Les négociations sur le climat : un bref retour sur l`histoire
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Les négociations sur le climat : un bref retour sur l`histoire
Flux n° 48/49 Avril - Septembre 2002 cipe d’une aide financière et technique LE SENS DE L'ÉVÉNEMENT aux pays en développement. Pendant la Conférence de Rio, le principal thème de débat concerne le choix des modalités d’action : Les négociations sur le climat : un bref retour sur l’histoire - soit on s’accorde sur des engagements quantifiés de réduction des émissions répartis par pays, les États étant libres de choisir les politiques et les mesures nécessaires au respect des objectifs, - soit on instaure une taxe carboneénergie applicable aux principales Aicha Ouharon sources industrielles d’émission de GES, sans fixer d’engagements quantifiés. Ce débat s’est conclu par le retrait du L’accord politique de Bonn, complété par celui plus technique pays de la planète. Dans son article 2, projet de taxe (soutenu par les pays de elle se propose comme objectif de européens), à cause, d’une part, du Marrakech, permet la mise en œuvre de « stabiliser (…) les concentrations de refus exprimé par les partenaires de la plans de lutte contre l’effet de serre en gaz à effet de serre dans l’atmosphère à Communauté européenne (les autres fixant les règles d’application du un niveau qui empêche toute perturba- pays de l’OCDE), et d’autre part, parce Protocole de Kyoto. Ce dernier devrait tion anthropique dangereuse du systè- que certains industriels, représentant entrer en vigueur en 2002. Ce résultat me climatique. Il conviendra d’atteindre notamment le lobby nucléaire et les sec- est l’aboutissement d’un long proces- ce niveau dans un délai suffisant pour teurs grands consommateurs d’énergie, sus de négociations que nous retraçons que les écosystèmes puissent s’adapter craignaient pour leur compétitivité vis-à- dans cet article. naturellement aux changements clima- vis des zones exemptées. Ils étaient tiques, que la production alimentaire ne défavorables à l’instauration d’une nou- De la Convention de Rio… soit menacée et que le développement velle taxe qui aurait accru la pression fis- économique puisse se poursuivre d’une cale pesant sur eux. À partir de 1990, l’assemblée générale manière des Nations Unies prend l’initiative d’en- Convention, les pays développés, dits La seule mesure de coordination durable ». Avec cette gager des négociations internationales de l’annexe I (les pays membres de demeurait donc la fixation d’objectifs de lutte contre l’effet de serre (Godard, l’OCDE, les pays de l’Europe de l’Est et quantifiés. À Berlin (1994), ces objectifs 1997). La première étape importante de ceux issus de l’URSS), acceptent la for- prendront un caractère juridiquement ce processus de négociation est la mulation d’objectifs quantitatifs de sta- contraignant pour les pays développés, Conférence de Rio de Janeiro, qui se bilisation des émissions des gaz à effet donnant ainsi lieu à une approche en tient en 1992. Le résultat majeur de de serre (GES) en 2000 par rapport au termes de limitations quantifiées des cette conférence est la signature de la niveau de 1990. Les pays développés émissions (en anglais, les « Quantified Convention Cadre sur le changement reconnaissent leur responsabilité histo- Emission Limitation and Reduction climatique (Nations Unies, 1992), qui rique majeure dans l’augmentation des Objectives, ou Qelros ») (Hourcade, depuis a été ratifiée par la plupart des émissions de GES et acceptent le prin- 1995). 100 L’approche des QELROS Le sens de l’événement conduit très naturellement à faire d’un loppés, notamment les États-Unis, et contre l’effet de serre, ce qui passe par système de permis négociables l’outil les pays hors Annexe I (Grubb et al., une limitation du commerce de droits privilégié de la coordination internatio- 1999). d’émissions. Elle craint que la flexibilité nale (Godard et Hourcade, 1997 ; Hourcade et Guersi, 1997 ; Grubb, 1995). Il faut attendre 1997 pour que soient affichée par les États-Unis ne soit qu’un Les USA plaident pour la mise en expédient pour ne pas respecter leurs place d’un commerce international de engagements de réduction des émis- droits d’émissions afin de rendre leurs sions au niveau domestique. engagements plus flexibles dans l’espa- adoptés, à l’issue de la Conférence de ce (4) et dans le temps. Aussi, la thèse Le conflit est aussi présent entre le Kyoto, des objectifs de réduction des de la flexibilité temporelle et spatiale est- Nord et le Sud. Il oppose, en particulier, émissions des GES provenant de la elle devenue, lors des dernières négo- les USA aux pays en développement, consommation des énergies fossiles. ciations sur le climat, une référence notamment l’Inde et la Chine. Les USA Les pays développés s’engagent à incontournable pour l’étude du calen- font valoir que les contraintes quantita- réduire leurs émissions de GES de 6 % drier des actions d’abattement des tives n’ont pas de sens si les tendances par rapport au niveau de 1990, durant la émissions, car elle répond au problème en cours des niveaux d’émissions des période 2008-2012 (Grubb et al., 1999). de définir dans le court et moyen terme GES dans les pays du Sud ne s’inver- Trois mécanismes économiques de des objectifs d’abattement et des sent pas. Ils demandent une adhésion flexibilité sont proposés lors de cette mesures pour y parvenir au moindre des grands pays en développement à conférence : le système des permis coût. Pour les Américains (et le reste du des engagements de réduction des d’émission négociables (1), l’application groupe de l’Ombrelle), les permis négo- émissions, et la définition de règles, les conjointe (AC) (2), le mécanisme de ciables sont présentés comme le moins développement propre (MDP) (3). La meilleur instrument car ils peuvent sti- d’échange de permis d’émission. Ils mise en place de ces instruments (rôle, muler la dynamique des entreprises (l’in- proposent que l’application conjointe fonctionnement, etc.) fait l’objet de vives novation grâce à la recherche et le soit l’instrument qui intègre les pays du discussions entre les pays. développement) et assurer une minimi- Sud dans l’effort international de réduc- sation des coûts d’abattement en per- tion des émissions des GES. Les pays Un déroulement conflictuel de la mettant une allocation optimale des en développement, n’ayant pas pris conférence de Kyoto efforts. Il est, par ailleurs, considéré jusque-là d’engagements quantifiés, La Conférence de Kyoto a été la scène contraignantes possibles, comme l’outil privilégié de la coordina- rejettent cette proposition en renvoyant tion internationale, car il permet aux la responsabilité historique du réchauf- d’affrontements portant, d’une part, sur États, devant des évolutions d’émission fement climatique aux pays développés. la définition du système de permis difficilement prévisibles, de disposer Du reste, lors de la conférence de négociables, et d’autre part sur la mise d’une certaine flexibilité (Godard et Kyoto, les mécanismes de flexibilité ont en place de mécanismes susceptibles Hourcade, 1997). failli être rejeté par les pays en dévelop- d’intéresser les pays en développement à participer à l’effort de réduction des pement, car ils n’ont pas été accompaL’Union européenne est plutôt favo- gnés de règles permettant de contrôler émissions des GES. Le premier conflit rable à l’établissement d’un plafond limi- la réalité des réductions (5). Pour ne pas oppose l’Union européenne au groupe tant l’usage des mécanismes de flexibi- risquer le veto de l’Inde ou de la Chine, dit de l’Ombrelle (États-Unis, Canada, lité. Elle souhaite consolider les engage- il a fallu alors créer un mécanisme ad Nouvelle Zélande, Australie, Norvège, ments de Kyoto au travers d’une obliga- hoc pour les pays en développement à Russie, Japon). Le deuxième conflit tion des pays de l’Annexe I à mettre en savoir, le mécanisme de développement concerne principalement les pays déve- œuvre des politiques nationales de lutte propre (Grubb, 1999). 101 Flux n° 48/49 Avril - Septembre 2002 Un autre point de désaccord entre le Nord et le Sud concerne l’établissement d’accès des êtres humains au bien mécanismes sous prétexte qu’elle commun ? (Godard, 1999 )(7). entrave l’efficacité économique de leur du marché international des droits d’émission. Le débat sur la nature des libre-échange. Le Groupe des 77 L’échec de La Haye droits d’émission et sur l’équité de leur répartition est considéré par les pays en demande que les pays industrialisés s’engagent dans un effort domestique Le protocole de Kyoto est adopté, mais de réductions des émissions encore développement comme un préalable à laisse en suspens un certain nombre de plus important du fait de leur responsa- tout accord sur les règles de fonction- controverses sur les modalités d’appli- bilité historique majeure dans le réchauf- nement du marché. L’Inde, le pays le cation des mécanismes (les permis fement du climat. plus influent dans le groupe des 77 (l’es- d’émission, l’application conjointe et le sentiel des pays du Sud), et la Chine, mécanisme propre de développement) Le deuxième élément de discorde soulèvent la question du « droit à pour les conférences suivantes. La concerne les puits de carbone. On l’échange », à savoir des bases légales Conférence de Buenos Aires (COP- désigne par puits de carbone une entité donnant accès au marché des permis. 4) (8), en novembre 1998, était suppo- capable de fixer le dioxyde de carbone La Conférence de Rio, aussi bien que le sée préciser ces modalités. Elle a seule- présent dans l’atmosphère. Au sens du Protocole de Kyoto, prennent comme ment réussi à permettre l’adoption d’un Protocole de Kyoto, il faut l’entendre référence le statu quo du niveau d’émis- plan d’action, reportant à La Haye l’ac- comme le développement par l’homme sion, mais aucune règle, établissant une cord final pour définir les détails du de programmes d’affectations des allocation de droits d’émission, n’est Protocole de Kyoto. À La Haye, en terres et de foresterie permettant de fixée. L’Inde propose le principe d’une novembre 2000, les différences entre fixer du carbone dans la biomasse (ges- répartition des droits d’émissions par les Parties sur la manière de mettre en tion des forêts, des terres cultivées et tête. Elle suggère que des objectifs de place l’accord de Kyoto étaient si nom- des pâturages et régénération du cou- convergence à long terme des niveaux breuses et si substantielles que l’échec vert végétal). Ils sont ainsi considérés de droits d’émissions par tête soient est devenu inévitable. La Conférence a comme un mécanisme indirect de flexi- définis pour l’ensemble des pays de la été clôturée sans que l’on parvienne à bilité du Protocole, puisqu’ils permettent planète. D’autres formules sont propo- un accord. Le blocage s’est cristallisé à certaines Parties de vendre des droits sées pour définir une répartition initiale autour de quatre thèmes de discorde : à émettre des GES pour un volume des quotas, qui font à la fois référence les mécanismes de Kyoto, les puits de équivalent à celui que leurs puits absor- au critère d’équité et d’efficacité (6). Les carbone, l’observance, l’aide aux pays bent. S’il y a consensus général sur la critères, se basant sur une date de réfé- en développement. Tout d’abord, bien prise en compte des puits issus de la rence, la population, le PIB, essayent de que toutes les Parties admettent que les gestion forestière, une forte opposition répondre respectivement aux questions mécanismes doivent être « supplémen- s’installe entre l’Union européenne et le suivantes : les émissions du passé taires » aux mesures domestiques, leur groupe de l’Ombrelle sur le reste des créent-elles des responsabilités particu- désaccord demeure sur la nature de la puits de carbone, à savoir ceux issus lières ou correspondent-elles à des proportion dans laquelle se combinent des terres cultivées et des pâturages. droits acquis ? L’activité économique, les deux instruments de lutte contre Au regard des incertitudes dont est mesurée par le PIB, définit-elle une l’augmentation de l’effet de serre. empreint le calcul des puits en général capacité d’agir supérieure ou implique- L’Union européenne préconise l’établis- et en particulier celles concernant ces t-elle des besoins plus élevés ? Une sement d’un plafond quantitatif limitant dernières activités, l’Union européenne allocation aux États, proportionnelle à l’usage des mécanismes de flexibilité. demande qu’ils ne soient pas compta- leur population ne serait-elle pas plus En revanche, le groupe de l’Ombrelle bilisés durant la première période d’en- équitable, permettant ainsi une égalité refuse toute limite quantitative à ces gagement. En revanche, le groupe de 102 Le sens de l’événement l’Ombrelle en exige une prise en comp- un dommage sérieux à l’économie conférence de Marrakech aboutit à un te extensive. américaine, et qu’il exclut de l’effort de compromis, laissant ainsi de bonnes lutte contre l’effet de serre les pays en chances que le Protocole puisse entrer Le dessein du système d’observan- développement dont certains sont des en vigueur. L’essentiel de ce compromis ce est lui aussi une source de division. pollueurs importants. Cela va de soi que peut être résumé comme suit. L’observance est le dispositif de contrô- ce retrait unilatéral affaiblit l’avenir du le de conformité aux engagements et de Protocole car les États-Unis sont le pre- Les mécanismes de Kyoto sanctions. De ce dispositif dépendent mier émetteur mondial de GES. Tout d’abord, concernant la supplé- …aux accords de Bonn et de Marrakech tiques et les mécanismes de flexibilité, l’efficacité économique et l’intégrité environnementale résultant de l’utilisation des mécanismes. L’Union euro- mentarité entre les mesures domesl’Union européenne a dû céder au grou- péenne est favorable à un système pe de l’Ombrelle en acceptant le com- d’observance sévère, le groupe de Malgré le retrait des États-Unis, la COP- promis privilégiant une limite qualitative. l’Ombrelle est plutôt pour une version 6 bis se tient à Bonn, en juillet 2001, et En effet, l’accord suggère que les pays « molle » de celui-ci. La composition du quelques 180 pays parviennent à un doivent utiliser d’une manière « impor- comité d’évaluation ne fait pas non plus accord politique. Celui-ci trouve sa tra- tante » les mesures nationales de l’unanimité. duction juridique lors de la conférence réduction des émissions des GES. de Marrakech (COP-7), en novembre Enfin, le groupe des 77 revendique 2001. Le résultat majeur de l’accord de Toute Partie de l’Annexe I doit dis- l’établissement de fonds pour concréti- Bonn est ainsi le triomphe du multilaté- poser d’une réserve minimale de titres ser l’aide aux pays en développement ralisme dans le domaine du change- s’élevant à 90 % de son quota d’émis- les plus vulnérables, face au change- ment climatique. Deux éléments décou- sion. Cette réserve pour la période ment climatique, la mise en place de lent de la décision des États-Unis. d’engagement est nécessaire pour se transfert de technologies et de savoir- D’une part, l’Union européenne prend prémunir contre le risque de faire viables du point de vue environne- un rôle de leadership dans les négocia- « survente » et donc pour respecter l’in- mental et la compensation des pays tions sur le climat. D’autre part, le reste tégrité environnementale des engage- producteurs d’énergie fossile suscep- du groupe de l’Ombrelle se trouve ments. Les Parties de l’annexe I peu- tibles de subir d’une manière significati- désormais dans une situation plus vent sans limite mettre en réserve pour ve les répercussions négatives de avantageuse des les périodes d’engagements ultérieures mesures de lutte contre l’augmentation concessions. En effet, afin d’atteindre le les quotas d’émission dont elles n’ont de l’effet de serre sur leur économie. seuil des 55 % des émissions pour que pas eu besoin pour s’acquitter de leurs le Protocole soit ratifié, la participation engagements durant la première pério- pour demander Le retrait des États-Unis de l’Union européenne, de la Russie et de. La mise en réserve des réductions Après l’échec de la conférence de La du Japon devient nécessaire. des émissions et des réductions certi- Haye, le Président des États-Unis fiées des émissions issues respective- annonce officiellement, en mars 2001, À Bonn et Marrakech, les questions, ment de l’application conjointe et des que son pays ne ratifiera pas le qui avaient fait avorter l’accord de La mécanismes de développement propre Protocole de Kyoto. Il justifie son retrait Haye, sont ajournées, à savoir : les est limitée à 2,5 % des quotas initiaux en argumentant que le réchauffement mécanismes de Kyoto, les puits de car- attribués à une Partie. Les crédits retirés climatique demeure un problème scien- bone, l’observance, le transfert techno- des puits de carbone dans les pays de tifique hautement incertain, qu’en outre, logique et l’aide financière aux pays en l’annexe I ne sont comptabilisés que le Protocole de Kyoto pourra provoquer développement. Sur tous ces points, la pendant la période d’engagement où ils 103 Flux n° 48/49 Avril - Septembre 2002 ont été générés et ne peuvent être mis méthodologie de comptabilité des cré- Le Japon, la Russie et l’Australie ont en réserve pour les périodes d’engage- dits qui s’ajouteront aux quantités refusé de se plier à ce dispositif. Par ment suivantes. Toutefois, cette limita- d’émissions qui leur sont attribuées. En conséquent, les Parties ont dû repous- tion a peu de conséquences pratiques plus des projets domestiques ou réali- ser l’adoption d’un régime d’observan- car les différents titres d’émission sont sés via la mise en œuvre conjointe ce contraignant à une prochaine interchangeables. En effet, les accords (MOC), les projets de boisement et de échéance, lors de la réunion de la de Marrakech établissent une totale reboisement sont considérés comme COP/MOP 1 (9). Si le mécanisme de fongibilité entre les titres d’émission, éligibles au sein du Mécanisme de contrôle est adopté par la COP/MOP 1 c’est-à-dire une Partie de l’Annexe I Développement Propre (MDP) à la hau- et que l’ensemble des Parties l’accepte peut respecter ses engagements de teur de 1 % des émissions de l’année sous la forme d’un amendement, le Kyoto en combinant les différents per- de base durant la première période Comité d’observance aura une certaine mis et crédits d’émission. d’engagement. Les plafonds de cer- force de dissuasion et amènera les états tains pays du groupe de l’Ombrelle industrialisés à respecter leurs engage- La condition essentielle à l’utilisation (Canada, Japon) ont été fixés d’une ments de réduction des émissions. Mais des mécanismes est l’éligibilité. Les manière généreuse afin de les inciter à cette procédure d’amendement pourrait Parties de l’Annexe I sont soumises aux ratifier le Protocole de Kyoto. La Russie ne pas lier la totalité des pays au conditions de l’établissement d’inventai- a réussi à imposer le quasi-doublement Protocole et donc entraîner le risque re fiable, de la mise en place de méca- du nombre des crédits par rapport à ce que certains états industrialisés soient nismes nationaux de certification et de qui était convenu à Bonn. vérification des échanges et de la conformité aux engagements. Alors que soumis à l’autorité contraignante du comité d’observance et d’autres pas, L’observance dans le texte de l’accord de Bonn, l’ac- bien que tous aient pris des engagements de réduction chiffrés. ceptation de l’accord sur l’observance Le dispositif d’observance repose sur était requise afin de pouvoir échanger une démarche à la fois coopérative et les crédits d’émission issus des méca- coercitive. Il se constitue de deux nismes, cette exigence n’est pas expli- branches. La branche facilitatrice aide Les pays en développement Les pays en développement réussissent cite dans les accords de Marrakech. En les Parties à se mettre en conformité à obtenir trois nouveaux fonds de finan- effet, Le Japon et la Russie sont parve- avec leurs engagements. En l’occurren- cement pour lutter contre l’augmenta- nus à affaiblir les critères d’éligibilité ce, elle doit fournir une assistance finan- tion de l’effet de serre. Le fonds pour pour l’utilisation des mécanismes du cière, technique et en matière d’infor- l’adaptation a été créé pour aider les Protocole de Kyoto. Enfin, les pays en mation. La branche d’application a un pays les plus vulnérables pour faire face développement le pouvoir de sanction lorsque le non-res- aux conséquences du changement cli- qui ont ratifié Protocole sont éligibles pour participer pect des engagements est avéré. Dans matique. Le fonds spécial pour les chan- au mécanisme de développement ce cas, les pays doivent se soumettre gements climatiques est destiné à aider propre. à : une déclaration de non-conformité, les pays en développement à accéder l’obligation de développer un plan pour aux technologies et au savoir-faire réintégrer l’observance, la suspension viables du point de vue environnemental de la vente d’émission, et l’obligation de et à soutenir des politiques sectorielles. Pour les puits de carbone liés à l’utilisa- compenser l’augmentation d’une tonne Pour répondre aux besoins spécifiques tion des terres, au changement d’affec- émise en plus durant la première pério- des pays les plus pauvres, l’accord de tation des terres et à la foresterie, les de par une réduction de 1,3 tonne lors Marrakech donne naissance à un fonds Parties se sont accordées sur une de la seconde. pour les pays les moins avancés. Les puits de carbone 104 Le sens de l’événement Les perspectives du Protocole de Kyoto croissance des émissions à venir, pour même. En deuxième lieu, aucune règle la raison essentielle que ni les USA ni les de détermination des quotas d’émission pays en développement y participent. pour l’après 2012 n’est précisée. À présent que le consensus pour la pre- La viabilité du dispositif à long terme L’accord de Marrakech a laissé ce point mière période d’engagement a été dépend du re-engagement des USA, en suspens. Or, il est impératif de définir dégagé, l’attention doit être portée vers principaux pollueurs aujourd’hui, dans ces règles rapidement afin que les pays des objectifs de long terme, à savoir la l’effort international de réduction des puissent organiser dans des conditions stabilisation des GES dans l’atmosphè- émissions des GES. De même, les pays de meilleure efficacité économique leur re. Deux défis s’imposent pour parvenir développés pourront difficilement conti- effort de réduction des émissions. à atteindre cet objectif. En premier lieu, nuer à réduire leurs émissions dans les les engagements du Protocole de Kyoto périodes suivantes si les pays en déve- — tels qu’ils sont traduits par les loppement, notamment la Chine et accords de Bonn et Marrakech — sont l’Inde, vraisemblablement principaux Aicha Ouharon modestes et n’empêcheront pas la pollueurs de demain, ne font pas de CIRAD et CIRED Notes (1) Dans le cas d’externalités multilatérales ayant les caractéristiques d’un bien public (problèmes d’incitation, de révélation de l’information, de resquillage), la seule solution de marché possible est celle qui suppose la fixation d’un quota sur le montant total d’externalités et la distribution de droits échangeables correspondante. Avec les permis négociables, l’organisme de tutelle fixe une norme de pollution globale, et met en vente un nombre limité de bons correspondant à la pollution totale autorisée. Le marché se charge alors de fixer le prix des permis. Les entreprises ne peuvent émettre plus de pollution que le nombre de bons qu’elles détiennent (Schubert et Zagamé, 1998). (2) Chaque Partie de l’Annexe I peut acquérir ou transférer à une autre Partie de l’Annexe I, des unités de réduction d’émissions provenant de projets, pourvu que : - ceux-ci soient approuvés par les Parties concernées, - ils aboutissent à une réduction d’émission qui ne serait pas obtenue autrement, - l’acquéreur respecte ses obligations d’inventaire et de communication, l’acquisition de réductions soit complé- mentaire aux actions domestiques effectuées pour respecter les engagements (Nations Unies, 1997). (3) Ce mécanisme permet à une entreprise étrangère, en l’occurrence du Nord, d’acheter des crédits d’émission en réduisant les émissions dans un pays tiers. Il a pour objectif d’encourager les investissements dans les technologies réduisant les émissions des gaz à effet de serre dans les pays en développement. L’article 12 du Protocole de Kyoto permet aux Parties de l’Annexe I d’acheter/financer des réductions d’émissions certifiées (réelles, mesurables, et de long terme) moyennant des projets de « développement propre » engagés dans les pays n’appartenant pas à l’Annexe I. Le Protocole exige que les réductions des émissions résultantes doivent être « additionnelles à toute réduction qui aurait pu avoir lieu en l’absence du projet d’activité entreprise ». (4) La flexibilité dans l’espace serait obtenue en donnant la possibilité aux états d’échanger entre eux les droits de permis d’émission ou de transférer leurs engagements aux entreprises qui ont des activités sur leur territoire, et qui pourraient donc accéder au commerce international des permis d’émission. (5) En effet, dans les pays en développement, les infrastructures sont en expansion rapide et retenir l’écart entre la technologie existante et la technologie nouvelle comme critère de comptabilité des droits d’émission peut revenir à comptabiliser des réductions qui auraient lieu de toute façon. (6) Sans jamais parvenir à faire l’unanimité sur les deux plans. (7) En réalité, l’Union européenne accepte jusqu’à 2010 le principe d’un taux uniforme de réduction, défendu par les États-Unis. Elle le fait en raison des difficultés de s’accorder rapidement sur des critères qui soient opérationnels et aient une justification économique, mais aussi de crainte que les USA demandent un traitement en leur faveur en raison des inerties technologiques et d’une croissance démographique supérieure à celle des européens. (8) Le sigle COP est l’abréviation en anglais de Conference of Parties. (9) La COP-MOP 1 est la première conférence des Parties qui se réunira après l’entrée en vigueur du Protocole de Kyoto. 105 Flux n° 48/49 Avril - Septembre 2002 Bibliographie ATHANASIOU T. and BAER P., Climate Change After Marrakech : Should Environmentalists Still Support the Kyoto Protocol ?, Foreign Policy in focus, Discussion Paper 5, décembre 2001. DESSAI S., The climate regime from the Hague to Marrakech : saving or sinking the Kyoto Protocol ?, document de travail 12, décembre 2001, Tyndall centre for climate change research. GODARD O. et HOURCADE J-C., 1997, La négociation de Kyoto sur l’effet de serre : lecture économique et propositions stratégiques, Papier préparé pour le Conseil d’Analyse Économique, Groupe de travail : Fiscalité de l’environnement. GODARD O., 1997, « Les enjeux des négociations sur le climat. De Rio à Kyoto : pourquoi la Convention sur le climat devrait intéresser à ceux qui ne s’y intéressent pas », Futuribles, n° 224. 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