VI CONGRESO INTERNACIONAL DE CONVERGENCIA:

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VI CONGRESO INTERNACIONAL DE CONVERGENCIA:
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VI CONGRÈS INTERNATIONAL DE CONVERGENCIA :
« La clinique psychanalytique à l’épreuve : névrose, perversion, psychose »
Madrid, juin 2015
Travail : Quelle est la place de la psychanalyse dans la civilisation actuelle ?
Auteur : Vannina Micheli-Rechtman
Institution : Espace Analytique
Commenté par : Moisés Azaretzky
Institution : Trieb Institución Psicoanalítica
Ce travail, centré sur le concept de l’objet a, présente fondamentalement deux questions : d'abord
la notion d’objet a dans le lien social aujourd’hui, ce que nous pouvons penser comme le discours
dominant sur ce que l’auteur appelle la « civilisation actuelle ». Et aussi, les incidences cliniques
de ce concept dans la direction de la cure. Il s'agit, à la fois, d'articuler ces deux questions.
Considérons donc le premier point, la notion d’objet a dans l’actualité du lien social. On part de
l'affirmation -avec laquelle je suis d’accord- qui dit « il n’y aurait pas à mon sens de nouvelle
économie psychique ou subjective, mais celle de toujours, a savoir : l’objet a comme ce qui
manque génère la libido d’une quête compensatoire et évidemment elle fait échouer toutes les
compensations ».
Le raisonnement part d’un objet a déjà constitué. Or, il n’est pas suffisant de dire que la structure
du langage génère la perte, ou –ce qui revient au même- que le signifiant génère le manque
d’objet. C’est ainsi, bien sûr, mais cela va « s’incarner » dans un sujet seulement dans la mesure
où l’infans rentre dans la structure, c’est-à-dire que le passage d’infans à parlêtre est une
opération à la charge de l’Autre. C’est dans cette opération constitutive du sujet où va se produire
la perte de la jouissance, perte que Lacan écrit comme objet a. Je suis d’accord donc sur le fait
que « l’objet a vient de la conception lacanienne du sujet, qui en tant qu’effet de langage est un
être de manque », mais en précisant que ce qui vient comme une loi générale du signifiant, a
besoin de tout une série de pas logiques dans la constitution du sujet.
Maintenant oui, à partit de cette perte de jouissance il sera donc possible que les objets viennent
métonymiquement à la place du manque. Nous retrouvons maintenant l’objet a comme un plusde-jouir. Ce plus-de-jouir vient à la place de la jouissance perdue. Le plus-de-jouir est quelque
chose de manipulable par l’analyse, la jouissance en elle-même non ; la jouissance est perdue,
c'est du réel pur, et son écriture est objet a. Le plus-de-jouir remet à la jouissance perdue, mais
c’est la seule jouissance à laquelle nous devons faire face, qu’elle se trouve du côté de la
jouissance de l’Autre, du côté de la jouissance phallique ou du côté de la jouissance de sens.
Alors, il n’y a pas de nouvelles économies psychiques ou subjectives, mais ce qui change ce sont
les modalités par lesquelles le discours dominant canalise le plus-de-jouir. Le texte signale bien
ici ce qui se passe dans la logique du capitalisme : touts les objets prennent une valeur de
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marchandise, en incluant ceux qui sont produits par la culture, l’art, avec mention du Pop Art, de
la production d’Andy Warhol, de l’art contemporain, de l’art de l’éphémère. Nous pourrions
penser ici à ce que Lacan a présenté comme « le discours capitaliste », dans sa prétention, vaine
d’ailleurs, d’un discours sans perte. Une prétention vaine car le plus-de-jouir, par lui-même,
renouvelle la perte.
Mais au-delà de tout ceci, et pour revenir à la question sur quelle est la place qui occupe la
psychanalyse dans la civilisation actuelle, je voudrais caractériser le discours dominant actuel
comme un discours du « droit à la jouissance », « j’ai tout le droit à tous les a qui me viennent à
l’esprit ». C’est ça la promesse, l’illusion, du discours capitaliste. Ce droit à la jouissance va de
pair –tel que le travail le signale- avec l’idée que tous les objets prennent une valeur de
marchandise prêt-à-porter. Or bien, quelle en est l’incidence sur le sujet ?
Je fais référence ici à la première séance du séminaire « La logique du fantasme ». Quand Lacan
s’auto-demande « qu’aviez vous besoin d’inventer cet objet petit a? », sa réponse est « ...il était
grand temps. Car sans cet objet petit a ... il me semble que beaucoup de ce qui s’est fait comme
analyse, tant de la subjectivité que de l’histoire et de son interprétation... et très précisément de ce
que nous avons assez grossièrement baptisé du terme le plus impropre sous le nom de
totalitarisme ».
Je me suis toujours interrogé par cette relation entre l’objet a et le totalitarisme. Une réponse
possible est que la logique du capitalisme mène au totalitarisme, et que le totalitarisme convertit
les sujets en objets a, il les transforme en déchets. Car quelle autre chose sont les camps de
concentration et d'extermination, dont les nazis -il faut le rappeler- n'ont été que des précurseurs ?
C’est à partir de ces références que je situe la question posée par l’auteur du travail commenté :
en quoi la psychanalyse produit-elle encore de la résistance, en quoi est-elle encore subversive?
Essayer une réponse à cette question nous mène, en premier lieu, à poser la question du
totalitarisme, que nous ne devons d’aucune manière réduire à une lecture qui dérape vers le
sociologique. L’invention lacanienne de l’objet a, dans sa condition de réel irréductible, marque
une limite au totalitarisme du cogito sur lequel se soutient aujourd’hui le discours de la science, et
duquel diverses pratiques psychothérapeutiques en sont tributaires.
C’est ici que nous pouvons commencer à situer la spécificité d’une clinique lacanienne. Le sujet
n’est pas seulement ce qu'un signifiant représente pour un autre signifiant. C’est cela, mais
comme l’affirme Lacan dans La logique du fantasme, « si et seulement si avec a ». Par
conséquent, « pas-tout est signifiant », mais ce qui est encore plus important, le sujet manque de
signifiants propres par rapport à ce qui est la cause de sa souffrance.
D’où surgit la question : comment conduire une cure analytique, comment travailler depuis la
parole ce qui n’a pas de parole ? La réponse se trouve dans ce que l’auteur demande : quelle est la
manière de s’en servir de a dans la cure, de l’utiliser, de le manier ? Nous savons la réponse de
Lacan : l’analyste doit occuper la place du semblant de l’objet a. À ce propos Vannina nous dit :
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« En inventant l’objet a, Lacan n’a pas réinventé l’analysant, mais il a réinventé l’analyste :
l’analyste est celui qui doit offrir l’objet à son analysant ». Mais –comme elle le signale- cet
objet ne peut s’offrir qu’à la manière d'une soustraction, soustraction de la jouissance,
soustraction du sens. Si ce n’est pas ainsi, l’analysant, dans un nouveau déplacement
métonymique, installerait le plus-de-jouir sur l’analyse et sur l’analyste, en consolidant l’illusion
d’une récupération de la jouissance perdue ».
Et j’arrive à la question finale : quelle serait une pratique guidée par une expérience de l’objet a ?
L’auteur dit comme réponse : « ... donc une pratique de la coupure, de l’interprétation qui vise à
décoller le sujet de ce poids de jouissance dont il est le servant ».
Je le dis maintenant avec mes propres mots : le subversif de la psychanalyse est de continuer à
dénoncer les « dieux obscurs », des dieux qui habitent aujourd’hui dans le discours dominant,
dans le lien social –même dans le lien entre les analystes- et dans le fantasme des êtres parlants.
L'hypnose de nous soumettre à un Autre qui nous phagocyte et domine nos vies, en étant l’objet
de cette jouissance, se réalimente constamment.
Dans la fin d’analyse –et dépassant l’impasse freudienne qui situait la fin d’analyse par rapport au
phallus- le sujet pourra dire « je ne suis pas cet objet pour l’Autre », chute de l’objet a, « décoller
le sujet de ce poids de jouissance dont il est le servant », dans les très justes mots de MicheliRechtman. L’invention lacanienne de l’objet a marque ainsi une coordonné éthique de notre
praxis.
Moisés Azaretzky
[email protected]