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02 http://www.zerodeux.fr Guillaume Désanges interviewé par Patrice Joly Scroll down for English text Invité par le musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis au sein du programme Chapelle Vidéo, Guillaume Désanges a produit une exposition en deux volets intitulée « Ma’aminim » dont le second, « Or il fut un temps passé où le futur était présent », vient de s’achever. Plutôt que de s’en tenir à une mise en valeur des riches collections du fonds départemental, le commissaire a préféré piocher dans le vaste réservoir de productions en tous genres que recèle le territoire ô combien « rouge » de la petite couronne, fortement marqué par les mouvements sociaux qui ont rythmé son histoire. Il en résulte une proposition qui fait la part belle aux documents et aux œuvres filmiques tout en ménageant une large place aux nouvelles formes d’engagement et à leurs pendants artistiques. Le parti pris déambulatoire de l’exposition qui offre aux visiteurs le loisir de se promener à l’intérieur d’une diversité de formes et de formats ne laisse pas d’interroger la persistance et l’évolution des esthétiques de la lutte, leur relatif déclin ou leur capacité à se réinventer. Entretien avec un curateur qui se garde de toute propension à la nostalgie et qui, au contraire, préfère appréhender le devenir de ces formes sous un angle résolument critique et prospectif. Pouvez-nous nous dire comment est né ce projet autour de l’histoire des luttes politiques et de leur archivage filmique, amateur et / ou autre ? Le contexte pour le moins marqué socialement de la Seine Saint-Denis en est-il à l’origine ? Ce projet est né d’une commande de la Seine-Saint-Denis de réaliser une exposition avec leur collection d’art vidéo. En réponse, je leur ai fait une contre-proposition plus intuitive, qui était de travailler des formes militantes, liées aux luttes politiques et sociales du vingtième siècle, en cherchant, localement et ailleurs, pas seulement des films, mais aussi des œuvres et des documents. Bien entendu le contexte spécifique du 93 était inspirant : je connaissais déjà la Seine-Saint-Denis pour y avoir travaillé plusieurs années et l’existence d’œuvres du réalisme socialiste français, plutôt rares, qui m’avaient intéressé. À partir de là, j’ai démarré « à l’aveugle », sans idées précises de ce que j’allais trouver, ni même chercher, à partir de fonds institutionnels (Parti Communiste Français, CGT, Musée d’Art et d’Histoire, musée de l’Histoire vivante, Archives départementales du 93, Institut CGT d’Histoire Sociale) mais aussi privés (le fonds SLON/ISKRA créé par Chris Marker et Inger Servolin) et beaucoup d’autres sources qui m’ont permis de composer librement ces deux expositions. Le propos était de figurer des interactions multiples entre industrie, immigration, luttes sociales, urbanisme et situation postcoloniale dans une sorte de rythme cyclique passant d’élans idéalistes à des humeurs crépusculaires. Le caractère cyclique des luttes auquel vous faites référence dans le texte de présentation fait état d’une récurrence des mouvements sociaux. Cette temporalité n’est-elle pas en train de disparaître suite à l’essor récent du néolibéralisme, à la perte d’influence des syndicats, au déclin de la culture ouvrière et au désintéressement de la population pour les conflits sociaux, voire à leur rejet intégral ? Je pense que les énergies de la lutte sociale, peut-être parfois un peu assoupies, restent prêtes à se réactiver et à se réincarner dans des formes nouvelles à chaque génération. Je ne crois pas que ces forces-là s’arrêtent, même s’il y a eu dans l’histoire des moments d’action collective particulièrement actifs et visibles. Il ne faut pas être nostalgique mais plutôt les observer pour en désigner les possibilités de renaissance. Par ailleurs, les syndicats et les forces politiques n’ont pas l’apanage de la lutte. C’est pourquoi, dans l’exposition, il y a beaucoup d’objets issus de mouvements autonomes, et même parfois non directement politiques, de Kiki Picasso aux altermondialistes en passant par les Bérurier Noir. Ce faisant, c’est une résistance avec un grand R, pas une « résistance à » mais une résistance tout court, intransitive, globale, qui domine ces expositions. Une élection prioritaire de la lutte plus qu’une sélection de luttes prioritaires. Vues de l’exposition / Views of the exhibition : « Or il fut un temps où le passé était présent », Chapelle Vidéo 2015, Saint-Denis, musée d’art et d’histoire. Photo : Christophe Delory. © Christophe Delory ; Département de Seine-Saint-Denis. Il y a cependant un fort sentiment de nostalgie qui se dégage de l’exposition « Or il fut un temps passé où le futur était présent », comme si la grande époque de la lutte (ou de la Résistance) — avec tout le lyrisme et l’expressionnisme qui l’accompagnent — était un peu derrière nous, mais peut-être que la présence de nombreuses archives filmiques (noir et blanc oblige) accentue cette impression. Quelle place avez-vous donnée aux mouvements plus proches et aux médiums qui leur correspondent (les films réalisés avec des smartphones, la présence des réseaux sociaux, etc.) ? Il y a une période, relativement limitée entre la fin des années 1960 et le début des années 1980, où le cinéma militant a traversé une phase collective qui a donné des formes particulièrement fortes, à la fois poétiques et politiques, et où, comme l’a dit si justement Patrick Leboutte, « les formes de luttes » sont inséparables de « luttes de formes »[1]. Il est vrai que cette période fascinante constitue le cœur des deux expositions, dû au contenu des archives que j’avais à disposition et à la difficulté de trouver aujourd’hui un tel souffle brûlant à la croisée des terrains politiques et esthétiques. Maintenant, j’espère que l’on peut regarder ces formes sans nostalgie (c’est précisément ce que j’ai voulu éviter), mais plutôt de manière critique et spéculative. À savoir, tenter de voir ce que sont devenus ces questionnements et s’il y a un moyen de les réactiver pour les sens et l’intelligence d’aujourd’hui. La présence de Jean-Gabriel Périot, un cinéaste contemporain qui invoque la forme des « cinétracts » en les actualisant, un peu à la manière dont le penseur libanais Jalal Toufic dit qu’il faut ressusciter le document même s’il est encore présent, ou du collectif Getaway qui va explorer certains angles morts de l’histoire en statuant que « d’autres passés sont possibles », vont, il me semble dans ce sens. Plutôt que la nostalgie, je ne cacherai pas que c’est un certain sentiment d’amertume, de fièvre « noire » et de mauvais présage que j’ai tenté de figurer dans la seconde exposition de manière métaphorique, avec la présence de Soleil Noir de Jean-Luc Moulène, les nuées formidables d’oiseau migrateurs extraites du Bruit du canon de Marie Voignier ou les peintures inquiétantes de Toyen et Jean Amblard. Dans le texte de présentation de « Ma’aminim », vous dites que les mouvements sociaux doivent s’incarner dans une esthétique, faute de quoi ils se retrouvent orphelins et risquent de manquer leur objectif, de se déliter. Dans « Or il fut un temps où le futur était présent », l’exposition se pratique plus comme une déambulation libre à travers un choix de documents à activer soi-même que comme une exposition classique avec un itinéraire balisé. Cet aspect « à la carte » renvoie à l’atomisation des mouvements de « résistance », à leur extrême diversité. Cela dit, cette approche pointe également le problème d’une unité esthétique : il est difficile de percevoir dans le présent de la lutte cette unité que vous estimez nécessaire à son identification et, par-delà, à sa reconnaissance. La comparaison avec les archives cinématographiques qui abondent dans l’exposition met en lumière cet état de fait. Peut-on parler de crise de la représentation ? Les mouvements politiques s’incarnent dans des esthétiques qui sont diverses, même s’il y a eu en effet des moments de grâce où l’action et la réflexion, parce qu’elles étaient collectives, ont produit des formes reconnaissables. C’est par exemple le cas des films distribués par SLON/ISKRA, dont certains, bien que réalisés par des auteurs différents, usent d’une grammaire filmique commune, dans une esthétique de l’urgence et de l’efficacité proche des magnifiques « cinétracts ». C’est aussi le cas d’un certain type de montages à la fois pop et violents qu’on trouve en Amérique latine, chez Fernando Solanas, mais aussi dans ce film rare de João Trevisan montré dans l’exposition, et retrouvé grâce à Catherine Roudé. Alors oui, il semble que ces principes collectifs qui envisageaient une remise en cause à la fois des esthétiques, des moyens de production et des modes de distribution du cinéma ont disparu à cette échelle. Crise de la représentation je ne sais pas, mais atomisation certainement. J’aime penser l’histoire de la représentation des luttes politiques après les années 1960 sous la forme de l’« anabase », une sorte de retour parfois erratique d’un front de guerre perdu où différents groupes prennent des chemins divergents après le grand rassemblement. C’est d’ailleurs un peu la thèse du livre de Razmig Keucheyan, Hémisphère gauche2, qui m’a beaucoup intéressé. Curatorialement, j’ai parié sur une continuité organique de ces manifestations hétérogènes sous le règne de la croyance. Ce qui est montré est une famille « recomposée » qui expose des tensions et dessine une nébuleuse cognitive et affective plus qu’une grille analytique ou esthétique. Comme dans toute exposition collective, il y a pour moi un ordre poétique et narratif plus que discursif à l’œuvre, d’où cette idée de déambulation libre, de liens invisibles et de ruptures formelles. N’avez vous pas tenté avec ces deux expositions de réactiver la dimension politique au sein de l’art (contemporain) ? Se réclamer de ce passé n’est-il pas la meilleure manière de tenter de réinjecter de la politique sur une scène d’où elle s’est largement absentée, du moins dans ses formes les plus frontales ? Oui, c’est une motivation subliminale de ce programme : tenter, en convoquant ces formes militantes, de réactiver des désirs et des passions pour ces questions au sein de l’art. Car si la plupart des films et objets montrés dans l’exposition ne sont pas redevables de l’art contemporain, c’est dans un régime de l’art que je les ai replacés, et c’est de cet endroit que je les observe et les remontre. Ceci afin de toucher tous les publics, y compris celui de l’art. Je pense que c’est mon objectif en tant que commissaire de faire remonter à la surface ces formes du passé, non pas dans une logique archéologique morbide mais pour voir comment elles peuvent de nouveau agir et créer des relations, éveiller des consciences et des désirs. C’est en tout cas ainsi qu’elles agissent sur moi. On se méfie beaucoup aujourd’hui de l’art « militant », car on sait les contradictions, les impasses et les insuffisances qu’il a suscité au sein des générations passées. Entre esthétique et politique, il y a une longue histoire d’espoirs déçus et de trahisons réciproques, qui a laissé parfois un goût amer. Pourtant, il y a eu des moments où la radicalité politique était associée à une radicalité formelle, dans une intensité commune qui renforçait l’une et l’autre. Par ailleurs, il faut admettre que certaines contradictions sont belles, dignes et fécondes, que ce soient celles des artistes ou celles des militants. Jean-Luc Godard exprime très frontalement ces impasses et ces apories, entre sublime et ridicule, dès la fin des années 1960, avant même la création du groupe Dziga Vertov. Vue de l’exposition / View of the exhibition : « Or il fut un temps où le passé était présent », Chapelle Vidéo 2015, SaintDenis, musée d’art et d’histoire. Photo : Christophe Delory. © Christophe Delory ; Département de Seine-Saint-Denis Est-ce le même type de contradictions qui anime la carrière d’un curateur quand il passe de la défense d’une scène militante, underground, populaire, à la programmation d’un espace très représentatif de l’emprise actuelle des grandes marques sur la scène de l’art contemporain, en l’occurrence celui de la Verrière Hermès à Bruxelles dont vous assurez le commissariat ? C’est différent, d’abord, car je ne considère pas ces expositions comme relevant d’un acte militant, mais d’un horizon curatorial. Par ailleurs, je vois mes différentes activités comme des compléments d’engagement au sein de l’art contemporain qui, s’ils sont bien négociés, peuvent se nourrir l’un l’autre. Des contextes de monstration certes éloignés ne sont pas étanches. Par exemple, Nil Yalter, artiste féministe engagée dans des questions politiques et sociales aussi bien que formelles et qui était présente dans les expositions de Seine-Saint-Denis est invitée pour un solo à la Verrière à la rentrée 2015. Ce lieu me permet d’offrir aux artistes des moyens de production et des temporalités de travail plus longues pour des expériences, parfois risquées, qui pourront par la suite exister dans d’autres contextes. Pouvoir s’engager à différentes échelles, différentes temporalités, différents formats, dans divers contextes économiques tout en tâchant de garder une intensité critique, une exigence et une liberté curatoriale, est une chance que l’on m’a donnée. Je crois même que ces enjeux ont intéressé la Fondation Hermès lorsqu’elle m’a contacté. Elle implique une certaine responsabilité et une vigilance pour assurer l’intégrité de son projet curatorial, mais cette exigence existe toujours, pour chaque projet, aussi bien dans l’institution publique que privée. 1 « Formes de lutte et lutte de formes – Pièges du formatage ou promesses de la forme? » / Coordinateurs : Jean-Louis Comolli, Patrick Leboutte, Marie-José Mondzain. http://www.vacarme.org/IMG/doc/Formes_de_lutte_et_lutte_de_formes.doc 2 Hémisphère gauche. Une cartographie des nouvelles pensées critiques, Paris, La Découverte, coll. Zones, 2010. Chapelle vidéo 7 : « MA’AMINIM (les croyants) », Musée d’Art et d’Histoire, SaintDenis, du 5 décembre 2014 au 9 février 2015. Avec les œuvres de : Djouhra Abouda, Karel Appel, Werner Bischoff, Alain Bonnamy, Atelier Fabrizi, Neil Beloufa, Bérurier Noir, Claude Blanchet, Gérald Bloncourt, Canan Çoker, Michèle Collery, F. Coudert, C. Filion, Michel Fleurmont, Jean-Pierre Gallèpe, Gasquet, Kiki Picasso, Ladislas Kijno, Jean Kiras, Georges Lavroff, Jean-Partick Lebel, Yves Lorant, Chris Marker, Mohamed Mazouni, Sergueï Merkuroff, Anaïs Prosaic, Salah Sadaoui, Jean-Claude Sée, Orhan Taylan, Yusuf Taktak, João Silverio Trevisàn, Philippe Truchet, JeanGabriel Périot, Nil Yalter. Chapelle Vidéo 8 : « Or il fut un temps passé où le futur était présent », Musée d’Art et d’Histoire, Saint-Denis, du 27 mars au 4 mai 2015. Avec les œuvres de : Archives Getaway, Jean Amblard, Philippe Artières, Yto Barrada, Bernard Bazile, Michel Carrier & Jean-Louis Lorenzi, François Chardeaux, Collectif Cinélutte, Henri Fabiani, Harun Farocki, Valentine Hugo, Jean-Patrick Lebel, Jean Lefaux, Jean-Luc Moulène, Bruno Muel, Alain Nahum, F.W. Murnau, Matthieu Saladin, Paul Seban, Miroslav Sebestik, Jean-Pierre Thorn, Toyen, René Vautier, Marie Voignier. Guillaume Désanges in conversation with Patrice Joly At the invitation of the Museum of Art and History in Saint-Denis, as part of the Chapelle Vidéo programme, Guillaume Désanges has come up with a two-part exhibition titled “Ma’aminim”, whose second part, “Or il fut un temps passé où le futur était present” [There was a past time where the future was present], has just been completed. Rather than confine himself to highlighting the rich collections of the departmental art fund, the curator has preferred to delve into the vast trove of works of all sorts contained in the oh-so-“red” territory of the suburbs adjacent to and ringing Paris, greatly marked by the social movements which have marked their history. The result is a proposal which gives pride of place to documents and films, while at the same time making plenty of room for new forms of commitment and their artistic counterparts. The exhibition, offering visitors a chance to walk at their leisure inside a diverse range of forms and formats, questions the persistence and development of the aesthetics of the struggle, together with their relative decline and their capacity for reinvention. There follows an interview with a curator who is wary of any inclination to nostalgia, and who, on the contrary, prefers to grasp the future making of these forms from a decidedly critical and forward-looking angle. Could you tell us how this project about the history of political struggles and their recording on film, amateur and/or other, came into being? Does the context of Seine-Saint-Denis, which, to say the least, has a distinct social element, lie at the root of it? This project is the result of a commission from Seine-Saint-Denis to put on an exhibition using their video art collection. In response to it, I made them a more intuitive counter-proposal working with militant forms, associated with the political and social struggles of the 20th century, and seeking out, both locally and elsewhere, not only films, but other works and documents, too. Needless to say, the specific “93” context [93 being the number of the Seine-Saint-Denis département] was inspiring. I was already acquainted with Seine-Saint-Denis by having worked there for several years, and I knew about the existence, for example, of somewhat rare works of French social realism, which I’d found interesting. Based on that, I started out “blindfold”, without any precise ideas about what I might find, or even look for, using institutional collections (the French Communist Party, the CGT trade union, the Museum of Art and History, the Museum of Living History, the “93” Departmental Archives, the CGT Institute of Social History) but also private collections ( the SLON/ISKRA fund created by Chris Marker and Inger Servolin) and lots of other sources which enabled me to put together these two shows the way I wanted to. The idea was to feature the many different interactions between industry, immigration, social struggles, urban development, and the post-colonial situation, in a kind of cyclical rhythm, shifting from idealistic outbursts to twilight moods. The cyclical character of the struggles you refer to in the introductory essay describes a recurrence of social movements. Isn’t this time-frame in the process of disappearing following the recent upsurge of neo-liberalism, the trade unions’ loss of influence, the decline of working-class culture, and people’s lack of interest in social conflicts, not to say their complete rejection of them? I think that the energies of the social struggle, which may perhaps have become a little dulled at times, are still ready to be rekindled and reincarnated in new forms with every generation. I don’t think that these particular forces just come to a standstill, even if history has seen certain especially active and visible moments of collective action. We mustn’t be nostalgic; rather, we must take a look at those moments to detect further possibilities of revival. What’s more, trade unions and political forces don’t have a monopoly on the struggle. This is why, in the exhibition, there are lots of objects hailing from autonomous movements, which, at times, are not even directly political, from Kiki Picasso to the anti-globalists, by way of the Bérurier Noir punk band. As such, there’s a resistance with a capital R, not “resistance to”, but just resistance, period, intransitive and global, which dominates these exhibitions. A priority election of struggle rather than a selection of priority struggles. Vues de l’exposition / Views of the exhibition : « Or il fut un temps où le passé était présent », Chapelle Vidéo 2015, Saint-Denis, musée d’art et d’histoire. Photo : Christophe Delory. © Christophe Delory ; Département de Seine-Saint-Denis. There is, nevertheless, a powerful sense of nostalgia released by the exhibition “Or il fut un temps passé où le futur était present”, as if the great age of struggle (or Resistance)—with all the lyricism and expressionism going hand-in-hand with it—was a bit behind us, but perhaps the presence of many film archives (blackand-white oblige) heightens this impression. What place have you given to movements closer to us, and to the media which correspond to them (films made with smartphones, the presence of social networks, and so on)? There was a relatively limited period between the end of the 1960s and the early 1980s when militant cinema went through a collective phase which produced particularly powerful forms, both poetic and political, and during which, as Patrick Leboutte has so rightly put it, “forms of struggles” are inseparable from “struggles of forms”.1 It’s true that that fascinating period forms the core of the two shows, because of the content of the archives I had at my disposal, and the difficulty, nowadays, of finding such an impassioned spirit at the crossroads of the political and aesthetic arenas. Now I hope that it’s possible to look at those forms without any nostalgia (that’s precisely what I was keen to avoid), but rather in a critical and speculative way. Meaning, trying to see what has become of those questions, and whether there’s a way of rekindling them for today’s senses and intelligence. The presence of Jean-Gabriel Périot, a contemporary film-maker who refers to the form of “cinetracts” by updating them, a bit like the Lebanese thinker Jafal Toufic saying that it’s important to revive the document itself, if it’s still present, and the Getaway collective exploring certain blind spots of history and pronouncing that “other pasts are possible”, are all heading in this direction, it seems to me. Rather than nostalgia, I won’t hide the fact that there’s a certain feeling of bitterness, “dark” fever and ill omen that I’ve tried to portray in the second show in a metaphorical way, with the presence of Jean-Luc Moulène’s Soleil Noir, Marie Voignier’s tremendous swarms of migrating birds in Le bruit du canon, and the disquieting paintings of Toyen and Jean Amblard. In the introductory essay for “Ma’aminin”, you say that social movements should be incarnated in an aesthetic, without which they end up orphaned and risk missing their target, and crumbling. In “Or il fut un temps passé où le futur était present”, the exhibition comes across more like an unrestricted stroll through a selection of documents to be activated by yourself, rather than like a classic show with a well marked out itinerary. This flexible “à la carte”-like aspect refers to the smithereening of “resistance” movements, and their extreme diversity. This said, this approach also pinpoints the problem of an aesthetic unity: in the present state of the struggle it’s hard to see that unity which you reckon to be necessary for its identification and, beyond that, its recognition. The comparison with the film archives which are plentiful in the exhibition sheds light on this state of things. Can we talk in terms of a crisis of representation? Political movements are incarnated in aesthetics which are different, even if there have in fact been moments of grace where, by being collective, action and reflection have produced recognizable forms. This is so, for example, with the films distributed by SLON/ISKRA, some of which, though made by different auteurs, make use of a common film grammar, in an aesthetics of urgency and efficiency akin to the magnificent “cinetracts”. This is also the case with a certain type of montage, at once pop and violent, to be found in South America, with Fernando Solanas, but also in that rare film by João Trevisan, on view in the exhibition, and rediscovered by Catherine Roudé. So yes, it would seem that those collective principles which saw a challenge both to aesthetics, means of production and methods of film distribution have all disappeared on that scale. Crisis of representation… I’m not sure, but a smithereening, definitely. I like thinking about the history of representing political struggles after the 1960s in the form of “anabasis”, a kind of at times erratic comeback of a lost war front where different groups take diverging paths after the great coming-together. This, incidentally, is a bit the thesis of Razmig Keucheyan’s book Hémisphère gauche,2 which I found very interesting. In a curatorial sense, I’ve betted on an organic continuity of those heterogeneous events in the reign of belief. What is shown is a family “put back together again”, which displays tensions and traces a cognitive and affective nebula rather than an analytical and aesthetic grid. As in any group show, for me there’s a poetic and narrative order at work more than a discursive one, whence this idea of unrestricted strolling, invisible links, and formal breaks. In these two shows, haven’t you tried to rekindle the political dimension within (contemporary) art? Isn’t invoking that past the best way of trying to re-inject politics into a scene which has been considerably abandoned by politics, at least in its most head-on forms? Yes, there’s a subliminal motivation behind this programme: by summoning these militant forms, trying to rekindle desires and passions for these issues within art. Because if most of the films and objects on view in the exhibition are not indebted to contemporary art, I’ve re-placed them within an art system, and it’s from that place that I observe them and re-show them. This is in order to touch all kinds of public, including the art public. I think that it’s my goal, as curator, to bring these forms of the past back to the surface, not in a morbid archaeological logic, but to see how they can once again act and create relations, and awaken consciousness and desire. This, in any event, is how they act on me. These days, people are very suspicious of “militant” art, because we’re acquainted with the contradictions, dead ends and shortcomings it’s given rise to in past generations. Somewhere between aesthetics and politics, there’s a lengthy history of dashed hopes and mutual betrayals, which has sometimes left a bitter taste. But there have been moments when political radicalness is associated with a formal radicalness, in a shared intensity that’s bolstered both. It has to be admitted, furthermore, that some contradictions are beautiful, dignified and fruitful, whether they involve artists or activists. In the late 1960s, in a very direct way, Jean-Luc Godard expressed these dead ends and these contradictions, somewhere between the sublime and the ridiculous, even before the Dziga Vertov group was created. Is it the same type of contradictions that inform the career of a curator when he moves from defending a militant, underground, popular scene to the programming of a space that’s very representative of the present-day ascendancy of major brands in the contemporary art scene, in this instance the Verrière Hermès in Brussels, where you’re the curator? First of all, it’s different, because I don’t regard these exhibitions as resulting from a militant act, but from a curatorial horizon. What’s more, I see my different activities as complementary involvements within contemporary art, which, if well negotiated, can nurture each other. Contexts of display which are albeit distant are not watertight. For example, Nil Yalter, a feminist artist involved with political and social as well as formal issues, who was there in the Seine-Saint-Denis shows, is being invited for a solo show at La Verrière in autumn 2015. That venue enables me to offer artists means of production and longer working time-frames for at times risky experiments which will subsequently be able to exist in other contexts. Being in a position to be involved on different scales, in different time-frames and different formats, and in different economic contexts, while at the same time trying to remain critically intense, demanding, and curatorially free, is a chance I’ve been offered. I even think that these challenges interested the Fondation Hermès when they contacted me. A certain responsibility is implicit, and making sure of the integrity of one’s curatorial project, but such demands always exist, for every project, be it in public institutions, or private ones. 1 “Formes de lutte et lutte de formes – Pièges du formatage ou promesses de la forme?” / Coordinators : Jean-Louis Comolli, Patrick Leboutte, Marie-José Mondzain. http://www.vacarme.org/IMG/doc/Formes_de_lutte_et_lutte_de_formes.doc 2 Hémisphère gauche. Une cartographie des nouvelles pensées critiques, Paris, La Découverte, coll. Zones, 2010. Jean-Luc Moulène Au premier plan / Front : Cigarettes Courtesy Jean-Luc Moulène. Au mur / On the wall : La Cartouche de Pantinoises Usine des Tabacs de Pantin, SEITA, 1982-1983, de la série / from the série : 39 objets de grève, 1999. Collection départementale d’art contemporain de la Seine-Saint-Denis © ADAGP Chapelle vidéo 7 : “MA’AMINIM (les croyants)” , Musése d’Art et d’Histoire, SaintDenis, from 5 December 2014 to 9 February 2015. With works by: Djouhra Abouda, Karel Appel, Werner Bischoff, Alain Bonnamy, Atelier Fabrizi, Neil Beloufa, Bérurier Noir, Claude Blanchet, Gérald Bloncourt, Canan Çoker, Michèle Collery, F. Coudert, C. Filion, Michel Fleurmont, Jean-Pierre Gallèpe, Gasquet, Kiki Picasso, Ladislas Kijno, Jean Kiras, Georges Lavroff, Jean-Partick Lebel, Yves Lorant, Chris Marker, Mohamed Mazouni, Sergueï Merkuroff, Anaïs Prosaic, Salah Sadaoui, Jean-Claude Sée, Orhan Taylan, Yusuf Taktak, João Silverio Trevisàn, Philippe Truchet, JeanGabriel Périot, Nil Yalter. Chapelle Vidéo 8 : “Or il fut un temps passé où le futur était présent”, Musée d’Art et d’Histoire, Saint-Denis, from 27 March to 4 May 2015. With works by: Archives Getaway, Jean Amblard, Philippe Artières, Yto Barrada, Bernard Bazile, Michel Carrier & Jean-Louis Lorenzi, François Chardeaux, Collectif Cinélutte, Henri Fabiani, Harun Farocki, Valentine Hugo, Jean-Patrick Lebel, Jean Lefaux, Jean-Luc Moulène, Bruno Muel, Alain Nahum, F.W. Murnau, Matthieu Saladin, Paul Seban, Miroslav Sebestik, Jean-Pierre Thorn, Toyen, René Vautier, Marie Voignier.