La Chauve-souris de Strauss à l`Opéra d`Avignon

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La Chauve-souris de Strauss à l`Opéra d`Avignon
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La Chauve-souris de Strauss à l’Opéra d’Avignon
Date : 28 janvier 2016
Hervé Casini ♦ Un magnifique divertissement coloré et festif
Les amateurs d’opérette viennoise le savent bien : il y a, au moins, deux façons d’aborder ce
chef d’œuvre du genre qu’est Die Fledermaus, ou plutôt La Chauve-souris : y voir, entre valse
et champagne, l’un des plus parfaits exemples de comédie en musique reflétant brillamment,
et de façon grinçante, une société viennoise malade mais se moquant d’elle-même ; ou, sans
nier pour autant que cet aspect est bel et bien présent, y compris dans la version française de
l’ouvrage, y voir avant tout « un magnifique divertissement musical et théâtral, coloré et festif »
(1), fonctionnant parfaitement par la richesse du contenu de nombre de ses situations. C’est
assez logiquement, surtout pour un public français, sous ce deuxième angle que s’inscrit la
production proposée par l’Opéra Grand Avignon en ces fêtes de fin d’année.
Une farce virevoltante qui ne connaît pas de temps morts
Dans une efficace scénographie, situant parfaitement l’action dans sa version parisienne, grâce
en particulier à un panneau de fond de scène reproduisant, lors du bal chez le prince Orlofsky,
le tableau de Manet Le Déjeuner sur l’herbe, et jouant sur le « mauvais goût » d’une
bourgeoisie frelatée (les trophées aux murs de l’hôtel particulier de Gaillardin ne sont rien
moins que des têtes de sanglier, biches et autres cerfs !), la mise en scène et l’authentique
direction d’acteurs de Jacques Duparc ne connait pas de temps mort et permet à chacun des
interprètes de cette farce virevoltante de se démarquer tout en restant partie prenante d’un
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ensemble. C’est tout particulièrement indispensable ici où chaque rôle a son importance et
n’est en rien secondaire au discours musical du compositeur. Dans une période où il convient
malheureusement de noter la pauvreté voire la laideur des costumes de théâtre, y compris dans
des productions coûteuses, le travail réalisé par l’association Art Musical mérite vraiment d’être
salué : la fête masquée du deuxième acte, qui mêle avec bonheur diverses époques et nations,
avec la multiplicité et l’originalité de ses couleurs -parfaitement mises en valeur par les lumières
de Marc Delamézière - constitue en cela le climax de cette belle production.
Le chef Jérôme Pillement et le ténor Florian Laconi rois de la fête
La Chauve-Souris, et là encore c’est sans doute un poncif, est une opérette de chef. Jérôme
Pillement, qui a étudié rien moins qu’avec Pierre Dervaux et Leonard Bernstein, en connaît
toutes les saveurs et toutes les splendeurs et sait les distiller à la tête d’une phalange attentive
qui a bien perçu les intentions du maestro mêlant le tourbillon des valses, galops et polkas à la
beauté souvent nostalgique d’airs, duos et ensembles de facture totalement lyrique.
On devrait citer la totalité des interprètes de cette édition tant ils restituent, le plus souvent de
façon très convaincante, la psychologie vocale et scénique de leurs personnages. Limitonsnous donc à écrire un grand bravo à Gabrielle Philiponet, Caroline sonore et de belle
envergure, à Laure Barras-une découverte en ce qui me concerne- à la colorature brillante en
Arlette, à Florian Laconi, qui crève la scène avec son Gaillardin truculent de verve et de
goujaterie - et dont on aura pu, pour l’occasion, découvrir les talents d’imitateur du Général ! sans oublier, bien sûr, l’Orlofsky androgyne et aux sonorités moirées de Valentine Lemercier
qui, parée au deuxième acte d’une magnifique cape ambrée, promène sur scène son ennui
blasé et délicieusement décadent.
(1) Propos extraits de la note d’intention de Jacques Duparc, metteur en scène, dans le
programme de salle.
Illustration : Yann Toussaint, dans le rôle de Duparquet (Falke) dans la Chauve-Souris de Johann Strauss, à l’Opéra du Grand Avignon, 2015.
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