
le 09/11/2007, restaurant universitaire de la Manufacture des tabacs (Lyon III).
∙
Entretien n°3 : un cataphile membre de l’OCRA, le 16/11/2007, chez lui.
∙
Discussion imprévue n°4 : J.-L. Chavent, le 05/12/2007, chez lui.
∙
Entretien n°5 : un salarié intérimaire d’une entreprise mandatée par le Grand Lyon
pour le confortement des galeries souterraines, le 05/12/2007, chantier sur la colline
de Fourvière.
∙
Entretien n°6 : un des responsables de la maîtrise d’ouvrage du projet de rénovation
lourde du tunnel de la Croix-Rousse (service tunnels du Grand Lyon), le 06/12/2007,
dans son bureau Montée de Choulans.
∙
Entretien n°7 : assistant à la maîtrise d’ouvrage du tunnel de la Croix-Rousse, le
08/01/2008, dans une salle de réunion au Grand Lyon 20 Rue du lac.
∙
Entretien n°8 : J. Tatéossian, lauréat du prix de la jeune architecture de la ville de
Lyon en 2005 pour son projet « Dérives labyrinthiques aux pentes de la CroixRousse », le 23/01/2008 chez lui.
∙
Entretien n°9 : E. Gilles Di Pierno, président de l’association Patrimoine Rhônalpin, le
30/01/2008, dans un des appartements de Tony Garnier à la cité des Etats-Unis.
∙
Entretien n°10 : R. Neyret, 01/02/2008, chez lui.
∙
Entretien n°11 : Patrice Béghain, adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de
Lyon jusqu’en mars 2008, le 08/02/2008, dans son bureau à l’hôtel de ville de Lyon.
∙
Entretien n°12 : un membre du service galeries du Grand Lyon, le 12/02/2008, dans
son bureau.
∙
Entretien n°13 : un membre du Service de la planification et de l'urbanisme
réglementaire du Grand Lyon, le 13/02/2008, dans son bureau au Grand Lyon 20 rue
du lac.
128
Delescluse Juliette - 2008
Sources
∙
∙
∙
∙
∙
Entretien n°14 : L. Voiturier, co-président élu du conseil de quartier de « l’ouest des
pentes » (Croix-Rousse), le 21/02/2008, dans un café Place Sathonay.
Entretien n°15 : J.J. Renaud, président de la Fondation Renaud pour le patrimoine, le
22/02/2008, dans son bureau au Fort de Vaise.
Entretien n°16: D. Eyraud, président de l’Union des Comités d’Interets Locaux du
Grand Lyon jusqu’en mars 2008, le 27/02/2008, dans son bureau.
Entretien n°17 : une chargée d’études documentaires de la conservation régionale
des Monuments Historiques de la DRAC Rhône-Alpes, le 29/02/2008, dans son
bureau à la DRAC.
Entretien n°18 : B. Delas, chargé de mission site historique de la ville de Lyon, le
10/03/2008, dans son bureau.
Séances d’observation
∙
∙
∙
∙
∙
∙
∙
∙
∙
Séance d’observation n°1: Visite à la mission sécurité et prévention de la ville de
Lyon, le 21/11/2007, Rue de la République.
Séance d’observation n°2: Constitution du dossier de visite des arêtes de poisson
avec un cataphile membre de l’OCRA, novembre 2007, lieux divers. Complété en
février 2008.
Séance observation n°3: Présentation des souterrains lyonnais par deux cataphiles
lors de la réunion du Comité d’Intérêts Locaux (CIL) de Vaise, le 11/12/2007, Maison
de la Jeunesse et de la Culture (MJC) de Vaise.
Séance d’observation n°4: Séance pétition pour « sauver les arêtes de poisson »
avec cinq cataphiles, le 12/01/2008, marché de la Croix-Rousse.
Séance d’observation n°5 : Tentative de visite du chantier des études géologiques
dans l’optique de la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse, le 22/01/2008,
entrée côté Rhône du tunnel.
Séance d’observation n°6: Rencontre entre un cataphile membre de l’OCRA et
C.Pillonel, vice-président du Grand Lyon chargé de la Voirie jusqu’en avril 2008, le
25/01/2008, dans le bureau de C.Pillonel au Grand Lyon.
Séance d’observation n°7: Rencontre entre le cataphile membre de l’OCRA, un
cataphile, le responsable de la maîtrise d’ouvrage de la construction du tube de
sécurité, l’assistant à la maîtrise d’ouvrage, le responsable du service tunnels du
Grand Lyon, le directeur et la chargée de communication de la mission Vaise-Serin, le
28/02/2008, salle de réunion de la mission Vaise-Serin.
Séance d’observation n°8: Rencontre entre un cataphile, deux archéologues du
service archéologique de la ville de Lyon, un archéologue de la Direction Régionale
des Affaires Culturelles (DRAC) et une responsable du service de l’inventaire, le
19/03/2008, à la DRAC.
Séance d’observation n°9: Réunion OCRA du 05/04/2008, salle de réunion du Fort de
Vaise.
Echanges téléphoniques
∙
Echange téléphonique avec le président de l’association responsable des souterrains
de Provins, le 21/11/2007.
Delescluse Juliette - 2008
129
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
∙
∙
∙
∙
∙
Echange téléphonique avec le directeur de l’office de tourisme de Provins, le
06/12/2007.
Echange téléphonique avec D. Bolliet, maire du quatrième arrondissement de Lyon,
le 30/01/2008.
Echange téléphonique avec un cataphile membre de l’OCRA, le 05/02/2008.
Echange téléphonique avec un cataphile membre de l’OCRA, le 08/02/2008.
Echange téléphonique avec un cataphile membre de l’OCRA, le 25/02/2008.
Courriers
∙
∙
∙
∙
∙
∙
Lettre de l’OCRA au maire de Lyon Gérard Collomb, novembre 2007.
Lettre du maire de Lyon Gérard Collomb à l’OCRA, décembre 2007.
Lettre du conseil de quartier de l’ « ouest des pentes de la Croix-Rousse» président
du Grand Lyon Gérard Collomb, aux vice-présidents délégués à l’urbanisme, au
déplacement et à la concertation et au responsable du site de la pétition pour sauver
les arêtes de poisson, janvier 2008.
Lettre de l’UCIL aux candidats aux élections municipales « Lyon : quel avenir pour le
site historique de l’UNESCO ? », janvier 2008.
Lettre de l’OCRA au maire du quatrième arrondissement de la ville de Lyon, février
2008.
Lettre de l’OCRA au maire du premier arrondissement de la ville de Lyon, février
2008.
Emails
∙
∙
∙
∙
∙
∙
Emails réguliers de la mailing liste de l’OCRA.
Email d’un cataphile membre de l’OCRA, 28/12/2007.
Email de J-L. Chavent, le 28/12/2007.
Email d’un cataphile membre de l’OCRA, 13/01/2008.
Email de M. Noir, ancien Maire de Lyon, le 08/02/2008.
Email de l’archéologue de la DRAC, le 21/04/2008.
Comptes-rendus de réunions
Compte-rendu de la réunion OCRA du 1er février 2008.
Compte-rendu de la réunion entre les responsables de la rénovation lourde du tunnel et
les cataphiles du 28 février 2008 (Séance d’observation 7).
Compte-rendu de la réunion OCRA du 7 mars 2008.
Compte-rendu de la réunion OCRA du 4 avril 2008.
Eléments journalistiques
130
Delescluse Juliette - 2008
Sources
Avant la mobilisation
∙
« Les entrailles de Lyon : un labyrinthe secret et dangereux », Courly-informations
(Journal d’information de la communauté urbaine de Lyon), n°27, septembre 1982.
(Archives du Grand Lyon 0012 PER 027).
∙
« Les réseaux de l’ombre », Lyon Figaro, 07/11/1991.
∙
BARBIER C., «Les galeries souterraines : un monde mystérieux», Côté cour Côté
jardin (Le magazine du personnel de la communauté urbaine de Lyon), n°16,
novembre 1992. (Archives du Grand Lyon 0010 PER 180).
∙
BARBIER C., « Mystère : Les souterrains de Miribel », Côté cour Côté jardin (Le
magazine du personnel de la communauté urbaine de Lyon), n°26, octobre 1993.
(Archives du Grand Lyon 0010 PER 190).
∙
FILLON F., « Plongée dans les entrailles de Lyon », L’Essor du Rhône, 05/11/1993.
∙
BOLE DU CHAUMONT, « Jean-Luc Chavent : Lyon la souterraine », Le Dauphiné
libéré, 19/04/1994.
∙
MAIRE M.A., « Lyon tire des plans sur ses galeries », Lyon Figaro, 24/05/1994.
∙
A. M.-A., « Réseaux souterrains de Lyon : un patrimoine caché à découvrir », Le Tout
Lyon, 07/06/1994.
∙
FILLON F., « Plongée dans les entrailles de Lyon », L’Essor du Rhône, 24/06/1994.
∙
FINAND S., « Lyon à travers ses souterrains », Jeudi Lyon, 17/11/1994.
∙
CORNELOUP G., « Les dessous de Lyon », Lyon Figaro, 02/03/1995.
∙
CHAPGIER J., « Intrusion illicite dans les galeries souterraines », L’écho des services
urbains, n°225, 07/09/1995. (Archives du Grand Lyon 0025 PER 512)
∙
BARBIER C., « Direction de l’eau : les veilleurs de souterrains », Côté cour Côté
jardin (Le magazine du personnel de la communauté urbaine de Lyon), novembre
1996. (Archives du Grand Lyon 0010 PER 226).
∙
« Soirées poubelle et défense du patrimoine », Le Monde, 12/08/1997.
∙
AVIGAL A., « Les jeunes adeptes des catacombes inventent des rituels et des codes
souterrains », Le Monde, 12/08/1997.
∙
« Voyage au-dessous de la ville », Le Progrès, 13/04/1999.
∙
DURIEZ I., « Régis Neyret : le batailleur de pierres », L’Humanité, 18/02/2000.
∙
BARBIER J. et MASSIP M., « Pourquoi le sous-sol de Lyon est instable ? », Lyon
Mag, 01/03/2002.
∙
COLIN L., « Souterrains de Lyon : un vrai gruyère », Lyon Mag, 01/04/2006.
∙
BOUCHER S. et MAILHES F., « Voyage au ventre de la terre », Tribune de Lyon,
05/05/2006.
Pendant la mobilisation
∙
SILVAIN P., « Un tunnel peut en casser un autre », 20 Minutes Lyon, 26/09/2007.
∙
SILVAIN P., « Ils lancent une pétition pour sauver les souterrains », 20 Minutes Lyon,
09/10/2007.
Delescluse Juliette - 2008
131
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
∙
Lamy G., « Les souterrains de Lyon menacés par le projet de tunnel », Lyon Capitale,
09/10/2007.
∙
BURY E., « Faut-il sauver les arêtes de poisson ? », Tribune de Lyon, 11/10/2007.
∙
LANDRON P.Y., « Lyon underground », Points d’actu de la Bibliothèque municipale
de Lyon, 14/10/2007. En ligne. <www.pointsdactu.org/article.php3?id_article=960>
Consulté en mai 2008.
∙
MENVIELLE D., « Et si le 2ème tunnel de la Croix-Rousse ouvrait les souterrains aux
Lyonnais ? », Le Progrès, 20/10/2007.
∙
P.S. et C.B., « Gérard Collomb sensible aux arêtes de poisson », 20 Minutes Lyon,
29/10/2007.
∙
« Les arêtes de poisson à l’UNESCO », Lyon Capitale, 28/12/2007.
∙
THOUVENOT X., « Le centre historique mérite mieux. Les Comités d’Intérêts Locaux
interpellent les candidats », Métro Lyon, 25/01/2008.
∙
X.T., « Les arêtes préservées », Métro Lyon, 30/01/2008.
∙
F.C., « Le tunnel épargnera les arêtes », 20 Minutes Lyon, 30/01/2008.
∙
« Croix-Rousse : des ossements humains enterrés », Lyon Mag, 12/03/2008.
∙
LAMY G., « Ossements humains sous la Croix-Rousse », Lyon Capitale, 26/03/2008.
∙
VIDALIE A. et PHAM A.L., « Sous les pavés, les explorateurs », L’Express,
27/03/2008.
∙
F.C., « Des tirs d’explosifs aujourd’hui dans les sous-sol de la Croix-Rousse », 20
Minutes Lyon, 15/04/2008.
∙
R.L. et M.M., « Le mystère des arêtes de poisson bientôt résolu », Le Progrès,
15/04/2008.
∙
Eléments juridiques
Gestion du sous-sol lyonnais
∙
Arrêtés du maire de Lyon des 13 et 19 novembre 1930.
∙
Arrêté du maire de Lyon du 19 novembre 1930.
∙
Arrêté du maire de Lyon du 24 mars 1951.
∙
Arrêté du maire de Lyon du 27 juin 1977.
∙
Arrêté du maire de Lyon du 22 février 1989.
∙
Arrêté du maire de Lyon du 2 mai 1994.
∙
Arrêté du maire de Lyon du 16 mars 1999.
∙
Décision du Conseil d'Etat du 17 décembre 1971, numéro 77103 77104 77105 77211.
∙
Décision de la Cour administrative d’appel de Lyon (1ère chambre) du 21 mai 1991,
numéro 90LY00406.
Rénovation lourde du tunnel
132
Delescluse Juliette - 2008
Sources
∙
∙
∙
∙
∙
∙
∙
∙
∙
∙
∙
∙
∙
∙
∙
Loi du 12 juillet 1985 modifiée relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses
rapports avec la maîtrise d'œuvre privée (dite loi MOP), numéro 85-704.
Circulaire interministérielle du 25 août 2000 relative à la sécurité dans les tunnels
du réseau routier national (ministère de l’intérieur et ministère de l’équipement,
des transports et du logement), numéro 2000-63. En ligne. 59p. < http://www.viepublique.fr/documents-vp/circulaire_25-08-2000-1.pdf > Consulté en mai 2008.
Décret du 24 juin 2005 relatif à la sécurité d'ouvrages du réseau routier, numéro
2005-701.
Décision du Conseil de Communauté du Grand Lyon du 26 mars 2007, numéro
2007-4013.
Décision du bureau du conseil de Communauté du Grand Lyon du 16 avril 2007,
numéro B2007-5174.
Décision du bureau du conseil de Communauté du Grand Lyon du 11 mai 2007,
numéro B2007-5690.
Décision du Conseil de Communauté du Grand Lyon du 9 juillet 2007, numéro
2007-4246.
Décision du bureau du conseil de Communauté du Grand Lyon du 17 septembre
2007, numéro B2007-5557.
Arrêté du président de la Communauté du Grand Lyon du 9 novembre 2007, numéro
2007-11-09-R-0293.
Décision du Conseil de Communauté du Grand Lyon du 12 novembre 2007, numéro
2007-4512.
Décision du Conseil de Communauté du Grand Lyon du 18 décembre 2007, numéro
2007-4599.
Avis d’attribution numéro 07-323337 relatif aux reconnaissances géologiques et
géotechniques par sondages et essais permettant de préciser les conditions de
réalisation d’un tube sous la Croix-Rousse. Date d’envoi de l’avis à la publication : 9
octobre 2007.
Avis d’attribution numéro 07-323337 relatif à l’expertise du dossier préliminaire de
sécurité relatif au projet de rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse. Date
d’envoi de l’avis à la publication : 6 décembre 2007.
Avis d’attribution numéro 07-329971 relatif à la réalisation d'une étude socioéconomique dans le cadre de la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse. Date
d’envoi de l’avis à la publication : 13 décembre 2007.
Appel d’offre numéro 07-261556 pour les études de conception, la réalisation des
travaux de rénovation du tunnel existant ainsi que le creusement et l’aménagement
d’un nouveau tube circulé de 1750 mètres parallèle au tunnel existant, réservé aux
transports en commun et aux modes doux. Date limite de réception des offres: 28
janvier 2008.
Préservation du patrimoine
∙
Loi du 25 février 1943 instituant une servitude d’abords au profit des Monuments
Historiques, numéro 92.
Delescluse Juliette - 2008
133
De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
∙
Code du patrimoine. En ligne. 81p. < http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/
droit-culture/patrimoine/pdf/code_du_patrimoine.pdf > Consulté en mai 2008.
∙
Délibération du conseil municipal de Lyon relative à l’approbation de la nouvelle
« convention patrimoine » entre l’Etat et la ville de Lyon pour la période 2003-2007,
séance du 30/06/2003. En ligne. 4p. <http://www.lyon.fr/static/pdf/200306/
delib/20032663.pdf> Consulté en mai 2008.
Autres éléments
Sites Internet
∙
Site du Grand Lyon: < http://www.grandlyon.com/ >
∙
Site de la Ville de Lyon: < http://www.lyon.fr/vdl/sections/fr/ >
∙
Site de l’association Patrimoine Rhônalpin: < http://www.patrimoine-rhonalpin.org/ >
∙
Site professionnel de Jean-Luc Chavent: <http://lyoninsolite.free.fr/index2.php>
∙
Site de l’OCRA Lyon: < http://www.ocra-lyon.org/ >
∙
Site de la pétition cataphile pour la sauvegarde des arêtes de poissons: < http://
aretesdepoisson.free.fr >
∙
Site avec une liste des surnoms cataphiles: < http://www.chez.com/taara/ktaliste.htm
>
∙
Site répertoriant les sites cataphiles: <http://www.cyberkata.org/ >
∙
Site de collection de tracts: < http://www.ktatracts.free.fr >
∙
Site d’un forum cataphile: <http://ckzone.org/>
∙
Site « Traques de plaques » : < http://www.traque-aux-plaques.com/fr/ >
Films
∙
Film « Les gaspards » réalisé par P.Tchernia (sorti sur les écrans en 1974).
∙
Film cataphile « Lyon souterrain » sur le site de vidéos en ligne: < http://
www.dailymotion.com/fr >
Documents écrits
∙
Dossier de candidature à l’inscription du site historique de Lyon sur la liste du
patrimoine mondial, 1998. En ligne. 571 pages. <http://whc.unesco.org/fr/list/872/
documents/> Consulté en mai 2008.
∙
Document relatif à l’inscription du site historique de Lyon au titre de patrimoine
mondial (numéro 872) avec les justifications de l’état partie, l’évaluation et la
recommandation d’inscription, rédigé par le Conseil International des Monuments et
des Stes (ICOMOS), octobre 1998.
134
Delescluse Juliette - 2008
Sources
∙
Dossier de Jean-Luc Chavent « Alerte, alerte » à l’attention de l’UNESCO, écrit en
décembre 2007.
∙
Budget 2008 du Grand Lyon dans les publications sur les finances du site
Internet de la communauté urbaine :<www.grandlyon.com/Publications-sur-lesfinances.519.0.html> Consulté en mai 2008.
∙
Dossier de la concertation préalable sur la rénovation lourde du tunnel de
la Croix-Rousse (du 20 avril au 8 juin 2007), édité par le Grand Lyon. En
ligne. 28p. < http://www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/Pdf/actualites/
Concertation_tunnel_Cx_Rousse.pdf> Consulté en mai 2008.
∙
Dossier de présentation du projet Serin-Quais de Saône (incluant la rénovation lourde
du tunnel de la Croix-Rousse), édité par la mission Serin-Quais de Saône du Grand
Lyon.
∙
Panneau « une nouvelle ville se dessine », exposition à la mission SerinQuais de Saône du Grand Lyon. En ligne. 1p.<www.grandlyon.com/fileadmin/
user_upload/Pdf/vie_democratique/concertation_projets/Serin_quaisdeSaone/
PANNEAU-1_80X200.pdf > Consulté en mai 2008.
∙
Panneau « un environnement urbain amélioré», exposition à la mission SerinQuais de Saône du Grand Lyon. En ligne. 1p.<www.grandlyon.com/fileadmin/
user_upload/Pdf/vie_democratique/concertation_projets/Serin_quaisdeSaone/
PANNEAU-3_80X200.pdf> Consulté en mai 2008.
∙
Panneau « place aux transports en commun et aux modes doux », exposition à la
mission Serin-Quais de Saône du Grand Lyon.En ligne. 1p. <www.grandlyon.com/
fileadmin/user_upload/Pdf/vie_democratique/concertation_projets/
Serin_quaisdeSaone/PANNEAU-2_80X200.pdf> Consulté en mai 2008.
∙
Panneau présentant le nouveau pont Schuman « autour du pont... »,
exposition à la mission Serin-Quais de Saône du Grand Lyon. En ligne.
1p. <www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/Pdf/vie_democratique/
concertation_projets/Serin_quaisdeSaone/PANNEAU-5_80X200.pdf > Consulté en
mai 2008.
∙
Panneau « un nouveau franchissement de la Saône», exposition à la mission SerinQuais de Saône du Grand Lyon. En ligne. 1p. <www.grandlyon.com/fileadmin/
user_upload/Pdf/vie_democratique/concertation_projets/Serin_quaisdeSaone/
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Dossier de Jean-Luc Chavent pour l’ouverture au public des arêtes de poisson
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∙
Dossier de l’OCRA pour un projet de visite des arêtes de poisson, rédigé en
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∙
Dossier de l’OCRA à l’attention de la direction prévention et sécurité de la ville de
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Réponse de la direction de la sécurité de la prévention de la ville de Lyon au projet de
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De l’exploration urbaine à la construction patrimoniale. Récit d’une mobilisation pour la
sauvegarde du réseau souterrain lyonnais des arêtes de poisson
Annexes
/!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de
Lyon /!\
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