Mère Teresa, une béatification équivoque

Transcription

Mère Teresa, une béatification équivoque
Mère Térésa
une béatiÞcation équivoque
Nº 84 – Novembre/décembre 2003
Editorial
La réponse des « sans papiers de l’Eglise »
L
a tentative d’occupation de Saint-Nicolasdu-Chardonnet par des sans-papiers, manipulés par des sans foi ni loi, prouve, si besoin
était, que la Tradition catholique est toujours l’objet des attaques des révolutionnaires. Vous trouverez dans ce numéro une revue de presse des
événements. (Sur notre site : www.dici.org, vous
trouverez dans la galerie de photos le reportage de
cette journée.)
Comme l’a très justement rappelé M. l’abbé de
Cacqueray, supérieur du District de France de la
Fraternité, au cours de l’homélie qu’il a prononcée
au soir du 8 décembre, citant saint Pie X : « L’Eglise est appelée une, sainte, catholique, apostolique, romaine et, j’ajouterai, persécutée. Jésus-Christ ne l’a-t-il pas
dit ? La persécution est le pain quotidien de l’Eglise catholique. »
Cette réalité ne doit pas nous plonger dans le
découragement, encore moins dans l’illusion d’un
« proÞ l bas » qui nous mettrait soi-disant à l’abri
des agressions des ennemis de Jésus-Christ. La
seule réponse qui convient à des baptisés est celle
que les paroissiens de Saint-Nicolas ont donnée
lors de la procession en l’honneur de l’Immaculée
Conception : ils sont venus, plus nombreux que jamais, défendre l’honneur de la Très Sainte Vierge,
en une foule immense que l’église ne pouvait contenir.
Abbé Alain LORANS
SOMMAIRE
➤ La réponse des « sans papiers de l’Eglise »
➤ Mère Térésa, une béatification équivoque
Abbé Hervé Gresland
➤ Revue de presse :
l’occupation de l’église Saint-Nicolas
➤ La tactique moderniste
Abbé François Knittel
➤ Pastores gregis : la vision de l’évêque selon
l’Eglise conciliaire
Abbé Jean-Marie Bernard
Nouvelles de Chrétienté Nº 84
Novembre — décembre 2003
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LE DOSSIER
Mère Teresa, une béatification équivoque
G
onxha (c’est-à-dire Agnès) Bojaxhiu, la future
Mère Teresa, naît le 26 août 1910 à Skopje, en
Macédoine, de souche albanaise 1, et est baptisée le lendemain de sa naissance. Elle est la troisième de trois enfants. Elle passe une enfance heureuse à Skopje, dans un
foyer pleinement catholique. Ce qui constitue le ciment
de cette famille extrêmement unie, c’est une foi intense.
Son père, Kollë (Nicolas), est un prospère entrepreneur
en construction, respecté dans la région ; il mourut quand
elle avait neuf ans. Il lui avait inculqué quelques principes, dont celui-ci : « Ma Þ lle, n’accepte jamais de porter
à ta bouche un morceau de pain sans être disposée à le
partager avec d’autres. » 2
Son admirable mère, Drana, femme très pieuse, désormais seule pour survenir aux besoins de la famille, ouvre
un commerce de broderies pour pouvoir élever ses enfants.
C’est une catholique fervente ; elle joue un rôle important
dans la vie de la paroisse du Sacré-Cœur, et s’occupe activement d’œuvres de charité. La charité est chez elle une
seconde nature. Le frère de Gonxha, Lazare, dira d’elle :
« Notre mère était une femme forte, à la trempe d’acier.
Elle était en même temps humble, généreuse, soucieuse
des pauvres et profondément religieuse. Je crois que nous
lui devons tout. » 3
Gonxha fait partie des Enfants de Marie, et de la chorale de la paroisse. Elle est passionnée par les récits et revues missionnaires, par l’expansion de l’Eglise en Afrique
et en Asie. Son frère la décrit « vivante, spontanée, malicieuse ». C’est aussi une organisatrice née, nous dit son
cousin Lorenz.
L’adolescente prie beaucoup. Sa vocation s’éveille à partir de l’âge de 12 ans, et se décide déÞ nitivement quand
elle en a 18. A peine âgée de 18 ans, Agnès quitte sa famille en septembre 1928 pour entrer dans la communauté
des Sœurs de Notre-Dame de Lorette, une congrégation
missionnaire de spiritualité jésuite, choix qu’a peut-être
inßuencé le père jésuite Jambrekovic, curé de sa paroisse
et son confesseur. Elle ne reverra jamais sa mère. Elle part
à Rathfarnham (Dublin) en Irlande, où elle est admise
comme postulante le 12 octobre sous le nom de Teresa,
ayant pour sainte patronne sainte Thérèse de Lisieux.
Elle rêvait des missions étrangères, et est envoyée en
Inde par sa congrégation ; elle arrive à Calcutta le 6 janvier
1929. Quand elle découvre l’Inde, c’est le choc de la misè-
2
re des castes méprisées, qui
est une révélation pour elle :
des hommes vivent et souffrent dans des conditions inconnues en Europe. Dans
un article qu’elle envoie au journal Missions catholiques de
Zagreb, elle écrit : « Si les gens de nos pays voyaient ces
spectacles, ils cesseraient de se plaindre de leurs petits
ennuis et remercieraient Dieu d’avoir été si généreux à
leur égard. » Elle fait son noviciat à Darjeeling, à 600 kilomètres de Calcutta. Au terme des 18 mois du noviciat,
elle prononce ses vœux le 25 mai 1931.
Après quelques mois passés dans un dispensaire, elle
est envoyée à Calcutta, où les « dames irlandaises » tiennent deux écoles situées côte à côte. L’école Sainte-Marie
est une école que fréquentent des jeunes Þlles de la bonne
société indienne, un établissement scolaire plutôt huppé.
Le collège Loreto Entally est une école gratuite, pour les
enfants de familles pauvres. C’est dans cette dernière école que sœur Teresa enseigne l’histoire et la géographie.
Elle achève ses études et passe son diplôme de professeur.
Elle s’occupe aussi d’une autre école, où les enfants sont
vraiment misérables. Elle fait également de nombreuses
visites de charité dans les bidonvilles.
Elle prononce ses vœux perpétuels comme religieuse
de Lorette le 24 mai 1937. A la rentrée suivante, elle est
nommée directrice des études à Sainte-Marie. C’est une
modiÞcation importante de son environnement, puisqu’elle s’occupe d’enfants socialement privilégiées. Elle
a créé une section des Enfants de Marie, avec lesquelles
elle se rend dans les taudis, console les démunis et les malades. Sa mère lui fait cependant des reproches dans une
lettre : « Ma chère enfant, n’oublie pas que si tu es partie
dans un pays si lointain, c’est pour les pauvres. » C’est un
coup de semonce, mais sœur Teresa mettra encore huit
ans à en saisir toute la portée.
« L’appel dans l’appel »
Ces années seront marquées par la Deuxième Guerre
mondiale et ses immenses bouleversements, les affrontements meurtriers entre hindous et musulmans, la partition du dominion britannique entre l’Inde et le Pakistan
et l’indépendance des deux pays. L’Inde sombre dans le
chaos et la guerre civile. Des centaines de milliers de ré-
•
fugiés affluent à Calcutta. Sœur Teresa est très touchée
par la maladie et la mort qui sévissent dans la ville. Pour
elle, enseigner n’est plus suffisant ; d’autres peuvent s’en
acquitter à sa place. A l’intérieur de sa vocation religieuse
surgit une autre vocation, qu’elle a nommé « l’appel dans
l’appel », et qu’elle décrit ainsi : « Cela est arrivé le 10 septembre 1946. Tandis que je priais à l’intime de moi-même
et en silence, j’ai perçu très nettement un appel dans l’appel. Le message était très clair : je devais quitter le couvent de Lorette pour me consacrer au service des autres,
en vivant au milieu d’eux. C’était un ordre. J’ai éprouvé
intensément la volonté de Jésus de me voir le servir dans
les pauvres, dans les abandonnés, les habitants des taudis,
ceux qui n’ont aucun refuge. Jésus m’invitait à le servir et à
le suivre dans une pauvreté réelle, en embrassant un genre
de vie qui m’assimile aux nécessiteux, dans lesquels il est
présent, dans lesquels il souffre, dans lesquels il vit. »
Dès lors sœur Teresa ne souhaite plus qu’une chose : se consacrer aux plus pauvres. Elle en parle d’abord
à son confesseur et directeur spirituel, un jésuite belge,
le père Van Exem. Celui-ci réagit bien sûr très prudemment, mais accepte d’en parler à l’archevêque de Calcutta,
Mgr Fernand Périer, un jésuite d’origine française. Celuici reçoit sœur Teresa, mais juge la décision inopportune
pour des raisons politiques. De toute façon sœur Teresa
a un début de tuberculose, et est condamnée à l’inaction
jusqu’à la Þn de l’année 1947. Début 1948, elle obtient l’accord de sa congrégation, et une permission d’exclaustration de Rome (c’est-à-dire qu’elle est autorisée à sortir de
sa communauté et à vivre comme religieuse non cloîtrée
sous l’autorité de l’archevêque de Calcutta). Le 16 août
1948, elle quitte Loreto House, et décide de porter le
costume adopté par une branche bengalie des Sœurs de
Lorette, un sari en coton, qui est le vêtement des femmes
du peuple. Dans l’incompréhension générale, elle délaisse
son poste de directrice d’école. Elle part avec seulement
une petite mallette. Mgr Périer a demandé qu’avant de
se lancer dans son action dans les taudis de Calcutta elle
acquière des connaissances médicales qui lui permettront
de soigner les plus démunis. Elle fait donc un séjour de
trois mois à l’hôpital de la Sainte-Famille à Patna, à 500
kilomètres de Calcutta. Elle demande et obtient la nationalité indienne, ce qui supprime les démarches pour avoir
un permis de séjour ; elle parlait couramment le bengali,
la langue régionale, et l’hindi, l’idiome national.
De retour à Calcutta, elle parcourt les rues de l’immense cité, et va se consacrer désormais à ceux que l’on
considère comme le rebut du monde social. Calcutta est
le réceptacle de toutes les misères : lépreux, incurables,
abandonnés dont nul ne se soucie… La faim est un ßéau
endémique. Les hôpitaux regorgent. Les enfants fouillent
les poubelles (ou ce qui en tient lieu). Des milliers de gens
dorment et meurent sur les trottoirs dans l’indifférence
générale.
Mére Térésa, une béatiÞcation équivoque
Elle n’a pas de hautes relations ni d’appuis. Face aux
nécessités de toute urgence, ce qu’elle fait est simplement
dérisoire. Son action ne peut être qu’une goutte d’eau dans
l’océan de la misère. Mais l’océan n’est fait que de gouttes
d’eau… ; plus tard, elle aura ce mot : « Nous savons bien que
ce que nous faisons n’est qu’une goutte d’eau, mais si cette
goutte n’était pas dans l’océan, elle lui manquerait ! »
Elle commence son activité dans un bidonville,
ouvrant une « école » sur un terrain vague, et un dispensaire improvisé, en plein air. Elle nettoie les ulcères, distribue ce qu’elle peut de vivres. Poussée par sa charité, elle marche jusqu’à « user ses jambes », avouera-t-elle, pour
soulager les plus grandes souffrances. Face à cette tâche
surhumaine, elle a la terrible tentation de retourner auprès
de ses sœurs – sa place y est gardée –, et de partager leur
vie paisible et relativement confortable.
L’action de la Providence se manifeste vite en bien des
occasions. Des aides imprévisibles se présentent. Mais si
généreux et désintéressés qu’ils soient, ces appuis ne peuvent être que temporaires. Mère Teresa se convainc rapidement qu’il lui faudrait des recrues permanentes, toutes
données à l’œuvre.
Elle accueille sa première compagne en mars 1949.
A partir de cette date, elle voit arriver les unes après les
autres des jeunes Þ lles qui viennent la rejoindre et veulent
être religieuses. Les premières avaient été ses élèves au
collège de Lorette. Mgr Périer, qui a fait procéder à une
minutieuse enquête sur l’activité de sœur Teresa, écrit :
« Je commence à croire que nous nous trouvons dans le cas
d’une vocation extraordinaire et authentique et que, sans
aller contre la prudence que la législation et les usages ecclésiastiques conseillent et imposent, nous ne devons pas
non plus mettre d’entraves aux projets de Dieu. »
Sœur Teresa doit rejoindre un autre ordre religieux,
ou en fonder un. Elle décide de fonder une congrégation.
Aux postulantes qui se présentent, elle propose une vie
très austère. Elle leur demande de partager le mode de
vie des plus démunis : « nous ne devons rien avoir que les
plus pauvres ne puissent aussi se procurer. »
Après l’approbation de la règle par la Congrégation des
religieux, la nouvelle Congrégation des Missionnaires de
la Charité, qui comptait alors douze membres, est officiellement érigée comme ordre religieux par l’archevêché
de Calcutta le 7 octobre 1950. Les membres de la congrégation ont adopté quatre vœux : en plus des trois vœux
habituels (la pauvreté, la chasteté et l’obéissance), elles
font celui de se consacrer aux plus pauvres. Le contenu de
l’inspiration de Mère Teresa est révélé dans le but qu’elle
voulait donner à sa nouvelle institution : « étancher la soif
inÞnie d’amour et des âmes de Jésus sur la croix ». Les statuts de l’ordre disent : « Notre mission spéciÞque est de
travailler au salut et à la sanctiÞcation des plus pauvres
d’entre les pauvres. »
3
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La vie des sœurs
Mère Teresa donne à ses Þ lles des consignes d’humilité, de générosité, pour ressembler toujours plus à Jésus.
« Tout ce que nous faisons – prière, travail, souffrance –,
c’est pour Jésus. Nos vies n’ont aucun sens, aucune motivation en dehors de lui. »
Lors de la cérémonie de profession des dix premières
religieuses de l’ordre, célébrée le 12 avril 1953 en présence
de Mgr Périer, elle revient sur ce thème : « Nos vies sont
totalement orientées vers Jésus et à son service. Nous
vivons pour lui, pour le servir et l’aimer, pour faire que
tous le connaissent et l’aiment. Ainsi je dis que nous faisons tout par Jésus et avec Jésus, parce qu’il nous donne
la force, la consolation, la joie de travailler pour lui. »
Les sœurs vivent dans une grande pauvreté. Mère
Teresa limite à l’essentiel les biens qu’elles peuvent posséder. Elle montrera toujours sa volonté tenace que la
congrégation reste pauvre, qu’elle n’ait pas de sécurité matérielle, de moyen assuré pour vivre, mais qu’elle
doive compter sur la Providence. Il est certain que pour
« tenir » sans défaillance dans leur mode d’existence qui
est d’une rare exigence, les Missionnaires de la Charité
doivent avoir une vraie vie intérieure. Pour donner des
soins répugnants, il faut une vie de prière, il faut voir
Dieu dans les malades. « Les pauvres, pour nous, sont le
Christ : le Christ, sous le visage de la souffrance humaine », répète Mère Teresa.4
Les journées de travail des sœurs sont très remplies,
mais chaque jour à 18 h 30, elles font l’adoration du SaintSacrement, et elles ont une journée de récollection par
semaine. Quand elle ouvre de nouvelles maisons, Mère
Teresa écrit à ses sœurs : « Dans chacune de nos maisons,
la première chose que nous mettrons, c’est un tabernacle,
un calice et un ciboire pour la sainte messe. »
Le foyer pour les mourants
Dans ces bidonvilles de
Calcutta, beaucoup de personnes meurent de faim ou d’épidémie sur la chaussée, dans un
abandon indicible. Mère Teresa
veut trouver un local où les agonisants seraient recueillis et où
ils pourraient mourir en paix
avec, autour d’eux, un minimum
de chaleur et d’amour : « Il faut
qu’ils sentent qu’il y a des gens
qui les aiment vraiment, au moins
pendant les heures qui leur restent à vivre, qu’ils connaissent
enfin l’amour humain et divin,
4
qu’eux aussi sachent qu’ils sont des enfants de Dieu. »
Le 22 août 1952, elle ouvre le Nirmal Hriday, la Maison
du Cœur pur, dans un local fourni par les autorités municipales de Calcutta. Un écriteau Þ xé à l’entrée porte
cette inscription : « home for the dying destitutes », foyer
pour les mourants abandonnés. L’endroit est pauvre et
dépouillé, mais il y règne une grande paix. Les sœurs
ont besoin d’un réel courage, elles sont confrontées à la
misère et à la souffrance dans ce qu’elles peuvent avoir
de plus hideux. Les agonisants qu’on amène au Nirmal
Hriday sont, le plus souvent, dans un état de saleté repoussante. Leurs membres sont parfois gangrenés, dévorés par les vers. Le spectacle est insoutenable pour les
étrangers. Le P. Gorrée évoque ainsi sa première visite
au mouroir : « Moi, vieux soldat qui connais les lazarets
militaires, j’ai eu peine à tenir le coup. » En se penchant
sur les pauvres, Mère Teresa veut leur signiÞer qu’ils ne
sont pas abandonnés. Elle a le souci d’apporter à tous,
non seulement le secours matériel indispensable, mais
aussi la douceur d’un amour fraternel qu’ils n’ont jamais
connu et qui laisse transparaître l’amour éternel de Dieu
pour chacun de ses enfants. La présence des sœurs, si
douces, toujours prêtes à écouter, est déjà pour ces rejetés d’hier une immense consolation. Mère Teresa recommande à ses sœurs : « Soyez l’expression vivante de
la bonté de Dieu : que la bonté de Dieu soit sur votre visage, dans vos yeux, dans votre sourire, dans la chaleur
de votre salut. »
Parmi ces hommes les plus pauvres, 50 000 morts ont
reçu grâce à elle l’amour et l’affection des derniers instants, « aucun d’eux n’est mort désespéré ». « Ce que nous
faisons à ces gens-là, c’est à Jésus que nous le faisons ; la
religion chrétienne apporte l’amour du Christ, et le message de son amour est le seul message qui puisse conduire
à la paix. L’amour est la seule chose qui compte. »
« Chaque personne est pour moi le Christ. » « Quand
je lave les plaies des lépreux, j’ai le sentiment de prendre
soin du Seigneur lui même. » 5
« Les pauvres nous donnent bien plus que nous leur
donnons. Ce sont des personnes si fortes. Ils ne jurent
Le pape Jean-Paul II et Mère Térésa en 1986, lors de la visite du Nirmal Hriday
Mère Térésa, une béatiÞcation équivoque
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jamais, ne se plaignent jamais. Nous ne devons pas leur
donner de la pitié ou de la compassion. Nous avons tant
à apprendre d’eux. » 6
Le but direct que Mère Teresa s’est proposé n’est pas
la conversion des mourants. Son idée est celle-ci : « Si je
travaille, si je sers les gens avec amour et sacriÞce, alors
tout naturellement ils vont commencer à penser à Dieu.
Ainsi ils sont amenés à le connaître et, en le connaissant,
ils vont vouloir l’aimer et, l’aimant, le servir. » 7 Les actes sont souvent plus signiÞcatifs, plus parlants que les
mots ; le témoignage des Missionnaires vaut toutes les
prédications. C’est une spiritualité quelque peu angélique, qui oublie la déchéance de notre nature. Elle oublie
aussi que la connaissance de Dieu qui mène au salut n’est
pas une connaissance quelconque, mais une connaissance surnaturelle, et que cette connaissance nous parvient
par la prédication : « Comment pourraient-ils croire en
celui qu’ils n’ont pas entendu ? Comment pourraient-ils
entendre si personne ne prêche ? », dit saint Paul.8
Lors de sa visite au Nirmal Hriday, le 3 février 1986,
Jean-Paul II exprimera lui-même le message qui y est
donné aux mourants : « “Je ne puis retirer vos souffrances. Mais de ceci je suis sûr : Dieu vous aime d’un amour
éternel. Vous êtes précieux à ses yeux. En lui, moi aussi,
je vous aime. Car en Dieu nous sommes vraiment frères
et sœurs.” Nirmal Hriday proclame la profonde dignité
de chaque être humain. Les tendres soins qui sont prodigués ici témoignent de la vérité que la valeur d’un être
humain ne se mesure pas à son utilité, ni à ses talents,
ni à sa santé ou sa maladie, ni à son âge ou en raison
de ses croyances ou de sa race. Notre dignité humaine
vient de Dieu, notre Créateur, qui nous a tous façonnés
à son image. »
L’expansion de l’œuvre
En 1955, Mère Teresa ouvre un foyer pour les enfants
abandonnés. Très vite, 200 enfants y sont accueillis.
Dans cet orphelinat sont amenés parfois des enfants
qui n’ont plus que quelques heures à vivre. Fidèle à ses
principes, Mère Teresa ne baptise pas ces enfants in articulo mortis.9
Elle crée des foyers d’accueil pour les lépreux, et s’y
dépense sans compter. Elle crée même en 1957 un village
de lépreux à Asansol, à 200 kilomètres de Calcutta, où
elle regroupe 400 familles de lépreux, qui peuvent vivre d’une existence normale, recevoir les soins indispensables, travailler… Chacune dispose d’un lopin de terre
et d’une maison ; il y a un hôpital et une école. Asansol
devient vite un modèle et est à l’origine de nombreuses
expériences similaires en Inde.
Au cours des années 50, elle développe l’œuvre des
Missionnaires de la Charité à Calcutta. Devant l’afflux
des détresses, elle fonde des écoles, des dispensaires…
En 1959, elle obtient la permission de commencer à
ouvrir des maisons en dehors du diocèse de Calcutta.
Dans les cinq années qui suivent, elle ouvre quinze nouvelles maisons en Inde.
En février 1965, une nouvelle étape est franchie : la
congrégation devient de droit pontiÞcal sous la juridiction de Rome, et peut sortir des limites de l’Inde, ce
qu’elle va faire aussitôt. La première fondation hors de
l’Inde a lieu au Venezuela, en 1965. A propos des fondations qu’elle crée, Mère Teresa dit : « Nous allons là où
le besoin spirituel est le plus grand, où les personnes paraissent être prêtes à accueillir l’instruction religieuse et
les sacrements. Nous allons là où la présence de l’Eglise
est le plus nécessaire. »
Dans les années 1964-1965, Mère Teresa et son œuvre
deviennent de plus en plus connues dans le monde. Lors
de la visite de Paul VI en Inde en 1964, Mère Teresa est
confrontée pour la première fois à la presse. Un journaliste vedette de la B.B.C., Malcolm Muggeridge, veut tourner un reportage sur les Missionnaires de la Charité, qui
sera diff usé par la B.B.C. à une heure de grande écoute,
et commencera à faire connaître Mère Teresa. Devant
le rayonnement de cette religieuse ridée, devant la simplicité et la spontanéité de ses réponses, l’émotion des
spectateurs est profonde. L’émission eut un immense
retentissement, et il fallut la rediff user. 10
En 1968, Paul VI l’invite à Rome, et lui demande
d’ouvrir un foyer dans la banlieue de la ville, ce qu’elle accepte à la vue de la misère matérielle et spirituelle
qui y règne.
Le nom de Mère Teresa est maintenant connu de
tous. L’œuvre des Missionnaires de la Charité possède
une notoriété mondiale, et suscite un grand élan de générosité. Les dons et les vocations affluent. La croissance
de la branche féminine est étonnamment rapide ; alors
que dans la plupart des congrégations les noviciats se vident, Mère Teresa ne sait comment héberger les jeunes
Þ lles qui lui demandent leur admission, et multiplie les
fondations. En 1970, elle décide d’ouvrir un noviciat à
Londres. Durant la décennie soixante-dix, elle ouvre de
nouvelles maisons en Afrique (Tanzanie et Ethiopie), en
Asie (Sri Lanka et Vietnam), en Australie, au MoyenOrient, en Amérique du Nord. La congrégation s’étend
partout où il y a des pauvres à secourir. A la Þ n des années soixante-dix, elle compte plus de 1 300 religieuses,
et 164 maisons, dont 98 en Inde. La compagnie aérienne
Air India et les chemins de fer indiens offrent la gratuité
du transport aux Missionnaires de la Charité pour tous
leurs voyages. La guerre du Bangladesh, au début des an-
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Nouvelles de Chrétienté Nº 84
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nées 1970, avec son immense cortège de malheurs et de
misères, sera l’occasion d’immenses dévouements.
En 1973, le gouvernement du Yémen invite les sœurs à
ouvrir une fondation, dans ce pays où il n’y avait plus de
présence chrétienne officielle depuis 600 ans. Le gouvernement propose même de construire une église pour les
sœurs, mais Mère Teresa curieusement refuse, arguant
que les sœurs peuvent se contenter pour chapelle d’une
simple pièce à l’intérieur de leur maison : pas besoin de
signe distinctif extérieur. C’est une occasion manquée
d’établir davantage la présence de Notre-Seigneur.
La notoriété mondiale
Au Þ l des ans, et bien malgré elle, Mère Teresa se voit attribuer de
multiples distinctions et honneurs :
en 1962 (année qui marque les débuts de sa célébrité), le gouvernement indien lui accorde le Lotus
d’or, une des plus hautes distinctions
du pays. La Conférence des chefs
d’Etat asiatiques lui décerne le prix
Magsaysay, doté de 50 000 roupies
qui lui permettront d’ouvrir un foyer
pour les enfants abandonnés.
Elle jouit à Rome d’une exceptionnelle faveur. A la Noël 1970,
Paul VI lui attribue le prix de la
paix Jean XXIII, en disant dans son
message radiotélévisé : « Nous proposons à l’admiration de tous cette intrépide messagère
de l’amour du Christ. » Il veut que « le monde se sente
interpellé par l’exemple évangélique de Mère Teresa »,
et préside lui-même la cérémonie de remise du prix, le
6 juin 1971. Toujours en 1971, Mère Teresa reçoit à Boston
le prix du Bon Samaritain, créé par la famille Kennedy.
En 1972, l’Inde lui décerne le prix Nehru pour son action lors de la guerre du Bangladesh. En 1973, la GrandeBretagne l’honore par le prix Templeton, remis par le duc
d’Edimbourg, en présence de la reine Elizabeth.11
A l’un de ses biographes, Desmond Doig, Mère
Teresa conÞe : « Ces prix sont pour ces pauvres qu’on
est en train de reconnaître. On les a admis enÞ n et on
les aime. Le monde entier commence à les connaître. »
Et sur les sommes qui accompagnent ces distinctions,
elle dit : « C’est une goutte de délivrance dans un océan
de souffrance. »
Le 16 octobre 1979, c’est la distinction suprême, la
plus connue, celle qui suscite des articles dans tous les
journaux du monde, le prix Nobel de la paix. Mère Teresa
reçoit à cette occasion des hommages de partout, parce
qu’elle incarne l’amour, la bonté, la miséricorde, la com-
6
•
passion, le courage, etc. Le ministre des Affaires étrangères indien dit : « Plein de gratitude, le monde reconnaît
que c’est de cela qu’il a besoin. » Pour le Deccan Herald
de Bangalore, « Mère Teresa est devenue une sainte de
son vivant, et une légende. »
Lors de la cérémonie où elle reçoit à Oslo le prix
Nobel, le 10 décembre 1979, elle fait cette déclaration
qui la caractérise bien : « Je suis reconnaissante de le recevoir, au nom de ces affamés, des nus, des sans-logis,
des inÞ rmes, des aveugles, des lépreux, de tous ces gens
qui ne se sentent pas voulus, pas aimés, pas soignés, rejetés par la société, ces gens qui sont devenus un fardeau
pour la société et qui sont humiliés par tout le monde.
C’est en leur nom que j’accepte ce prix. Ils n’ont pas
besoin de notre pitié ni de notre
sympathie. Ils ont besoin de notre
amour compréhensif, ils ont besoin
de notre respect, ils ont besoin que
nous les traitions avec dignité ! » Et
elle en proÞte pour prononcer un
vigoureux plaidoyer contre l’avortement : « Le principal danger contre
la paix mondiale, aujourd’hui, est
le crime contre l’enfant innocent
à naître. »
Ces honneurs l’ont consacrée
comme modèle. Elle fut élevée, au
cours des années soixante-dix, à
une célébrité universelle sans doute contraire à ses désirs. Elle a été
choisie comme le symbole moderne
de l’engagement humanitaire et de
la « solidarité », elle est une Þgure
emblématique. L’« establishment » international fait d’elle un mythe vivant, et cette quasi-sainteté lui attire une
grande vénération. De son vivant déjà, on lui a conféré
la qualité de sainte. Lorsqu’elle reçut le Prix Nobel, le
New York Times inventa pour elle une catégorie inédite,
en titrant : Mother Teresa, a secular saint, c’est-à-dire une
sainte reconnue par le monde profane ou laïque. Le titre
de « sainte » lui avait déjà été conféré lorsqu’elle fut désignée comme « femme de l’année » par le magazine Time
(29 décembre 1975). Le Nouvel Observateur l’appelle « la
plus grande femme vivante » (4 novembre 1983). Et lorsque Javier Perez de Cuellar l’accueille en octobre 1984 à
l’assemblée générale des Nations Unies, il la qualiÞe de
« femme la plus puissante de la terre ».
Jusqu’en 1990, malgré des problèmes de santé de
plus en plus sérieux, Mère Teresa continue à sillonner
le monde pour les professions religieuses des novices,
l’ouverture de nouvelles maisons, et des interventions
pour porter secours aux pauvres frappés par la misère
ou la guerre. Elle prend la parole au quarantième anniversaire des Nations Unies en octobre 1985. La veille
de Noël de cette année, elle ouvre à New York le Don
Mère Térésa, une béatiÞcation équivoque
•
d’amour, sa première maison pour les malades atteints
du sida. Dans les années suivantes, ce foyer fut suivi de
bien d’autres, aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde,
spéciÞquement destinés aux malades du sida.
Il existe aussi les « coopérateurs de Mère Teresa » :
ces laïcs, hommes et femmes « de toutes les religions »
(comme le disent les textes de la Congrégation), attirés
par Mère Teresa et son œuvre, sont au moins 200 000.
A partir de 1990, Mère Teresa doit ralentir ses activités. Elle meurt à la maison mère, à Calcutta, le 5 septembre 1997. Son corps fut transféré à l’église Saint Thomas,
près du couvent de Lorette où elle était arrivée pour la
première fois il y avait soixante-huit ans. Des centaines
de milliers de gens de toutes classes et de toutes religions, d’Inde et de l’étranger, vinrent lui rendre hommage. Elle reçut des funérailles nationales le 13 septembre ;
son corps fut transporté en procession dans les rues de
Calcutta sur le camion militaire qui avait aussi transporté les corps de Gandhi et de Nehru. Des chefs d’Etats et
de gouvernements du monde entier étaient présents.
A la mort de Mère Teresa, les Missionnaires de la
Charité étaient presque 4000, et vivaient dans près de
600 fondations, dans 123 pays du monde. Elles nourrissent chaque année 500 000 familles, accueillent 20 000
enfants dans les écoles, soignent 90 000 lépreux, ont des
orphelinats, etc.
Les diverses branches de l’œuvre
Mère Teresa était connue dans le monde entier, c’était
une personnalité qui avait un rayonnement hors du commun, et elle a entraîné beaucoup d’autres à sa suite. Elle
est arrivée plus d’une fois à faire servir les pauvres, les
malades ou les mourants de ses maisons par des personnes puissantes ou riches, même les membres du gouvernement ou du corps diplomatique.
En 1963, elle fonda les Frères missionnaires de la
Charité, qui furent officiellement établis comme congrégation diocésaine en 1967.
L’année 1976 voit la fondation d’une branche contemplative au sein de la congrégation. L’apostolat de ces
sœurs est celui de la prière, en particulier l’adoration
eucharistique. Les deux branches active et contemplative ont la même supérieure générale.
Les Frères contemplatifs missionnaires de la Charité
furent fondés en 1979, et érigés en congrégation diocésaine à Rome en 1993.
EnÞ n les Pères missionnaires de la Charité furent
fondés au Mexique en 1992. Toutes ces branches vivent
de la spiritualité et du « charisme » de Mère Teresa : le
service des plus pauvres parmi les pauvres. Pour tous,
sœurs, frères et pères, elle est « la Mère ».
Dès les débuts de la Congrégation, Mère Teresa
avait fondé les Coopérateurs souff rants avec l’aide de
son amie Jacqueline de Decker, une Belge qu’elle avait
connue à Patna, et qui avait dû retourner en Belgique,
car ses graves problèmes de santé l’empêchaient d’être religieuse. Ces coopérateurs soutiennent les Missionnaires
de la Charité par leurs prières et l’offrande de leurs souffrances.
Zones d’ombre
Nous avons jusqu’ici raconté la vie de Mère Teresa,
il nous faut maintenant porter un jugement sur elle,
autant qu’il est possible aux hommes, car ce jugement
appartient bien sûr à Dieu. Nous lui supposerons toute
la bonne foi et les bonnes intentions qu’il est possible.
Ceci dit, il y a des faits objectifs et publics qu’il n’est pas
possible de passer sous silence.
Les rapports avec les gouvernements
Avant l’obtention du prix Nobel, elle était déjà une
personnalité inßuente, mais cette distinction lui a conféré une notoriété nouvelle et une autorité plus grande,
qui lui permettaient de traiter avec les chefs d’Etat ou de
gouvernement. De même qu’elle a accepté, pour servir
la cause des pauvres, les récompenses qui lui étaient décernées, son souci d’efficacité pour subvenir à des misères l’a amenée à entretenir des relations avec tous les régimes, même peu ou pas du tout recommandables (pays
communistes, Ethiopie, Haïti, Rwanda, régimes corrompus d’Afrique), et à accepter certaines compromissions.
Elle pensait avant tout aux misères à soulager, aux malheureux à atteindre, et s’abstenait de tout jugement politique. La nécessité oblige parfois à composer avec le
pouvoir. Au Bengale occidental même, province où se
trouve Calcutta, le Premier ministre fut longtemps un
communiste, et Mère Teresa devait solliciter pour bien
des projets l’autorisation ou l’aide de cet interlocuteur
obligé. En juillet 1985, elle a visité Cuba, pour préparer
une fondation dans cette île. Elle était apparemment enchantée de sa visite à La Havane et de son entrevue avec
Fidel Castro, le bourreau qui a fait de Cuba un immense goulag, avec ses milliers de détenus dans les camps
de concentration… Le moins qu’on puisse dire est qu’il
s’agit de naïveté politique.
Mère Teresa s’est rendue en Union Soviétique, en
1987, à l’invitation des camarades soviétiques, et elle
a parlé à la presse sous le portrait de Karl Marx (ou
7
Nouvelles de Chrétienté Nº 84
Novembre — décembre 2003
de Lénine, selon les sources). Au terme de sa visite, le
Comité soviétique pour la paix lui a décerné la médaille
d’or du « combattant de la paix ». Elle n’a pas dit un mot
du régime communiste. Pourquoi ce silence, quand elle
avait une occasion d’user du crédit dont elle jouit pour
faire honte à ce régime ? De fait, elle a plutôt apporté
son aide aux dirigeants du Kremlin. Quoi qu’il en soit
de ses intentions, il faut bien constater qu’elle a manqué de discernement, elle est tombée dans le piège des
machinations politiques des apparatchiks communistes,
elle leur a servi objectivement d’idiot utile. Elle est un
personnage d’un grand prestige moral, et pour les communistes, de telles visites sont un succès et une belle
victoire de propagande.12
•
campagne contre la pornographie, avait offert à Mère
Teresa 1 250 000 dollars ainsi que l’usage de son avion
privé. En échange de quoi, la “ sainte médiatique ” n’avait
pas hésité à user de son prestige pour aider M. Keating.
A tel point que lorsque Mère Teresa envoya une lettre
réclamant la clémence du tribunal pour un homme qui
“ a beaucoup fait pour aider les pauvres ”, l’un des procureurs répondit en lui demandant de restituer l’argent
qui lui avait été versé (et qui provenait du vol). Toujours
trop innocente pour pouvoir détecter la malhonnêteté
des autres, elle refusa. » 13
Un catholicisme « conservateur »
Fausses notes
Si tous les grands media lui ont fait une telle publicité, c’est parce qu’elle n’était pas trop dérangeante. Elle
parlait de tendresse, d’amour et d’affection, mais ce discours n’engage pas à grand chose. La situation du monde
aurait réclamé autre chose. Il aurait fallu proclamer la
nécessité de changer de vie, ce qui ne peut se faire sans
la grâce, donc sans la connaissance des vérités du salut.
Ce n’est guère ce que faisait Mère Teresa. Remarquons
aussi que ceux qui lui rendaient hommage et la louaient
si instamment n’apparaissent pas par ailleurs autrement
préoccupés de vertu.
Au milieu de ce concert de louanges, on entendait
toutefois quelques fausses notes. Si l’on en croit Le Monde
diplomatique :
« En novembre 1995, la population irlandaise dut
décider, par référendum, d’abroger l’interdiction du divorce. La plupart des partis irlandais appelèrent à voter
“ oui ” au référendum. Mère Teresa appela à voter “ non ”.
Quelques mois plus tard (avril 1996), elle accordait un
entretien à un magazine américain, Ladies Home Journal,
lu par des millions de femmes au foyer. Interrogée sur
son amitié pour Lady Diana, princesse de Galles, et sur
son divorce imminent, Mère Teresa n’hésita pas à expliquer, parlant du mariage : “ C’est bien que ce soit Þ ni.
Personne n’était vraiment heureux. ” On le voit, avec
Mère Teresa, les pauvresses ont droit à des sermons sur
la morale et sur l’obéissance, les princesses bénéÞcient
de tous les pardons et de toutes les indulgences.
Voici quelques autres faits, complaisamment passés
sous silence… En 1992, Mère Teresa intervint lors du procès de M. Charles Keating, l’un des plus grands fraudeurs
de l’histoire Þ nancière des Etats-Unis. Son escroquerie
aux caisses d’épargne lui avait permis de mettre la main
sur 252 millions de dollars, volés principalement à de petits épargnants. M. Keating, qui avait auparavant mené
8
Jean-Paul II éprouve une grande admiration pour
Mère Teresa. Il a voulu le procès de béatiÞcation exceptionnellement rapide : par dispense spéciale du SaintSiège, le procès s’est ouvert dès juillet 1999. Et sa béatiÞcation a été en quelque sorte le cadeau que le pape
a fait à l’Eglise à l’occasion du 25ème anniversaire de son
pontiÞcat. Sans l’opposition de la Curie, il l’aurait béatiÞée et canonisée le même jour. Tous deux étaient en parfaite harmonie d’esprit, et défendaient un catholicisme
jugé « conservateur » par leurs adversaires, en particulier
dans le domaine moral. Mère Teresa dit de l’avortement :
« L’avortement, c’est la chose la plus diabolique qu’une
main humaine puisse faire. Demandons à Notre-Dame
qu’elle enlève du cœur des mères ce désir horrible de
vouloir supprimer l’enfant qu’elles portent. »
Les anticléricaux ne tolèrent pas sa vision chrétienne de la souff rance et de la mort. Elle passe pour une
réactionnaire, prise peu les prêtres progressistes, ceux
qui, à ses yeux, ont honte de leur sacerdoce. Pour elle,
la confession doit jouer un rôle essentiel dans la vie des
chrétiens. Elle dit de belles choses sur le sacerdoce : les
prêtres, qui sont d’autres Christ, doivent être de saints
prêtres. En ce qui concerne la vie religieuse, la notion
de péché, etc., elle fait preuve d’ironie et de critique à
l’égard des novateurs. Les progressistes lui reprochent
de tenir une théologie et une morale « anciennes » (sur
la théologie de la libération, la place des laïcs et
des femmes dans l’Eglise, la contraception), de
prendre le parti du pape.
Mais, précise Mgr Di
Falco, « même si elle
est indéniablement plus
proche des positions de
Mgr Lefebvre que des
hardiesses théologiques
d’un Hans Küng, elle ne
s’oppose pas au concile
•
Vatican II. » 14 Sur tous les sujets, sa position était celle
en vigueur dans l’Eglise conciliaire.
De nombreuses équivoques œcuméniques
Elle l’était en particulier dans le domaine de l’œcuménisme, qui est celui où il y a le plus à lui reprocher. Elle
est typiquement conciliaire : pour elle, la foi est subjective ; le catholicisme est bon pour les catholiques.
Elle déclarait, à propos des mourants qu’elle accueillait dans son foyer : « Nous leur donnons ce qu’ils
désirent, selon leur foi. » Et Mgr Di Falco : « Mère Teresa
entend aider chacun à mourir selon sa propre religion.
[…] Pour les catholiques, des prêtres sont là pour administrer les derniers sacrements. Pour les autres, ce qui
compte, c’est de mourir en paix avec eux-mêmes et avec
Dieu. Mère Teresa, volontiers accusée de conservatisme, n’a pas attendu le concile Vatican II pour pratiquer
l’œcuménisme et pour être à l’écoute des religions non
chrétiennes. Et ce comportement n’a pas été sans lui valoir quelques critiques à ses débuts de la part de certains
membres du clergé qui lui reprochaient de négliger sa
fonction de missionnaire. » 15 Il reconnaît ailleurs qu’elle
« a eu quelques démêlés avec la hiérarchie catholique. » 16
Elle avait donc été avertie, et n’a pu prétexter l’ignorance quand elle a comparu au tribunal de Notre-Seigneur.
Elle connaissait l’enseignement authentique et invariable de l’Eglise, elle en avait été nourrie dans son jeune
âge ; mais elle a adopté sans difficultés toutes les idées de
l’Eglise conciliaire, elle a même précédé le mouvement.
« Sur le plan de l’œcuménisme et du dialogue entre les
religions, Mère Teresa a donc largement été en avance
sur son temps », conclut Mgr Di Falco17, qui admire « la
formidable leçon de tolérance et de respect absolu de
l’Autre que n’a cessé de donner Mère Teresa ». 18 Ce qui
la caractérise peut-être le plus, dit-on, est le sentiment
de la dignité de tout homme ; mais cette dignité s’étend
aux adeptes des fausses religions. « Pour Mère Teresa,
explique le Père Dominic Emmanuel 19, les gens étaient
fondamentalement bons, quelle que soit leur religion. »
Nous avons vu plus haut comment Jean-Paul II et elle se
rejoignent dans l’affi rmation de la bonté et de la dignité
foncières de l’homme : si de tels principes n’amènent pas
à nier en pratique, du moins ils minimisent gravement
l’inßuence du péché originel, le rôle du démon, et la nécessité de la foi et de la grâce pour le salut.
A un journaliste 20 qui lui demandait : « Votre exemple
peut-il convertir ? », elle se contenta de répondre : « Oh !
J’espère que je convertis. Mais je ne l’entends pas dans le
même sens que vous. Ce que nous essayons de faire, ce
que nous essayons tous de faire par notre travail en servant les gens, c’est de nous rapprocher de Dieu. Si, placés
face à Dieu, nous l’acceptons dans nos vies, alors nous
Mère Térésa, une béatiÞcation équivoque
nous convertissons, nous devenons un meilleur hindou,
un meilleur musulman, un meilleur catholique. De quelle
approche userais-je ? Pour moi bien sûr ce serait l’approche catholique, pour vous ce pourrait être une approche
hindoue, pour quelqu’un d’autre ce serait une approche
bouddhiste. Selon votre conscience propre, ce que Dieu
est dans votre esprit, c’est cela que vous devez accepter. »
Elle ne cherchait donc pas à convertir les malheureux
auxquels elle portait secours, elle ne leur demandait pas
de changer de religion. Si l’on compare cette attitude à
celle de celui qui fut le plus grand apôtre de l’Inde, et
qui est donc la référence en ce domaine, saint François
Xavier, quel abîme entre les deux !
Nous avons dit que Mère Teresa ne baptisait pas
les enfants à l’article de la mort. Il en est toujours ainsi
aujourd’hui : dans ses maisons, on ne baptise pas les enfants orphelins 21, ce qui est contraire aux principes catholiques.
Pour marquer le 25ème anniversaire de sa congrégation,
en octobre 1975, les adeptes de toutes les religions qui se
pratiquent à Calcutta avaient invité Mère Teresa à des
cérémonies célébrées en l’honneur de ce jubilé. Pendant
une semaine chargée (du 28 septembre au 7 octobre), elle
se rendit dans les temples des adeptes de dix-huit religions, pour prier avec eux selon leur rite. Remarquons
que cela se passait onze ans avant le « sommet » de toutes les religions du monde à Assise. Nous avons des détails intéressants sur cette semaine par une religieuse
de sa congrégation :
« Le compte rendu, rédigé par une religieuse, n’était
destiné qu’à ses sœurs, Missionnaires de la Charité à
travers le monde. La revue Missi 22 en publia néanmoins
des extraits illustrés de photos qui suffisent à donner
une idée des fastes de cette semaine “ absolument unique dans l’histoire spirituelle de l’humanité par la participation des dix-huit religions présentes à Calcutta :
bouddhistes, divers jaïns, “ vêtus de blancs ” ou “ vêtus
d’espace ” [c’est-à-dire entièrement nus], sikhs, parsis,
musulmans, juifs, diverses confessions chrétiennes, un
carrousel de cérémonies, jusqu’à cinq dans la même
journée, qui obligeait mère Teresa et sa brigade de jeunes religieuses à courir aux quatre coins de l’immense
ville de la terrible déesse Kali. D’où son nom Kalicutta
(Calcutta). ” (Mère Teresa aux dimensions du monde, Missi,
mars 1976). » 23
Deux ans après, pour les vingt-cinq ans du Nirmal
Hriday, Mère Teresa organise de nouveau des cérémonies œcuméniques imposantes. « Mère Teresa a choisi
une date symbolique, le 1er novembre. Pour une simple
raison : “ Chez les chrétiens, c’est la fête de tous les saints,
de tous ceux qui sont morts dans l’amour de Dieu et
dont les âmes jouissent du bonheur du ciel. Et je crois
que tous les pauvres gens qui sont morts si merveilleusement au Nirmal Hriday, en offrant volontairement leur
9
Nouvelles de Chrétienté Nº 84
Novembre — décembre 2003
vie à Dieu, jouissent maintenant de la félicité de la vision divine. ” » 24
Dans une lettre adressée en 1979 au Premier ministre indien, Morarji Desai, elle dira : « Dieu, les uns l’appellent Ishwar, d’autres Allah, d’autres Dieu. Tous, nous
reconnaissons qu’il nous a créés pour ce qu’il y a de plus
sublime : aimer et être aimés. […] Des milliers d’affamés
sont morts dans nos bras, heureux, dans la paix du Dieu
auquel ils croyaient. » 25
Citons quelques autres faits. A la mort de Paul VI,
elle lui rend hommage : « Paul VI était un saint authentique. Il aimait les pauvres et avait une prédilection pour
les Missionnaires de la Charité. A présent qu’il est retourné dans la maison du Père, nous pouvons le prier. »
Elle a fait un jour une conférence au fameux « Temple
de la Compréhension ». Frère Roger Schutz, le fondateur de la communauté de Taizé, raconte quelques souvenirs sur elle : « En été 1976, elle Þt une visite à Taizé.
Ensemble, nous avons écrit une prière. […] La même année, avec quelques-uns de mes frères, nous allions vivre
pour un temps à Calcutta. Mère Teresa venait souvent
prier avec nous. […] Quelques années plus tard, Mère
Teresa revint à Taizé un dimanche d’automne. » Lors des
JMJ de Denver, « elle m’envoya une lettre pour me dire :
“ Ecrivons ensemble un quatrième livre ! ” » 26
Elle était à la grande réunion œcuménique d’Assise,
le 27 octobre 1986. Elle est même arrivée en retard, de
sorte que tout le monde avait les yeux tournés vers elle à
son arrivée. Comme nous venons de le voir, elle était tout
à fait d’accord avec tout ce qui se passait ; on ne peut pas
être plus dans l’esprit de cette cérémonie d’Assise.
Elle a demandé à toutes les sœurs de sa congrégation de faire la retraite en 33 jours de la Communion
Marie Reine fondée par Ephraïm, le fondateur de la
Communauté des Béatitudes.
On peut ajouter le jugement qu’elle portait sur
Gandhi : « Mère Teresa tenait Gandhi pour « un réel
prophète, un visionnaire », et avouait : “ J’ai toujours
cherché à m’inspirer de sa vie de “ satiagraha ” non violent, pour collaborer à une société plus juste et plus fraternelle. ” » 27
Nous avons signalé (cf. DICI n° 83) que le miracle qui
a été retenu par la Congrégation romaine pour autoriser la béatiÞcation de Mère Teresa (la guérison d’une
Indienne de 30 ans de religion animiste, Monika Besra28)
est contesté par des médecins indiens. Dans Nouvelles
de chrétienté n° 77 (septembre-octobre 2002), nous écrivions déjà : « Le miracle attribué à Mère Teresa suscite
une polémique en Inde dans le monde des médecins,
lesquels affi rment que la tumeur de Monika Besra a été
traitée en hôpital. De fait, si la maladie a été soignée,
on ne peut déclarer la guérison même subite, sans contrevenir aux règles de la procédure qui ne se penche pas
sur le cas d’un malade traité médicalement. »
10
•
Conclusion
Nous ne voulons pas nier l’immense activité caritative de Mère Teresa ni son amour sincère de Dieu et de
l’Eglise. Il y a indéniablement dans sa vie des exemples
de détachement, de pauvreté, d’abnégation, d’oubli de
soi qui évoquent les vies des saints et suscitent l’admiration. La forme de vie religieuse des Missionnaires exige un don total de soi, une abnégation qui force le respect. Ce qui anime cette vie ne peut être que la force de
l’amour ; l’amour est le seul levier qui puisse soulever les
âmes aussi haut. Mais tout en reconnaissant ce qu’il y a
d’admirable dans une telle vie, et dont nous avons bien
des leçons à tirer pour nous-mêmes, on ne peut non plus
passer sous silence les graves équivoques œcuméniques
dont est remplie la vie de Mère Teresa, surtout à partir
du concile Vatican II. Ce maudit concile, et la nouvelle
théologie qui l’a inspiré, ont tourné la tête à des âmes par
ailleurs généreuses, et les ont dévoyées dans un indifférentisme au moins pratique. C’est le cas de Mère Teresa.
C’est pourquoi l’Eglise ne peut porter sur les autels une
telle personne, dont la doctrine est hétérodoxe.
Abbé Hervé Gresland
1
Elle est le fruit d’un milieu et d’une époque très complexe, les Balkans du début du XXème siècle. Née citoyenne turque, elle s’est retrouvée ensuite serbe, puis
yougoslave.
2
Mgr Jean-Michel Di Falco : Mère Teresa ou les miracles de
la foi (Le Livre de poche, 1997), p. 33.
3
Di Falco, p. 33.
4
Pensées spirituelles de Mère Teresa. Ed. Mediaspaul.
5
Interview, 1974.
6
Interview, 1977.
7
Di Falco, p. 247.
8
Romains 10, 14.
9
Di Falco, p. 112.
10
Malcolm Muggeridge, auteur du premier Þ lm sur
Mère Teresa, avait été élevé dans l’Eglise anglicane.
Il devint un marxiste convaincu, et fut longtemps un
compagnon de route du petit Parti communiste britannique. A Noël 1982, il se convertit avec sa femme au catholicisme. C’était le fruit d’une longue quête spirituelle commencée dans les taudis de Calcutta quinze ans
plus tôt, sous l’inßuence de Mère Teresa.
11
Parmi les multiples honneurs décernés à Mère
Teresa, on peut mentionner : 1974 : Prix Mater et magistra remis par Paul VI ; 1975 : Prix Albert Schweitzer ;
la FAO frappe une médaille à son effigie ; 1976 : doctorat honoris causa de l’université de Delhi, remis par
Indira Gandhi ; 1978 : Prix Balzan, remis par le président italien Pertini, d’un montant de 320 000 dollars ;
des récompenses du gouvernement des Etats-Unis et
Revue de presse
•
de l’Empire britannique ; le Prix Raoul Wallenberg
(Suède) ; à quoi s’ajoutent des doctorats honoris causa de
Cambridge, Louvain, Harvard, Pennsylvanie, Bologne,
etc., diverses médailles, etc.
En septembre 1996, le Congrès des Etats-Unis lui a accordé le titre de « citoyen honoraire », une distinction
que seuls avaient obtenue avant elle William Penn
et son épouse (fondateurs de l’Etat de Pennsylvanie),
Winston Churchill et Raoul Wallenberg. Le vote du
Congrès fut unanime.
12
Les autorités chinoises étaient d’accord depuis 1988
pour que les Missionnaires de la Charité ouvrent une
maison dans le pays, mais Mère Teresa voulait se conformer aux règles du droit canon : elle devait être invitée en Chine par un évêque local, en communion
avec Rome. Il ne pouvait être question d’avoir recours
à l’« Eglise patriotique » schismatique. C’est pourquoi
cette fondation ne s’est toujours pas faite.
13
Le Monde diplomatique, novembre 1996, p. 32. L’article
est signé du journaliste Christopher Hitchens, auteur
de Le Mythe de Mère Teresa, Dagorno, Paris, 1996.
14
Di Falco, p. 120.
15
P. 98-99.
16
P. 164.
P. 120.
18
P. 249.
19
Prêtre indien de la Société du Verbe divin, porte-parole de l’archevêché de New Delhi.
20
Desmond Doig : Mother Teresa, her people and her work,
William Collins, Glasgow, 1976 ; cité par Mgr Bernard
Fellay dans Le sel de la terre n° 1, p. 16.
21
Témoignage du R.P. Marie-Dominique O.P., recueilli
dans une maison des Missionnaires de la Charité, à
Goa, en 2002.
22
De mars 1976.
23
Article de frère Bruno de Jésus dans Il est ressuscité !
(revue de la C.R.C.), novembre 2003, qui reproduit des
photos éloquentes de l’article de Missi.
24
Di Falco, p. 160.
25
p. 100-101.
26
Le Monde, 19-20 octobre 2003.
27
Cf. note 23.
28
On trouve aussi l’orthographe Bishra.
17
REVUE DE PRESSE
Saint Nicolas occupé par des
sans-papiers manipulés
Libération du mardi 9 décembre 2003
Sous une photographie représentant une quinzaine
d’asiatiques assis dans la nef, au pied de la chaire, le vi-
sage tourné
vers la sortie,
le commentaire suivant :
« Les sanspapiers chez
les
cathos
intégristes.
Après quatre
heures de négociations et
la promesse
d’un rendezvous, demain,
avec le chef
de cabinet de
la Préfecture
de Police, le
groupe a accepté de quitter les lieux.
« La lutte continue », a déclaré
Binazon (por-
11
Nouvelles de Chrétienté Nº 84
Novembre — décembre 2003
te-parole des sans-papiers), tandis que de l’autre côté
de l’église, 200 paroissiens chantaient des cantiques, en
français et en latin. » (sans signature)
Le Figaro du mardi 9 décembre 2003 : « SaintNicolas-du-Chardonnet investie par des sanspapiers »
Selon Xavier Beauvais, curé de Saint-Nicolas-duChardonnet, la messe de saint Pie V attire chaque dimanche plus de 5 000 personnes. « Nous occupons paciÞquement ce lieu depuis vingt-sept ans, sans aucun dommage pour
l’ordre public. De fait, les autorités ont accepté notre installation », faisait remarquer l’abbé.
Ce que semblait contester l’archevêché de Paris, pour
lequel l’église est « toujours occupée de manière illégitime »,
et « les prêtres qui y célèbrent n’ont reçu aucune juridiction ni
aucune mission pour quelque activité religieuse que ce soit ».
Sur le trottoir longeant Saint-Nicolas-du-Chardonnet,
une femme en manteau et béret rouges, mue par une
indignation ostentatoire, décidait Þ nalement de s’agenouiller, son chapelet à la main, pour prier dans la rue.
« Cinq mille Þdèles sont attendus dès 18 heures pour la procession annuelle de l’Immaculée Conception : ils ont des droits », insistait Régis de Cacqueray, responsable de la Fraternité
saint Pie X.
Tandis que Gilles Lemaire, secrétaire national des
Verts, venu au soutien de la Coordination nationale, jugeait « cette occupation bienvenue ». « Elle remet au-devant de la scène l’occupation de cette église par les intégristes. »
Un sympathisant de la Coordination nationale s’interrogeait : « L’archevêché va-t-il avoir le cran de demander l’expulsion, ou proÞtera-t-il de l’occasion pour se libérer de ses occupants ? Avouez que l’imbroglio juridique ainsi soulevé est
assez intéressant. »
•
du-Chardonnet, comme toutes les églises construites
avant 1905, est en effet officiellement propriété de la
ville de Paris, et l’Eglise catholique en est l’affectataire.
Mais les intégristes, qui ont rompu avec Rome, l’occupent en toute illégalité depuis 1977. Ces derniers n’ont
donc aucun droit pour en exiger l’évacuation. Quant à la
municipalité ou à l’archevêché de Paris, « on les voit mal
demander l’évacuation des sans-papiers pour rendre l’église aux
intégristes », s’amusait Sylvain Garel, élu Verts de Paris,
venu sur place soutenir les occupants.
Environ 200 personnes, majoritairement asiatiques,
dont un tiers de femmes et quelques enfants, ont participé à cette opération, avec l’objectif d’attirer à nouveau
l’attention sur leur situation. A l’intérieur de l’église, la
situation s’est toutefois rapidement tendue avec les prêtres intégristes et la poignée de Þdèles entrés aussitôt
après le début de l’occupation. « Le curé nous a dit que nous
étions musulmans et qu’on ferait mieux d’aller occuper les mosquées », raconte ainsi Aminata, l’une des porte-parole des
occupants.
Le P. Xavier Beauvais, curé de Saint-Nicolas-duChardonnet, n’entendait en effet pas accueillir ou soutenir ces « gens venus mettre le bazar pour régler un problème
qui n’a rien à voir avec l’Eglise ». Dehors, certains Þdèles
intégristes tenaient un discours plus raide. « Ils ne vont
pas rester longtemps, les minables, les crève-la-faim, les acharnés », s’off usquait une dame en manteau rouge. Avant de
se mettre à prier, à genoux sur le trottoir, son chapelet à la main. Les Þdèles de Saint-Nicolas promettaient
surtout de montrer leur force et leur nombre hier soir,
Le Front national a, lui, dénoncé une « provocation politique », avec la « complicité active des Verts et autres extrémistes de gauche ». Tout comme Bruno Mégret, président du
Mouvement national républicain, qui s’est déclaré « scandalisé par l’occupation ». (signature : Delphine Chayet)
La Croix du mardi 9 décembre 2003 : « Des sanspapiers occupent brièvement une église intégriste » :
En choisissant cette église occupée depuis vingtcinq ans par les catholiques intégristes (lefebvristes
de la Fraternité Saint-Pie X), le Collectif des sans-papiers espérait proÞter d’une situation juridique inédite.
« Nous squattons les squatters », expliquait ainsi Romain
Binazon, porte-parole des sans-papiers. Saint-Nicolas-
12
Vue partielle de la procession du 8 décembre
lors de leur traditionnelle procession pour l’Immaculé
Conception. « Nous serons des milliers et ils vont déguerpir »,
lançait ainsi un jeune aux cheveux coupés très court. Sur
Internet, dès hier après-midi, des groupuscules proches
de l’extrême droite appelaient ainsi leurs militants à se
rendre sur place pour clamer leur message : « Les clandestins hors de nos églises, les clandestins hors de France, les clandestins hors d’Europe ! »
•
Dehors donc, devant l’église, un ancien Þdèle de la
paroisse Saint-Nicolas-du-Chardonnet regardait avec le
sourire le ballet des policiers et des prêtres en soutane.
« J’étais là il y a vingt-sept ans quand les intégristes nous ont
mis dehors. Alors, oui, franchement, j’apprécie ce qui se passe
aujourd’hui… » (signature : Mathieu Castagnet)
Le Monde du mercredi 10 décembre 2003
Sous une photographie où figure l’abbé Beauvais
montrant la sortie à une femme africaine, ce titre : « Des
sans-papiers squattent une église intégriste »,
avec cette légende : « Environ 200 sans-papiers ont occupé, lundi 8 décembre, pendant quelques heures, l’église
Saint-Nicolas-du-Chardonnet, à Paris dans le 5ème arrondissement, pour rappeler leur sort aux autorités, tandis
qu’une poignée de Þdèles priaient dehors à genoux, à
l’appel de leur curé. » (sans signature)
Présent du mercredi 10 décembre 2003 :
« Opération anarcho-trotskiste contre SaintNicolas-du-Chardonnet »
La volonté politique, et même idéologique, d’un
Sylvain Garel, est évidente. N’ayant pu porter atteinte à sa bête noire, « l’extrême droite catholique », ni par
une interdiction légale ni devant les tribunaux, il tente
aujourd’hui le coup de force, en embrigadant, sous prétexte d’humanisme,
un certain nombre de misérables
échoués chez nous
et dont nos politiques ne savent que
faire. Ce faisant, il
ignore combien le
service d’entraide
de Saint-Nicolas,
et la Conférence
Saint-Vincent-dePaul, viennent en
aide aux pauvres
gens, sans distincSylvain Garel ceint de son écharpe
tion de classe, ni de
couleur ni même de
religion.
Et ce lundi, jour où la paroisse ouvre habituellement
ses « trésors » aux pauvres, les malheureux que le froid fait
souffrir et qui comptaient sur cette aide n’auront pas été
secourus, parce qu’un idéologue extrémiste avait mieux
à faire que de penser réellement, et activement, à ceux
qui n’ont rien. (Olivier Figueras, Présent, 5, rue d’Amboise 75002 Paris)
Revue de presse
Monde et Vie du 11 décembre 2003 : « SaintNicolas : échec à la manipulation ! »
Sur le parvis plastronnait Sylvain Garel ceint de son
écharpe de conseiller (Vert) de Paris. Ce personnage
semble avoir un compte à régler avec la Tradition, même
s’il s’en défend, car c’est lui qui, il y a un an et demi avait
déjà demandé l’évacuation de l’église. Quant au porteparole des clandestins Romain Binazon il a expliqué à
l’AFP : « Les intégristes sont hors-la- loi et on ne les met pas dehors. Nous squattons les squatters ! »
Mais qui est ce Romain Binazon ?
Si l’on en croit l’Humanité du 27 août 2003, à 35 ans
il a déjà connu la prison, neuf mois en 1997 et trois en
1999 pour séjour irrégulier et refus d’embarquement.
Arrivé en France en 1991 avec un visa de tourisme, il est
invité à quitter le territoire dès 1992. Travaillant au noir
dans le bâtiment, il s’engage en 1996 dans le mouvement
des sans-papiers dont il devient le porte-parole en 1998.
Mais il se fait réellement connaître en août 2002, lors
de l’occupation de la basilique de Saint-Denis. Ajoutons
que le 24 septembre dernier il était de nouveau devant
les tribunaux français pour « rébellion et incitation à la
rébellion » à bord d’un avion à destination du Bénin, son
pays d’origine.
Puisque Binazon et ses amis Verts prétendent interdire l’accès de l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet
aux Þdèles et proposent d’en faire « un centre permanent de
ralliement des sans-papiers » (déclaration d’Alain Riou, élu
Vert de Paris à Associated Press), il appartient à l’Etat
de faire son travail et d’appliquer la loi, c’est-à-dire de
procéder à l’expulsion immédiate de Binazon ». (Marie
Labrunie, Monde et Vie, 14, rue Edmond Valentin 75007
Paris)
Présent du jeudi 11 décembre 2003 : « Delphine et
Mathieu font le sale boulot »
Madame Chayet (Delphine), dans Le Figaro, multiplie
les qualiÞcatifs et les précisions sur les prêtres et les Þdèles de Saint-Nicolas : ce sont des « traditionalistes »,
des « intégristes », et même des « schismatiques », soutenus par le « Front national » et par « Bruno Mégret ».
en revanche, les occupants de l’église ne portent aucune
étiquette politique ou religieuse. Ils sont simplement des
« clandestins » (mais alors, sortis de leur clandestinité ?
donc, plutôt des ex-clandestins…), ils sont des « sans-papiers », regroupé par une bien honnête « Coordination
nationale ».
Dans La Croix, le sieur Castagnet (Mathieu) évite
le terme de « schismatiques » (ou peut-être son directeur Bruno Frappat lui aura-t-il fait retrancher un tel
13
Nouvelles de Chrétienté Nº 84
Novembre — décembre 2003
•
jugement téméraire, en lui expliquant que ce n’est pas
si simple, et qu’il faut laisser « schismatiques » aux approximations incompétente du Figaro). Le sieur Mathieu
Castagnet ne fait aucune allusion non plus à un communiqué, mentionné par le seul Figaro, où l’archevêché de
Paris aurait proÞté de la circonstance pour condamner
une fois de plus les prêtres de Saint-Nicolas. Du moins,
le journaliste de La Croix ne manque pas lui non plus
de sortir l’éventail des étiquettes : une « église intégriste », des « catholiques intégristes », des « lefebvristes »,
des « prêtres intégristes », des « groupuscules proches
de l’extrême droite » et même, comble d’horreur, qui le
pousse au délit de faciès et qui sans doute l’excuse : « un
jeune aux cheveux coupés très court ». Il n’a pas noté de
l’autre côté la queue de cheval d’un moins jeune, l’agitateur Sylvain Garel, il n’a vu que des « sans-papiers » et
leur « Collectif ».
La seule indication politique sur les agitateurs, dans
La Croix comme dans Le Figaro, est pour noter la présence de « Verts » : Sylvain Garel selon La Croix, Gilles
Lemaire selon Le Figaro. Précision anodine, car la plus
grande partie du public n’a pas encore bien compris que
ces Verts sont en réalité des Rouges.
Pourtant la dame Chayet et le sieur Castagnet avaient
à leur disposition une bonne quantité d’étiquettes exactes et convergentes pour qualiÞer de manière un peu
plus parlante les meneurs de l’occupation : communistes,
Fidèles priant au banc de communion.
Derrière eux, les sans -papiers
anarchistes, libertaires, léninistes, trotskistes. Mais justement, c’est une habitude quasiment « déontologique »,
qui remonte au Monde de Beuve-Méry et à ses procédés
d’« auxiliaire du communisme » : éviter le plus souvent
possible toute étiquette politico-religieuse pour les militants de l’extrême gauche communiste ; les présenter,
comme s’il s’agissait de militants « a-politiques », avec
des étiquettes neutres : « humanitaires », « syndicaux »,
« sociaux », « travailleurs », « victimes », et bien sûr « sans
papiers ». (Jean Madiran, Présent, 5, rue d’Amboise 75002
Paris)
CENTENAIRE DE L’ÉLECTION DE SAINT PIE X
La tactique moderniste
SELON L’ENCYCLIQUE PASCENDI DE SAINT PIE X
En cette année du centenaire de l’élection de St Pie X
au siège de Pierre, nous voudrions rendre hommage au
premier saint pontife que le Seigneur nous a donné depuis St Pie V en rappelant une partie de son enseignement.
Nous n’avons que l’embarras du choix dans l’enseignement abondant de St Pie X en 11 ans de règne. Le
catéchisme1, la communion fréquente2 et précoce3, l’action des catholiques4, la dévotion mariale5, la responsabilité de ceux qui gouvernent l’Eglise6, le sacerdoce7 et
la doctrine de St Thomas d’Aquin 8 : les thèmes traités
sont nombreux.
En réalité, il nous a semblé intéressant de rappeler l’enseignement de St Pie X sur le modernisme. Là,
14
ce sont trois documents qui s’offrent à notre étude :
le décret Lamentabili du 3 juillet 1907, l’encyclique
Pascendi dominicis gregis du 8 septembre 1907 et
le motu proprio Sacrorum Antistitum du 1er septembre 1910. L’aspect sans doute le plus connu de cet enseignement sur le modernisme est l’essai de description que
fait le saint pontife des divers visages du moderniste tour
à tour philosophe, croyant, théologien, historien, critique, apologiste, exégète et réformateur. Texte long et
ardu à la mesure du nouveau déÞt qui s’offrait à l’Eglise
et à son magistère.
Quant à nous, cependant, nous aimerions souligner
dans ces quelques lignes ce que St Pie X enseignait de
la tactique des modernistes. Il est en effet remarquable
•
de voir combien le pape, à côté des aspects doctrinaux
de la question, s’est préoccupé de l’avancée concrète de
cette erreur dans les esprits et les cœurs.
Comment se fait-il qu’une doctrine si touff ue, si compliquée, si contraire à la structure naturelle de l’intelligence humaine puisse se répandre ? Comment justiÞer
la batterie de mesures que le Pontife prendra (serment
antimoderniste, conseils de vigilance, exclusion du sacerdoce et des chaires d’enseignement, interdiction de
publier, contrôle des congrès sacerdotaux), quand on sait
que l’Eglise a toujours eu à lutter contre l’une ou l’autre
erreur au travers des siècles ? Pourquoi alors ce traitement particulier ?
Dès les paroles introductives de son encyclique sur
le modernisme, St Pie X remarquait :
« Il faut bien le reconnaître, le nombre s’est accru étrangement, en ces derniers temps, des ennemis de la Croix de JésusChrist qui, avec un art tout nouveau et souverainement perÞde,
s’efforcent d’annuler les vitales énergies de l’Eglise, et même, s’ils
le pouvaient, de renverser le règne de Jésus-Christ. » 9
Quel est cet art tout nouveau et souverainement perÞde dont font montre les modernistes, démasqués par
le Pontife ?
La tactique moderniste
hors, en effet, on l’a déjà noté, c’est du dedans qu’ils trament sa
ruine ; le danger est aujourd’hui presque aux entrailles mêmes et
aux veines de l’Eglise : leurs coups sont d’autant plus sûrs qu’ils
savent où la frapper. »
« Ce ne sont point les incrédules seuls, Vénérables
Frères, qui profèrent de telles témérités : ce sont des catholiques, ce sont des prêtres même, et nombreux, qui les publient
avec ostentation. »
« Ceci est chez eux une volonté et une tactique : et parce qu’ils
tiennent qu’il faut stimuler l’autorité, non la détruire ; et parce
qu’il leur importe de rester au sein de l’Eglise pour y travailler
et y modiÞer peu à peu la conscience commune : avouant par là,
mais sans s’en apercevoir, que la conscience commune n’est donc
pas avec eux, et que c’est contre tout droit qu’ils s’en prétendent
les interprètes. »
On observe là une volonté affirmée de ne pas sortir de
la structure visible de l’Eglise aÞ n de pouvoir, à son gré,
la modiÞer de l’intérieur. Ce sont là ces loups, dont parlait Notre Seigneur, « revêtus de peau de brebis. » (Mt 7, 15)
Leur dissimulation n’est pas accidentelle, elle est essentielle à leur œuvre : sans elle, ils n’aboutiraient à rien.
DESTRUCTION DE LA FOI ELLE-MÊME
DES ENNEMIS INTÉRIEURS
Ce sont d’abord des ennemis intérieurs de l’Eglise.
En effet, si nous consultons notre
catéchisme, nous verrons que sont
hors de l’Eglise : les inÞdèles, les hérétiques, les schismatiques et les apostats. Les uns n’y sont jamais rentrés
(les inÞdèles), les autres l’ont quittée
par des fautes contre la foi (les hérétiques et apostats) ou contre la charité
(les schismatiques), mais tous s’en sont
démarqués tôt ou tard. Cette séparation elle-même avait l’avantage de clariÞer les choses et de mettre en alerte
les catholiques fidèles contre les enseignements et les agissements de ces
loups ravisseurs.
Rien de tel avec les modernistes dont la première
caractéristique est de vouloir rester à tout prix à l’intérieur de l’Eglise :
« Ce qui exige surtout que Nous parlions sans délai, c’est que,
les artisans d’erreurs, il n’y a pas à les chercher aujourd’hui parmi les ennemis déclarés. Ils se cachent et c’est un sujet d’appréhension et d’angoisse très vives, dans le sein même et au cœur de
l’Eglise, ennemis d’autant plus redoutables qu’ils le sont moins
ouvertement. »
« Ennemis de l’Eglise, certes ils le sont, et à dire qu’elle
n’en a pas de pires, on ne s’écarte pas du vrai. Ce n’est pas du de-
Puisqu’ils feignent de rester
dans l’Eglise, les modernistes tenteront de modiÞer, et donc de détruire, la foi catholique elle-même.
Leurs coups ne vont pas s’attaquer à
l’une ou l’autre institution ou point
de doctrine, ils vont entamer la vertu de foi elle-même :
« Ajoutez que ce n’est point aux rameaux ou aux rejetons qu’ils ont mis la
cognée, mais à la racine même, c’est-àdire à la foi et à ses Þbres les plus profondes. Puis, cette racine d’immortelle vie
une fois tranchée, ils se donnent la tâche
de faire circuler le virus par tout l’arbre :
nulle partie de la foi catholique qui reste
à l’abri de leur main, nulle qu’ils ne fassent tout pour corrompre. »
« Maintenant, embrassant d’un seul regard tout le système,
qui pourra s’étonner que Nous le déÞnissions le rendez-vous de
toutes les hérésies ? Si quelqu’un s’était donné la tâche de recueillir toutes les erreurs qui furent jamais contre la foi et d’en
concentrer toute la substance et comme le suc en une seule, véritablement il n’eût pas mieux réussi. »
« Voilà qui suffit, et surabondamment, pour montrer par
combien de routes le modernisme conduit à l’anéantissement de
toute religion. Le premier pas fut fait par le protestantisme, le
second est fait par le modernisme, le prochain précipitera dans
l’athéisme. »
15
Nouvelles de Chrétienté Nº 84
Novembre — décembre 2003
•
Certes, toute hérésie s’attaque à la foi dans la mesure
où elle met implicitement en cause l’autorité de Dieu qui
révèle. En effet, si nous croyons les vérités révélées (la
Trinité, l’Incarnation, la Rédemption, l’Eucharistie,…),
ce n’est pas par goût personnel, ni parce que la vérité révélée nous apparaît comme évidente. Le seul motif qui
nous permet en toute sûreté de croire, c’est l’autorité de
Dieu qui ne ment pas, qui ne se trompe pas et qui n’ignore rien. Or, le seul fait de nier un dogme de foi équivaut
à nier cette infaillibilité et cette inerrance de Dieu qui
nous révèle ses mystères. En ce sens, toute hérésie volontaire fait perdre la vertu de foi.
Mais, le modernisme, selon l’enseignement de St
Pie X, ne fait pas seulement perdre la vertu de foi comme n’importe quelle hérésie, elle en rend impossible jusqu’à l’existence. Dans le modernisme, tout est ramené à
la dimension naturelle, tout se renferme à l’intérieur du
sujet, tout est le fruit de désirs surgis du tréfonds de la
conscience. Il n’y a donc aucune place pour
les réalités surnaturelles extérieures, mystérieuses, objectives. La discussion n’est plus
centrée ici sur un point de doctrine ou de
morale en particulier : c’est la possibilité même de l’acte de foi, tel que notre catéchisme
le déÞ nit, qui est niée.
De là, que « nulle partie de la foi catholique
[ne] reste à l’abri de leur main » De là aussi, la
déÞnition du modernisme comme « le rendezvous de toutes les hérésies. » De là enÞ n, que la
conséquence ultime de ce mouvement révolutionnaire soit « l’athéisme. »
L’APPARENTE CONFUSION DE
LA DOCTRINE MODERNISTE
Cette union adultère du catholique et du rationaliste est le fruit direct de la volonté du moderniste de
rester de l’Eglise pour en modiÞer la foi de l’intérieur.
Parlerait-il clairement contre la foi, qu’il serait immédiatement détecté et marqué aux yeux de tous du caractère infamant de l’hérésie ou de l’apostasie ! Il ne parlera
donc pas clairement…
• Ensuite, le moderniste est un mélange très varié de multiples personnages qui apparaissent et disparaissent selon les besoins de la
cause et selon les convenances du moment.
C’est cette constatation qui a donné à l’encyclique Pascendi sa structure si particulière. Car, pour débusquer le moderniste
dans ses ultimes recoins, St Pie X éprouva
le besoin de détailler tous les déguisements,
tous les artiÞces, toutes les ruses dont il use
successivement pour échapper au jugement
du magistère :
« Il faut noter tout d’abord que les modernistes assemblent et mélangent pour ainsi dire en eux
Karl Rahner
plusieurs personnages : c’est à savoir, le philosophe,
le croyant, le théologien, l’historien, le critique, l’apologiste, le
réformateur : personnages qu’il importe de bien démêler si l’on
veut connaître à fond leur système et se rendre compte des principes comme des conséquences de leurs doctrines. »
Au service de cette volonté de subversion radicale de
la doctrine catholique de l’intérieur de l’Eglise, le moderniste usera de divers subterfuges :
• Tout d’abord il mêlera étrangement et dangereusement le catholique et le rationaliste dans ses écrits
et ses discours.
Qu’est-ce que le rationalisme ? Le pape Pie IX le déÞnissait dans le Syllabus comme « la raison humaine [qui],
sans avoir aucunement à se référer à Dieu, se fait l’unique juge
du vrai et du faux, du bien et du mal, [devient] à elle-même sa
loi, [et dont] les capacités naturelles [sont] suffisantes pour procurer le bien des hommes et des peuples. » 10 Au vue de cette
déÞ nition de l’erreur du rationalisme, on ne peut que
prendre acte de l’opposition radicale du rationalisme et
de la foi catholique.
Or, l’un des signes infaillibles pour détecter le caractère moderniste d’un auteur ou d’un écrit, c’est pré-
16
cisément cette union adultère entre le catholicisme et
le rationalisme :
« Rien de si insidieux, de si perÞde que leur tactique : amalgamant en eux le rationaliste et le catholique, ils le font avec un
tel raffinement d’habileté qu’ils abusent facilement les esprits
mal avertis. »
« Telle page de leur ouvrage pourrait être signée par
un catholique ; tournez la page, vous croyez lire un rationaliste. »
• EnÞ n, dernier trait du moderniste, et non des
moindres : donner l’impression que son enseignement
manque de vision globale. Il semble, en effet, à l’observation superÞcielle du catholique non averti, que l’enseignement des modernistes est ßuctuant, peu sûr, hésitant,
voire contradictoire. Or, St Pie X ne partage pas cette
opinion et il s’en explique à plusieurs reprises :
« Et comme une tactique des modernistes, tactique en vérité fort insidieuse, est de ne jamais exposer leurs doctrines méthodiquement et dans leur ensemble, mais de les fragmenter en
quelque sorte et de les éparpiller ça et là, ce qui prête à les faire
juger ondoyants et indécis, quand leurs idées, au contraire, sont
parfaitement arrêtées et consistantes, il importe ici et avant tout
de présenter ces mêmes doctrines sous une seule vue, et de montrer le lien logique qui les rattache entre elles. »
« À les entendre, à les lire, on serait tenté de croire qu’ils
tombent en contradiction avec eux-mêmes, qu’ils sont oscillants
et incertains. Loin de là : tout est pesé, tout est voulu chez eux,
La tactique moderniste
•
mais à la lumière de ce principe que la foi et la science sont l’une
à l’autre étrangères. »
« Quelqu’un pensera peut-être que cette exposition des doctrines des modernistes Nous a retenu trop longtemps. Elle était
pourtant nécessaire, soit pour parer à leur reproche coutumier,
que Nous ignorons leurs vraies idées, soit pour montrer que leur
système ne consiste pas en théories éparses et sans lien, mais bien
en un corps parfaitement organisé, dont les parties sont si bien
solidaires entre elles qu’on n’en peut admettre une sans les admettre toutes. »
L’un des bienfaits de l’encyclique Pascendi a été,
sans nul doute, de montrer la doctrine moderniste dans
toute son ampleur et comme un système cohérent.
Mettre le petit doigt dans l’engrenage du modernisme,
c’est accepter d’y perdre le corps dans sa totalité. Être
moderniste en histoire c’est le devenir petit à petit en
exégèse et en philosophie. Nous sommes bien en présence d’une perversion fondamentale : l’union adultère
entre les principes catholiques et les principes rationalistes tant de fois condamnés par les papes.
LA PRATIQUE DU MODERNISME
Après avoir remarqué que les modernistes sont des
ennemis de l’intérieur de l’Eglise, qui s’attaquent à la foi
elle-même et sans jamais donner de leur système une vue
globale, St Pie X précise trois autres points pratiques qui
rendent leur action particulièrement dangereuse :
• Lorsque, malgré leurs ruses, quelques modernistes sont démasqués par l’autorité, sommés de se rétracter, voire condamnés publiquement, ils ont coutume de se soumettre apparemment à ces mesures qui les
frappent :
« Vous n’ignorez pas la stérilité de Nos efforts ; ils courbent
un moment la tête, pour la relever aussitôt plus orgueilleuse. »
« En somme, il faut trouver une voie moyenne où soient assurés tout ensemble les droits de l’autorité et ceux de la liberté. En
attendant, que fera le catholique ? Il se proclamera hautement
très respectueux de l’autorité, mais sans se démentir le moins du
monde, sans rien abdiquer de son caractère ni de ses idées. »
« Réprimandés et condamnés, ils vont toujours, dissimulant sous des dehors menteurs de soumission une audace sans
bornes. Ils courbent hypocritement la tête, pendant que, de toutes leurs pensées, de toutes leurs énergies, ils poursuivent plus
audacieusement que jamais le plan tracé. »
« Avec des airs affectés de soumission et de respect, les
paroles, ils les plièrent à leur sentiment, les actes, ils les rapportèrent à tout autres qu’à eux-mêmes. »
Cette soumission apparente est tout à fait cohérente
avec la volonté affichée des modernistes de rester à l’intérieur de l’Eglise. S’ils se rebellaient contre l’autorité ou
s’ils méprisaient ouvertement les vérités de foi, leur cause
serait entendue sans l’ombre d’un doute. La soumission
apparente aux décisions, même dures, de l’autorité est
une clé essentielle de la tactique moderniste.
Le revers de la médaille c’est qu’on pourra toujours
douter du retour d’un moderniste à la profession intégrale
de la foi catholique. Comment
s’assurer de la sincérité d’une
telle conversion lorsque la dissimulation et l’hypocrisie sont
à la base du système ? N’ontils pas prononcé de nombreuses fois le serment antimoderniste tous ces théologiens
modernistes en vogue depuis
50 ans : les Chenu, Congar,
Rahner, Küng, Drewerman
et autre Boff ?
Urs von Balthasar
• À cette soumission apparente aux décisions de l’autorité, les modernistes allient souvent une vie extérieure exemplaire :
« Avec cela, et chose très propre à donner le change, une vie
toute d’activité, une assiduité et une ardeur singulières à tous
les genres d’études, des mœurs recommandables d’ordinaire pour
leur sévérité. »
Là encore, ils ne sauraient se maintenir à l’intérieur
de l’Eglise sans feindre d’en garder la discipline et d’en
respecter le mode de vie. Celui qui apostasie ou celui
qui jette sa soutane aux orties se signalait par là même
à l’attention des Þdèles catholiques.
En vertu de la nécessaire connexion entre ce qu’on
pense et ce qu’on fait, on peut bien penser que cette vie
exemplaire n’est qu’extérieure. Que l’on songe aux relations troubles entretenues par Teilhard de Chardin,
Karl Rahner 11 ou Hans Urs von Balthasar 12 et au récent
abandon du sacerdoce par le prince de théologiens de la
libération, le franciscain Leonardo Boff.
• Un dernier aspect de la pratique du modernisme, signalé par St Pie X, est la manipulation de l’opinion
publique. Cette manipulation se réalise en deux mouvements :
Il faut tout d’abord que tout opposant sérieux au modernisme soit couvert
par le complot du silence : on évitera tout débat public avec lui, on ne parlera pas de ses
publications contraires au modernisme, on
empêchera même leur publication si possible.
Simultanément, on couvrira
d’éloges tout écrit ou discours d’inspiration moderniste. L’usage et la multiplication des pseudonymes utilisés par quelques
auteurs modernistes donneront l’impression
d’une vague de fond alors que souvent peu
17
Nouvelles de Chrétienté Nº 84
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d’auteurs passeront leur temps à s’encenser
mutuellement.
« Que l’un d’entre eux ouvre la bouche, les autres d’une même
voix l’applaudissent, en criant au progrès de la science ; quelqu’un
a-t-il le malheur de critiquer l’une ou l’autre de leurs nouveautés, pour monstrueuse qu’elle soit, en rangs serrés, ils fondent sur
lui ; qui la nie est traité d’ignorant, qui l’embrasse et la défend
est porté aux nues. Abusés par là, beaucoup vont à eux qui, s’ils
se rendaient compte des choses, reculeraient d’horreur. »
« S’agit-il d’un adversaire que son érudition et sa vigueur
d’esprit rendent redoutables : ils chercheront à le réduire à l’impuissance en organisant autour de lui la conspiration du silence.
Conduite d’autant plus blâmable que, dans le même temps, sans
Þn ni mesure, ils accablent d’éloges qui se met de leur bord. »
« S’il arrive que l’un d’entre eux soit frappé des condamnations de l’Eglise, les autres aussitôt de se presser autour de lui,
de le combler d’éloges publics, de le vénérer presque comme un
martyr de la vérité. »
« Sous leur propre nom, sous des pseudonymes, ils publient
livres, journaux, revues. Le même multipliera ses pseudonymes,
pour mieux tromper, par la multitude simultanée des auteurs,
le lecteur imprudent. »
Lorsque les arguments n’ont plus la vérité comme mesure, il ne reste plus qu’à chercher des palliatifs pour suppléer leur faiblesse intrinsèque. À l’ère de la démocratie,
la vérité compte peu, seule compte l’élection ; l’honnêteté
ne paie pas, seule compte la permanence à son poste et
la conservation de sa réputation.
Par contre, malheurs à ceux qui ne soufflent pas dans
le sens de l’histoire ! Malheur à ceux qui n’embarquent
pas sur le grand navire du progrès ! Ils seront ensevelis
vivants sous une chape de plomb. Ils ne trouveront pas
d’éditeur pour leurs livres, pas de journal pour leurs articles, pas de chaire pour leur enseignement et les simples Þdèles n’entendront jamais leur voix qui, pourtant,
est celle du Bon Pasteur.
LA SOCIÉTÉ SECRÈTE DES MODERNISTES
Pour terminer sa description de la tactique moderniste sur un conseil pratique, St Pie X demande de démasquer le modernisme. Face à une erreur si hypocrite
et si fausse, il ne reste qu’une seule chose à faire : la dévoiler au grand jour aÞ n que tous puissent en mesurer
la turpitude.
« Trêve donc au silence, qui désormais serait un crime ! Il
est temps de lever le masque à ces hommes-là et de les montrer à
l’Eglise universelle tels qu’ils sont. »
Il est d’ailleurs intéressant de rapprocher cet ordre
du saint pontife de celui que donnait son prédécesseur,
18
•
Léon XIII, dans son encyclique
Humanum
Genus condamnant la
franc-maçonnerie :
« Arrachez à la francmaçonnerie le masque dont
elle se couvre et faites-la voir
telle qu’elle est. »
Le rapprochement de
ces deux textes, l’un sur
le modernisme, l’autre
sur la maçonnerie, sugLe pape Léon XIII
gère un rapprochement
de ces deux phénomènes révolutionnaires. Les deux
Pontifes semblent suggérer une parenté entre la secte
maçonnique et la secte moderniste.
Peut-être trouvera-t-on notre expression exagérée,
quand nous parlons de « secte moderniste ». Et pourtant,
ici aussi, nous ne nous faisons que l’écho des enseignements de St Pie X :
« Aucun évêque n’ignore, croyons-Nous, qu’une race très
pernicieuse d’hommes, les modernistes, même après l’Encyclique Pascendi dominicis gregis eut levé le masque dont ils
se couvraient, n’ont abandonné leurs desseins de troubler la paix
de l’Eglise. Ils n’ont pas cessé, en effet, de rechercher et de grouper en une association secrète de nouveaux adeptes, et d’inoculer avec eux, dans les veines de la société chrétienne, le poison de
leurs opinions, par la publication de livres et de brochures dont
ils taisent ou dissimulent les noms des auteurs.
Si, après avoir relu Notre Lettre Encyclique précitée, l’on
considère attentivement cette audacieuse témérité qui Nous a
causé tant de douleur, on se convaincra sans peine que ces hommes
ne diff èrent en rien de ceux que nous avons dépeints dans ce document. Ces adversaires sont d’autant plus à redouter qu’ils nous
touchent de plus près ; ils abusent de leur ministère pour tendre
l’appât d’une nourriture empoisonnée ; en vue de surprendre la
bonne foi de ceux qui ne sont pas sur leurs gardes, ils propagent
autour d’eux une apparence de doctrine, qui contient la somme
de toutes les erreurs. » 13
Ainsi donc St Pie X parle-t-il au sujet des modernistes d’une société secrète. Peu d’auteurs ont remarqué
et examiné ce point. Dans un article d’avril 1964, Jean
Madiran se faisait les réßexions suivantes :
« Dans l’Encyclique Pascendi, Saint Pie X mentionne
à plusieurs reprises et de diverses manières l’action ‘occulte’des
modernistes.
S’agit-il d’une société secrète au sens strict ?
L’Encyclique Pascendi permet de le supposer ; son texte ne
l’affirme pas formellement.
Mais trois ans plus tard, cette accusation formelle est prononcée par saint Pie X (Motu proprio du 1er septembre 1910) :
‘Les modernistes, même après que l’Encyclique Pascendi eût
levé le masque dont ils se couvraient, n’ont pas abandonné leurs
desseins de troubler la paix de l’Eglise. Ils n’ont pas cessé, en ef-
•
fet, de rechercher et de grouper en une association secrète de nouveaux adeptes…’
La tactique moderniste
LE MODERNISTE : UN APOSTAT
DOUBLÉ D’UN TRAÎTRE
Le texte latin dit en cet endroit : ‘Haud enim intermiserunt
Pour conclure, laissons le R.P. R.-Th. Calmel OP
novos aucupari et in clandestinum foedus ascire socios.’
nous donner une vue panoramique y synthétique de la
Il s’agit bien d’une société secrète.
question du modernisme, tant du point de vue intellecDans les livres, dans les revues, nous avons consulté les ‘ histuel comme du point de vue moral, tant
toires’et les ‘ bilans’du modernisme (en langue
de l’aspect tactique que de l’aspect spifrançaise) parus depuis la seconde guerre monrituel :
diale : nous n’y avons trouvé aucune allusion
à cet aspect précis de la question.
« L’hérétique classique, Arius, Nestorius,
Non seulement la société secrète est omise,
Luther, même s’il a quelque velléité de resmais encore la présentation du modernisme
ter dans l’Église catholique, fait ce qu’il faut
faite par les uns et les autres en nie implicitepour être exclu : il combat à visage découvert
ment l’existence. Elle la nie en ce que leur porla vérité révélée dont le dépôt vivant est gartrait du modernisme est incompatible avec
dé par l’Église. L’hérétique, ou plutôt l’apostat
l’existence d’une société secrète des modernistes.
moderniste, un abbé Loisy, un père Teilhard
de Chardin, rejette consciemment toute la
On nous parle d’hommes de cabinet, de cherdoctrine de l’Église, mais il nourrit la volonté
cheurs, de publicistes, d’ecclésiastiques qui se
de rester dans l’Église, et il prend les moyens
trompaient sans doute, mais qui étaient autant
qu’il faut pour s’y maintenir ; il dissimule, il
d’âmes candides : assurément cela est vrai pour
fait semblant, dans l’espoir de mener à terme
beaucoup d’entre eux ; mais cela ne suffit pas à
son dessein de transformer l’Église de l’intérendre compte du phénomène historique que
rieur, ou comme l’écrivait le jésuite Teilhard
fût le modernisme ; cela n’explique pas la préAlfred Loisy (1857-1940)
de Chardin de rectiÞer la foi. Le moderniste a
potence organisée, les campagnes concertées, le
fatras publicitaire d’insultes ou de louanges, les Prêtre français moderniste, il fut ceci de commun avec d’autres hérétiques qu’il
excommunié par saint Pie X
refuse toute la révélation chrétienne. Mais
tactiques préméditées et les activités occultes
le 7 mars 1908.
parmi ces hérétiques, il présente ceci de partidécrites par l’Encyclique Pascendi ; et cela
Il est mort sans se réconcilier
n’explique pas la ‘société secrète’mise en cause
culier qu’il dissimule son refus. Le moderniste,
er
avec l’Eglise catholique
par le Motu Proprio du 1 septembre 1910.
on ne le saura jamais assez, est un apostat douLes récits de la crise moderniste, les bilans
blé d’un traître.
du modernisme, les jugements portés sont radicalement viciés
par l’ignorance systématique et la dissimulation d’un élément
Vous demanderez peut-être : étant donné la position fond’appréciation aussi important.
cièrement déloyale adoptée par le moderniste, comment lui est[…]
il possible de s’y tenir à longueur de vie, sans faire craquer son
Ayant dissimulé l’existence de la société secrète, les histoéquilibre intérieur ? L’équilibre psychologique est-il compatible
riens ne nous apportent évidemment aucune lumière sur sa disavec une duplicité entretenue indéÞniment et portant sur les
parition.
questions suprêmes ? Il faut répondre par l’affirmative en ce
C’est pourtant une question ; une question historique non
qui touche les chefs de Þle. Pour le grand nombre, qui sont des
résolue ; une question posée : à quelle date la société secrète des
suiveurs, la question de l’équilibre psychologique à l’intérieur
modernistes a-t-elle cessé d’exister ?
d’une hypocrisie sans faille est sans doute beaucoup moins aiguë.
On ne peut même pas se demander si d’aventure elle ne se
D’autant que ces suiveurs, lorsqu’ils sont prêtres – ce qui est fréserait pas ultérieurement ‘reconstituée’; pour se ‘reconstituer’,
quent –, Þnissent généralement par contracter mariage, ce qui
il faut avoir cessé d’exister : on ignore si et quand elle a été dismet un terme à leur nécessité de dissimuler. Une fois mariés en
soute. Mais non seulement on ignore la réponse : on feint d’ignoeffet, ils ont beau rester apostats, ils ne sont plus modernistes.
rer la question.
Les choses deviennent claires à leur sujet ; ils n’ont plus à contreAuteurs de récits ou de bilans considèrent qu’en 1907 l’Encyfaire les apparences du prêtre catholique. – Pour les chefs de Þle,
clique Pascendi a porté un coup mortel au modernisme ; qu’elle
pour les prélats placés à un poste important, si leur modernisme
a réglé la question ; qu’elle l’a même, en quelque sorte, trop réglée,
est praticable sans trop de dégâts psychologiques c’est sans doute
trop brutalement, trop complètement.
parce qu’ils sont divertis par des complices jamais en repos, par
Ce n’était pas l’avis de St Pie X qui, trois ans plus tard, à
des ßatteurs infatigables. Étant distraits de faire retour à leur
la date du 1er septembre 1910, affirmait en toute netteté : les mopropre cœur, ils peuvent parvenir à échapper aux questions tordernistes n’ont pas cessé de se grouper en une association secrète
turantes d’une conscience morale trop lente à mourir.
de nouveaux adeptes.
Ils n’ont pas cessé…
En tout cas, si l’aveuglement de l’esprit et l’endurcissement
Mais alors, quand donc ont-ils cessé ?
du cœur, si le cas bernanosien de l’abbé Cénabre 15 demeure un
14
grand mystère, il ne laisse pas de se produire et il n’aboutit pas
Et même : ont-ils cessé ? »
19
Nouvelles de Chrétienté Nº 84
Novembre — décembre 2003
nécessairement à la folie. – Nous sommes certains que cet emprisonnement dans les ténèbres spirituelles ne se fait pas d’un seul
coup, mais se prépare peu à peu par de nombreuses résistances
à la grâce. Ce châtiment divin, car il s’agit d’un châtiment, est
mérité par bien des péchés. En outre, encore que n’importe quel
pécheur puisse se reconnaître un jour et crier miséricorde, il faut
bien voir qu’un pécheur de ce genre ne saurait être converti que
par un grand miracle de la grâce ; un miracle très rare. » 16
Abbé François KNITTEL
1
Encyclique Acerbo nimis du 15 avril 1905
Décret Sacra Tridentina synodus du 20 décembre 1905
3
Décret Quam singulari du 8 août 1910
4
Encyclique Il fermo proposito du 11 juin 1905
5
Encyclique Ad diem illum lætissimum du 2 février 1904
6
Encyclique Jucunda sane du 12 mars 1904
7
Exhortation Hærent animo du 4 août 1908
8
Motu Proprio Doctoris angelicis du 29 juin 1914
9
Toutes les citations qui suivent sans référence spéciale
sont tirées de l’encyclique Pascendi dominicis gregis
10
Proposition 3, condamnée (Dz 1703, DzS 2903)
11
Courrier de Rome — Sì sì no no, mars 1995, p. 8
12
Courrier de Rome — Sì sì no no, décembre 1992,
p. 7
13
Motu Proprio Sacrorum Antistitum du 1er septembre 1910
14
Jean Madiran, La société secrète des modernistes, in
Itinéraires, n° 82, p. 96-99.
15
Dans les romans L’imposture et La joie de l’auteur
français Georges Bernanos, ce prêtre perd la foi mais
demeure actif dans l’Eglise.
16
Introduction au catéchisme sur le modernisme du
P. Lemius
2
DXd
20
•
CES BRÈVES QUI
EN DISENT LONG…
Après les ADAP les FAP !
L
es F.A.P. sont les Funérailles en l’absence
de prêtre, suite tristement logique des
ADAP, Assemblées dominicales en l’absence de
prêtre. Tant il est vrai que l’absence de prêtres
se fait de plus en plus cruellement sentir dans
l’Eglise conciliaire. Bientôt, il n’y aura guère
plus que 8 000 prêtres en France !
La Croix du 3 décembre 2003 explique
comment sont formés, en Vendée, ceux qui président ces cérémonies :
« Des laïques, retraités pour la plupart,
qui ont d’abord suivi la formation à l’accompagnement des familles en deuil, proposée depuis 1993 par le Service diocésain de la pastorale liturgique (SDPL), à raison de dix soirées
sur deux ans. Puis, ils ont suivi la formation à la
conduite des funérailles en l’absence de prêtre
mise en place en 2002, à raison de cinq sessions
sur un an. Et après un an de stage, ils ont reçu
une lettre de l’évêque leur conÞant cette mission pour trois ans renouvelables, ainsi qu’une
petite croix qu’ils portent pour les célébrations.
« En la mettant, j’entre dans le mystère pascal de la
mort et de la résurrection du Christ », témoigne
Christian Piron, retraité de la police et engagé
dans la paroisse de Sainte-Marie des Olonnes,
qui a été le premier laïc à présider des FAP dans
le diocèse de Luçon.
« Il faut beaucoup écouter et savoir parler
en public », estime Jacques Edom, qui, lui, a été
« institué » en 1998 pour présider des sépultures à la paroisse Sainte-Croix et à l’hôpital gériatrique d’Allonnes, au Mans. Il avait reçu à
ce titre un vêtement liturgique violet qu’il revêt pour signiÞer cette responsabilité ministérielle ». C’est ainsi qu’aujourd’hui, dans le seul
département de la Sarthe, 55 laïques conduisent
régulièrement des funérailles.
A quand les MAP (Mariages en l’absence de
prêtre) ? Cérémonies encore non autorisées en
France, mais bien prévues par le nouveau code de Droit canonique (canon 1112), ainsi que
l’a rappelé le cardinal Medina, lors de sa conférence du 22 novembre dernier, à Paris. (voir
DICI n° 86)
Pastores gregis
•
ACTUALITÉ DE L’ÉGLISE
Pastores gregis : l’évêque
dans la vision de l’Eglise conciliaire
Du 30 septembre au 27 octobre 2001 s’était tenue à Rome la Xème assemblée générale du Synode des évêques,
consacrée à l’évêque. Le thème exact en était l’évêque, serviteur de l’Evangile de Jésus-Christ pour l’espérance du
monde. Deux ans après1, Jean-Paul II vient de publier l’exhortation apostolique Pastores gregis, qui fait le bilan des
travaux de ce synode et présente une synthèse de ce qu’est l’évêque dans la vision de l’Eglise.
D
isons tout de suite que l’évêque dont le portrait
est dessiné est l’évêque selon Vatican II. « Les
travaux du Synode ont constamment fait référence à la
doctrine sur l’épiscopat et sur le ministère des Evêques
présentée par le Concile Vatican II », dit le pape, qui
nous vante « cette doctrine lumineuse » 2 : là encore, la
lumière est donc venue à l’Eglise par ce concile.
Un nouveau magistère
Il st très intéressant d’examiner les notes auxquelles
renvoie le document, les sources du magistère sur lesquelles il s’appuie. Et l’on constate que, si les Pères de
l’Eglise sont cités un bon nombre de fois, entre le VIème
siècle et le concile Vatican II on ne trouve en tout et pour
tout que quelques mots de saint Thomas d’Aquin ; saint
Charles Borromée est cité une fois, ainsi qu’un autre
évêque du XVIème siècle, Bartholomeu dos Martires ;
enÞ n Pie XI est nommé, à propos du principe de subsidiarité. Et c’est tout ! On enjambe allègrement plus de
treize siècles de l’histoire de l’Eglise, de ses papes, de
ses conciles, de ses saints, docteurs, théologiens, etc.,
on les renvoie au néant d’où ils n’auraient jamais dû sortir selon les modernistes. Ce document nous conÞ rme
une nouvelle fois que l’Eglise conciliaire obéit à un nouveau magistère, inauguré au concile Vatican II ; Vatican
II qui, lui, est cité abondamment (81 renvois en notes).
Paul VI est cité 12 fois ; enÞ n le pape, en toute modestie, se cite lui-même 54 fois. On voit donc que le concile
21
Nouvelles de Chrétienté Nº 84
Novembre — décembre 2003
•
Pastores gregis
(Suite)
CES BRÈVES QUI
EN DISENT LONG… (SUITE)
Vatican II est la référence constante, on peut dire qu’il
est omniprésent.
Cette exhortation du pape, comme tous les textes du
Saint-Siège, comporte quelques bons passages qui nous
réjouissent. Le chapitre II, consacré à la vie spirituelle
de l’évêque, est bienvenu et off re de belles considérations. Et sa place en tête du document est sans doute le
signe de son importance dans la pensée de ses auteurs.
Mais on peut malheureusement être pieux et avoir la
tête emplie d’erreurs.
Le chapitre VI Dans la communion des Eglises reprend
à son compte la doctrine et la pratique de la collégialité,
mais avec les limites posées par le motu proprio Apostolos
suos du 21 mai 1998, qui blâmait certains abus, en particulier au niveau des Conférences épiscopales. Le texte
rappelle par exemple le pouvoir personnel et de droit
divin que l’évêque possède sur son diocèse, auquel la
Conférence épiscopale ne peut se substituer 3.
Mais ne nous leurrons pas : à part des passages assez
neutres, l’essentiel du texte est bien dans la ligne conciliaire. L’exhortation rappelle les devoirs des évêques
quant à la foi : « Le Concile Vatican II explique que la
mission d’enseignement propre aux Evêques consiste
à garder saintement la foi et à l’annoncer courageusement. » 4 « Les Evêques défendront avec fermeté l’unité
et l’intégrité de la foi. » 5 Mais il s’agit d’une foi au contenu nouveau, celle de l’Eglise conciliaire. Car rien ne
manque dans ce document : la nouvelle liturgie (l’évêque
« préside l’assemblée eucharistique », qui est « la célébration du Mystère pascal » 6), le sacerdoce commun des Þdèles 7, la collégialité 8, le dialogue interreligieux 9…
L’Eglise comme communion
Si l’on veut rechercher plus avant ce qui ressort de
ce texte, ce qui en est la dominante, je crois que c’est
l’insistance sur la notion de l’Eglise conçue comme une
communion. Insistance lourde, obsessionnelle. Le mot
communion est mis à toutes les sauces : il Þgure 127 fois
dans le texte !
« L’ecclésiologie de communion » est au cœur de la
doctrine de la nouvelle Eglise conciliaire, au point qu’elle
devient un bon critère pour juger si un texte est conforme à la doctrine catholique ou à la doctrine conciliaire.
Or cette expression (plus précisément « l’ecclésiologie
de communion et de mission ») apparaît quatre fois dans
notre texte. Et la « spiritualité de communion », à la-
22
Un Martini rouge
A
u cours d’une conférence donnée en la
cathédrale de Strasbourg, le 2 décembre
2003, le cardinal Martini, ancien archevêque de
Milan, a montré qu’il était resté très Þdèle à sa
doctrine ultra-progressiste. Après avoir confessé
sa conÞance en l’avenir : « L’Eglise pourra même se
réduire considérablement en nombre en Europe, mais
elle sera toujours présente dans l’un ou l’autre lieu de notre terre. Il est même permis de penser qu’elle sera toujours davantage présente dans tous les coins du monde »,
le célèbre prélat jésuite a indiqué les conditions
qui, d’après lui, sont nécessaires à la pérennité de
l’Eglise, selon l’idée qu’il s’en fait :
Tout d’abord « le devoir d’une collaboration œcuménique fraternelle et convaincue, une plus vive conscience du rapport entre les Eglises chrétiennes et le peuple juif et du rôle singulier d’Israël dans l’histoire du
salut », notamment quand « l’esprit antisémite semble
reprendre une certaine vigueur » ; « un rapport fraternel et intelligent avec l’islam » avec la conscience de
« la divergence notable entre culture européenne et pensée musulmane », mais pas en vue de « se renfermer
dans une forteresse européenne » ; un renforcement
du laïcat dans l’Eglise et en particulier de la place
des femmes à qui il faut « attribuer des fonctions ecclésiales qui reviennent de droit aux laïcs » ; enÞ n des
« changements de structures, certaines simpliÞcations,
des déplacements d’accents » dans l’Eglise dont il serait opportun de discerner les orientations à travers la convocation d’un « synode universel ».
On est en droit de se demander si les conditions de la pérennité de l’Eglise, selon le cardinal
Martini, ne sont pas plutôt les moyens de sa destruction.
Pastores gregis
•
Pastores gregis
rir ensemble le chemin de foi et de mission qui est
commun à tous. […]
(Fin)
La communion ecclésiale, dans son caractère organique, met en cause la responsabilité personnelle de l’Evêque, mais elle suppose aussi la
participation de toutes les catégories de Þdèles en
tant que coresponsables du bien de l’Eglise particulière qu’ils forment eux-mêmes. […]
La communion étant l’expression de l’essence de l’Eglise, il est normal que la spiritualité
de communion tende à se manifester sur le plan
personnel comme sur le plan communautaire, suscitant des formes toujours nouvelles de participation et de coresponsabilité au sein des différentes
catégories de Þdèles. L’Evêque s’efforcera donc de
susciter dans son Eglise particulière des structures
de communion et de participation telles qu’elles
permettent d’écouter l’Esprit qui vit et parle dans
les Þdèles, aÞ n de les amener ensuite à mettre en
œuvre ce que ce même Esprit suggère pour le bien
authentique de l’Eglise. »
quelle Jean-Paul II en particulier a donné une impulsion
dans sa lettre apostolique Novo millenio ineunte 10, Þgure
pas moins de dix fois ! L’évêque doit « la cultiver », s’en
faire « le promoteur et l’animateur » 11. L’Eglise n’existe
qu’en tant que communion, tout est vu dans cette perspective.
Au niveau local, la communion s’incarne dans la communauté, qui est son expression concrète. Là aussi, l’insistance sur ce mot est frappante : lui ou communautaire
reviennent 62 fois.
L’application de la communion
au gouvernement diocésain
Le paragraphe 44, qui traite du gouvernement du
diocèse, mérite que nous en citions quelques passages ;
il nous éclairera sur l’esprit de ce document :
« La communion ecclésiale vécue conduira
l’Evêque à un style pastoral toujours plus ouvert à
la collaboration de tous. Il y a une sorte de circularité entre les décisions que l’Evêque est appelé
à prendre en engageant sa responsabilité personnelle pour le bien de l’Eglise qui lui est conÞée
et l’apport que les Þdèles peuvent lui offrir par le
biais des organismes de consultation, tels le synode diocésain, le conseil presbytéral, le conseil
épiscopal et le conseil pastoral.
Les Pères synodaux n’ont pas manqué
d’évoquer ces modalités d’exercice du gouvernement épiscopal, grâce auxquelles l’action pastorale s’organise dans le diocèse. En effet, […] tous
les Þdèles, en raison de leur baptême, participent,
d’une manière qui leur est propre, au triple munus 12 du Christ. Leur égalité réelle en dignité et
dans l’action fait que tous sont appelés à coopérer à l’édiÞcation du Corps du Christ, et donc à
mettre en œuvre la mission que Dieu a conÞée à
l’Eglise dans le monde, chacun selon sa condition
et ses devoirs. […]
L’Eglise est une communion structurée, qui
se réalise dans la coordination des divers charismes, ministères et services, et est ordonnée à l’obtention du but commun qui est le salut. L’Evêque
est responsable de la réalisation de cette unité
dans la diversité, favorisant, comme cela a été dit
dans l’Assemblée synodale, la synergie des divers
acteurs, de telle sorte qu’il soit possible de parcou-
On voit que le gouvernement d’un diocèse devient un
exercice qui demande une grande souplesse. Pour mettre en œuvre ces recommandations, et arriver à concilier
leur « responsabilité personnelle » avec la « coresponsabilité » des Þdèles, les évêques doivent faire des contorsions certainement intéressantes à observer.
Cette exhortation du pape nous montre une nouvelle fois que, dans tous les domaines, la doctrine et la
pratique de Vatican II s’installent, elles s’imposent. Les
excès sont au besoin « recadrés », on s’en tient à la ligne
de Vatican II, mais Rome n’est pas du tout en train de
revenir à la Tradition, comme certains voudraient nous
le faire accroire.
Abbé Jean-Marie BERNARD
1
Le 16 octobre, jour anniversaire de son élection.
§ 2.
3
§ 63.
4
§ 28.
5
§ 29.
6
§ 37.
7
§ 10.
8
§ 8.
9
§ 68.
10
6 janvier 2001.
11
§ 22.
12
C’est-à-dire ses fonctions de docteur, de prêtre et de
roi.
2
23
Nouvelles de Chrétienté Nº 84
Novembre — décembre 2003
•
CES BRÈVES QUI
EN DISENT LONG… (FIN)
Silence, on prie !
A
l’occasion du quarantième anniversaire
de la Constitution sur la Liturgie sacrée,
Sacrosanctum Concilium, Jean-Paul II a publié une
lettre apostolique. Dans le dernier chapitre, consacré à la « prospective » à la lumière de la « nouvelle
évangélisation », il fait un éloge de « l’expérience du
silence » qui ravira les Þdèles attachés à la liturgie traditionnelle : « Dans une société qui vit de façon
toujours plus frénétique, souvent assourdie par le bruit
et égarée dans l’éphémère, redécouvrir la valeur du silence est vital ».
Et le pape poursuit avec une allusion aux emprunts qui se font aujourd’hui aux spiritualités
orientales : « Ce n’est pas un hasard si, au-delà du culte
chrétien, se répandent des pratiques de méditation qui
donnent de l’importance au recueillement. Pourquoi ne
pas engager, avec une pédagogie audacieuse, une éducation spéciÞque au silence à l’intérieur des coordonnées de
l’expérience chrétienne ? »
Et pourquoi ne pas permettre aux Þdèles de
faire tout simplement « l’expérience de la Tradition », de la liturgie traditionnelle où ils trouveraient ce recueillement qui leur manque dans les
messes-kermesses ? Ne serait-ce pas plus approprié que cette « éducation spéciÞque au silence à
l’intérieur des coordonnées de l’expérience chrétienne » ?
C’est qu’il faut, malgré tout, sauver la liturgie
conciliaire en ne dénonçant que des abus : « abus
quelquefois graves qui n’ont rien à voir avec l’esprit authentique du Concile », car « le renouvellement liturgique réalisé pendant ces décennies a
démontré comment il est possible de conjuguer
une norme qui assure à la liturgie son identité
et sa dignité, avec des espaces de créativité et
d’adaptations, qui la rapprochent des différentes
régions, situations et cultures ».
La rédaction de Nouvelles de Chrétienté
vous souhaite de saintes fêtes de Noël et vous
présente tous ses vœux pour l’année 2004.
FRATERNITÉ SACERDOTALE ST-PIE X
MAISON GÉNÉRALE
Directeur de la publication
Abbé Arnaud Sélégny
Rédacteur
Abbé Alain Lorans
Abonnement
Normal : 20,- € – Etranger : 24,-- €
de soutien : 40,Prix au numéro: 3,50 €
France : chèque à l’ordre de :
Association CIVIROMA
Suisse : CCP 60-29015-3,
Priesterbruderschaft St. Pius X.
Schwandegg — 6313 Menzigen
Adresse postale
DICI-Presse – Etoile du Matin
F – 57 230 EGUELSHARDT
Autrement dit, cette liturgie conciliaire veut
être, au nom de l’acculturation, la norme une
au milieu des créativités multiples. Oxymore,
more and more !
Imprimeur
Plano-Print
Am Gewerbering, 8
D- 84069 SCHIERLING
24