Le Journal International de Victimologie

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Le Journal International de Victimologie
JOURNAL INTERNATIONAL DE VICTIMOLOGIE
ANNÉE 9 – NUMÉRO 3 (HIVER 2011)
JIDV N°27
!
50 ANS DE VICTIMOLOGIE AU QUÉBEC
Introduction du numéro spécial
J.-A. Wemmers
Rédactrice en chef du JIDV, Université de Montréal……………………………..…387
Partir ou rester? Facteurs liés à la prise de décision de quitter ou non une
relation violente
N. Dugal
Université de Montréal………………………………………………….…………388-396
Les besoins des rescapés du génocide des Tutsi du Rwanda vivant au Québec.
C. Ndejuru
PAGE Rwanda………………………………………………………….……….…397-402
Quelle réparation pour les victimes des crimes internationaux ayant immigré au
Québec ?: Quelques commentaires à la lumière du jugement Munyaneza
A. Melchiade Manirabona
Université de Montréal………………………………………………….…………403-412
ARTICLES LIBRES
La charge traumatique chez l’enfant placé en institution : Clinique d’une menace
d’effondrement
D. Derivois & N. Guillier-Pasut
Université de Lyon…………………………………………………………………413-427
Longitudinal course of salivary cortisol in acute, chronic, delayed,
and remitted post-traumatic stress disorder
A. Brunet, P. Birmes, A.A. Ziegenhorn, E. Bui, J.C. Pruessner, & M.J. Meaney
McGill University, Université Paul Sabatier, & Harvard Medical School……..428-443
Dissociation : Conceptualization, Causes, and Treatment
Kevin Duckworth
Université de Sherbrooke…………………………………………………………444-452
Directeur de publication: C. Herbert; Rédactrice en Chef: J.-A. Wemmers; Rédacteur en Chef Adjoint: A. Brunet
Journal International De Victimologie
International Journal Of Victimology
!Tome!9,!numéro!3!(Hiver!2011)!
Editorial
Numéro spécial : 50 ans
de l’École de
Criminologie de
l’Université de Montréal
WEMMERS, J.-A.1 [CANADA]
Auteur
1
Rédactrice en chef du Journal International
de Victimologie, Professeur aggrégée, dpt de
criminologie – Université de Montréal
Bien
que la victimologie constitue un
champ de recherche relativement nouveau,
son historique est plutôt ancien au Québec.
En effet, nous avons célébré cette année 50
ans de victimologie au Québec avec le 50e
anniversaire de l’École de criminologie de
l’Université de Montréal. Il faut mentionner
le rôle particulier joué par l’École de
criminologie
dans
l’évolution
de
la
victimologie.
Après avoir fondé l’École en 1960, Denis
Szabo a engagé Henri Ellenberger comme
professeur. Comme bon nombre de ses
contemporains, Ellenberger ne se souciait
pas des victimes et des répercussions de la
criminalité sur celles-ci ; les victimes
constituaient plutôt un sujet d’étude dont le
but était de mieux comprendre la criminalité
et les criminels.
Le professeur Ellenberger a orienté bon
nombre des premiers diplômés de l’École,
notamment
Ezzat
Fattah
qui
a
subséquemment produit de nombreux livres
et articles de victimologie. À l’instar de son
mentor,
Ezzat
Fattah
s’intéressait
essentiellement à la victimologie théorique
et rejetait ouvertement le militantisme qui,
selon lui, n’avait pas sa place en science.
Au cours des années 1980, on observe un
changement d’orientation. Micheline Baril,
étudiante puis professeure à l’École de
Criminologie, a joué un rôle important dans
le développement de la recherche
victimologique et des services offerts aux
victimes au Québec.
Afin de célébrer 50 ans de victimologie, un
colloque a été organisé par le Groupe de
recherche sur la Victimologie et justice
réparatrice du Centre international de
criminologie comparée le 15 avril 2011 à
l’Université de Montréal. Subventionné par
le Fonds victimes du ministère de la Justice
du Canada, le colloque a attiré environ 200
personnes. Les conférences ont été
données par les professeurs Ezzat Fattah,
Stéphane Guay, Marie-Marthe Cousineau et
Jo-Anne Wemmers, ainsi que des étudiants
des études supérieures comme Amissi
Manirabona et Natasha Dugal. En plus des
universitaires, nous avons aussi eu la
participation de membres de la société civile
comme
monsieur
Callixte
Kabayiza,
directeur du PAGE Rwanda.
Ce numéro spécial donne un aperçu de
quelques conférences du 15 avril et nous
permet de partager ces idées avec une plus
grande audience dans les domaines du
droit, de la sociologie, de la psychologie, de
la criminologie et de la victimologie.
!
387
DUGAL, N.
Journal International De Victimologie
International Journal Of Victimology
(Tome(9,(numéro(3((Hiver(2011)(
Partir ou rester?
Facteurs liés à la prise de décision de quitter ou non
une relation violente
DUGAL, N.1 [CANADA]
Auteur
1
École de Criminologie – Université de Montréal
Résumé
Les femmes subissant de la violence au sein de leur couple font face à de nombreuses
incompréhensions quant à leur décision de rester avec leur conjoint ou encore à retourner avec celui-ci
après un séjour en maison d’hébergement. Ces incompréhensions auront d’importantes répercussions
sur leur soutien social et l’aide qui leur sera offerte. Entre le moment où la femme se rend compte qu’elle
est victime de violence conjugale et celui où elle prend la décision de quitter définitivement, il y toute une
prise de conscience et un processus d’une grande complexité qui doit s’opérer et plusieurs facteurs
entrent en ligne de compte. Cet article présente une introduction quant aux différentes théories tentant
d’expliquer ce processus de prise de décision, et des différents facteurs, personnels et situationnels, qui
entrent en jeu. Les limites et implications de ces modèles et facteurs seront ensuite discutés.
Mots-clés: Violence conjugale; décision de partir
Stay or leave? Factors related to decision making or not to leave an abusive relationship
Abstract
Women victims of partner violence face many misunderstandings about their decision to remain with their
spouse or to return with them after a stay in a shelter. These misunderstandings have a significant impact
on their social support and assistance that will be offered. Between the time a woman realizes she is a
victim of partner violence and when she decides to leave permanently there any awareness and a highly
complex process which must take place and several factors come into play. This article is an introduction
about the various theories attempting to explain this process of decision making, and various factors,
personal and situational factors that come into play. The limitations and implications of these models and
factors are then discussed.
Key$words:!Partner!violence;!decision!to!leave.!
388
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
DUGAL, N.
Pour
les femmes, vivre de la
violence au sein de son couple est l’une des
raisons les plus importantes entrainant la
dissolution d’une relation amoureuse (Kurz,
1995). Malgré tout, un nombre substantiel
de femmes violentées par leur conjoint
continueront de vivre avec leur assaillant, et
ce, même après avoir franchi l’étape d’aller
demander de l’aide et après avoir dit
qu’elles n’avaient pas l’intention de
retourner (Strube, 1988). Les chiffres vont
différer d’une étude à l’autre et s’il est
difficile de savoir combien de femmes sont
victimes de violence conjugale, il est encore
plus difficile de savoir combien quittent,
celles-ci ne passant pas toutes par des
ressources spécialisées. Il est toutefois
possible de constater que les femmes qui
s’en sortent auront souvent quitté plusieurs
fois avant de quitter définitivement
(Campbell, Miller, Cardwell, & Belknap,
1994).
Les femmes subissant de la violence
au sein de leur couple font face à de
nombreuses incompréhensions quant à leur
décision de rester avec leur conjoint ou
encore à retourner avec celui-ci après un
séjour en maison d’hébergement. Ces
incompréhensions sont perceptibles dans la
population en générale, de la part de leur
famille, amis, mais aussi de la part des
policiers et autres intervenants dans le
milieu. Ainsi, il n’est pas rare de voir les
aidants se décourager suite à de nombreux
retours avec le conjoint ou encore
d’entendre des remarques dans la
population du genre : «si elle y retourne,
c’est qu’elle aime ça». Il est vrai que la
position de revictimisation constante dans
laquelle elles se placent est dérangeante et
tend à éloigner ces femmes du stéréotype
de la parfaite victime.
Entre le moment où la femme se
rend compte qu’elle est victime de violence
conjugale et celui où elle prend la décision
de quitter définitivement, il y toute une prise
de conscience et un processus d’une
grande complexité qui doit s’opérer et
plusieurs facteurs entrent en ligne de
compte. Cet article fera état des différentes
théories tentant d’expliquer ce processus de
prise de décision, et des différents facteurs,
personnels et situationnels, qui entrent en
jeu.
Modèles théoriques
Les premiers modèles
Les premiers modèles à avoir vu le
jour pour tenter d’expliquer la prise de
décision d’une femme à quitter ou non un
conjoint violent ont été recensé vers la fin
des années 80’ (Strube, 1988). Trois
modèles se démarquent soit celui du piège
psychologique, celui de l’impuissance
acquise, et celui de l’analyse des coûts et
bénéfices. Dans le premier modèle, celui du
piège psychologique, la victime de violence
conjugale en vient à avoir investit trop de
temps, d’effort et d’argent, pour se résoudre
à quitter la situation. Le parallèle peut être
fait avec quelqu’un qui s’installe devant une
machine à sous. Plus cela fait de temps qu’il
joue, plus il lui sera difficile de laisser la
machine, alors que celle-ci est peut-être
juste sous le point de payer. De la même
façon, une personne dans une relation
violente aura peut-être passé 10 ans de sa
vie à investir dans son couple, à déployer
quantité d’efforts, de temps et même
possiblement d’argent afin de parvenir à
changer l’homme qu’elle aime. L’échec est
trop dur à prendre et quitter reviendrait à
abandonner maintenant alors que le conjoint
violent est peut-être juste sous le point de
changer…
Cette
forme
de
piège
psychologique sera d’autant plus persistante
s’il y a présence du cycle de la violence qui
stipule qu’après chaque épisode de violence
suivra une phase de justification et une
phase de lune de miel (Institut National de
Santé Publique, 2006). Il s’agit d’un patron
de forme cyclique qui aura comme
conséquences de toujours redonner espoir
à l’effet que l’agresseur finira par changer et
que la violence va cesser.
DUGAL, N.
La deuxième théorie annoncée par
Strube (1988) est celle de l’impuissance
acquise qui résulte en une non-contingence
entre les réponses émises par la femme et
les résultats. En d’autres mots, la femme
finit par comprendre que peu importe ce
qu’elle fait et comment elle réagit dans une
telle situation, le résultat en sera
indépendant. Elle se découragera donc et
ne posera plus d’actions concrètes pour
tenter de mettre un terme à la violence.
Cette impuissance acquise pourrait par
ailleurs conduire à une baisse de motivation
et à des facteurs dépressifs.
La troisième théorie est celle de
l’analyse des coûts et bénéfices. Selon cette
compréhension, la personne qui vit de la
violence conjugale va analyser, plus ou
moins consciemment, le contexte de la
violence et de la relation, en termes de
coûts ou de bénéfices. Bien sûr, la violence
subie fera certainement faire partie des
coûts, mais ce ne sera pas le seul aspect
qui aura de l’importance et d’autres aspects
plus positifs de la relation (par exemple la
présence de bons moments ensembles, des
loisirs communs) seront également pris en
compte. De plus, l’analyse des coûts et
bénéfices ne prend pas uniquement en
considération la relation présente mais
également les alternatives possibles. Si
quitter la relation engendre plus de coûts
que de bénéfices, par exemple en
impliquant un déménagement, un divorce ou
encore si la personne ne sait même pas où
aller, les coûts de quitter la relation
deviendront possiblement plus élevés que
ceux de rester.
Le modèle décisionnel à deux étapes
Quelques années plus tard, deux
auteurs créeront un modèle décisionnel à
deux étapes, s’inspirant des théories
existantes (Choice & Lamke, 1997). Selon
leur approche, la femme se demandera en
premier lieu si elle serait plus heureuse en
dehors de sa relation présente. Sa réponse
dépendra de son degré de satisfaction dans
sa relation, par rapport à la confiance
mutuelle qu’il y a, à l’amour, au respect, à la
390
satisfaction sexuelle, au partage des
corvées ménagères et aux moments de
bonheur. La réponse dépendra également
des investissements qu’elle aura mis dans
la relation, de la qualité des alternatives
donc de ce qui s’offre à elle si elle décide de
quitter, ainsi qu’aux normes subjectives,
c’est-à-dire à l’importance qu’elle et son
entourage accordent au rôle d’épouse et
l’idée qu’ils se font du divorce. Si
effectivement, la femme en conclut qu’elle
serait mieux à l’extérieur de cette relation,
elle passera alors à la question suivante qui
est : « Suis-je capable de le faire? » Cette
réponse sera influencée par ses ressources
et barrières personnelles, comme son
estime de soi, ses habiletés de résolution de
problème, sa peur, et par ses ressources et
barrières structurelles, soit ses sources de
revenus et les ressources disponibles dans
la communauté.
L’approche motivationnelle
Une autre théorie est celle de
l’approche motivationnelle (Shurman &
Rodriguez, 2006). Il s’agit d’une théorie
provenant
de
la
psychologie
des
dépendances qui fut d’abord conçue pour
mettre fin à la dépendance au tabac. Ce
modèle comporte 5 phases que la personne
doit franchir dans l’ordre pour mettre fin à
une dépendance, soit à celle qu’elle a
envers son conjoint. Dans la première
phase, celle de la pré-contemplation, la
femme victime ne voit pas qu’il y a un
problème et elle perçoit l’abus comme étant
un signe d’amour ou d’affection. Dans la
phase de contemplation, la femme constate
un problème et évalue ses options pour
mettre fin à la violence. Dans la phase de la
préparation, certaines actions sont prises
comme le fait de trouver un emploi, se
chercher une gardienne ou un appartement.
Dans la phase de l’action, la femme va dans
une maison d’hébergement, appelle la
police, ou encore déménage chez de la
famille ou des amis. Et finalement dans celle
du maintien, la femme continue à travailler
sur sa séparation, en entamant des actions
légales par exemple.
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VIOLENCES CONJUGALES : PARTIR OU RESTER ?
Les facteurs de risque et de protection
Les facteurs démographiques et
situationnels
Indépendamment des théories citées
précédemment, certains facteurs de risque
et de protection auront également leur
influence dans la prise de décision de la
femme de quitter son conjoint violent. Il y a
tout d’abords une relation positive entre
l’âge et la prise de décision de quitter, tout
comme avec le niveau d’éducation. Ainsi,
plus la femme est âgée et plus son niveau
d’éducation est élevé, plus elle a de risque
de mettre fin à une relation violente
(Alexander, Tracy, Radek, & Koverola,
2009). Cette relation positive entre la
probabilité de quitter et l’âge doit être
nuancé par le fait qu’à partir d’un certain
âge, ces femmes forment un groupe
particulièrement à risque de vivre de la
violence conjugale (Gravel, Beaulieu, &
Lithwick, 1997). Pour plusieurs femmes
victimes de violence conjugale, ce sont les
contraintes financières qui se révèlent être
la raison majeure pour rester dans la
relation (Campbell, Rose, Kub, & Nedd,
1998). La présence d’enfants sera un
facteur qui, quant à lui, motivera le départ
de la femme, celle-ci tolérant habituellement
moins une situation de violence qui implique
aussi ses enfants. Selon une étude, chaque
enfant en bas de 9 ans fera augmenter de
23 % la probabilité de dissolution de la
relation violente (Anderson, 2007).
La religion
Certaines femmes peuvent se servir
de la religion pour tenter de comprendre la
situation de violence qu’elles vivent, et pour
essayer de la gérer. Des études révèlent
que les femmes victimes de violence
conjugale qui sont très religieuses resteront
mariées plus longtemps à leur assaillant que
leurs consœurs (Horton, Wilkins, & Wright,
1988). C’est le cas de trois femmes victimes
de violence conjugale que Nash et
Hesterberg ont interviewées dans une étude
récente de 2009. Les auteurs expliquent
qu’une femme très religieuse et abusée peut
interpréter sa souffrance comme étant
méritée ou rédemptrice, la soumission de la
femme comme étant un pré requis au
mariage, le divorce comme état découragé,
et le pardon comme étant quelque chose de
très important dans une relation de couple.
Les trois femmes de cette étude vont
fortement s’identifier elles-mêmes et leur
oppression à travers des textes bibliques et
vont
percevoir
l’abus
comme
une
opportunité de montrer leur loyauté et leurs
fortes croyances en Dieu. Elles pourront
tenter d’agir de la façon la plus pieuse et
soumise qu’elles peuvent, dans l’espoir de
montrer le bon exemple à leur mari ou
encore pour que Dieu vienne sanctifier leur
époux par leur propre intermédiaire. Celles
qui vont finir par quitter ressentiront de la
culpabilité ainsi qu’un sentiment d’échec
personnel face à la mission qu’elles
s’étaient donnée. Les auteurs mettent par
contre en garde contre la pensée que ces
femmes-là adoptent plus de comportements
passifs face à la violence. En fait, elles
seront plutôt actives dans leur démarche,
mais en utilisant des moyens comme la
prière, qui nous semblent passifs (Nash &
Hesterberg, 2009).
Il faut bien sûr spécifier qu’il s’agit de
cas extrême, que plusieurs femmes
perçoivent la religion d’une façon beaucoup
plus large (Knickmeyer, Levitt, Horne, &
Bayer, 2003) et s’en servent même pour
justifier leur départ. Il existe également
certaines
communautés
de
femmes
évangéliques qui ont créé des refuges pour
femmes en crises et leurs enfants (NasonClark, 1997), ce qui prouve qu’être très
religieux n’équivaut pas pour autant à l’idée
que l’on doive rester et se soumettre à une
situation de violence.
Le soutien social et les ressources
communautaires
Le fait d’avoir un soutien social
adéquat peut fortement aider les femmes
dans leur prise de décision de quitter un
conjoint violent, entre autres, en facilitant
l’attribution de la violence au partenaire
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391
DUGAL, N.
(Taylor, 2003). Étrangement, Alexander et
coll. (2009) trouvent que les femmes étant
dans un stade de changement moins
avancé reporteront plus de satisfaction
quant à leur soutien social, quoi que la taille
du soutien social ne diffère pas, par rapport
aux femmes étant dans un stade de
changement plus avancé. Ils expliquent ces
résultats par le fait qu’elles auraient peutêtre plus de réticences à exprimer
l’insatisfaction face à leurs relations
interpersonnelles en général. Cela suggère
qu’il est primordial de mieux explorer la
nature du soutien social qui peut soit faciliter
le départ, soit l’interférer.
Les ressources disponibles dans la
communauté peuvent également venir en
aide à une femme qui ne saurait pas où aller
après avoir quitté et donc motiver cette
décision. Une étude trouve que les maisons
d’hébergement pour femmes victimes de
violence
conjugale
n’aideraient
pas
seulement à partir, mais auraient aussi une
influence à long terme sur le temps qu’une
femme passera dans une relation abusive.
En effet, les femmes qui sont sévèrement
abusées sans être passées par une maison
d'hébergement auront plus de probabilités
de
rester dans une telle relation. Les
femmes ayant reçu des services de maisons
d'hébergement vont endurer de plus courtes
périodes de violence, même si celles-ci sont
plus souvent sans ressources, plus pauvres
et sans emploi (Panchanadeswaran &
McCloskey, 2007).
L’attachement au partenaire
Un
autre
important
facteur
influençant la prise de décision de quitter un
conjoint violent est l’attachement que la
femme porte à son partenaire. Certaines
études disent que la plus importante raison
de retourner avec le partenaire est
l’attachement émotionnel qu’elles ont avec
lui (Griffing et al., 2002). Aussi, les femmes
qui retournent avec le conjoint violent vont
être plus souvent mariées à leur assaillant,
dans une relation de plus longue durée et
auront vécu un moins grand nombre de
séparations antérieures (Snyder & Scheer,
392
1981). Plus la femme est engagée dans la
relation, plus difficilement elle se justifiera
psychologiquement que quitter est la
meilleure décision (Strube & Barbour, 1983).
Les différents styles d’attachement
peuvent avoir une influence sur la décision
de partir. Selon le modèle d’attachement de
l’adulte de Bartholomew, Henderson et
Dutton (2001), les styles d'attachement
sécurisé
et
évitant
seraient
sousreprésentés dans les couples violents, alors
que les styles apeuré et préoccupé auraient
plus de risques de se retrouver dans une
relation abusive. Les femmes étant moins
avancées dans leurs stades de changement
auront un style d’attachement plus
préoccupé et moins sécurisé (Alexander, et
al., 2009). L’auteur explique ses résultats
par le fait que les individus avec un style
d’attachement préoccupé seraient plus
portés à associer les conflits et l’expression
de la colère avec l’augmentation de l’intimité
(Fishtein, Pietromonaco, & Fieldman Barrett,
1999).
L’expression des émotions
Un stade de départ plus avancé est
caractérisé par une grande expression des
émotions en général. Les découvertes d’une
étude de 2006 suggèrent que les émotions
jouent un rôle important dans la décision de
la femme de mettre fin à une relation
abusive. L’expression des émotions pourrait
donc être considérée comme un motivateur
essentiel plus qu'un obstacle à la séparation
et étiqueter les émotions dans cette
population comme étant pathologiques
serait
contreproductif.
Aussi,
des
interventions
thérapeutiques
ou
pharmacologiques qui tenteraient de faire
diminuer
l’expression
des
émotions
pourraient avoir l'effet inattendu de faire
diminuer la motivation de la victime à mettre
fin à la relation. D'un autre côté, faire
reconnaitre et explorer les émotions comme
la dépression, l'anxiété et la colère en
thérapie pourraient être particulièrement
avantageux au renforcement de la décision
de partir de la femme (Shurman &
Rodriguez, 2006).
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VIOLENCES CONJUGALES : PARTIR OU RESTER ?
La consommation d’alcool
De façon surprenante, les femmes
qui ont un problème d’abus ou de
dépendance à l’alcool et celles qui ont un
partenaire dans une pareille situation auront
plus de risques de mettre fin à la relation
plus tôt (Panchanadeswaran & McCloskey,
2007). Une hypothèse réside dans le fait
que la violence peut être plus sévère et plus
grave lorsque la consommation d’alcool est
impliquée. En effet, des périodes de forte
consommation d’alcool et la consommation
de drogues illicites sont davantage liées à la
sévérité de la violence subie qu’à la simple
présence de violence (Kantor & Straus,
1989; Magdol, Moffitt, Caspi, Newman, &
Fagan, 1997). Ainsi, il sera plus fréquent
que les services policiers ou hospitaliers
soient informés de la situation et mis à
contribution. Il y aura alors plus de gens
mobilisés, la violence sera révélée au grand
jour et la victime aura plus de chances
d’être prise en charge ou référée à des
ressources d’aide, tout comme l’agresseur
de se retrouver aux prises avec une plainte,
etc.
Les facteurs reliés à la violence
D’autres facteurs reliés à la violence
elle-même, comme la sévérité et la
fréquence de la violence, peuvent aussi
avoir une influence sur la décision de
quitter. Les taux de dissolution seront plus
élevés chez les couples dans lesquels il y a
présence de violence sévère que dans ceux
où il n’y a que de la violence mineure
(Anderson, 2007). Il pourrait aussi exister
dans certaines situations extrêmes des
barrières physiques empêchant la femme
victime de quitter son domicile. Selon une
étude d’Avni (1991) qui a interviewé 35
femmes victimes de violence conjugale
israéliennes, la raison majeure pour laquelle
ces femmes n'ont pas quitté leur partenaire
est qu'elles étaient littéralement prisonnières
de leur demeure!
La propre commission de violence de
la femme jouera aussi un rôle dans cette
prise de décision. Les études rapportent que
les femmes dans un stade de changement
peu avancé vont s’être plus souvent
engagées elles-mêmes dans de la violence
physique mineure et majeure au cours des 6
derniers mois (Alexander, et al., 2009). Le
propre usage de violence de la femme est
associé à moins de soutien social, moins de
probabilité d’appeler la police et plus de
blâme de soi (Barnett, Martinez, & Keyson,
1996). Finalement, l’usage de violence chez
la femme peut encourager celle-ci à excuser
ou à rationaliser le comportement de son
partenaire (Alexander, et al., 2009). Tout
ceci suggère qu’il serait dangereux d’ignorer
la violence faite par la femme, évidemment
pas dans le but de blâmer celle-ci, mais bien
parce qu’il pourrait très bien s’agir d’un
important obstacle à l’habilité d’échapper à
la violence et de minimiser celle-ci.
La violence à la séparation
S’il est pertinent de se demander
pourquoi la femme ne quitte pas une
relation violente, il s’avère toutefois aussi
important de réfléchir à « qu’est-ce qu’il
arrive lorsqu’elle quitte? ». Est-ce que le fait
de quitter met vraiment fin à la violence?
Des recherches indiquent que pour
certaines femmes, partir est potentiellement
plus dangereux que de rester (Wuest &
Merritt-Gray, 1999). Dans une étude tirée de
l’Enquête sociale générale, 39% des 437
000 femmes ayant eu une relation abusive
ont dit que la violence avait continué après
la séparation, 22% ont reporté de la
violence plus sévère après la séparation, et
près de 15% des femmes qui ont reporté
que la première agression physique avait eu
lieu après la séparation (Hotton, 2001). Le
risque d'abus post-séparation arriverait à un
pic deux mois après la séparation et ensuite
lorsque la femme franchit des étapes pour
atteindre la séparation permanente, comme
entamer des procédures légales, acheter
une maison, ou se trouver un emploi stable
(Ellis & Stuckless, 1992).
Parfois la violence à la séparation
escalade jusqu'à un niveau létal, le risque
de féminicide par le partenaire augmentant
de six fois lors de la séparation (Wilson &
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
393
DUGAL, N.
Daly, 1994). Les amis, membres de la
famille, ceux qui tentent de l’aider, ainsi que
le nouveau conjoint de la femme sont aussi
à risque lorsque la femme quitte son
partenaire violent (Block & Christakos, 1995;
Hotton, 2001). Ce serait par ailleurs par le
biais des enfants que la violence postséparation serait la plus présente (Hardesty,
2002).
Conclusion
Il est important de faire ressortir de
cette introduction au processus décisionnel
de quitter un conjoint violent que cette prise
de décision n’est pas celle d’une journée. Il
s’agit plutôt du fruit d’une longue réflexion,
d’un long processus et aussi d’une certaine
préparation. Plusieurs théories tentent
d’expliquer cette prise de décision, certaines
en la conceptualisant comme la suite
logique à plusieurs questions que se posera
la femme victime, d’autres en la voyant
comme une dépendance au conjoint dont la
femme doit se défaire. Plusieurs facteurs de
risque et de protection vont également
influencer cette prise de décision, certains
touchant les traits de personnalité de la
femme, d’autres se rapportant davantage à
sa situation financière ou encore à son
mode de vie. Il importe également de garder
en mémoire que lorsque des victimes de
violence conjugale font le portrait de leur
relation, elles rapportent certainement la
violence et l’abus comme faisant partie de
celle-ci, mais la violence ne sera pas le seul
aspect qu’elle aborderont, ni souvent le plus
important (Campbell, et al., 1998).
Les modèles théoriques présentés
dans cet article comportent certaines limites
dont le fait de se baser sur l’assomption que
partir de la relation est le seul choix
rationnel qu’elles peuvent faire. D’aucun
pourraient défendre que la rupture n’est pas
obligatoire, qu’il s’agit d’un problème qui
pourrait se régler en thérapie de couple, par
exemple, ou en référant le partenaire à des
groupes
pour
hommes
ayant
des
comportements d’agressivité. La violence
conjugale peut se présenter sous différentes
formes,
dans
divers
contextes
de
394
domination de l’un des partenaires sur
l’autre ou non, et présentant un vaste
éventail d’actes ou de degrés de sévérité
(Johnson, 1995). Il est alors possible que si
la séparation puisse sembler inévitable dans
certains cas, elle ne le soit pas dans
d’autres. Campbell et coll. (1998) mettent
par ailleurs en garde contre la perception
dichotomisée du statut de la femme dans la
relation, allant de « à l’intérieur » à « à
l’extérieur » de la relation. En effet, les
femmes qu’ils ont étudiées voient leur
relation et leur attachement à leur partenaire
en des termes beaucoup plus fluides,
pouvant par exemple toujours se considérer
en couple sans cohabiter avec le partenaire
ou vice-versa. Des modèles théoriques
comportant un plus grand éventail de
finalités telles que le départ mais aussi la
consultation par exemple pourrait permettre
une plus grande généralité.
Finalement, il importe que les
différents
intervenants
et
personnes
côtoyant des femmes dans une telle
situation de victimisation comprennent le
processus qui sous-tend leur prise de
décision de quitter le conjoint violent afin
d’être plus en mesure de leur apporter une
aide adéquate et de qualité, et de prévenir
un découragement dû à l’incompréhension
du phénomène. Des recherches sont en
outre nécessaires afin de rassembler ces
différents facteurs et théories en une vision
plus globale de la situation des victimes, et
de prendre en considération les différentes
catégories de victimes, masculines ou
féminines, et selon le type de violence vécu.
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Journal International De Victimologie
International Journal Of Victimology
(Tome(9,(numéro(3((Hiver(2011)(
Les besoins des rescapés du génocide des Tutsi du
Rwanda vivant au Québec
NDEJURU, C.1, [RWANDA/CANADA]
Auteur
1
Directeur – PAGE Rwanda
Résumé: Dans le présent article, l'association montrealaise Page-RWANDA (parents et amis des
victimes du génocide perspetré contre les tutsis au Rwanda), identifie les quatres besoins principaux
relevés dans les autobiographies publiées de réscapés vivant au Rwanda ainsi que dans les récits de vie
des rescapés vivant aujourd'hui à Montréal, receuillis par Page-RWANDA dans le cadre de l'initiative
d'histoire orale de l'université Concordia : Histoires de vie des Montréalais déplacés par les génocides, les
guerres et les autres violations aux droits humains. Le premier besoin nommé est la reconnaissance du
génocide en question comme étant le « génocide perpetré contre les tutsi du Rwanda ». En second lieu :
la justice, bien qu'il s'agit souvent pour les rescapés d'un processus exigeant et même potentiellement retraumatisant. La réparation vient en troisième place car, même si l'actuel gouvernement rwandais en
accepte le principe, sans avoir commis le génocide, aucun fond concret pour la réparation n'a pu être
constitué à ce jour. Dernier besoin mais non le moindre est la mémoire : responsabilité sacrée des
survivants, elle aide à combattre le négationnisme, et à perpetuer le souvenirs des victimes de génération
en génération. En conclusion, l'article mentionne la création du centre montréalais de documentation sur
le génocide perpetré en 1994 contre les Tutsi du Rwanda.
Mots-clés: Génocide 1994, Tutsi, Reconnaissance, Justice, Réparation, Mémoire
The needs of survivors of the genocide perpetrated against the Tutsi in Rwanda living in Québec.
Abstract: This article speaks to four needs Page-Rwanda (Montreal's association for families and friends
of victims of the genocide perpetrated aginst the Tutsi in Rwanda) has found to be expressed in the
published autobiographies of survivors living in Rwanda, and in a growing number of stories by Tutsi
survivors now living in Montreal. The latter are collected by Page-Rwanda in the framework of Concordia
University's oral history intitiative entitled Life stories of montrealers displaced by genocide, war and other
human rights violations. The first need is that the genocide in question be specifically and unequivocably
recognized and referred to as 1994's "genocide perpetrated against the Tutsi in Rwanda". Justice is
named as second even though it is described as very demanding and potentially retraumatising.
Reparation, the third need : has been accepted in principle by the current Rwandan government, a
concrete fund for reparation has not yet been created. Last but not least, commemoration is said to be a
sacred responsibility for Tutsi survivors to fight negationism, remember the fallen and intergenerational
transmission. The article concludes with the creation of Montreal's documentation center on the 1994
genocide of the Tutsi in Rwanda.
Keywords: 1994 Genocide, Tutsi, Recognition, Justice, Reparation, Memory
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
397
NDEJURU, C.
D’avril à juillet 1994 un génocide a
été perpétré sur la population tutsi du
Rwanda. Les rescapés – terme utilisé au
Rwanda comme dans la diaspora rwandaise
pour désigner les survivants – en sont sortis
inexorablement marqués dans leurs corps,
leurs psychismes, leurs rapports au monde
et à la vie, par les violences inimaginables
qui leur ont été infligées par les bourreaux.
Involontairement, le génocide est devenu la
référence pour définir le parcours et
l’expérience de vie des rescapés. Dans
leurs récits de vie, comme dans la
conversation de la vie courante, tous sans
exception parlent d’avant, pendant et après
le génocide. Celui-ci a creusé en eux un
vide profond et a laissé des besoins qu’il est
difficile d’aider à combler s’il manque la
volonté de comprendre ce dernier génocide
du 20e siècle et l’écoute empathique des
rescapés. La plupart de ceux-ci survivent au
Rwanda, mais quelques-uns ont trouvé asile
dans différentes parties du monde, dont le
Québec. À quelques différences près, les
besoins de tous sont les mêmes. Le présent
article passera brièvement en revue les
besoins de tous les rescapés dans
l’ensemble, et ceux des rescapés vivant au
Québec, en particulier. Vu le grand nombre
de ces besoins, nous nous limiterons aux
quatre besoins les plus importants. Pour
circonscrire ces besoins, nous nous
sommes inspirés essentiellement des
entrevues du groupe Rwanda recueillies
dans le cadre du projet Histoires de vie des
Montréalais déplacés par le génocides, les
guerres et autres violations aux droits
humains par PAGE-RWANDA, l'Association
des parents et amis des victimes du
génocide au Rwanda et des recueils de
témoignages écrits des rescapés vivant
essentiellement au Rwanda (Chu & de
Brouwer, 2009; Whitworth, 2006).
Besoin de reconnaissance
Pendant le génocide, le monde entier a été
témoin des violences extrêmes perpétrées
contre la composante tutsi de la population
rwandaise
mais
la
communauté
internationale n’a rien fait pour arrêter les
tueries ni pour protéger les personnes
ciblées par ces violences. Au contraire,
dans les jours qui ont suivi le
déclenchement du génocide, les puissances
occidentales, la France et la Belgique en
tête, ont envoyé des contingents de
militaires pour évacuer leurs ressortissants
abandonnant les victimes aux mains de
leurs bourreaux. Même l’organisation des
nations unies (ONU), allant à l’encontre de
toute logique et passant outre l’évidence
des faits et les cris d’alarme du général
Roméo Dallaire, commandant de la Mission
des nations unies pour le Rwanda, la
MINUAR (Dallaire, 2003), réduisit le
contingent de casques bleus censés faire
appliquer les Accords d’Arusha entre le
Gouvernement rwandais et le Front
patriotique rwandais (FPR) de 5500 à 270
au plus fort des massacres. De plus, ce
n’est que le 8 juin 1994, deux mois après le
début des massacres dans tout le pays, que
le Conseil de sécurité, dans sa résolution
925, a utilisé timidement pour la première
fois le mot génocide en déclarant prendre
note avec la plus vive préoccupation des
informations faisant état d’actes de
génocide commis au Rwanda.
De la sorte, tout au long des trois
mois qu’a duré le génocide des Tutsi du
Rwanda, les victimes emportés par cette
barbarie innommable et les rescapés qui
s’en sont réchappé mais qui souffriront de
multiples séquelles toute leur vie durant ont
été abandonnés par le monde entier. Pour
eux le génocide n’a pas eu la
reconnaissance qu’il aurait dû avoir.
En effet, c’est à la toute fin du
génocide, le 28 juin 1994, que Degni-Ségui,
le rapporteur spécial de la Commission des
droits de l'homme de l’ONU, a reconnu
explicitement le génocide perpétré contre
les Tutsi. En se basant sur la notion de
génocide énoncée par l’article II de la
Convention sur la prévention et la
répression du crime de génocide du 9
décembre 1948, Degni-Ségui démontre que
les trois conditions nécessaires de
reconnaissance d’un génocide – un acte
LES BESOINS DES RESCAPES DU GENOCIDE DES TUTSI AU QUEBEC
criminel; une intention de détruire en tout ou
en partie; un groupe donné et visé comme
tel – sont remplies en ce qui concerne les
massacres des Tutsi du Rwanda. Il est écrit
dans son rapport:
(…) La première condition ne semble
pas faire de doute eu égard aux massacres
perpétrés (…) et même aux traitements
cruels, inhumains et dégradants. (…) La
seconde n’est pas davantage difficile à
remplir, car l’intention claire et non
équivoque se trouve bien contenue dans
les appels incessants au meurtre lancés
par les médias (en particulier le RTLM) et
transcrits dans les tracts. Et si ce n’était le
cas, l’intention aurait pu être déduite des
faits eux-mêmes, à partir d’un faisceau
d’indices concordants : préparation des
massacres (distribution d’armes à feu et
entraînement des miliciens), nombre de
Tutsis tués, et résultat de la poursuite
d’une politique de destruction des Tutsis.
La troisième condition qui exige que le
groupe ethnique soit visé comme tel pose
en revanche problème en raison de ce que
les Tutsis ne sont pas les seules victimes
des massacres, les Hutus modérés n’étant
pas épargnés. Mais le problème n’est
qu’apparent, et ceci pour deux raisons :
d’abord, nombre de témoignages révèlent
que les tris opérés au cours des barrages
pour la vérification des identités visent
essentiellement les Tutsis. Ensuite et
surtout, l’ennemi principal, assimilé au
FPR, reste le Tutsi qui est l’inyenzi, c’est à
dire "le cafard", à écraser à tout prix. Le
Hutu modéré n’est que le partisan de
l’ennemi principal, et il n’est visé qu’en tant
que traître à son groupe, auquel il ose
s’opposer.
(…) Il existe un document émanant de
l’état-major de l’armée rwandaise et daté
du 21 septembre 1992, qui distingue bien
l’ennemi principal de son partisan et qui
chargeait la hiérarchie militaire de "faire
une large diffusion". Selon les termes de ce
document, le premier "est le Tutsi de
l’intérieur ou de l’extérieur extrémiste et
nostalgique du pouvoir, qui n’a jamais
reconnu et ne reconnaît pas encore les
réalités de la Révolution Sociale de 1959,
et qui veut conquérir le pouvoir au Rwanda
par tous les moyens, y compris les armes".
Le second "est toute personne qui apporte
tout concours à l’ennemi principal". De
plus, le partisan peut être rwandais ou
étranger. Il existe un certain nombre de
documents qui confirment cette distinction
et qui attestent que les Hutus modérés ne
sont massacrés qu’en tant qu’associés ou
partisans des Tutsis (Nations Unies, 1995).
En dépit de cette reconnaissance on
ne peut plus explicite, 17 ans après le
génocide, les rescapés disent faire face soit
à un fort courant de banalisation du
génocide par un discours qui sème la
confusion dans les esprits et entretient un
état permanent de doute sur le génocide,
soit à une montée de négationnisme
inquiétant.
L’utilisation
des
termes
«génocide rwandais» ou «génocide au
Rwanda»
largement
acceptés
et
omniprésents dans nombre de discours et
de publications constitue la preuve d’une
telle banalisation. Le message du Secrétaire
général de l’ONU, M. Ban Ki-moon,
interviewé
le
5
mai
2011
par
www.lemonde.fr à l’occasion de la dixseptième commémoration du génocide le
7 avril 2011, message intitulé «La seule
manière d’honorer la mémoire des victimes
du génocide rwandais est de faire en sorte
que jamais plus rien de tel ne puisse
survenir» (UN,2011)illustre cette ambiguïté
et cette confusion.
Ainsi donc le premier besoin des
rescapés vivant au Québec comme ailleurs
est que le génocide soit explicitement
reconnu pour ce qu'il est réellement, le
génocide perpétré contre les Tutsi du
Rwanda en 1994.
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
399
NDEJURU, C.
Besoin de justice
Un autre besoin non moins important
est celui de justice. Suite au rapport du
rapporteur spécial, le Conseil de sécurité de
l’ONU, dans sa résolution 955 du 8
novembre 1994 créa le Tribunal pénal
international pour le Rwanda (TPIR) basée
à Arusha, en Tanzanie, « habilité à juger les
personnes présumées responsables de
violations graves du droit international
humanitaire commises sur le territoire du
Rwanda et les citoyens rwandais présumés
responsables de telles violations commises
sur le territoire d'États voisins » et «
compétent pour poursuivre les personnes
ayant commis un génocide », tel que défini
par le droit international. Il s'agit des
personnes ayant joué un rôle clé dans la
planification et l'exécution du génocide.
Dans la foulée du TPIR, des pays
dont le Canada et la Belgique, l'ancienne
puissance coloniale qui a forcé le retrait de
ses casques bleus au plus fort du génocide,
ont mis sur pied des juridictions nationales
pour juger des personnes accusées de
participation au génocide de 1994 se
trouvant sur leurs territoires.
Au Rwanda même, outre les
juridictions habituelles qui ont reçu le
mandat
de
juger
les
présumés
« génocidaires » les plus importants, il a été
créé les juridictions « Gacaca » pour juger
une centaine de milliers d'hommes et de
femmes « ordinaires » ayant participé d'une
façon ou d'une autre à l'exécution du
génocide.
Toutes ces instances judiciaires,
même si elles sont loin d'être parfaites, sont
d'une importance capitale aux yeux des
rescapés, car la justice constitue un besoin
fondamental pour eux. Ce processus
judiciaire est très éprouvant pour ceux qui
sont obligés de témoigner. Ils y subissent
souvent des humiliations et des menaces
qui
risquent
de
provoquer
des
retraumatisations psychologiques sévères.
Mais ceux qui en ont la capacité psychique
acceptent de se plient à cet exercice sans
400
lequel la reconnaissance du génocide ne
signifierait rien. Le célèbre neuropsychiatre
Boris Cyrulnik a bien perçu ce besoin et
l'exprime bien en ces termes : « Après le
génocide au Rwanda, les Tutsis n'ont pas
réclamé vengeance, ils ont réclamé justice.
Ce n'est pas la punition infligée à leur
bourreau qui les a apaisés, mais le
processus judiciaire, le fait de déclarer une
personne coupable d'un crime et de lui
demander de payer. Et même lorsqu'il y a
eu des remises de peine, les Tutsis n'ont
pas protesté, dans la mesure où ils restaient
reconnus comme victimes d'un génocide. »
(9)
Les rescapés du génocide des Tutsi
du Rwanda vivant au Québec classent le
besoin de justice parmi les besoins
importants et toute injustice subie après le
génocide ravive la douleur de la grande
injustice suscitée par le génocide. L'une des
rescapées interviewée dans le cadre du
proje « Histoires de vie Montréal » le
souligne avec force. À la question de savoir
ce qu'elle souhaiterait que les Canadiens
sachent d'elle, elle répond : « D’une part,
j’aimerais qu’ils sachent que j’ai vécu une
injustice, et que celle-ci m’a laissée de
blessures au cœur! D’autre part j’ai un
vœu : qu’ils m’évitent de revivre encore
cette injustice! Je ne leur demande pas de
me donner gratuitement mais plutôt qu’ils
me laissent réaliser mes objectifs avec
sérénité! Je tiens à souligner ce point parce
qu’en revivant une autre moindre injustice,
cela ravive tous les mauvais souvenirs du
passé… ».
Besoin de réparation et d'indemnisation
La reconnaissance du génocide des
Tutsi du Rwanda par l'Organisation des
Nations Unies (ONU) a répondu, malgré
l'insatisfaction des rescapés pour la
formulation, au besoin de reconnaissance et
les procès organisés par le Tribunal
international pour le Rwanda et par
certaines juridictions internationales et
rwandaises constituent des réponses à
l'important besoin de justice. Par contre,
jusqu'à maintenant le besoin de réparation
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
LES BESOINS DES RESCAPES DU GENOCIDE DES TUTSI AU QUEBEC
et d'indemnisation des multiples dommages
psychologiques et matériels causés aux
rescapés par le génocide n'a trouvé aucun
écho ni au niveau international ni au niveau
national.
Jean-Damascène Bizimana (2010) et
Pierre R. Rwanyindo (2010) font le tour de
la question. Bizimana fait remarquer qu'au
niveau international les voies judiciaires et
diplomatiques
pouvant
conduire
à
l'indemnisation des rescapés et de leurs
ayant-droits sont pratiquement inexistantes
car la réclamation fondée sur les fautes de
la Mission des Nations Unies pour le
Rwanda (MINUAR) est prescrite. Toute
réclamation dans ce sens devait être
adressée au Secrétaire général de l'ONU
par le Gouvernement rwandais dans un
délai de trois mois à partir de la date du
départ définitif de la MINUAR du Rwanda.
Rwanyindo, se basant sur la législation
relative au génocide contre les Tutsi du
Rwanda, indique que l'État rwandais, en
tant
qu'institution,
reconnaît
sa
responsabilité et accepte le principe de la
réparation malgré le fait que ce ne sont pas
les institutions gouvernementales actuelles
qui ont commis le génocide. Cependant
concrètement, jusqu'à maintenant l'État n'a
pas été en mesure de constituer un
quelconque fonds de réparation.
Besoin de mémoire
Tous les rescapés autant au Québec
qu'ailleurs expriment un grand besoin de
mémoire. Pour eux, il s'agit d'un devoir
sacré visant à honorer et à perpétuer la
mémoire des victimes, à transmettre cette
mémoire de génération en génération, à
lutter contre l'oubli et le négationnisme.
S'agissant du négationnisme, une
rescapée de Montréal insiste sur la
nécessité de le contrer : « Contrer le
négationnisme : point plus complexe et plus
difficile à atteindre, mais nécessaire, car
pour le rescapé, quand on nie le génocide,
cela veut dire que son histoire, son récit
n’est pas authentique, donc il (le rescapé) a
un double combat : faire accepter le
génocide avant d’en arriver à partager son
histoire ».
Pour aider à répondre au besoin de
mémoire, depuis 1994 l'Association des
parents et amis des victimes du génocide au
Rwanda
(PAGE-RWANDA)
organise
chaque année différentes activités de
commémoration. De plus, PAGE-RWANDA
vient de créer le Centre montréalais de
documentation sur le génocide des Tutsi du
Rwanda qui veillera à préserver et à
perpétuer la mémoire des victimes du
génocide des Tutsi du Rwanda et servira de
référence pour toute personne en quête
d’information sur le génocide des Tutsi du
Rwanda en 1994.
Conclusion
En lumière de ce qui est dit dans les pages
précédentes, les besoins des rescapés du
génocide de Tutsi sont nombreux et varient
selon chaque personnes. Nous n’aurons
mentionné que ceux qui sont communs, à
savoir, la justice, la reconnaissance, la
réparation et la mémoire.
Nous invitons tous et chacun, à participer à
la lutte contre les génocides, lutte qui
incombe non seulement aux victimes, mais
aussi et surtout à la communauté
internationale. Lutter contre le génocide,
c’est dénoncer celui qui l’a commis, qui qu’il
soit, où qu’il soit. Reconnaître et Nommer
ce qui s’est passé au Rwanda en 1994
comme Génocide des Tutsi du Rwanda,
c’est leur donner le droit de crier haut et
fort : plus jamais ça, c’est participer à la
reconstruction morale de la personne avant
la reconstruction physique tant envisagée.
Faire mémoire du génocide des Tutsi du
Rwanda au niveau mondial, c’est dénoncer
le plus récent génocide du siècle, c’est
dénoncer le refus à la vie à qui que se soit,
sous n’importe quel prétexte.
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
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d'assistance. Dans National Commission for the
Fight against Genocide. Commission Nationale
de Lutte contre le Génocide (Éd.), 15 years after
the genocide perprated against Tutsi (19942009) : challenges and prospects. 15 ans après
le génocide perpétré contre les Tutsi (19942009) : défis et perspectives (pp. 113-132).
Kigali.
Rwanyindo,
P.R..
(2010).
Réparation :
responsabilité nationale et internationale. Dans
National Commission for the Fight against
Genocide. Commission Nationale de Lutte
contre le Génocide (Éd.), 15 years after the
genocide perprated against Tutsi (1994-2009) :
challenges and prospects. 15 ans après le
génocide perpétré contre les Tutsi (1994-2009) :
défis et perspectives (pp. 133-148). Kigali.
402
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
Journal International De Victimologie
International Journal Of Victimology
(Tome(9,(numéro(3((Hiver(2011)(
Quelle réparation pour les victimes des crimes
internationaux ayant immigré au Québec?:
Quelques commentaires à la lumière du jugement
Munyaneza
MELCHIADE MANIRABONA, A.1 [CANADA]
Auteur
1
Centre International de Criminologie Comparée – Université de Montréal
Résumé
Chaque année, des dizaines de milliers d’immigrants sont accueillis au Québec en provenance de
presque partout au monde. Parmi ceux-ci, il y en a qui ont été victimes de génocide ou de crimes contre
l’humanité dans leurs pays d’origine ou de transition. Ces victimes ont indéniablement besoin de plusieurs
formes de réparation afin de se sentir réintégrés dans la société. Alors que la loi québécoise sur
l'indemnisation des victimes d’actes criminels ne s’applique pas de façon extraterritoriale, l’adoption en
2000, par le Parlement, de la Loi canadienne sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre
avait théoriquement résolu la question. En effet, cette loi prévoit le versement de l’indemnisation aux
victimes des crimes internationaux et à leurs familles sans égard au lieu et à la date de la victimisation ni
à la nationalité des auteurs ou celle des victimes. Or, la première application de cette loi fédérale en 2009,
dans l’affaire Munyaneza, n’a pas fait mention de cette indemnisation. La présente contribution apporte
quelques explications sur les causes susceptibles d’avoir conduit à cette omission du tribunal. Elle
propose enfin des suggestions pour éviter de répéter les mêmes erreurs à l’avenir.
Mots-clés
Génocide, Crimes contre l’humanité, crimes de guerre, indemnisation, victimes, Canada, Statut de Rome
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
403
Melchiade Manirabona, A.
Depuis
plusieurs
années,
le
Canada en général et le Québec en
particulier, sont devenus des destinations
privilégiées pour des milliers de personnes
en provenance des États faisant l’objet des
violations massives des droits humains. Ces
personnes appartiennent généralement à
toutes les catégories de citoyens à savoir :
les personnes adultes, les jeunes, les
enfants, les personnes âgées, les anciens
employés, etc. Du fait de la guerre ou
d’autres formes d’atrocités, certaines de ces
personnes ont indéniablement subi des
préjudices graves que ce soit d’un point de
vue
physique,
matériel,
financier,
psychologique ou social. Si ces victimes ne
sont pas guéries convenablement, les
préjudices subis peuvent avoir des
incidences sur leur vie à cours, à moyen ou
à long terme. Les besoins de ces victimes
sont donc de plusieurs ordres et une
indemnisation efficace contribuerait sans
doute à les soulager. Cependant, malgré
l’existence au Québec de la Loi sur
l'indemnisation
des
victimes
d'actes
criminels, ses dispositions ne sont pas
applicables dans ce cas d’espèce puisque
cette loi ne porte pas sur les cas de crimes
commis à l’étranger (article 3). En outre,
cette loi ne permet que la compensation des
dommages corporels alors que les crimes
internationaux ont la spécificité d’affecter
mentalement ou émotionnellement les
victimes en plus des préjudices corporels.
Bien qu’une aide financière d’urgence peut
être offerte aux Canadiens qui sont victimes
des crimes violents à l’étranger, cela ne
concerne pas les personnes victimisées
avant l’acquisition de la citoyenneté
canadienne. De même, cette aide financière
d’urgence, qui prend seulement en compte
les victimes d’après le 1er avril 2007, ne
couvre pas les dépenses liées à la perte de
revenus ni celles relatives à l’indemnisation
qui sont pourtant nécessaires à une réelle
réintégration des victimes dans la société
(Ministère de la Justice du Canada).
Avec la mise en œuvre, au Canada, du
Statut de Rome portant création de la Cour
pénale
internationale,
le
problème
d’indemnisation des victimes de crimes
internationaux semblait être résolu. En effet,
l’implémentation du Statut de Rome par le
Canada a fait que les victimes des crimes
internationaux deviennent des victimes
d’actes criminels ayant besoin d’aide au
Canada (Wemmers, 2010). À cet égard, la
Loi canadienne sur les crimes contre
l’humanité et les crimes de guerre (LCHCG),
permet non seulement de poursuivre les
auteurs des crimes internationaux, mais
aussi de verser les indemnisations aux
victimes de ces crimes, et à leurs familles,
par des prélèvements au Fonds pour les
crimes contre l’humanité créé en vertu de
cette loi. L’objectif est de rendre leur dignité
aux personnes ayant survécu aux crimes
graves en permettant, par la compensation,
leur retour progressif dans la société.
Cependant, force est de remarquer que ce
mécanisme de compensation financière
pour les victimes des crimes graves éprouve
beaucoup de difficultés à fonctionner. La
preuve de ces difficultés est le jugement
Munyaneza rendu par la Cour supérieure du
Québec en mai 2009. En effet, M.
Munyaneza, un ressortissant Rwandais, a
été condamné pour génocide, crimes contre
l’humanité et crimes de guerre, perpétrés
sur le territoire du Rwanda en 1994. Alors
que les victimes de ces actes, ainsi que les
associations qui leur venaient en aide,
étaient bien présentes durant tout le
processus judiciaire, le juge n’a prononcé
aucun mot à propos de leur indemnisation.
La Cour supérieure s’est contentée de dire
que la blessure des Rwandais demeure «
immense,
actuelle,
insupportable
et
indélébile » près de quinze ans après le
génocide. Et pourtant, il est rapporté que le
gouvernement du Canada a dépensé
plusieurs millions pour l’aboutissement de
ce procès. De même, plusieurs sources
indiquent que M. Munyaneza était un
homme d’affaires prospère dans son pays
d’origine.
La décision de la Cour supérieure dans
l’affaire Munyaneza met au jour plusieurs
obstacles au bon fonctionnement du régime
QUELLE REPARATION AU QUEBEC POUR LES VICTIMES DE CRIMES INTERNATIONAUX ?
d’indemnisation prévu par la Loi sur les
crimes contre l’humanité. Quels sont
réellement ces obstacles ? Comment peuton les expliquer ? Que faire pour les
surmonter ?
L’objectif de cette contribution est d’apporter
quelques explications à ces interrogations.
Ce texte est subdivisé en trois parties. Dans
un premier temps, nous parlerons des
difficultés relatives à la constitution du
Fonds pour les crimes contre l’humanité.
Nous montrerons que ces problèmes se
situent d’une part, au niveau des modalités
de financement de ce Fonds. D’autre part,
nous verrons qu’ils découlent du mécanisme
prévu par la LCHCG pour attribuer
l’indemnisation. Dans un deuxième temps,
nous mettrons au jour les obstacles d’ordre
pratique susceptibles d’expliquer le fait que
le jugement dans l’affaire Munyaneza n’ait
pas fait état de l’indemnisation en faveur
des victimes. Ces obstacles pourraient avoir
résulté du manque d’intérêt de la part du
gouvernement canadien et des victimes
d’un côté et, de l’autre, du fonctionnement
de la justice pénale dans un système de
common
law,
plus
précisément
l’impossibilité du juge pénal de se prononcer
sur des matières civiles. La troisième partie
porte sur ce qui doit être fait pour que les
intérêts
des
victimes
des
crimes
internationaux soient de plus en plus
considérés dans le processus judiciaire
canadien. À ce sujet, des actions concrètes
sont recommandées à la fois à l’endroit du
gouvernement et des victimes elles-mêmes.
Difficultés liées à la constitution du
Fonds pour les crimes contre l’humanité
1.1. Problèmes quant aux modalités de
financement du Fonds
Comme nous venions de le préciser dans
l’introduction, dans un certain nombre de
provinces du Canada, il existe des
législations destinées à indemniser les
victimes dans le cadre de la criminalité
nationale. Au Québec, il s’agit de la Loi sur
l'indemnisation
des
victimes
d'actes
criminels. Mais comme les crimes régis par
les lois provinciales sont uniquement ceux
commis sur leur territoire, le Parlement a
opté pour la création du Fonds pour les
crimes contre humanité dans la LCHCG
adoptée en 2000 afin de pouvoir accorder
une compensation aux victimes de crimes
graves commis en dehors du territoire
canadien.
Le régime d’indemnisation prévu par la
LCHCG est spécial car il est le corollaire du
principe de la compétence universelle. En
effet, les États ont compris que la criminalité
internationale est si grave qu’elle menace la
paix et la sécurité de l’espèce humaine tout
en heurtant la conscience de l’humanité tout
entière. Dans ces conditions, on estime que
ce genre de criminalité doit recevoir la
réprobation de toute la communauté
internationale. Selon Chilstein (2010), « la
compétence universelle se présente comme
l’expression unilatérale de la volonté
répressive d’un État qui décide de se faire,
seul, juge d’infractions qui lui sont en tout
point étrangères, mais dont la gravité l’incite
néanmoins à mettre en œuvre son appareil
répressif ». L’auteur ajoute que « la volonté
d’éviter l’impunité des auteurs l’incite à
étendre le champ naturel de sa compétence
pénale pour atteindre des faits qui n’ont pas
directement troublé son ordre public ».
Le régime de réparation en faveur des
victimes des crimes internationaux institué
par la LCHCG a été calqué sur celui du
Fonds au Profit des Victimes (Trust Fund for
Victims) prévu par le Statut de Rome portant
création de la CPI. En effet, le paragraphe
79 (1) du Statut de Rome dispose qu’« [U]n
fonds est créé, sur décision de l'Assemblée
des États Parties, au profit des victimes de
crimes relevant de la compétence de la
Cour et de leurs familles ». Ce Fonds est,
entre autres, constitué des versements
issus des amendes et des confiscations
ordonnées par la CPI (paragraphe 79 (2)).
Pour sa part, le paragraphe 30 (1) de la
LCHCG prévoit qu’il
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
405
Melchiade Manirabona, A.
[E]st institué le Fonds pour les
crimes contre l’humanité où sont
versées : a) les sommes recueillies
par suite de l’exécution des
ordonnances de la Cour pénale
internationale au Canada à des fins
de réparation ou de confiscation ou
des ordonnances de cette cour qui
imposent une amende; b) les
sommes recueillies au titre de
l’article 31; c) les sommes reçues
autrement à titre de dons au Fonds.
L’article 31 de cette loi dispose, de son côté
que :
Le ministre des Travaux publics et
des
Services
gouvernementaux
verse au Fonds pour les crimes
contre l’humanité :
a) le montant net provenant de
l’aliénation des biens visés aux
paragraphes 4(1) à (3) de la Loi sur
l’administration des biens saisis qui :
(i) sont des produits de la criminalité,
au sens du paragraphe 462.3(1) du
Code criminel, obtenus par la
perpétration d’une infraction visée à
la présente loi, ou qui en proviennent
directement ou indirectement,
(ii) ont été confisqués au profit de Sa
Majesté et aliénés par lui;
b) les amendes versées ou perçues
en application du paragraphe
462.37(3) du Code criminel en
remplacement des biens visés à
l’alinéa a).
En premier lieu, on constate que la
principale source de financement prévu par
la LCHCG est le versement des sommes
d’argent obtenues dans le cadre de
l’exécution au Canada des ordonnances de
la CPI relativement aux amendes,
indemnités et confiscations. Il s’agit
principalement des cas où les personnes
condamnées par la CPI auraient des biens
au Canada qui seraient alors vendus suivant
406
les ordonnances de la Cour. Ce moyen de
financement est, somme toute, aléatoire
étant donné qu’on n’est pas sûr du nombre
de cas que la CPI va assigner au Canada.
De plus, à quelques exceptions près, les
personnes jusque-là poursuivies devant la
CPI sont presque des indigents qui n’ont
probablement pas de biens susceptibles
d’être confisqués et vendus pour financer le
Fonds en faveur des victimes ou payer les
éventuelles amendes. Enfin, alors que les
procédures
criminelles
internationales
peuvent durer plusieurs années sans être
conclues, les victimes elles ont des besoins
urgents qui méritent d’être comblés
indépendamment de l’issue des procès.
En deuxième lieu, la LCHCG prévoit le
financement du Fonds par l’argent tiré des
amendes et confiscations des biens
provenant de la criminalité imposées par
des tribunaux canadiens en vertu de cette
loi. Comme pour le cas de la CPI, il n’est
pas sûr que les auteurs des crimes graves
poursuivis en vertu de la LCHCG soient
suffisamment riches pour pouvoir supporter
les frais pouvant servir à indemniser
convenablement les victimes. Même à
supposer qu’ils aient des biens susceptibles
d’être saisis, il pourrait s’avérer difficile
d’identifier leur localisation en vue de leur
confiscation éventuelle.
Le problème de retracer les biens
appartenant aux anciennes personnalités
politiques poursuivies pour crimes contre
l’humanité s’est toujours posé au niveau des
tribunaux pénaux internationaux et il ne
semble pas y avoir de solutions jusqu’à
présent. En conséquence, à quelques
exceptions près, presque tous les anciens
responsables politico-militaires poursuivis
devant
les
tribunaux
internationaux
réussissent toujours à démontrer qu’ils sont
des indigents incapables de payer les frais
de justice alors qu’ils sont supposés avoir
dilapidés les richesses des États qu’ils
dirigeaient (Schabas, 2007). Selon toute
évidence, il existe de sérieuses difficultés à
pouvoir localiser les biens appartenant aux
anciens gouvernants poursuivis pour
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!
QUELLE REPARATION AU QUEBEC POUR LES VICTIMES DE CRIMES INTERNATIONAUX ?
criminalité internationale. Le cas Munyaneza
pourrait être expliqué sous cet angle : soit il
n’avait pas de biens pouvant être
confisqués, soit il a été impossible pour le
Canada de les localiser. Par ailleurs, même
si la localisation de biens était faite,
l’opération de confiscation pourrait s’avérer
difficile à concrétiser en cas d’absence de
traités de coopération judiciaire entre le
Canada et l’État où se trouvent les biens à
confisquer.
Enfin, la LCHCG prévoit, comme troisième
source de financement, les dons. La Loi ne
limite pas les origines de ces dons, ce qui
suppose qu’ils peuvent provenir aussi bien
du secteur privé que du secteur public.
Même si cette source de financement du
Fonds pour les crimes contre l’humanité a
été placée en troisième position, nous
pensons qu’elle doit jouer un rôle de premier
plan compte tenu des difficultés entourant
les autres modes de financement que nous
venons de voir.
Toutefois, la question de savoir qui doit
initier la campagne visant à recueillir des
dons pour le Fonds reste posée. A priori, on
peut dire que c’est le gouvernement qui doit
s’en charger étant donné que c’est lui qui
est responsable de la mise en œuvre des
lois adoptées par le Parlement. Mais comme
nous venons de voir que ces dons peuvent
provenir aussi bien du secteur privé que du
secteur public, nous pensons que le
gouvernement doit agir de concert avec les
organisations des victimes pour amasser les
dons nécessaires auprès des individus ou
organisations intéressées par cette cause.
Étant donné la médiatisation que reçoit les
procès portant sur les crimes contre
l’humanité, il peut être une bonne période
de lancer la campagne visant la collecte des
dons en faveur des victimes.
1.2. Problèmes découlant du mécanisme
d’attribution de la réparation
Nous venons de voir qu’au niveau de la
Cour pénale internationale, c’est l’article 75
du Statut de Rome qui permet aux juges
d’ordonner que des indemnités soient
versées aux victimes ou à leurs ayants droit
après avoir déterminé l'ampleur du
dommage, de la perte ou du préjudice
causé en indiquant les principes sur
lesquels se fonde leur décision. Au Canada
par contre, la LCHCG prévoit que c’est le
procureur
général
qui
peut
verser
l’indemnisation aux victimes sans préciser si
c’est après une décision du tribunal. Si,
comme l’affirme le professeur Currie (2010),
le versement de l’indemnisation se fait selon
la discrétion du procureur général, on
pourrait craindre des risques de partialité ou
d’abus. En effet, on peut se demander sur
quels critères se basera le procureur
général pour déterminer que telle personne
est victime et que telle autre ne l’est pas.
Comment pourra-t-il apprécier l’ampleur des
dommages subis ? Sans être juge, aura-t-il
les prérogatives d’entendre les observations
de la personne condamnée, des victimes,
des autres personnes ou des États
intéressés avant de prendre sa décision
comme cela est reconnu devant la CPI ? À
l’état actuel de la LCHCG, il n’est pas exclu
que pour des raisons idéologiques,
l’indemnisation des victimes des atrocités
comme celles commises par Munyaneza se
heurte à la discrétion du procureur général.
Étant donné les besoins criant en la matière,
ainsi que la possibilité que les crimes
internationaux
provoquent
plusieurs
catégories de victimes (Wemmers, 2010a), il
aurait été préférable que la question
d’indemnisation des victimes soit tranchée
par un tribunal afin de s’assurer que le
processus est mené avec l’impartialité et
l’indépendance requises. Il est vrai que le
paragraphe 30 (3) de la LCHCG prévoit que
« le gouverneur en conseil peut prendre des
règlements pour prévoir la manière
d’administrer et de gérer le Fonds ».
Toutefois, bien que, à notre connaissance,
aucun règlement ne semble avoir été pris
dans ce sens, il est évident que même s’il
était pris, il ne permettrait pas de régler le
problème. Les manquements de la LCHCG
ne pourraient être corrigés qu’avec
l’adoption d’une autre loi. Le Parlement
devrait par exemple profiter de l’examen du
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
407
Melchiade Manirabona, A.
Projet de loi C-483-Loi modifiant la Loi sur
l’immunité des États (2009), pour y inclure
des modifications portant sur la LCHCG.
Difficultés d’ordre pratique susceptibles
d’expliquer l’absence d’indemnisation
des victimes dans l’affaire Munyaneza
Les obstacles d’ordre pratique susceptibles
d’expliquer le fait que le juge n’ait pas fait
référence à l’indemnisation des victimes
dans le jugement Munyaneza peuvent être
relevés en analysant autant la position du
gouvernement canadien que celle des
victimes elles-mêmes, d’une part. D’autre
part, il est aussi possible que la Cour
supérieure, qui a statué sur cette affaire, ait
éprouvé des difficultés d’ordre fonctionnel.
2. 1. Du côté du gouvernement canadien
et des victimes
Comme nous venions de le souligner, la
lecture des dispositions de la LCHCG
montre que, pour l’instant, le Fonds pour les
crimes contre l’humanité ne pourrait
principalement bénéficier que des dons
comme le fait d’ailleurs le Fonds au Profit
des Victimes de la CPI. Or, dans un
contexte de récession économique, il est
possible que cela n’ai pas été parmi les
priorités du gouvernement canadien. Il
pourrait donc y avoir eu un manque de
volonté politique de la part du gouvernement
pour rendre fonctionnel le Fonds. À ce sujet,
il est d’ailleurs fort significatif de remarquer
que le Canada n’a pas encore contribué au
Fonds au profit des victimes institué par la
CPI alors que ce pays peut être considéré, à
juste titre, comme ayant été l’un des
principaux artisans de la création de cette
Cour.
Par ailleurs, les observations du professeur
Schabas (2009) nous font penser qu’il est
possible aussi que le gouvernement
conservateur ne se soit pas pressé à mettre
en place une institution prévue par une loi
adoptée sous le règne de son rival libéral.
L’insuffisance d’engagement en faveur de la
réparation est aussi remarquable du côté
408
des victimes. On a en effet remarqué, de la
part des victimes et des associations qui les
soutiennent, un manque d’activisme à la
hauteur de l’ampleur des crimes commis au
Rwanda pour exiger une indemnisation.
Cette attitude peut être compréhensible
dans la mesure où ce qui préoccupait le
plus les gens était la condamnation de
Munyaneza, qui, après tout, est considérée
comme l’une des formes de réparation,
étant donné que les précédents procès pour
crimes internationaux n’avaient abouti à
aucune
condamnation
au
Canada
(Schabas, 2005).
Nous pensons que si une mobilisation forte
avait eu lieu, elle aurait contraint le
gouvernement du Canada à commencer à
faire fonctionner réellement le Fonds pour
les crimes contre l’humanité en y versant
certaines
sommes
d’argent
ou
en
permettant à d’autres organismes de bonne
volonté de le faire. De plus, une telle
mobilisation ainsi qu’une sensibilisation
conséquente auraient sans doute aussi
incité les organisations privées à s’impliquer
par des contributions financières au Fonds.
En l’absence de ce genre de sensibilisation
et d’informations, il était normal que le
gouvernement ne se donne pas une
nouvelle charge de débourser l’argent pour
l’indemnisation des victimes des crimes
commis par Munyaneza.
2.2.
Difficultés
au
niveau
fonctionnement du tribunal
du
La démarche du juge canadien en instance
pénale mérite aussi un commentaire. La
question centrale est de savoir dans quelle
mesure le juge pénal peut faire référence à
l’indemnisation en faveur des victimes sans
heurter les fondements de la procédure
pénale canadienne. En effet, au Canada,
contrairement à un certain nombre de pays
continentaux, la procédure devant le juge
criminel est généralement séparée de toute
référence aux demandes civiles. C’est le
juge siégeant en matière civile qui est
traditionnellement la seule instance habilitée
à recevoir les réclamations relatives aux
indemnisations. Dans le système pénal de
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!
QUELLE REPARATION AU QUEBEC POUR LES VICTIMES DE CRIMES INTERNATIONAUX ?
common law hérité au Canada, il n’existe
pas de constitution de partie civile dans une
instance pénale comme cela se fait en
France par exemple.
Pour l’instant donc, si les tribunaux
canadiens ont commencé à juger les
auteurs des crimes internationaux, la
procédure pénale applicable n’en reste pas
moins la même que pour les crimes
ordinaires. Contrairement à la CPI, dont le
Statut de Rome donne le pouvoir aux juges
de prendre en compte les dommages subis
par les victimes dans le but de leur accorder
la réparation nécessaire, le juge siégeant en
matière
pénale
au
Canada
n’est
généralement pas obligé de se soumettre à
une telle procédure. Certes, l’article 722 du
Code criminel donne l’opportunité aux
victimes de rédiger et déposer une
déclaration sur les dommages ou les pertes
causées à elles lors de la perpétration des
crimes. Mais le juge ne prend en
considération cette déclaration que pour les
fins de la détermination de la peine et non
pas
dans
le
but
d’octroyer
une
indemnisation aux victimes. L’article 738 du
Code criminel qui accorde, dans certaines
circonstances, le pouvoir au juge du procès
pénal d’ordonner le dédommagement d’une
victime par le responsable d’un crime n’est
presque pas utilisé (Levesque, 2006). Même
si cet article était souvent utilisé, il serait
difficilement applicable en raison des
problèmes susceptibles d’entourer la
détermination des impacts réels des
dommages subis dans le cas des crimes
internationaux. Dès lors, on comprend
aisément que le juge de la Cour supérieure
siégeant en matière criminelle peut avoir du
mal à se départir de la pratique habituelle.
En conséquence, dans le cas de l’affaire
Munyaneza, même si on avait invité la Cour
supérieure
à
se
prononcer
sur
l’indemnisation, il est fort probable qu’elle ne
l’aurait pas fait.
Une nouvelle approche de la procédure
pénale applicable aux crimes à caractère
international est donc plus que nécessaire
devant les tribunaux canadiens afin d’aider
les victimes immigrées au Canada à faire
face à leurs multiples besoins.
Quelques suggestions pour surmonter
les obstacles entourant l’indemnisation
des
victimes
des
crimes
contre
l’humanité à l’étranger
Afin de pouvoir surmonter les obstacles liés
à l’indemnisation, au Canada, des victimes
de crimes internationaux commis à
l’étranger, nous pensons que des actions
doivent être menées aussi bien par le
gouvernement que par les victimes ellesmêmes.
3.1. Actions attendues du gouvernement
Comme nous venions de le souligner, les
mécanismes de financement prévus par la
LCHCG ne semblent pas fonctionner afin de
permettre au Fonds pour les crimes contre
l’humanité de recevoir les sommes
susceptibles d’être distribuées aux victimes
de crimes internationaux en guise
d’indemnisation. En effet, la mise en
exécution des ordonnances de la Cour
pénale
internationale
imposant
des
amendes est encore loin d’être une réalité
étant
donné
qu’il
n’y
a
aucune
condamnation qui soit déjà prononcée par
cette instance judiciaire mondiale. Même si
la CPI avait déjà condamné un accusé, rien
ne dit que le Canada serait parmi les
premiers États devant exécuter les
ordonnances de cette Cour dans la mesure
où les personnes qui sont présentement au
banc des accusés ne semblent pas disposer
des biens au Canada.
Dans le même sens, jusqu’à ce jour, le
Canada ne semble pas déterminé à
procéder à l’identification biens susceptibles
d’être le fruit de la criminalité internationale
dont confiscation aboutirait au renflouement
de la caisse du Fonds pour les crimes
contre l’humanité.
Dès lors, la seule option qui reste à explorer
est celle relative aux dons même si les
victimes préfèrent que ce soient les auteurs
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
409
Melchiade Manirabona, A.
des crimes qui participent pleinement à la
réparation. Dans ce sens, nous sommes
d’avis que c’est le gouvernement canadien
qui a la responsabilité première de
contribuer au Fonds pour les crimes contre
l’humanité, du moins, dans les premiers
mois suivant son établissement. Cela
n’exclut toutefois pas que d’autres
organisations intéressées par la cause
participent aussi au financement du Fonds
sans attendre l’apport du gouvernement.
Par ailleurs, il a été relevé que le
gouvernement a financé le soutien
psychologique dont certaines victimes ont
bénéficié durant le procès de Munyaneza
(Wemmers, 2010). Nous pensons qu’il
s’agissait d’une bonne avancée. Le seul
problème est que cela semble avoir été fait
de façon ad hoc et non pas dans la
perspective du Fonds institué par la
LCHCG.
3.2. Actions attendues des victimes
Comme nous l’avons évoqué déjà, bien que
la LCHCG soit vieille de plus de dix ans, le
Fonds pour les crimes contre l’humanité
qu’elle institue n’a pas encore été mis sur
pied par les autorités fédérales. L’une des
actions que l’on peut attendre des victimes
des crimes graves commis à l’étranger et
des associations qui les soutiennent est de
se mobiliser conséquemment dans le but de
faire entendre leur voix pour que les
autorités fédérales mettent en place des
mécanismes nécessaires à faire fonctionner
le Fonds. En effet, comme précédemment
évoqué, la lecture du déroulement du
procès de Munyaneza suggère que, pour
une raison ou une autre, le combat pour la
mise en place effective de ce Fonds n’a pas
encore suffisamment trouvé de porteétendards susceptibles de faire renverser la
tendance. Or, de par le passé, il a été
constaté que la mobilisation du public, en
général, et de la société civile en particulier,
a souvent réussi à modifier le cours de la
politique des gouvernements.
Une autre action envisageable est le
recours aux tribunaux par les victimes des
410
crimes internationaux subis à l’étranger.
L’omission des autorités du gouvernement
de mettre en place le Fonds pour les crimes
contre l’humanité, alors que la loi prévoit
expressément sa création, n’est pas sans
conséquences d’un point de vue de la
responsabilité administrative. En effet, le fait
que la LCHCG soit une loi régulièrement
adoptée par le Parlement lui donne un
caractère normatif incontestable (Hogg &
Zwibel, 2005). Il en découle que les
dispositions de cette loi doivent être
utilement et efficacement appliquées par
toute autorité fédérale concernée sous
peine de se voir reprochée d’avoir
outrepassé les pouvoirs qui lui sont
reconnus par la loi (Mines Alerte Canada c.
Canada, 2010). À partir de cet instant, dans
une perspective de la primauté du droit (rule
of law), les victimes qui devaient bénéficier
de l’indemnisation provenant de ce Fonds
peuvent avoir des moyens légaux pour
exiger la mise en place immédiate de ce
Fonds.
S’il est vrai que le paragraphe 30 (2) de la
LCHCG prévoit que « le procureur général
du Canada peut verser ces sommes […]
aux victimes d’infractions visées à la
présente loi ou relevant de la compétence
de la Cour pénale internationale et à leurs
familles, ou en disposer autrement », cette
discrétion ne concerne que la distribution de
l’argent provenant du Fonds et non pas
l’établissement du Fonds lui-même. Le
paragraphe 30 (1) énonce qu’« [Est] institué
le Fonds pour les crimes contre l’humanité
[…] ». Ce paragraphe ne prévoit pas qu’il
pourra être constitué un Fonds pour les
crimes contre l’humanité. Selon la LCHCG
donc, le Fonds pour les crimes contre
l’humanité devait être constitué.
La
persistance
du
manquement
à
l’obligation prévue par la LCHCG, combinée
au fait que cette loi ne laisse pas de
discrétion
aux
autorités
quant
à
l’établissement de ce Fonds, semble révéler
un certain abus de pouvoir, ce qui pourrait
facilement donner lieu aux recours devant
les tribunaux. S’il s’avère réellement qu’il y a
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!
QUELLE REPARATION AU QUEBEC POUR LES VICTIMES DE CRIMES INTERNATIONAUX ?
eu abus, de la part des décideurs,
relativement à la mise en œuvre du Fonds,
la Cour fédérale pourrait être saisie par une
demande en contrôle judiciaire (Lemieux &
Des Roches, 2004). Ainsi, en vertu de
l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérale,
la Cour fédérale peut ordonner « à l’office
fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a
illégalement omis ou refusé d’accomplir ou
dont il a retardé l’exécution de manière
déraisonnable ». La cour peut aussi
accorder toute réparation qu’elle estime
juste dans les circonstances de l’espèce
sans même que le demandeur en fasse
mention dans sa requête (Smith c. Canada,
1998).
Même si la LCHCG laissait aux autorités
fédérales une large marge de manœuvre,
celles-ci restaient soumises à l’obligation
d’agir avec diligence et bonne foi. Ainsi,
conformément aux standards développés
par la Cour suprême du Canada, même si
les dispositions de la LCHCG relatives à
l’établissement du Fonds pour les crimes
contre l’humanité laissaient un large pouvoir
de discrétion à l’administration, ce dernier
devait être exercé dans les limites d’une
interprétation raisonnable de la marge de
manœuvre envisagée par le législateur,
conformément au principe de la primauté du
droit et suivant les principes généraux de
droit administratif (Baker c. Canada, 1999).
En conséquence, les tribunaux pourraient
intervenir si l’omission des autorités
concernées est jugée déraisonnable du fait
qu’elle n’appartient pas « aux issues
possibles acceptables pouvant se justifier
au regard des faits et du droit » (Dunsmuir
c. Nouveau-Brunswick, 2008).
!
Conclusion
Bien qu’elle se soit inspirée du droit
international, la Loi québécoise sur
l’indemnisation
des
victimes
d’actes
criminels se limite aux crimes commis à
l’intérieur du territoire québécois. L’adoption
en 2000 de la LCHCG a, à juste titre, été
saluée
par
plusieurs
observateurs
intéressés par la problématique de la
criminalité internationale. Le fait que la
LCHCG envisage l’indemnisation des
victimes
des
crimes
internationaux
indépendamment du lieu constitue une prise
en compte importante de la réalité de la
criminalité mondialisée.
Il existe d’autres initiatives législatives
semblables visant à faire face à un certain
nombre de situations dépassant les
frontières nationales. Ainsi par exemple, le
projet de loi sur l’indemnisation des victimes
d’actes terroristes à l’étranger (Projet de loi
S-7, 2010-2011) cherche à permettre les
poursuites devant les tribunaux canadiens
pour les victimes d’actes terroristes à la fois
contre leurs auteurs et contre les États qui
les soutiennent. De même, le Projet de loi
C-483 (2009) vise à empêcher que les
auteurs des crimes internationaux se
prévalent des immunités diplomatiques pour
échapper à la justice au Canada. Ce projet
de loi prévoit en outre que les tribunaux
canadiens n’auront pas à attendre que les
recours internes soient utilisés et épuisés
dans les cas où il est peu probable que ces
recours « offriraient une réparation valable à
la personne qui est la victime d’un génocide,
d’un crime contre l’humanité, d’un crime de
guerre ou d’actes de torture ».
Cependant, de telles initiatives ne
serviraient pas à grand-chose pour les
victimes si le gouvernement ne s’implique
pas activement dans l’établissement des
mécanismes nécessaires pour leur mise en
exécution effective. L’institution du Fonds
pour les crimes contre l’humanité aurait dû
être accompagnée de la mise en place des
infrastructures nécessaires pour financer,
administrer et gérer ce Fonds. Comme les
auteurs des crimes graves peuvent ne pas
disposer de biens dont l’aliénation servirait à
indemniser les victimes, le financement du
Fonds devrait être assuré au départ par
l’État canadien.
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
411
Melchiade Manirabona, A.
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Projet de loi C-483. 2009. Loi modifiant la Loi sur
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Projet de loi S-7. 2010-2011 Loi visant à
décourager le terrorisme et modifiant la Loi sur
l’immunité des États consulté le 5 juin 2011
depuis
http://www.parl.gc.ca/About/Parliament/Legislativ
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17 juillet 1998, 2187 R.T.N.U.3.
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Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et
de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.
Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9.
Mines Alerte Canada c. Canada (Pêches et
Océans), 2010 CSC 2.
R. c. Munyaneza, 2009 QCCS 2201.
Smith c. Canada, (Ministère de la Citoyenneté et
de l’Immigration), [1998] 3 C.F. 144.
16
!
412
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!
Journal International De Victimologie
International Journal Of Victimology
(Tome(9,(numéro(3((Hiver(2011)(
La charge traumatique chez l’enfant placé en
Institution : Clinique d’une menace d’effondrement
DERIVOIS, D.1, & GUILLIER-PASUT, N. 1, [FRANCE]
Auteurs
1
Centre de Recherche en Psychologie et Psychopathologie Clinique (CRPPC), Université de Lyon
Résumé
Cette étude clinique porte sur le vécu traumatique de l’enfant placé en institution, ainsi que du poids
traumatique de ses histoires personnelle, familiale et intergénérationnelle. Nous faisons l’hypothèse que
ces histoires, intriquées entre elles, constituent une « charge traumatique » dans le psychisme de l’enfant.
Cette charge traumatique va être mise en scène au sein de l’institution dans la relation de l’enfant avec
les professionnels. Si l’évaluation psychologique de cette charge traumatique se fait dans l’ici et
maintenant de la relation clinique, son origine est à chercher dans un hors-temps qui va au-delà de la
relation intersubjective. A partir de notre pratique clinique en Maison d’Enfants à Caractère Social, nous
développerons, à travers un cas, quelques pistes de réflexion sur l’accueil et la prise en charge de la
charge traumatique du vécu psychique, familial et intergénérationnel de l’enfant.
Mots-clés
Charge traumatique - Effondrement - Examen psychologique- Transfert - Méthodes projectives
Abstract
This clinical study addresses the traumatic experience of children in institutions, as well as the weight of
his personal, family and intergenerational traumatic stories. We assume that these stories, intertwined
with each other, constitute a "traumatic load" in the psyche of the child. This traumatic load will be
developed in the institution through the child's relationship with professionals. If the trauma is evaluated in
the here and now of the clinical relationship, its origin is to be found in an off-time that goes beyond the
intersubjective relationship. From our clinical practice in social House Children's, we will develop, through
a case study, some thoughts on the way we deal with the intergenerational family traumatic experience of
children.
Keywords
Traumatic charge - Collapse - Psychological evaluation - Projective Methods
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
413
DERIVOIS, D. & GUILLIER-PASUT, N.
Le temps et l’espace du traumatisme
chez l’enfant placé
La prise en charge de l’enfant confié
à la Protection de l’Enfance est une
entreprise complexe car les éléments
cliniques déposés dans l’ici et maintenant
ont des résonances avec les temps
antérieurs au placement. Lorsque l’enfant
arrive dans l’établissement pour cause de
maltraitances, il amène avec lui ses propres
difficultés, conflits internes et traumatismes
psychiques d’un autre temps. A cet égard,
comme le précise Cl. Janin (1996), trois
temps
du
traumatisme peuvent
être
distingués: le premier est celui du
traumatisme précoce caractérisé par la
carence des soins primaires (noyau froid), le
deuxième temps est celui où se rejoue la
scène première du traumatisme (noyau
chaud) et le troisième est ce qu’il appelle le
traumatisme paradoxal constitué des deux
premiers sans qu’il soit possible de les
distinguer l’un de l’autre.
Suivant cette conceptualisation, le
traumatisme n’a pas d’âge, il est à
envisager sur la « longue durée » (Braudel,
1969) de l’existence humaine dans une
perspective inter- voire transgénérationnelle
qui va au-delà du sujet singulier pour aller
chercher ses sources potentielles dans les
générations antérieures. Si l’enfant placé
amène sur la scène institutionnelle et
intersubjective des traces de son vécu
traumatique, il vient aussi avec toute une
série de problématiques qui le dépassent
personnellement et même sa famille
nucléaire. Les traces traumatiques qu’il va
déposer dans l’institution relèvent donc
d’une part de ses propres traumatismes
vécus précocement, et d’autre part du poids
traumatique intergénérationnel de ses
histoires familiales voire institutionnelles
Un évènement en soi – ce que
Braudel appelle le « temps court » - n’est
pas toujours vécu comme traumatique au
moment où il se passe. De même, un
évènement traumatique ne détermine pas la
totalité de la vie du sujet. Si l’on admet la
conception freudienne selon laquelle le
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!
moment où ça se passe n’est pas celui où
ça se signifie, on peut également soutenir
que l’espace des faits n’est pas forcément
celui du vécu, les personnes avec lesquelles
il s’est passé quelque chose ne sont pas
forcément celles avec lesquelles le vécu
traumatique va se signifier. Ainsi, le transfert
et le contre-transfert jouent un rôle central
dans la compréhension de ce qu’un sujet
singulier – ici l’enfant – dépose dans la
relation
clinique
mais
aussi
dans
l’accompagnement de celui-ci.
Nous proposons d’appeler « charge
traumatique » l’emboîtement des vécus et
traumatismes multiples au sein de
l’institution qui vont se déployer sous des
formes diverses, dans les relations
groupales et/ou individuelles de l’enfant
avec les membres de l’équipe. Cette charge
est portée par et dans la relation
transférentielle. Il appartiendra ainsi à
l’équipe de prendre en charge l’enfant placé,
de l’accompagner dans sa construction
psychique, en tenant compte, dans une
dynamique
processuelle,
du
poids
traumatique de ces histoires singulières et
collectives (Derivois, 2008, 2010).
Après avoir présenté, dans un
premier temps les enjeux de la demande et
le dispositif d’accueil du traumatisme d’une
enfant de 5 ans, nous présenterons
quelques faits saillants du cas pour dégager
ensuite quelques pistes de réflexion sur la
compréhension de la charge traumatique de
l’enfant.
L’ACCUEIL DU TRAUMATISME
L’accueil du traumatisme en Maison
d’Enfants à caractère Social (MECS) résulte
d’une demande à plusieurs voix qui
s’exprime en des temps différents dans un
processus complexe.
Enjeux de la demande
Dans cette MECS, il y a une
demande institutionnelle implicite d’évaluer
tout
nouvel
arrivant.
Articulée
aux
observations des équipes éducatives, cette
LA CHARGE TRAUMATIQUE CHEZ L’ENFANT PLACE EN INSTITUTION
évaluation sert à construire le projet
personnalisé de l’enfant. Ce projet, soutenu
par l’éducateur référent de l’enfant, met en
évidence les principaux axes (éducatifs,
scolaires, familiaux, et/ou psychologiques) à
mettre au travail tout au long de la prise en
charge de l’enfant.
L’évaluation psychologique se définit
comme une situation d’examen qui propose
un « état des lieux » et des temps de la
problématique psychique d’une personne à
un moment donné. Avec pour objectifs de
répondre à la demande institutionnelle ou
autre, et par l’ensemble des outils qu’il
suppose, le bilan permet « de contribuer au
processus de prise de décision » (D. Castro,
2000). En MECS, il s’agit la plupart du
temps de décider d’une orientation et/ou des
modalités de prise en charge.
Souvent,
lorsque
l’institution
accueille un enfant, l’équipe n’a que très
peu d’éléments d’anamnèse. Voici le très
peu d’informations que nous avons
obtenues sur l’histoire de Julie avant son
évaluation.
Julie, troisième d’une deuxième
fratrie de 4 enfants, est placée en même
temps que ses trois frères pour « climat de
violence à la maison ». Les parents sont
séparés. La mère, âgée de 37 ans, avait
déjà eu 5 enfants d’une première union. Le
père, alcoolique, est incarcéré pour
« proxénétisme et viols » sur plusieurs
femmes. Julie est une petite fille brune, qui
paraît frêle et qui, dès son arrivée dans
l’établissement, se présente comme une
enfant « joyeuse », « qui aime bien dessiner
et raconter des histoires », pour reprendre
les propos des éducateurs. Elle sollicite
régulièrement l’attention de ces derniers, les
interpelle et cherche à discuter. Son grand
frère John, de la seconde fratrie, porte le
même nom qu’elle. Il a été reconnu par le
père des trois autres. Son « vrai père
travaille dans la mafia » selon ses dires. Ce
serait un secret que lui aurait confié sa
mère. Les autres enfants ne seraient pas au
courant. John fait beaucoup parler de lui, à
la MECS par son attitude de « leader » et
surtout à l’école par ces actes de violence.
Julie est très attentive à ce que fait son frère
et à ce qui se dit sur lui. Toute la fratrie
laisse penser qu’il s’est passé des scènes
de violence à la maison sans pouvoir
vraiment les décrire et même les nommer.
Décider pour un enfant à partir de
quelques éléments d’anamnèse et de
résultats de tests est une entreprise délicate
dans la mesure où la décision est prise en
un temps donné, figé et engage l’avenir de
l’enfant. A ce propos, D. Anzieu (in J.
Guillaumin,
1977),
proposant
une
métaréflexion sur l’examen psychologique a
souligné deux écueils qui menacent « le
périple » d’un bilan, à savoir, celui d’une
« technicité machinale et rejetante »,
désubjectivé [et] celui d’une « recherche
fusionnelle protéiforme et floue » sujet à
toute dérive interprétative. En effet, devant
la massivité du transfert en situation
traumatique, le clinicien peut être tenté de
se référer de manière défensive à la
technicité d’un test – le Rorschach par
exemple –, faire un usage quantitatif exclusif
du psychogramme au détriment des
données qualitatives non cotables par la
grille classique de cotation. Dun autre côté,
il peut être tenté de se laisser envahir par
les
émotions
jusqu’à
faire
des
interprétations hâtives qui, elles non plus, ne
rendront pas compte de la complexité et de
la subtilité des faits cliniques.
Ce
temps
d’évaluation
psychologique déploie ainsi des processus
transférentiels et contre-transférentiels, sur
lesquels il s’agit de s’arrêter, de réfléchir en
temps réel et de revenir après-coup. Notre
rencontre avec Julie, une enfant de 5 ans, et
l’importance de nos éprouvés contretransférentiels face à sa problématique
psychique et son histoire familiale nous ont
amené à apprécier le fait qu’accueillir le
traumatisme requiert la mise en place
d’outils adaptés, de prêter son appareil à
penser à l’enfant et même d’accepter
d’éprouver dans son corps ce qui ne peut
pas encore être représenté, pensé,
psychisé.
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
415
DERIVOIS, D. & GUILLIER-PASUT, N.
Processus d’accueil du poids
traumatisme de Julie, 5 ans
En somme, nous avons tenté d’écouter
Julie au-delà de ce qu’elle montre.
Les outils, la pensée et le corps du
psychologue sont autant de médiations qui
offrent au poids traumatique d’un patient un
espace de figuration. Nous avons rencontré
Julie cinq fois en entretiens individuels,
ponctués de supports projectifs au cours
desquels nous avons essayé de nous saisir
du dépôt traumatique.
Déroulement des entretiens
−
Le premier entretien pour faire
connaissance et discuter des raisons
de son placement. Ces échanges se
sont construits à partir de la
réalisation de deux dessins (Figure 1
« Une petite fille avec une serviette »
et Figure 2 « Le cheval ». J’ai (DD)
participé au premier dessin en
ajoutant un arbre à droite sur
invitation de Julie. Seule la petite fille
est nommée malgré mon incitation à
la faire raconter ce qui se passe
dans le dessin. Pour le deuxième
dessin, Julie s’est contentée de dire
« Le cheval » en posant bien le
dessin sur mon bureau, sous mon
regard. Je me suis senti violenté du
regard par ce dessin. Julie n’a pas
voulu l’accrocher au mur comme
l’autre. On peut y constater quelque
chose qui ressemble à un long sexe
mais Julie n’en a rien dit. Nous en
avons profité pour annoncer à Julie
que nous allions encore nous revoir
quatre autres fois pour un « bilan »
dont je communiquerai les résultats
aussi à « ses » éducateurs pour le
« projet personnalisé ».
−
Le deuxième entretien a été
consacré à la passation du
Rorschach (Tableau 1). J’étais
particulièrement
touché,
voire
déstabilisé
par
les
réponses
« cassé », « défait » qui revenaient
souvent. Les questions posées
pendant la passation, parfois sous
forme de tentative de sortie du cadre
projectif (Planche 5 du Rorschach, à
l’enquête : « Et la nuit, est-ce que tu
es dedans ? Et le matin ? »), m’ont
également déstabilisé dans un
premier temps. Petit à petit, j’ai
compris que Julie voulait que je
participe activement au déroulement
Modalité d’écoute
A travers ce dispositif mis en place,
notre attention se centre sur ce qui s’est
passé en entretiens par rapport à chacun
des objets médiateurs (Rorschach, TAT,
PAM, dessins) mais aussi sur ce qu’on peut
repérer de transversal à ces supports. Nous
avons été attentifs à la manière dont les
processus psychiques en jeu se sont
progressivement dessinés au cours de ces
entretiens et des passations de tests. La
notion de « fil projectif », introduite par P.
Roman en 1991 nous a aidé à articuler
espace sémantique et espace linéaire des
réponses. Nous avons aussi suivi la
dynamique intra et inter-test, c’est-à-dire le
repérage
de
« restes »
perceptifs,
représentatifs, et projectifs qui se déplacent
sur chaque planche ou test à travers les
réponses données et en tentant de suivre
un ensemble de signifiés derrière les
signifiants-tests, signifiants-planches ou
signifiants-mots (D. Derivois, 2004).
Au niveau intra test (Rorschach), nous
avons pu suivre l’évolution des signifiants
« défait » et de leurs représentants. Quant
au niveau inter test, l’articulation du dessin
de la « petite fille qui saigne du nez » sur un
lit qui s’échappe d’une maison sans base
avec l’histoire du « petit garçon qui a la
diarrhée » a permis d’apprécier comment
Julie a tenté de figurer plusieurs chutes et
pallier un défaut de contenance à la charge
traumatique dont elle est porteuse.
416
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!
LA CHARGE TRAUMATIQUE CHEZ L’ENFANT PLACE EN INSTITUTION
de ses réponses. J’ai compris qu’il
voulait m’utiliser (au sens de
Winnicott) pour symboliser. Au cours
de la passation, plus précisément à
l’enquête, Julie demandera à faire un
dessin : « Après le p’tit jeu, on va
faire le dessin ? ». Elle fera une
«petite fille qui saigne du nez »). Sur
son invitation à participer au dessin,
j’ai fait la pluie (Figure 3). Un
« mouchoir noir » est posé sur le lit à
côté de la petite fille.
−
−
Le troisième entretien a été consacré
à la passation du TAT (Figure 5).
Tout s’est bien déroulé. Elle parle
beaucoup de papa, de maman,
d’enfant, de garçon ou de fille. Elle y
exprime également des scènes de
violence (Pl 8BM, 10) et de
retrouvailles père/enfants après la
perte (Pl 16). Ses questions aux
planches 6GF, 9BG et 16 m’ont
interpellé. J’ai eu un petit pincement
au cœur quand elle m’a demandé si
elle pouvait dessiner sur la dernière
planche, la 16 qui d’après C.
Chabert (1998) met le sujet face à la
nécessité de mobiliser ses objets
internes. L’histoire qu’elle a racontée
concernant le fait qu’elle soit
« perdue » et que le « père les
retrouva ses petits enfants » m’a
rassuré. Rassuré dans mon monde
interne, je pouvais être plus
disponible pour elle.
Au cours du quatrième entretien,
Julie va utiliser un autre support pour
continuer la narration de son récit
interne : la pâte à modeler. Elle
fabrique « un petit garçon malade, il
a la diarrhée car il a trop mangé ».
Ensuite, Julie me demande de
« faire les toilettes » ce que j’ai fait.
Enfin, elle met tout « dans une
maison où il y a des canapés, la télé
et une voiture à l’extérieur ». Je suis
agréablement surpris qu’elle ait fait
la différence entre l’intérieur et
l’extérieur de la maison, après avoir
exprimé un défaut des limites du
corps.
−
Le dernier entretien a été l’occasion
de tenter de restituer à Julie quelque
chose de ce qu’elle a amené et
déposé au cours de nos rencontres,
avant d’en faire part à l’équipe
éducative et particulièrement à son
éducateur référent. L’accent a
notamment été mis sur son image de
soi négative, ses potentialités
créatrices et ses compétences
relationnelles.
La restitution à l’équipe
C’est aussi dans cette perspective
que nous avons pensé la dynamique de
restitution
auprès
de
l’équipe
institutionnelle : malgré des défaillances de
son environnement premier, malgré des
carences
affectives
et
éducatives
certainement importantes, malgré encore
les trans-traumatismes sous-jacents dans
son histoire, Julie semble avoir beaucoup de
ressources psychiques pour associer, des
capacités importantes de symbolisation.
Julie se questionne beaucoup sur son vécu,
sur les comportements de l’adulte. Elle tente
de comprendre la violence parentale qu’elle
a subie et dont elle a pu être témoin, avec
d’autre part un surinvestissement de tous
les moments non-violents qu’elle peut vivre,
où elle se sent en sécurité et où on s’occupe
d’elle.
Nous avons pu signifier à l’équipe
éducative qu’elle est en demande constante
d’étayage et peut profiter de la protection
des
adultes,
utiliser
l’environnement
institutionnel et professionnel après en avoir
testé la fiabilité et la bienveillance. Comme
le met en évidence Winnicott D. W. (1956),
quant à la prise en charge des enfants
déprivés, « il faudra fournir la possibilité à
l’enfant de redécouvrir des soins infantiles
qu’il pourra mettre à l’épreuve et au sein
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
417
DERIVOIS, D. & GUILLIER-PASUT, N.
desquels il pourra revivre ces pulsions
instinctuelles ».
ELEMENTS D’ANALYSE
Le cas de Julie présente beaucoup
d’éléments qui mériteraient une analyse
approfondie. Nous faisons cependant le
choix de mettre en évidence quatre axes
relatifs à la représentation de soi, l’angoisse
d’effondrement, la demande d’étayage et
l’effort pour symboliser.
Quelque chose s’est « défait »
Quelque chose semble s’être défait
chez Julie. Et elle s’interroge. En effet, elle
pose beaucoup de questions et nous
pousse également à en poser. L’une d’entre
elles qui s’impose à nous est celle-ci :
qu’est-ce qui est défait/cassé chez Julie ?
est-ce son avenir, son espoir, son enfance ?
Comme on peut le voir dans son protocole
de Rorschach, le fil projectif nous permet de
suivre la lutte de Julie avec cette
représentation de « défait », de « cassé », d’
« écrasé » ou de « morte » qui hante son
appareil psychique. A chaque nouveau
signifiant (planche), elle semble rattrapée
par le même signifié de quelque chose en
déconstruction dans sa psyché, qui peine à
s’identifier. Cela la hante tellement qu’elle
cherche parfois des issues de sortie du
cadre projectif – vécu comme angoissant –
ou un étayage sous formes de questions
adressées au psychologue. Elle semble
tellement coincée dans cette représentation
négative qu’elle mobilise toute son énergie à
trouver du sens.
Alors tantôt elle cherche, trouve-crée
un coupable à cette déconstruction
(« peintre », « petits », « quelque chose »),
tantôt elle cherche une explication qui la
confronte à nouveau à l’impasse : « il est
défait parce que c’est tout cassé ». La
« maison » de Julie est cassée, ses fenêtres
sont sans bords, renseignant ainsi sur l’état
de son « habitat interne » (A. Eiguer, 2004).
Un habitat interne qui montre à la fois sa
fragilité et ses ressources.
418
Il est difficile de cerner ce qui est
cassé et ce qui s’est passé. Cependant, à
partir de l’ensemble des données cliniques,
nous faisons l’hypothèse que ce qui s’est
défait/cassé, c’est la représentation que
Julie a d’elle-même. Il s’agirait d’un Moi
défait, déprivé, ce Moi qui a tenté de (se)
mettre en forme à travers les projectifs et
qui dans son effort pour donner du sens
signe en même temps ses défaillances. Ce
sont les assises narcissiques de Julie, ses
étayages naturels incapables de contenir
ses excitations pulsionnelles qui seraient
défaites, cassées, rendant ainsi possible la
chute ainsi que la crainte de l’effondrement.
La crainte de l’effondrement
Le tableau clinique de Julie est
émaillé d’images et d’angoisses de chute,
de vidage et d’écoulement. Elle utilise à la
fois les supports tests et le psychologue
pour tenter de les figurer.
Le dessin de « la petite fille qui
saigne du nez » - qui montre un trait incisif
qui entaille le corps du personnage- est
d’ailleurs particulièrement significatif. Le
corps se vide de son contenu par le nez. Le
lit aussi qui, par ailleurs, encadre la petite
fille, est en chute libre de cette maison
isolée, sans base, suspendue elle-même
dans le vide. On voit Julie aux prises avec
des angoisses massives d’écoulement, de
chute, voire de vidage et dans une image
d’elle-même
douloureuse
plus
que
dévalorisée,
Le dessin de « la petite fille avec une
serviette » exprime lui aussi la présence de
liquide à contenir un moment donné.
Etaient-ce des larmes ? Du sang ? En tout
cas, la serviette – comme le mouchoir du
dessin de la « petite fille qui saigne du nez –
était là pour servir d’étayage et de tampon,
au besoin.
Ces dessins ainsi que la « diarrhée »
symbolisée à travers la pâte à modeler
amènent à faire l’hypothèse de défaillances
de l’environnement primaire, notamment
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!
LA CHARGE TRAUMATIQUE CHEZ L’ENFANT PLACE EN INSTITUTION
des défauts de contenance, de holding au
sens winnicottien du terme, de relations
affectives sécurisantes et étayantes.
A travers ses productions projectives
et mouvements transférentiels, Julie semble
exprimer à la fois un effondrement vécu et
sa crainte de s’effondrer à nouveau. Dans la
« Crainte de l’effondrement », Winnicott
(1974) souligne un paradoxe qui nous aide
à penser ce qui se passe pour Julie. D’un
côté, il dit que cette crainte est « la crainte
d’un effondrement qui a déjà été éprouvé ».
D’un autre côté, il avance que « la crainte
de l’effondrement peut être la crainte d’un
événement du passé qui n’a pas encore été
éprouvé ». Ce paradoxe traduit bien la
difficulté de penser les angoisses de chute.
Il rend bien compte de l’irreprésentable que
transmet Julie à travers les traces
traumatiques de son histoire subjective.
Qu’est-ce qui est concerné par la crainte de
l’effondrement ?
L’appareil
psychique
individuel
et/ou
l’appareil
psychique
familial ? On peut en effet rechercher le
vécu enkysté soit dans l’appareil psychique
individuel, soit dans l’appareil psychique
familial, soit dans l’intrication des deux.
Premier
cas
de
figure :
l’effondrement a déjà été éprouvé. Une
façon de comprendre cette hypothèse est
de penser qu’étant enfant ou bébé Julie a
vécu un effondrement dont elle ne se
souvient pas. Cet effondrement ne serait
pas intégré et ne serait pas encore
psychisé. Ces traces la confronteraient à
une absence de représentations. C’est
comme si cet effondrement était senti mais
non ressenti. C’est ce « senti » qui hanterait
l’espace psychique de Julie et installerait
chez elle une crainte de le revivre pour de
vrai. Il concernerait donc son appareil
psychique individuel.
Deuxième cas de figure : un
évènement du passé n’a pas encore été
éprouvé. Ici, la centration n’est plus sur
l’effondrement lui-même mais sur un
évènement du passé. Ce n’est plus
l’effondrement qui n’a pas été éprouvé mais
un évènement du passé. Il y a la une
mutation théorique selon laquelle c’est cet
évènement du passé qui aurait engendré la
crainte de l’effondrement. Ainsi, cet
évènement ne se confond pas forcément
avec l’effondrement il peut être aussi d’une
toute autre nature ou recouvrir les deux à la
fois. Cet évènement peut-être contemporain
de l’enfance ou de la petite enfance mais
peut aussi les avoir précédés. Nous faisons
l’hypothèse que cet évènement ne
concernerait pas spécifiquement Julie mais
serait aussi à rechercher dans « l’appareil
psychique familial » (A. Ruffiot, 1990). Si
l’on admet que les images de chute peuvent
renvoyer
à
une
problématique
de
défaillances précoces on peut penser qu’il y
aurait un fond défaillant familial précoce qui
hante la psyché individuelle de Julie. Les
vécus de chute seraient ainsi l’objet d’une
répétition trans-générationnelle. La chute et
le défaut de contenance familiale auraient
déjà eu lieu, Julie ne serait que la déléguée
pour porter et faire évoluer le symptôme.
Une demande de disponibilité,
contenance et d’étayage
de
Il n’est pas ainsi pas anodin que
toute l’institution, substitut maternel, familial
potentiel, se sente impliquée dans la prise
en charge de Julie. Julie suscite une grande
sympathie dans l’institution. Elle va ellemême mobiliser ses ressources pour
solliciter la disponibilité de l’environnement
institutionnel et professionnel.
La manière dont Julie interroge par
exemple notre disponibilité, par des sorties
du cadre, au cours de la passation du
Rorschach en est un exemple (Pl. V : « Et la
nuit, est-ce que tu es [dans le bureau] ? »,
« Et le matin ? », Pl. IX : « Après le p’tit jeu,
on va faire un dessin ? ») montre sa
détermination à ne pas se laisser s’écrouler
face à ses représentations angoissantes et
potentiellement traumatisantes. Elle veut
s’assurer de la permanence du lien à l’objet.
Dans cette même recherche d’appui, elle
invitera le psychologue à participer à ses
dessins,
comme
pour
soutenir
la
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
419
DERIVOIS, D. & GUILLIER-PASUT, N.
représentation, participer à la figuration de
la chute comme à son élaboration.
De manière plus significative encore,
la mise en scène que développe Julie
pendant le temps du jeu avec la pâte à
modeler, au cours du 4ème entretien, traduit
bien ses demandes constantes et ses
questionnements autour de notre capacité à
recueillir
ses
angoisses
et
vécus
agonistiques, à les contenir : Julie crée « un
petit garçon qui est malade, et qui a la
diarrhée car il a trop mangé » et me
demande (D.D.) de fabriquer des toilettes,
en d’autres termes à être le récipient de ses
angoisses, de ses douleurs. On voit ici à
l’œuvre la fonction de pare-excitation que
décrit Anzieu (1985) dans son ouvrage sur
le Moi-peau.
Dans mon contre-transfert, je me
suis senti utile – car d’autres fois, je me
sentais démuni face à ses angoisses de
chute et de vidage. Julie a mobilisé ma
fonction alpha, pour reprendre une
expression de Bion afin de participer à la
reconstruction de son espace psychique. Ce
que j’ai également vécu comme un effort de
sa part pour symboliser.
L’effort pour symboliser
Un dernier point qui attire notre
attention est l’effort de Julie pour
symboliser, c’est-à-dire pour tenter de
donner du sens à son « expérience
subjective vécue » (Roussillon, 2000). Elle
va utiliser à la fois ses ressources internes
et ce qui est disponible dans son
environnement externe (objets médiateurs,
psychologues, éducateurs) pour tenter de
lier ce qui hante sa psyché. Elle va même
anticiper et interroger la permanence du lien
ce qui signe sa capacité à se projeter.
En effet, en plus de la mobilisation
de ses ressources internes, Julie n’a en fait
de cesse d’interroger, au cours de nos
rencontres, le Relationnel au sens fort : elle
est en demande de sens quant à la relation
à l’autre, en quête de compréhension d’une
dimension affective dans cette relation.
420
Comment envisager ces questionnements
de Julie sur la relation à l’autre ? L’autre qui
est souvent présenté comme menaçant ?
S’agit-il d’une seule tentative d’expression
brute de sa souffrance ? S’agit-il davantage
pour Julie d’une tentative d’ « explication »,
de
compréhension
des
situations
traumatiques qu’elle a traversées, d’une
répétition-symbolisation au sens de D.
Derivois (2004), interdépendante de ce que
le monde extérieur, les personnes qui
s’occupent d’elle à présent, pourront lui
renvoyer d’elle-même par la suite ? Si la
répétition-répétition
maintient
dans
l’impasse subjective et le traumatisme, la
répétition-symbolisation
tente
de
transformer la relation à l’objet traumatique
en une relation plus sereine. L’alliance
thérapeutique dont fait preuve Julie atteste
de cette transformation en cours dans son
psychisme.
De même, les dessins, les jeux et les
réponses données par Julie aux tests
rendent compte d’une tentative pour l’enfant
d’exprimer quelque chose des restes bruts,
des traces traumatiques archaïques de son
vécu, ils témoignent également d’une
tentative d’élaboration psychique de ces
traces, la mettant sur la voie de la
symbolisation.
L’évaluation de Julie aura ainsi
montré non seulement ses faiblesses mais
aussi la force créatrice de son Moi.
DISCUSSION : L’APRES-COUP DE LA
COMPREHENSION
Dans la continuité de ces éléments
d’analyse nous mettrons en évidence deux
éléments de discussion : l’après-coup de la
compréhension et les limites de l’examen
psychologique.
L’après-coup de la compréhension
De même qu’il y a un après-coup du
traumatisme, il y a un après-coup de la
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!
LA CHARGE TRAUMATIQUE CHEZ L’ENFANT PLACE EN INSTITUTION
compréhension. C’est entre autre ce que la
problématique de Julie nous a enseignés.
Le sens n’est pas donné d’emblé. Il se
construit. Pour le patient comme pour le
clinicien. Dans l’ici et maintenant de la
relation clinique, le clinicien com-prend, dans le sens de prendre avec- ce que
dépose le patient. Dans l’après-coup, au
moment de la désimplication subjective et
de la tentative d’objectivation, d’autres sens
surviennent qui permettent de prendre du
recul
par
rapport
à
la
relation
transféro/contre-transférentielle.
Cependant, il arrive que d’autres
éléments d’anamnèse viennent perturber ou
renforcer un certain nombre d’hypothèses
que l’on a construites d’un cas. En effet,
quelques semaines après la restitution du
bilan psychologique, nous apprenons
qu’environ deux ans avant l’arrivée de Julie
dans la MECS, son père, en état d’ivresse,
l’avait suspendue par la fenêtre d’un
immeuble de huit étages et que la mère
criait dans la pièce. Témoins de la scène,
des voisins ont appelé la police qui est
intervenue à temps. Ce fait aurait été à
l’origine du placement d’abord dans une
première MECS dans une autre ville de
France, ensuite dans la MECS où elle est
actuellement pour cause de déménagement
de la mère.
Cette tentative de défénestration fait
trace dans le psychisme de Julie et nous
renvoie en après-coup au contenu des tests
et de leur cohérence, l’enfant construisant
dans les tests les formules attachées aux
rapports humains, et à la violence qu’ils
dégagent. Pour exemple, à la planche 8BM
du TAT : « Il y avait un monsieur qui tuait un
enfant et la dame qui criait : non ! Il y avait
une dame qui parlait ». Cette réponse
projective prend du coup un autre sens, elle
semble traduire une massivité de la
projection. Julie aurait vraiment vécu la
scène. La crainte de l’effondrement prend
un autre sens. Julie a vraiment été
suspendue dans le vide, il y avait vraiment
quelqu’un derrière (sa mère ?) qui criait
« non ! ». La maison sans base prend un
autre sens. Ce n’aurait pas été que de
l’ordre du fantasme. Cependant, le risque
est de situer le traumatisme de Julie dans
cet évènement. Réalité du traumatisme ou
construction traumatique ? Peu importe. Il y
a eu en tout cas irruption dans la psyché.
Quelque chose a fait « événement
psychique » (Laplanche et Pontalis, 1967).
Ce qui compte c’est l’inscription singulière
de
l’événement
et
sa
possible
transformation dans la psyché.
La même réflexion peut se faire
concernant la planche 16 : « il y avait une
petite fille. La maman lui dit : fais attention
de ne pas te perdre et la fille, elle dit : je suis
perdue, qu’est-ce que je fais là ? Le papa, il
dit : qu’est-ce que tu fais là-bas ma p’tite
fille ? Son père les retrouva les petits
enfants ». Cette autre réponse nous a fait
penser l’espoir de retrouvailles après les
déchirements familiaux. Il y aurait donc
encore des traces positives de l’image
paternelle dans l’espace psychique de Julie.
La difficulté d’évaluer l’ici et maintenant
du traumatisme
La situation de Julie nous amène
aussi à réfléchir sur ce que nous évaluons
dans le cadre de l’examen psychologique.
L’évaluation psychologique de Julie nous
aura permis de parvenir à « une
appréciation dynamique du fonctionnement
psychique de l’enfant », au sens de R.
Debray (2000) en ce qui concerne « ses
irruptions
fantasmatiques,
ses
aménagements défensifs », mais aussi ses
ressources psychiques et ses capacités
d’élaboration subjective.
Néanmoins, cet examen ne nous
donne qu’un aperçu, hic et nunc, de la
problématique psychique de l’enfant. Ainsi,
comme en témoignent G. Cognet et F.
Marty (2007), « l’examen psychologique
vaut pour le dispositif qu’il mobilise »,
mettant en jeu une relation entre deux
sujets, l’enfant dans le cas présent et le
clinicien. Les dimensions transférentielles et
contre-transférentielles
–sous
forme
d’adresse à l’autre- ont toute leur
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
421
DERIVOIS, D. & GUILLIER-PASUT, N.
importance au cœur de ce dispositif, dans la
mesure où elles mettent en question la
manière dont le sujet « perçoit et traite avec
le psychologue » (Perron, 2003, in G.
Cognet et F. Marty (2007)). « Dans quelle
mesure s’agit-il pour lui d’une figure
parentale répressive, autoritaire, qui lance
un défi, qui juge et qui punit ou au contraire
qui soutient, encourage, pardonne, aide,
aime, etc. [et] comment se comporte le
psychologue en fonction de sa dynamique
propre ? ».
Debray, R. (2000). L’examen psychologique de
l’enfant. Paris : Dunod.
L’examen psychologique se situe dans le
temps et l’espace mais ce qui y est déposé
ignore le temps chronologique et l’espace
actuel. La charge traumatique est portée
sur/par plusieurs générations. Chaque sujet,
maillon de la chaine générationnelle a la
charge de la faire évoluer. Quand l’enfant
placé pour protection la dépose dans
l’institution, il amène les professionnels à
mobiliser
toutes
leurs
ressources
psychiques pour accueillir et contenir le
transfert, ne serait-ce que le temps de la
relation clinique.
Janin, Cl. (1996). Figures
traumatisme. Paris: PUF.
La
dynamique
transféro-contretransférentielle qui se déploie durant le
temps du bilan psychologique est cependant
succincte et éphémère. Ceci constitue une
limite importante au bilan psychologique de
l’enfant, dans la mesure où, de même qu’il y
a un après-coup du traumatisme, nous
pouvons faire l’hypothèse qu’il y a un aprèscoup de la compréhension.
Laplanche et Pontalis (1967). Vocabulaire de la
psychanalyse. Paris : PUF.
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.
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!
de
de
LA CHARGE TRAUMATIQUE CHEZ L’ENFANT PLACE EN INSTITUTION
Figure 1 : « Une petite fille avec une serviette »
Figure 2 : « Le cheval »
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DERIVOIS, D. & GUILLIER-PASUT, N.
Figure 3 : « La petite fille qui saigne du nez »
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Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!
LONGITUDINAL COURSE OF SALIVARY CORTISOL IN POST-TRAUMATIC STRESS DISORDER
Tableau 1 – Réponses au Rorschach
Pl
I
Passation
Enquête
Cotation
Je dois deviner ce que c’est ?
(tout)
1. Une citrouille qui est toute cassée,
elle est faite par un peintre, elle est
toute cassée, la citrouille est toute
défaite.
Elle était posée sur une feuille, il y
a des petits qui l’ont défait, ils ont
enlevé le gris où il y avait du blanc.
Gbl F- Bot
II
2. Une tête d’un oiseau… non une
tête… une tête… euh… d’un chat et
le chat il est tout défait, il est pas
bien fait.
(tout) et là (blanc) ils ont tout défait,
toute la partie blanche de la
planche.
G
III
3. Ou la la c’est dur ça hein ! C’est…
un cochon, il est tout défait…
(tout) là, il est tout défait, où il y a
du blanc, c’est tout défait parce que
c’est tout cassé…
IV
4. Oh la la ! Une tête de loup qui est
toute défaite.
Là j’ai dit un oiseau, une chauvesouris (à l’envers). Je l’ai mis à
l’envers.
Là, c’est la tête du loup, des pattes,
elles sont grosses et là c’est tout
défait, là où il y a du blanc…, la
queue, elle est grosse la queue.
V
5. Un oiseau qui est tout défait…
(dépose la planche)
En fait, c’était une chauve-souris
j’ai dit un oiseau… Tu l’as mis à
l’envers, c’est comme ça, non, c’est
comme ça…
F-
Gbl F-
Ad
A
[G
F+
A]
Gbl
F-
Ad
G
F-
A
G
F-
Adev
G
K
H
Et la nuit est-ce que tu es dedans
(dans le bureau) ? Et le matin ?
VI
6. Oh la la c’est… un oiseau non une
poule qui est morte, elle est toute
défaite la poule…
Là j’ai dit que c’était la poule, elle
était morte, quelque chose l’a
écrasée, là elle était sur la route,
quelqu’un l’a écrasée…
VII
Euh…
Là, j’ai dit que c’étaient des filles
indiens, eh ben les filles elles
s’amusaient sur la terre…
7. Ça, c’est de la neige, là il y a des
filles qui s’amusent sur la neige…
ou sur la terre.
Il ne reste plus que 3 après c’est
fini…
E
Je me retourne pour pas que je
regarde (la planche).
VIII
Oh la la ! C’est dur ça hein !
Là, j’ai dit que c’était un papillon, il
est là, il est tout défait, là où il y a
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DERIVOIS, D. & GUILLIER-PASUT, N.
8. En fait, là il y a une montagne, ça les
tigres ils montent sur la montagne…
du blanc…
Gbl
F+/- Paysage
Gbl
K-
Là c’est des tigres et ils montent
sur la montagne, là où il y a du vert,
du rose et de l’orange, c’est ça la
montagne.
IX
X
9. Oh la la ! une tête… [une tête de
quoi ?] une tête de… une tête de…
une tête de masque, en fait c’est un
masque, c’est un garçon qui est
dedans…
Là où il y a du blanc, c’est tout raté,
il a tout défait… après le p’tit jeu, on
va faire le dessin ?
10. Oh la la ! Eh ben c’est un papillon
avec des araignées et j’ai tout fini…
Je sais pas, je me rappelle plus…
un papillon (rouge) avec les
araignées (bleu).
Hd
Là c’est une tête de masque, le
garçon il était couché dedans, le
masque il était couché sur le
bureau…
G
F+
A
Planches + :
Pl. I : « parce que c’est beau, on dirait que… c’est une citrouille et j’aime bien les citrouilles ».
Pl. V : « parce que c’est joli »
Planches - :
Pl. VII : « parce que c’est pas bien dessiné dessus un p’tit peu, des fois ça dépasse… »
Pl. IV : « parce que ça dépasse tout »
Durée totale de passation : 19 minutes
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Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!
LONGITUDINAL COURSE OF SALIVARY CORTISOL IN POST-TRAUMATIC STRESS DISORDER
Tableau 2 – Réponses au TAT
Pl 1 – 6 : « Je dois dire ce que je vois ? Un audio avec un garçon, il voulait faire de la guitare et
elle est posée sur la table, alors il veut plus en faire. (Il était à la maison, maintenant, il est au
foyer) ».
Pl. 2-3 : « Il y a une grande fille, elle est allée dans un pays… En fait, il y avait des chevals (sic),
elle avait des livres dans les mains, elle regarde qu’est-ce que c’est ».
Pl. 3BM : « Il y avait une maman qui pleurait dessus un tiroir ».
Pl. 4-1 : « Il y avait un papa et une maman qui… quoi… il le regarde, après il dit c’est qui lui ? ».
Pl. 5-1 : « En fait, la maman elle regarde si c’est bien rangé, elle dit : ah, c’est bien rangé. Après
elle dit : qui a fait ça ? ».
Pl. 6GF-1 : « Derrière… elle faisait un jeu : c’est qui derrière moi ? Il y a quelqu’un ? Elle
regarde, elle dit : c’est qui ? ».
Pl. 7GF-1 : « En fait, il y avait la maman qui travaillait, il y avait la fille qui a un chat dans les
mains et la maman travaillait et voilà ».
Pl. 8BM : « Il y avait un monsieur qui tuait un enfant et la dame qui criait : non ! Il y avait une
dame qui parlait ».
Pl. 9BG : « Il y avait une dame. Derrière l’arbre, elle regardait, elle dit : C’est pareil que moi, elle
a dit : qui c’est qui a fait pareil que moi ? ».
Pl. 10 : « Il y avait un garçon et une fille. Enfin, elle avait rêvé qu’il y avait un garçon qui voulait
la tuer ».
Pl. 11 : « Oh la la ! C’est dur là !... Il y avait un animaux qui partait et c’était dangereux ».
Pl. 12BG : « Dans les bois, il y avait un étable et des animaux voulaient le laisser ».
Pl. 13B : « Eh ben, il y avait une cabane, il y avait un garçon qui s’asseyait ».
Pl. 19 : « En fait, c’était Halloween, il y avait une maison et il neigeait ».
Pl. 16 : « Je dois faire quoi ? On peut dessiner dessus ?... Un autre jour, il y avait une petite fille.
La maman lui dit : fais attention de ne pas te perdre et la fille, elle dit : je suis perdue, qu’est-ce
que je fais là ? Le papa, il dit : qu’est-ce que tu fais là-bas ma p’tite fille ? Son père les retrouva
les petits enfants ».
Durée totale de passation : 14 minutes.!
!
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
427
BRUNET, A., BIRMES, P., ZIEGENHORN, A.A., BUI, E., PRUESSNER, J.C., & MEANEY, M.J.
Journal International De Victimologie
International Journal Of Victimology
(Tome(9,(numéro(3((Hiver(2011)(
Longitudinal course of salivary cortisol in acute,
chronic, delayed, and remitted post-traumatic stress
disorder
BRUNET, A.1, BIRMES, P. 1, 2 , ZIEGENHORN, A.A., BUI, E., PRUESSNER, J.C., & MEANEY,
M.J.1 [CANADA/FRANCE]
Auteurs
1
McGill!University!and!Douglas!Mental!Health!University!Institute,!6875!LaSalle!Blvd.!(EJ4128),!Montreal,!
Quebec!H4H!1R3,!Canada!
2
Corresponding!author.!EJmail:[email protected]!
3
!Equipe!d’Accueil!Laboratoire!du!stress!traumatique!(LST!–!EA!4560).!Université!Paul!Sabatier;!170!av.!
De!Casselardit,!TSA40031,!31059!Toulouse!Cedex,!France.!
Abstract
This study investigated whether patients with chronic post-traumatic stress disorder (PTSD) have a
distinct diurnal cortisol profile compared to other traumatized (i.e. trauma-exposed) individuals, and
whether cortisol and severity of PTSD symptoms immediately after trauma exposure predict PTSD status.
Sixty traumatized patients and 26 non-traumatized controls were followed prospectively for 6 months.
Participants were evaluated clinically and a diurnal salivary cortisol profile (four awakening samples, one
afternoon, and one bedtime sample) was established at five time points after the trauma. Participants
were divided into four groups according to their diagnostic status 1 and 6 months post-trauma (nontraumatized controls, remitted PTSD, delayed PTSD, chronic PTSD) and their cortisol profiles and
symptoms severity were compared. Repeated comparisons of awakening cortisol and diurnal amplitude
revealed that awakening cortisol levels were lower in chronic PTSD patients than in any other group.
PTSD symptoms severity and awakening cortisol levels were positively correlated 1 month post-trauma.
The ratio of peritraumatic distress to diurnal cortisol amplitude immediately post-trauma was a useful
measure to identify subjects who later developed chronic PTSD. Patients who developed chronic PTSD
had a distinct awakening cortisol profile compared to other traumatized and non-traumatized subjects.
Studies comparing cortisol levels in healthy controls and PTSD cohorts composed of both chronic cases
and acute cases, and/or lifetime PTSD might give misleading results. The disparity between perceived
stress and an appropriate cortisol stress response might predispose traumatized subjects to chronic
PTSD.
Key-Words
Peritraumatic Dissociation; Chronic PTSD, Cortisol, Longitudinal study
428
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
Résumé
Cette étude avait pour but d’examiner si les personnes souffrantes d’un état de stress post-traumatique
(ÉSPT) chronique ont un profil de cortisol diurne distinct des autres individus traumatisés (c.-à-d. ayant
été exposés à un traumatisme), et si les niveaux de cortisol ainsi que la sévérité des symptômes d’ÉSPT
immédiatement après l’exposition au trauma prédisent le statut de l’ÉSPT. Soixante patients traumatisés
et 26 contrôles non traumatisés ont été suivis prospectivement pendant 6 mois. Les participants ont été
évalués sur le plan clinique et leur profil de cortisol salivaire diurne (quatre échantillons pris à l'éveil, un en
après-midi et un au coucher) a été évalué à cinq occasions suite au trauma. Les participants ont été
divisés en quatre groupes selon le statut de leur diagnostic à 1 et 6 mois post-trauma (contrôle nontraumatisé, ÉSPT remis, ÉSPT différé, ÉSPT chronique) et les profils de cortisol ainsi que la sévérité des
symptômes furent comparés. Des comparaisons répétées entre les niveaux de cortisol diurne et de
l’amplitude diurne ont révélé que les niveaux de cortisol diurne étaient plus bas chez les patients ayant un
ÉSPT chronique comparativement aux autres groupes. La sévérité des symptômes de L’ÉSPT et les
niveaux de cortisols diurne étaient positivement corrélés à 1 mois post-trauma. Le rapport entre la
détresse péri-traumatique et l’amplitude du cortisol diurne immédiatement après le trauma constituait une
mesure utile pour identifier les sujets qui développeront plus tard un ÉSPT chronique. Les patients qui ont
développé un ÉSPT chronique avaient un profil de cortisol diurne distinct des autres sujets traumatisés et
non-traumatisés. Les études comparant les niveaux de cortisol entre des cohortes composées de sujets
contrôles en santé et des sujets ayant un ÉSPT chronique ou aigu, et/ou ayant souffert d’ÉSPT à un
moment de leur vie peuvent conclure à des résultats trompeurs. La disparité entre le stress perçu et une
réponse de stress appropriée au niveau de cortisol pourrait prédisposer les personnes traumatisées à
développer un ÉSPT chronique.!
Mots-clés
Dissociation péritraumatique; ESPT chronique; Cortisol, Étude longitudinale
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
429
BRUNET, A., BIRMES, P., ZIEGENHORN, A.A., BUI, E., PRUESSNER, J.C., & MEANEY, M.J.
Introduction
Although there is a general
consensus that stress-related disorders
such as post-traumatic stress disorder
(PTSD) are associated with alterations of
the hypothalamic-pituitary-adrenal (HPA)
axis, the nature of this relationship remains
unclear. In contrast with studies showing
reduced 24-h urinary cortisol excretion in
PTSD patients compared to controls
(Yehuda et al., 1995; Yehuda et al., 1996;
Heim et al., 1998; Delahanty et al., 2000;
Glover and Poland, 2002; Bierer et al.,
2006), there have been a number of studies
reporting higher cortisol output in PTSD
patients (Pitman and Orr, 1990; Lemieux
and Coe, 1995; Maes et al., 1998; De Bellis
et al., 1999) or no difference between PTSD
and control groups (Baker et al., 1999;
Rasmusson et al., 2001; Young and
Breslau, 2004). In a more recent study
evaluating differences in 24-h urinary
cortisol excretion in 28 holocaust survivors
10 years after obtaining an initial estimate,
cortisol levels were found to be increased in
participants whose PTSD had remitted but
were decreased in participants with chronic
PTSD (Yehuda et al., 2007).
Because measurements of 24-h
urinary cortisol ignore the circadian pattern
of excretion so that group by time-of-day
interactions are obscured, studies with
single point cortisol estimates are better
suited to address this problem. In a study on
2490 Vietnam veterans, Boscarino found
lower 07:00h plasma cortisol levels in
chronic PTSD subjects (Boscarino, 1996;
Yehuda et al., 2007). However, in a recent
study no association was found between
cortisol levels and PTSD (Shalev et al.,
2008), although the late hour of sample
collection during follow-up may have
reduced the likelihood of finding significant
results. In fact, the variety of sampling times
should be acknowledged as a source of
inconsistency in the literature.
In recent years, the use of saliva
cortisol assays to monitor cortisol secretion
over the diurnal period, together with a few
well-controlled studies with repeated
measurements of cortisol in plasma, have
greatly advanced our understanding of the
HPA axis dysregulations associated with
PTSD. Nevertheless, repeated salivary or
plasma cortisol measurements have also
failed to demonstrate a single consistent
pattern in PTSD patients when compared to
controls. In a carefully controlled study,
Yehuda et al. examined the diurnal pattern
of cortisol release in combat-related PTSD,
major depressive disorder, and normal
control individuals (Yehuda et al., 1996),
and found comparable daily amplitudes in all
three groups but lower cortisol levels in the
late evening in PTSD subjects compared to
normal or depressed patients. In a similar
well-controlled study, Bremner et al. (2003)
found a plasma cortisol decrease in PTSD
patients compared to traumatized patients
without PTSD and healthy controls. In
contrast to the aforementioned study by
Yehuda et al., this decrease occurred in the
afternoon hours. In two other studies, a
blunted increase in salivary cortisol levels
after awakening was found in PTSD patients
compared to healthy controls (Rohleder et
al., 2004; Wessa et al., 2006) or to
traumatized individuals without PTSD
(Wessa et al., 2006). Similarly, Neylan et al.
found a significant negative correlation
between awakening salivary cortisol and
PTSD symptoms in active duty police
officers (Neylan et al., 2005), and de Kloet
et al. found a reduced awakening cortisol
response in trauma exposed individuals with
or without PTSD, correlating significantly
with PTSD symptoms (de Kloet et al., 2007).
Taken together, larger studies with
homogeneous samples, particularly those
accounting for diurnal variations in cortisol
secretion, tend to report lower cortisol levels
in PTSD subjects. In contrast, some studies
have failed to replicate this finding (Young
and Breslau, 2004; Inslicht et al., 2006; Olff
et al., 2006), although the composition of the
samples studied may have accounted for
this inconsistency. Young and Breslau
examined awakening and bedtime salivary
cortisol in 172 women and found no
significant differences between trauma-
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
LONGITUDINAL COURSE OF SALIVARY CORTISOL IN POST-TRAUMATIC STRESS DISORDER
exposed women with and without PTSD, or
between women with recent PTSD versus
lifetime PTSD. However, individuals with a
lifetime diagnosis of PTSD outnumbered (59
vs. 10, respectively) those with a current
diagnosis (Young and Breslau, 2004).
Inslicht et al. (2006) found increased
salivary cortisol in patients with PTSD from
intimate partner violence but included both
lifetime and current PTSD, partly with
ongoing traumatization, in their sample. In
the study by Olff et al. (2006), the time
between index trauma and cortisol
measurements varied between 3 months
and 5 years so that chronic and acute cases
were again mixed.
disorder or schizophrenia; (ii) currently
suffering from a major depressive disorder;
(iii)
current
alcohol
or
substance
abuse/dependence problems; (iv) suspected
or confirmed diagnosis of traumatic brain
injury; and (v) physical injury or illness
requiring hospitalization in the intensive care
unit, grossly altering the neuroendocrine
system, affecting recall, or preventing early
interviewing.
To summarize the above, it is
suggested that the inconsistencies in the
literature are, in part, caused by
methodological
issues
of
cortisol
measurement and by the diagnostic status
of the PTSD samples studied. In this study,
it was hypothesized that patients with a
different diagnostic status of PTSD might be
distinguished on the basis of their basal
HPA profile. More specifically, it was
predicted that morning cortisol levels
examined prospectively over the course of 6
months would be lower in chronic PTSD
patients compared to trauma-exposed
individuals (delayed PTSD, remitted PTSD,
or no PTSD), or to subjects never exposed
to a traumatic event.
2.2. Procedure and group formation
2. Methods
2.1. Participants
Adult participants (18−65 years old)
were
recruited
via
the
emergency
department of a large urban hospital.
Inclusion criteria included: (i) satisfying
criteria A1 and A2 of the Diagnostic and
Statistical Manual of Mental Disorders
(DSM-IV-TR) for trauma exposure; (ii)
Understanding either French or English; and
(iii) living within the greater Montreal area.
Exclusion criteria included: (i) presence of a
severe mental disorder such as bipolar
In addition to 60 trauma-exposed
participants meeting such criteria, 26
individuals presenting at the emergency
department for minor medical emergencies
were enrolled as controls.
The social worker of the emergency
department asked all potential study
participants if they would agree to the visit of
a psychologist seeking their participation in
a study, which had been approved by McGill
University research ethics board. Written
informed consent was obtained from all
participants. Participants were asked to
provide six saliva samples over the course
of a single day, on average 5 days posttrauma, and at four subsequent time points
(1, 2, 4, and 6 months post-trauma).
Salivary cortisol was chosen because it
strongly correlates with free serum cortisol
while avoiding the stress of venipuncture,
and samples can be self-collected and are
easily handled without compromising the
value of corticosteroid analysis (Kirschbaum
and Hellhammer, 1994). On each of the five
saliva collection days, samples were
collected using Salivettes (Sarstedt Inc.,
Newton, NC) 1, 30, 45, and 60 min after
awakening, in the afternoon (8 h after
awakening), and at bedtime. Participants
were carefully instructed on the collection
procedure (Kirschbaum and Hellhammer,
1994). Samples were immediately returned
by mail and stored at -78°C until assay.
The diagnosis of PTSD was
established
using
a
semi-structured
interview conducted by an experienced
clinician at the Douglas Institute. The study
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
431
BRUNET, A., BIRMES, P., ZIEGENHORN, A.A., BUI, E., PRUESSNER, J.C., & MEANEY, M.J.
groups were formed at the end of the study
according to the participants’ combined
PTSD diagnostic status (Yes or No) 1 and 6
months after trauma exposure. This
procedure yielded four groups in addition to
the control group ("CTRL", n=26): "traumaexposed, and no PTSD at either time point"
("NN", n=32), "acute PTSD in remission"
("YN", n=10), "delayed PTSD" ("NY", n=9),
and "chronic PTSD" ("YY", n=9).
2.3. Measures
For
the
general
assessment
including demographics and medication use,
a study-specific semi-structured interview
was
conducted.
The
self-report
peritraumatic distress inventory (PDI; Brunet
et al., 2001) and peritraumatic dissociative
experiences questionnaire (PDEQ; Marmar
et al., 1997) were used to measure distress
and dissociation experienced around the
time of trauma exposure. The Clinician
Administered PTSD Scale (CAPS) semistructured interview was used to assess
PTSD diagnosis and symptoms severity.
The abridged version of the Beck
Depression Inventory (BDI; Beck and Beck,
1972) was used to statistically control for
current depressive symptoms. Salivary
cortisol
was
measured
using
a
radioimmunoassay (RIA) with documented
validity and reliability (Dressendorfer et al.,
1992). Steroids were ethanol-extracted and
assayed using a DSL-2000 cortisol RIA
(Diagnostic Systems Laboratories Inc.,
Websler, TX, USA) modified for saliva. The
laboratory has established an inter-assay
variation of 5% with this test. Finally,
cortisol-binding globulin (CBG) levels were
also measured in a randomly drawn subsample of participants (n=29).
2.4. Statistical analyses
To test the main hypothesis, an
"awakening cortisol" variable was created by
computing the area under the curve (AUC)
for the four morning saliva samples
collected in a single day at each of the
study’s five measurement times. MANOVAs
for repeated measurements were used to
432
analyze the data. Mean diurnal cortisol
amplitude (i.e. cortisol peak minus nadir)
across the groups was compared by
ANOVA. The non-parametric Kruskal-Wallis
test was used to test for differences in CBG
levels in a small sub-sample of participants.
Finally, a peritraumatic distress to cortisol
ratio (PDI score divided by cortisol diurnal
amplitude)
reflecting
the
relationship
between perceived stress during a
traumatizing event and neuroendocrine
response was also computed. For all tests
the significance level was set at p ≤ .05
(two-tailed tests). All analyses were
conducted using the SPSS statistical
package (SPSS Inc., Chicago, USA).
3. Results
3.1. Characteristics
population
of
the
study
Out
of
119
trauma
victims
approached during the enrolment period, 59
declined to participate or were not eligible
yielding a final sample of 60 traumaexposed participants (50.4%). Twenty-six
control subjects were included out of the 35
approached. The mean age of the
participants was 37 ± 13 years and 45%
were male. The study groups differed
significantly according to ethnicity (p < .01)
and level of education (p < .05), while there
were no differences according to age,
gender, or marital status. Post-hoc tests
indicated that the CTRL group contained
more non-Caucasians than the NN and NY
groups, and that participants in the CTRL
group had a higher level of education
compared to the NN and YN groups. Most
traumatic events were motor vehicle
accidents (n=38), followed by work-related
accidents (n=8), physical violence (n=6),
and sports accidents (n=2). Two cases were
witness to serious traumatic events. Four
participants had ‘other’ types of traumatic
experiences.
The
demographic
characteristics of the study participants are
summarized in Table 1.
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
LONGITUDINAL COURSE OF SALIVARY CORTISOL IN POST-TRAUMATIC STRESS DISORDER
3.2. Psychometric variables
There were no between-group
significant differences in peritraumatic
distress or peritraumatic dissociation
although patients developing an acute or
chronic disorder had nominally higher
distress (d = .41 and d = .60, respectively)
and dissociation (d = .41 and d = .73,
respectively) scores at the outset. As
expected, PTSD symptoms scores differed
significantly between the groups 1 month (p
< .01) and 6 months (p < .01) post-trauma.
As shown in Fig. 1a, the YY and YN groups
reported higher mean PTSD symptoms
scores than the other groups 1 month posttrauma (p < .01), while the YY (chronic) and
NY (delayed) groups reported higher PTSD
symptoms scores than the other groups 6
months post-trauma (p < .01). As expected,
the mean depressive symptom score in the
CTRL group was significantly lower than in
the other study groups (p < .001) 1 month
post-trauma. Further post-hoc tests failed to
demonstrate that the depression scores of
patients diagnosed with PTSD or developing
PTSD at a later point in time differed
significantly from each other 1 month after
the traumatic event.
3.3. Cortisol measurements
Less than 5% of the 2580 cortisol
samples were missing. A repeated measure
comparison of awakening cortisol values
between the groups over the 6 months
revealed a significant group effect, F(4, 81)
= 10.27, p < .001, and a group by time
interaction, F(16, 324) = 2.04, p < .05, while
there was no main effect for time, F(4, 324)
= 1.66, n.s. (see Fig. 2). Post-hoc testing
indicated that awakening cortisol levels were
significantly lower in the chronic PTSD (YY)
group compared to any other group. This
result did not change when depressive
symptoms were controlled for.
Similarly, the groups differed in daily
cortisol amplitude, F(4, 81) = 6.88, p < .001,
with participants in the chronic PTSD group
displaying the lowest amplitude compared to
the other groups, with the exception of the
NY group. Furthermore, a time by group
interaction was found, F(16, 324) = 2.14, p <
.01, while there was no significant main
effect for time, F(4, 324) = 1.71, n.s.. These
results did not change when depressive
symptoms were controlled for.
In order to examine the relationship
between PTSD symptoms severity and
awakening cortisol levels total PTSD
symptoms (CAPS) score was correlated
with the AUC value for awakening cortisol
for all subjects. At 1 month post-trauma this
correlation was positive and significant (r =
.30, p < .05), suggesting that more severe
PTSD symptoms are associated with higher
awakening cortisol levels (Fig. 3). This result
remained significant when the correlation
was adjusted for depressive symptoms. A
non-significant negative correlation was
observed 6 months post-trauma (r = -.17,
n.s.) suggesting that cortisol levels ceased
to be positively correlated with PTSD
symptom levels (Fig. 3). Similarly, PTSD
symptoms severity at 1 month post-trauma
was positively correlated with daily cortisol
amplitude (r = .34, p < .01), while at the 6month measurement time there was a nonsignificant trend that this relation had
reversed to a negative correlation (r = -.25, p
= .06).
3.4.
Cortisol-binding
measurements
globulin
To rule out the possibility that the
differences in cortisol concentrations were
secondary to inter-individual differences in
CBG concentrations (Kanter et al., 2001),
CBG concentration was measured in a subsample of 29 participants randomly drawn
across all groups. This analysis revealed no
inter-group differences, x2(4, N=29) = 3.82,
n.s.
3.5. Peritraumatic distress to cortisol
ratio
To explore the relationship between
perceived stress during the trauma and the
initial neuroendocrine response (5 days
post-trauma), a compound measure was
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433
BRUNET, A., BIRMES, P., ZIEGENHORN, A.A., BUI, E., PRUESSNER, J.C., & MEANEY, M.J.
computed: the peritraumatic distress to
cortisol ratio (PDI score divided by cortisol
diurnal amplitude). A significant difference
was observed between the groups, F(3, 59)
= 5.63, p < .01, with the chronic PTSD group
having significantly higher ratios than any of
the other groups (Fig. 4a). To determine
whether this variable might represent a
useful test in view of its sensitivity and false
positive results the receiver operating
characteristic (ROC) curves were also
analyzed; these also proved to be significant
with an AUC = .83, p < .01 (Fig. 4b). The
results were similar when the ratio of PDI to
awakening cortisol was used because of the
strong correlation between awakening
cortisol and diurnal cortisol amplitude, r =
.89, p < .001. Thus, by using this ratio
traumatized participants who would later
develop chronic PTSD ("YY") could be
identified soon after trauma exposure.
4. Discussion
This study is one of the few
prospective longitudinal studies on diurnal
salivary cortisol levels over at least 6
months in a sample of civilian trauma
survivors satisfying the DSM-IV-TR trauma
criteria and healthy controls. On the basis of
a blunted awakening salivary cortisol
response, patients developing chronic PTSD
could be distinguished from all other
traumatized participants including those
remitting from acute PTSD within the 6
month period, patients developing delayedonset PTSD, and subjects not developing
PTSD after a major trauma. A blunted
awakening cortisol response in PTSD
subjects in comparison to healthy controls is
in line with most (Rohleder et al., 2004;
Neylan et al., 2005; Wessa et al., 2006; de
Kloet et al., 2007; Freidenberg et al., 2009),
but not all (Lindley et al., 2004; Inslicht et al.,
2006; Laudenslager et al., 2009) previous
studies. To date, no studies have followed
traumatized individuals prospectively by
comparing HPA axis parameters of subjects
with chronic PTSD to those of other
traumatized individuals.
434
Our findings suggest that patients
with chronic PTSD are distinct from other
recently traumatized individuals since they
exhibited significantly reduced awakening
cortisol concentrations and a reduced
diurnal cortisol secretion amplitude. Whether
low cortisol should be considered a risk
factor for PTSD, as proposed by some
authors (Yehuda et al., 2000), cannot be
fully ascertained from our study results.
However, two major indicators suggest that
low basal cortisol or a blunted increase in
cortisol around the time of the trauma might
be a risk factor in the chronic PTSD group.
First, the lower cortisol level in the chronic
group was stable over time, and second,
when the cortisol response was compared in
relation to the perceived distress between
groups immediately after the trauma, the
disparity between peritraumatic distress and
cortisol response was significantly greater in
the chronic group. This finding is consistent
with other recent studies examining cortisol
immediately after a traumatic event and
supports the idea that low cortisol may be a
risk factor for PTSD rather than a
consequence of the trauma, or that earlier
trauma alters the HPA axis to prepare the
ground for psychopathological reactions
after subsequent trauma (Yehuda et al.,
1998; Delahanty et al., 2000; AardalEriksson et al., 2001; Bierer et al., 2006). Of
particular interest is the study by AardalErikson et al., which had a similar study
design to ours, although the lower
symptoms severity levels and smaller
sample size obviously limited their analytic
options (Aardal-Eriksson et al., 2001).
These authors studied salivary cortisol in 31
traumatized participants immediately after a
traumatic event and followed over 9 months.
Analyses of variance for repeated
measurements demonstrated that the subsample with increased post-traumatic stress
had significantly lower salivary cortisol levels
at 08:00h and higher levels at 22:00h
compared to the sub-sample with lower
post-traumatic stress over the 9 month
period. This could be interpreted as a
decrease in the diurnal cortisol amplitude in
highly stressed traumatized individuals,
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
LONGITUDINAL COURSE OF SALIVARY CORTISOL IN POST-TRAUMATIC STRESS DISORDER
which is consistent with the interpretation of
our results, and suggests that the disparity
between low cortisol excretion and high
peritraumatic distress may be a risk factor
for chronic PTSD. Further support for the
hypothesis that HPA axis alterations are a
risk factor for PTSD comes from studies
associating previous trauma exposure with
low cortisol (Resnick et al., 1995) and from
studies on possible transgenerational
transmission of alterations in HPA axis
parameters, possibly through glucocorticoid
programming (Seckl and Meaney, 2006),
occurring in the offspring of holocaust
survivors (Yehuda et al., 2000), a large
proportion of whom are known to suffer from
chronic PTSD symptoms.
The stability of lower cortisol levels in
the chronic group implies that this group
lacks putative hormonal adaptive responses
to a traumatizing event in comparison to
other groups. In our study, changes in
cortisol over time in other groups were noted
on a descriptive level, but group differences
at each sampling time were often not
significant so that no single consistent
pattern could be identified due to the small
sample size of the sub-groups (Fig. 2 b-f). It
is noteworthy nonetheless that the PTSD
patients who remitted within 6 months (YN
group) showed an increase in awakening
cortisol secretion early after the trauma,
while in patients developing delayed-onset
PTSD (NY group) a small increase was
seen at a later point in time (Fig. 2c, d).
Similarly, the small positive correlation
between PTSD symptoms severity and
awakening cortisol response was mainly
driven by the group of individuals recovering
from PTSD (YN group) (Fig. 3a). The
differences in genetic and epigenetic makeup of trauma victims might translate into
differences in an adaptive cortisol response
and determine the propensity to remit from
the disorder or to develop a chronic
condition. This might also explain some of
the inconsistencies in cortisol studies during
acute PTSD since studies with a higher
proportion of patients who will later develop
chronic PTSD would be, according to our
hypothesis, more likely to demonstrate
significant differences between PTSD and
comparator groups. Accounting for this
possible phenomenon in future studies of
acute PTSD might prove difficult since it
may not be possible to determine the
proportion of trauma victims at risk of
chronic PTSD a priori, and adds to the
complexity of evaluating a vast array of
factors
in
study
outcomes.
This
consideration argues for more longitudinal
studies with longer follow-up times and posthoc and sub-group stratification.
Some important limitations of the
present study should be considered in the
design of future studies. Although the
number of traumatized patients followed
prospectively was larger than in other
studies examining diurnal salivary cortisol
over a period of several months, and
although our sample was stratified, the
number of participants in the sub-groups
remains relatively low. Thus, biologically
meaningful differences between the subgroups might have been obscured by the
high variance in cortisol measurements.
Notwithstanding the small number of
participants, the sub-groups appear to be
clearly distinguishable on the basis of their
CAPS scores (Fig. 1a). Compliance with
instructions regarding the cortisol sampling
procedure, including smoking and use of
alcohol, could not be reliably assessed.
Waking times and duration of sleep were
recorded, but sleep-related variables have
been shown to be negligible if sampling is
not done at fixed time points but is
performed in relation to the subject’s actual
time of waking (Boscarino, 1996). Over the
past decade, many factors have been
shown to influence HPA axis parameters to
some degree although the picture is far from
being consistent for most in PTSD. Although
patients with a major depressive disorder
were excluded and depressive symptoms
were controlled for, we did not control for
smoking and contraception. However,
recent studies in normal controls (Wust et
al., 2000) and in PTSD patients (Young and
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
435
BRUNET, A., BIRMES, P., ZIEGENHORN, A.A., BUI, E., PRUESSNER, J.C., & MEANEY, M.J.
Breslau, 2004; Wessa et al., 2006) failed to
show any influence of these two variables.
In summary, the results of the
current study are consistent with previous
research demonstrating a relationship
between PTSD and lower levels of cortisol
secretion, and with hypotheses proposing
lower cortisol levels as a risk factor for
PTSD. In particular, our data indicate that
the HPA axis is altered more in patients with
chronic PTSD compared to other patient
groups, and that the disparity between level
of perceived peritraumatic distress and level
of adaptive neurohormonal responses might
be a risk factor for chronic PTSD.
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Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
LONGITUDINAL COURSE OF SALIVARY CORTISOL IN POST-TRAUMATIC STRESS DISORDER
Title of Fig. 1. Post-traumatic stress symptoms severity (CAPS score) over 6 months.
Note for Fig. 1 : Indicator bars delimit the 95% confidence intervals. Groups are named
according to PTSD diagnostic status 1 and 6 months post-trauma: NN = trauma-exposed, no
PTSD; YN = remitting PTSD; NY = delayed PTSD; YY = chronic PTSD.!
!
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
439
BRUNET, A., BIRMES, P., ZIEGENHORN, A.A., BUI, E., PRUESSNER, J.C., & MEANEY, M.J.
Title of Fig. 2. Cortisol levels at awakening, 8 h after awakening, and at bedtime over 6
months.
Note for Fig. 2: Groups are named according to PTSD diagnostic status 1 and 6 months
post-trauma: NN = trauma-exposed, no PTSD; YN = remitting PTSD; NY = delayed PTSD;
YY = chronic PTSD. Salivary cortisol: (a) main effect over 6 months, indicator bars delimit the
95% confidence intervals; (b) 5 days post-trauma; (c) 1 month post-trauma; (d) 2 months
post-trauma; (e) 4 months post-trauma; (f) 6 months post-trauma.
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
440
LONGITUDINAL COURSE OF SALIVARY CORTISOL IN POST-TRAUMATIC STRESS DISORDER
Title of Fig. 3. Relationship between post-traumatic stress disorder symptoms severity and
awakening cortisol levels.
Note for Fig. 3: (a) 1 month post-trauma (r = 0.3, p < .05); (b) 6 months post-trauma (r =
0.17, n.s.).
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
441
BRUNET, A., BIRMES, P., ZIEGENHORN, A.A., BUI, E., PRUESSNER, J.C., & MEANEY, M.J.
Title of Fig. 4. Peritraumatic distress to cortisol ratio immediately after the trauma.
Note for Fig. 4: Peritraumatic Distress Inventory score divided by diurnal amplitude 5 days
post-trauma. (a) Comparison of the ratio between groups, indicator bars delimit the 95%
confidence intervals, *p < .01. (b) Receiver operating characteristic (ROC) curve for the
prediction of chronic post-traumatic stress disorder (AUC = 0.83, p < .01).
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
442
LONGITUDINAL COURSE OF SALIVARY CORTISOL IN POST-TRAUMATIC STRESS DISORDER
Table 1. Demographic characteristics of the study population
Measure
Study group
Test statistic
Control
NN
YN
NY
YY
(n=24)
(n=32)
(n=10)
(n=9)
(n=9)
M
SD
M
SD
M
SD
M
SD
M
SD
F
df
p
Age
34.38 11.18
37.38 12.17
44.3
13.58
32.78
13.65
36.44
14.41
1.38
4, 83
.25
Years of education
14.73
2.63
12.67
2.3
11.85
3.71
13.0
2.96
12.28
3.31
2.97
4, 83
.02
Peritraumatic distress
score
n/a
n/a
22.25
8.24
25.7
8.92
21.11
4.86
27.11
7.49
1.43
3, 59
.24
Peritraumatic
dissociation score
n/a
n/a
20.62
9.39
24.8
11.12
21.0
7.68
26.89
5.44
1.46
3, 59
.23
Χ2
df, N
p
Gender (% female)
63
38
70
56
78
7.29
4, 84
.12
Ethnicity (% Caucasian)
62
97
90
100
67
13.65
4, 84
.01
Marital status (% living
in partnership)
33
58
60
33
33
5.32
4, 83
.26
NN:!trauma1exposed,!no!post1traumatic!stress!disorder!(PTSD);!YN:!acute!PTSD!in!remission;!NY:!delayed!PTSD;!YY:!chronic!PTSD;!M:!mean;!SD:!
standard!deviation;!n/a:!not!applicable
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
443
DUCKWORTH, K.
Journal International De Victimologie
International Journal Of Victimology
(Tome(9,(numéro(3((Hiver(2011)(
Dissociation:
Conceptualization, Causes, and Treatment
DUCKWORTH, K..1 [CANADA]
Auteur
1
Université Sherbrooke
Abstract : This paper will focus on trauma-related dissociation of the personality. It is essential for mental
health professionals to have a basic accurate understanding of what dissociation is (and is not), to
recognize it, and to promote management of it during and between psychotherapeutic interventions.
Differentiating alterations in consciousness from structural dissociation of the personality is crucial in
formulating conceptualizations of clients’ problems, a treatment plan, and assessing risk. The wide range
of experiences and phenomena involving alterations in consciousness that have been labeled (or
mislabeled) as dissociation will be discussed. A conceptualization recently formulated and widely lauded
because of its clarity and capacity to unify symptoms, psychobiological mechanisms, and treatment is
presented. This is elaborated to describe and explain the causes and developmental pathways of traumarelated dissociation.
A phased-treatment approach is presented that is consistent with this
conceptualization with an emphasis on preparation and stabilization for trauma processing work. This
paper concludes with a brief reflection on how the ideas and knowledge about trauma processing and
dissociation might apply to the experiences and psychological treatments of people with severe and
chronic breathing disorders.
Key words: Dissociation; Trauma; Psychotherapy; Conceptualization
:
444
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!
DUCKWORTH, K.
The
French psychologist and
philosopher Pierre Janet is credited with
having been the first to use the term
“dissociation”
to
describe
how
the
experience of a severe trauma can exist
(and persist) in a separate part of the
personality that seems to remain excluded
from the victim’s conscious awareness and
normal daily functioning (Forgash & Knipe,
2008; van der Kolk et al., 1996). He also
observed that the trauma can manifest as
anxiety,
conversion
symptoms,
and
avoidance behaviors and that the victim’s
conscious awareness can be invaded by
intrusions of the unprocessed trauma
memory.
Since Janet, the term dissociation has
been used by different authors to refer to a
widening range of mental and psychological
phenomena, symptoms, and mechanisms
that
underlie
common
shifts
in
consciousness to the point that there seems
to be a lack of consensus and conceptual
clarity as to what dissociation is and what it
is not.
Recently, a team of researcher-clinicians
(van der Hart et al., 2004) described and
proposed a clear conceptualization and
theory of dissociation that promotes
understanding and treatment. This will be
elaborated here.
These authors are critical of current
views of dissociation arguing that they are
either over-inclusive, under-inclusive, or
both. For example common alterations in
consciousness such as daydreaming, deep
absorption in thought, or being “spaced out”
have been referred to as dissociation. Many
alterations in the level or field of
consciousness occur which bear some
resemblance to dissociative symptoms but
which
are
in
fact
non-dissociative
phenomena. Level of consciousness refers
to the intensity with which a person is
focused on something, that is, how “tuned
in” they are.
Field of consciousness
pertains to how broad or narrow their
conscious awareness is at a given moment,
that is, the range of stimuli to which they are
attuned. These shifts can be adaptive or
maladaptive depending on the context and
task at hand. For example, in preparing for
an important exam, it is adaptive to maintain
a high level of attention on only the material
to be covered in the exam (and not the
hockey game on television). It would be
maladaptive, however, to maintain this focus
while in bed the night following that exam.
In this situation, not paying particular
attention to anything while conscious
awareness drifts loosely would be more
adapted to achieving the much-needed rest.
Whether adaptive or not, van der Hart and
colleagues (2004) do not include these
shifts in level of consciousness in their
conceptualization of dissociation.
Other examples of over-inclusiveness for
the concept of dissociation are the
phenomena of depersonalization and
derealization (van der Hart et al., 2004).
Depersonalization is the experience of
feeling detached from one’s body or self as
if one is an outside observer of one’s
thoughts or actions (American Psychiatric
Association, 1994).
Derealization is an
alteration in the experience or perception of
the outside world so that it seems strange or
unreal. Both can result from fatigue, stress,
consuming alcohol or drugs, intense
exercise, or a deep state of relaxation. The
literature has often referred to these
experiences as dissociation instead of
alterations in consciousness during which
the personality remains well integrated.
Steinberg (1994), however, distinguishes
pathological
from
non-pathological
depersonalization by describing the former
as dissociation between an observing ego
and an experiencing ego.
Just as current views of dissociation
include many phenomena that are not truly
dissociative, they also disclude important
phenomena that are manifestations of
trauma-related dissociation.
Van der Hart and colleagues (2004)
explain that dissociation involves the
presence of both negative and positive
DUCKWORTH, K.
symptoms. Some negative symptoms are
amnesia, loss of motor control, inability to
speak, and loss of somatic feeling. Positive
dissociative
symptoms
can
include
intrusions,
bodily
sensations,
reexperiencing parts of a trauma, and hearing
a voice commentary on what is occurring.
Many of these positive and negative
symptoms
are
not
recognized
as
dissociative symptoms in the literature.
Intrusions imply a lack of integration of
experience by different parts of the
personality, yet are often not recognized as
a manifestation of dissociation (though they
are essential to a diagnosis of PTSD) (van
der Hart et al., 2004). It is sometimes
suggested in the literature that dissociation
is a healthy defense against a person
becoming overwhelmed by a trauma
memory and not being able to function.
However, as van der Hart and colleagues
point out, those who view dissociation as a
defense are only considering
negative
symptoms and are not addressing positive
symptoms such as intrusive memories and
negative emotions and spontaneous reexperiencing of the trauma. In the end, a
lack of processing and integration is a deficit
more than a defense.
Van der Hart and colleagues also point
out that most views of dissociation focus on
psychoform dissociative symptoms involving
memory, awareness, and identity; and tend
to overlook somatoform symptoms, which
have to do with functions of movement and
sensation. Positive somatoform dissociative
symptoms
such
as
re-experiencing
sensorimotor aspects of the trauma (like
pain, falling, burning, difficulty breathing,
numbness) are especially overlooked in the
more recent literature. The authors point
out that this is surprising as these
dissociative symptoms were so prevalent
during World War One (known then as
shellshock).
As elaborated above, these authors
argue that there is a misunderstanding and
lack of conceptual clarity in the literature
446
about the concept and phenomenon of
dissociation.
Inspired by Janet’s view, these authors
propose the following conceptualization for
dissociation: “The essential and primary
form
of
trauma-related
structural
dissociation of the personality is a lack of
integration between the parts of the
personality that are mediated by daily life
action systems and defensive action
systems as a result of threat to bodily
integrity and threat to life.
The action
tendencies involved in these two sets of
action systems tend to inhibit each other
once they are strongly evoked, hence are
not easily integrated in circumstances of
major threat, particularly chronic threat.”
(van der Hart et al., 2004, p. 909).
In other words, there are distinctive parts
of the single personality that are based on
psychobiological (or neurological) systems
that developed over the course of human
evolution which are inborn and have specific
functional action tendencies. Two basic
parts can be distinguished. The first is an
action system that is responsible for the
many functions of daily life, such as: eating,
sleeping, social interaction, work, play,
sexuality and reproduction, and rearing
one’s children. This system ensures the
survival of the species.
The second system is a defensive action
system devoted to the survival of the
individual that is activated in the face of
danger and threats. Its functions include
fighting, fleeing, submitting, vigilance, and
wound care.
This system has several
subsystems including one to prevent
separation from caregivers, evident in
children’s attachment cries. Based on an
earlier work by Charles Myers, a World War
I psychologist, van der Hart and colleagues
(2004) labeled these two main emotional
operating systems the “apparently normal
part” (ANP) of the personality, which is
dedicated to daily functioning, and the
“Emotional Part” of the personality,
dedicated to defense. Normally, these two
main action systems function in an
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!
DISSOCIATION
integrated fashion with each system being
aware of the other and the EP only
becoming activated when there is a real and
current threat. Following such an incident,
the ANP can access the nonverbal
emotional and sensory contents of EP and
accommodate and assimilate this material
into narrative memory.
Trauma-related structural dissociation
results when there is a lack of integration
between these two basic systems or
between several of their subsystems. This
occurs following an event (or repeated
events) that is experienced as a serious
threat to one’s physical integrity or survival.
From that point forward, the EP can become
fixated in defensive action with attention
locked on the trauma. This part continues to
experience the trauma as a current event.
The ANP also changes from the moment of
a severe trauma experience in that it
becomes phobic and avoidant of the EP and
the active memories it contains. Just as the
EP’s attention becomes primarily focused on
the trauma, the ANP’s attention and
awareness becomes fully focused on trying
to appear normal and on functioning in daily
life. The ANP’s phobic avoidance of the EP
is an attempt to prevent becoming
overwhelmed and unable to function.
Unfortunately, this phobic avoidance of
intrusive images and feelings of the trauma
held in the EP can generalize through
classical conditioning mechanisms. This
can occur when certain unavoidable aspects
of daily life become conditioned stimuli
associated with the unconditioned stimuli of
the trauma (held in active form in the EP).
The ANP experiences mainly negative
dissociative symptoms such as amnesia,
paralysis, and inhibition, which are related to
phobic avoidance. The EP is characterized
by positive manifestations of dissociation
such as sudden dissociative intrusions of
traumatic material into the ANP also known
as flashbacks.
Van der Hart et al. (2004 & 2006)
propose three prototypical levels of
structural dissociation corresponding to
particular trauma-related disorders and an
increasing lack of integration of the
psychobiological systems that make up the
personality.
Primary structural dissociation involves
division of the personality into a single ANP
and a single EP in which the trauma
experience is stored.
This level of
dissociation is normally associated with
simple PTSD, basic acute stress disorder,
and simple dissociative amnesia. Usually,
the personality was well integrated and
functioning before the trauma episode.
Secondary structural dissociation is
usually due to a more severe or prolonged
trauma experience.
It consists of
dissociation of the personality beyond a
single EP and ANP. There are usually
several subdivisions of the EP with each
attuned to a narrower field of awareness of
defensive interests (seeking safety, fight,
escape, or submit). Secondary dissociation
is seen with more severe and complex
trauma-related disorders such as complex
PTSD (DESNOS) and can be observed in
borderline personality disorder (van der Hart
et al., 2004).
In tertiary structural dissociation, there is
division of both the ANP and EP. This
category is limited to dissociative identity
disorder (DID).
Several unavoidable
aspects of daily life become associated to
the trauma and cause the ANP to divide into
several dissociated parts in an attempt to
maintain normal functioning. The field of
consciousness of each ANP can become
limited to the particular function it assumes
(such as work, caretaking, etc.).
Persistence of structural dissociation is a
hallmark of trauma-related disorders and
one might wonder why a process of
integration sometimes does not occur
naturally over time.
The aforementioned generalization through
classical fear conditioning of stimuli
perceived as threatening helps maintain
structural dissociation.
The phobic
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
447
DUCKWORTH, K.
avoidance and rejection of EPs and ANPs
by each other also interfere with normal
integrative tendencies. Van der Hart and
colleagues (2004) also propose that the
absence
of
social
support
and
acknowledgement of the trauma and its
impact (or worse, blaming the victim) can
also promote the maintenance of structural
dissociation as a means of coping alone.
This seems especially significant in the
development and persistence of traumarelated dissociation in childhood.
In infants and children, the sense of self
is state-dependant and therefore constantly
changing.
Children lack the ability to
integrate their experiences into a coherent
sense of self, as brain structures supporting
these functions are not fully developed. As
a result, the integration of a sense of self
and cohesion of different behavioral states
relies heavily on dyadic interaction within a
context of secure attachment. If a child
experiences an event as traumatic,
containment of emotion and modulation of
physiological arousal occur through a
caretaker’s witnessing and responding
compassionately to the child’s inner
experience (Forgash &Knipe, 2008). If the
child experiences trauma in the context of a
disorganized and negative attachment style,
the child will learn to numb as a way to
cope. If there is severe neglect or if the
caregiver is abusive, there can be frequent
and rapid activation of the distinct
psychobiological action systems of the ANP
(attachment and daily functioning) and the
EP (for defense and survival when under
threat). Being separated from the caregiver
can activate the attachment system of the
ANP and being in the presence of the
abusive caretaker can activate the defense
system of the EP (Liotti, 2006). Because
the child depends on the abusive caretaker
for survival, a pattern of chronic structural
dissociation can develop and maintain. This
is the common pathway to the development
of tertiary structural dissociation and DID
(Steele et al., 2005; van der Hart et al.
2004).
448
Treatment
Interventions for trauma-related structural
dissociation occur within the context of
treating clients who meet the criteria for the
proposed
diagnosis
of
Complex
Posttraumatic Stress Disorder (Complex
PTSD) or Disorders of Extreme Stress, Not
Otherwise
Specified
(DESNOS)
and
emphasize client stabilization and safety as
well as careful management of the risk for
dissociation and retraumatization during
therapy.
A three-part phase model of treatment,
originally proposed by Pierre Janet in the
early 20th century, is the standard approach
generally adopted and recommended in
most of the current literature on
psychotherapeutic interventions for trauma
and trauma-related dissociation (Chu, 2007;
Courtois 1999; Herman, 1992; International
Society for the Study of Dissociaton, 2005;
van der Kolk et al., 1996).
The goal of the first phase is stabilization
and strengthening of clients’ ability to
tolerate trauma-related memories, emotions
and bodily sensations in preparation for
trauma work. The task of the second phase
is to access and successfully process the
traumatic experiences thus transforming
them from implicit emotional memory to
explicit semantic memory. Experiencing a
more integrated self that engages and
interacts more fully and safely with others
and the world is the goal for phase three.
Following are descriptions of several
prominent treatment methods that promote
stability and self-regulation in clients at high
risk
for
dissociation
during
psychotherapeutic treatment.
Several methods are employed in phase
one to help reduce clients’ distressing
symptoms and prepare them for the intense
and difficult work of reprocessing their
traumatic experiences. The main goal of
phase one is skill building for symptom
management.
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!
DISSOCIATION
Psychoeducation. Psychoeducation is
used to teach clients about the symptoms of
trauma (and dissociation) and how they can
be resolved, thus helping clients to
understand and engage more fully in the
therapy process. It is very important to
establish from the outset that the client and
therapist work collaboratively (the client has
some control) to maintain a manageable
pace, a sense of safety, and that the
therapist will remain attuned and respectful
of clients’ needs and healthy choices
throughout the therapeutic process. Clients,
with all their ego states, need to know that
their consent will be needed before
proceeding with any procedures or
processing in their therapy. Information can
be provided about what trauma is and how it
impacts a person’s mind, body, and
behavior; and about dissociation and how it
involves different parts of the self or “frames
of mind” that can arise as a way to try to
cope. Clients can be taught about how
different ego states (some well functioning
and
adaptive)
can
co-exist.
Psychoeducation
can
even
include
explanations about how different aspects of
memory get stored in different neural
networks and structures by using metaphors
and analogies. This information can shift
the focus from something “being wrong” with
clients to their understanding their
experiences as normal human responses to
trauma. Turkus and Kahler express this
well: “Psychoeducation, as interpretation,
can transform a worried patient’s ‘weird,
crazy experience’ into a lesson about
normal human biology...” (Turkus & Kahler,
2006, p. 247). Carefully chosen readings for
clients or the use of a workbook or journal
can further their understanding and spark
discussion in therapy.
Self-regulation, Containment, and
Pacing. Self-regulation, containment, and
pacing are all geared towards promoting a
sense of control and stability during the
initial phase of treatment. Self-regulation of
feelings and thoughts involves learning the
skill of observing (while or just after
experiencing) them, being able to identify
and name them and give them a context.
This includes clients’ developing the ability
to recognize and report when they start to
dissociate and to gradually be able to selfregulate and remain present.
Recognizing that thoughts and feelings
exist on a continuum of intensity and that
they grow and fade away can be the
beginning of understanding, control, and
tolerance instead of phobic avoidance of
memories and feelings.
Helping clients
recognize and explore ambivalence as a
normal and understandable experience can
eventually help make the barriers between
dissociated
parts
more
permeable.
Instruction on how clients can modulate
affect and thoughts is an important focus of
phase one. This can include just noticing a
feeling as an observer and staying with it
until it eventually begins to fade. Exploring
some self-soothing strategies such as taking
a walk, doing abdominal paced breathing,
using containment imagery such as an
“affect dial” (Forgash & Knipe, 2008; Kluft,
1993), visualizing a negative feeling
“draining off” into the universe, or simply
focusing on drinking a soothing cup of tea
are examples of emotion regulation skills
(Turkus & Kahler; Chu).
Grounding Skills. It is essential that
clients also acquire grounding skills in phase
one to assist them in maintaining contact
with the present reality, thereby preventing
recurring dissociation and being consumed
by reliving their trauma. Turkus and Kahler
(2006) distinguish two sets of grounding
skills: sensory awareness and cognitive
awareness. Sensory awareness grounding
skills make use of the five senses to help
maintain or return to a present focus.
Examples are having a well-lit office, having
clients maintain eye contact or name colors
and objects in the room, focusing on the
smell of scented lotions or a potpourri,
tuning in to present sounds or the taste of
gum or mints.
Knipe (2008) suggests
playing a game of toss and catch using a
pillow or a small beanbag (“hacky sack”) as
this immediately activates the neurological
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449
DUCKWORTH, K.
orienting response and maintains a person’s
focus to the present. Examples of cognitive
awareness grounding skills include orienting
to one’s age, size, the current date, time,
and place in which a person is as well as the
reality that the traumatic even happened in
the past and that there are options available
to clients at the present time that were not
available during the trauma.
“Cognitive
interweaves”
(Shapiro, 2001) are brief
questions or statements made by the
therapist that help to cognitively reorient
clients to the present. For example, the
therapist may ask the client where the
perpetrator is today or how long ago an
event took place, or use Socratic
questioning to increase cognitive orientation
to present reality. Developing a written
crisis plan can also help guide and ground
clients during crises outside the therapy
setting where dissociating is more likely to
occur.
“Resource
Development
and
Installation” (RDI) is an ego strengthening
and stabilization enhancing method with a
well-established protocol that can help
prepare clients for trauma-focused work
while helping to prevent and manage
dissociation. It was developed as an EMDR
protocol (Leeds & Shapiro, 2000) but
elements from it can be adapted and used
without employing bilateral stimulation
methods (such as eye movements, hand
taps, or auditory tones) for therapists not
trained in EMDR. Korn and Leeds (2002)
wrote an article that explains the protocol
and provides step-by-step instructions and
provides some preliminary evidence of its
efficacy.
RDI is a protocol that seeks to strengthen
associations to client resources of functional
and positive memories and experiences (as
opposed to traumatic ones) thereby making
them more accessible so that clients can
voluntarily evoke them for affect regulation
(Korn & Leeds, 2002). The basic protocol is
as follows.
After explaining the purpose of RDI to the
client and how it works, the therapist asks
450
the client to think of a challenging or difficult
situation in his or her current life. The
therapist can provide some suggestions
including the therapy and facing the trauma.
Once the client identifies a difficult situation,
the therapist asks the client what capacities,
qualities, or resources he or she needs to
face and deal with the problem. How would
the client like to see him- or herself, how
would the client like to feel or act?
Once the needed resource is identified,
the next step is searching for and
developing it.
The therapist taps into
several possible sources by asking the client
to think of past mastery experiences in
which they might have had the identified
quality, feeling, or capacity. Can they recall
a situation where they possessed the
quality? The therapist can also have the
client consider relational resources such as
role models, mentors, or people the client
admires and who possess the quality or
ability. The person could even be a fictional
or mythical character from a book or movie.
It could even be an animal. The therapist
asks the client to imagine this person right
next to them cheering them on and
providing guidance and support and the
quality and strength of their presence
helping the client to feel empowered. The
therapist can also suggest metaphors and
symbolic resources from artwork, religion
(such as one’s guardian angel), or safe and
grounding places (imaginary or real) that
resonate with the desired feeling, capacity,
or positive feelings. Often places in nature
are chosen.
Once a resource has been selected, it is
embellished by having the client focus on it
and by using the senses to increase
resonance to it. The client is asked to
identify the image related to the resource
that best captures it and to notice the
positive sensations in their body that go with
that image.
The next step is to verify the resource by
asking the client when they focus on the
resource image how they feel and to ensure
they can maintain a connection with the
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!
DISSOCIATION
resource and that the associations, affects,
and sensations are indeed positive.
Installation of the resource follows by
having the client focus on the image that
captures their resource and on the
feelings/sensations that arise, and (if the
therapist is trained in EMDR) to follow the
therapist’s fingers (or tones or taps) for short
sets (6-10) of bilateral stimulation. The
client then reports on what they notice
(feelings, sensations, images, etc.) and the
process is repeated several times if the
positive feelings are becoming stronger.
Bilateral stimulation is stopped if negative
associations arise. If the therapist does not
know EMDR or does not wish to use
bilateral stimulation, the client can simply
focus on the resource for periods of time
and then report what is noticed.
The final step involves establishing a
future template by having the client imagine
possessing
the
resource
in
some
challenging situation in the future and
imagining how they would feel, act, appear
while staying connected to the resource in
exactly the way they need to experience it.
The above steps can be repeated several
times for each one of several different
resources. The client only works with one
resource at a time.
It is important to realize that in actual
practice, the three phases of treatment are
not as linear or distinct as they may appear
in the model’s description. The focus of
treatment and interventions constantly shift
back and forth between phases and are
chosen as required given developments in
the therapy and the state of the client in the
moment.
Conclusion
This
paper
presented
a
recent
conceptualization of structural dissociation
of the personality and described some of the
mechanisms that cause various levels and
manifestations of dissociation. A phased
treatment approach that is consistent with
the
presented
conceptualization
of
dissociation was described with particular
attention
to
stabilization
and
ego
strengthening which is essential in the early
part of treatment.
The author of this paper works in a
hospital setting with patients who have
chronic and severe breathing disorders
(chronic obstructive pulmonary disease,
asthma, pulmonary fibrosis, etc.). These
conditions are characterized by severe and
frequent episodes of shortness of breath.
Onset of these diseases are often sudden
and life altering. These conditions are
characterized by severe and frequent
episodes of shortness of breath, which are
often experienced in similar fashion to a
severe panic attack with the feeling (or
cognition) that the person has lost all control
and may even die.
Very frequently,
classical fear conditioning occurs and these
patients grow increasingly fearful of an
increasing range of stimuli that have
become associated with shortness of
breath.
There are many parallels that can
potentially be drawn from the material on the
experience of trauma, the development of
structural dissociation of the personality and
its treatment, and the way people attempt to
cope with severe lung disease.
For
example, the experience of severe
(sometimes life-threatening) shortness of
breath due to bronchospasm or infection, or
being intubated may remain in the EP
(implicit memory) and intrude on the ANP,
which tries to maintain normal daily
functioning. There often appears to be a
lack of integration between the “old healthy
person” with no limits and the person with
lung disease who has considerable physical
limits. Patients often express, even after
years of having a breathing disorder, that
they just can’t learn to slow down because
they forget when they are seated that they if
they jump up and walk at a fast pace, they
will become very short-of-breath.
The kind of attachment history these
patients have had during childhood may
also play a role in how much they are able
Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!!
451
DUCKWORTH, K.
to integrate their experience of lung disease
into their current lives. For some, there is a
great deal of shame and self-deprecation
associated with lung disease and use of
oxygen. Others in the same situation do not
experience this.
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Some attachment theorists have speculated
that shame is a means in childhood of
maintaining attachment by blaming oneself
instead of the rejecting the caregiver in
order to survive and to maintain an internal
locus of control versus chaos. Perhaps this
is related to the way patients respond to
their lung disease. These are potential
directions for further theorization and
research of adjusting to living with a severe
pulmonary condition.
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