http://www.zerodeux.fr

Transcription

http://www.zerodeux.fr
02
http://www.zerodeux.fr
Guillaume Désanges interviewé par
Patrice Joly
Scroll down for English text
Invité par le musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis au sein du programme Chapelle
Vidéo, Guillaume Désanges a produit une exposition en deux volets intitulée «
Ma’aminim » dont le second, « Or il fut un temps passé où le futur était présent »,
vient de s’achever. Plutôt que de s’en tenir à une mise en valeur des riches collections
du fonds départemental, le commissaire a préféré piocher dans le vaste réservoir de
productions en tous genres que recèle le territoire ô combien « rouge » de la petite
couronne, fortement marqué par les mouvements sociaux qui ont rythmé son histoire.
Il en résulte une proposition qui fait la part belle aux documents et aux œuvres
filmiques tout en ménageant une large place aux nouvelles formes d’engagement et à
leurs pendants artistiques. Le parti pris déambulatoire de l’exposition qui offre aux
visiteurs le loisir de se promener à l’intérieur d’une diversité de formes et de formats
ne laisse pas d’interroger la persistance et l’évolution des esthétiques de la lutte, leur
relatif déclin ou leur capacité à se réinventer. Entretien avec un curateur qui se garde
de toute propension à la nostalgie et qui, au contraire, préfère appréhender le devenir
de ces formes sous un angle résolument critique et prospectif.
Pouvez-nous nous dire comment est né ce projet autour de l’histoire des luttes
politiques et de leur archivage filmique, amateur et / ou autre ? Le contexte pour
le moins marqué socialement de la Seine Saint-Denis en est-il à l’origine ?
Ce projet est né d’une commande de la Seine-Saint-Denis de réaliser une exposition
avec leur collection d’art vidéo. En réponse, je leur ai fait une contre-proposition plus
intuitive, qui était de travailler des formes militantes, liées aux luttes politiques et
sociales du vingtième siècle, en cherchant, localement et ailleurs, pas seulement des
films, mais aussi des œuvres et des documents. Bien entendu le contexte spécifique du
93 était inspirant : je connaissais déjà la Seine-Saint-Denis pour y avoir travaillé
plusieurs années et l’existence d’œuvres du réalisme socialiste français, plutôt rares,
qui m’avaient intéressé. À partir de là, j’ai démarré « à l’aveugle », sans idées précises
de ce que j’allais trouver, ni même chercher, à partir de fonds institutionnels (Parti
Communiste Français, CGT, Musée d’Art et d’Histoire, musée de l’Histoire vivante,
Archives départementales du 93, Institut CGT d’Histoire Sociale) mais aussi privés (le
fonds SLON/ISKRA créé par Chris Marker et Inger Servolin) et beaucoup d’autres
sources qui m’ont permis de composer librement ces deux expositions. Le propos était
de figurer des interactions multiples entre industrie, immigration, luttes sociales,
urbanisme et situation postcoloniale dans une sorte de rythme cyclique passant d’élans
idéalistes à des humeurs crépusculaires.
Le caractère cyclique des luttes auquel vous faites référence dans le texte de
présentation fait état d’une récurrence des mouvements sociaux. Cette
temporalité n’est-elle pas en train de disparaître suite à l’essor récent du
néolibéralisme, à la perte d’influence des syndicats, au déclin de la culture
ouvrière et au désintéressement de la population pour les conflits sociaux, voire à
leur rejet intégral ?
Je pense que les énergies de la lutte sociale, peut-être parfois un peu assoupies, restent
prêtes à se réactiver et à se réincarner dans des formes nouvelles à chaque génération.
Je ne crois pas que ces forces-là s’arrêtent, même s’il y a eu dans l’histoire des
moments d’action collective particulièrement actifs et visibles. Il ne faut pas être
nostalgique mais plutôt les observer pour en désigner les possibilités de renaissance.
Par ailleurs, les syndicats et les forces politiques n’ont pas l’apanage de la lutte. C’est
pourquoi, dans l’exposition, il y a beaucoup d’objets issus de mouvements autonomes,
et même parfois non directement politiques, de Kiki Picasso aux altermondialistes en
passant par les Bérurier Noir. Ce faisant, c’est une résistance avec un grand R, pas une
« résistance à » mais une résistance tout court, intransitive, globale, qui domine ces
expositions. Une élection prioritaire de la lutte plus qu’une sélection de luttes
prioritaires.
Vues de l’exposition / Views of the exhibition : « Or il fut un temps
où le passé était présent », Chapelle Vidéo 2015, Saint-Denis, musée d’art et d’histoire.
Photo : Christophe Delory.
© Christophe Delory ; Département de Seine-Saint-Denis.
Il y a cependant un fort sentiment de nostalgie qui se dégage de l’exposition « Or
il fut un temps passé où le futur était présent », comme si la grande époque de la
lutte (ou de la Résistance) — avec tout le lyrisme et l’expressionnisme qui
l’accompagnent — était un peu derrière nous, mais peut-être que la présence de
nombreuses archives filmiques (noir et blanc oblige) accentue cette impression.
Quelle place avez-vous donnée aux mouvements plus proches et aux médiums qui
leur correspondent (les films réalisés avec des smartphones, la présence des
réseaux sociaux, etc.) ?
Il y a une période, relativement limitée entre la fin des années 1960 et le début des
années 1980, où le cinéma militant a traversé une phase collective qui a donné des
formes particulièrement fortes, à la fois poétiques et politiques, et où, comme l’a dit si
justement Patrick Leboutte, « les formes de luttes » sont inséparables de « luttes de
formes »[1]. Il est vrai que cette période fascinante constitue le cœur des deux
expositions, dû au contenu des archives que j’avais à disposition et à la difficulté de
trouver aujourd’hui un tel souffle brûlant à la croisée des terrains politiques et
esthétiques. Maintenant, j’espère que l’on peut regarder ces formes sans nostalgie
(c’est précisément ce que j’ai voulu éviter), mais plutôt de manière critique et
spéculative. À savoir, tenter de voir ce que sont devenus ces questionnements et s’il y
a un moyen de les réactiver pour les sens et l’intelligence d’aujourd’hui. La présence
de Jean-Gabriel Périot, un cinéaste contemporain qui invoque la forme des
« cinétracts » en les actualisant, un peu à la manière dont le penseur libanais Jalal
Toufic dit qu’il faut ressusciter le document même s’il est encore présent, ou du
collectif Getaway qui va explorer certains angles morts de l’histoire en statuant que «
d’autres passés sont possibles », vont, il me semble dans ce sens. Plutôt que la
nostalgie, je ne cacherai pas que c’est un certain sentiment d’amertume, de fièvre «
noire » et de mauvais présage que j’ai tenté de figurer dans la seconde exposition de
manière métaphorique, avec la présence de Soleil Noir de Jean-Luc Moulène, les nuées
formidables d’oiseau migrateurs extraites du Bruit du canon de Marie Voignier ou les
peintures inquiétantes de Toyen et Jean Amblard.
Dans le texte de présentation de « Ma’aminim », vous dites que les mouvements
sociaux doivent s’incarner dans une esthétique, faute de quoi ils se retrouvent
orphelins et risquent de manquer leur objectif, de se déliter. Dans « Or il fut un
temps où le futur était présent », l’exposition se pratique plus comme une
déambulation libre à travers un choix de documents à activer soi-même que
comme une exposition classique avec un itinéraire balisé. Cet aspect « à la carte »
renvoie à l’atomisation des mouvements de « résistance », à leur extrême
diversité. Cela dit, cette approche pointe également le problème d’une unité
esthétique : il est difficile de percevoir dans le présent de la lutte cette unité que
vous estimez nécessaire à son identification et, par-delà, à sa reconnaissance. La
comparaison avec les archives cinématographiques qui abondent dans
l’exposition met en lumière cet état de fait. Peut-on parler de crise de la
représentation ?
Les mouvements politiques s’incarnent dans des esthétiques qui sont diverses, même
s’il y a eu en effet des moments de grâce où l’action et la réflexion, parce qu’elles
étaient collectives, ont produit des formes reconnaissables. C’est par exemple le cas
des films distribués par SLON/ISKRA, dont certains, bien que réalisés par des auteurs
différents, usent d’une grammaire filmique commune, dans une esthétique de
l’urgence et de l’efficacité proche des magnifiques « cinétracts ». C’est aussi le cas
d’un certain type de montages à la fois pop et violents qu’on trouve en Amérique
latine, chez Fernando Solanas, mais aussi dans ce film rare de João Trevisan montré
dans l’exposition, et retrouvé grâce à Catherine Roudé. Alors oui, il semble que ces
principes collectifs qui envisageaient une remise en cause à la fois des esthétiques, des
moyens de production et des modes de distribution du cinéma ont disparu à cette
échelle. Crise de la représentation je ne sais pas, mais atomisation certainement.
J’aime penser l’histoire de la représentation des luttes politiques après les années 1960
sous la forme de l’« anabase », une sorte de retour parfois erratique d’un front de
guerre perdu où différents groupes prennent des chemins divergents après le grand
rassemblement. C’est d’ailleurs un peu la thèse du livre de Razmig
Keucheyan, Hémisphère gauche2, qui m’a beaucoup intéressé. Curatorialement, j’ai
parié sur une continuité organique de ces manifestations hétérogènes sous le règne de
la croyance. Ce qui est montré est une famille « recomposée » qui expose des tensions
et dessine une nébuleuse cognitive et affective plus qu’une grille analytique ou
esthétique. Comme dans toute exposition collective, il y a pour moi un ordre poétique
et narratif plus que discursif à l’œuvre, d’où cette idée de déambulation libre, de liens
invisibles et de ruptures formelles.
N’avez vous pas tenté avec ces deux expositions de réactiver la dimension
politique au sein de l’art (contemporain) ? Se réclamer de ce passé n’est-il pas la
meilleure manière de tenter de réinjecter de la politique sur une scène d’où elle
s’est largement absentée, du moins dans ses formes les plus frontales ?
Oui, c’est une motivation subliminale de ce programme : tenter, en convoquant ces
formes militantes, de réactiver des désirs et des passions pour ces questions au sein de
l’art. Car si la plupart des films et objets montrés dans l’exposition ne sont pas
redevables de l’art contemporain, c’est dans un régime de l’art que je les ai replacés, et
c’est de cet endroit que je les observe et les remontre. Ceci afin de toucher tous les
publics, y compris celui de l’art. Je pense que c’est mon objectif en tant que
commissaire de faire remonter à la surface ces formes du passé, non pas dans une
logique archéologique morbide mais pour voir comment elles peuvent de nouveau agir
et créer des relations, éveiller des consciences et des désirs. C’est en tout cas ainsi
qu’elles agissent sur moi. On se méfie beaucoup aujourd’hui de l’art « militant », car
on sait les contradictions, les impasses et les insuffisances qu’il a suscité au sein des
générations passées. Entre esthétique et politique, il y a une longue histoire d’espoirs
déçus et de trahisons réciproques, qui a laissé parfois un goût amer. Pourtant, il y a eu
des moments où la radicalité politique était associée à une radicalité formelle, dans une
intensité commune qui renforçait l’une et l’autre. Par ailleurs, il faut admettre que
certaines contradictions sont belles, dignes et fécondes, que ce soient celles des artistes
ou celles des militants. Jean-Luc Godard exprime très frontalement ces impasses et ces
apories, entre sublime et ridicule, dès la fin des années 1960, avant même la création
du groupe Dziga Vertov.
Vue de l’exposition / View of the exhibition : « Or il fut un temps où le passé était présent », Chapelle Vidéo 2015, SaintDenis, musée d’art et d’histoire. Photo : Christophe Delory. © Christophe Delory ; Département de Seine-Saint-Denis
Est-ce le même type de contradictions qui anime la carrière d’un curateur quand
il passe de la défense d’une scène militante, underground, populaire, à la
programmation d’un espace très représentatif de l’emprise actuelle des grandes
marques sur la scène de l’art contemporain, en l’occurrence celui de la Verrière
Hermès à Bruxelles dont vous assurez le commissariat ?
C’est différent, d’abord, car je ne considère pas ces expositions comme relevant d’un
acte militant, mais d’un horizon curatorial. Par ailleurs, je vois mes différentes
activités comme des compléments d’engagement au sein de l’art contemporain qui,
s’ils sont bien négociés, peuvent se nourrir l’un l’autre. Des contextes de monstration
certes éloignés ne sont pas étanches. Par exemple, Nil Yalter, artiste féministe engagée
dans des questions politiques et sociales aussi bien que formelles et qui était présente
dans les expositions de Seine-Saint-Denis est invitée pour un solo à la Verrière à la
rentrée 2015. Ce lieu me permet d’offrir aux artistes des moyens de production et des
temporalités de travail plus longues pour des expériences, parfois risquées, qui
pourront par la suite exister dans d’autres contextes. Pouvoir s’engager à différentes
échelles, différentes temporalités, différents formats, dans divers contextes
économiques tout en tâchant de garder une intensité critique, une exigence et une
liberté curatoriale, est une chance que l’on m’a donnée. Je crois même que ces enjeux
ont intéressé la Fondation Hermès lorsqu’elle m’a contacté. Elle implique une certaine
responsabilité et une vigilance pour assurer l’intégrité de son projet curatorial, mais
cette exigence existe toujours, pour chaque projet, aussi bien dans l’institution
publique que privée.
1 « Formes de lutte et lutte de formes – Pièges du formatage ou promesses de la
forme? » / Coordinateurs : Jean-Louis Comolli, Patrick Leboutte, Marie-José
Mondzain.
http://www.vacarme.org/IMG/doc/Formes_de_lutte_et_lutte_de_formes.doc
2 Hémisphère gauche. Une cartographie des nouvelles pensées critiques, Paris, La
Découverte, coll. Zones, 2010.
Chapelle vidéo 7 : « MA’AMINIM (les croyants) », Musée d’Art et d’Histoire, SaintDenis, du 5 décembre 2014 au 9 février 2015. Avec les œuvres de : Djouhra Abouda,
Karel Appel, Werner Bischoff, Alain Bonnamy, Atelier Fabrizi, Neil Beloufa, Bérurier
Noir, Claude Blanchet, Gérald Bloncourt, Canan Çoker, Michèle Collery, F. Coudert,
C. Filion, Michel Fleurmont, Jean-Pierre Gallèpe, Gasquet, Kiki Picasso, Ladislas
Kijno, Jean Kiras, Georges Lavroff, Jean-Partick Lebel, Yves Lorant, Chris Marker,
Mohamed Mazouni, Sergueï Merkuroff, Anaïs Prosaic, Salah Sadaoui, Jean-Claude
Sée, Orhan Taylan, Yusuf Taktak, João Silverio Trevisàn, Philippe Truchet, JeanGabriel Périot, Nil Yalter.
Chapelle Vidéo 8 : « Or il fut un temps passé où le futur était présent », Musée d’Art et
d’Histoire, Saint-Denis, du 27 mars au 4 mai 2015. Avec les œuvres de : Archives
Getaway, Jean Amblard, Philippe Artières, Yto Barrada, Bernard Bazile, Michel
Carrier & Jean-Louis Lorenzi, François Chardeaux, Collectif Cinélutte, Henri Fabiani,
Harun Farocki, Valentine Hugo, Jean-Patrick Lebel, Jean Lefaux, Jean-Luc Moulène,
Bruno Muel, Alain Nahum, F.W. Murnau, Matthieu Saladin, Paul Seban, Miroslav
Sebestik, Jean-Pierre Thorn, Toyen, René Vautier, Marie Voignier.
Guillaume Désanges in conversation with Patrice Joly
At the invitation of the Museum of Art and History in Saint-Denis, as part of the
Chapelle Vidéo programme, Guillaume Désanges has come up with a two-part
exhibition titled “Ma’aminim”, whose second part, “Or il fut un temps passé où le
futur était present” [There was a past time where the future was present], has just been
completed. Rather than confine himself to highlighting the rich collections of the
departmental art fund, the curator has preferred to delve into the vast trove of works of
all sorts contained in the oh-so-“red” territory of the suburbs adjacent to and ringing
Paris, greatly marked by the social movements which have marked their history. The
result is a proposal which gives pride of place to documents and films, while at the
same time making plenty of room for new forms of commitment and their artistic
counterparts. The exhibition, offering visitors a chance to walk at their leisure inside a
diverse range of forms and formats, questions the persistence and development of the
aesthetics of the struggle, together with their relative decline and their capacity for reinvention. There follows an interview with a curator who is wary of any inclination to
nostalgia, and who, on the contrary, prefers to grasp the future making of these forms
from a decidedly critical and forward-looking angle.
Could you tell us how this project about the history of political struggles and their
recording on film, amateur and/or other, came into being? Does the context of
Seine-Saint-Denis, which, to say the least, has a distinct social element, lie at the
root of it?
This project is the result of a commission from Seine-Saint-Denis to put on an
exhibition using their video art collection. In response to it, I made them a more
intuitive counter-proposal working with militant forms, associated with the political
and social struggles of the 20th century, and seeking out, both locally and elsewhere,
not only films, but other works and documents, too. Needless to say, the specific “93”
context [93 being the number of the Seine-Saint-Denis département] was inspiring. I
was already acquainted with Seine-Saint-Denis by having worked there for several
years, and I knew about the existence, for example, of somewhat rare works of French
social realism, which I’d found interesting. Based on that, I started out “blindfold”,
without any precise ideas about what I might find, or even look for, using institutional
collections (the French Communist Party, the CGT trade union, the Museum of Art
and History, the Museum of Living History, the “93” Departmental Archives, the CGT
Institute of Social History) but also private collections ( the SLON/ISKRA fund
created by Chris Marker and Inger Servolin) and lots of other sources which enabled
me to put together these two shows the way I wanted to. The idea was to feature the
many different interactions between industry, immigration, social struggles, urban
development, and the post-colonial situation, in a kind of cyclical rhythm, shifting
from idealistic outbursts to twilight moods.
The cyclical character of the struggles you refer to in the introductory essay
describes a recurrence of social movements. Isn’t this time-frame in the process
of disappearing following the recent upsurge of neo-liberalism, the trade unions’
loss of influence, the decline of working-class culture, and people’s lack of interest
in social conflicts, not to say their complete rejection of them?
I think that the energies of the social struggle, which may perhaps have become a little
dulled at times, are still ready to be rekindled and reincarnated in new forms with
every generation. I don’t think that these particular forces just come to a standstill,
even if history has seen certain especially active and visible moments of collective
action. We mustn’t be nostalgic; rather, we must take a look at those moments to
detect further possibilities of revival. What’s more, trade unions and political forces
don’t have a monopoly on the struggle. This is why, in the exhibition, there are lots of
objects hailing from autonomous movements, which, at times, are not even directly
political, from Kiki Picasso to the anti-globalists, by way of the Bérurier Noir punk
band. As such, there’s a resistance with a capital R, not “resistance to”, but just
resistance, period, intransitive and global, which dominates these exhibitions. A
priority election of struggle rather than a selection of priority struggles.
Vues de l’exposition / Views of the exhibition : « Or il fut un temps
où le passé était présent », Chapelle Vidéo 2015, Saint-Denis, musée d’art et d’histoire.
Photo : Christophe Delory.
© Christophe Delory ; Département de Seine-Saint-Denis.
There is, nevertheless, a powerful sense of nostalgia released by the exhibition
“Or il fut un temps passé où le futur était present”, as if the great age of struggle
(or Resistance)—with all the lyricism and expressionism going hand-in-hand with
it—was a bit behind us, but perhaps the presence of many film archives (blackand-white oblige) heightens this impression. What place have you given to
movements closer to us, and to the media which correspond to them (films made
with smartphones, the presence of social networks, and so on)?
There was a relatively limited period between the end of the 1960s and the early 1980s
when militant cinema went through a collective phase which produced particularly
powerful forms, both poetic and political, and during which, as Patrick Leboutte has so
rightly put it, “forms of struggles” are inseparable from “struggles of forms”.1 It’s true
that that fascinating period forms the core of the two shows, because of the content of
the archives I had at my disposal, and the difficulty, nowadays, of finding such an
impassioned spirit at the crossroads of the political and aesthetic arenas. Now I hope
that it’s possible to look at those forms without any nostalgia (that’s precisely what I
was keen to avoid), but rather in a critical and speculative way. Meaning, trying to see
what has become of those questions, and whether there’s a way of rekindling them for
today’s senses and intelligence. The presence of Jean-Gabriel Périot, a contemporary
film-maker who refers to the form of “cinetracts” by updating them, a bit like the
Lebanese thinker Jafal Toufic saying that it’s important to revive the document itself,
if it’s still present, and the Getaway collective exploring certain blind spots of history
and pronouncing that “other pasts are possible”, are all heading in this direction, it
seems to me. Rather than nostalgia, I won’t hide the fact that there’s a certain feeling
of bitterness, “dark” fever and ill omen that I’ve tried to portray in the second show in
a metaphorical way, with the presence of Jean-Luc Moulène’s Soleil Noir, Marie
Voignier’s tremendous swarms of migrating birds in Le bruit du canon, and the
disquieting paintings of Toyen and Jean Amblard.
In the introductory essay for “Ma’aminin”, you say that social movements should
be incarnated in an aesthetic, without which they end up orphaned and risk
missing their target, and crumbling. In “Or il fut un temps passé où le futur était
present”, the exhibition comes across more like an unrestricted stroll through a
selection of documents to be activated by yourself, rather than like a classic show
with a well marked out itinerary. This flexible “à la carte”-like aspect refers to
the smithereening of “resistance” movements, and their extreme diversity. This
said, this approach also pinpoints the problem of an aesthetic unity: in the
present state of the struggle it’s hard to see that unity which you reckon to be
necessary for its identification and, beyond that, its recognition. The comparison
with the film archives which are plentiful in the exhibition sheds light on this state
of things. Can we talk in terms of a crisis of representation?
Political movements are incarnated in aesthetics which are different, even if there have
in fact been moments of grace where, by being collective, action and reflection have
produced recognizable forms. This is so, for example, with the films distributed by
SLON/ISKRA, some of which, though made by different auteurs, make use of a
common film grammar, in an aesthetics of urgency and efficiency akin to the
magnificent “cinetracts”. This is also the case with a certain type of montage, at once
pop and violent, to be found in South America, with Fernando Solanas, but also in that
rare film by João Trevisan, on view in the exhibition, and rediscovered by Catherine
Roudé. So yes, it would seem that those collective principles which saw a challenge
both to aesthetics, means of production and methods of film distribution have all
disappeared on that scale. Crisis of representation… I’m not sure, but a smithereening,
definitely. I like thinking about the history of representing political struggles after the
1960s in the form of “anabasis”, a kind of at times erratic comeback of a lost war front
where different groups take diverging paths after the great coming-together. This,
incidentally, is a bit the thesis of Razmig Keucheyan’s book Hémisphère
gauche,2 which I found very interesting. In a curatorial sense, I’ve betted on an organic
continuity of those heterogeneous events in the reign of belief. What is shown is a
family “put back together again”, which displays tensions and traces a cognitive and
affective nebula rather than an analytical and aesthetic grid. As in any group show, for
me there’s a poetic and narrative order at work more than a discursive one, whence
this idea of unrestricted strolling, invisible links, and formal breaks.
In these two shows, haven’t you tried to rekindle the political dimension within
(contemporary) art? Isn’t invoking that past the best way of trying to re-inject
politics into a scene which has been considerably abandoned by politics, at least
in its most head-on forms?
Yes, there’s a subliminal motivation behind this programme: by summoning these
militant forms, trying to rekindle desires and passions for these issues within art.
Because if most of the films and objects on view in the exhibition are not indebted to
contemporary art, I’ve re-placed them within an art system, and it’s from that place
that I observe them and re-show them. This is in order to touch all kinds of public,
including the art public. I think that it’s my goal, as curator, to bring these forms of the
past back to the surface, not in a morbid archaeological logic, but to see how they can
once again act and create relations, and awaken consciousness and desire. This, in any
event, is how they act on me. These days, people are very suspicious of “militant” art,
because we’re acquainted with the contradictions, dead ends and shortcomings it’s
given rise to in past generations. Somewhere between aesthetics and politics, there’s a
lengthy history of dashed hopes and mutual betrayals, which has sometimes left a
bitter taste. But there have been moments when political radicalness is associated with
a formal radicalness, in a shared intensity that’s bolstered both. It has to be admitted,
furthermore, that some contradictions are beautiful, dignified and fruitful, whether
they involve artists or activists. In the late 1960s, in a very direct way, Jean-Luc
Godard expressed these dead ends and these contradictions, somewhere between the
sublime and the ridiculous, even before the Dziga Vertov group was created.
Is it the same type of contradictions that inform the career of a curator when he
moves from defending a militant, underground, popular scene to the
programming of a space that’s very representative of the present-day ascendancy
of major brands in the contemporary art scene, in this instance the Verrière
Hermès in Brussels, where you’re the curator?
First of all, it’s different, because I don’t regard these exhibitions as resulting from a
militant act, but from a curatorial horizon. What’s more, I see my different activities as
complementary involvements within contemporary art, which, if well negotiated, can
nurture each other. Contexts of display which are albeit distant are not watertight. For
example, Nil Yalter, a feminist artist involved with political and social as well as
formal issues, who was there in the Seine-Saint-Denis shows, is being invited for a
solo show at La Verrière in autumn 2015. That venue enables me to offer artists means
of production and longer working time-frames for at times risky experiments which
will subsequently be able to exist in other contexts. Being in a position to be involved
on different scales, in different time-frames and different formats, and in different
economic contexts, while at the same time trying to remain critically intense,
demanding, and curatorially free, is a chance I’ve been offered. I even think that these
challenges interested the Fondation Hermès when they contacted me. A certain
responsibility is implicit, and making sure of the integrity of one’s curatorial project,
but such demands always exist, for every project, be it in public institutions, or private
ones.
1 “Formes de lutte et lutte de formes – Pièges du formatage ou promesses de la
forme?” / Coordinators : Jean-Louis Comolli, Patrick Leboutte, Marie-José Mondzain.
http://www.vacarme.org/IMG/doc/Formes_de_lutte_et_lutte_de_formes.doc
2 Hémisphère gauche. Une cartographie des nouvelles pensées critiques, Paris, La
Découverte, coll. Zones, 2010.
Jean-Luc Moulène
Au premier plan / Front : Cigarettes
Courtesy Jean-Luc Moulène.
Au mur / On the wall :
La Cartouche de Pantinoises Usine des Tabacs de Pantin, SEITA, 1982-1983, de la série / from the série : 39 objets de grève,
1999. Collection départementale d’art contemporain de la Seine-Saint-Denis © ADAGP
Chapelle vidéo 7 : “MA’AMINIM (les croyants)” , Musése d’Art et d’Histoire, SaintDenis, from 5 December 2014 to 9 February 2015. With works by: Djouhra Abouda,
Karel Appel, Werner Bischoff, Alain Bonnamy, Atelier Fabrizi, Neil Beloufa, Bérurier
Noir, Claude Blanchet, Gérald Bloncourt, Canan Çoker, Michèle Collery, F. Coudert,
C. Filion, Michel Fleurmont, Jean-Pierre Gallèpe, Gasquet, Kiki Picasso, Ladislas
Kijno, Jean Kiras, Georges Lavroff, Jean-Partick Lebel, Yves Lorant, Chris Marker,
Mohamed Mazouni, Sergueï Merkuroff, Anaïs Prosaic, Salah Sadaoui, Jean-Claude
Sée, Orhan Taylan, Yusuf Taktak, João Silverio Trevisàn, Philippe Truchet, JeanGabriel Périot, Nil Yalter.
Chapelle Vidéo 8 : “Or il fut un temps passé où le futur était présent”, Musée d’Art et
d’Histoire, Saint-Denis, from 27 March to 4 May 2015. With works by: Archives
Getaway, Jean Amblard, Philippe Artières, Yto Barrada, Bernard Bazile, Michel
Carrier & Jean-Louis Lorenzi, François Chardeaux, Collectif Cinélutte, Henri Fabiani,
Harun Farocki, Valentine Hugo, Jean-Patrick Lebel, Jean Lefaux, Jean-Luc Moulène,
Bruno Muel, Alain Nahum, F.W. Murnau, Matthieu Saladin, Paul Seban, Miroslav
Sebestik, Jean-Pierre Thorn, Toyen, René Vautier, Marie Voignier.