Sports et santé : Aptitude aux sports chez l`enfant et chez l`adulte
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Sports et santé : Aptitude aux sports chez l`enfant et chez l`adulte
1 Aptitude aux sports chez l’enfant et chez l’adulte F. Carré – Ph. Mabo Faculté de Médecine – Université Rennes 1 Grâce à son succès croissant, la pratique régulière d'une activité physique est devenue une réalité sociale et les médecins sont de plus en plus sollicités pour la délivrance de certificats médicaux de non-contre-indication à la pratique sportive. Il est aujourd'hui bien démontré que la pratique régulière et modérée d'une activité physique a de nombreux effets bénéfiques sur différents appareils, par exemple cardiovasculaire et squelettique. Mais, il est aussi vrai que la pratique d'une activité physique intense peut favoriser la survenue d'un accident, en particulier cardiovasculaire chez un sujet prédisposé. Sur le plan médical, en France la pratique officielle d'un sport dans se fait dans un cadre légal. Ainsi, pour la pratique sportive, le rôle du médecin sera de répondre à cette demande légale et de détecter les sujets à risque d'accidents en particulier cardio-vasculaire. 1- L'aspect légal La pratique sportive dans un système reconnu (scolarité, fédérations, participation à des compétitions officielles) a en France un cadre légal bien défini. Obligatoire depuis 1946, le contrôle médical des sportifs concerne tous les sujets depuis 1965. Ainsi, l'obtention d'un certificat de non contre-indication à la pratique de l'éducation physique et sportive en milieu scolaire (article 35 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 et décret n° 88-977 du 11 octobre 1988 amendé le 03 mars 1995) est obligatoire. De même depuis 1987 (décret n° 87-473 du 1er juillet 1987) les licenciés et les non-licenciés prenant part aux compétitions inscrites au calendrier officiel des fédérations doivent avoir bénéficié d'un contrôle médical. Ce décret a été renforcé puisque depuis 1999 (article 6 de la loi du 23 mars 199 relative à la protection de la santé des sportifs), un certificat de non contre-indication doit être présenté au départ de toute manifestation sportive pour les licenciés et les non-licenciés. Enfin, récemment (article 5 de la loi n° 99-223 du 23 mars 1999 et arrêté du 28 avril 2000) le contenu du suivi médical obligatoire dont doivent bénéficier les athlètes de haut niveau (il s'agit en règle des sportifs des équipes de France) figurant sur les listes ministérielles a été clairement défini. Ces certificats peuvent être délivrés par un médecin sans que soit précisée une obligation de spécialisation, à condition qu'il se conforme aux règles de la profession. Seuls les sportifs de haut-niveau doivent être examinsé par un médecin titulaire de la capacité de médecine du sport. Le médecin engage sa propre responsabilité et doit 2 respecter la confidentialité en particulier vis à vis de la Fédération concernée. En l'absence de contre-indication absolue permanente ou temporaire, le certificat peut être délivré sur un papier à en tête du médecin, sur la licence, sur un formulaire délivré par la Fédération concernée ou sur un imprimé officiel de la Jeunesse et des Sports. Il est valable un an plus 120 jours en cas de première licence plus 180 jours en cas de renouvellement de celle-ci. La délivrance de ce certificat est un acte de prévention, il ne donne donc pas droit à une feuille de remboursement par la sécurité sociale. 2- Importance de l'examen cardio-vasculaire dans l'aptitude au sport Deux arguments principaux plaident en faveur de la nécessité d'un bilan cardiovasculaire rigoureux lors de la visite médicale de non contre-indication à la pratique sportive. D'une part, les anomalies cardio-vasculaires représentent les causes principales (58,7%) d'inaptitude à la pratique sportive devant les causes orthopédiques (12,7%). D'autre part, parmi les étiologies des morts subites au cours d'une activité physique les causes cardio-vasculaires sont les plus représentées (90%). La fréquence de ces morts subites reste relativement faible puisqu'elle est estimée à 1 pour 50 000 sportifs. Elle est globalement plus fréquente chez les hommes et plus faible chez les compétiteurs de moins de 40 ans (1/200 000). Chez le sportif de moins de 40 ans, la cardiomyopathie hypertrophique est l'étiologie la plus fréquente devant les anomalies congénitales des artères coronaires, les myocardites et la maladie arythmogène du ventricule droit. Après 40 ans, une cause domine largement toutes les autres, la maladie coronaire. Ainsi la mort subite qui survient au cours d'une activité physique touche un cardiaque qui s'ignore ou qui a été ignoré. Ceci n'est pas surprenant lorsque l'on connaît le stress majeur que représente l'exercice physique, en particulier sur le système cardiovasculaire Aucun doute sur l'intégrité de ce système n'est donc acceptable et l'importance de la prévention apparaît donc clairement. Celle-ci repose, comme nous allons le voir, sur une bonne connaissance des adaptations cardio-vasculaires aux différents sports et sur un examen clinique méthodique et rigoureux. 3- Les adaptations cardio-vasculaires à l'exercice musculaire La pratique d'un exercice physique perturbe grandement l'homéostasie de l'organisme et impose donc le mise en place par celui-ci d'adaptations des systèmes ventilatoire, endocrinien, musculaire, ostéo-ligamentaire et cardio-vasculaire. Les adaptations cardio-vasculaires ont un rôle majeur vu le risque vital représenté par une éventuelle défaillance de celles-ci. Elles sont de deux types : immédiates, 3 observées pendant l'exercice et chroniques, reflet d'un entraînement physique régulier, intense et prolongé. 3-1 Les adaptations immédiates à l'exercice musculaire Le système cardio-vasculaire participe à l'augmentation de la consommation d'oxygène (V'O2), traduction de l'élévation de la dépense énergétique qui accompagne tout exercice musculaire. Ceci apparaît clairement dans l'équation de Fick : V'O2 = débit cardiaque X différence artério-veineuse en oxygène. Les adaptations cardio-vasculaires immédiates sont observées avant ou dès le début de l'effort puis pendant toute sa durée. On décrit toujours une adaptation centrale (mobilisation des réserves cardiaques) et des adaptations périphériques (adaptation et redistribution du débit sanguin). Les caractéristiques ce schéma général varient un peu en fonction de nombreux facteurs propres à l'exercice (type, intensité, durée), à la posture (couché, debout), aux caractéristiques individuelles du sujet (âge, entraînement, pathologie ou traitement intercurrent) ou à l'environnement (température, altitude). Un des facteurs importants de variation de ces adaptations est le type d'exercice. Il peut être dynamique mettant en jeu de fortes masses musculaires avec une alternance de contractions et de relaxations réalisées en ventilation libre. Il peut être statique ou la contraction musculaire est isométrique sans modification de longueur et est souvent associée à un blocage de la respiration. Généralement les exercices physiques sont mixtes associant en proportion variables ces deux types d'effort (cf. tableau 1). Il est important de bien connaître les adaptations cardio-vasculaires spécifiques pour pouvoir autoriser la pratique de tel ou tel sport. 3-1-1 Schéma général des adaptations immédiates Le modèle de description choisi est un exercice dynamique d'intensité progressivement croissante et maximale réalisé sur bicyclette ergométrique par un sujet sain au niveau de la mer, en température ambiante modérée. L'intensité de l'exercice est définie en pourcentage de la consommation maximale d'oxygène (% V'O2 max.). Les adaptations centrales(figure 1). Le débit cardiaque (Q’C) augmente avec l'intensité de l'exercice. Cette élévation légèrement curvilinéaire, au début de l'exercice, devient linéaire lorsque l'intensité de l'exercice dépasse 50 % de la V'O2 max. L'analyse de l'évolution des composantes du débit cardiaque permet d'expliquer ce mode d'adaptation. La fréquence cardiaque (FC) augmente de façon globalement linéaire avec l'intensité de l'exercice. Avant ou au début de l'effort une tachycardie liée à la charge 4 émotionnelle peut parfois être observée. La levée du frein vagal explique l'adaptation immédiate de la FC. Les effets du système nerveux orthosympathique et de l'adrénaline médullo-surrénalienne ne deviennent prépondérants que lorsque l'intensité de l'exercice s'accroît (>50% V'O2 max.). Le volume d'éjection systolique (VES) augmente dès le début de l'exercice jusqu'à 50 % de la V'O2 max., puis plafonne. Ses deux composantes évoluent différemment (figure 2) : le volume télédiastolique augmente dès le début de l'exercice grâce à un retour veineux accru, puis a tendance à diminuer à l'acmé de l'effort à cause du raccourcissement du temps de diastole. Le volume télésystolique diminue tout au long de l'exercice grâce aux effets conjugués de la loi de Starling, de l'augmentation de l'inotropisme (stimulation des récepteurs adrénergiques par les catécholamines et effet inotrope positif de la tachycardie) et de la baisse des résistances périphériques (postcharge). Les deux phases d'augmentation du Q’C deviennent aisées à comprendre. Au début de l'effort, le Q’C augmente rapidement grâce à l'élévation concomitante de ses deux composantes. Puis pour une intensité voisine de 50 % de la V'O2 max., son élévation liée à l'augmentation de la FC est plus lente. Le débit cardiaque peut être multiplié par 6 lors d'un exercice d'intensité maximale (rappelons qu'au repos couché il est voisin de 4 - 6 l.min-1). Le Q’C droit est égal au débit cardiaque gauche. Les adaptations périphériques(figure 3). L'organisme doit retrouver un équilibre entre la réponse à la majoration des besoins métaboliques des muscles actifs et le maintien d'une pression artérielle normale. Les adaptations périphériques varient donc selon les organes considérés. Pour le myocarde, la réponse à l'augmentation des besoins en oxygène ne peut se faire que par l'augmentation du débit coronarien (x 4 -5) car l'extraction d'oxygène est déjà presque maximale au repos. Au niveau des muscles actifs la baisse des résistances périphériques (Rp) associée à l'augmentation du débit cardiaque va permettre un apport sanguin suffisant. Cette baisse des résistances qui est graduée en fonction de l'intensité de l'exercice, est liée à l'augmentation du diamètre des artérioles pré-capillaires et à l'ouverture de nouveaux capillaires. La régulation de ces adaptations est double. L'effet précoce du sympathique sur les récepteurs alpha 2 - adrénergiques est renforcé par l'action des catécholamines circulantes. Secondairement, c'est l'action des facteurs métaboliques circulants et d'origine endothéliale (monoxyde d'azote surtout) qui devient prépondérante. Cette vasodilatation augmente le débit sanguin local et favorise les échanges avec la cellule musculaire. Dans un muscle en activité, toutes les unités capillaires ne sont pas dilatées simultanément mais alternativement, ainsi le débit sanguin musculaire n'atteint jamais 5 sa valeur maximale. Lors d'un exercice maximal, les Rp peuvent être diminuées de 4 -5 fois par rapport à leur valeur de repos. Au sein des organes inactifs, des ajustements circulatoires ("balance circulatoire") s'installent. Ils favorisent l'augmentation du débit sanguin musculaire et aident au maintien de la pression artérielle de l'organisme. Au début de l'exercice, on observe une vasoconstriction globale liée au système sympathique, puis secondairement les adaptations varient selon les organes. Le débit sanguin cérébral, qui échappe à la régulation nerveuse, est maintenu stable en valeur absolue tout au long de l'exercice. L'augmentation modérée des pressions pulmonaires va permettre l'ouverture de vaisseaux inutilisés au repos et favoriser l'homogénéisation du rapport ventilation / débit sanguin. Le débit sanguin splanchnique diminue alors qu'au niveau cutané on observe une vasoconstriction temporaire surtout lors des exercices de courte durée. Les adaptations de la pression artérielle (figure 3). L'évolution de la pression artérielle (PA) est le résultat des adaptations de ses deux composantes, le Q’C et les Rp. À l'exercice, le Q’C augmente et les Rp diminuent. Malgré la baisse de ces dernières, l'importance de l'augmentation du Q’C et les phénomènes de "balance circulatoire" entre les différents organes expliquent le maintien voire l'élévation modérée de la PA moyenne. La PA systolique augmente linéairement avec l'intensité de l'effort. La PA diastolique varie peu, elle est stable ou diminue légèrement. On observe ainsi un élargissement de la différentielle à l'exercice. Les adaptations lors de la récupération. Dés l'arrêt de l'effort, la FC diminue grâce initialement à la restauration du frein vagal puis secondairement à la levée de l'action sympathique. Vu les effets prolongés des catécholamines circulantes et la persistance d'un retour veineux important, le retour au niveau basal du Q’C est plus lent. Au niveau périphérique, le flux sanguin musculaire diminue progressivement au fur et à mesure que les résistances périphériques retrouvent leur niveau basal. Les chiffres tensionnels systolique et diastolique doivent retrouver à leurs valeurs basales en moins de 6 minutes. 3-1-2 Influence du type d'exercice. La masse musculaire La masse musculaire sollicitée lors de l'exercice joue un rôle important. Lorsqu'un exercice n'est réalisé qu'avec les membres supérieurs, ce sont les composantes statique, sympathique et catécholergique qui jouent un rôle majeur. Les Rp s'abaissent moins et les différentes composantes de la PA sont plus élevées. 6 Pour un exercice d'intensité maximale, la FC, le Q’C et donc la V’O2 max. sont d'autant plus élevés que la masse musculaire mise en jeu est plus importante. Par contre, les valeurs maximales de PA varient peu. Exercice de type statique. Lors de ce type d'effort aussi appelé isométrique, les résistances périphériques augmentent. Les PA systolique et diastolique s'élèvent, l'élargissement de la différentielle est minime (figure 4). Les pressions qui règnent dans la petite circulation s'élèvent plus nettement que lors d'un exercice dynamique. La FC et le Q’C augmentent relativement peu. Le niveau d'adaptation dépend plus du pourcentage de force maximale volontaire mise en jeu et du temps de maintien de l’effort que de l'importance de la masse musculaire sollicitée. L'association d'un exercice dynamique atténue partiellement les différences d'adaptation. Influence de la posture et de la durée de l'exercice. Lors d'un exercice en position couchée, les volumes télédiastolique et télésystolique varient peu et le Q’C augmente essentiellement par l'intermédiaire de la FC. Chez l'Homme, le rendement mécanique de l'exercice musculaire est médiocre, et plus de 75% de l'énergie produite par la contraction musculaire est dissipée sous forme de chaleur. Lors d'un exercice d'intensité nettement sous-maximale et de courte durée (< 45 min), après une adaptation progressive liée à la relative inertie du système aérobie, un état d'équilibre s'installe. Si l'exercice se prolonge (>45-90 min), la thermolyse devient un problème majeur et un phénomène progressif de "dérive" cardiovasculaire est alors observé. La FC augmente pour maintenir le débit cardiaque malgré les baisses du volume plasmatique, du VES et de la PA secondaires surtout à la déshydratation et à la lutte contre la chaleur. Influence de l'âge. Les adaptations cardiovasculaires à l'effort d'un sujet âgé sont comparables à celles d'un sujet jeune sous béta-bloquant. L'augmentation du Q’C à l'effort dépend plus de l'augmentation du VES secondaire à une majoration du volume télédiastolique, que de l'accélération de la FC. La diminution inéluctable de la V'O2 max. avec l'âge est surtout liée à la baisse du Q’C maximal, elle-même secondaire à la baisse de la FC maximale. La formule classique, FC maximale en battements par minute = 220 - âge ± 10 reste la plus utilisée mais il faut en connaître les limites. Il n'est pas rare, en effet, que cette valeur soit dépassée que ce soit chez l'enfant ou chez le sujet vétéran en particulier entraîné. 7 Effets de l'environnement. En ambiance chaude, la FC est plus élevée et la vasodilatation cutanée joue un rôle majeur. Ces phénomènes sont encore accrus en cas d'humidité laquelle va gêner l'évaporation de la sueur et donc limiter l'élimination de la chaleur. Une déshydratation même modeste diminue la performance myocardique. En ambiance froide, pour une intensité d'effort sous-maximale donnée la FC est plus basse par rapport à une ambiance neutre. En altitude, la FC et le Q’C s'accélèrent plus vite à l'exercice. Les Rp diminuent moins et la PA s'élève plus. Les valeurs maximales de ces paramètres sont les mêmes qu'en plaine. En très haute altitude (> 3.500 m) la fréquence cardiaque maximale peut être diminuée. Ces différences s'amenuisent après acclimatation. Influence de l'entraînement. Avec l'entraînement, la pente d'accroissement de la relation FC-intensité de l'exercice diminue. La FC maximale est peu modifiée. Lors de la récupération, le retour à la FC de repos est plus rapide. Les VES de repos et d'exercice sont augmentés chez le sportif "endurant". Si les pentes d'élévation tensionnelle varient peu avec l'entraînement, la différentielle augmente plus vite chez les sportifs. Ainsi, lors d'un exercice dynamique le sédentaire accroît son Q’C essentiellement par augmentation de sa FC alors que le sujet entraîné majore dans un premier temps son VES, épargnant sa FC pour les niveaux d'effort les plus élevés. Comme de plus la baisse des résistances périphériques est plus importante grâce à une majoration de la vasodilatation musculaire, on comprend aisément que le Q’C maximal d'un athlète soit nettement supérieur à celui d'un sédentaire (30 L.min-1 versus 20 L.min-1). Après un entraînement de type statique, une réponse atténuée de l'accoup tensionnel est observée. 3-1-3 Régulations des adaptations immédiates. Les ajustements étroits de la circulation aux besoins métaboliques de l'organisme restent incomplètement expliqués. Lors d'un exercice dynamique, la demande en oxygène est le stimulus majeur et le maintien d'une PA efficace est le facteur principal de régulation. Il dépend du Q’C et de la balance vasodilatation / vasoconstriction. La régulation des adaptations est nerveuse et humorale. La régulation nerveuse est centrale et réflexe. Le système nerveux central est responsable du recrutement des unités motrices musculaires, il initie les adaptations immédiates et détermine les modifications du système nerveux autonome. Les 8 mécanismes réflexes ont une action synergique, ils renseignent sur le type et l'intensité de l'effort et agissent par le système nerveux autonome. La régulation humorale est également double, générale par les catécholamines et locale grâce à l'action de métabolites en particulier ceux libérés par l'endothélium vasculaire. Lors d'un exercice statique, le pourcentage de force maximale volontaire mis en jeu est le stimulus principal et l'adaptation se fait surtout par l'augmentation de la PA. La tachycardie et l’élévation du Q’C dépendent de la levée du frein vagal et de l'action du sympathique activé par les chémoréflexes stimulés par l'ischémie musculaire. 3-2 Les adaptations cardiovasculaires chroniques secondaires à l'entraînement physique. Elles dépendent du type, de la quantité et de l'ancienneté de l'entraînement. Des effets bénéfiques modestes sont observés dés qu'un entraînement modéré et régulier est réalisé. Le tonus parasympathique est augmenté et le tonus sympathique basal est diminué. De plus, la sensibilité des adrénorécepteurs myocardiques et vasculaires est accrue. Chez les sportifs de haut niveau d'entraînement, il est possible d'observer des modifications cliniques, électrocardiographiques et morphologiques que l'on regroupe sous le terme de "syndrome du cœur d'athlète". Ces adaptations décrites plus loin sont importantes à connaître pour ne pas contre-indiquer abusivement la pratique sportive. 3-3 Classification des sports Plusieurs classifications ont été proposées, la plus utilisée pour le retentissement cardiovasculaire est celle de Mitchell (tableau 1). Proposée en 1994 à la conférence de Bethesda qui concernait l'aptitude à la compétition des athlètes porteurs de cardiopathies, elle est basée sur les parts relatives (faible, modérée et importante) dynamique, statique ou mixte de chaque sport. Elle tient aussi compte du risque de traumatisme et de celui des lieux de pratique potentiellement hostiles (escalade, plongée sous-marine). Malgré ses limites, elle constitue un outil pratique et reconnu, que le médecin doit savoir consulter avant de signer un certificat de non contre-indication à la pratique d'un sport. 9 4- La visite médicale de non contre-indication à la pratique sportive. L'examen clinique concernera tous les appareils, mais comme nous l'avons vu une attention particulière doit être apportée au système cardiovasculaire. Ceci est d'autant plus important que l'on voit le sujet pour la première fois. 4-1 L'interrogatoire C'est la première phase de l'examen clinique. Chez le sportif, il revêt une importance particulière et il doit être très précis et dirigé. Il détaillera les antécédents familiaux en recherchant en particulier l'existence d'une mort subite familiale chez un parent jeune (< 45 ans) ou des notions de maladies cardiaques. Outre la maladie coronaire, il faut rechercher des antécédents familiaux de cardiomyopathie hypertrophique ("gros cœur épais"), de maladie de Marfan ("maladie de l'aorte"), d'arythmies cardiaques ou de syncopes. Les antécédents personnels et les facteurs de risque cardiovasculaires classiques que sont le tabagisme, les dyslipidémies (hypercholestéromémie plus que hypertriglycéridémie), l'hypertension artérielle, le diabète seront précisés. La recherche dirigée de symptômes liés ou non à l'effort (pendant ou après) et leur date de survenue (récente ou ancienne) sera ensuite réalisée : gênes ou douleurs thoraciques, palpitations, essoufflement, malaises à type de syncope ou équivalent mineur. Le type de sport choisi et son niveau de pratique (compétition, nombre d'heures d'entraînement,…) seront précisés. La prise éventuelle de produits pharmacologiques ou de drogues sera précisée. 4-2 L'examen physique Celui-ci doit comprendre une auscultation cardiaque des différents foyers en décubitus dorsal et latéral gauche, en position assise et debout. Elle pourra être répétée après un exercice physique bref comme par exemple 30 flexions des membres inférieurs. Chez l'enfant, la découverte d'un souffle systolique est très fréquente (plus de 50% des sujets), et ne devra pas trop facilement conduire à une contre-indication à la pratique sportive. En effet, après l'âge de 4 ans le risque de découvrir un souffle organique est très faible. On peut rappeler les caractéristiques principales des souffles "innocents", de siège localisé ils irradient peu, ils ne sont jamais diastoliques ni holosystoliques, leur 10 intensité est faible ou modérée, ils ne sont jamais frémissants, le B2 est normal, ils varient dans le temps (savoir réausculter l'enfant en fin de consultation) et en fonction de la position. Les pouls périphériques seront palpés et auscultés sur tous leurs trajets, leur symétrie sera particulièrement étudiée pour éliminer une coarctation de l'aorte. La mesure de la pression artérielle sera réalisée aux deux bras. 4-3 L'électrocardiogramme de repos La place de l'électrocardiogramme 12 dérivations (ECG) de repos reste discutée surtout en raison de son rapport coût-éfficacité. En effet, la prévalence dans la population générale des affections cardiovasculaires présentant un risque vital est globalement faible, et la valeur prédictive négative de l'ECG n'est pas parfaite. Cependant la plupart des affections à risque et en particulier des cardiopathies arythmogènes cliniquement silencieuses ont des signes ECG typiques. Ainsi, la réalisation d'un ECG au moins une fois dans la "carrière" d'un sportif nous semble justifiée et indispensable au moindre signe d'appel. Cet examen pourra révéler l'une des affections suivantes. Le syndrome de Wolff-Parkinson-White est caractérisé par l'association d'un intervalle PR court et d'une onde delta, reflet de la pré-excitation, qui empâte la base des complexes QRS. Il nécessite toujours au moins une épreuve d'effort et le plus souvent une exploration électro-physiologique avant d'autoriser la pratique sportive de compétition. La cardiomyopathie hypertrophique (CMH) sera évoquée devant des complexes QSR très amples, avec souvent des ondes q profondes, associés à des troubles importants de la repolarisation. Un échocardiogramme trans-thoracique qui affirmera le diagnostic et précisera le caractère obstructif ou non de la CMH est indispensable. Parfois le diagnostic différentiel avec un "cœur d'athlète" peut être difficile. Un bilan rythmologique est aussi nécessaire. La pratique du sport de compétition est actuellement contre-indiquée. Il faudra penser à la maladie arythmogène du ventricule droit devant un aspect de bloc de branche droit en V1, un élargissement modeste des complexes QRS en V2-V3 absent dans les dérivations précordiales gauches, des ondes T négatives de V1 à V3 et parfois devant une onde epsilon située à la fin des complexe QRS droits. La présence associée d'extrasystoles ventriculaires, à type de bloc de branche gauche et axe horizontal droit est un argument diagnostique supplémentaire. Cette cardiopathie souvent familiale (transmission autosomique dominante) de cause inconnue a une prévalence de 1/1000 dans la population générale. Elle touche surtout les hommes et se complique souvent de troubles du rythme ventriculaires catécholergiques. Ceci explique 11 que la pratique du sport de compétition soit interdite chez ces patients. L'association d'un antécédent de syndrome infectieux ("grippal" ou équivalent) récent et de troubles de repolarisation ou d'arythmies cardiaques est en faveur d'une myocardite qui contre-indique temporairement la pratique sportive intense et de compétition. Cette attitude sera aussi préventive avec abstention d'effort intense lors de tout syndrome infectieux dépassant les voies aérienne hautes et/ou associé à des douleurs ("courbatures") musculaires diffuses. Sur le plan électrocardiographique, on peut observer des troubles de repolarisation et/ou de conduction d’apparition récente. Le syndrome de Brugada , décrit en 1991, est lié à une anomalie génétique de la structure du canal sodique. Sa prévalence qui est inférieure à 1% est plus élevée chez les hommes de 30 à 40 ans d'origine asiatique. Il associe des symptômes cliniques graves à type de syncope ou de mort subite dont la survenue est favorisée par un contexte vagal et des anomalies électrocardiographiques. Celles-ci comprennent dans la forme classique un aspect de bloc de branche droit avec sus décalage de ST de V1 à V3 qui est parfois associé à un allongement de l'espace PR. L'analyse fine de l'ECG révèle en fait une onde J ascensionnée sans onde r' typique de bloc de branche droit. Le sus-décalage de ST est convexe vers le haut avec des ondes T négatives. Chez les sportifs, il peut poser des problèmes de diagnostic différentiel. D'une part, car la fréquence des blocs de branche droit est plus élevée dans cette population (>20%) et d'autre part avec le bénin syndrome de repolarisation précoce qui est aussi plus fréquent chez les jeunes sportifs des disciplines dynamiques et mixtes (89%) que chez les sédentaires (36%). Ce syndrome de repolarisation précoce a une définition électrocardiographique avec un susdécalage de ST net (≥ 1mm) et concave vers le haut avec onde T positive dans au moins deux dérivations précordiales adjacentes. Ces modifications de la repolarisation sont en relation avec la balance autonomique qui peut être modifiée par l'entraînement. Dans les deux cas, l'exercice physique diminue les anomalies ECG qui se majorent en récupération. Chez un sujet asymptomatique l'on pourra s'appuyer sur l'existence dans le syndrome de Brugada d'un complexe QRS plus large et sur un sus-décalage plus ample présent le plus souvent dans les dérivations V1-V2 contre V3-V4 dans le syndrome de repolarisation précoce. Actuellement l'attitude recommandée est de contre-indiquer la pratique du sport de compétition chez les patients porteurs d'un syndrome de Brugada, le coup de frein vagal post-exercice pouvant favoriser les arythmies chez ces patients. Le syndrome du QT long, dont l'incidence est voisine de 1/5000, touche préférentiellement les jeunes filles. Cette affection génétique hétérogène avec des formes récessives et dominantes peut se compliquer de troubles du rythme ventriculaires graves survenant dans un contexte adrénergique (effort, émotion,…). Les gènes concernés régulent les canaux ioniques (potassiques ou sodiques) ou leurs protéines régulatrices qui interviennent dans le potentiel d'action des cardiomyocytes. Le diagnostic est électrocardiographique avec présence d'un QT anormalement long 12 souvent associé à des modifications morphologiques de l'onde T. La valeur supérieure limite admise pour la durée de l'intervalle QT corrigée (QTc) avec la formule de Bazett est de 440 ms. On distingue actuellement trois formes ECG principales du syndrome, LQT1(85% des cas), LQT2 ou HERG (15 % des cas) et LQT3 qui est la plus rare (5% des cas, atteinte du canal sodique). La pratique sportive intense et de compétition est contre-indiquée chez ces patients, vu le risque de survenue d'arythmies ventriculaires graves adrénergiques. 4-4 L'épreuve d'effort à visée cardiologique L'épreuve d'effort (EE) constitue un véritable "banc d'essai" pour le sportif, surtout si l'exercice réalisé est spécifique de la discipline pratiquée (tapis roulant pour les coureurs à pied, ergomètre à bras pour les spécialistes d'aviron, …). Cet examen renseigne sur bien d'autres paramètres que le système cardiovasculaire, mais nous ne parlerons ici que de l'EE à visée cardiologique. La réalisation de ce type d'EE ne doit pas être systématique. En effet, sa sensibilité (70%) et sa spécificité (80%) pour détecter une maladie coronaire silencieuse, lorsque son indication n'est pas ciblée, sont insuffisantes. Le risque de "faux positif" (20%) pouvant conduire à des examens complémentaires plus ou moins invasifs (EE avec scintigraphie myocardique, coronarographie) et négatifs est trop élevé. L'indication de l'EE dans le cadre de la visite de non contre-indication à la pratique sportive doit donc être ciblée. Selon les recommandations de la Société Française de Cardiologie (1997), une EE est justifiée chez un sujet porteur d'une cardiopathie ou symptomatique (clinique ou ECG), chez un sujet asymptomatique présentant au moins deux facteurs de risque cardiovasculaires et, vu l'augmentation de la prévalence de la maladie coronaire avec l'âge, chez un sujet désirant reprendre une activité sportive intense (> à 60% de sa consommation maximale d'oxygène ou > à 70% de sa fréquence cardiaque maximale) après 40 ans chez un homme et après 50 ans chez une femme. Outre la détection de la maladie coronaire (figure 9), l'EE objective les adaptations tensionelles à l'effort et peut révéler des arythmies cardiaques adrénergiques lors de l'exercice ou vagales lors de la récupération. 13 4-5 Les particularités du "cœur d'athlète". Nous avons vu précédemment que les adaptations cardiovasculaires induites par le sport pouvaient se traduire par des particularités électriques et morphologiques. Si leur découverte ne doit pas conduire à contre-indiquer abusivement la pratique sportive, il ne faut pas non plus rattacher trop facilement des particularités cardiovasculaires à la pratique sportive. Elles ne sont pas obligatoires et ne se voient que chez des sportifs, surtout des disciplines dynamiques, de haut niveau d'entraînement (≥ à 10-12 heures par semaine) asymptomatiques. Cliniquement, l'auscultation retrouve essentiellement un cœur lent avec un choc de pointe ample et puissant. L'ECG, qui est normal chez 55 % de ces sportifs, peut révéler des particularités du rythme et de la conduction, plus ou moins associées, qui doivent disparaître rapidement à l'effort. Il s'agit surtout d'une bradycardie (FC < 60 bpm) sinusale et de troubles de conduction à type de bloc auriculo-ventriculaire du premier ou du second degré avec période de Luciani-Wenckebach. Plus rarement un rythme jonctionnel ou idioventriculaire est enregistré. Les extrasystoles ne sont pas plus fréquentes chez les sportifs. Leur découverte comme celle d'un bloc auriculo-ventriculaire de haut degré réclament un avis cardiologique. Les blocs de branche droits incomplets sont très fréquents, ils ne disparaissent pas mais ne se majorent pas non plus à l'effort. Les blocs de branche gauche et les hémiblocs qui ne font pas partie des atypies classiques de l'ECG du sportif doivent être explorés. Les particularités de la repolarisation posent les plus de problèmes d'aptitude. L'intervalle QT n'est pas prolongé chez le sportif, surtout si l'on tient compte de la bradycardie. Certains aspects morphologiques du segment ST et de l'onde T posent des problèmes diagnostiques et doivent être explorés. Il convient de rappeler ici, que les ondes T négatives ne doivent pas normalement dépasser V1 (en dehors de l'enfant sportif jusqu'à 12-13 ans). La pratique extensive de l'échocardiographie a mis en évidence, surtout chez les spécialistes de disciplines dynamiques, une hypertrophie-dilatation harmonieuse des quatre cavités cardiaques. Ces modifications qui restent toujours modérées sont assez mal corrélées à la quantité d'entraînement et à la performance sportive. Surtout cette "hypertrophie" est associée à des qualités fonctionnelles du muscle cardiaque supranormales. Ces particularités du cœur du sportif peuvent se voir à tout âge et régressent avec la diminution de l'entraînement. 14 5- Conseils concernant la pratique d’une activité physique. En dehors de la pratique des sports de compétition, de par ses effets bénéfiques, en particulier cardiovasculaires, la pratique régulière d’une activité physique doit être encouragée. Il faut dans un premier temps modifier le mode de vie du sujet qui devra privilégier la réalisation de nombreuses tâches classiques comme la montée d’escalier plutôt que la prise d’ascenseur, la marche pour les courts déplacements, le port régulier de charges peu lourdes. Les sujets motivés pourront associer progressivement à cette modification du mode de vie des séances d’activité physique codifiées de type dynamique (ou aérobie) qui n’ont pas besoin d’être intenses ni très prolongées. Le but est d’accomplir 2 à 3 séances par semaine de 20 à 45 minutes d’un exercice mettant en jeu de fortes masses musculaires Cet exercice doit être réalisé en aisance respiratoire (possibilité de parler avec des phrases courtes sans essoufflement majeur). Les efforts de type musculation légère ne doivent pas être interdits. Leur effet bénéfique sur la composition corporelle, par augmentation de la masse musculaire, et sur la force musculaire est important en particulier chez les personnes âgées. Bien que leurs effets bénéfiques soient globalement moins nets que ceux des activités aérobies, ils ne doivent pas être négligés. Chez le cardiaque traité, la pratique d’une activité physique aussi sera encouragée. Elle rentre dans le cadre de la réadaptation et sera individualisée et réalisée sous contrôle médical. La compétition sera par contre en règle interdite. En conclusion, la visite médicale de non contre-indication à la pratique sportive a un rôle préventif majeur en particulier sur le plan cardiovasculaire. Basée sur l'interrogatoire et l'examen physique du sujet demandeur, elle permet dans l'immense majorité des cas de conclure à l'intégrité du système cardiovasculaire. Cependant, au moindre doute sur celle-ci, elle doit conduire à l'indication d'examens cardiologiques spécialisés. Lorsqu'une affection cardiovasculaire est diagnostiquée l'autorisation de la pratique sportive en compétition pourra être dictée par les recommandations de Bethesda publiées en 1994. Chez le sujet sain, la pratique régulière d’une activité physique modérée doit être encouragée et rentrer dans le cadre d’une lutte contre la sédentarité qui risque de devenir un problème de santé publique par les effets pervers qu’elle entraîne. Les accidents décrits lors de la pratique d’une activité physique sont dus à une pratique intense et inhabituelle chez un cardiaque ignoré. 15 Tableau 1 : Classification des sports (Mitchell 1994 modifiée par Brion 1998) 16 (l/min) (bpm) (ml) Figure 1 : Adaptations centrales à l’exercice dynamique. QC = débit cardiaque, FC = fréquence cardiaque, VES = volume d’éjection systolique. (modifié d’après F. Carré : «La surveillance cardiologique du sportif » , 1988, Edition Masson, Paris) 17 Figure 2 : Adaptations du volume d’éjection systolique, de ses composantes (volume d’éjection systolique = volume télédiastolique- volume télésystolique) et de la fraction d’éjection (volume d’éjection systolique /volume télédiastolique) à l’exercice dynamique. (modifié d’après M.Higginbotham, Circ. Res. 1986) 18 (mm Hg) Figure 3 : Adaptations périphériques systèmiques à l’exercice dynamique. QC = débit cardiaque, PA = pression artérielle, RPT = résistances périphériques totales. (modifié d’après F. Carré : «La surveillance cardiologique du sportif » , 1988, Edition Masson, Paris) 19 Bpm 160 140 120 70 mmHg 200 180 160 140 PAS 120 PAM 100 PAD 80 Figure 4 : Adaptations centrales à l’exercice statiques., FC = fréquence cardiaque, PAS ; PAM ; PAD = Pressions artérielles systolique, moyenne et diastolique. FMV = Force maximale volontaire, (modifié d’après NK Wenger. In : «Heart disease and rehabilitation » , Pollock ML, Schmidt DH, Eds. Huston-Hill,. Boston 1979 : 446-452°)