Domino`s Pizza en guerre avec ses franchisés

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Domino`s Pizza en guerre avec ses franchisés
NouvelObs.com 02/01/2013
Domino's Pizza en guerre avec ses franchisés
Malgré des signes d'apaisement, les relations restent tendues entre le numéro un de la pizza livrée à domicile en France et
ses restaurants franchisés.
L'ambiance n'est toujours pas à la fête. Malgré un accord trouvé fin novembre, les relations restent plus que tendues entre
Domino's Pizza France (DPF), numéro un de la pizza livrée à domicile et à emporter, et l'association Pepperoni, qui
regroupe 180 des 203 restaurants franchisés de l'hexagone. Voilà dix mois maintenant que le torchon brûle entre le
franchiseur et ses franchisés, très remontés contre leur maison mère à qui ils reversent plus de 40% de leur chiffre
d'affaires sous la forme de redevances diverses et autres royalties. Et malgré quelques premiers signes d'apaisement, les
désaccords restent nombreux."Nous croyons à nos produits et à la marque. Pour ma part, ça fait presque 20 ans que j'y
suis attaché ! Mais il était urgent de trouver des solutions avec DPF. Car nous allions droit dans le mur !", raconte Kamel
Boulhadid, le président de Pepperoni. Pour le plus important franchisé DPF, qui emploie 1.163 salariés dans quarante
restaurants (l'ensemble des magasins français emploie plus de 3.600 personnes, un restaurant comptant en moyenne 18
personnes), « il était vital de trouver un nouvel équilibre financier équitable et pérenne entre les franchisés et DPF. Il faut
permettre aux franchisés de dégager 3 à 4% de marge. L'association Pepperoni restera attentive au maintien de cet
équilibre entre le franchiseur et les franchisés. »D'autres sont moins confiants que Kamel Boulhadid. "Il est temps de passer
à l'action en cessant de nourrir l'ogre DPF !", s'insurge un franchisé. "Ma situation est désespérée. Je vais bientôt déposer le
bilan ou me faire racheter à moindre coût, comme plusieurs avant moi. Combien vaut ma vie ? Vais-je aussi tenter de
mettre fin à mes jours comme ces deux autres gérants de restaurants ? DPF appauvrit les franchisés pour mieux les
racheter", décrypte cet autre. Ces derniers mois, DPF a effectivement racheté des magasins en déroute à Béziers, Castres,
Fréjus, Issy-les-Moulineaux, Lens ou Liévin.
"Ils nous imposent tout"
Mais qu'est-ce qui retient ces franchisés à "l'ogre" DPF ? Un contrat de franchise qui s'étend sur dix ans que "le Nouvel
Observateur" a pu consulter. Il précise (en dix-huit articles et sur plus de cinquante pages) que les matières premières - le
"food" dans le jargon Domino's- et tout le matériel doivent être « exclusivement » achetées auprès de DPF. "Ils nous
imposent tout : les prix de vente et d'achat du food mais aussi comment fabriquer et s'habiller ou encore dire bonjour et au
revoir. Parfois, j'ai l'impression d'être entré dans une secte !", observe, désabusé, ce franchisé au sourire triste. Un autre
s'interroge : "Suis-je si stupide pour croire que tout ira mieux quand la concurrence aura disparu ?"La concurrence dénonce
depuis des années devant la Justice ce qui pourrait être considérée comme une "stratégie" de Domino's Pizza France :
encourager l'endettement des franchisés en les autorisant à ne pas régler leurs factures. Un système qui permet d'effectuer
des économies à court ou moyen terme pour le franchisé. Mais qui favorise surtout l'éradication de la concurrence qui n'a
pas les moyens de vendre à perte. ce qui reste illégal. A long terme en revanche, la dépendance financière du franchisé à
l'égard de DPF devient inextricable. A tel point qu'elle peut se traduire par l'obligation pour le franchisé d'ouvrir un nouveau
restaurant contre "l'oubli" de sa dette et l'engagement "de renoncer à toute action judiciaire ou contentieuse (.) et éviter
tout dénigrement du réseau ou de la marque". "A aucun moment, je n'aurais pu imaginer que mon adversaire serait DPF !",
s'exclame aujourd'hui un gérant de restaurants endetté pour plus d'un million d'euros.
"Nous sommes de vrais partenaires"
En avril 2011, la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) a
dressé sur le réseau DPF une douzaine de procès verbaux pour "absence de respect des règles de facturation" et "non
respect des délais de paiement". Mais le cours de la Bourse reste indifférent à ces mises en garde et aux difficultés sur le
terrain. Au contraire même puisque la cote de la marque ne cesse de progresser. "Il n'est pas équitable d'être utilisé à ce
point par DPF, qui d'un côté cherche à briller en Bourse et de l'autre nous laisse mourir au sens propre", tempête Gilles
Bourbigot, à la tête des franchises Domino's Pizza à Toulouse. Ce sportif automobile accompli est actuellement devant la
19ème Chambre du tribunal de Commerce de Paris face à DPF. Il poursuit: "Le système DPF est très efficace même s'il
consiste à faire investir de primo franchisés sur un modèle non rentable. DPF rompt le contrat qui nous lie en nous
manipulant dans des opérations financières et boursières qui nous dépassent". Comme Gilles Bourbigot, une demi-douzaine
d'autres franchisés attendent que la 19ème Chambre fasse valoir leurs droits.
Interrogée par "le Nouvel Observateur", la présidente de Domino's Pizza France, Mélanie Farcot-Gigon, martèle : "Les
franchisés font la force de notre entreprise, nous échangeons beaucoup et nous sommes de vrais partenaires". A l'en croire,
ce qu'écrivait son prédécesseur en 2004 reste valable : "(Chers franchisés), nous allons accomplir ce que les autres n'ont
jamais fait : nous allons être les meilleurs. Dans quelques années, nous regarderons en arrière avec un sourire aux lèvres."
Denis Boulard
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