IL EST INTERDIT DE DORMIR DANS LA RUE EN hONGRIE

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IL EST INTERDIT DE DORMIR DANS LA RUE EN hONGRIE
INTERNATIONAL
les sans-abri en hongrie
il est interdit de dormir
dans la rue en hongrie
Il y a trois ans,
le gouvernement
hongrois a entrepris
des réformes limitant
l’exercice des droits
fondamentaux. Il s’en
prend aujourd’hui
aux sans-abri en
permettant de
sanctionner pénalement
les personnes qui vivent
dans l’espace public.
Carlo Sommaruga
Secrétaire général
Asloca Romande
Depuis le 1er avril 2013, la
Constitution hongroise «criminalise» les sans-abri. Ces
derniers risquent 75 jours
de prison ou une amende
de 150 000 forints hongrois
(environ 650 francs) s’ils
dorment dans la rue. Cette
mesure n’a malheureusement
rien d’un poisson d’avril. Elle
fait partie d’une série de réformes contenues dans le 4e amendement de la Constitution voté
récemment par le Parlement
hongrois.
Mépris pour la démocratie
Depuis son élection en
2010, ce n’est pas la première fois que Viktor Orbán entreprend des mesures plus
que critiquables. Conforté par
la forte présence au Parlement
du Fidesz, son parti (droite
conservatrice), et le soutien
du parti Jobbik (extrême
droite), il a multiplié les réformes, quitte à mettre en péril
les principes démocratiques
et les droits humains acquis
depuis la fin de l’ère soviétique. Du contrôle des médias
à la restriction des pouvoirs
d’une Cour constitutionnelle trop indépendante au goût
du gouvernement en passant
par la possibilité de destituer
des juges peu arrangeants, la
Hongrie semble se transformer peu à peu en un régime
autocratique.
Modification de la loi
sur les constructions
La mise en place de sanctions contre les sans-abri
montre une nouvelle fois le
mépris pour la démocratie du gouvernement Orbán.
Une première mesure en 2010
modifie la loi sur les constructions afin de permettre aux
municipalités d’interdire les
sans-abri sur leur territoire.
En janvier 2012, une nouvelle mesure interdisant de vivre
dans la rue est introduite dans
le Code pénal, s’étendant
“
dans la rue. Cette petite minorité représente tout de même
plus 30 000 personnes, dont
8000 vivant dans la capitale. Quant à l’offre de lits pour
les personnes sans domicile
fixe (10 000 au total), elle ne
couvre qu’un tiers des besoins
et reste donc largement insuffisante. Le gouvernement
hongrois évite de mettre en
place une véritable politique de lutte contre la pauvreté et contre le manque de logements alors même que ce
dernier est un droit constitutionnel. Les peines de prison
ou les amendes contre les
sans-abri ne résolvent rien.
Elles entraînent au contraire une marginalisation plus
marquée encore de cette population. En mars dernier, le
Les sans-abri en Hongrie
risquent 75 jours de prison ou une
amende d’environ 650 francs
ainsi à tout le territoire national. La Cour constitutionnelle a été saisie et a jugé que
la loi violait la Constitution.
Le gouvernement ne s’est pas
pour autant démonté et a fait
voter un 4 e amendement par
le Parlement, introduisant
ainsi la disposition controversée dans la Constitution ellemême.
Aucune politiquedu logement
Selon le premier ministre hongrois, cette mesure est
justifiée par la protection des
droits de la majorité, à savoir
les personnes vivant dans un
logement, contre les intérêts
d’une petite minorité qui vit
14 — Droit au logement • Mai 2013 n° 210
”
collectif La Ville est à Tous
a occupé un immeuble vide
afin de dénoncer l’incohérence de la politique menée par
le gouvernement.
Pressions
internationales
En s’opposant à cette loi,
la Cour constitutionnelle hongroise a insisté sur le fait que
le problème des sans domicile fixe doit être traité par l’administration et les services
sociaux et non par des sanctions pénales. Elle a également
souligné que cette mesure est
aussi injuste qu’inefficace. Ce
n’est pas en «criminalisant»
la pauvreté que celle-ci va
disparaître.
De son côté, Raquel Rolnik,
rapporteuse spéciale de l’ONU
pour le droit au logement, a
clairement affirmé que cette
disposition viole le principe
d’égalité et de non-discrimination. Deux expertes de l’ONU
ont indiqué que l’on était
aussi en droit de se demander
comment ces personnes vivant
dans la plus grande pauvreté
pourront payer les amendes qui
leur seront infligées. L’ONG
FEANTSA, le réseau Housing
Rights Watch, et La Ville est à
Tous ont dénoncé des mesures
en totale contradiction avec la
Convention européenne des
droits de l’homme, la Charte
des droits fondamentaux de
l’Union européenne et même
la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes
handicapées.
Karima Delli, députée
européenne, auteur de la résolution du Parlement européen sur une stratégie de
l’Union européenne pour les
sans-abri a appelé l’Europe à agir. Toujours au niveau
européen, la Commission
de Venise, organe consultatif du Conseil de l’Europe,
a été chargée d’examiner
l’amendementdelaConstitution
qui porte autant sur la réduction des compétences de la
Cour constitutionnelle que sur
la criminalisation des sansabri. Suite à cet examen, il est
probable que la Commission
européenne lance une procédure d’infraction à l’encontre
de la Hongrie.
Il est à espérer que ces multiples pressions internes et externes permettent à la Hongrie
de retrouver le chemin du
respect et de la dignité des institutions démocratiques, ainsi
que des droits fondamentaux
de chaque personne, fût-elle
sans logement fixe.