Le Journal International de Victimologie
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JOURNAL INTERNATIONAL DE VICTIMOLOGIE ANNÉE 9 – NUMÉRO 3 (HIVER 2011) JIDV N°27 ! 50 ANS DE VICTIMOLOGIE AU QUÉBEC Introduction du numéro spécial J.-A. Wemmers Rédactrice en chef du JIDV, Université de Montréal……………………………..…387 Partir ou rester? Facteurs liés à la prise de décision de quitter ou non une relation violente N. Dugal Université de Montréal………………………………………………….…………388-396 Les besoins des rescapés du génocide des Tutsi du Rwanda vivant au Québec. C. Ndejuru PAGE Rwanda………………………………………………………….……….…397-402 Quelle réparation pour les victimes des crimes internationaux ayant immigré au Québec ?: Quelques commentaires à la lumière du jugement Munyaneza A. Melchiade Manirabona Université de Montréal………………………………………………….…………403-412 ARTICLES LIBRES La charge traumatique chez l’enfant placé en institution : Clinique d’une menace d’effondrement D. Derivois & N. Guillier-Pasut Université de Lyon…………………………………………………………………413-427 Longitudinal course of salivary cortisol in acute, chronic, delayed, and remitted post-traumatic stress disorder A. Brunet, P. Birmes, A.A. Ziegenhorn, E. Bui, J.C. Pruessner, & M.J. Meaney McGill University, Université Paul Sabatier, & Harvard Medical School……..428-443 Dissociation : Conceptualization, Causes, and Treatment Kevin Duckworth Université de Sherbrooke…………………………………………………………444-452 Directeur de publication: C. Herbert; Rédactrice en Chef: J.-A. Wemmers; Rédacteur en Chef Adjoint: A. Brunet Journal International De Victimologie International Journal Of Victimology !Tome!9,!numéro!3!(Hiver!2011)! Editorial Numéro spécial : 50 ans de l’École de Criminologie de l’Université de Montréal WEMMERS, J.-A.1 [CANADA] Auteur 1 Rédactrice en chef du Journal International de Victimologie, Professeur aggrégée, dpt de criminologie – Université de Montréal Bien que la victimologie constitue un champ de recherche relativement nouveau, son historique est plutôt ancien au Québec. En effet, nous avons célébré cette année 50 ans de victimologie au Québec avec le 50e anniversaire de l’École de criminologie de l’Université de Montréal. Il faut mentionner le rôle particulier joué par l’École de criminologie dans l’évolution de la victimologie. Après avoir fondé l’École en 1960, Denis Szabo a engagé Henri Ellenberger comme professeur. Comme bon nombre de ses contemporains, Ellenberger ne se souciait pas des victimes et des répercussions de la criminalité sur celles-ci ; les victimes constituaient plutôt un sujet d’étude dont le but était de mieux comprendre la criminalité et les criminels. Le professeur Ellenberger a orienté bon nombre des premiers diplômés de l’École, notamment Ezzat Fattah qui a subséquemment produit de nombreux livres et articles de victimologie. À l’instar de son mentor, Ezzat Fattah s’intéressait essentiellement à la victimologie théorique et rejetait ouvertement le militantisme qui, selon lui, n’avait pas sa place en science. Au cours des années 1980, on observe un changement d’orientation. Micheline Baril, étudiante puis professeure à l’École de Criminologie, a joué un rôle important dans le développement de la recherche victimologique et des services offerts aux victimes au Québec. Afin de célébrer 50 ans de victimologie, un colloque a été organisé par le Groupe de recherche sur la Victimologie et justice réparatrice du Centre international de criminologie comparée le 15 avril 2011 à l’Université de Montréal. Subventionné par le Fonds victimes du ministère de la Justice du Canada, le colloque a attiré environ 200 personnes. Les conférences ont été données par les professeurs Ezzat Fattah, Stéphane Guay, Marie-Marthe Cousineau et Jo-Anne Wemmers, ainsi que des étudiants des études supérieures comme Amissi Manirabona et Natasha Dugal. En plus des universitaires, nous avons aussi eu la participation de membres de la société civile comme monsieur Callixte Kabayiza, directeur du PAGE Rwanda. Ce numéro spécial donne un aperçu de quelques conférences du 15 avril et nous permet de partager ces idées avec une plus grande audience dans les domaines du droit, de la sociologie, de la psychologie, de la criminologie et de la victimologie. ! 387 DUGAL, N. Journal International De Victimologie International Journal Of Victimology (Tome(9,(numéro(3((Hiver(2011)( Partir ou rester? Facteurs liés à la prise de décision de quitter ou non une relation violente DUGAL, N.1 [CANADA] Auteur 1 École de Criminologie – Université de Montréal Résumé Les femmes subissant de la violence au sein de leur couple font face à de nombreuses incompréhensions quant à leur décision de rester avec leur conjoint ou encore à retourner avec celui-ci après un séjour en maison d’hébergement. Ces incompréhensions auront d’importantes répercussions sur leur soutien social et l’aide qui leur sera offerte. Entre le moment où la femme se rend compte qu’elle est victime de violence conjugale et celui où elle prend la décision de quitter définitivement, il y toute une prise de conscience et un processus d’une grande complexité qui doit s’opérer et plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. Cet article présente une introduction quant aux différentes théories tentant d’expliquer ce processus de prise de décision, et des différents facteurs, personnels et situationnels, qui entrent en jeu. Les limites et implications de ces modèles et facteurs seront ensuite discutés. Mots-clés: Violence conjugale; décision de partir Stay or leave? Factors related to decision making or not to leave an abusive relationship Abstract Women victims of partner violence face many misunderstandings about their decision to remain with their spouse or to return with them after a stay in a shelter. These misunderstandings have a significant impact on their social support and assistance that will be offered. Between the time a woman realizes she is a victim of partner violence and when she decides to leave permanently there any awareness and a highly complex process which must take place and several factors come into play. This article is an introduction about the various theories attempting to explain this process of decision making, and various factors, personal and situational factors that come into play. The limitations and implications of these models and factors are then discussed. Key$words:!Partner!violence;!decision!to!leave.! 388 Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! DUGAL, N. Pour les femmes, vivre de la violence au sein de son couple est l’une des raisons les plus importantes entrainant la dissolution d’une relation amoureuse (Kurz, 1995). Malgré tout, un nombre substantiel de femmes violentées par leur conjoint continueront de vivre avec leur assaillant, et ce, même après avoir franchi l’étape d’aller demander de l’aide et après avoir dit qu’elles n’avaient pas l’intention de retourner (Strube, 1988). Les chiffres vont différer d’une étude à l’autre et s’il est difficile de savoir combien de femmes sont victimes de violence conjugale, il est encore plus difficile de savoir combien quittent, celles-ci ne passant pas toutes par des ressources spécialisées. Il est toutefois possible de constater que les femmes qui s’en sortent auront souvent quitté plusieurs fois avant de quitter définitivement (Campbell, Miller, Cardwell, & Belknap, 1994). Les femmes subissant de la violence au sein de leur couple font face à de nombreuses incompréhensions quant à leur décision de rester avec leur conjoint ou encore à retourner avec celui-ci après un séjour en maison d’hébergement. Ces incompréhensions sont perceptibles dans la population en générale, de la part de leur famille, amis, mais aussi de la part des policiers et autres intervenants dans le milieu. Ainsi, il n’est pas rare de voir les aidants se décourager suite à de nombreux retours avec le conjoint ou encore d’entendre des remarques dans la population du genre : «si elle y retourne, c’est qu’elle aime ça». Il est vrai que la position de revictimisation constante dans laquelle elles se placent est dérangeante et tend à éloigner ces femmes du stéréotype de la parfaite victime. Entre le moment où la femme se rend compte qu’elle est victime de violence conjugale et celui où elle prend la décision de quitter définitivement, il y toute une prise de conscience et un processus d’une grande complexité qui doit s’opérer et plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. Cet article fera état des différentes théories tentant d’expliquer ce processus de prise de décision, et des différents facteurs, personnels et situationnels, qui entrent en jeu. Modèles théoriques Les premiers modèles Les premiers modèles à avoir vu le jour pour tenter d’expliquer la prise de décision d’une femme à quitter ou non un conjoint violent ont été recensé vers la fin des années 80’ (Strube, 1988). Trois modèles se démarquent soit celui du piège psychologique, celui de l’impuissance acquise, et celui de l’analyse des coûts et bénéfices. Dans le premier modèle, celui du piège psychologique, la victime de violence conjugale en vient à avoir investit trop de temps, d’effort et d’argent, pour se résoudre à quitter la situation. Le parallèle peut être fait avec quelqu’un qui s’installe devant une machine à sous. Plus cela fait de temps qu’il joue, plus il lui sera difficile de laisser la machine, alors que celle-ci est peut-être juste sous le point de payer. De la même façon, une personne dans une relation violente aura peut-être passé 10 ans de sa vie à investir dans son couple, à déployer quantité d’efforts, de temps et même possiblement d’argent afin de parvenir à changer l’homme qu’elle aime. L’échec est trop dur à prendre et quitter reviendrait à abandonner maintenant alors que le conjoint violent est peut-être juste sous le point de changer… Cette forme de piège psychologique sera d’autant plus persistante s’il y a présence du cycle de la violence qui stipule qu’après chaque épisode de violence suivra une phase de justification et une phase de lune de miel (Institut National de Santé Publique, 2006). Il s’agit d’un patron de forme cyclique qui aura comme conséquences de toujours redonner espoir à l’effet que l’agresseur finira par changer et que la violence va cesser. DUGAL, N. La deuxième théorie annoncée par Strube (1988) est celle de l’impuissance acquise qui résulte en une non-contingence entre les réponses émises par la femme et les résultats. En d’autres mots, la femme finit par comprendre que peu importe ce qu’elle fait et comment elle réagit dans une telle situation, le résultat en sera indépendant. Elle se découragera donc et ne posera plus d’actions concrètes pour tenter de mettre un terme à la violence. Cette impuissance acquise pourrait par ailleurs conduire à une baisse de motivation et à des facteurs dépressifs. La troisième théorie est celle de l’analyse des coûts et bénéfices. Selon cette compréhension, la personne qui vit de la violence conjugale va analyser, plus ou moins consciemment, le contexte de la violence et de la relation, en termes de coûts ou de bénéfices. Bien sûr, la violence subie fera certainement faire partie des coûts, mais ce ne sera pas le seul aspect qui aura de l’importance et d’autres aspects plus positifs de la relation (par exemple la présence de bons moments ensembles, des loisirs communs) seront également pris en compte. De plus, l’analyse des coûts et bénéfices ne prend pas uniquement en considération la relation présente mais également les alternatives possibles. Si quitter la relation engendre plus de coûts que de bénéfices, par exemple en impliquant un déménagement, un divorce ou encore si la personne ne sait même pas où aller, les coûts de quitter la relation deviendront possiblement plus élevés que ceux de rester. Le modèle décisionnel à deux étapes Quelques années plus tard, deux auteurs créeront un modèle décisionnel à deux étapes, s’inspirant des théories existantes (Choice & Lamke, 1997). Selon leur approche, la femme se demandera en premier lieu si elle serait plus heureuse en dehors de sa relation présente. Sa réponse dépendra de son degré de satisfaction dans sa relation, par rapport à la confiance mutuelle qu’il y a, à l’amour, au respect, à la 390 satisfaction sexuelle, au partage des corvées ménagères et aux moments de bonheur. La réponse dépendra également des investissements qu’elle aura mis dans la relation, de la qualité des alternatives donc de ce qui s’offre à elle si elle décide de quitter, ainsi qu’aux normes subjectives, c’est-à-dire à l’importance qu’elle et son entourage accordent au rôle d’épouse et l’idée qu’ils se font du divorce. Si effectivement, la femme en conclut qu’elle serait mieux à l’extérieur de cette relation, elle passera alors à la question suivante qui est : « Suis-je capable de le faire? » Cette réponse sera influencée par ses ressources et barrières personnelles, comme son estime de soi, ses habiletés de résolution de problème, sa peur, et par ses ressources et barrières structurelles, soit ses sources de revenus et les ressources disponibles dans la communauté. L’approche motivationnelle Une autre théorie est celle de l’approche motivationnelle (Shurman & Rodriguez, 2006). Il s’agit d’une théorie provenant de la psychologie des dépendances qui fut d’abord conçue pour mettre fin à la dépendance au tabac. Ce modèle comporte 5 phases que la personne doit franchir dans l’ordre pour mettre fin à une dépendance, soit à celle qu’elle a envers son conjoint. Dans la première phase, celle de la pré-contemplation, la femme victime ne voit pas qu’il y a un problème et elle perçoit l’abus comme étant un signe d’amour ou d’affection. Dans la phase de contemplation, la femme constate un problème et évalue ses options pour mettre fin à la violence. Dans la phase de la préparation, certaines actions sont prises comme le fait de trouver un emploi, se chercher une gardienne ou un appartement. Dans la phase de l’action, la femme va dans une maison d’hébergement, appelle la police, ou encore déménage chez de la famille ou des amis. Et finalement dans celle du maintien, la femme continue à travailler sur sa séparation, en entamant des actions légales par exemple. Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! VIOLENCES CONJUGALES : PARTIR OU RESTER ? Les facteurs de risque et de protection Les facteurs démographiques et situationnels Indépendamment des théories citées précédemment, certains facteurs de risque et de protection auront également leur influence dans la prise de décision de la femme de quitter son conjoint violent. Il y a tout d’abords une relation positive entre l’âge et la prise de décision de quitter, tout comme avec le niveau d’éducation. Ainsi, plus la femme est âgée et plus son niveau d’éducation est élevé, plus elle a de risque de mettre fin à une relation violente (Alexander, Tracy, Radek, & Koverola, 2009). Cette relation positive entre la probabilité de quitter et l’âge doit être nuancé par le fait qu’à partir d’un certain âge, ces femmes forment un groupe particulièrement à risque de vivre de la violence conjugale (Gravel, Beaulieu, & Lithwick, 1997). Pour plusieurs femmes victimes de violence conjugale, ce sont les contraintes financières qui se révèlent être la raison majeure pour rester dans la relation (Campbell, Rose, Kub, & Nedd, 1998). La présence d’enfants sera un facteur qui, quant à lui, motivera le départ de la femme, celle-ci tolérant habituellement moins une situation de violence qui implique aussi ses enfants. Selon une étude, chaque enfant en bas de 9 ans fera augmenter de 23 % la probabilité de dissolution de la relation violente (Anderson, 2007). La religion Certaines femmes peuvent se servir de la religion pour tenter de comprendre la situation de violence qu’elles vivent, et pour essayer de la gérer. Des études révèlent que les femmes victimes de violence conjugale qui sont très religieuses resteront mariées plus longtemps à leur assaillant que leurs consœurs (Horton, Wilkins, & Wright, 1988). C’est le cas de trois femmes victimes de violence conjugale que Nash et Hesterberg ont interviewées dans une étude récente de 2009. Les auteurs expliquent qu’une femme très religieuse et abusée peut interpréter sa souffrance comme étant méritée ou rédemptrice, la soumission de la femme comme étant un pré requis au mariage, le divorce comme état découragé, et le pardon comme étant quelque chose de très important dans une relation de couple. Les trois femmes de cette étude vont fortement s’identifier elles-mêmes et leur oppression à travers des textes bibliques et vont percevoir l’abus comme une opportunité de montrer leur loyauté et leurs fortes croyances en Dieu. Elles pourront tenter d’agir de la façon la plus pieuse et soumise qu’elles peuvent, dans l’espoir de montrer le bon exemple à leur mari ou encore pour que Dieu vienne sanctifier leur époux par leur propre intermédiaire. Celles qui vont finir par quitter ressentiront de la culpabilité ainsi qu’un sentiment d’échec personnel face à la mission qu’elles s’étaient donnée. Les auteurs mettent par contre en garde contre la pensée que ces femmes-là adoptent plus de comportements passifs face à la violence. En fait, elles seront plutôt actives dans leur démarche, mais en utilisant des moyens comme la prière, qui nous semblent passifs (Nash & Hesterberg, 2009). Il faut bien sûr spécifier qu’il s’agit de cas extrême, que plusieurs femmes perçoivent la religion d’une façon beaucoup plus large (Knickmeyer, Levitt, Horne, & Bayer, 2003) et s’en servent même pour justifier leur départ. Il existe également certaines communautés de femmes évangéliques qui ont créé des refuges pour femmes en crises et leurs enfants (NasonClark, 1997), ce qui prouve qu’être très religieux n’équivaut pas pour autant à l’idée que l’on doive rester et se soumettre à une situation de violence. Le soutien social et les ressources communautaires Le fait d’avoir un soutien social adéquat peut fortement aider les femmes dans leur prise de décision de quitter un conjoint violent, entre autres, en facilitant l’attribution de la violence au partenaire Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 391 DUGAL, N. (Taylor, 2003). Étrangement, Alexander et coll. (2009) trouvent que les femmes étant dans un stade de changement moins avancé reporteront plus de satisfaction quant à leur soutien social, quoi que la taille du soutien social ne diffère pas, par rapport aux femmes étant dans un stade de changement plus avancé. Ils expliquent ces résultats par le fait qu’elles auraient peutêtre plus de réticences à exprimer l’insatisfaction face à leurs relations interpersonnelles en général. Cela suggère qu’il est primordial de mieux explorer la nature du soutien social qui peut soit faciliter le départ, soit l’interférer. Les ressources disponibles dans la communauté peuvent également venir en aide à une femme qui ne saurait pas où aller après avoir quitté et donc motiver cette décision. Une étude trouve que les maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale n’aideraient pas seulement à partir, mais auraient aussi une influence à long terme sur le temps qu’une femme passera dans une relation abusive. En effet, les femmes qui sont sévèrement abusées sans être passées par une maison d'hébergement auront plus de probabilités de rester dans une telle relation. Les femmes ayant reçu des services de maisons d'hébergement vont endurer de plus courtes périodes de violence, même si celles-ci sont plus souvent sans ressources, plus pauvres et sans emploi (Panchanadeswaran & McCloskey, 2007). L’attachement au partenaire Un autre important facteur influençant la prise de décision de quitter un conjoint violent est l’attachement que la femme porte à son partenaire. Certaines études disent que la plus importante raison de retourner avec le partenaire est l’attachement émotionnel qu’elles ont avec lui (Griffing et al., 2002). Aussi, les femmes qui retournent avec le conjoint violent vont être plus souvent mariées à leur assaillant, dans une relation de plus longue durée et auront vécu un moins grand nombre de séparations antérieures (Snyder & Scheer, 392 1981). Plus la femme est engagée dans la relation, plus difficilement elle se justifiera psychologiquement que quitter est la meilleure décision (Strube & Barbour, 1983). Les différents styles d’attachement peuvent avoir une influence sur la décision de partir. Selon le modèle d’attachement de l’adulte de Bartholomew, Henderson et Dutton (2001), les styles d'attachement sécurisé et évitant seraient sousreprésentés dans les couples violents, alors que les styles apeuré et préoccupé auraient plus de risques de se retrouver dans une relation abusive. Les femmes étant moins avancées dans leurs stades de changement auront un style d’attachement plus préoccupé et moins sécurisé (Alexander, et al., 2009). L’auteur explique ses résultats par le fait que les individus avec un style d’attachement préoccupé seraient plus portés à associer les conflits et l’expression de la colère avec l’augmentation de l’intimité (Fishtein, Pietromonaco, & Fieldman Barrett, 1999). L’expression des émotions Un stade de départ plus avancé est caractérisé par une grande expression des émotions en général. Les découvertes d’une étude de 2006 suggèrent que les émotions jouent un rôle important dans la décision de la femme de mettre fin à une relation abusive. L’expression des émotions pourrait donc être considérée comme un motivateur essentiel plus qu'un obstacle à la séparation et étiqueter les émotions dans cette population comme étant pathologiques serait contreproductif. Aussi, des interventions thérapeutiques ou pharmacologiques qui tenteraient de faire diminuer l’expression des émotions pourraient avoir l'effet inattendu de faire diminuer la motivation de la victime à mettre fin à la relation. D'un autre côté, faire reconnaitre et explorer les émotions comme la dépression, l'anxiété et la colère en thérapie pourraient être particulièrement avantageux au renforcement de la décision de partir de la femme (Shurman & Rodriguez, 2006). Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! VIOLENCES CONJUGALES : PARTIR OU RESTER ? La consommation d’alcool De façon surprenante, les femmes qui ont un problème d’abus ou de dépendance à l’alcool et celles qui ont un partenaire dans une pareille situation auront plus de risques de mettre fin à la relation plus tôt (Panchanadeswaran & McCloskey, 2007). Une hypothèse réside dans le fait que la violence peut être plus sévère et plus grave lorsque la consommation d’alcool est impliquée. En effet, des périodes de forte consommation d’alcool et la consommation de drogues illicites sont davantage liées à la sévérité de la violence subie qu’à la simple présence de violence (Kantor & Straus, 1989; Magdol, Moffitt, Caspi, Newman, & Fagan, 1997). Ainsi, il sera plus fréquent que les services policiers ou hospitaliers soient informés de la situation et mis à contribution. Il y aura alors plus de gens mobilisés, la violence sera révélée au grand jour et la victime aura plus de chances d’être prise en charge ou référée à des ressources d’aide, tout comme l’agresseur de se retrouver aux prises avec une plainte, etc. Les facteurs reliés à la violence D’autres facteurs reliés à la violence elle-même, comme la sévérité et la fréquence de la violence, peuvent aussi avoir une influence sur la décision de quitter. Les taux de dissolution seront plus élevés chez les couples dans lesquels il y a présence de violence sévère que dans ceux où il n’y a que de la violence mineure (Anderson, 2007). Il pourrait aussi exister dans certaines situations extrêmes des barrières physiques empêchant la femme victime de quitter son domicile. Selon une étude d’Avni (1991) qui a interviewé 35 femmes victimes de violence conjugale israéliennes, la raison majeure pour laquelle ces femmes n'ont pas quitté leur partenaire est qu'elles étaient littéralement prisonnières de leur demeure! La propre commission de violence de la femme jouera aussi un rôle dans cette prise de décision. Les études rapportent que les femmes dans un stade de changement peu avancé vont s’être plus souvent engagées elles-mêmes dans de la violence physique mineure et majeure au cours des 6 derniers mois (Alexander, et al., 2009). Le propre usage de violence de la femme est associé à moins de soutien social, moins de probabilité d’appeler la police et plus de blâme de soi (Barnett, Martinez, & Keyson, 1996). Finalement, l’usage de violence chez la femme peut encourager celle-ci à excuser ou à rationaliser le comportement de son partenaire (Alexander, et al., 2009). Tout ceci suggère qu’il serait dangereux d’ignorer la violence faite par la femme, évidemment pas dans le but de blâmer celle-ci, mais bien parce qu’il pourrait très bien s’agir d’un important obstacle à l’habilité d’échapper à la violence et de minimiser celle-ci. La violence à la séparation S’il est pertinent de se demander pourquoi la femme ne quitte pas une relation violente, il s’avère toutefois aussi important de réfléchir à « qu’est-ce qu’il arrive lorsqu’elle quitte? ». Est-ce que le fait de quitter met vraiment fin à la violence? Des recherches indiquent que pour certaines femmes, partir est potentiellement plus dangereux que de rester (Wuest & Merritt-Gray, 1999). Dans une étude tirée de l’Enquête sociale générale, 39% des 437 000 femmes ayant eu une relation abusive ont dit que la violence avait continué après la séparation, 22% ont reporté de la violence plus sévère après la séparation, et près de 15% des femmes qui ont reporté que la première agression physique avait eu lieu après la séparation (Hotton, 2001). Le risque d'abus post-séparation arriverait à un pic deux mois après la séparation et ensuite lorsque la femme franchit des étapes pour atteindre la séparation permanente, comme entamer des procédures légales, acheter une maison, ou se trouver un emploi stable (Ellis & Stuckless, 1992). Parfois la violence à la séparation escalade jusqu'à un niveau létal, le risque de féminicide par le partenaire augmentant de six fois lors de la séparation (Wilson & Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 393 DUGAL, N. Daly, 1994). Les amis, membres de la famille, ceux qui tentent de l’aider, ainsi que le nouveau conjoint de la femme sont aussi à risque lorsque la femme quitte son partenaire violent (Block & Christakos, 1995; Hotton, 2001). Ce serait par ailleurs par le biais des enfants que la violence postséparation serait la plus présente (Hardesty, 2002). Conclusion Il est important de faire ressortir de cette introduction au processus décisionnel de quitter un conjoint violent que cette prise de décision n’est pas celle d’une journée. Il s’agit plutôt du fruit d’une longue réflexion, d’un long processus et aussi d’une certaine préparation. Plusieurs théories tentent d’expliquer cette prise de décision, certaines en la conceptualisant comme la suite logique à plusieurs questions que se posera la femme victime, d’autres en la voyant comme une dépendance au conjoint dont la femme doit se défaire. Plusieurs facteurs de risque et de protection vont également influencer cette prise de décision, certains touchant les traits de personnalité de la femme, d’autres se rapportant davantage à sa situation financière ou encore à son mode de vie. Il importe également de garder en mémoire que lorsque des victimes de violence conjugale font le portrait de leur relation, elles rapportent certainement la violence et l’abus comme faisant partie de celle-ci, mais la violence ne sera pas le seul aspect qu’elle aborderont, ni souvent le plus important (Campbell, et al., 1998). Les modèles théoriques présentés dans cet article comportent certaines limites dont le fait de se baser sur l’assomption que partir de la relation est le seul choix rationnel qu’elles peuvent faire. D’aucun pourraient défendre que la rupture n’est pas obligatoire, qu’il s’agit d’un problème qui pourrait se régler en thérapie de couple, par exemple, ou en référant le partenaire à des groupes pour hommes ayant des comportements d’agressivité. La violence conjugale peut se présenter sous différentes formes, dans divers contextes de 394 domination de l’un des partenaires sur l’autre ou non, et présentant un vaste éventail d’actes ou de degrés de sévérité (Johnson, 1995). Il est alors possible que si la séparation puisse sembler inévitable dans certains cas, elle ne le soit pas dans d’autres. Campbell et coll. (1998) mettent par ailleurs en garde contre la perception dichotomisée du statut de la femme dans la relation, allant de « à l’intérieur » à « à l’extérieur » de la relation. En effet, les femmes qu’ils ont étudiées voient leur relation et leur attachement à leur partenaire en des termes beaucoup plus fluides, pouvant par exemple toujours se considérer en couple sans cohabiter avec le partenaire ou vice-versa. Des modèles théoriques comportant un plus grand éventail de finalités telles que le départ mais aussi la consultation par exemple pourrait permettre une plus grande généralité. Finalement, il importe que les différents intervenants et personnes côtoyant des femmes dans une telle situation de victimisation comprennent le processus qui sous-tend leur prise de décision de quitter le conjoint violent afin d’être plus en mesure de leur apporter une aide adéquate et de qualité, et de prévenir un découragement dû à l’incompréhension du phénomène. Des recherches sont en outre nécessaires afin de rassembler ces différents facteurs et théories en une vision plus globale de la situation des victimes, et de prendre en considération les différentes catégories de victimes, masculines ou féminines, et selon le type de violence vécu. Références Alexander, P. C., Tracy, A., Radek, M., & Koverola, C. (2009). Predicting stages of change in battered women. Journal of Interpersonal Violence 24(10), 16521672. Anderson, K. L. (2007). Who gets out? Gender as structure and the dissolution of violent heterosexual relationships. Gender & Society 21(2), 173-201. Avni, N. (1991). Battered wives: The home as a total institution. Violence and Victims, 6, 137-149. Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! VIOLENCES CONJUGALES : PARTIR OU RESTER ? Barnett, O. W., Martinez, T. E., & Keyson, M. (1996). The relationship between violence, social support, and self-blame in battered women. Journal of Interpersonal Violence, 11, 221-233. 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Journal International De Victimologie International Journal Of Victimology (Tome(9,(numéro(3((Hiver(2011)( Les besoins des rescapés du génocide des Tutsi du Rwanda vivant au Québec NDEJURU, C.1, [RWANDA/CANADA] Auteur 1 Directeur – PAGE Rwanda Résumé: Dans le présent article, l'association montrealaise Page-RWANDA (parents et amis des victimes du génocide perspetré contre les tutsis au Rwanda), identifie les quatres besoins principaux relevés dans les autobiographies publiées de réscapés vivant au Rwanda ainsi que dans les récits de vie des rescapés vivant aujourd'hui à Montréal, receuillis par Page-RWANDA dans le cadre de l'initiative d'histoire orale de l'université Concordia : Histoires de vie des Montréalais déplacés par les génocides, les guerres et les autres violations aux droits humains. Le premier besoin nommé est la reconnaissance du génocide en question comme étant le « génocide perpetré contre les tutsi du Rwanda ». En second lieu : la justice, bien qu'il s'agit souvent pour les rescapés d'un processus exigeant et même potentiellement retraumatisant. La réparation vient en troisième place car, même si l'actuel gouvernement rwandais en accepte le principe, sans avoir commis le génocide, aucun fond concret pour la réparation n'a pu être constitué à ce jour. Dernier besoin mais non le moindre est la mémoire : responsabilité sacrée des survivants, elle aide à combattre le négationnisme, et à perpetuer le souvenirs des victimes de génération en génération. En conclusion, l'article mentionne la création du centre montréalais de documentation sur le génocide perpetré en 1994 contre les Tutsi du Rwanda. Mots-clés: Génocide 1994, Tutsi, Reconnaissance, Justice, Réparation, Mémoire The needs of survivors of the genocide perpetrated against the Tutsi in Rwanda living in Québec. Abstract: This article speaks to four needs Page-Rwanda (Montreal's association for families and friends of victims of the genocide perpetrated aginst the Tutsi in Rwanda) has found to be expressed in the published autobiographies of survivors living in Rwanda, and in a growing number of stories by Tutsi survivors now living in Montreal. The latter are collected by Page-Rwanda in the framework of Concordia University's oral history intitiative entitled Life stories of montrealers displaced by genocide, war and other human rights violations. The first need is that the genocide in question be specifically and unequivocably recognized and referred to as 1994's "genocide perpetrated against the Tutsi in Rwanda". Justice is named as second even though it is described as very demanding and potentially retraumatising. Reparation, the third need : has been accepted in principle by the current Rwandan government, a concrete fund for reparation has not yet been created. Last but not least, commemoration is said to be a sacred responsibility for Tutsi survivors to fight negationism, remember the fallen and intergenerational transmission. The article concludes with the creation of Montreal's documentation center on the 1994 genocide of the Tutsi in Rwanda. Keywords: 1994 Genocide, Tutsi, Recognition, Justice, Reparation, Memory Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 397 NDEJURU, C. D’avril à juillet 1994 un génocide a été perpétré sur la population tutsi du Rwanda. Les rescapés – terme utilisé au Rwanda comme dans la diaspora rwandaise pour désigner les survivants – en sont sortis inexorablement marqués dans leurs corps, leurs psychismes, leurs rapports au monde et à la vie, par les violences inimaginables qui leur ont été infligées par les bourreaux. Involontairement, le génocide est devenu la référence pour définir le parcours et l’expérience de vie des rescapés. Dans leurs récits de vie, comme dans la conversation de la vie courante, tous sans exception parlent d’avant, pendant et après le génocide. Celui-ci a creusé en eux un vide profond et a laissé des besoins qu’il est difficile d’aider à combler s’il manque la volonté de comprendre ce dernier génocide du 20e siècle et l’écoute empathique des rescapés. La plupart de ceux-ci survivent au Rwanda, mais quelques-uns ont trouvé asile dans différentes parties du monde, dont le Québec. À quelques différences près, les besoins de tous sont les mêmes. Le présent article passera brièvement en revue les besoins de tous les rescapés dans l’ensemble, et ceux des rescapés vivant au Québec, en particulier. Vu le grand nombre de ces besoins, nous nous limiterons aux quatre besoins les plus importants. Pour circonscrire ces besoins, nous nous sommes inspirés essentiellement des entrevues du groupe Rwanda recueillies dans le cadre du projet Histoires de vie des Montréalais déplacés par le génocides, les guerres et autres violations aux droits humains par PAGE-RWANDA, l'Association des parents et amis des victimes du génocide au Rwanda et des recueils de témoignages écrits des rescapés vivant essentiellement au Rwanda (Chu & de Brouwer, 2009; Whitworth, 2006). Besoin de reconnaissance Pendant le génocide, le monde entier a été témoin des violences extrêmes perpétrées contre la composante tutsi de la population rwandaise mais la communauté internationale n’a rien fait pour arrêter les tueries ni pour protéger les personnes ciblées par ces violences. Au contraire, dans les jours qui ont suivi le déclenchement du génocide, les puissances occidentales, la France et la Belgique en tête, ont envoyé des contingents de militaires pour évacuer leurs ressortissants abandonnant les victimes aux mains de leurs bourreaux. Même l’organisation des nations unies (ONU), allant à l’encontre de toute logique et passant outre l’évidence des faits et les cris d’alarme du général Roméo Dallaire, commandant de la Mission des nations unies pour le Rwanda, la MINUAR (Dallaire, 2003), réduisit le contingent de casques bleus censés faire appliquer les Accords d’Arusha entre le Gouvernement rwandais et le Front patriotique rwandais (FPR) de 5500 à 270 au plus fort des massacres. De plus, ce n’est que le 8 juin 1994, deux mois après le début des massacres dans tout le pays, que le Conseil de sécurité, dans sa résolution 925, a utilisé timidement pour la première fois le mot génocide en déclarant prendre note avec la plus vive préoccupation des informations faisant état d’actes de génocide commis au Rwanda. De la sorte, tout au long des trois mois qu’a duré le génocide des Tutsi du Rwanda, les victimes emportés par cette barbarie innommable et les rescapés qui s’en sont réchappé mais qui souffriront de multiples séquelles toute leur vie durant ont été abandonnés par le monde entier. Pour eux le génocide n’a pas eu la reconnaissance qu’il aurait dû avoir. En effet, c’est à la toute fin du génocide, le 28 juin 1994, que Degni-Ségui, le rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme de l’ONU, a reconnu explicitement le génocide perpétré contre les Tutsi. En se basant sur la notion de génocide énoncée par l’article II de la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, Degni-Ségui démontre que les trois conditions nécessaires de reconnaissance d’un génocide – un acte LES BESOINS DES RESCAPES DU GENOCIDE DES TUTSI AU QUEBEC criminel; une intention de détruire en tout ou en partie; un groupe donné et visé comme tel – sont remplies en ce qui concerne les massacres des Tutsi du Rwanda. Il est écrit dans son rapport: (…) La première condition ne semble pas faire de doute eu égard aux massacres perpétrés (…) et même aux traitements cruels, inhumains et dégradants. (…) La seconde n’est pas davantage difficile à remplir, car l’intention claire et non équivoque se trouve bien contenue dans les appels incessants au meurtre lancés par les médias (en particulier le RTLM) et transcrits dans les tracts. Et si ce n’était le cas, l’intention aurait pu être déduite des faits eux-mêmes, à partir d’un faisceau d’indices concordants : préparation des massacres (distribution d’armes à feu et entraînement des miliciens), nombre de Tutsis tués, et résultat de la poursuite d’une politique de destruction des Tutsis. La troisième condition qui exige que le groupe ethnique soit visé comme tel pose en revanche problème en raison de ce que les Tutsis ne sont pas les seules victimes des massacres, les Hutus modérés n’étant pas épargnés. Mais le problème n’est qu’apparent, et ceci pour deux raisons : d’abord, nombre de témoignages révèlent que les tris opérés au cours des barrages pour la vérification des identités visent essentiellement les Tutsis. Ensuite et surtout, l’ennemi principal, assimilé au FPR, reste le Tutsi qui est l’inyenzi, c’est à dire "le cafard", à écraser à tout prix. Le Hutu modéré n’est que le partisan de l’ennemi principal, et il n’est visé qu’en tant que traître à son groupe, auquel il ose s’opposer. (…) Il existe un document émanant de l’état-major de l’armée rwandaise et daté du 21 septembre 1992, qui distingue bien l’ennemi principal de son partisan et qui chargeait la hiérarchie militaire de "faire une large diffusion". Selon les termes de ce document, le premier "est le Tutsi de l’intérieur ou de l’extérieur extrémiste et nostalgique du pouvoir, qui n’a jamais reconnu et ne reconnaît pas encore les réalités de la Révolution Sociale de 1959, et qui veut conquérir le pouvoir au Rwanda par tous les moyens, y compris les armes". Le second "est toute personne qui apporte tout concours à l’ennemi principal". De plus, le partisan peut être rwandais ou étranger. Il existe un certain nombre de documents qui confirment cette distinction et qui attestent que les Hutus modérés ne sont massacrés qu’en tant qu’associés ou partisans des Tutsis (Nations Unies, 1995). En dépit de cette reconnaissance on ne peut plus explicite, 17 ans après le génocide, les rescapés disent faire face soit à un fort courant de banalisation du génocide par un discours qui sème la confusion dans les esprits et entretient un état permanent de doute sur le génocide, soit à une montée de négationnisme inquiétant. L’utilisation des termes «génocide rwandais» ou «génocide au Rwanda» largement acceptés et omniprésents dans nombre de discours et de publications constitue la preuve d’une telle banalisation. Le message du Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, interviewé le 5 mai 2011 par www.lemonde.fr à l’occasion de la dixseptième commémoration du génocide le 7 avril 2011, message intitulé «La seule manière d’honorer la mémoire des victimes du génocide rwandais est de faire en sorte que jamais plus rien de tel ne puisse survenir» (UN,2011)illustre cette ambiguïté et cette confusion. Ainsi donc le premier besoin des rescapés vivant au Québec comme ailleurs est que le génocide soit explicitement reconnu pour ce qu'il est réellement, le génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda en 1994. Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 399 NDEJURU, C. Besoin de justice Un autre besoin non moins important est celui de justice. Suite au rapport du rapporteur spécial, le Conseil de sécurité de l’ONU, dans sa résolution 955 du 8 novembre 1994 créa le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) basée à Arusha, en Tanzanie, « habilité à juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de telles violations commises sur le territoire d'États voisins » et « compétent pour poursuivre les personnes ayant commis un génocide », tel que défini par le droit international. Il s'agit des personnes ayant joué un rôle clé dans la planification et l'exécution du génocide. Dans la foulée du TPIR, des pays dont le Canada et la Belgique, l'ancienne puissance coloniale qui a forcé le retrait de ses casques bleus au plus fort du génocide, ont mis sur pied des juridictions nationales pour juger des personnes accusées de participation au génocide de 1994 se trouvant sur leurs territoires. Au Rwanda même, outre les juridictions habituelles qui ont reçu le mandat de juger les présumés « génocidaires » les plus importants, il a été créé les juridictions « Gacaca » pour juger une centaine de milliers d'hommes et de femmes « ordinaires » ayant participé d'une façon ou d'une autre à l'exécution du génocide. Toutes ces instances judiciaires, même si elles sont loin d'être parfaites, sont d'une importance capitale aux yeux des rescapés, car la justice constitue un besoin fondamental pour eux. Ce processus judiciaire est très éprouvant pour ceux qui sont obligés de témoigner. Ils y subissent souvent des humiliations et des menaces qui risquent de provoquer des retraumatisations psychologiques sévères. Mais ceux qui en ont la capacité psychique acceptent de se plient à cet exercice sans 400 lequel la reconnaissance du génocide ne signifierait rien. Le célèbre neuropsychiatre Boris Cyrulnik a bien perçu ce besoin et l'exprime bien en ces termes : « Après le génocide au Rwanda, les Tutsis n'ont pas réclamé vengeance, ils ont réclamé justice. Ce n'est pas la punition infligée à leur bourreau qui les a apaisés, mais le processus judiciaire, le fait de déclarer une personne coupable d'un crime et de lui demander de payer. Et même lorsqu'il y a eu des remises de peine, les Tutsis n'ont pas protesté, dans la mesure où ils restaient reconnus comme victimes d'un génocide. » (9) Les rescapés du génocide des Tutsi du Rwanda vivant au Québec classent le besoin de justice parmi les besoins importants et toute injustice subie après le génocide ravive la douleur de la grande injustice suscitée par le génocide. L'une des rescapées interviewée dans le cadre du proje « Histoires de vie Montréal » le souligne avec force. À la question de savoir ce qu'elle souhaiterait que les Canadiens sachent d'elle, elle répond : « D’une part, j’aimerais qu’ils sachent que j’ai vécu une injustice, et que celle-ci m’a laissée de blessures au cœur! D’autre part j’ai un vœu : qu’ils m’évitent de revivre encore cette injustice! Je ne leur demande pas de me donner gratuitement mais plutôt qu’ils me laissent réaliser mes objectifs avec sérénité! Je tiens à souligner ce point parce qu’en revivant une autre moindre injustice, cela ravive tous les mauvais souvenirs du passé… ». Besoin de réparation et d'indemnisation La reconnaissance du génocide des Tutsi du Rwanda par l'Organisation des Nations Unies (ONU) a répondu, malgré l'insatisfaction des rescapés pour la formulation, au besoin de reconnaissance et les procès organisés par le Tribunal international pour le Rwanda et par certaines juridictions internationales et rwandaises constituent des réponses à l'important besoin de justice. Par contre, jusqu'à maintenant le besoin de réparation Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! LES BESOINS DES RESCAPES DU GENOCIDE DES TUTSI AU QUEBEC et d'indemnisation des multiples dommages psychologiques et matériels causés aux rescapés par le génocide n'a trouvé aucun écho ni au niveau international ni au niveau national. Jean-Damascène Bizimana (2010) et Pierre R. Rwanyindo (2010) font le tour de la question. Bizimana fait remarquer qu'au niveau international les voies judiciaires et diplomatiques pouvant conduire à l'indemnisation des rescapés et de leurs ayant-droits sont pratiquement inexistantes car la réclamation fondée sur les fautes de la Mission des Nations Unies pour le Rwanda (MINUAR) est prescrite. Toute réclamation dans ce sens devait être adressée au Secrétaire général de l'ONU par le Gouvernement rwandais dans un délai de trois mois à partir de la date du départ définitif de la MINUAR du Rwanda. Rwanyindo, se basant sur la législation relative au génocide contre les Tutsi du Rwanda, indique que l'État rwandais, en tant qu'institution, reconnaît sa responsabilité et accepte le principe de la réparation malgré le fait que ce ne sont pas les institutions gouvernementales actuelles qui ont commis le génocide. Cependant concrètement, jusqu'à maintenant l'État n'a pas été en mesure de constituer un quelconque fonds de réparation. Besoin de mémoire Tous les rescapés autant au Québec qu'ailleurs expriment un grand besoin de mémoire. Pour eux, il s'agit d'un devoir sacré visant à honorer et à perpétuer la mémoire des victimes, à transmettre cette mémoire de génération en génération, à lutter contre l'oubli et le négationnisme. S'agissant du négationnisme, une rescapée de Montréal insiste sur la nécessité de le contrer : « Contrer le négationnisme : point plus complexe et plus difficile à atteindre, mais nécessaire, car pour le rescapé, quand on nie le génocide, cela veut dire que son histoire, son récit n’est pas authentique, donc il (le rescapé) a un double combat : faire accepter le génocide avant d’en arriver à partager son histoire ». Pour aider à répondre au besoin de mémoire, depuis 1994 l'Association des parents et amis des victimes du génocide au Rwanda (PAGE-RWANDA) organise chaque année différentes activités de commémoration. De plus, PAGE-RWANDA vient de créer le Centre montréalais de documentation sur le génocide des Tutsi du Rwanda qui veillera à préserver et à perpétuer la mémoire des victimes du génocide des Tutsi du Rwanda et servira de référence pour toute personne en quête d’information sur le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994. Conclusion En lumière de ce qui est dit dans les pages précédentes, les besoins des rescapés du génocide de Tutsi sont nombreux et varient selon chaque personnes. Nous n’aurons mentionné que ceux qui sont communs, à savoir, la justice, la reconnaissance, la réparation et la mémoire. Nous invitons tous et chacun, à participer à la lutte contre les génocides, lutte qui incombe non seulement aux victimes, mais aussi et surtout à la communauté internationale. Lutter contre le génocide, c’est dénoncer celui qui l’a commis, qui qu’il soit, où qu’il soit. Reconnaître et Nommer ce qui s’est passé au Rwanda en 1994 comme Génocide des Tutsi du Rwanda, c’est leur donner le droit de crier haut et fort : plus jamais ça, c’est participer à la reconstruction morale de la personne avant la reconstruction physique tant envisagée. Faire mémoire du génocide des Tutsi du Rwanda au niveau mondial, c’est dénoncer le plus récent génocide du siècle, c’est dénoncer le refus à la vie à qui que se soit, sous n’importe quel prétexte. Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 401 NDEJURU, C. Références Chu, S. & de Brouwer, A.M. (2009). The men who killed me : Rwandan survivors of sexual violence. Vancouver : Douglas & McIntyre. ! Whitworth, W. (2006). We survived genocide in Rwanda. Nottinghamshire : The Aegis Trust. Dallaire, R. (2003) J’ai serré la main du diable : la faillite de l'humanité au Rwanda. Outremont : Libre expression. Nations Unies: Commission des droits de l’homme (1995). Rapport sur la situation des droits de l’homme au Rwanda (soumis par M. R. Degni-Ségui, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, E/CN.4/1995/7), consulté le 25 mars 2011 depuis http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/G94/ 131/48/PDF/G9413148.pdf?OpenElement. 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Ces victimes ont indéniablement besoin de plusieurs formes de réparation afin de se sentir réintégrés dans la société. Alors que la loi québécoise sur l'indemnisation des victimes d’actes criminels ne s’applique pas de façon extraterritoriale, l’adoption en 2000, par le Parlement, de la Loi canadienne sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre avait théoriquement résolu la question. En effet, cette loi prévoit le versement de l’indemnisation aux victimes des crimes internationaux et à leurs familles sans égard au lieu et à la date de la victimisation ni à la nationalité des auteurs ou celle des victimes. Or, la première application de cette loi fédérale en 2009, dans l’affaire Munyaneza, n’a pas fait mention de cette indemnisation. La présente contribution apporte quelques explications sur les causes susceptibles d’avoir conduit à cette omission du tribunal. Elle propose enfin des suggestions pour éviter de répéter les mêmes erreurs à l’avenir. Mots-clés Génocide, Crimes contre l’humanité, crimes de guerre, indemnisation, victimes, Canada, Statut de Rome Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 403 Melchiade Manirabona, A. Depuis plusieurs années, le Canada en général et le Québec en particulier, sont devenus des destinations privilégiées pour des milliers de personnes en provenance des États faisant l’objet des violations massives des droits humains. Ces personnes appartiennent généralement à toutes les catégories de citoyens à savoir : les personnes adultes, les jeunes, les enfants, les personnes âgées, les anciens employés, etc. Du fait de la guerre ou d’autres formes d’atrocités, certaines de ces personnes ont indéniablement subi des préjudices graves que ce soit d’un point de vue physique, matériel, financier, psychologique ou social. Si ces victimes ne sont pas guéries convenablement, les préjudices subis peuvent avoir des incidences sur leur vie à cours, à moyen ou à long terme. Les besoins de ces victimes sont donc de plusieurs ordres et une indemnisation efficace contribuerait sans doute à les soulager. Cependant, malgré l’existence au Québec de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, ses dispositions ne sont pas applicables dans ce cas d’espèce puisque cette loi ne porte pas sur les cas de crimes commis à l’étranger (article 3). En outre, cette loi ne permet que la compensation des dommages corporels alors que les crimes internationaux ont la spécificité d’affecter mentalement ou émotionnellement les victimes en plus des préjudices corporels. Bien qu’une aide financière d’urgence peut être offerte aux Canadiens qui sont victimes des crimes violents à l’étranger, cela ne concerne pas les personnes victimisées avant l’acquisition de la citoyenneté canadienne. De même, cette aide financière d’urgence, qui prend seulement en compte les victimes d’après le 1er avril 2007, ne couvre pas les dépenses liées à la perte de revenus ni celles relatives à l’indemnisation qui sont pourtant nécessaires à une réelle réintégration des victimes dans la société (Ministère de la Justice du Canada). Avec la mise en œuvre, au Canada, du Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale, le problème d’indemnisation des victimes de crimes internationaux semblait être résolu. En effet, l’implémentation du Statut de Rome par le Canada a fait que les victimes des crimes internationaux deviennent des victimes d’actes criminels ayant besoin d’aide au Canada (Wemmers, 2010). À cet égard, la Loi canadienne sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre (LCHCG), permet non seulement de poursuivre les auteurs des crimes internationaux, mais aussi de verser les indemnisations aux victimes de ces crimes, et à leurs familles, par des prélèvements au Fonds pour les crimes contre l’humanité créé en vertu de cette loi. L’objectif est de rendre leur dignité aux personnes ayant survécu aux crimes graves en permettant, par la compensation, leur retour progressif dans la société. Cependant, force est de remarquer que ce mécanisme de compensation financière pour les victimes des crimes graves éprouve beaucoup de difficultés à fonctionner. La preuve de ces difficultés est le jugement Munyaneza rendu par la Cour supérieure du Québec en mai 2009. En effet, M. Munyaneza, un ressortissant Rwandais, a été condamné pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, perpétrés sur le territoire du Rwanda en 1994. Alors que les victimes de ces actes, ainsi que les associations qui leur venaient en aide, étaient bien présentes durant tout le processus judiciaire, le juge n’a prononcé aucun mot à propos de leur indemnisation. La Cour supérieure s’est contentée de dire que la blessure des Rwandais demeure « immense, actuelle, insupportable et indélébile » près de quinze ans après le génocide. Et pourtant, il est rapporté que le gouvernement du Canada a dépensé plusieurs millions pour l’aboutissement de ce procès. De même, plusieurs sources indiquent que M. Munyaneza était un homme d’affaires prospère dans son pays d’origine. La décision de la Cour supérieure dans l’affaire Munyaneza met au jour plusieurs obstacles au bon fonctionnement du régime QUELLE REPARATION AU QUEBEC POUR LES VICTIMES DE CRIMES INTERNATIONAUX ? d’indemnisation prévu par la Loi sur les crimes contre l’humanité. Quels sont réellement ces obstacles ? Comment peuton les expliquer ? Que faire pour les surmonter ? L’objectif de cette contribution est d’apporter quelques explications à ces interrogations. Ce texte est subdivisé en trois parties. Dans un premier temps, nous parlerons des difficultés relatives à la constitution du Fonds pour les crimes contre l’humanité. Nous montrerons que ces problèmes se situent d’une part, au niveau des modalités de financement de ce Fonds. D’autre part, nous verrons qu’ils découlent du mécanisme prévu par la LCHCG pour attribuer l’indemnisation. Dans un deuxième temps, nous mettrons au jour les obstacles d’ordre pratique susceptibles d’expliquer le fait que le jugement dans l’affaire Munyaneza n’ait pas fait état de l’indemnisation en faveur des victimes. Ces obstacles pourraient avoir résulté du manque d’intérêt de la part du gouvernement canadien et des victimes d’un côté et, de l’autre, du fonctionnement de la justice pénale dans un système de common law, plus précisément l’impossibilité du juge pénal de se prononcer sur des matières civiles. La troisième partie porte sur ce qui doit être fait pour que les intérêts des victimes des crimes internationaux soient de plus en plus considérés dans le processus judiciaire canadien. À ce sujet, des actions concrètes sont recommandées à la fois à l’endroit du gouvernement et des victimes elles-mêmes. Difficultés liées à la constitution du Fonds pour les crimes contre l’humanité 1.1. Problèmes quant aux modalités de financement du Fonds Comme nous venions de le préciser dans l’introduction, dans un certain nombre de provinces du Canada, il existe des législations destinées à indemniser les victimes dans le cadre de la criminalité nationale. Au Québec, il s’agit de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Mais comme les crimes régis par les lois provinciales sont uniquement ceux commis sur leur territoire, le Parlement a opté pour la création du Fonds pour les crimes contre humanité dans la LCHCG adoptée en 2000 afin de pouvoir accorder une compensation aux victimes de crimes graves commis en dehors du territoire canadien. Le régime d’indemnisation prévu par la LCHCG est spécial car il est le corollaire du principe de la compétence universelle. En effet, les États ont compris que la criminalité internationale est si grave qu’elle menace la paix et la sécurité de l’espèce humaine tout en heurtant la conscience de l’humanité tout entière. Dans ces conditions, on estime que ce genre de criminalité doit recevoir la réprobation de toute la communauté internationale. Selon Chilstein (2010), « la compétence universelle se présente comme l’expression unilatérale de la volonté répressive d’un État qui décide de se faire, seul, juge d’infractions qui lui sont en tout point étrangères, mais dont la gravité l’incite néanmoins à mettre en œuvre son appareil répressif ». L’auteur ajoute que « la volonté d’éviter l’impunité des auteurs l’incite à étendre le champ naturel de sa compétence pénale pour atteindre des faits qui n’ont pas directement troublé son ordre public ». Le régime de réparation en faveur des victimes des crimes internationaux institué par la LCHCG a été calqué sur celui du Fonds au Profit des Victimes (Trust Fund for Victims) prévu par le Statut de Rome portant création de la CPI. En effet, le paragraphe 79 (1) du Statut de Rome dispose qu’« [U]n fonds est créé, sur décision de l'Assemblée des États Parties, au profit des victimes de crimes relevant de la compétence de la Cour et de leurs familles ». Ce Fonds est, entre autres, constitué des versements issus des amendes et des confiscations ordonnées par la CPI (paragraphe 79 (2)). Pour sa part, le paragraphe 30 (1) de la LCHCG prévoit qu’il Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 405 Melchiade Manirabona, A. [E]st institué le Fonds pour les crimes contre l’humanité où sont versées : a) les sommes recueillies par suite de l’exécution des ordonnances de la Cour pénale internationale au Canada à des fins de réparation ou de confiscation ou des ordonnances de cette cour qui imposent une amende; b) les sommes recueillies au titre de l’article 31; c) les sommes reçues autrement à titre de dons au Fonds. L’article 31 de cette loi dispose, de son côté que : Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux verse au Fonds pour les crimes contre l’humanité : a) le montant net provenant de l’aliénation des biens visés aux paragraphes 4(1) à (3) de la Loi sur l’administration des biens saisis qui : (i) sont des produits de la criminalité, au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel, obtenus par la perpétration d’une infraction visée à la présente loi, ou qui en proviennent directement ou indirectement, (ii) ont été confisqués au profit de Sa Majesté et aliénés par lui; b) les amendes versées ou perçues en application du paragraphe 462.37(3) du Code criminel en remplacement des biens visés à l’alinéa a). En premier lieu, on constate que la principale source de financement prévu par la LCHCG est le versement des sommes d’argent obtenues dans le cadre de l’exécution au Canada des ordonnances de la CPI relativement aux amendes, indemnités et confiscations. Il s’agit principalement des cas où les personnes condamnées par la CPI auraient des biens au Canada qui seraient alors vendus suivant 406 les ordonnances de la Cour. Ce moyen de financement est, somme toute, aléatoire étant donné qu’on n’est pas sûr du nombre de cas que la CPI va assigner au Canada. De plus, à quelques exceptions près, les personnes jusque-là poursuivies devant la CPI sont presque des indigents qui n’ont probablement pas de biens susceptibles d’être confisqués et vendus pour financer le Fonds en faveur des victimes ou payer les éventuelles amendes. Enfin, alors que les procédures criminelles internationales peuvent durer plusieurs années sans être conclues, les victimes elles ont des besoins urgents qui méritent d’être comblés indépendamment de l’issue des procès. En deuxième lieu, la LCHCG prévoit le financement du Fonds par l’argent tiré des amendes et confiscations des biens provenant de la criminalité imposées par des tribunaux canadiens en vertu de cette loi. Comme pour le cas de la CPI, il n’est pas sûr que les auteurs des crimes graves poursuivis en vertu de la LCHCG soient suffisamment riches pour pouvoir supporter les frais pouvant servir à indemniser convenablement les victimes. Même à supposer qu’ils aient des biens susceptibles d’être saisis, il pourrait s’avérer difficile d’identifier leur localisation en vue de leur confiscation éventuelle. Le problème de retracer les biens appartenant aux anciennes personnalités politiques poursuivies pour crimes contre l’humanité s’est toujours posé au niveau des tribunaux pénaux internationaux et il ne semble pas y avoir de solutions jusqu’à présent. En conséquence, à quelques exceptions près, presque tous les anciens responsables politico-militaires poursuivis devant les tribunaux internationaux réussissent toujours à démontrer qu’ils sont des indigents incapables de payer les frais de justice alors qu’ils sont supposés avoir dilapidés les richesses des États qu’ils dirigeaient (Schabas, 2007). Selon toute évidence, il existe de sérieuses difficultés à pouvoir localiser les biens appartenant aux anciens gouvernants poursuivis pour Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)! QUELLE REPARATION AU QUEBEC POUR LES VICTIMES DE CRIMES INTERNATIONAUX ? criminalité internationale. Le cas Munyaneza pourrait être expliqué sous cet angle : soit il n’avait pas de biens pouvant être confisqués, soit il a été impossible pour le Canada de les localiser. Par ailleurs, même si la localisation de biens était faite, l’opération de confiscation pourrait s’avérer difficile à concrétiser en cas d’absence de traités de coopération judiciaire entre le Canada et l’État où se trouvent les biens à confisquer. Enfin, la LCHCG prévoit, comme troisième source de financement, les dons. La Loi ne limite pas les origines de ces dons, ce qui suppose qu’ils peuvent provenir aussi bien du secteur privé que du secteur public. Même si cette source de financement du Fonds pour les crimes contre l’humanité a été placée en troisième position, nous pensons qu’elle doit jouer un rôle de premier plan compte tenu des difficultés entourant les autres modes de financement que nous venons de voir. Toutefois, la question de savoir qui doit initier la campagne visant à recueillir des dons pour le Fonds reste posée. A priori, on peut dire que c’est le gouvernement qui doit s’en charger étant donné que c’est lui qui est responsable de la mise en œuvre des lois adoptées par le Parlement. Mais comme nous venons de voir que ces dons peuvent provenir aussi bien du secteur privé que du secteur public, nous pensons que le gouvernement doit agir de concert avec les organisations des victimes pour amasser les dons nécessaires auprès des individus ou organisations intéressées par cette cause. Étant donné la médiatisation que reçoit les procès portant sur les crimes contre l’humanité, il peut être une bonne période de lancer la campagne visant la collecte des dons en faveur des victimes. 1.2. Problèmes découlant du mécanisme d’attribution de la réparation Nous venons de voir qu’au niveau de la Cour pénale internationale, c’est l’article 75 du Statut de Rome qui permet aux juges d’ordonner que des indemnités soient versées aux victimes ou à leurs ayants droit après avoir déterminé l'ampleur du dommage, de la perte ou du préjudice causé en indiquant les principes sur lesquels se fonde leur décision. Au Canada par contre, la LCHCG prévoit que c’est le procureur général qui peut verser l’indemnisation aux victimes sans préciser si c’est après une décision du tribunal. Si, comme l’affirme le professeur Currie (2010), le versement de l’indemnisation se fait selon la discrétion du procureur général, on pourrait craindre des risques de partialité ou d’abus. En effet, on peut se demander sur quels critères se basera le procureur général pour déterminer que telle personne est victime et que telle autre ne l’est pas. Comment pourra-t-il apprécier l’ampleur des dommages subis ? Sans être juge, aura-t-il les prérogatives d’entendre les observations de la personne condamnée, des victimes, des autres personnes ou des États intéressés avant de prendre sa décision comme cela est reconnu devant la CPI ? À l’état actuel de la LCHCG, il n’est pas exclu que pour des raisons idéologiques, l’indemnisation des victimes des atrocités comme celles commises par Munyaneza se heurte à la discrétion du procureur général. Étant donné les besoins criant en la matière, ainsi que la possibilité que les crimes internationaux provoquent plusieurs catégories de victimes (Wemmers, 2010a), il aurait été préférable que la question d’indemnisation des victimes soit tranchée par un tribunal afin de s’assurer que le processus est mené avec l’impartialité et l’indépendance requises. Il est vrai que le paragraphe 30 (3) de la LCHCG prévoit que « le gouverneur en conseil peut prendre des règlements pour prévoir la manière d’administrer et de gérer le Fonds ». Toutefois, bien que, à notre connaissance, aucun règlement ne semble avoir été pris dans ce sens, il est évident que même s’il était pris, il ne permettrait pas de régler le problème. Les manquements de la LCHCG ne pourraient être corrigés qu’avec l’adoption d’une autre loi. Le Parlement devrait par exemple profiter de l’examen du Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 407 Melchiade Manirabona, A. Projet de loi C-483-Loi modifiant la Loi sur l’immunité des États (2009), pour y inclure des modifications portant sur la LCHCG. Difficultés d’ordre pratique susceptibles d’expliquer l’absence d’indemnisation des victimes dans l’affaire Munyaneza Les obstacles d’ordre pratique susceptibles d’expliquer le fait que le juge n’ait pas fait référence à l’indemnisation des victimes dans le jugement Munyaneza peuvent être relevés en analysant autant la position du gouvernement canadien que celle des victimes elles-mêmes, d’une part. D’autre part, il est aussi possible que la Cour supérieure, qui a statué sur cette affaire, ait éprouvé des difficultés d’ordre fonctionnel. 2. 1. Du côté du gouvernement canadien et des victimes Comme nous venions de le souligner, la lecture des dispositions de la LCHCG montre que, pour l’instant, le Fonds pour les crimes contre l’humanité ne pourrait principalement bénéficier que des dons comme le fait d’ailleurs le Fonds au Profit des Victimes de la CPI. Or, dans un contexte de récession économique, il est possible que cela n’ai pas été parmi les priorités du gouvernement canadien. Il pourrait donc y avoir eu un manque de volonté politique de la part du gouvernement pour rendre fonctionnel le Fonds. À ce sujet, il est d’ailleurs fort significatif de remarquer que le Canada n’a pas encore contribué au Fonds au profit des victimes institué par la CPI alors que ce pays peut être considéré, à juste titre, comme ayant été l’un des principaux artisans de la création de cette Cour. Par ailleurs, les observations du professeur Schabas (2009) nous font penser qu’il est possible aussi que le gouvernement conservateur ne se soit pas pressé à mettre en place une institution prévue par une loi adoptée sous le règne de son rival libéral. L’insuffisance d’engagement en faveur de la réparation est aussi remarquable du côté 408 des victimes. On a en effet remarqué, de la part des victimes et des associations qui les soutiennent, un manque d’activisme à la hauteur de l’ampleur des crimes commis au Rwanda pour exiger une indemnisation. Cette attitude peut être compréhensible dans la mesure où ce qui préoccupait le plus les gens était la condamnation de Munyaneza, qui, après tout, est considérée comme l’une des formes de réparation, étant donné que les précédents procès pour crimes internationaux n’avaient abouti à aucune condamnation au Canada (Schabas, 2005). Nous pensons que si une mobilisation forte avait eu lieu, elle aurait contraint le gouvernement du Canada à commencer à faire fonctionner réellement le Fonds pour les crimes contre l’humanité en y versant certaines sommes d’argent ou en permettant à d’autres organismes de bonne volonté de le faire. De plus, une telle mobilisation ainsi qu’une sensibilisation conséquente auraient sans doute aussi incité les organisations privées à s’impliquer par des contributions financières au Fonds. En l’absence de ce genre de sensibilisation et d’informations, il était normal que le gouvernement ne se donne pas une nouvelle charge de débourser l’argent pour l’indemnisation des victimes des crimes commis par Munyaneza. 2.2. Difficultés au niveau fonctionnement du tribunal du La démarche du juge canadien en instance pénale mérite aussi un commentaire. La question centrale est de savoir dans quelle mesure le juge pénal peut faire référence à l’indemnisation en faveur des victimes sans heurter les fondements de la procédure pénale canadienne. En effet, au Canada, contrairement à un certain nombre de pays continentaux, la procédure devant le juge criminel est généralement séparée de toute référence aux demandes civiles. C’est le juge siégeant en matière civile qui est traditionnellement la seule instance habilitée à recevoir les réclamations relatives aux indemnisations. Dans le système pénal de Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)! QUELLE REPARATION AU QUEBEC POUR LES VICTIMES DE CRIMES INTERNATIONAUX ? common law hérité au Canada, il n’existe pas de constitution de partie civile dans une instance pénale comme cela se fait en France par exemple. Pour l’instant donc, si les tribunaux canadiens ont commencé à juger les auteurs des crimes internationaux, la procédure pénale applicable n’en reste pas moins la même que pour les crimes ordinaires. Contrairement à la CPI, dont le Statut de Rome donne le pouvoir aux juges de prendre en compte les dommages subis par les victimes dans le but de leur accorder la réparation nécessaire, le juge siégeant en matière pénale au Canada n’est généralement pas obligé de se soumettre à une telle procédure. Certes, l’article 722 du Code criminel donne l’opportunité aux victimes de rédiger et déposer une déclaration sur les dommages ou les pertes causées à elles lors de la perpétration des crimes. Mais le juge ne prend en considération cette déclaration que pour les fins de la détermination de la peine et non pas dans le but d’octroyer une indemnisation aux victimes. L’article 738 du Code criminel qui accorde, dans certaines circonstances, le pouvoir au juge du procès pénal d’ordonner le dédommagement d’une victime par le responsable d’un crime n’est presque pas utilisé (Levesque, 2006). Même si cet article était souvent utilisé, il serait difficilement applicable en raison des problèmes susceptibles d’entourer la détermination des impacts réels des dommages subis dans le cas des crimes internationaux. Dès lors, on comprend aisément que le juge de la Cour supérieure siégeant en matière criminelle peut avoir du mal à se départir de la pratique habituelle. En conséquence, dans le cas de l’affaire Munyaneza, même si on avait invité la Cour supérieure à se prononcer sur l’indemnisation, il est fort probable qu’elle ne l’aurait pas fait. Une nouvelle approche de la procédure pénale applicable aux crimes à caractère international est donc plus que nécessaire devant les tribunaux canadiens afin d’aider les victimes immigrées au Canada à faire face à leurs multiples besoins. Quelques suggestions pour surmonter les obstacles entourant l’indemnisation des victimes des crimes contre l’humanité à l’étranger Afin de pouvoir surmonter les obstacles liés à l’indemnisation, au Canada, des victimes de crimes internationaux commis à l’étranger, nous pensons que des actions doivent être menées aussi bien par le gouvernement que par les victimes ellesmêmes. 3.1. Actions attendues du gouvernement Comme nous venions de le souligner, les mécanismes de financement prévus par la LCHCG ne semblent pas fonctionner afin de permettre au Fonds pour les crimes contre l’humanité de recevoir les sommes susceptibles d’être distribuées aux victimes de crimes internationaux en guise d’indemnisation. En effet, la mise en exécution des ordonnances de la Cour pénale internationale imposant des amendes est encore loin d’être une réalité étant donné qu’il n’y a aucune condamnation qui soit déjà prononcée par cette instance judiciaire mondiale. Même si la CPI avait déjà condamné un accusé, rien ne dit que le Canada serait parmi les premiers États devant exécuter les ordonnances de cette Cour dans la mesure où les personnes qui sont présentement au banc des accusés ne semblent pas disposer des biens au Canada. Dans le même sens, jusqu’à ce jour, le Canada ne semble pas déterminé à procéder à l’identification biens susceptibles d’être le fruit de la criminalité internationale dont confiscation aboutirait au renflouement de la caisse du Fonds pour les crimes contre l’humanité. Dès lors, la seule option qui reste à explorer est celle relative aux dons même si les victimes préfèrent que ce soient les auteurs Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 409 Melchiade Manirabona, A. des crimes qui participent pleinement à la réparation. Dans ce sens, nous sommes d’avis que c’est le gouvernement canadien qui a la responsabilité première de contribuer au Fonds pour les crimes contre l’humanité, du moins, dans les premiers mois suivant son établissement. Cela n’exclut toutefois pas que d’autres organisations intéressées par la cause participent aussi au financement du Fonds sans attendre l’apport du gouvernement. Par ailleurs, il a été relevé que le gouvernement a financé le soutien psychologique dont certaines victimes ont bénéficié durant le procès de Munyaneza (Wemmers, 2010). Nous pensons qu’il s’agissait d’une bonne avancée. Le seul problème est que cela semble avoir été fait de façon ad hoc et non pas dans la perspective du Fonds institué par la LCHCG. 3.2. Actions attendues des victimes Comme nous l’avons évoqué déjà, bien que la LCHCG soit vieille de plus de dix ans, le Fonds pour les crimes contre l’humanité qu’elle institue n’a pas encore été mis sur pied par les autorités fédérales. L’une des actions que l’on peut attendre des victimes des crimes graves commis à l’étranger et des associations qui les soutiennent est de se mobiliser conséquemment dans le but de faire entendre leur voix pour que les autorités fédérales mettent en place des mécanismes nécessaires à faire fonctionner le Fonds. En effet, comme précédemment évoqué, la lecture du déroulement du procès de Munyaneza suggère que, pour une raison ou une autre, le combat pour la mise en place effective de ce Fonds n’a pas encore suffisamment trouvé de porteétendards susceptibles de faire renverser la tendance. Or, de par le passé, il a été constaté que la mobilisation du public, en général, et de la société civile en particulier, a souvent réussi à modifier le cours de la politique des gouvernements. Une autre action envisageable est le recours aux tribunaux par les victimes des 410 crimes internationaux subis à l’étranger. L’omission des autorités du gouvernement de mettre en place le Fonds pour les crimes contre l’humanité, alors que la loi prévoit expressément sa création, n’est pas sans conséquences d’un point de vue de la responsabilité administrative. En effet, le fait que la LCHCG soit une loi régulièrement adoptée par le Parlement lui donne un caractère normatif incontestable (Hogg & Zwibel, 2005). Il en découle que les dispositions de cette loi doivent être utilement et efficacement appliquées par toute autorité fédérale concernée sous peine de se voir reprochée d’avoir outrepassé les pouvoirs qui lui sont reconnus par la loi (Mines Alerte Canada c. Canada, 2010). À partir de cet instant, dans une perspective de la primauté du droit (rule of law), les victimes qui devaient bénéficier de l’indemnisation provenant de ce Fonds peuvent avoir des moyens légaux pour exiger la mise en place immédiate de ce Fonds. S’il est vrai que le paragraphe 30 (2) de la LCHCG prévoit que « le procureur général du Canada peut verser ces sommes […] aux victimes d’infractions visées à la présente loi ou relevant de la compétence de la Cour pénale internationale et à leurs familles, ou en disposer autrement », cette discrétion ne concerne que la distribution de l’argent provenant du Fonds et non pas l’établissement du Fonds lui-même. Le paragraphe 30 (1) énonce qu’« [Est] institué le Fonds pour les crimes contre l’humanité […] ». Ce paragraphe ne prévoit pas qu’il pourra être constitué un Fonds pour les crimes contre l’humanité. Selon la LCHCG donc, le Fonds pour les crimes contre l’humanité devait être constitué. La persistance du manquement à l’obligation prévue par la LCHCG, combinée au fait que cette loi ne laisse pas de discrétion aux autorités quant à l’établissement de ce Fonds, semble révéler un certain abus de pouvoir, ce qui pourrait facilement donner lieu aux recours devant les tribunaux. S’il s’avère réellement qu’il y a Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)! QUELLE REPARATION AU QUEBEC POUR LES VICTIMES DE CRIMES INTERNATIONAUX ? eu abus, de la part des décideurs, relativement à la mise en œuvre du Fonds, la Cour fédérale pourrait être saisie par une demande en contrôle judiciaire (Lemieux & Des Roches, 2004). Ainsi, en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérale, la Cour fédérale peut ordonner « à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable ». La cour peut aussi accorder toute réparation qu’elle estime juste dans les circonstances de l’espèce sans même que le demandeur en fasse mention dans sa requête (Smith c. Canada, 1998). Même si la LCHCG laissait aux autorités fédérales une large marge de manœuvre, celles-ci restaient soumises à l’obligation d’agir avec diligence et bonne foi. Ainsi, conformément aux standards développés par la Cour suprême du Canada, même si les dispositions de la LCHCG relatives à l’établissement du Fonds pour les crimes contre l’humanité laissaient un large pouvoir de discrétion à l’administration, ce dernier devait être exercé dans les limites d’une interprétation raisonnable de la marge de manœuvre envisagée par le législateur, conformément au principe de la primauté du droit et suivant les principes généraux de droit administratif (Baker c. Canada, 1999). En conséquence, les tribunaux pourraient intervenir si l’omission des autorités concernées est jugée déraisonnable du fait qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008). ! Conclusion Bien qu’elle se soit inspirée du droit international, la Loi québécoise sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels se limite aux crimes commis à l’intérieur du territoire québécois. L’adoption en 2000 de la LCHCG a, à juste titre, été saluée par plusieurs observateurs intéressés par la problématique de la criminalité internationale. Le fait que la LCHCG envisage l’indemnisation des victimes des crimes internationaux indépendamment du lieu constitue une prise en compte importante de la réalité de la criminalité mondialisée. Il existe d’autres initiatives législatives semblables visant à faire face à un certain nombre de situations dépassant les frontières nationales. Ainsi par exemple, le projet de loi sur l’indemnisation des victimes d’actes terroristes à l’étranger (Projet de loi S-7, 2010-2011) cherche à permettre les poursuites devant les tribunaux canadiens pour les victimes d’actes terroristes à la fois contre leurs auteurs et contre les États qui les soutiennent. De même, le Projet de loi C-483 (2009) vise à empêcher que les auteurs des crimes internationaux se prévalent des immunités diplomatiques pour échapper à la justice au Canada. Ce projet de loi prévoit en outre que les tribunaux canadiens n’auront pas à attendre que les recours internes soient utilisés et épuisés dans les cas où il est peu probable que ces recours « offriraient une réparation valable à la personne qui est la victime d’un génocide, d’un crime contre l’humanité, d’un crime de guerre ou d’actes de torture ». Cependant, de telles initiatives ne serviraient pas à grand-chose pour les victimes si le gouvernement ne s’implique pas activement dans l’établissement des mécanismes nécessaires pour leur mise en exécution effective. L’institution du Fonds pour les crimes contre l’humanité aurait dû être accompagnée de la mise en place des infrastructures nécessaires pour financer, administrer et gérer ce Fonds. Comme les auteurs des crimes graves peuvent ne pas disposer de biens dont l’aliénation servirait à indemniser les victimes, le financement du Fonds devrait être assuré au départ par l’État canadien. Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 411 Melchiade Manirabona, A. Références Canada. Ministère de la justice. Aide financière d’urgence pour les Canadiens victimes d’actes criminels à l’étranger, Ministère de la justice du Canada. http://www.justice.gc.ca/fra/pi/cpcvpcvi/etranger-abroad.html#dep. 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Cette charge traumatique va être mise en scène au sein de l’institution dans la relation de l’enfant avec les professionnels. Si l’évaluation psychologique de cette charge traumatique se fait dans l’ici et maintenant de la relation clinique, son origine est à chercher dans un hors-temps qui va au-delà de la relation intersubjective. A partir de notre pratique clinique en Maison d’Enfants à Caractère Social, nous développerons, à travers un cas, quelques pistes de réflexion sur l’accueil et la prise en charge de la charge traumatique du vécu psychique, familial et intergénérationnel de l’enfant. Mots-clés Charge traumatique - Effondrement - Examen psychologique- Transfert - Méthodes projectives Abstract This clinical study addresses the traumatic experience of children in institutions, as well as the weight of his personal, family and intergenerational traumatic stories. We assume that these stories, intertwined with each other, constitute a "traumatic load" in the psyche of the child. This traumatic load will be developed in the institution through the child's relationship with professionals. If the trauma is evaluated in the here and now of the clinical relationship, its origin is to be found in an off-time that goes beyond the intersubjective relationship. From our clinical practice in social House Children's, we will develop, through a case study, some thoughts on the way we deal with the intergenerational family traumatic experience of children. Keywords Traumatic charge - Collapse - Psychological evaluation - Projective Methods Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 413 DERIVOIS, D. & GUILLIER-PASUT, N. Le temps et l’espace du traumatisme chez l’enfant placé La prise en charge de l’enfant confié à la Protection de l’Enfance est une entreprise complexe car les éléments cliniques déposés dans l’ici et maintenant ont des résonances avec les temps antérieurs au placement. Lorsque l’enfant arrive dans l’établissement pour cause de maltraitances, il amène avec lui ses propres difficultés, conflits internes et traumatismes psychiques d’un autre temps. A cet égard, comme le précise Cl. Janin (1996), trois temps du traumatisme peuvent être distingués: le premier est celui du traumatisme précoce caractérisé par la carence des soins primaires (noyau froid), le deuxième temps est celui où se rejoue la scène première du traumatisme (noyau chaud) et le troisième est ce qu’il appelle le traumatisme paradoxal constitué des deux premiers sans qu’il soit possible de les distinguer l’un de l’autre. Suivant cette conceptualisation, le traumatisme n’a pas d’âge, il est à envisager sur la « longue durée » (Braudel, 1969) de l’existence humaine dans une perspective inter- voire transgénérationnelle qui va au-delà du sujet singulier pour aller chercher ses sources potentielles dans les générations antérieures. Si l’enfant placé amène sur la scène institutionnelle et intersubjective des traces de son vécu traumatique, il vient aussi avec toute une série de problématiques qui le dépassent personnellement et même sa famille nucléaire. Les traces traumatiques qu’il va déposer dans l’institution relèvent donc d’une part de ses propres traumatismes vécus précocement, et d’autre part du poids traumatique intergénérationnel de ses histoires familiales voire institutionnelles Un évènement en soi – ce que Braudel appelle le « temps court » - n’est pas toujours vécu comme traumatique au moment où il se passe. De même, un évènement traumatique ne détermine pas la totalité de la vie du sujet. Si l’on admet la conception freudienne selon laquelle le Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)! moment où ça se passe n’est pas celui où ça se signifie, on peut également soutenir que l’espace des faits n’est pas forcément celui du vécu, les personnes avec lesquelles il s’est passé quelque chose ne sont pas forcément celles avec lesquelles le vécu traumatique va se signifier. Ainsi, le transfert et le contre-transfert jouent un rôle central dans la compréhension de ce qu’un sujet singulier – ici l’enfant – dépose dans la relation clinique mais aussi dans l’accompagnement de celui-ci. Nous proposons d’appeler « charge traumatique » l’emboîtement des vécus et traumatismes multiples au sein de l’institution qui vont se déployer sous des formes diverses, dans les relations groupales et/ou individuelles de l’enfant avec les membres de l’équipe. Cette charge est portée par et dans la relation transférentielle. Il appartiendra ainsi à l’équipe de prendre en charge l’enfant placé, de l’accompagner dans sa construction psychique, en tenant compte, dans une dynamique processuelle, du poids traumatique de ces histoires singulières et collectives (Derivois, 2008, 2010). Après avoir présenté, dans un premier temps les enjeux de la demande et le dispositif d’accueil du traumatisme d’une enfant de 5 ans, nous présenterons quelques faits saillants du cas pour dégager ensuite quelques pistes de réflexion sur la compréhension de la charge traumatique de l’enfant. L’ACCUEIL DU TRAUMATISME L’accueil du traumatisme en Maison d’Enfants à caractère Social (MECS) résulte d’une demande à plusieurs voix qui s’exprime en des temps différents dans un processus complexe. Enjeux de la demande Dans cette MECS, il y a une demande institutionnelle implicite d’évaluer tout nouvel arrivant. Articulée aux observations des équipes éducatives, cette LA CHARGE TRAUMATIQUE CHEZ L’ENFANT PLACE EN INSTITUTION évaluation sert à construire le projet personnalisé de l’enfant. Ce projet, soutenu par l’éducateur référent de l’enfant, met en évidence les principaux axes (éducatifs, scolaires, familiaux, et/ou psychologiques) à mettre au travail tout au long de la prise en charge de l’enfant. L’évaluation psychologique se définit comme une situation d’examen qui propose un « état des lieux » et des temps de la problématique psychique d’une personne à un moment donné. Avec pour objectifs de répondre à la demande institutionnelle ou autre, et par l’ensemble des outils qu’il suppose, le bilan permet « de contribuer au processus de prise de décision » (D. Castro, 2000). En MECS, il s’agit la plupart du temps de décider d’une orientation et/ou des modalités de prise en charge. Souvent, lorsque l’institution accueille un enfant, l’équipe n’a que très peu d’éléments d’anamnèse. Voici le très peu d’informations que nous avons obtenues sur l’histoire de Julie avant son évaluation. Julie, troisième d’une deuxième fratrie de 4 enfants, est placée en même temps que ses trois frères pour « climat de violence à la maison ». Les parents sont séparés. La mère, âgée de 37 ans, avait déjà eu 5 enfants d’une première union. Le père, alcoolique, est incarcéré pour « proxénétisme et viols » sur plusieurs femmes. Julie est une petite fille brune, qui paraît frêle et qui, dès son arrivée dans l’établissement, se présente comme une enfant « joyeuse », « qui aime bien dessiner et raconter des histoires », pour reprendre les propos des éducateurs. Elle sollicite régulièrement l’attention de ces derniers, les interpelle et cherche à discuter. Son grand frère John, de la seconde fratrie, porte le même nom qu’elle. Il a été reconnu par le père des trois autres. Son « vrai père travaille dans la mafia » selon ses dires. Ce serait un secret que lui aurait confié sa mère. Les autres enfants ne seraient pas au courant. John fait beaucoup parler de lui, à la MECS par son attitude de « leader » et surtout à l’école par ces actes de violence. Julie est très attentive à ce que fait son frère et à ce qui se dit sur lui. Toute la fratrie laisse penser qu’il s’est passé des scènes de violence à la maison sans pouvoir vraiment les décrire et même les nommer. Décider pour un enfant à partir de quelques éléments d’anamnèse et de résultats de tests est une entreprise délicate dans la mesure où la décision est prise en un temps donné, figé et engage l’avenir de l’enfant. A ce propos, D. Anzieu (in J. Guillaumin, 1977), proposant une métaréflexion sur l’examen psychologique a souligné deux écueils qui menacent « le périple » d’un bilan, à savoir, celui d’une « technicité machinale et rejetante », désubjectivé [et] celui d’une « recherche fusionnelle protéiforme et floue » sujet à toute dérive interprétative. En effet, devant la massivité du transfert en situation traumatique, le clinicien peut être tenté de se référer de manière défensive à la technicité d’un test – le Rorschach par exemple –, faire un usage quantitatif exclusif du psychogramme au détriment des données qualitatives non cotables par la grille classique de cotation. Dun autre côté, il peut être tenté de se laisser envahir par les émotions jusqu’à faire des interprétations hâtives qui, elles non plus, ne rendront pas compte de la complexité et de la subtilité des faits cliniques. Ce temps d’évaluation psychologique déploie ainsi des processus transférentiels et contre-transférentiels, sur lesquels il s’agit de s’arrêter, de réfléchir en temps réel et de revenir après-coup. Notre rencontre avec Julie, une enfant de 5 ans, et l’importance de nos éprouvés contretransférentiels face à sa problématique psychique et son histoire familiale nous ont amené à apprécier le fait qu’accueillir le traumatisme requiert la mise en place d’outils adaptés, de prêter son appareil à penser à l’enfant et même d’accepter d’éprouver dans son corps ce qui ne peut pas encore être représenté, pensé, psychisé. Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 415 DERIVOIS, D. & GUILLIER-PASUT, N. Processus d’accueil du poids traumatisme de Julie, 5 ans En somme, nous avons tenté d’écouter Julie au-delà de ce qu’elle montre. Les outils, la pensée et le corps du psychologue sont autant de médiations qui offrent au poids traumatique d’un patient un espace de figuration. Nous avons rencontré Julie cinq fois en entretiens individuels, ponctués de supports projectifs au cours desquels nous avons essayé de nous saisir du dépôt traumatique. Déroulement des entretiens − Le premier entretien pour faire connaissance et discuter des raisons de son placement. Ces échanges se sont construits à partir de la réalisation de deux dessins (Figure 1 « Une petite fille avec une serviette » et Figure 2 « Le cheval ». J’ai (DD) participé au premier dessin en ajoutant un arbre à droite sur invitation de Julie. Seule la petite fille est nommée malgré mon incitation à la faire raconter ce qui se passe dans le dessin. Pour le deuxième dessin, Julie s’est contentée de dire « Le cheval » en posant bien le dessin sur mon bureau, sous mon regard. Je me suis senti violenté du regard par ce dessin. Julie n’a pas voulu l’accrocher au mur comme l’autre. On peut y constater quelque chose qui ressemble à un long sexe mais Julie n’en a rien dit. Nous en avons profité pour annoncer à Julie que nous allions encore nous revoir quatre autres fois pour un « bilan » dont je communiquerai les résultats aussi à « ses » éducateurs pour le « projet personnalisé ». − Le deuxième entretien a été consacré à la passation du Rorschach (Tableau 1). J’étais particulièrement touché, voire déstabilisé par les réponses « cassé », « défait » qui revenaient souvent. Les questions posées pendant la passation, parfois sous forme de tentative de sortie du cadre projectif (Planche 5 du Rorschach, à l’enquête : « Et la nuit, est-ce que tu es dedans ? Et le matin ? »), m’ont également déstabilisé dans un premier temps. Petit à petit, j’ai compris que Julie voulait que je participe activement au déroulement Modalité d’écoute A travers ce dispositif mis en place, notre attention se centre sur ce qui s’est passé en entretiens par rapport à chacun des objets médiateurs (Rorschach, TAT, PAM, dessins) mais aussi sur ce qu’on peut repérer de transversal à ces supports. Nous avons été attentifs à la manière dont les processus psychiques en jeu se sont progressivement dessinés au cours de ces entretiens et des passations de tests. La notion de « fil projectif », introduite par P. Roman en 1991 nous a aidé à articuler espace sémantique et espace linéaire des réponses. Nous avons aussi suivi la dynamique intra et inter-test, c’est-à-dire le repérage de « restes » perceptifs, représentatifs, et projectifs qui se déplacent sur chaque planche ou test à travers les réponses données et en tentant de suivre un ensemble de signifiés derrière les signifiants-tests, signifiants-planches ou signifiants-mots (D. Derivois, 2004). Au niveau intra test (Rorschach), nous avons pu suivre l’évolution des signifiants « défait » et de leurs représentants. Quant au niveau inter test, l’articulation du dessin de la « petite fille qui saigne du nez » sur un lit qui s’échappe d’une maison sans base avec l’histoire du « petit garçon qui a la diarrhée » a permis d’apprécier comment Julie a tenté de figurer plusieurs chutes et pallier un défaut de contenance à la charge traumatique dont elle est porteuse. 416 Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)! LA CHARGE TRAUMATIQUE CHEZ L’ENFANT PLACE EN INSTITUTION de ses réponses. J’ai compris qu’il voulait m’utiliser (au sens de Winnicott) pour symboliser. Au cours de la passation, plus précisément à l’enquête, Julie demandera à faire un dessin : « Après le p’tit jeu, on va faire le dessin ? ». Elle fera une «petite fille qui saigne du nez »). Sur son invitation à participer au dessin, j’ai fait la pluie (Figure 3). Un « mouchoir noir » est posé sur le lit à côté de la petite fille. − − Le troisième entretien a été consacré à la passation du TAT (Figure 5). Tout s’est bien déroulé. Elle parle beaucoup de papa, de maman, d’enfant, de garçon ou de fille. Elle y exprime également des scènes de violence (Pl 8BM, 10) et de retrouvailles père/enfants après la perte (Pl 16). Ses questions aux planches 6GF, 9BG et 16 m’ont interpellé. J’ai eu un petit pincement au cœur quand elle m’a demandé si elle pouvait dessiner sur la dernière planche, la 16 qui d’après C. Chabert (1998) met le sujet face à la nécessité de mobiliser ses objets internes. L’histoire qu’elle a racontée concernant le fait qu’elle soit « perdue » et que le « père les retrouva ses petits enfants » m’a rassuré. Rassuré dans mon monde interne, je pouvais être plus disponible pour elle. Au cours du quatrième entretien, Julie va utiliser un autre support pour continuer la narration de son récit interne : la pâte à modeler. Elle fabrique « un petit garçon malade, il a la diarrhée car il a trop mangé ». Ensuite, Julie me demande de « faire les toilettes » ce que j’ai fait. Enfin, elle met tout « dans une maison où il y a des canapés, la télé et une voiture à l’extérieur ». Je suis agréablement surpris qu’elle ait fait la différence entre l’intérieur et l’extérieur de la maison, après avoir exprimé un défaut des limites du corps. − Le dernier entretien a été l’occasion de tenter de restituer à Julie quelque chose de ce qu’elle a amené et déposé au cours de nos rencontres, avant d’en faire part à l’équipe éducative et particulièrement à son éducateur référent. L’accent a notamment été mis sur son image de soi négative, ses potentialités créatrices et ses compétences relationnelles. La restitution à l’équipe C’est aussi dans cette perspective que nous avons pensé la dynamique de restitution auprès de l’équipe institutionnelle : malgré des défaillances de son environnement premier, malgré des carences affectives et éducatives certainement importantes, malgré encore les trans-traumatismes sous-jacents dans son histoire, Julie semble avoir beaucoup de ressources psychiques pour associer, des capacités importantes de symbolisation. Julie se questionne beaucoup sur son vécu, sur les comportements de l’adulte. Elle tente de comprendre la violence parentale qu’elle a subie et dont elle a pu être témoin, avec d’autre part un surinvestissement de tous les moments non-violents qu’elle peut vivre, où elle se sent en sécurité et où on s’occupe d’elle. Nous avons pu signifier à l’équipe éducative qu’elle est en demande constante d’étayage et peut profiter de la protection des adultes, utiliser l’environnement institutionnel et professionnel après en avoir testé la fiabilité et la bienveillance. Comme le met en évidence Winnicott D. W. (1956), quant à la prise en charge des enfants déprivés, « il faudra fournir la possibilité à l’enfant de redécouvrir des soins infantiles qu’il pourra mettre à l’épreuve et au sein Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 417 DERIVOIS, D. & GUILLIER-PASUT, N. desquels il pourra revivre ces pulsions instinctuelles ». ELEMENTS D’ANALYSE Le cas de Julie présente beaucoup d’éléments qui mériteraient une analyse approfondie. Nous faisons cependant le choix de mettre en évidence quatre axes relatifs à la représentation de soi, l’angoisse d’effondrement, la demande d’étayage et l’effort pour symboliser. Quelque chose s’est « défait » Quelque chose semble s’être défait chez Julie. Et elle s’interroge. En effet, elle pose beaucoup de questions et nous pousse également à en poser. L’une d’entre elles qui s’impose à nous est celle-ci : qu’est-ce qui est défait/cassé chez Julie ? est-ce son avenir, son espoir, son enfance ? Comme on peut le voir dans son protocole de Rorschach, le fil projectif nous permet de suivre la lutte de Julie avec cette représentation de « défait », de « cassé », d’ « écrasé » ou de « morte » qui hante son appareil psychique. A chaque nouveau signifiant (planche), elle semble rattrapée par le même signifié de quelque chose en déconstruction dans sa psyché, qui peine à s’identifier. Cela la hante tellement qu’elle cherche parfois des issues de sortie du cadre projectif – vécu comme angoissant – ou un étayage sous formes de questions adressées au psychologue. Elle semble tellement coincée dans cette représentation négative qu’elle mobilise toute son énergie à trouver du sens. Alors tantôt elle cherche, trouve-crée un coupable à cette déconstruction (« peintre », « petits », « quelque chose »), tantôt elle cherche une explication qui la confronte à nouveau à l’impasse : « il est défait parce que c’est tout cassé ». La « maison » de Julie est cassée, ses fenêtres sont sans bords, renseignant ainsi sur l’état de son « habitat interne » (A. Eiguer, 2004). Un habitat interne qui montre à la fois sa fragilité et ses ressources. 418 Il est difficile de cerner ce qui est cassé et ce qui s’est passé. Cependant, à partir de l’ensemble des données cliniques, nous faisons l’hypothèse que ce qui s’est défait/cassé, c’est la représentation que Julie a d’elle-même. Il s’agirait d’un Moi défait, déprivé, ce Moi qui a tenté de (se) mettre en forme à travers les projectifs et qui dans son effort pour donner du sens signe en même temps ses défaillances. Ce sont les assises narcissiques de Julie, ses étayages naturels incapables de contenir ses excitations pulsionnelles qui seraient défaites, cassées, rendant ainsi possible la chute ainsi que la crainte de l’effondrement. La crainte de l’effondrement Le tableau clinique de Julie est émaillé d’images et d’angoisses de chute, de vidage et d’écoulement. Elle utilise à la fois les supports tests et le psychologue pour tenter de les figurer. Le dessin de « la petite fille qui saigne du nez » - qui montre un trait incisif qui entaille le corps du personnage- est d’ailleurs particulièrement significatif. Le corps se vide de son contenu par le nez. Le lit aussi qui, par ailleurs, encadre la petite fille, est en chute libre de cette maison isolée, sans base, suspendue elle-même dans le vide. On voit Julie aux prises avec des angoisses massives d’écoulement, de chute, voire de vidage et dans une image d’elle-même douloureuse plus que dévalorisée, Le dessin de « la petite fille avec une serviette » exprime lui aussi la présence de liquide à contenir un moment donné. Etaient-ce des larmes ? Du sang ? En tout cas, la serviette – comme le mouchoir du dessin de la « petite fille qui saigne du nez – était là pour servir d’étayage et de tampon, au besoin. Ces dessins ainsi que la « diarrhée » symbolisée à travers la pâte à modeler amènent à faire l’hypothèse de défaillances de l’environnement primaire, notamment Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)! LA CHARGE TRAUMATIQUE CHEZ L’ENFANT PLACE EN INSTITUTION des défauts de contenance, de holding au sens winnicottien du terme, de relations affectives sécurisantes et étayantes. A travers ses productions projectives et mouvements transférentiels, Julie semble exprimer à la fois un effondrement vécu et sa crainte de s’effondrer à nouveau. Dans la « Crainte de l’effondrement », Winnicott (1974) souligne un paradoxe qui nous aide à penser ce qui se passe pour Julie. D’un côté, il dit que cette crainte est « la crainte d’un effondrement qui a déjà été éprouvé ». D’un autre côté, il avance que « la crainte de l’effondrement peut être la crainte d’un événement du passé qui n’a pas encore été éprouvé ». Ce paradoxe traduit bien la difficulté de penser les angoisses de chute. Il rend bien compte de l’irreprésentable que transmet Julie à travers les traces traumatiques de son histoire subjective. Qu’est-ce qui est concerné par la crainte de l’effondrement ? L’appareil psychique individuel et/ou l’appareil psychique familial ? On peut en effet rechercher le vécu enkysté soit dans l’appareil psychique individuel, soit dans l’appareil psychique familial, soit dans l’intrication des deux. Premier cas de figure : l’effondrement a déjà été éprouvé. Une façon de comprendre cette hypothèse est de penser qu’étant enfant ou bébé Julie a vécu un effondrement dont elle ne se souvient pas. Cet effondrement ne serait pas intégré et ne serait pas encore psychisé. Ces traces la confronteraient à une absence de représentations. C’est comme si cet effondrement était senti mais non ressenti. C’est ce « senti » qui hanterait l’espace psychique de Julie et installerait chez elle une crainte de le revivre pour de vrai. Il concernerait donc son appareil psychique individuel. Deuxième cas de figure : un évènement du passé n’a pas encore été éprouvé. Ici, la centration n’est plus sur l’effondrement lui-même mais sur un évènement du passé. Ce n’est plus l’effondrement qui n’a pas été éprouvé mais un évènement du passé. Il y a la une mutation théorique selon laquelle c’est cet évènement du passé qui aurait engendré la crainte de l’effondrement. Ainsi, cet évènement ne se confond pas forcément avec l’effondrement il peut être aussi d’une toute autre nature ou recouvrir les deux à la fois. Cet évènement peut-être contemporain de l’enfance ou de la petite enfance mais peut aussi les avoir précédés. Nous faisons l’hypothèse que cet évènement ne concernerait pas spécifiquement Julie mais serait aussi à rechercher dans « l’appareil psychique familial » (A. Ruffiot, 1990). Si l’on admet que les images de chute peuvent renvoyer à une problématique de défaillances précoces on peut penser qu’il y aurait un fond défaillant familial précoce qui hante la psyché individuelle de Julie. Les vécus de chute seraient ainsi l’objet d’une répétition trans-générationnelle. La chute et le défaut de contenance familiale auraient déjà eu lieu, Julie ne serait que la déléguée pour porter et faire évoluer le symptôme. Une demande de disponibilité, contenance et d’étayage de Il n’est pas ainsi pas anodin que toute l’institution, substitut maternel, familial potentiel, se sente impliquée dans la prise en charge de Julie. Julie suscite une grande sympathie dans l’institution. Elle va ellemême mobiliser ses ressources pour solliciter la disponibilité de l’environnement institutionnel et professionnel. La manière dont Julie interroge par exemple notre disponibilité, par des sorties du cadre, au cours de la passation du Rorschach en est un exemple (Pl. V : « Et la nuit, est-ce que tu es [dans le bureau] ? », « Et le matin ? », Pl. IX : « Après le p’tit jeu, on va faire un dessin ? ») montre sa détermination à ne pas se laisser s’écrouler face à ses représentations angoissantes et potentiellement traumatisantes. Elle veut s’assurer de la permanence du lien à l’objet. Dans cette même recherche d’appui, elle invitera le psychologue à participer à ses dessins, comme pour soutenir la Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 419 DERIVOIS, D. & GUILLIER-PASUT, N. représentation, participer à la figuration de la chute comme à son élaboration. De manière plus significative encore, la mise en scène que développe Julie pendant le temps du jeu avec la pâte à modeler, au cours du 4ème entretien, traduit bien ses demandes constantes et ses questionnements autour de notre capacité à recueillir ses angoisses et vécus agonistiques, à les contenir : Julie crée « un petit garçon qui est malade, et qui a la diarrhée car il a trop mangé » et me demande (D.D.) de fabriquer des toilettes, en d’autres termes à être le récipient de ses angoisses, de ses douleurs. On voit ici à l’œuvre la fonction de pare-excitation que décrit Anzieu (1985) dans son ouvrage sur le Moi-peau. Dans mon contre-transfert, je me suis senti utile – car d’autres fois, je me sentais démuni face à ses angoisses de chute et de vidage. Julie a mobilisé ma fonction alpha, pour reprendre une expression de Bion afin de participer à la reconstruction de son espace psychique. Ce que j’ai également vécu comme un effort de sa part pour symboliser. L’effort pour symboliser Un dernier point qui attire notre attention est l’effort de Julie pour symboliser, c’est-à-dire pour tenter de donner du sens à son « expérience subjective vécue » (Roussillon, 2000). Elle va utiliser à la fois ses ressources internes et ce qui est disponible dans son environnement externe (objets médiateurs, psychologues, éducateurs) pour tenter de lier ce qui hante sa psyché. Elle va même anticiper et interroger la permanence du lien ce qui signe sa capacité à se projeter. En effet, en plus de la mobilisation de ses ressources internes, Julie n’a en fait de cesse d’interroger, au cours de nos rencontres, le Relationnel au sens fort : elle est en demande de sens quant à la relation à l’autre, en quête de compréhension d’une dimension affective dans cette relation. 420 Comment envisager ces questionnements de Julie sur la relation à l’autre ? L’autre qui est souvent présenté comme menaçant ? S’agit-il d’une seule tentative d’expression brute de sa souffrance ? S’agit-il davantage pour Julie d’une tentative d’ « explication », de compréhension des situations traumatiques qu’elle a traversées, d’une répétition-symbolisation au sens de D. Derivois (2004), interdépendante de ce que le monde extérieur, les personnes qui s’occupent d’elle à présent, pourront lui renvoyer d’elle-même par la suite ? Si la répétition-répétition maintient dans l’impasse subjective et le traumatisme, la répétition-symbolisation tente de transformer la relation à l’objet traumatique en une relation plus sereine. L’alliance thérapeutique dont fait preuve Julie atteste de cette transformation en cours dans son psychisme. De même, les dessins, les jeux et les réponses données par Julie aux tests rendent compte d’une tentative pour l’enfant d’exprimer quelque chose des restes bruts, des traces traumatiques archaïques de son vécu, ils témoignent également d’une tentative d’élaboration psychique de ces traces, la mettant sur la voie de la symbolisation. L’évaluation de Julie aura ainsi montré non seulement ses faiblesses mais aussi la force créatrice de son Moi. DISCUSSION : L’APRES-COUP DE LA COMPREHENSION Dans la continuité de ces éléments d’analyse nous mettrons en évidence deux éléments de discussion : l’après-coup de la compréhension et les limites de l’examen psychologique. L’après-coup de la compréhension De même qu’il y a un après-coup du traumatisme, il y a un après-coup de la Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)! LA CHARGE TRAUMATIQUE CHEZ L’ENFANT PLACE EN INSTITUTION compréhension. C’est entre autre ce que la problématique de Julie nous a enseignés. Le sens n’est pas donné d’emblé. Il se construit. Pour le patient comme pour le clinicien. Dans l’ici et maintenant de la relation clinique, le clinicien com-prend, dans le sens de prendre avec- ce que dépose le patient. Dans l’après-coup, au moment de la désimplication subjective et de la tentative d’objectivation, d’autres sens surviennent qui permettent de prendre du recul par rapport à la relation transféro/contre-transférentielle. Cependant, il arrive que d’autres éléments d’anamnèse viennent perturber ou renforcer un certain nombre d’hypothèses que l’on a construites d’un cas. En effet, quelques semaines après la restitution du bilan psychologique, nous apprenons qu’environ deux ans avant l’arrivée de Julie dans la MECS, son père, en état d’ivresse, l’avait suspendue par la fenêtre d’un immeuble de huit étages et que la mère criait dans la pièce. Témoins de la scène, des voisins ont appelé la police qui est intervenue à temps. Ce fait aurait été à l’origine du placement d’abord dans une première MECS dans une autre ville de France, ensuite dans la MECS où elle est actuellement pour cause de déménagement de la mère. Cette tentative de défénestration fait trace dans le psychisme de Julie et nous renvoie en après-coup au contenu des tests et de leur cohérence, l’enfant construisant dans les tests les formules attachées aux rapports humains, et à la violence qu’ils dégagent. Pour exemple, à la planche 8BM du TAT : « Il y avait un monsieur qui tuait un enfant et la dame qui criait : non ! Il y avait une dame qui parlait ». Cette réponse projective prend du coup un autre sens, elle semble traduire une massivité de la projection. Julie aurait vraiment vécu la scène. La crainte de l’effondrement prend un autre sens. Julie a vraiment été suspendue dans le vide, il y avait vraiment quelqu’un derrière (sa mère ?) qui criait « non ! ». La maison sans base prend un autre sens. Ce n’aurait pas été que de l’ordre du fantasme. Cependant, le risque est de situer le traumatisme de Julie dans cet évènement. Réalité du traumatisme ou construction traumatique ? Peu importe. Il y a eu en tout cas irruption dans la psyché. Quelque chose a fait « événement psychique » (Laplanche et Pontalis, 1967). Ce qui compte c’est l’inscription singulière de l’événement et sa possible transformation dans la psyché. La même réflexion peut se faire concernant la planche 16 : « il y avait une petite fille. La maman lui dit : fais attention de ne pas te perdre et la fille, elle dit : je suis perdue, qu’est-ce que je fais là ? Le papa, il dit : qu’est-ce que tu fais là-bas ma p’tite fille ? Son père les retrouva les petits enfants ». Cette autre réponse nous a fait penser l’espoir de retrouvailles après les déchirements familiaux. Il y aurait donc encore des traces positives de l’image paternelle dans l’espace psychique de Julie. La difficulté d’évaluer l’ici et maintenant du traumatisme La situation de Julie nous amène aussi à réfléchir sur ce que nous évaluons dans le cadre de l’examen psychologique. L’évaluation psychologique de Julie nous aura permis de parvenir à « une appréciation dynamique du fonctionnement psychique de l’enfant », au sens de R. Debray (2000) en ce qui concerne « ses irruptions fantasmatiques, ses aménagements défensifs », mais aussi ses ressources psychiques et ses capacités d’élaboration subjective. Néanmoins, cet examen ne nous donne qu’un aperçu, hic et nunc, de la problématique psychique de l’enfant. Ainsi, comme en témoignent G. Cognet et F. Marty (2007), « l’examen psychologique vaut pour le dispositif qu’il mobilise », mettant en jeu une relation entre deux sujets, l’enfant dans le cas présent et le clinicien. Les dimensions transférentielles et contre-transférentielles –sous forme d’adresse à l’autre- ont toute leur Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 421 DERIVOIS, D. & GUILLIER-PASUT, N. importance au cœur de ce dispositif, dans la mesure où elles mettent en question la manière dont le sujet « perçoit et traite avec le psychologue » (Perron, 2003, in G. Cognet et F. Marty (2007)). « Dans quelle mesure s’agit-il pour lui d’une figure parentale répressive, autoritaire, qui lance un défi, qui juge et qui punit ou au contraire qui soutient, encourage, pardonne, aide, aime, etc. [et] comment se comporte le psychologue en fonction de sa dynamique propre ? ». Debray, R. (2000). L’examen psychologique de l’enfant. Paris : Dunod. L’examen psychologique se situe dans le temps et l’espace mais ce qui y est déposé ignore le temps chronologique et l’espace actuel. La charge traumatique est portée sur/par plusieurs générations. Chaque sujet, maillon de la chaine générationnelle a la charge de la faire évoluer. Quand l’enfant placé pour protection la dépose dans l’institution, il amène les professionnels à mobiliser toutes leurs ressources psychiques pour accueillir et contenir le transfert, ne serait-ce que le temps de la relation clinique. Janin, Cl. (1996). Figures traumatisme. Paris: PUF. La dynamique transféro-contretransférentielle qui se déploie durant le temps du bilan psychologique est cependant succincte et éphémère. Ceci constitue une limite importante au bilan psychologique de l’enfant, dans la mesure où, de même qu’il y a un après-coup du traumatisme, nous pouvons faire l’hypothèse qu’il y a un aprèscoup de la compréhension. Laplanche et Pontalis (1967). Vocabulaire de la psychanalyse. Paris : PUF. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Anzieu, D. (1985). Le Moi-peau. Paris : Dunod. Braudel, F. (1969). Ecrits sur l’histoire. Paris : Flammarion. Castro, D. (2000). Les Ecrits en psychologie. Le Bouscat : L’esprit du temps Chabert, C. (1998). Psychanalyse et méthodes projectives. Paris : Dunod. Cognet, G. et Marty, F. (2007). Introduction à la psychologie scolaire. Paris : Dunod. 422 Derivois, D. (2008). La traversée traumatique de l’enfant placé en institution : un point de vue clinique. Pratiques psychologiques, 14, 3 339356. Derivois, D. (2004). Psychodynamique du lien drogue-crime à l’adolescence. Répétition et Symbolisation. Paris : L’Harmattan. Eiguer, A. (2004). L’inconscient de la maison. Paris : Dunod. et destins du Guillaumin, J. (1977). La dynamique de l’examen psychologique. Paris : Dunod. Guillier, N. et Derivois, D. (2011). L’accaparement comme réponse au traumatisme chez l’enfant placé en institution. Dialogue. Recherches sur le couple et la famille. Sous presse. Huber, W. (1987). La psychologie clinique aujourd’hui. Wavre (Belgique): Mardaga Roman, P. (1991). Le détail blanc dans le test de Rorschach et l’expression projective des ruptures précoces du Moi. Contribution à une interprétation psychodynamique. Thèse de doctorat de psychologie, 529 p.+ annexes. Université Lyon 2. Roussillon, R. (2000). Les enjeux de la symbolisation à l’adolescence. Adolescence, Monographie de la Société Internationale de Psychiatrie de l’Adolescent, Les Editions du GREUPP, 7-23. Ruffiot, A. et al. (1990). La thérapie familiale psychanalytique. Paris : Dunod. Winnicott, D.W. (1956). Agressivité, culpabilité et réparation. Paris : Payot Winnicott, D.W. (1974). La crainte l’effondrement. Nouvelle Revue Psychanalyse, 11. Paris : Gallimard, 35-44. . Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)! de de LA CHARGE TRAUMATIQUE CHEZ L’ENFANT PLACE EN INSTITUTION Figure 1 : « Une petite fille avec une serviette » Figure 2 : « Le cheval » ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 423 DERIVOIS, D. & GUILLIER-PASUT, N. Figure 3 : « La petite fille qui saigne du nez » ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! 424 Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)! LONGITUDINAL COURSE OF SALIVARY CORTISOL IN POST-TRAUMATIC STRESS DISORDER Tableau 1 – Réponses au Rorschach Pl I Passation Enquête Cotation Je dois deviner ce que c’est ? (tout) 1. Une citrouille qui est toute cassée, elle est faite par un peintre, elle est toute cassée, la citrouille est toute défaite. Elle était posée sur une feuille, il y a des petits qui l’ont défait, ils ont enlevé le gris où il y avait du blanc. Gbl F- Bot II 2. Une tête d’un oiseau… non une tête… une tête… euh… d’un chat et le chat il est tout défait, il est pas bien fait. (tout) et là (blanc) ils ont tout défait, toute la partie blanche de la planche. G III 3. Ou la la c’est dur ça hein ! C’est… un cochon, il est tout défait… (tout) là, il est tout défait, où il y a du blanc, c’est tout défait parce que c’est tout cassé… IV 4. Oh la la ! Une tête de loup qui est toute défaite. Là j’ai dit un oiseau, une chauvesouris (à l’envers). Je l’ai mis à l’envers. Là, c’est la tête du loup, des pattes, elles sont grosses et là c’est tout défait, là où il y a du blanc…, la queue, elle est grosse la queue. V 5. Un oiseau qui est tout défait… (dépose la planche) En fait, c’était une chauve-souris j’ai dit un oiseau… Tu l’as mis à l’envers, c’est comme ça, non, c’est comme ça… F- Gbl F- Ad A [G F+ A] Gbl F- Ad G F- A G F- Adev G K H Et la nuit est-ce que tu es dedans (dans le bureau) ? Et le matin ? VI 6. Oh la la c’est… un oiseau non une poule qui est morte, elle est toute défaite la poule… Là j’ai dit que c’était la poule, elle était morte, quelque chose l’a écrasée, là elle était sur la route, quelqu’un l’a écrasée… VII Euh… Là, j’ai dit que c’étaient des filles indiens, eh ben les filles elles s’amusaient sur la terre… 7. Ça, c’est de la neige, là il y a des filles qui s’amusent sur la neige… ou sur la terre. Il ne reste plus que 3 après c’est fini… E Je me retourne pour pas que je regarde (la planche). VIII Oh la la ! C’est dur ça hein ! Là, j’ai dit que c’était un papillon, il est là, il est tout défait, là où il y a Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 425 DERIVOIS, D. & GUILLIER-PASUT, N. 8. En fait, là il y a une montagne, ça les tigres ils montent sur la montagne… du blanc… Gbl F+/- Paysage Gbl K- Là c’est des tigres et ils montent sur la montagne, là où il y a du vert, du rose et de l’orange, c’est ça la montagne. IX X 9. Oh la la ! une tête… [une tête de quoi ?] une tête de… une tête de… une tête de masque, en fait c’est un masque, c’est un garçon qui est dedans… Là où il y a du blanc, c’est tout raté, il a tout défait… après le p’tit jeu, on va faire le dessin ? 10. Oh la la ! Eh ben c’est un papillon avec des araignées et j’ai tout fini… Je sais pas, je me rappelle plus… un papillon (rouge) avec les araignées (bleu). Hd Là c’est une tête de masque, le garçon il était couché dedans, le masque il était couché sur le bureau… G F+ A Planches + : Pl. I : « parce que c’est beau, on dirait que… c’est une citrouille et j’aime bien les citrouilles ». Pl. V : « parce que c’est joli » Planches - : Pl. VII : « parce que c’est pas bien dessiné dessus un p’tit peu, des fois ça dépasse… » Pl. IV : « parce que ça dépasse tout » Durée totale de passation : 19 minutes 426 Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)! LONGITUDINAL COURSE OF SALIVARY CORTISOL IN POST-TRAUMATIC STRESS DISORDER Tableau 2 – Réponses au TAT Pl 1 – 6 : « Je dois dire ce que je vois ? Un audio avec un garçon, il voulait faire de la guitare et elle est posée sur la table, alors il veut plus en faire. (Il était à la maison, maintenant, il est au foyer) ». Pl. 2-3 : « Il y a une grande fille, elle est allée dans un pays… En fait, il y avait des chevals (sic), elle avait des livres dans les mains, elle regarde qu’est-ce que c’est ». Pl. 3BM : « Il y avait une maman qui pleurait dessus un tiroir ». Pl. 4-1 : « Il y avait un papa et une maman qui… quoi… il le regarde, après il dit c’est qui lui ? ». Pl. 5-1 : « En fait, la maman elle regarde si c’est bien rangé, elle dit : ah, c’est bien rangé. Après elle dit : qui a fait ça ? ». Pl. 6GF-1 : « Derrière… elle faisait un jeu : c’est qui derrière moi ? Il y a quelqu’un ? Elle regarde, elle dit : c’est qui ? ». Pl. 7GF-1 : « En fait, il y avait la maman qui travaillait, il y avait la fille qui a un chat dans les mains et la maman travaillait et voilà ». Pl. 8BM : « Il y avait un monsieur qui tuait un enfant et la dame qui criait : non ! Il y avait une dame qui parlait ». Pl. 9BG : « Il y avait une dame. Derrière l’arbre, elle regardait, elle dit : C’est pareil que moi, elle a dit : qui c’est qui a fait pareil que moi ? ». Pl. 10 : « Il y avait un garçon et une fille. Enfin, elle avait rêvé qu’il y avait un garçon qui voulait la tuer ». Pl. 11 : « Oh la la ! C’est dur là !... Il y avait un animaux qui partait et c’était dangereux ». Pl. 12BG : « Dans les bois, il y avait un étable et des animaux voulaient le laisser ». Pl. 13B : « Eh ben, il y avait une cabane, il y avait un garçon qui s’asseyait ». Pl. 19 : « En fait, c’était Halloween, il y avait une maison et il neigeait ». Pl. 16 : « Je dois faire quoi ? On peut dessiner dessus ?... Un autre jour, il y avait une petite fille. La maman lui dit : fais attention de ne pas te perdre et la fille, elle dit : je suis perdue, qu’est-ce que je fais là ? Le papa, il dit : qu’est-ce que tu fais là-bas ma p’tite fille ? Son père les retrouva les petits enfants ». Durée totale de passation : 14 minutes.! ! Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 427 BRUNET, A., BIRMES, P., ZIEGENHORN, A.A., BUI, E., PRUESSNER, J.C., & MEANEY, M.J. Journal International De Victimologie International Journal Of Victimology (Tome(9,(numéro(3((Hiver(2011)( Longitudinal course of salivary cortisol in acute, chronic, delayed, and remitted post-traumatic stress disorder BRUNET, A.1, BIRMES, P. 1, 2 , ZIEGENHORN, A.A., BUI, E., PRUESSNER, J.C., & MEANEY, M.J.1 [CANADA/FRANCE] Auteurs 1 McGill!University!and!Douglas!Mental!Health!University!Institute,!6875!LaSalle!Blvd.!(EJ4128),!Montreal,! Quebec!H4H!1R3,!Canada! 2 Corresponding!author.!EJmail:[email protected]! 3 !Equipe!d’Accueil!Laboratoire!du!stress!traumatique!(LST!–!EA!4560).!Université!Paul!Sabatier;!170!av.! De!Casselardit,!TSA40031,!31059!Toulouse!Cedex,!France.! Abstract This study investigated whether patients with chronic post-traumatic stress disorder (PTSD) have a distinct diurnal cortisol profile compared to other traumatized (i.e. trauma-exposed) individuals, and whether cortisol and severity of PTSD symptoms immediately after trauma exposure predict PTSD status. Sixty traumatized patients and 26 non-traumatized controls were followed prospectively for 6 months. Participants were evaluated clinically and a diurnal salivary cortisol profile (four awakening samples, one afternoon, and one bedtime sample) was established at five time points after the trauma. Participants were divided into four groups according to their diagnostic status 1 and 6 months post-trauma (nontraumatized controls, remitted PTSD, delayed PTSD, chronic PTSD) and their cortisol profiles and symptoms severity were compared. Repeated comparisons of awakening cortisol and diurnal amplitude revealed that awakening cortisol levels were lower in chronic PTSD patients than in any other group. PTSD symptoms severity and awakening cortisol levels were positively correlated 1 month post-trauma. The ratio of peritraumatic distress to diurnal cortisol amplitude immediately post-trauma was a useful measure to identify subjects who later developed chronic PTSD. Patients who developed chronic PTSD had a distinct awakening cortisol profile compared to other traumatized and non-traumatized subjects. Studies comparing cortisol levels in healthy controls and PTSD cohorts composed of both chronic cases and acute cases, and/or lifetime PTSD might give misleading results. The disparity between perceived stress and an appropriate cortisol stress response might predispose traumatized subjects to chronic PTSD. Key-Words Peritraumatic Dissociation; Chronic PTSD, Cortisol, Longitudinal study 428 Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! Résumé Cette étude avait pour but d’examiner si les personnes souffrantes d’un état de stress post-traumatique (ÉSPT) chronique ont un profil de cortisol diurne distinct des autres individus traumatisés (c.-à-d. ayant été exposés à un traumatisme), et si les niveaux de cortisol ainsi que la sévérité des symptômes d’ÉSPT immédiatement après l’exposition au trauma prédisent le statut de l’ÉSPT. Soixante patients traumatisés et 26 contrôles non traumatisés ont été suivis prospectivement pendant 6 mois. Les participants ont été évalués sur le plan clinique et leur profil de cortisol salivaire diurne (quatre échantillons pris à l'éveil, un en après-midi et un au coucher) a été évalué à cinq occasions suite au trauma. Les participants ont été divisés en quatre groupes selon le statut de leur diagnostic à 1 et 6 mois post-trauma (contrôle nontraumatisé, ÉSPT remis, ÉSPT différé, ÉSPT chronique) et les profils de cortisol ainsi que la sévérité des symptômes furent comparés. Des comparaisons répétées entre les niveaux de cortisol diurne et de l’amplitude diurne ont révélé que les niveaux de cortisol diurne étaient plus bas chez les patients ayant un ÉSPT chronique comparativement aux autres groupes. La sévérité des symptômes de L’ÉSPT et les niveaux de cortisols diurne étaient positivement corrélés à 1 mois post-trauma. Le rapport entre la détresse péri-traumatique et l’amplitude du cortisol diurne immédiatement après le trauma constituait une mesure utile pour identifier les sujets qui développeront plus tard un ÉSPT chronique. Les patients qui ont développé un ÉSPT chronique avaient un profil de cortisol diurne distinct des autres sujets traumatisés et non-traumatisés. Les études comparant les niveaux de cortisol entre des cohortes composées de sujets contrôles en santé et des sujets ayant un ÉSPT chronique ou aigu, et/ou ayant souffert d’ÉSPT à un moment de leur vie peuvent conclure à des résultats trompeurs. La disparité entre le stress perçu et une réponse de stress appropriée au niveau de cortisol pourrait prédisposer les personnes traumatisées à développer un ÉSPT chronique.! Mots-clés Dissociation péritraumatique; ESPT chronique; Cortisol, Étude longitudinale Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 429 BRUNET, A., BIRMES, P., ZIEGENHORN, A.A., BUI, E., PRUESSNER, J.C., & MEANEY, M.J. Introduction Although there is a general consensus that stress-related disorders such as post-traumatic stress disorder (PTSD) are associated with alterations of the hypothalamic-pituitary-adrenal (HPA) axis, the nature of this relationship remains unclear. In contrast with studies showing reduced 24-h urinary cortisol excretion in PTSD patients compared to controls (Yehuda et al., 1995; Yehuda et al., 1996; Heim et al., 1998; Delahanty et al., 2000; Glover and Poland, 2002; Bierer et al., 2006), there have been a number of studies reporting higher cortisol output in PTSD patients (Pitman and Orr, 1990; Lemieux and Coe, 1995; Maes et al., 1998; De Bellis et al., 1999) or no difference between PTSD and control groups (Baker et al., 1999; Rasmusson et al., 2001; Young and Breslau, 2004). In a more recent study evaluating differences in 24-h urinary cortisol excretion in 28 holocaust survivors 10 years after obtaining an initial estimate, cortisol levels were found to be increased in participants whose PTSD had remitted but were decreased in participants with chronic PTSD (Yehuda et al., 2007). Because measurements of 24-h urinary cortisol ignore the circadian pattern of excretion so that group by time-of-day interactions are obscured, studies with single point cortisol estimates are better suited to address this problem. In a study on 2490 Vietnam veterans, Boscarino found lower 07:00h plasma cortisol levels in chronic PTSD subjects (Boscarino, 1996; Yehuda et al., 2007). However, in a recent study no association was found between cortisol levels and PTSD (Shalev et al., 2008), although the late hour of sample collection during follow-up may have reduced the likelihood of finding significant results. In fact, the variety of sampling times should be acknowledged as a source of inconsistency in the literature. In recent years, the use of saliva cortisol assays to monitor cortisol secretion over the diurnal period, together with a few well-controlled studies with repeated measurements of cortisol in plasma, have greatly advanced our understanding of the HPA axis dysregulations associated with PTSD. Nevertheless, repeated salivary or plasma cortisol measurements have also failed to demonstrate a single consistent pattern in PTSD patients when compared to controls. In a carefully controlled study, Yehuda et al. examined the diurnal pattern of cortisol release in combat-related PTSD, major depressive disorder, and normal control individuals (Yehuda et al., 1996), and found comparable daily amplitudes in all three groups but lower cortisol levels in the late evening in PTSD subjects compared to normal or depressed patients. In a similar well-controlled study, Bremner et al. (2003) found a plasma cortisol decrease in PTSD patients compared to traumatized patients without PTSD and healthy controls. In contrast to the aforementioned study by Yehuda et al., this decrease occurred in the afternoon hours. In two other studies, a blunted increase in salivary cortisol levels after awakening was found in PTSD patients compared to healthy controls (Rohleder et al., 2004; Wessa et al., 2006) or to traumatized individuals without PTSD (Wessa et al., 2006). Similarly, Neylan et al. found a significant negative correlation between awakening salivary cortisol and PTSD symptoms in active duty police officers (Neylan et al., 2005), and de Kloet et al. found a reduced awakening cortisol response in trauma exposed individuals with or without PTSD, correlating significantly with PTSD symptoms (de Kloet et al., 2007). Taken together, larger studies with homogeneous samples, particularly those accounting for diurnal variations in cortisol secretion, tend to report lower cortisol levels in PTSD subjects. In contrast, some studies have failed to replicate this finding (Young and Breslau, 2004; Inslicht et al., 2006; Olff et al., 2006), although the composition of the samples studied may have accounted for this inconsistency. Young and Breslau examined awakening and bedtime salivary cortisol in 172 women and found no significant differences between trauma- Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! LONGITUDINAL COURSE OF SALIVARY CORTISOL IN POST-TRAUMATIC STRESS DISORDER exposed women with and without PTSD, or between women with recent PTSD versus lifetime PTSD. However, individuals with a lifetime diagnosis of PTSD outnumbered (59 vs. 10, respectively) those with a current diagnosis (Young and Breslau, 2004). Inslicht et al. (2006) found increased salivary cortisol in patients with PTSD from intimate partner violence but included both lifetime and current PTSD, partly with ongoing traumatization, in their sample. In the study by Olff et al. (2006), the time between index trauma and cortisol measurements varied between 3 months and 5 years so that chronic and acute cases were again mixed. disorder or schizophrenia; (ii) currently suffering from a major depressive disorder; (iii) current alcohol or substance abuse/dependence problems; (iv) suspected or confirmed diagnosis of traumatic brain injury; and (v) physical injury or illness requiring hospitalization in the intensive care unit, grossly altering the neuroendocrine system, affecting recall, or preventing early interviewing. To summarize the above, it is suggested that the inconsistencies in the literature are, in part, caused by methodological issues of cortisol measurement and by the diagnostic status of the PTSD samples studied. In this study, it was hypothesized that patients with a different diagnostic status of PTSD might be distinguished on the basis of their basal HPA profile. More specifically, it was predicted that morning cortisol levels examined prospectively over the course of 6 months would be lower in chronic PTSD patients compared to trauma-exposed individuals (delayed PTSD, remitted PTSD, or no PTSD), or to subjects never exposed to a traumatic event. 2.2. Procedure and group formation 2. Methods 2.1. Participants Adult participants (18−65 years old) were recruited via the emergency department of a large urban hospital. Inclusion criteria included: (i) satisfying criteria A1 and A2 of the Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-IV-TR) for trauma exposure; (ii) Understanding either French or English; and (iii) living within the greater Montreal area. Exclusion criteria included: (i) presence of a severe mental disorder such as bipolar In addition to 60 trauma-exposed participants meeting such criteria, 26 individuals presenting at the emergency department for minor medical emergencies were enrolled as controls. The social worker of the emergency department asked all potential study participants if they would agree to the visit of a psychologist seeking their participation in a study, which had been approved by McGill University research ethics board. Written informed consent was obtained from all participants. Participants were asked to provide six saliva samples over the course of a single day, on average 5 days posttrauma, and at four subsequent time points (1, 2, 4, and 6 months post-trauma). Salivary cortisol was chosen because it strongly correlates with free serum cortisol while avoiding the stress of venipuncture, and samples can be self-collected and are easily handled without compromising the value of corticosteroid analysis (Kirschbaum and Hellhammer, 1994). On each of the five saliva collection days, samples were collected using Salivettes (Sarstedt Inc., Newton, NC) 1, 30, 45, and 60 min after awakening, in the afternoon (8 h after awakening), and at bedtime. Participants were carefully instructed on the collection procedure (Kirschbaum and Hellhammer, 1994). Samples were immediately returned by mail and stored at -78°C until assay. The diagnosis of PTSD was established using a semi-structured interview conducted by an experienced clinician at the Douglas Institute. The study Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 431 BRUNET, A., BIRMES, P., ZIEGENHORN, A.A., BUI, E., PRUESSNER, J.C., & MEANEY, M.J. groups were formed at the end of the study according to the participants’ combined PTSD diagnostic status (Yes or No) 1 and 6 months after trauma exposure. This procedure yielded four groups in addition to the control group ("CTRL", n=26): "traumaexposed, and no PTSD at either time point" ("NN", n=32), "acute PTSD in remission" ("YN", n=10), "delayed PTSD" ("NY", n=9), and "chronic PTSD" ("YY", n=9). 2.3. Measures For the general assessment including demographics and medication use, a study-specific semi-structured interview was conducted. The self-report peritraumatic distress inventory (PDI; Brunet et al., 2001) and peritraumatic dissociative experiences questionnaire (PDEQ; Marmar et al., 1997) were used to measure distress and dissociation experienced around the time of trauma exposure. The Clinician Administered PTSD Scale (CAPS) semistructured interview was used to assess PTSD diagnosis and symptoms severity. The abridged version of the Beck Depression Inventory (BDI; Beck and Beck, 1972) was used to statistically control for current depressive symptoms. Salivary cortisol was measured using a radioimmunoassay (RIA) with documented validity and reliability (Dressendorfer et al., 1992). Steroids were ethanol-extracted and assayed using a DSL-2000 cortisol RIA (Diagnostic Systems Laboratories Inc., Websler, TX, USA) modified for saliva. The laboratory has established an inter-assay variation of 5% with this test. Finally, cortisol-binding globulin (CBG) levels were also measured in a randomly drawn subsample of participants (n=29). 2.4. Statistical analyses To test the main hypothesis, an "awakening cortisol" variable was created by computing the area under the curve (AUC) for the four morning saliva samples collected in a single day at each of the study’s five measurement times. MANOVAs for repeated measurements were used to 432 analyze the data. Mean diurnal cortisol amplitude (i.e. cortisol peak minus nadir) across the groups was compared by ANOVA. The non-parametric Kruskal-Wallis test was used to test for differences in CBG levels in a small sub-sample of participants. Finally, a peritraumatic distress to cortisol ratio (PDI score divided by cortisol diurnal amplitude) reflecting the relationship between perceived stress during a traumatizing event and neuroendocrine response was also computed. For all tests the significance level was set at p ≤ .05 (two-tailed tests). All analyses were conducted using the SPSS statistical package (SPSS Inc., Chicago, USA). 3. Results 3.1. Characteristics population of the study Out of 119 trauma victims approached during the enrolment period, 59 declined to participate or were not eligible yielding a final sample of 60 traumaexposed participants (50.4%). Twenty-six control subjects were included out of the 35 approached. The mean age of the participants was 37 ± 13 years and 45% were male. The study groups differed significantly according to ethnicity (p < .01) and level of education (p < .05), while there were no differences according to age, gender, or marital status. Post-hoc tests indicated that the CTRL group contained more non-Caucasians than the NN and NY groups, and that participants in the CTRL group had a higher level of education compared to the NN and YN groups. Most traumatic events were motor vehicle accidents (n=38), followed by work-related accidents (n=8), physical violence (n=6), and sports accidents (n=2). Two cases were witness to serious traumatic events. Four participants had ‘other’ types of traumatic experiences. The demographic characteristics of the study participants are summarized in Table 1. Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! LONGITUDINAL COURSE OF SALIVARY CORTISOL IN POST-TRAUMATIC STRESS DISORDER 3.2. Psychometric variables There were no between-group significant differences in peritraumatic distress or peritraumatic dissociation although patients developing an acute or chronic disorder had nominally higher distress (d = .41 and d = .60, respectively) and dissociation (d = .41 and d = .73, respectively) scores at the outset. As expected, PTSD symptoms scores differed significantly between the groups 1 month (p < .01) and 6 months (p < .01) post-trauma. As shown in Fig. 1a, the YY and YN groups reported higher mean PTSD symptoms scores than the other groups 1 month posttrauma (p < .01), while the YY (chronic) and NY (delayed) groups reported higher PTSD symptoms scores than the other groups 6 months post-trauma (p < .01). As expected, the mean depressive symptom score in the CTRL group was significantly lower than in the other study groups (p < .001) 1 month post-trauma. Further post-hoc tests failed to demonstrate that the depression scores of patients diagnosed with PTSD or developing PTSD at a later point in time differed significantly from each other 1 month after the traumatic event. 3.3. Cortisol measurements Less than 5% of the 2580 cortisol samples were missing. A repeated measure comparison of awakening cortisol values between the groups over the 6 months revealed a significant group effect, F(4, 81) = 10.27, p < .001, and a group by time interaction, F(16, 324) = 2.04, p < .05, while there was no main effect for time, F(4, 324) = 1.66, n.s. (see Fig. 2). Post-hoc testing indicated that awakening cortisol levels were significantly lower in the chronic PTSD (YY) group compared to any other group. This result did not change when depressive symptoms were controlled for. Similarly, the groups differed in daily cortisol amplitude, F(4, 81) = 6.88, p < .001, with participants in the chronic PTSD group displaying the lowest amplitude compared to the other groups, with the exception of the NY group. Furthermore, a time by group interaction was found, F(16, 324) = 2.14, p < .01, while there was no significant main effect for time, F(4, 324) = 1.71, n.s.. These results did not change when depressive symptoms were controlled for. In order to examine the relationship between PTSD symptoms severity and awakening cortisol levels total PTSD symptoms (CAPS) score was correlated with the AUC value for awakening cortisol for all subjects. At 1 month post-trauma this correlation was positive and significant (r = .30, p < .05), suggesting that more severe PTSD symptoms are associated with higher awakening cortisol levels (Fig. 3). This result remained significant when the correlation was adjusted for depressive symptoms. A non-significant negative correlation was observed 6 months post-trauma (r = -.17, n.s.) suggesting that cortisol levels ceased to be positively correlated with PTSD symptom levels (Fig. 3). Similarly, PTSD symptoms severity at 1 month post-trauma was positively correlated with daily cortisol amplitude (r = .34, p < .01), while at the 6month measurement time there was a nonsignificant trend that this relation had reversed to a negative correlation (r = -.25, p = .06). 3.4. Cortisol-binding measurements globulin To rule out the possibility that the differences in cortisol concentrations were secondary to inter-individual differences in CBG concentrations (Kanter et al., 2001), CBG concentration was measured in a subsample of 29 participants randomly drawn across all groups. This analysis revealed no inter-group differences, x2(4, N=29) = 3.82, n.s. 3.5. Peritraumatic distress to cortisol ratio To explore the relationship between perceived stress during the trauma and the initial neuroendocrine response (5 days post-trauma), a compound measure was Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 433 BRUNET, A., BIRMES, P., ZIEGENHORN, A.A., BUI, E., PRUESSNER, J.C., & MEANEY, M.J. computed: the peritraumatic distress to cortisol ratio (PDI score divided by cortisol diurnal amplitude). A significant difference was observed between the groups, F(3, 59) = 5.63, p < .01, with the chronic PTSD group having significantly higher ratios than any of the other groups (Fig. 4a). To determine whether this variable might represent a useful test in view of its sensitivity and false positive results the receiver operating characteristic (ROC) curves were also analyzed; these also proved to be significant with an AUC = .83, p < .01 (Fig. 4b). The results were similar when the ratio of PDI to awakening cortisol was used because of the strong correlation between awakening cortisol and diurnal cortisol amplitude, r = .89, p < .001. Thus, by using this ratio traumatized participants who would later develop chronic PTSD ("YY") could be identified soon after trauma exposure. 4. Discussion This study is one of the few prospective longitudinal studies on diurnal salivary cortisol levels over at least 6 months in a sample of civilian trauma survivors satisfying the DSM-IV-TR trauma criteria and healthy controls. On the basis of a blunted awakening salivary cortisol response, patients developing chronic PTSD could be distinguished from all other traumatized participants including those remitting from acute PTSD within the 6 month period, patients developing delayedonset PTSD, and subjects not developing PTSD after a major trauma. A blunted awakening cortisol response in PTSD subjects in comparison to healthy controls is in line with most (Rohleder et al., 2004; Neylan et al., 2005; Wessa et al., 2006; de Kloet et al., 2007; Freidenberg et al., 2009), but not all (Lindley et al., 2004; Inslicht et al., 2006; Laudenslager et al., 2009) previous studies. To date, no studies have followed traumatized individuals prospectively by comparing HPA axis parameters of subjects with chronic PTSD to those of other traumatized individuals. 434 Our findings suggest that patients with chronic PTSD are distinct from other recently traumatized individuals since they exhibited significantly reduced awakening cortisol concentrations and a reduced diurnal cortisol secretion amplitude. Whether low cortisol should be considered a risk factor for PTSD, as proposed by some authors (Yehuda et al., 2000), cannot be fully ascertained from our study results. However, two major indicators suggest that low basal cortisol or a blunted increase in cortisol around the time of the trauma might be a risk factor in the chronic PTSD group. First, the lower cortisol level in the chronic group was stable over time, and second, when the cortisol response was compared in relation to the perceived distress between groups immediately after the trauma, the disparity between peritraumatic distress and cortisol response was significantly greater in the chronic group. This finding is consistent with other recent studies examining cortisol immediately after a traumatic event and supports the idea that low cortisol may be a risk factor for PTSD rather than a consequence of the trauma, or that earlier trauma alters the HPA axis to prepare the ground for psychopathological reactions after subsequent trauma (Yehuda et al., 1998; Delahanty et al., 2000; AardalEriksson et al., 2001; Bierer et al., 2006). Of particular interest is the study by AardalErikson et al., which had a similar study design to ours, although the lower symptoms severity levels and smaller sample size obviously limited their analytic options (Aardal-Eriksson et al., 2001). These authors studied salivary cortisol in 31 traumatized participants immediately after a traumatic event and followed over 9 months. Analyses of variance for repeated measurements demonstrated that the subsample with increased post-traumatic stress had significantly lower salivary cortisol levels at 08:00h and higher levels at 22:00h compared to the sub-sample with lower post-traumatic stress over the 9 month period. This could be interpreted as a decrease in the diurnal cortisol amplitude in highly stressed traumatized individuals, Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! LONGITUDINAL COURSE OF SALIVARY CORTISOL IN POST-TRAUMATIC STRESS DISORDER which is consistent with the interpretation of our results, and suggests that the disparity between low cortisol excretion and high peritraumatic distress may be a risk factor for chronic PTSD. Further support for the hypothesis that HPA axis alterations are a risk factor for PTSD comes from studies associating previous trauma exposure with low cortisol (Resnick et al., 1995) and from studies on possible transgenerational transmission of alterations in HPA axis parameters, possibly through glucocorticoid programming (Seckl and Meaney, 2006), occurring in the offspring of holocaust survivors (Yehuda et al., 2000), a large proportion of whom are known to suffer from chronic PTSD symptoms. The stability of lower cortisol levels in the chronic group implies that this group lacks putative hormonal adaptive responses to a traumatizing event in comparison to other groups. In our study, changes in cortisol over time in other groups were noted on a descriptive level, but group differences at each sampling time were often not significant so that no single consistent pattern could be identified due to the small sample size of the sub-groups (Fig. 2 b-f). It is noteworthy nonetheless that the PTSD patients who remitted within 6 months (YN group) showed an increase in awakening cortisol secretion early after the trauma, while in patients developing delayed-onset PTSD (NY group) a small increase was seen at a later point in time (Fig. 2c, d). Similarly, the small positive correlation between PTSD symptoms severity and awakening cortisol response was mainly driven by the group of individuals recovering from PTSD (YN group) (Fig. 3a). The differences in genetic and epigenetic makeup of trauma victims might translate into differences in an adaptive cortisol response and determine the propensity to remit from the disorder or to develop a chronic condition. This might also explain some of the inconsistencies in cortisol studies during acute PTSD since studies with a higher proportion of patients who will later develop chronic PTSD would be, according to our hypothesis, more likely to demonstrate significant differences between PTSD and comparator groups. Accounting for this possible phenomenon in future studies of acute PTSD might prove difficult since it may not be possible to determine the proportion of trauma victims at risk of chronic PTSD a priori, and adds to the complexity of evaluating a vast array of factors in study outcomes. This consideration argues for more longitudinal studies with longer follow-up times and posthoc and sub-group stratification. Some important limitations of the present study should be considered in the design of future studies. Although the number of traumatized patients followed prospectively was larger than in other studies examining diurnal salivary cortisol over a period of several months, and although our sample was stratified, the number of participants in the sub-groups remains relatively low. Thus, biologically meaningful differences between the subgroups might have been obscured by the high variance in cortisol measurements. Notwithstanding the small number of participants, the sub-groups appear to be clearly distinguishable on the basis of their CAPS scores (Fig. 1a). Compliance with instructions regarding the cortisol sampling procedure, including smoking and use of alcohol, could not be reliably assessed. Waking times and duration of sleep were recorded, but sleep-related variables have been shown to be negligible if sampling is not done at fixed time points but is performed in relation to the subject’s actual time of waking (Boscarino, 1996). Over the past decade, many factors have been shown to influence HPA axis parameters to some degree although the picture is far from being consistent for most in PTSD. Although patients with a major depressive disorder were excluded and depressive symptoms were controlled for, we did not control for smoking and contraception. However, recent studies in normal controls (Wust et al., 2000) and in PTSD patients (Young and Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 435 BRUNET, A., BIRMES, P., ZIEGENHORN, A.A., BUI, E., PRUESSNER, J.C., & MEANEY, M.J. Breslau, 2004; Wessa et al., 2006) failed to show any influence of these two variables. In summary, the results of the current study are consistent with previous research demonstrating a relationship between PTSD and lower levels of cortisol secretion, and with hypotheses proposing lower cortisol levels as a risk factor for PTSD. In particular, our data indicate that the HPA axis is altered more in patients with chronic PTSD compared to other patient groups, and that the disparity between level of perceived peritraumatic distress and level of adaptive neurohormonal responses might be a risk factor for chronic PTSD. References Aardal-Eriksson, E., Eriksson, T.E., Thorell, L.H., 2001. Salivary cortisol, posttraumatic stress symptoms, and general health in the acute phase and during 9-month follow-up. Biol. Psychiatry 50, 986-993. Baker, D.G., West, S.A., Nicholson, W.E., Ekhator, N.N., Kasckow, J.W., Hill, K.K., Bruce, A.B., Orth, D.N., Geracioti, T.D. Jr., 1999. Serial CSF corticotropinreleasing hormone levels and adrenocortical activity in combat veterans with posttraumatic stress disorder. Am. J. Psychiatry 156, 585588. Beck, A.T., Beck, R.W., 1972. Screening depressed patients in family practice. A rapid technic. Postgrad. Med. 52, 81-85. 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Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 439 BRUNET, A., BIRMES, P., ZIEGENHORN, A.A., BUI, E., PRUESSNER, J.C., & MEANEY, M.J. Title of Fig. 2. Cortisol levels at awakening, 8 h after awakening, and at bedtime over 6 months. Note for Fig. 2: Groups are named according to PTSD diagnostic status 1 and 6 months post-trauma: NN = trauma-exposed, no PTSD; YN = remitting PTSD; NY = delayed PTSD; YY = chronic PTSD. Salivary cortisol: (a) main effect over 6 months, indicator bars delimit the 95% confidence intervals; (b) 5 days post-trauma; (c) 1 month post-trauma; (d) 2 months post-trauma; (e) 4 months post-trauma; (f) 6 months post-trauma. Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 440 LONGITUDINAL COURSE OF SALIVARY CORTISOL IN POST-TRAUMATIC STRESS DISORDER Title of Fig. 3. Relationship between post-traumatic stress disorder symptoms severity and awakening cortisol levels. Note for Fig. 3: (a) 1 month post-trauma (r = 0.3, p < .05); (b) 6 months post-trauma (r = 0.17, n.s.). Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 441 BRUNET, A., BIRMES, P., ZIEGENHORN, A.A., BUI, E., PRUESSNER, J.C., & MEANEY, M.J. Title of Fig. 4. Peritraumatic distress to cortisol ratio immediately after the trauma. Note for Fig. 4: Peritraumatic Distress Inventory score divided by diurnal amplitude 5 days post-trauma. (a) Comparison of the ratio between groups, indicator bars delimit the 95% confidence intervals, *p < .01. (b) Receiver operating characteristic (ROC) curve for the prediction of chronic post-traumatic stress disorder (AUC = 0.83, p < .01). Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 442 LONGITUDINAL COURSE OF SALIVARY CORTISOL IN POST-TRAUMATIC STRESS DISORDER Table 1. Demographic characteristics of the study population Measure Study group Test statistic Control NN YN NY YY (n=24) (n=32) (n=10) (n=9) (n=9) M SD M SD M SD M SD M SD F df p Age 34.38 11.18 37.38 12.17 44.3 13.58 32.78 13.65 36.44 14.41 1.38 4, 83 .25 Years of education 14.73 2.63 12.67 2.3 11.85 3.71 13.0 2.96 12.28 3.31 2.97 4, 83 .02 Peritraumatic distress score n/a n/a 22.25 8.24 25.7 8.92 21.11 4.86 27.11 7.49 1.43 3, 59 .24 Peritraumatic dissociation score n/a n/a 20.62 9.39 24.8 11.12 21.0 7.68 26.89 5.44 1.46 3, 59 .23 Χ2 df, N p Gender (% female) 63 38 70 56 78 7.29 4, 84 .12 Ethnicity (% Caucasian) 62 97 90 100 67 13.65 4, 84 .01 Marital status (% living in partnership) 33 58 60 33 33 5.32 4, 83 .26 NN:!trauma1exposed,!no!post1traumatic!stress!disorder!(PTSD);!YN:!acute!PTSD!in!remission;!NY:!delayed!PTSD;!YY:!chronic!PTSD;!M:!mean;!SD:! standard!deviation;!n/a:!not!applicable Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 443 DUCKWORTH, K. Journal International De Victimologie International Journal Of Victimology (Tome(9,(numéro(3((Hiver(2011)( Dissociation: Conceptualization, Causes, and Treatment DUCKWORTH, K..1 [CANADA] Auteur 1 Université Sherbrooke Abstract : This paper will focus on trauma-related dissociation of the personality. It is essential for mental health professionals to have a basic accurate understanding of what dissociation is (and is not), to recognize it, and to promote management of it during and between psychotherapeutic interventions. Differentiating alterations in consciousness from structural dissociation of the personality is crucial in formulating conceptualizations of clients’ problems, a treatment plan, and assessing risk. The wide range of experiences and phenomena involving alterations in consciousness that have been labeled (or mislabeled) as dissociation will be discussed. A conceptualization recently formulated and widely lauded because of its clarity and capacity to unify symptoms, psychobiological mechanisms, and treatment is presented. This is elaborated to describe and explain the causes and developmental pathways of traumarelated dissociation. A phased-treatment approach is presented that is consistent with this conceptualization with an emphasis on preparation and stabilization for trauma processing work. This paper concludes with a brief reflection on how the ideas and knowledge about trauma processing and dissociation might apply to the experiences and psychological treatments of people with severe and chronic breathing disorders. Key words: Dissociation; Trauma; Psychotherapy; Conceptualization : 444 Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)! DUCKWORTH, K. The French psychologist and philosopher Pierre Janet is credited with having been the first to use the term “dissociation” to describe how the experience of a severe trauma can exist (and persist) in a separate part of the personality that seems to remain excluded from the victim’s conscious awareness and normal daily functioning (Forgash & Knipe, 2008; van der Kolk et al., 1996). He also observed that the trauma can manifest as anxiety, conversion symptoms, and avoidance behaviors and that the victim’s conscious awareness can be invaded by intrusions of the unprocessed trauma memory. Since Janet, the term dissociation has been used by different authors to refer to a widening range of mental and psychological phenomena, symptoms, and mechanisms that underlie common shifts in consciousness to the point that there seems to be a lack of consensus and conceptual clarity as to what dissociation is and what it is not. Recently, a team of researcher-clinicians (van der Hart et al., 2004) described and proposed a clear conceptualization and theory of dissociation that promotes understanding and treatment. This will be elaborated here. These authors are critical of current views of dissociation arguing that they are either over-inclusive, under-inclusive, or both. For example common alterations in consciousness such as daydreaming, deep absorption in thought, or being “spaced out” have been referred to as dissociation. Many alterations in the level or field of consciousness occur which bear some resemblance to dissociative symptoms but which are in fact non-dissociative phenomena. Level of consciousness refers to the intensity with which a person is focused on something, that is, how “tuned in” they are. Field of consciousness pertains to how broad or narrow their conscious awareness is at a given moment, that is, the range of stimuli to which they are attuned. These shifts can be adaptive or maladaptive depending on the context and task at hand. For example, in preparing for an important exam, it is adaptive to maintain a high level of attention on only the material to be covered in the exam (and not the hockey game on television). It would be maladaptive, however, to maintain this focus while in bed the night following that exam. In this situation, not paying particular attention to anything while conscious awareness drifts loosely would be more adapted to achieving the much-needed rest. Whether adaptive or not, van der Hart and colleagues (2004) do not include these shifts in level of consciousness in their conceptualization of dissociation. Other examples of over-inclusiveness for the concept of dissociation are the phenomena of depersonalization and derealization (van der Hart et al., 2004). Depersonalization is the experience of feeling detached from one’s body or self as if one is an outside observer of one’s thoughts or actions (American Psychiatric Association, 1994). Derealization is an alteration in the experience or perception of the outside world so that it seems strange or unreal. Both can result from fatigue, stress, consuming alcohol or drugs, intense exercise, or a deep state of relaxation. The literature has often referred to these experiences as dissociation instead of alterations in consciousness during which the personality remains well integrated. Steinberg (1994), however, distinguishes pathological from non-pathological depersonalization by describing the former as dissociation between an observing ego and an experiencing ego. Just as current views of dissociation include many phenomena that are not truly dissociative, they also disclude important phenomena that are manifestations of trauma-related dissociation. Van der Hart and colleagues (2004) explain that dissociation involves the presence of both negative and positive DUCKWORTH, K. symptoms. Some negative symptoms are amnesia, loss of motor control, inability to speak, and loss of somatic feeling. Positive dissociative symptoms can include intrusions, bodily sensations, reexperiencing parts of a trauma, and hearing a voice commentary on what is occurring. Many of these positive and negative symptoms are not recognized as dissociative symptoms in the literature. Intrusions imply a lack of integration of experience by different parts of the personality, yet are often not recognized as a manifestation of dissociation (though they are essential to a diagnosis of PTSD) (van der Hart et al., 2004). It is sometimes suggested in the literature that dissociation is a healthy defense against a person becoming overwhelmed by a trauma memory and not being able to function. However, as van der Hart and colleagues point out, those who view dissociation as a defense are only considering negative symptoms and are not addressing positive symptoms such as intrusive memories and negative emotions and spontaneous reexperiencing of the trauma. In the end, a lack of processing and integration is a deficit more than a defense. Van der Hart and colleagues also point out that most views of dissociation focus on psychoform dissociative symptoms involving memory, awareness, and identity; and tend to overlook somatoform symptoms, which have to do with functions of movement and sensation. Positive somatoform dissociative symptoms such as re-experiencing sensorimotor aspects of the trauma (like pain, falling, burning, difficulty breathing, numbness) are especially overlooked in the more recent literature. The authors point out that this is surprising as these dissociative symptoms were so prevalent during World War One (known then as shellshock). As elaborated above, these authors argue that there is a misunderstanding and lack of conceptual clarity in the literature 446 about the concept and phenomenon of dissociation. Inspired by Janet’s view, these authors propose the following conceptualization for dissociation: “The essential and primary form of trauma-related structural dissociation of the personality is a lack of integration between the parts of the personality that are mediated by daily life action systems and defensive action systems as a result of threat to bodily integrity and threat to life. The action tendencies involved in these two sets of action systems tend to inhibit each other once they are strongly evoked, hence are not easily integrated in circumstances of major threat, particularly chronic threat.” (van der Hart et al., 2004, p. 909). In other words, there are distinctive parts of the single personality that are based on psychobiological (or neurological) systems that developed over the course of human evolution which are inborn and have specific functional action tendencies. Two basic parts can be distinguished. The first is an action system that is responsible for the many functions of daily life, such as: eating, sleeping, social interaction, work, play, sexuality and reproduction, and rearing one’s children. This system ensures the survival of the species. The second system is a defensive action system devoted to the survival of the individual that is activated in the face of danger and threats. Its functions include fighting, fleeing, submitting, vigilance, and wound care. This system has several subsystems including one to prevent separation from caregivers, evident in children’s attachment cries. Based on an earlier work by Charles Myers, a World War I psychologist, van der Hart and colleagues (2004) labeled these two main emotional operating systems the “apparently normal part” (ANP) of the personality, which is dedicated to daily functioning, and the “Emotional Part” of the personality, dedicated to defense. Normally, these two main action systems function in an Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)! DISSOCIATION integrated fashion with each system being aware of the other and the EP only becoming activated when there is a real and current threat. Following such an incident, the ANP can access the nonverbal emotional and sensory contents of EP and accommodate and assimilate this material into narrative memory. Trauma-related structural dissociation results when there is a lack of integration between these two basic systems or between several of their subsystems. This occurs following an event (or repeated events) that is experienced as a serious threat to one’s physical integrity or survival. From that point forward, the EP can become fixated in defensive action with attention locked on the trauma. This part continues to experience the trauma as a current event. The ANP also changes from the moment of a severe trauma experience in that it becomes phobic and avoidant of the EP and the active memories it contains. Just as the EP’s attention becomes primarily focused on the trauma, the ANP’s attention and awareness becomes fully focused on trying to appear normal and on functioning in daily life. The ANP’s phobic avoidance of the EP is an attempt to prevent becoming overwhelmed and unable to function. Unfortunately, this phobic avoidance of intrusive images and feelings of the trauma held in the EP can generalize through classical conditioning mechanisms. This can occur when certain unavoidable aspects of daily life become conditioned stimuli associated with the unconditioned stimuli of the trauma (held in active form in the EP). The ANP experiences mainly negative dissociative symptoms such as amnesia, paralysis, and inhibition, which are related to phobic avoidance. The EP is characterized by positive manifestations of dissociation such as sudden dissociative intrusions of traumatic material into the ANP also known as flashbacks. Van der Hart et al. (2004 & 2006) propose three prototypical levels of structural dissociation corresponding to particular trauma-related disorders and an increasing lack of integration of the psychobiological systems that make up the personality. Primary structural dissociation involves division of the personality into a single ANP and a single EP in which the trauma experience is stored. This level of dissociation is normally associated with simple PTSD, basic acute stress disorder, and simple dissociative amnesia. Usually, the personality was well integrated and functioning before the trauma episode. Secondary structural dissociation is usually due to a more severe or prolonged trauma experience. It consists of dissociation of the personality beyond a single EP and ANP. There are usually several subdivisions of the EP with each attuned to a narrower field of awareness of defensive interests (seeking safety, fight, escape, or submit). Secondary dissociation is seen with more severe and complex trauma-related disorders such as complex PTSD (DESNOS) and can be observed in borderline personality disorder (van der Hart et al., 2004). In tertiary structural dissociation, there is division of both the ANP and EP. This category is limited to dissociative identity disorder (DID). Several unavoidable aspects of daily life become associated to the trauma and cause the ANP to divide into several dissociated parts in an attempt to maintain normal functioning. The field of consciousness of each ANP can become limited to the particular function it assumes (such as work, caretaking, etc.). Persistence of structural dissociation is a hallmark of trauma-related disorders and one might wonder why a process of integration sometimes does not occur naturally over time. The aforementioned generalization through classical fear conditioning of stimuli perceived as threatening helps maintain structural dissociation. The phobic Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 447 DUCKWORTH, K. avoidance and rejection of EPs and ANPs by each other also interfere with normal integrative tendencies. Van der Hart and colleagues (2004) also propose that the absence of social support and acknowledgement of the trauma and its impact (or worse, blaming the victim) can also promote the maintenance of structural dissociation as a means of coping alone. This seems especially significant in the development and persistence of traumarelated dissociation in childhood. In infants and children, the sense of self is state-dependant and therefore constantly changing. Children lack the ability to integrate their experiences into a coherent sense of self, as brain structures supporting these functions are not fully developed. As a result, the integration of a sense of self and cohesion of different behavioral states relies heavily on dyadic interaction within a context of secure attachment. If a child experiences an event as traumatic, containment of emotion and modulation of physiological arousal occur through a caretaker’s witnessing and responding compassionately to the child’s inner experience (Forgash &Knipe, 2008). If the child experiences trauma in the context of a disorganized and negative attachment style, the child will learn to numb as a way to cope. If there is severe neglect or if the caregiver is abusive, there can be frequent and rapid activation of the distinct psychobiological action systems of the ANP (attachment and daily functioning) and the EP (for defense and survival when under threat). Being separated from the caregiver can activate the attachment system of the ANP and being in the presence of the abusive caretaker can activate the defense system of the EP (Liotti, 2006). Because the child depends on the abusive caretaker for survival, a pattern of chronic structural dissociation can develop and maintain. This is the common pathway to the development of tertiary structural dissociation and DID (Steele et al., 2005; van der Hart et al. 2004). 448 Treatment Interventions for trauma-related structural dissociation occur within the context of treating clients who meet the criteria for the proposed diagnosis of Complex Posttraumatic Stress Disorder (Complex PTSD) or Disorders of Extreme Stress, Not Otherwise Specified (DESNOS) and emphasize client stabilization and safety as well as careful management of the risk for dissociation and retraumatization during therapy. A three-part phase model of treatment, originally proposed by Pierre Janet in the early 20th century, is the standard approach generally adopted and recommended in most of the current literature on psychotherapeutic interventions for trauma and trauma-related dissociation (Chu, 2007; Courtois 1999; Herman, 1992; International Society for the Study of Dissociaton, 2005; van der Kolk et al., 1996). The goal of the first phase is stabilization and strengthening of clients’ ability to tolerate trauma-related memories, emotions and bodily sensations in preparation for trauma work. The task of the second phase is to access and successfully process the traumatic experiences thus transforming them from implicit emotional memory to explicit semantic memory. Experiencing a more integrated self that engages and interacts more fully and safely with others and the world is the goal for phase three. Following are descriptions of several prominent treatment methods that promote stability and self-regulation in clients at high risk for dissociation during psychotherapeutic treatment. Several methods are employed in phase one to help reduce clients’ distressing symptoms and prepare them for the intense and difficult work of reprocessing their traumatic experiences. The main goal of phase one is skill building for symptom management. Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)! DISSOCIATION Psychoeducation. Psychoeducation is used to teach clients about the symptoms of trauma (and dissociation) and how they can be resolved, thus helping clients to understand and engage more fully in the therapy process. It is very important to establish from the outset that the client and therapist work collaboratively (the client has some control) to maintain a manageable pace, a sense of safety, and that the therapist will remain attuned and respectful of clients’ needs and healthy choices throughout the therapeutic process. Clients, with all their ego states, need to know that their consent will be needed before proceeding with any procedures or processing in their therapy. Information can be provided about what trauma is and how it impacts a person’s mind, body, and behavior; and about dissociation and how it involves different parts of the self or “frames of mind” that can arise as a way to try to cope. Clients can be taught about how different ego states (some well functioning and adaptive) can co-exist. Psychoeducation can even include explanations about how different aspects of memory get stored in different neural networks and structures by using metaphors and analogies. This information can shift the focus from something “being wrong” with clients to their understanding their experiences as normal human responses to trauma. Turkus and Kahler express this well: “Psychoeducation, as interpretation, can transform a worried patient’s ‘weird, crazy experience’ into a lesson about normal human biology...” (Turkus & Kahler, 2006, p. 247). Carefully chosen readings for clients or the use of a workbook or journal can further their understanding and spark discussion in therapy. Self-regulation, Containment, and Pacing. Self-regulation, containment, and pacing are all geared towards promoting a sense of control and stability during the initial phase of treatment. Self-regulation of feelings and thoughts involves learning the skill of observing (while or just after experiencing) them, being able to identify and name them and give them a context. This includes clients’ developing the ability to recognize and report when they start to dissociate and to gradually be able to selfregulate and remain present. Recognizing that thoughts and feelings exist on a continuum of intensity and that they grow and fade away can be the beginning of understanding, control, and tolerance instead of phobic avoidance of memories and feelings. Helping clients recognize and explore ambivalence as a normal and understandable experience can eventually help make the barriers between dissociated parts more permeable. Instruction on how clients can modulate affect and thoughts is an important focus of phase one. This can include just noticing a feeling as an observer and staying with it until it eventually begins to fade. Exploring some self-soothing strategies such as taking a walk, doing abdominal paced breathing, using containment imagery such as an “affect dial” (Forgash & Knipe, 2008; Kluft, 1993), visualizing a negative feeling “draining off” into the universe, or simply focusing on drinking a soothing cup of tea are examples of emotion regulation skills (Turkus & Kahler; Chu). Grounding Skills. It is essential that clients also acquire grounding skills in phase one to assist them in maintaining contact with the present reality, thereby preventing recurring dissociation and being consumed by reliving their trauma. Turkus and Kahler (2006) distinguish two sets of grounding skills: sensory awareness and cognitive awareness. Sensory awareness grounding skills make use of the five senses to help maintain or return to a present focus. Examples are having a well-lit office, having clients maintain eye contact or name colors and objects in the room, focusing on the smell of scented lotions or a potpourri, tuning in to present sounds or the taste of gum or mints. Knipe (2008) suggests playing a game of toss and catch using a pillow or a small beanbag (“hacky sack”) as this immediately activates the neurological Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 449 DUCKWORTH, K. orienting response and maintains a person’s focus to the present. Examples of cognitive awareness grounding skills include orienting to one’s age, size, the current date, time, and place in which a person is as well as the reality that the traumatic even happened in the past and that there are options available to clients at the present time that were not available during the trauma. “Cognitive interweaves” (Shapiro, 2001) are brief questions or statements made by the therapist that help to cognitively reorient clients to the present. For example, the therapist may ask the client where the perpetrator is today or how long ago an event took place, or use Socratic questioning to increase cognitive orientation to present reality. Developing a written crisis plan can also help guide and ground clients during crises outside the therapy setting where dissociating is more likely to occur. “Resource Development and Installation” (RDI) is an ego strengthening and stabilization enhancing method with a well-established protocol that can help prepare clients for trauma-focused work while helping to prevent and manage dissociation. It was developed as an EMDR protocol (Leeds & Shapiro, 2000) but elements from it can be adapted and used without employing bilateral stimulation methods (such as eye movements, hand taps, or auditory tones) for therapists not trained in EMDR. Korn and Leeds (2002) wrote an article that explains the protocol and provides step-by-step instructions and provides some preliminary evidence of its efficacy. RDI is a protocol that seeks to strengthen associations to client resources of functional and positive memories and experiences (as opposed to traumatic ones) thereby making them more accessible so that clients can voluntarily evoke them for affect regulation (Korn & Leeds, 2002). The basic protocol is as follows. After explaining the purpose of RDI to the client and how it works, the therapist asks 450 the client to think of a challenging or difficult situation in his or her current life. The therapist can provide some suggestions including the therapy and facing the trauma. Once the client identifies a difficult situation, the therapist asks the client what capacities, qualities, or resources he or she needs to face and deal with the problem. How would the client like to see him- or herself, how would the client like to feel or act? Once the needed resource is identified, the next step is searching for and developing it. The therapist taps into several possible sources by asking the client to think of past mastery experiences in which they might have had the identified quality, feeling, or capacity. Can they recall a situation where they possessed the quality? The therapist can also have the client consider relational resources such as role models, mentors, or people the client admires and who possess the quality or ability. The person could even be a fictional or mythical character from a book or movie. It could even be an animal. The therapist asks the client to imagine this person right next to them cheering them on and providing guidance and support and the quality and strength of their presence helping the client to feel empowered. The therapist can also suggest metaphors and symbolic resources from artwork, religion (such as one’s guardian angel), or safe and grounding places (imaginary or real) that resonate with the desired feeling, capacity, or positive feelings. Often places in nature are chosen. Once a resource has been selected, it is embellished by having the client focus on it and by using the senses to increase resonance to it. The client is asked to identify the image related to the resource that best captures it and to notice the positive sensations in their body that go with that image. The next step is to verify the resource by asking the client when they focus on the resource image how they feel and to ensure they can maintain a connection with the Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)! DISSOCIATION resource and that the associations, affects, and sensations are indeed positive. Installation of the resource follows by having the client focus on the image that captures their resource and on the feelings/sensations that arise, and (if the therapist is trained in EMDR) to follow the therapist’s fingers (or tones or taps) for short sets (6-10) of bilateral stimulation. The client then reports on what they notice (feelings, sensations, images, etc.) and the process is repeated several times if the positive feelings are becoming stronger. Bilateral stimulation is stopped if negative associations arise. If the therapist does not know EMDR or does not wish to use bilateral stimulation, the client can simply focus on the resource for periods of time and then report what is noticed. The final step involves establishing a future template by having the client imagine possessing the resource in some challenging situation in the future and imagining how they would feel, act, appear while staying connected to the resource in exactly the way they need to experience it. The above steps can be repeated several times for each one of several different resources. The client only works with one resource at a time. It is important to realize that in actual practice, the three phases of treatment are not as linear or distinct as they may appear in the model’s description. The focus of treatment and interventions constantly shift back and forth between phases and are chosen as required given developments in the therapy and the state of the client in the moment. Conclusion This paper presented a recent conceptualization of structural dissociation of the personality and described some of the mechanisms that cause various levels and manifestations of dissociation. A phased treatment approach that is consistent with the presented conceptualization of dissociation was described with particular attention to stabilization and ego strengthening which is essential in the early part of treatment. The author of this paper works in a hospital setting with patients who have chronic and severe breathing disorders (chronic obstructive pulmonary disease, asthma, pulmonary fibrosis, etc.). These conditions are characterized by severe and frequent episodes of shortness of breath. Onset of these diseases are often sudden and life altering. These conditions are characterized by severe and frequent episodes of shortness of breath, which are often experienced in similar fashion to a severe panic attack with the feeling (or cognition) that the person has lost all control and may even die. Very frequently, classical fear conditioning occurs and these patients grow increasingly fearful of an increasing range of stimuli that have become associated with shortness of breath. There are many parallels that can potentially be drawn from the material on the experience of trauma, the development of structural dissociation of the personality and its treatment, and the way people attempt to cope with severe lung disease. For example, the experience of severe (sometimes life-threatening) shortness of breath due to bronchospasm or infection, or being intubated may remain in the EP (implicit memory) and intrude on the ANP, which tries to maintain normal daily functioning. There often appears to be a lack of integration between the “old healthy person” with no limits and the person with lung disease who has considerable physical limits. Patients often express, even after years of having a breathing disorder, that they just can’t learn to slow down because they forget when they are seated that they if they jump up and walk at a fast pace, they will become very short-of-breath. The kind of attachment history these patients have had during childhood may also play a role in how much they are able Journal(International(De(Victimologie(!2011;!9(3)!! 451 DUCKWORTH, K. to integrate their experience of lung disease into their current lives. For some, there is a great deal of shame and self-deprecation associated with lung disease and use of oxygen. Others in the same situation do not experience this. Korn, D. L. & Leeds, A. M. (2002). Preliminary evidence of efficacy for EMDR resource development and installation in the stabilization phase of treatment of complex posttraumatic stress disorder. Journal of Clinical Psychology, 58(12), 1465-1487. Some attachment theorists have speculated that shame is a means in childhood of maintaining attachment by blaming oneself instead of the rejecting the caregiver in order to survive and to maintain an internal locus of control versus chaos. Perhaps this is related to the way patients respond to their lung disease. These are potential directions for further theorization and research of adjusting to living with a severe pulmonary condition. Leeds, A. M. & Shapiro, F. (2000). EMDR and resource installation: Principles and procedures for enhancing current functioning and resolving traumatic experiences. In J. Carlson & L. Sperry (Eds.), Brief therapy strategies with individuals and couples (pp. 469-534). Phoenix, AZ: Zeig, Tucker, Theisen, Inc. References American Psychiatric Association. (1994). Diagnostic and statistical manual of mental disorders (4th ed.). Washington, DC: Author. Chu, J. A. (2007). Treatment of traumatic dissociation. In E. Vermetten, M. Dorahy, & D. Spiegel (Eds.), Traumatic dissociation: Neurobiology and treatment (pp. 333-352) Forgash, C. & Knipe, J. (2008). Integrating EMDR and ego state treatment for clients with trauma disorders. In C. Forgash & M. Copeley (Eds.), Healing the heart of trauma and dissociation with EMDR and ego state therapy (pp. 1-59). New York: Springer. Kluft, R. P. (1993). The initial stages of psychotherapy in the treatment of multiple personality disorder patients. Dissociation, 6(2/3), 145-161. Knipe, J. (2008). Loving eyes: Procedures to therapeutically reverse dissociative processes while preserving emotional safety. In C. Forgash & M. Copeley (Eds.), Healing the heart of trauma and dissociation with EMDR and ego state therapy (pp. 181-225). New York: Springer. 452 Liotti, G. (2006). A model of dissociation based on attachment theory and research. Journal of Trauma and Dissociation, 7(4), 55-73. Shapiro, F. (2001). Eye movement desensitization and reprocessing: Basic principles, protocols, and procedures (2nd ed.). New York: Guilford Press. Steele, K., van der Hart, O., & Nijenhuis, E. R. S. (2005). Phase-oriented treatment of structural dissociation in complex traumatization: Overcoming traumarelated phobias. Journal of Trauma and Dissociation, 6(3), 11-53. Steinberg, M. (1994). 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