Les négociations sur le climat : un bref retour sur l`histoire

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Les négociations sur le climat : un bref retour sur l`histoire
Flux n° 48/49 Avril - Septembre 2002
cipe d’une aide financière et technique
LE SENS DE L'ÉVÉNEMENT
aux pays en développement. Pendant la
Conférence de Rio, le principal thème
de débat concerne le choix des modalités d’action :
Les négociations sur le climat :
un bref retour sur l’histoire
- soit on s’accorde sur des engagements quantifiés de réduction des émissions répartis par pays, les États étant
libres de choisir les politiques et les
mesures nécessaires au respect des
objectifs,
- soit on instaure une taxe carboneénergie applicable aux principales
Aicha Ouharon
sources industrielles d’émission de
GES, sans fixer d’engagements quantifiés.
Ce débat s’est conclu par le retrait du
L’accord politique de Bonn, complété
par
celui
plus
technique
pays de la planète. Dans son article 2,
projet de taxe (soutenu par les pays
de
elle se propose comme objectif de
européens), à cause, d’une part, du
Marrakech, permet la mise en œuvre de
« stabiliser (…) les concentrations de
refus exprimé par les partenaires de la
plans de lutte contre l’effet de serre en
gaz à effet de serre dans l’atmosphère à
Communauté européenne (les autres
fixant les règles d’application du
un niveau qui empêche toute perturba-
pays de l’OCDE), et d’autre part, parce
Protocole de Kyoto. Ce dernier devrait
tion anthropique dangereuse du systè-
que certains industriels, représentant
entrer en vigueur en 2002. Ce résultat
me climatique. Il conviendra d’atteindre
notamment le lobby nucléaire et les sec-
est l’aboutissement d’un long proces-
ce niveau dans un délai suffisant pour
teurs grands consommateurs d’énergie,
sus de négociations que nous retraçons
que les écosystèmes puissent s’adapter
craignaient pour leur compétitivité vis-à-
dans cet article.
naturellement aux changements clima-
vis des zones exemptées. Ils étaient
tiques, que la production alimentaire ne
défavorables à l’instauration d’une nou-
De la Convention de Rio…
soit menacée et que le développement
velle taxe qui aurait accru la pression fis-
économique puisse se poursuivre d’une
cale pesant sur eux.
À partir de 1990, l’assemblée générale
manière
des Nations Unies prend l’initiative d’en-
Convention, les pays développés, dits
La seule mesure de coordination
durable ».
Avec
cette
gager des négociations internationales
de l’annexe I (les pays membres de
demeurait donc la fixation d’objectifs
de lutte contre l’effet de serre (Godard,
l’OCDE, les pays de l’Europe de l’Est et
quantifiés. À Berlin (1994), ces objectifs
1997). La première étape importante de
ceux issus de l’URSS), acceptent la for-
prendront un caractère juridiquement
ce processus de négociation est la
mulation d’objectifs quantitatifs de sta-
contraignant pour les pays développés,
Conférence de Rio de Janeiro, qui se
bilisation des émissions des gaz à effet
donnant ainsi lieu à une approche en
tient en 1992. Le résultat majeur de
de serre (GES) en 2000 par rapport au
termes de limitations quantifiées des
cette conférence est la signature de la
niveau de 1990. Les pays développés
émissions (en anglais, les « Quantified
Convention Cadre sur le changement
reconnaissent leur responsabilité histo-
Emission Limitation and Reduction
climatique (Nations Unies, 1992), qui
rique majeure dans l’augmentation des
Objectives, ou Qelros ») (Hourcade,
depuis a été ratifiée par la plupart des
émissions de GES et acceptent le prin-
1995).
100
L’approche
des
QELROS
Le sens de l’événement
conduit très naturellement à faire d’un
loppés, notamment les États-Unis, et
contre l’effet de serre, ce qui passe par
système de permis négociables l’outil
les pays hors Annexe I (Grubb et al.,
une limitation du commerce de droits
privilégié de la coordination internatio-
1999).
d’émissions. Elle craint que la flexibilité
nale (Godard et Hourcade, 1997 ;
Hourcade et Guersi, 1997 ; Grubb,
1995).
Il faut attendre 1997 pour que soient
affichée par les États-Unis ne soit qu’un
Les USA plaident pour la mise en
expédient pour ne pas respecter leurs
place d’un commerce international de
engagements de réduction des émis-
droits d’émissions afin de rendre leurs
sions au niveau domestique.
engagements plus flexibles dans l’espa-
adoptés, à l’issue de la Conférence de
ce (4) et dans le temps. Aussi, la thèse
Le conflit est aussi présent entre le
Kyoto, des objectifs de réduction des
de la flexibilité temporelle et spatiale est-
Nord et le Sud. Il oppose, en particulier,
émissions des GES provenant de la
elle devenue, lors des dernières négo-
les USA aux pays en développement,
consommation des énergies fossiles.
ciations sur le climat, une référence
notamment l’Inde et la Chine. Les USA
Les pays développés s’engagent à
incontournable pour l’étude du calen-
font valoir que les contraintes quantita-
réduire leurs émissions de GES de 6 %
drier des actions d’abattement des
tives n’ont pas de sens si les tendances
par rapport au niveau de 1990, durant la
émissions, car elle répond au problème
en cours des niveaux d’émissions des
période 2008-2012 (Grubb et al., 1999).
de définir dans le court et moyen terme
GES dans les pays du Sud ne s’inver-
Trois mécanismes économiques de
des objectifs d’abattement et des
sent pas. Ils demandent une adhésion
flexibilité sont proposés lors de cette
mesures pour y parvenir au moindre
des grands pays en développement à
conférence : le système des permis
coût. Pour les Américains (et le reste du
des engagements de réduction des
d’émission négociables (1), l’application
groupe de l’Ombrelle), les permis négo-
émissions, et la définition de règles, les
conjointe (AC) (2), le mécanisme de
ciables sont présentés comme le
moins
développement propre (MDP) (3). La
meilleur instrument car ils peuvent sti-
d’échange de permis d’émission. Ils
mise en place de ces instruments (rôle,
muler la dynamique des entreprises (l’in-
proposent que l’application conjointe
fonctionnement, etc.) fait l’objet de vives
novation grâce à la recherche et le
soit l’instrument qui intègre les pays du
discussions entre les pays.
développement) et assurer une minimi-
Sud dans l’effort international de réduc-
sation des coûts d’abattement en per-
tion des émissions des GES. Les pays
Un déroulement conflictuel de la
mettant une allocation optimale des
en développement, n’ayant pas pris
conférence de Kyoto
efforts. Il est, par ailleurs, considéré
jusque-là d’engagements quantifiés,
La Conférence de Kyoto a été la scène
contraignantes
possibles,
comme l’outil privilégié de la coordina-
rejettent cette proposition en renvoyant
tion internationale, car il permet aux
la responsabilité historique du réchauf-
d’affrontements portant, d’une part, sur
États, devant des évolutions d’émission
fement climatique aux pays développés.
la définition du système de permis
difficilement prévisibles, de disposer
Du reste, lors de la conférence de
négociables, et d’autre part sur la mise
d’une certaine flexibilité (Godard et
Kyoto, les mécanismes de flexibilité ont
en place de mécanismes susceptibles
Hourcade, 1997).
failli être rejeté par les pays en dévelop-
d’intéresser les pays en développement
à participer à l’effort de réduction des
pement, car ils n’ont pas été accompaL’Union européenne est plutôt favo-
gnés de règles permettant de contrôler
émissions des GES. Le premier conflit
rable à l’établissement d’un plafond limi-
la réalité des réductions (5). Pour ne pas
oppose l’Union européenne au groupe
tant l’usage des mécanismes de flexibi-
risquer le veto de l’Inde ou de la Chine,
dit de l’Ombrelle (États-Unis, Canada,
lité. Elle souhaite consolider les engage-
il a fallu alors créer un mécanisme ad
Nouvelle Zélande, Australie, Norvège,
ments de Kyoto au travers d’une obliga-
hoc pour les pays en développement à
Russie, Japon). Le deuxième conflit
tion des pays de l’Annexe I à mettre en
savoir, le mécanisme de développement
concerne principalement les pays déve-
œuvre des politiques nationales de lutte
propre (Grubb, 1999).
101
Flux n° 48/49 Avril - Septembre 2002
Un autre point de désaccord entre le
Nord et le Sud concerne l’établissement
d’accès des êtres humains au bien
mécanismes sous prétexte qu’elle
commun ? (Godard, 1999 )(7).
entrave l’efficacité économique de leur
du marché international des droits
d’émission. Le débat sur la nature des
libre-échange. Le Groupe des 77
L’échec de La Haye
droits d’émission et sur l’équité de leur
répartition est considéré par les pays en
demande que les pays industrialisés
s’engagent dans un effort domestique
Le protocole de Kyoto est adopté, mais
de réductions des émissions encore
développement comme un préalable à
laisse en suspens un certain nombre de
plus important du fait de leur responsa-
tout accord sur les règles de fonction-
controverses sur les modalités d’appli-
bilité historique majeure dans le réchauf-
nement du marché. L’Inde, le pays le
cation des mécanismes (les permis
fement du climat.
plus influent dans le groupe des 77 (l’es-
d’émission, l’application conjointe et le
sentiel des pays du Sud), et la Chine,
mécanisme propre de développement)
Le deuxième élément de discorde
soulèvent la question du « droit à
pour les conférences suivantes. La
concerne les puits de carbone. On
l’échange », à savoir des bases légales
Conférence de Buenos Aires (COP-
désigne par puits de carbone une entité
donnant accès au marché des permis.
4) (8), en novembre 1998, était suppo-
capable de fixer le dioxyde de carbone
La Conférence de Rio, aussi bien que le
sée préciser ces modalités. Elle a seule-
présent dans l’atmosphère. Au sens du
Protocole de Kyoto, prennent comme
ment réussi à permettre l’adoption d’un
Protocole de Kyoto, il faut l’entendre
référence le statu quo du niveau d’émis-
plan d’action, reportant à La Haye l’ac-
comme le développement par l’homme
sion, mais aucune règle, établissant une
cord final pour définir les détails du
de programmes d’affectations des
allocation de droits d’émission, n’est
Protocole de Kyoto. À La Haye, en
terres et de foresterie permettant de
fixée. L’Inde propose le principe d’une
novembre 2000, les différences entre
fixer du carbone dans la biomasse (ges-
répartition des droits d’émissions par
les Parties sur la manière de mettre en
tion des forêts, des terres cultivées et
tête. Elle suggère que des objectifs de
place l’accord de Kyoto étaient si nom-
des pâturages et régénération du cou-
convergence à long terme des niveaux
breuses et si substantielles que l’échec
vert végétal). Ils sont ainsi considérés
de droits d’émissions par tête soient
est devenu inévitable. La Conférence a
comme un mécanisme indirect de flexi-
définis pour l’ensemble des pays de la
été clôturée sans que l’on parvienne à
bilité du Protocole, puisqu’ils permettent
planète. D’autres formules sont propo-
un accord. Le blocage s’est cristallisé
à certaines Parties de vendre des droits
sées pour définir une répartition initiale
autour de quatre thèmes de discorde :
à émettre des GES pour un volume
des quotas, qui font à la fois référence
les mécanismes de Kyoto, les puits de
équivalent à celui que leurs puits absor-
au critère d’équité et d’efficacité (6). Les
carbone, l’observance, l’aide aux pays
bent. S’il y a consensus général sur la
critères, se basant sur une date de réfé-
en développement. Tout d’abord, bien
prise en compte des puits issus de la
rence, la population, le PIB, essayent de
que toutes les Parties admettent que les
gestion forestière, une forte opposition
répondre respectivement aux questions
mécanismes doivent être « supplémen-
s’installe entre l’Union européenne et le
suivantes : les émissions du passé
taires » aux mesures domestiques, leur
groupe de l’Ombrelle sur le reste des
créent-elles des responsabilités particu-
désaccord demeure sur la nature de la
puits de carbone, à savoir ceux issus
lières ou correspondent-elles à des
proportion dans laquelle se combinent
des terres cultivées et des pâturages.
droits acquis ? L’activité économique,
les deux instruments de lutte contre
Au regard des incertitudes dont est
mesurée par le PIB, définit-elle une
l’augmentation de l’effet de serre.
empreint le calcul des puits en général
capacité d’agir supérieure ou implique-
L’Union européenne préconise l’établis-
et en particulier celles concernant ces
t-elle des besoins plus élevés ? Une
sement d’un plafond quantitatif limitant
dernières activités, l’Union européenne
allocation aux États, proportionnelle à
l’usage des mécanismes de flexibilité.
demande qu’ils ne soient pas compta-
leur population ne serait-elle pas plus
En revanche, le groupe de l’Ombrelle
bilisés durant la première période d’en-
équitable, permettant ainsi une égalité
refuse toute limite quantitative à ces
gagement. En revanche, le groupe de
102
Le sens de l’événement
l’Ombrelle en exige une prise en comp-
un dommage sérieux à l’économie
conférence de Marrakech aboutit à un
te extensive.
américaine, et qu’il exclut de l’effort de
compromis, laissant ainsi de bonnes
lutte contre l’effet de serre les pays en
chances que le Protocole puisse entrer
Le dessein du système d’observan-
développement dont certains sont des
en vigueur. L’essentiel de ce compromis
ce est lui aussi une source de division.
pollueurs importants. Cela va de soi que
peut être résumé comme suit.
L’observance est le dispositif de contrô-
ce retrait unilatéral affaiblit l’avenir du
le de conformité aux engagements et de
Protocole car les États-Unis sont le pre-
Les mécanismes de Kyoto
sanctions. De ce dispositif dépendent
mier émetteur mondial de GES.
Tout d’abord, concernant la supplé-
…aux accords de Bonn et de
Marrakech
tiques et les mécanismes de flexibilité,
l’efficacité économique et l’intégrité
environnementale résultant de l’utilisation des mécanismes. L’Union euro-
mentarité entre les mesures domesl’Union européenne a dû céder au grou-
péenne est favorable à un système
pe de l’Ombrelle en acceptant le com-
d’observance sévère, le groupe de
Malgré le retrait des États-Unis, la COP-
promis privilégiant une limite qualitative.
l’Ombrelle est plutôt pour une version
6 bis se tient à Bonn, en juillet 2001, et
En effet, l’accord suggère que les pays
« molle » de celui-ci. La composition du
quelques 180 pays parviennent à un
doivent utiliser d’une manière « impor-
comité d’évaluation ne fait pas non plus
accord politique. Celui-ci trouve sa tra-
tante » les mesures nationales de
l’unanimité.
duction juridique lors de la conférence
réduction des émissions des GES.
de Marrakech (COP-7), en novembre
Enfin, le groupe des 77 revendique
2001. Le résultat majeur de l’accord de
Toute Partie de l’Annexe I doit dis-
l’établissement de fonds pour concréti-
Bonn est ainsi le triomphe du multilaté-
poser d’une réserve minimale de titres
ser l’aide aux pays en développement
ralisme dans le domaine du change-
s’élevant à 90 % de son quota d’émis-
les plus vulnérables, face au change-
ment climatique. Deux éléments décou-
sion. Cette réserve pour la période
ment climatique, la mise en place de
lent de la décision des États-Unis.
d’engagement est nécessaire pour se
transfert de technologies et de savoir-
D’une part, l’Union européenne prend
prémunir
contre
le
risque
de
faire viables du point de vue environne-
un rôle de leadership dans les négocia-
« survente » et donc pour respecter l’in-
mental et la compensation des pays
tions sur le climat. D’autre part, le reste
tégrité environnementale des engage-
producteurs d’énergie fossile suscep-
du groupe de l’Ombrelle se trouve
ments. Les Parties de l’annexe I peu-
tibles de subir d’une manière significati-
désormais dans une situation plus
vent sans limite mettre en réserve pour
ve les répercussions négatives de
avantageuse
des
les périodes d’engagements ultérieures
mesures de lutte contre l’augmentation
concessions. En effet, afin d’atteindre le
les quotas d’émission dont elles n’ont
de l’effet de serre sur leur économie.
seuil des 55 % des émissions pour que
pas eu besoin pour s’acquitter de leurs
le Protocole soit ratifié, la participation
engagements durant la première pério-
pour
demander
Le retrait des États-Unis
de l’Union européenne, de la Russie et
de. La mise en réserve des réductions
Après l’échec de la conférence de La
du Japon devient nécessaire.
des émissions et des réductions certi-
Haye, le Président des États-Unis
fiées des émissions issues respective-
annonce officiellement, en mars 2001,
À Bonn et Marrakech, les questions,
ment de l’application conjointe et des
que son pays ne ratifiera pas le
qui avaient fait avorter l’accord de La
mécanismes de développement propre
Protocole de Kyoto. Il justifie son retrait
Haye, sont ajournées, à savoir : les
est limitée à 2,5 % des quotas initiaux
en argumentant que le réchauffement
mécanismes de Kyoto, les puits de car-
attribués à une Partie. Les crédits retirés
climatique demeure un problème scien-
bone, l’observance, le transfert techno-
des puits de carbone dans les pays de
tifique hautement incertain, qu’en outre,
logique et l’aide financière aux pays en
l’annexe I ne sont comptabilisés que
le Protocole de Kyoto pourra provoquer
développement. Sur tous ces points, la
pendant la période d’engagement où ils
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ont été générés et ne peuvent être mis
méthodologie de comptabilité des cré-
Le Japon, la Russie et l’Australie ont
en réserve pour les périodes d’engage-
dits qui s’ajouteront aux quantités
refusé de se plier à ce dispositif. Par
ment suivantes. Toutefois, cette limita-
d’émissions qui leur sont attribuées. En
conséquent, les Parties ont dû repous-
tion a peu de conséquences pratiques
plus des projets domestiques ou réali-
ser l’adoption d’un régime d’observan-
car les différents titres d’émission sont
sés via la mise en œuvre conjointe
ce contraignant à une prochaine
interchangeables. En effet, les accords
(MOC), les projets de boisement et de
échéance, lors de la réunion de la
de Marrakech établissent une totale
reboisement sont considérés comme
COP/MOP 1 (9). Si le mécanisme de
fongibilité entre les titres d’émission,
éligibles au sein du Mécanisme de
contrôle est adopté par la COP/MOP 1
c’est-à-dire une Partie de l’Annexe I
Développement Propre (MDP) à la hau-
et que l’ensemble des Parties l’accepte
peut respecter ses engagements de
teur de 1 % des émissions de l’année
sous la forme d’un amendement, le
Kyoto en combinant les différents per-
de base durant la première période
Comité d’observance aura une certaine
mis et crédits d’émission.
d’engagement. Les plafonds de cer-
force de dissuasion et amènera les états
tains pays du groupe de l’Ombrelle
industrialisés à respecter leurs engage-
La condition essentielle à l’utilisation
(Canada, Japon) ont été fixés d’une
ments de réduction des émissions. Mais
des mécanismes est l’éligibilité. Les
manière généreuse afin de les inciter à
cette procédure d’amendement pourrait
Parties de l’Annexe I sont soumises aux
ratifier le Protocole de Kyoto. La Russie
ne pas lier la totalité des pays au
conditions de l’établissement d’inventai-
a réussi à imposer le quasi-doublement
Protocole et donc entraîner le risque
re fiable, de la mise en place de méca-
du nombre des crédits par rapport à ce
que certains états industrialisés soient
nismes nationaux de certification et de
qui était convenu à Bonn.
vérification des échanges et de la
conformité aux engagements. Alors que
soumis à l’autorité contraignante du
comité d’observance et d’autres pas,
L’observance
dans le texte de l’accord de Bonn, l’ac-
bien que tous aient pris des engagements de réduction chiffrés.
ceptation de l’accord sur l’observance
Le dispositif d’observance repose sur
était requise afin de pouvoir échanger
une démarche à la fois coopérative et
les crédits d’émission issus des méca-
coercitive. Il se constitue de deux
nismes, cette exigence n’est pas expli-
branches. La branche facilitatrice aide
Les pays en développement
Les pays en développement réussissent
cite dans les accords de Marrakech. En
les Parties à se mettre en conformité
à obtenir trois nouveaux fonds de finan-
effet, Le Japon et la Russie sont parve-
avec leurs engagements. En l’occurren-
cement pour lutter contre l’augmenta-
nus à affaiblir les critères d’éligibilité
ce, elle doit fournir une assistance finan-
tion de l’effet de serre. Le fonds pour
pour l’utilisation des mécanismes du
cière, technique et en matière d’infor-
l’adaptation a été créé pour aider les
Protocole de Kyoto. Enfin, les pays en
mation. La branche d’application a un
pays les plus vulnérables pour faire face
développement
le
pouvoir de sanction lorsque le non-res-
aux conséquences du changement cli-
qui
ont
ratifié
Protocole sont éligibles pour participer
pect des engagements est avéré. Dans
matique. Le fonds spécial pour les chan-
au mécanisme de développement
ce cas, les pays doivent se soumettre
gements climatiques est destiné à aider
propre.
à : une déclaration de non-conformité,
les pays en développement à accéder
l’obligation de développer un plan pour
aux technologies et au savoir-faire
réintégrer l’observance, la suspension
viables du point de vue environnemental
de la vente d’émission, et l’obligation de
et à soutenir des politiques sectorielles.
Pour les puits de carbone liés à l’utilisa-
compenser l’augmentation d’une tonne
Pour répondre aux besoins spécifiques
tion des terres, au changement d’affec-
émise en plus durant la première pério-
des pays les plus pauvres, l’accord de
tation des terres et à la foresterie, les
de par une réduction de 1,3 tonne lors
Marrakech donne naissance à un fonds
Parties se sont accordées sur une
de la seconde.
pour les pays les moins avancés.
Les puits de carbone
104
Le sens de l’événement
Les perspectives du Protocole
de Kyoto
croissance des émissions à venir, pour
même. En deuxième lieu, aucune règle
la raison essentielle que ni les USA ni les
de détermination des quotas d’émission
pays en développement y participent.
pour l’après 2012 n’est précisée.
À présent que le consensus pour la pre-
La viabilité du dispositif à long terme
L’accord de Marrakech a laissé ce point
mière période d’engagement a été
dépend du re-engagement des USA,
en suspens. Or, il est impératif de définir
dégagé, l’attention doit être portée vers
principaux pollueurs aujourd’hui, dans
ces règles rapidement afin que les pays
des objectifs de long terme, à savoir la
l’effort international de réduction des
puissent organiser dans des conditions
stabilisation des GES dans l’atmosphè-
émissions des GES. De même, les pays
de meilleure efficacité économique leur
re. Deux défis s’imposent pour parvenir
développés pourront difficilement conti-
effort de réduction des émissions.
à atteindre cet objectif. En premier lieu,
nuer à réduire leurs émissions dans les
les engagements du Protocole de Kyoto
périodes suivantes si les pays en déve-
— tels qu’ils sont traduits par les
loppement, notamment la Chine et
accords de Bonn et Marrakech — sont
l’Inde, vraisemblablement principaux
Aicha Ouharon
modestes et n’empêcheront pas la
pollueurs de demain, ne font pas de
CIRAD et CIRED
Notes
(1) Dans le cas d’externalités multilatérales ayant les caractéristiques d’un
bien public (problèmes d’incitation, de
révélation de l’information, de resquillage), la seule solution de marché possible est celle qui suppose la fixation
d’un quota sur le montant total d’externalités et la distribution de droits échangeables correspondante. Avec les permis négociables, l’organisme de tutelle
fixe une norme de pollution globale, et
met en vente un nombre limité de bons
correspondant à la pollution totale autorisée. Le marché se charge alors de fixer
le prix des permis. Les entreprises ne
peuvent émettre plus de pollution que le
nombre de bons qu’elles détiennent
(Schubert et Zagamé, 1998).
(2) Chaque Partie de l’Annexe I peut
acquérir ou transférer à une autre Partie
de l’Annexe I, des unités de réduction
d’émissions provenant de projets, pourvu que :
- ceux-ci soient approuvés par les
Parties concernées,
- ils aboutissent à une réduction d’émission qui ne serait pas obtenue autrement,
- l’acquéreur respecte ses obligations
d’inventaire et de communication, l’acquisition de réductions soit complé-
mentaire aux actions domestiques
effectuées pour respecter les engagements (Nations Unies, 1997).
(3) Ce mécanisme permet à une
entreprise étrangère, en l’occurrence du
Nord, d’acheter des crédits d’émission
en réduisant les émissions dans un pays
tiers. Il a pour objectif d’encourager les
investissements dans les technologies
réduisant les émissions des gaz à effet
de serre dans les pays en développement. L’article 12 du Protocole de Kyoto
permet aux Parties de l’Annexe I
d’acheter/financer des réductions
d’émissions certifiées (réelles, mesurables, et de long terme) moyennant
des projets de « développement
propre » engagés dans les pays n’appartenant pas à l’Annexe I. Le Protocole
exige que les réductions des émissions
résultantes doivent être « additionnelles
à toute réduction qui aurait pu avoir lieu
en l’absence du projet d’activité entreprise ».
(4) La flexibilité dans l’espace serait
obtenue en donnant la possibilité aux
états d’échanger entre eux les droits de
permis d’émission ou de transférer leurs
engagements aux entreprises qui ont
des activités sur leur territoire, et qui
pourraient donc accéder au commerce
international des permis d’émission.
(5) En effet, dans les pays en développement, les infrastructures sont en
expansion rapide et retenir l’écart entre
la technologie existante et la technologie nouvelle comme critère de comptabilité des droits d’émission peut revenir
à comptabiliser des réductions qui
auraient lieu de toute façon.
(6) Sans jamais parvenir à faire l’unanimité sur les deux plans.
(7) En réalité, l’Union européenne
accepte jusqu’à 2010 le principe d’un
taux uniforme de réduction, défendu par
les États-Unis. Elle le fait en raison des
difficultés de s’accorder rapidement sur
des critères qui soient opérationnels et
aient une justification économique, mais
aussi de crainte que les USA demandent un traitement en leur faveur en raison des inerties technologiques et
d’une croissance démographique supérieure à celle des européens.
(8) Le sigle COP est l’abréviation en
anglais de Conference of Parties.
(9) La COP-MOP 1 est la première
conférence des Parties qui se réunira
après l’entrée en vigueur du Protocole
de Kyoto.
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Flux n° 48/49 Avril - Septembre 2002
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Briefing paper n° 1, avril 2002, The
Royal Institute of international affairs.
Sens de l'événement
« Bi-Bop, Tam-Tam… la confiance au péril de la destruction créatrice », Flux n° 36/37,
avril-septembre 1999, pp.56-57.
« Quand les réseaux oubient les territoires : la gare "Stade de France" du RER D et la couverture de
l'autoroute A 1 dans la Plaine Saint-Denis », Flux n° 38, octobre-décembre 1999, pp.69-71.
« La réforme ferroviaire britannique a-t-elle sauvé des vies ? », Flux n° 39/40, janvier-juin 2000, pp. 85-86
« La concurrence, le téléphone et les pauvres », Flux n° 41, juillet-septembre 2000, pp. 64-68
« La fiscalité automobile entre confusion et contradiction », Flux n° 42, octobre-décembre 2000, pp. 75-79
« La crise énergétique en Californie. We want the power now ! », Flux n° 43, janvier-mars 2001, pp. 70-72
« Zoé dans le métro », Flux n° 44/45, avril-septembre 2001, pp. 96-98
« Les enjeux de la Directive cadre sur l’eau de l’Union Européenne », Flux n° 46, octobre-décembre 2001, pp. 70-75
« Développement durable, réseaux techniques et terrorisme », Flux n° 47, janvier-mars 2002, pp. 80-83
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