mieux comprendre la dyslexie
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mieux comprendre la dyslexie
Dr Évelyne Pannetier Neuropédiatre MIEUX COMPRENDRE LA DYSLEXIE UN GUIDE POUR LES PARENTS ET LES INTERVENANTS 01-Dyslexie.fm Page 11 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Introduction à la dyslexie CHAPITRE 1 Introduction à la dyslexie L’homme, ou du moins l’ancêtre de sa lignée, marche sur ses deux jambes depuis plus d’un million d’années. Les découvertes des paléontologues laissent à penser qu’il parle depuis au moins 250 000 ans. Mais il ne lit que depuis 5 000 ans, et encore, à cette époque, la lecture était le fait d’une petite élite... Alors non, lire n’est pas une aptitude naturelle inscrite dans le patrimoine génétique de l’humanité. La lecture et l’écriture sont des inventions issues du cerveau humain, au même titre que la roue, la voiture ou l’ordinateur. Ce ne sont pas des activités spontanées, elles doivent être apprises comme il faut apprendre à conduire une voiture et à utiliser un ordinateur. La lecture et l’écriture sont des outils servant à véhiculer l’information, et non des fonctions comme l’audition ou la vision. Or, tout le monde n’est pas capable d’utiliser les outils avec la même habileté. N’est pas Rodin qui veut, piloter une voiture comme Michael Schumacher n’est pas à la portée de tout le monde et l’utilisation de l’ordinateur est souvent un véritable casse-tête pour les personnes d’un certain âge. Il en est de même pour la lecture. Véhicule de transmission des connaissances pour certains, source de plaisir intellectuel pour d’autres, cette capacité n’est pas manipulée avec la même efficacité par tous. 11 01-Dyslexie.fm Page 12 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Mieux comprendre la dyslexie Définition de la dyslexie La dyslexie est une forme particulière parmi les difficultés à lire. La structure du mot le dit bien : «dys» vient du grec et signifie difficulté; «lexie» a la même origine et signifie mot. Partant de là, de nombreuses définitions ont été données pour en préciser les limites et les caractéristiques. L’objectif de cet ouvrage n’est pas d’exposer les multiples polémiques et discussions dans lesquelles se complaisent certains spécialistes, chacun défendant son « territoire» de linguiste, d’orthophoniste, d’audiologiste, d’orthoptiste, de neurologue, de neuropsychologue ou d’orthopédagogue. Suivant son sens étymologique, la dyslexie est une difficulté persistante à repérer, comprendre et reproduire les symboles du langage écrit ; elle a pour conséquence de troubler profondément l’apprentissage de la lecture et de l’orthographe, elle affecte la compréhension des textes et a des répercussions sur l’ensemble des acquisitions scolaires. Si elle est évidente dans l’enfance et l’adolescence, périodes de scolarisation, elle persiste à des degrés divers à l’âge adulte, où ses conséquences dépendent des stratégies de compensation qui ont été développées au fil des années par l’individu dyslexique. Ce caractère durable des troubles liés à la dyslexie permet de la différencier des autres difficultés reliées à la lecture, en particulier du simple retard d’apprentissage qui entraîne des délais dans l’acquisition des habiletés de lecture, mais ne laisse pas de traces durables une fois les stratégies de lecture maîtrisées. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a inclus la dyslexie dans la Classification internationale des Maladies (CIM-10), sous la rubrique des « troubles spécifiques du développement des aptitudes scolaires ». S’il s’agit d’une définition longue, basée beaucoup plus sur des critères d’exclusion que sur des caractéristiques spécifiques, il est important de la citer ici, car elle est employée largement dans les travaux de recherche sur la dyslexie. Elle figure dans l’encadré 1.1. 12 01-Dyslexie.fm Page 13 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Introduction à la dyslexie ENCADRÉ 1.1 Définition de la dyslexie selon l’OMS1 A. L’un des points suivants doit être présent : 1 (1) un score de capacités de lecture et/ou de compréhension se situant à au moins deux erreurs-standard en dessous du niveau attendu sur la base de l’âge chronologique et l’intelligence générale de l’enfant, les aptitudes de lecture de même que le QI étant évalués par un test administré individuellement et standardisé par rapport au niveau culturel et au système éducatif de l’enfant. (2) un antécédent de difficultés graves de lecture, ou des scores aux tests satisfaisant au critère A (1) à un plus jeune âge, plus un score à un test d’orthographe se situant à au moins deux erreurs-standard en dessous du niveau attendu sur la base de l’âge chronologique et du QI de l’enfant. B. Le trouble décrit au critère A interfère de façon significative avec la réussite scolaire ou les activités de la vie quotidienne nécessitant des aptitudes de lecture. C. Le trouble n’est pas la conséquence directe d’un déficit d’acuité visuelle ou auditive, ou d’une affection neurologique. D. Les expériences scolaires sont dans la moyenne de ce que l’on peut attendre (c’està-dire qu’il n’y a pas eu d’inadéquation majeure dans la scolarisation). E. Critère d’exclusion très habituellement utilisé. QI inférieur à 70 sur un test standardisé administré individuellement. Il est intéressant de souligner quelques points importants dans cette définition. Les critères d’exclusion sont largement dominants ; pour parler de dyslexie, il ne faut pas que le trouble de lecture soit dû à des problèmes de vision, d’audition, d’intelligence ou de maladie neurologique. La scolarisation doit être adéquate, c’est-à-dire que l’enfant a été soumis à une fréquentation scolaire suffisante et à un système d’enseignement de la lecture reconnu dans la société où il vit. Les aptitudes de lecture doivent être évaluées par des tests standardisés, rapportés à l’âge de l’enfant, et on ne peut parler de dyslexie que s’il y a une déviation significative de deux écarts types par rapport à la moyenne du groupe d’âge, ce qui en pratique correspond à un retard de dix-huit mois à deux ans dans les acquisitions de lecture. 1. D’après M. Habib. Dyslexie : le cerveau singulier. 13 01-Dyslexie.fm Page 14 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Mieux comprendre la dyslexie Conséquence directe de ce critère : on ne peut parler de dyslexie tant qu’il n’y a pas eu une exposition suffisamment longue à un enseignement adéquat de la lecture. Dans le système scolaire canadien, on ne peut donc pas dire qu’un enfant est dyslexique avant qu’il ait terminé ses deux premières années de primaire et donc atteint l’âge de 7 à 8 ans. Ainsi, en théorie, il est impossible de diagnostiquer ou de prédire une dyslexie chez un enfant de maternelle. Tout au plus pourra-t-on cerner des risques de présenter des difficultés d’apprentissage de la lecture, à partir de critères sur lesquels nous reviendrons plus loin dans cet ouvrage, et ainsi offrir un suivi plus étroit et une intervention précoce si les craintes se confirment. Finalement, l’Organisation mondiale de la Santé a entré dans ses critères de définition les répercussions non seulement sur la réussite scolaire, mais aussi sur les activités de la vie quotidienne nécessitant des aptitudes de lecture. Car si la dyslexie a d’abord été reconnue comme un problème d’apprentissage, on s’est par la suite aperçu qu’elle avait des conséquences dans d’autres domaines: signer un bail ou un contrat d’assurance, lire un manuel d’instructions pour utiliser un nouvel appareil électroménager ou acquérir des connaissances pour progresser dans son métier. L’OMS inclut aussi dans sa définition de la dyslexie les difficultés qu’elle entraîne sur le plan de l’orthographe. Cette dimension est intéressante, car nous verrons que si la lecture peut s’améliorer avec une rééducation adéquate, ce sont souvent les difficultés orthographiques qui persistent à l’âge adulte. Une autre classification, utilisée essentiellement par les médecins en Amérique du Nord, est le DSM-IV. On y retrouve pratiquement les mêmes critères de définition de la dyslexie que ceux de l’OMS, comme l’indique l’encadré 1.2. 14 01-Dyslexie.fm Page 15 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Introduction à la dyslexie ENCADRÉ 1.2 Définition de la dyslexie selon le DSM-IV F81.0 [315.00] Trouble de la lecture A. Les réalisations en lecture, évaluées par des tests standardisés passés de façon individuelle mesurant l’exactitude et la compréhension de la lecture, sont nettement au-dessous du niveau escompté compte tenu de l’âge chronologique du sujet, de son niveau intellectuel (mesuré par des tests) et d’un enseignement approprié à son âge. B. La perturbation décrite dans le critère A interfère de façon significative avec la réussite scolaire ou les activités de la vie courante faisant appel à la lecture. C. S’il existe un déficit sensoriel, les difficultés en lecture dépassent celles habituellement associées à celui-ci. Toutes ces définitions concernent en fait ce que l’on appelle la dyslexie développementale, par opposition à la dyslexie acquise ou alexie. La dyslexie acquise survient lorsqu’un évènement plus ou moins aigu vient endommager le cerveau auparavant normal. C’est le cas, par exemple, d’un accident vasculaire cérébral, d’un traumatisme, d’une tumeur ou d’une maladie dégénérative comme l’Alzheimer. Survenant chez un individu qui a appris à lire normalement et qui utilisait la lecture et l’écriture de façon adéquate, ces affections causent des lésions cérébrales qui endommagent les zones permettant de lire. L’alexie est rarement isolée, elle s’accompagne d’autres atteintes neurologiques : aphasie (anomalie acquise du langage) ou paralysies diverses. À noter que la perte de la vision, partielle ou totale, qui entraîne évidemment d’importantes difficultés ou une incapacité à lire, ne porte pas le nom de dyslexie ou d’alexie, termes qui sont réservés à des problèmes trouvant leur origine dans le cerveau. Brève description du cerveau Le cerveau est un organe complexe et une brève description de son anatomie permettra de clarifier les termes employés tout au long de ce livre. Une présentation des techniques d’exploration utilisées aussi bien en clinique qu’en recherche montrera les moyens dont les scientifiques disposent actuellement pour étudier son fonctionnement. 15 01-Dyslexie.fm Page 16 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Mieux comprendre la dyslexie Anatomie du cerveau Situé à l’intérieur de la boîte crânienne qui le protège, le cerveau a un volume d’environ 1400 cm3 et la consistance d’une gelée; il est entouré d’enveloppes appelées méninges. Il constitue l’extrémité supérieure du système nerveux central et est prolongé par la moelle épinière qui descend dans le canal rachidien délimité par les vertèbres. Le système nerveux périphérique est, quant à lui, formé des nerfs : les douze paires de nerfs crâniens qui partent du système nerveux central et les nerfs rachidiens qui sont issus de la moelle épinière. Vu de l’extérieur, le cerveau se compose des deux hémisphères cérébraux, grossièrement identiques, chacun divisé en quatre lobes, comme illustré dans la figure 1.1 : lobe frontal en avant, lobe pariétal sur le côté, lobe temporal sur le côté et en dessous, et enfin, le lobe occipital à la partie la plus postérieure. En arrière des hémisphères se trouve une structure en forme de chou-fleur appelée le cervelet. Lobe frontal Scissure de Rolando Lobe pariétal Scissure de Sylvius Lobe occipital Lobe temporal Figure 1.1 Vue externe de l’hémisphère gauche Si l’on regarde maintenant l’intérieur du cerveau, on s’aperçoit qu’il est formé de tissus de deux couleurs : la substance grise et la substance blanche (figure 1.2). La substance grise contient des cellules (neurones 16 E. Pannetier 2009 Scissure calcarine 01-Dyslexie.fm Page 17 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Introduction à la dyslexie Substance blanche Substance grise Ventricules Noyaux gris centraux Fibres du corps calleux Figure 1.2 Coupe verticale du cerveau montrant sa structure interne 17 E. Pannetier 2009 et cellules de soutien appelées cellules gliales); elle forme la couche extérieure du cerveau, appelée cortex cérébral, mais on trouve également des cellules regroupées en profondeur, essentiellement les noyaux gris centraux et les noyaux des nerfs crâniens. La substance blanche, de son côté, constitue l’essentiel du volume du cerveau et est faite de fibres qui font communiquer entre elles les différentes zones du cerveau. Elle doit sa couleur blanche à la myéline, sorte d’isolant qui entoure chaque axone. Les axones sont le prolongement des neurones qui permet la transmission des informations entre eux. Une structure particulière fait communiquer les deux hémisphères : le corps calleux. Il rejoint point par point les différentes zones du cortex droit et gauche. Il est fondamental pour le fonctionnement du cerveau, car il assure le transfert d’informations d’un hémisphère à l’autre et leur fonctionnement harmonieux. Le corps calleux peut également jouer un rôle de bouclier, évitant un excès de transfert d’informations et permettant à chaque hémisphère de garder ses compétences propres. Son développement semble influencé par de 01-Dyslexie.fm Page 18 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Mieux comprendre la dyslexie nombreux facteurs : la latéralité, le sexe, des apprentissages particuliers. La partie antérieure, qui relie les deux lobes frontaux, est plus développée chez les gauchers et chez les musiciens. La partie postérieure est plus importante chez les hommes gauchers et les femmes droitières, témoignant d’un plus grand nombre de connexions entre les hémisphères dans ces deux groupes d’individus. Au cours de l’évolution qui a mené à l’homme, le cortex cérébral s’est considérablement développé, et il a dû se replier sur lui-même pour pouvoir rester contenu dans la boîte crânienne. C’est ce qui donne à la surface du cerveau cet aspect irrégulier, formé de circonvolutions séparées par des sillons. Certains sillons sont plus profonds ; ils sont appelés scissures et séparent les lobes: scissure de Rolando entre les lobes frontal et pariétal, scissure de Sylvius entre le lobe temporal et le lobe frontal, scissure calcarine entre le lobe occipital et les lobes pariétal et temporal (figure 1.1). Les études anatomiques et fonctionnelles, ainsi que l’observation de la structure du cortex cérébral ont permis d’en dresser une carte associant une région à une fonction. Le premier à avoir complété cette cartographie est l’Allemand Korbinian Brodmann, en 1909, en numérotant les différentes régions du cerveau, connues depuis sous le nom d’aires de Brodmann. Ces liens entre localisations cérébrales et fonctions ont été, pour beaucoup, confirmés par les plus récentes techniques d’exploration du cerveau, en particulier l’imagerie médicale. La figure 1.3 représente une vue latérale de l’hémisphère cérébral gauche, avec la numérotation des aires cérébrales et l’identification des principales d’entre elles en relation avec les processus impliqués dans la lecture. Au cours des chapitres suivants, nous nous référerons à ces trois figures pour que le lecteur puisse situer les zones cérébrales dont il sera question, qu’elles soient impliquées dans les processus normaux de lecture ou qu’on leur attribue une responsabilité dans la survenue d’une dyslexie. Celle-ci a été reconnue bien avant que l’on connaisse comment le cerveau fonctionne, mais l’apport des nouvelles méthodes d’investigation, développées essentiellement dans le dernier quart de siècle, a été crucial dans sa compréhension. 18 01-Dyslexie.fm Page 19 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Introduction à la dyslexie 5 4 9 6 8 Vision 17, 18, 19, 8 7 3, 1, 2 46 40 45 11 44 43 47 22 41 42 19 37 18 17 21 38 Audition 41, 42, 21, 22 39 20 Langage 21, 22, 37, 39, 40, 44, 45 Figure 1.3 Aires de Brodmann (vue externe de l’hémisphère gauche) Méthodes d’exploration du cerveau Les progrès de la technologie permettent actuellement de mieux connaître les relations entre le cerveau et les activités qu’il commande. Il existe trois grandes classes de techniques permettant d’étudier le cerveau. a. L’imagerie structurelle ou statique, qui consiste à étudier l’anatomie du cerveau. b. L’imagerie fonctionnelle, qui permet de « voir le cerveau penser ». c. L’imagerie de stimulation, qui observe comment le cerveau réagit à des stimulations directes particulières. L’imagerie structurelle Elle comprend essentiellement la tomographie axiale assistée par ordinateur, couramment appelée CT scan, et l’imagerie par résonance magnétique, mieux connue sous le sigle IRM. • Le CT scan (en anglais computerized tomography scan) existe depuis près de quarante ans et utilise des rayons X comme les radiographies classiques. Les images obtenues en photographiant le cerveau sous différents angles sont traitées par un programme informatique qui 19 E. Pannetier 2009 10 01-Dyslexie.fm Page 20 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Mieux comprendre la dyslexie permet maintenant d’obtenir une représentation précise de «tranches » horizontales du cerveau. Les plus récents appareils permettent une reconstitution en trois dimensions tout à fait réaliste. Le CT scan est surtout utilisé pour diagnostiquer les tumeurs cérébrales, les accidents vasculaires cérébraux ou les conséquences de traumatismes crâniens. • L’imagerie par résonance magnétique (IRM) n’utilise pas de rayons X, mais soumet le cerveau à un champ électromagnétique qui vient modifier le champ magnétique des protons de l’atome d’hydrogène des molécules d’eau, constituant majeur du corps humain en général et du cerveau en particulier. Après arrêt de stimulation par ces ondes, ces protons reprennent leur orientation originale en émettant un signal radio. Ce petit signal, appelé résonance magnétique, est enregistré par des récepteurs et transmis à un ordinateur qui produit des coupes de cerveau dans différents plans. Les images étant très précises, en particulier pour distinguer substance blanche et substance grise, l’IRM est utilisée pour détecter de nombreuses maladies cérébrales, comme la sclérose en plaques ou la maladie d’Alzheimer. L’imagerie fonctionnelle Elle regroupe l’électroencéphalographie, ou EEG, l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, connue sous le sigle IRMf, et la tomographie par émission de positons, couramment appelée TEP. • L’électroencéphalographie (EEG) est une technique utilisée depuis près d’un siècle ; elle mesure l’activité électrique produite par les neurones du cerveau, qu’elle enregistre grâce à des électrodes collées sur le cuir chevelu. Elle sert surtout à diagnostiquer les foyers d’épilepsie et est grandement influencée par les variations de l’état de conscience (éveil-sommeil), raison pour laquelle elle permet le suivi des comas. La fréquence des différentes ondes cérébrales a été associée à des états fonctionnels variés ; les ondes bêta, de 13 à 30 hertz, dans les régions frontales, correspondraient à un traitement actif de l’information, alors que les ondes alpha, de 8 à 12 hertz, se retrouvent dans les régions occipitales des sujets éveillés mais en état de relaxation; les ondes thêta, de 4 à 8 hertz, prédominent dans les régions temporales et seraient associées à la mémoire et aux émotions. Cependant, l’électroencéphalographie, si elle donne une bonne image 20 01-Dyslexie.fm Page 21 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Introduction à la dyslexie en temps réel du fonctionnement cérébral, n’offre pas une grande précision quant à la localisation spatiale de ces activités et n’a que peu d’applications dans l’étude des fonctions cognitives. • L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) utilise le même principe que l’IRM, mais elle est réalisée alors qu’une tâche est effectuée par le sujet. Elle utilise une caractéristique anatomique du cerveau : lorsqu’une région de celui-ci est engagée dans une tâche, l’augmentation d’activité des neurones entraîne une élévation de l’apport de sang, car les besoins en glucose et en oxygène augmentent. L’hémoglobine qui transporte l’oxygène jusqu’aux tissus le libère pour permettre le fonctionnement des neurones. Elle devient la désoxyhémoglobine, qui a un champ magnétique différent, variation qui sera détectée par des récepteurs et transmise à un ordinateur. Celui-ci, en comparant avec des images prises avant la réalisation de la tâche, en désigne les zones responsables. Il s’agit d’une technique qui a fait considérablement progresser notre connaissance du fonctionnement cérébral et de l’apprentissage. • La tomographie par émission de positons (TEP) part du même principe que l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, à savoir l’augmentation localisée du débit sanguin cérébral lors de la réalisation d’une activité. Par contre, la TEP utilise un produit radioactif qui marque l’eau ou le glucose et qui est injecté juste avant le début d’une tâche. La mesure de la radioactivité, plus importante dans la zone qui travaille, permet de savoir quelle aire cérébrale commande la tâche effectuée. Les images obtenues sont moins précises que l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle en termes de localisation, mais son avantage est de permettre d’inclure le marqueur radioactif dans des substances dont on veut étudier l’utilisation par le cerveau, qu’il s’agisse de neurotransmetteurs ou de médicaments. L’imagerie de stimulation Les techniques d’imagerie de stimulation sont actuellement réservées au domaine de la recherche. Il s’agit essentiellement de la stimulation magnétique transcrânienne (SMT), au cours de laquelle un champ magnétique créé à l’extérieur du crâne, vis-à-vis de la zone que l’on veut stimuler, induit la formation d’un courant électrique à l’intérieur du cerveau, 21 01-Dyslexie.fm Page 22 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Mieux comprendre la dyslexie sur une profondeur d’environ deux centimètres. Elle permet de créer une « lésion virtuelle temporaire » de la région à étudier et d’observer comment elle perturbe la réalisation d’une tâche donnée. La stimulation magnétique transcrânienne à répétition en est une application particulière qui pourrait avoir un effet thérapeutique dans le cas de la dépression ou de certains symptômes de la schizophrénie. Ces techniques ont grandement fait progresser notre connaissance des mécanismes de fonctionnement du cerveau au cours des dernières années. Mais la dyslexie a été découverte bien avant. Historique Il est difficile de préciser à quel moment la dyslexie est apparue comme entité reconnue dans le cadre scolaire, et en dehors de celui-ci au sein de la communauté médicale. Il semble que le terme dyslexie ait été employé pour la première fois dans une publication scientifique en 1887 par un ophtalmologue allemand, le docteur Rudolf Berlin, ayant pour titre Eine besondere Art der Wort-blindheit (dyslexie). Comme c’est souvent le cas pour les premières descriptions de nombreuses pathologies, c’est peu de temps après, en 1896, qu’un médecin anglais, W. Pringle Morgan, a publié dans le British Medical Journal la description d’un trouble spécifique d’apprentissage qu’il a appelé Congenital Word Blindness, soit cécité congénitale pour les mots. Il a mis l’accent sur deux caractéristiques importantes de ce qui sera plus tard appelé couramment la dyslexie : c’est une difficulté reliée à l’apprentissage en dehors de toute déficience intellectuelle et elle touche la reconnaissance visuelle des mots. Mais la première étude complète de ce qu’est la dyslexie, comprenant une description clinique et des hypothèses sur ses origines, se trouve dans un ouvrage publié en 1917 par un ophtalmologue écossais, James Hinshelwood, qui reprend l’expression Congenital Word Blindness comme titre. Il y décrit des symptômes maintenant largement connus dans le public: les inversions de lettres, les difficultés d’épellation et d’orthographe ou les problèmes de compréhension du texte lu. Il émet l’hypothèse que la cause en est un trouble de la mémoire visuelle touchant la région parié- 22 01-Dyslexie.fm Page 23 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Introduction à la dyslexie tale gauche du cortex cérébral et affectant la reconnaissance des lettres et des mots. Durant les quelque soixante années suivantes, ce sont surtout des théories explicatives qui sont venues alimenter la littérature scientifique et les discussions entre tous les spécialistes impliqués, des orthopédagogues aux neurologues en passant par les psychanalystes, les ophtalmologues, les orthophonistes et les neuropsychologues. S’il existe encore de nos jours des défenseurs des théories psychoaffectives ou psychosociales pour expliquer la dyslexie, le consensus tend de plus en plus à privilégier des explications neurologiques et cognitives, aidé en cela par les renseignements obtenus des récentes techniques d’imagerie fonctionnelle. Nous ne rapporterons donc dans cet historique que les grandes dates d’apparition de théories relevant de la neurocognition. Théorie: ensemble d’idées ou de concepts visant à établir un système de connaissances cohérent. Une théorie n’est pas un fait prouvé. Neurocognition : ensemble des structures et mécanismes du cerveau à la base des fonctions permettant d’interagir avec l’environnement (percep-tion, langage, mémoire, intelligence...). Le neurologue Samuel T. Orton a, dans les années 1920, émis l’hypothèse que la dyslexie était due à une difficulté d’associer la forme visuelle des mots à leur forme orale ; il l’attribuait à un défaut d’établir une dominance hémisphérique adéquate. En effet, le cerveau est constitué de deux hémisphères qui ne sont pas identiques dans leur fonctionnement, l’hémisphère dominant étant celui où se trouve le centre du langage, normalement l’hémisphère gauche chez le droitier. Samuel T. Orton avait remarqué que beaucoup de dyslexiques étaient gauchers ou avaient tardé à établir une dominance manuelle, c’est-à-dire à privilégier l’usage d’une de leurs mains pour écrire ou manipuler. Il avait également noté que plusieurs écrivaient « en miroir » des lettres, ou même des mots entiers, c’est-à-dire en les inversant de droite à gauche. Dès 1965, le neurologue américain Norman Geschwind, titulaire de la chaire de neurologie à Harvard, est le premier à émettre l’hypothèse que la lecture fait intervenir plusieurs zones du cerveau qui doivent agir de façon rapidement successive. C’est la base de toutes ses publications sur le sujet durant les vingt années suivantes. Le lobe occipital, siège des fonctions visuelles, le lobe temporal gauche, siège de plusieurs fonctions 23 01-Dyslexie.fm Page 24 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Mieux comprendre la dyslexie langagières et le lobe frontal, siège de l’attention et de la parole, sont tous impliqués dans l’activité de lecture. À la fin des années 1970, Paula Tallal amène la notion que la dyslexie est due à un traitement temporel anormal des sons. Le sujet dyslexique ne peut pas percevoir des sons qui se succèdent à un rythme rapproché, ce qui est le cas dans le langage parlé habituel. Il ne peut donc pas se constituer une image sonore exacte du mot, et lorsqu’il doit lire, il ne peut pas associer la forme écrite du mot à une forme sonore adéquate. Paula Tallal développera quelque vingt ans plus tard, avec Michael Merzenich et d’autres chercheurs, un outil de traitement innovateur qui bénéficie des progrès de l’informatique. Appelé Fast ForWord, ce logiciel disponible depuis 1997 permet d’allonger différents sons du langage pour que les dyslexiques puissent mieux les reconnaître. En 1979, A. M. Galaburda et T. L. Kemper sont les premiers à décrire des anomalies anatomiques visibles dans le cerveau des dyslexiques. Utilisant un cas d’autopsie qui sera confirmé par des cas subséquents publiés en 1985 et 1991, ils décrivent des anomalies de forme et de structure d’une région particulière du cerveau appelée planum temporal. Cette région, liée au langage, est normalement asymétrique, c’est-à-dire qu’elle est plus développée dans l’hémisphère gauche que dans le droit. Chez leurs sujets dyslexiques, elle était moins développée, devenant identique au planum temporal droit, et les cellules du cortex cérébral y étaient mal organisées. En 1983, L. Bradley et P. E. Bryant ont développé, dans la revue Nature, une théorie dite pho- Phonème: unité sonore dont les associations forment nologique de la dyslexie. La base de l’apprentissage les mots du langage parlé. de la lecture était pour eux la catégorisation des Graphème: unité graphique sons et la reconnaissance du fait que les mots dont les associations forment parlés sont formés de phonèmes (unités linguis- les mots du langage écrit. tiques sonores) auxquels correspondaient des ensembles de lettres (les graphèmes). L’analyse adéquate de ces sons serait impossible pour un sujet dyslexique. Ils parlaient de phonological awareness, que l’on traduit en français par « conscience phonologique ». C’est à partir du début des années 1990 que l’avènement des techniques d’imagerie cérébrale est venu préciser ce qui se passe dans le cer24 01-Dyslexie.fm Page 25 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Introduction à la dyslexie veau lorsqu’on lit. L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) et la tomographie par émission de positons (TEP) évaluent toutes les deux l’augmentation du débit sanguin ou de l’utilisation de marqueurs radioactifs dans les zones du cerveau qui sont activées par une tâche cognitive. Ces nouvelles technologies sont loin d’avoir apporté tous les renseignements qu’elles peuvent nous fournir et sont maintenant utilisées partout dans le monde par de nombreuses équipes de chercheurs qui travaillent à élucider le fonctionnement du cerveau dyslexique. Leurs seules limites actuelles sont essentiellement d’ordre éthique, en particulier pour la tomographie par émission de positons qui utilise des marqueurs radioactifs. Il y a des réticences à les employer chez des enfants, raison pour laquelle la plupart des études sont effectuées chez des adultes dyslexiques... ce qui n’est pas forcément le reflet complet des processus qui se déroulent dans le cerveau en cours de maturation de l’enfant dyslexique. Il est intéressant de noter que ce survol historique démontre que la quasi-totalité des études sur la dyslexie ont été faites chez les sujets utilisant l’écriture alphabétique. De récentes publications, très isolées, sur la dyslexie sont parues au Japon et en Chine. Il est à espérer que de nouveaux travaux montreront comment le cerveau lit des écritures différentes dans leur calligraphie et leur structure. Car le système d’écriture que nous utilisons en français ou en anglais n’est pas le seul capable de transcrire la parole. C’est ce que nous allons voir au chapitre suivant, en voyageant dans le temps et l’espace pour essayer de mieux comprendre pourquoi et comment on lit. 25 01-Dyslexie.fm Page 27 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Petite histoire de la lecture CHAPITRE 2 Petite histoire de la lecture Lire et écrire au fil du temps Écrire est une activité qui est survenue relativement tard dans l’évolution, et on ne sait pas vraiment ce qui a motivé son apparition; la lecture s’est développée simultanément. Mais il s’agit d’une étape très importante qui, pour les historiens, sépare la préhistoire de l’histoire. L’écriture a surgi dans quatre endroits du monde et il y a tout lieu de croire que cette invention s’est faite indépendamment à quatre reprises, car il semble impossible qu’il y ait eu des échanges entre des régions du monde si éloignées. C’est vers 3400 av. J.-C. que les premières traces d’écriture connues sont apparues en Mésopotamie, à l’emplacement de ce qui de nos jours s’appelle l’Irak. La civilisation sumérienne était alors florissante, et son écriture se réalisait à l’aide de pointes de roseaux taillées en biais que l’on appliquait sur des tablettes d’argile humide. Ainsi se trouvait réalisée l’écriture cunéiforme, première manifestation du désir de l’Homme de voir sa parole franchir le temps et l’espace. Une centaine d’années plus tard, les anciens Égyptiens ont inventé un système d’écriture tout à fait différent, les hiéroglyphes. Beaucoup plus « artistiques » que l’écriture cunéiforme, ils associent dessins figuratifs et caractères symboliques. D’abord gravés dans la pierre, ils seront ensuite peints sur du papyrus, ancêtre du papier utilisé de nos jours. L’écriture hiéroglyphique témoigne d’une complexification de la signification 27 01-Dyslexie.fm Page 28 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Mieux comprendre la dyslexie de chaque signe écrit. Selon le contexte qui l’entoure, un hiéroglyphe peut représenter l’idée qui y est associée: un dessin de faucon se lit « faucon» ; on parle alors d’idéogramme (littéralement : idée-écrit). Dans d’autres cas, le hiéroglyphe représente un son, en général une consonne présente dans le mot, comme si le hiéroglyphe « faucon » pouvait aussi se lire « f » ; on parle alors de phonogramme (littéralement : son-écrit). Finalement, le hiéroglyphe peut représenter une classe sémantique (donnant le sens) lorsqu’il est placé à la fin du mot; le hiéroglyphe « faucon » a alors pour mission d’indiquer que le nom d’oiseau qui le précède est un rapace ; on parle ici de déterminatif. Très loin de l’Égypte, d’autres hommes ont Pictogramme : Signe écrit développé un système d’écriture basé sur des représentant un symbole ou pictogrammes (littéralement: image-écrit) dont un dessin dont le sens peut les premières traces remontent aux environs de être directement déduit. 1400 av. J.-C. Dans ce qui deviendra la Chine, Idéogramme: Signe écrit des hommes gravent des milliers de signes sur représentant une idée des écailles de tortue ou des os de bovin. En fait, (ici: femme en japonais). plusieurs scientifiques sinologues affirment qu’il Phonogramme: Signe écrit ne s’agit pas vraiment de pictogrammes, comme représentant un son ou une suite de sons. Femme ceux qui indiquent les toilettes dans les sociétés occidentales, mais d’une version abstraite, symbolisée à un point tel que quelqu’un qui n’a pas étudié le chinois ne peut le lire en se basant sur le simple « dessin » qu’il a sous les yeux. Enfin, dans un continent dont l’existence même était inconnue des trois civilisations précédentes, les Mayas et d’autres peuples de l’Amérique centrale (Olmèques et Zapotèques) ont inventé une écriture qualifiée de « précolombienne ». Elle se compose d’unités linguistiques appelées glyphes, dont les premières traces remontent à 900 av. J.-C. Un glyphe est un petit bloc rectangulaire, d’abord gravé dans la pierre, regroupant plusieurs unités variables dont des représentations de visages de profil, et aboutissant à la formation d’un mot. Ils seront ensuite peints sur différents supports. Cette écriture n’est encore que partiellement décodée en raison d’un problème particulier : afin probablement d’en améliorer l’aspect visuel ou d’éviter des répétitions, chaque scribe (personne chargée de l’écriture des textes) y apportait des variations personnelles, nuisant 28 01-Dyslexie.fm Page 29 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Petite histoire de la lecture ainsi au caractère « universel » de l’écriture en tant que moyen de communication. Que sont devenus ces quatre systèmes d’écriture initiaux ? Trois d’entre eux n’existent plus. Les glyphes d’Amérique centrale ont disparu dès l’arrivée des Européens qui ont, en quelques dizaines d’années, imposé leur domination et avec elle leur civilisation et leur écriture. Les hiéroglyphes égyptiens ont eu une plus longue durée de vie. Leur usage est progressivement abandonné vers 400 apr. J.-C., en même temps que la civilisation égyptienne, autrefois rayonnante, se laisse dominer par le monde gréco-romain. Quant à l’écriture cunéiforme, après s’être répandue dans le Moyen-Orient antique et avoir servi à écrire de nombreuses langues parlées dans cette région, elle disparaît au cours du premier siècle de notre ère, en même temps que s’éteint la puissance des royaumes où elle s’épanouissait et les langues des peuples qui l’utilisaient. Seule a survécu l’écriture chinoise. Depuis son invention, quelque 80 000 caractères ont été créés et utilisés pour transcrire les multiples langues ou dialectes servant à communiquer oralement dans ces régions. De façon périodique, hommes politiques et linguistes se sont appliqués à normaliser et à réduire le nombre de caractères en usage de façon à faciliter l’apprentissage du lire-écrire et pour assurer à l’écriture son rôle d’agent de communication. Si, au IIIe siècle av. J.-C., l’empereur Qui Shi Huang Di décide que le chinois s’écrirait en utilisant seulement 3000 caractères, la pratique actuelle en utilise environ 9000, dont 2000 permettent une compréhension adéquate des livres et des journaux. La dernière tentative d’encadrer l’écriture chinoise remonte à 1958, alors que Mao Zedong et les dirigeants de la République populaire de Chine ont instauré une réforme visant à la simplification de 1700 caractères, dans un but avoué de « démocratisation » de la culture par l’accessibilité de l’ensemble de la population à la lecture. À noter que ces modifications ne sont pas reconnues à Taiwan... Ce fait illustre bien le lien étroit entre le lire-écrire et le pouvoir. Hiéroglyphes égyptiens, écriture cunéiforme et glyphes mayas ont disparu en même temps que les civilisations dont ils exprimaient la culture, pour être remplacés par le système d’écriture des envahisseurs. 29 01-Dyslexie.fm Page 30 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Mieux comprendre la dyslexie Un nouvel outil est apparu, qui a révolutionné la façon de mettre le langage en signes ; c’est l’invention de l’alphabet, attribuée aux Phéniciens, vers 1000 av. J.-C. Ce peuple de marins et de commerçants, établi sur la côte est de la Méditerranée, à l’emplacement de l’actuel Liban, a mis au point un système de transcription du langage basé sur les sons (plus particulièrement les consonnes). L’immense avantage de l’alphabet, et probablement la clé de son succès, est qu’il nécessite très peu de signes. Le premier alphabet utilisait 22 signes ; il était donc beaucoup plus facile à apprendre et à utiliser que les centaines, voire les milliers de glyphes, hiéroglyphes ou symboles cunéiformes. Succès immédiat, lui aussi avec une certaine connotation politique : les Phéniciens n’ont pas construit un grand empire, mais leur rôle de marins et de commerçants leur a permis d’étendre leur influence et de répandre l’alphabet sur tout le pourtour méditerranéen et le Moyen-Orient. À partir de cette poignée de signes permettant de tout écrire se sont développées des écritures qui ont en commun le faible nombre et la simplicité graphique des signes servant à transcrire la totalité des mots et des structures caractérisant les différentes langues. Le plus grand succès a été obtenu par l’alphabet latin, utilisé en ce début de e XXI siècle par plus d’un milliard d’êtres humains parlant français, anglais, espagnol, italien ou portugais. D’autres écritures découlent de l’alphabet phénicien, comme l’arabe ou l’hébreu; dans ces deux cas, le moteur de leur diffusion fut plus religieux que politique ou commercial, le Coran et la Torah étant à la base de leur vulgarisation. D’autres alphabets, comme le grec et le cyrillique, utilisé en Russie, semblent avoir évolué plus localement. Écriture alphabétique: Elle utilise des lettres représentant les sons de base d’une langue : consonnes et voyelles. Écriture syllabique: Elle utilise des symboles graphiques représentant une unité phonétique, composée de consonnes et de voyelles prononcées d’une seule émission de la voix. Écriture idéographique : Elle utilise des signes graphiques qui représentent le sens du mot et non les sons qui le composent. Finalement, il existe des systèmes d’écriture utilisant non plus la lettre-son comme base, mais la lettre-syllabe. Ce sont les systèmes d’écriture syllabique, dont les principaux sont utilisés en Inde et au Japon. Il existe officiellement quinze langues et onze systèmes d’écriture différents en Inde, en plus de l’écriture alphabétique servant à transcrire deux langues 30 01-Dyslexie.fm Page 31 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Petite histoire de la lecture « étrangères» communément utilisées, soit l’anglais et l’arabe. Ces systèmes semblent tous dériver d’un syllabaire constitué aux environs du e III siècle av. J.-C. Le cas de l’écriture japonaise est très particulier, puisqu’elle s’est constituée de façon progressive, combinant intégration du système d’écriture chinois au VIe siècle apr. J.-C. et invention locale de deux syllabaires. Le premier permet de transcrire la syntaxe et les structures grammaticales du japonais parlé, tout à fait différent du chinois; il est apparu vers 1000 apr. J.-C. et est appelé hiragana. Le second, plus tardif, permet la transcription phonétique des mots étrangers importés et est formé des katakana. On pourrait croire qu’aujourd’hui, tous les systèmes d’écriture existants remontent à des siècles. En fait, les dernières dizaines d’années ont vu des tentatives de création de systèmes d’écriture, principalement en Afrique, pour pérenniser des langues d’usage local employées par des groupes ethniques de tradition orale. Leur faible diffusion et leur insuffisante adaptation aux technologies actuelles les ont menées à l’échec. Ce sont donc quelque 5000 ans d’évolution de l’écriture qui ont abouti aux systèmes de communication écrite actuellement utilisés. Lire et écrire dans le monde De façon intéressante, la dyslexie se retrouve essentiellement associée aux écritures qui utilisent un alphabet. Par définition, un alphabet est un ensemble de signes écrits appelés lettres où chacun correspond à un son de base du langage parlé. Il présente l’avantage d’être facile à apprendre, puisqu’il ne comporte que peu de formes à mémoriser, en général moins de trente. C’est le cas de l’alphabet que nous utilisons pour écrire en français. Les deux alphabets les plus utilisés dans le monde sont l’alphabet latin et l’alphabet arabe. Cependant, la connaissance des lettres composant ces alphabets, si elle est indispensable pour pouvoir lire et écrire, est en général insuffisante pour maîtriser adéquatement la communication écrite. Modifications de forme et ajouts de signes conventionnels viennent compliquer la lecture. 31 01-Dyslexie.fm Page 177 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Table des matières Table des matières Introduction .................................................................................................. 9 CHAPITRE 1 Introduction à la dyslexie .............................................................. Définition de la dyslexie ................................................................................... Brève description du cerveau.......................................................................... Anatomie du cerveau .................................................................................... Méthodes d’exploration du cerveau ........................................................ Historique ............................................................................................................... 11 12 15 16 19 22 CHAPITRE 2 Petite histoire de la lecture ......................................................... Lire et écrire au fil du temps ........................................................................... Lire et écrire dans le monde ............................................................................ Lire et écrire dans l’avenir ............................................................................... 27 27 31 36 CHAPITRE 3 C’est tout le corps qui lit ............................................................... Les yeux, la vision et la lecture ...................................................................... Les voies visuelles .......................................................................................... Les mouvements oculaires .......................................................................... L’œil et la lecture............................................................................................. Les oreilles, la reconnaissance des sons et la constitution d’un répertoire sonore ....................................................................................... Les voies auditives ......................................................................................... La reconnaissance des sons du langage ................................................. Le développement de la conscience phonologique ............................ 177 39 39 40 41 43 44 45 45 46 01-Dyslexie.fm Page 178 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Mieux comprendre la dyslexie La main, la latéralité et la lecture .................................................................. Lire avec les mains ......................................................................................... Manualité et langage...................................................................................... Le cerveau, l’intégration du monde extérieur et la lecture ................. Le rôle de l’intégration.................................................................................. L’attention .......................................................................................................... La mémoire ........................................................................................................ Les émotions ..................................................................................................... La chimie de la lecture ....................................................................................... 48 48 50 50 51 51 54 58 61 CHAPITRE 4 Parler et organiser le temps et l’espace pour lire.............................................................................................................. Reconnaître les formes et les structures du langage .............................. Développer la parole ...................................................................................... Reconnaître les structures du langage écrit ......................................... Structurer l’espace et le temps ........................................................................ Structurer l’espace .......................................................................................... Organiser le temps .......................................................................................... Les stratégies de lecture et leur apprentissage ......................................... Étape logographique et méthode globale ............................................... Étape alphabétique et « b-a-ba » .................................................................. Étape orthographique et apprentissage de l’écriture ........................ Comprendre pour pouvoir lire ................................................................... Le choix de l’efficacité ................................................................................... 65 65 66 71 76 76 78 79 80 81 82 83 83 CHAPITRE 5 La dyslexie ou les dyslexies ......................................................... Les manifestations de la dyslexie .................................................................. Classification des dyslexies ......................................................................... La dyslexie phonologique ............................................................................ La dyslexie visuo-perceptuelle ................................................................... La dyslexie mixte ............................................................................................ Le cerveau dyslexique à la lumière des neurosciences .................... D’où vient la dyslexie ? ...................................................................................... Être dyslexique à l’école .................................................................................... Les signes d’alerte en maternelle .............................................................. 178 85 85 86 86 90 92 93 96 99 100 01-Dyslexie.fm Page 179 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13 Table des matières Le dyslexique durant les années du primaire ..................................... 101 Le dyslexique durant les années du secondaire ................................. 104 Être dyslexique à l’âge adulte ......................................................................... 107 CHAPITRE 6 Dyslexie et troubles d’apprentissage ............................... Apprentissage : troubles ou difficultés ......................................................... Dysorthographie .................................................................................................. Dyscalculie ............................................................................................................. Les troubles d’apprentissage secondaires ................................................... Les dysphasies.................................................................................................. Les dyspraxies .................................................................................................. Le syndrome de dysfonction non verbale (SDNV) ........................... Les troubles envahissants du développement (TED) ...................... Le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) .............................................................................................................. La déficience intellectuelle (DI) ............................................................... Synthèse .................................................................................................................. 111 111 116 119 124 124 126 127 129 131 133 134 CHAPITRE 7 Pistes de traitement ............................................................................ 139 Réapprendre le langage : le rôle de l’orthophoniste ............................... 139 Organiser l’espace : le rôle de l’ergothérapeute ........................................ 141 Refaire les étapes du développement: les méthodes de «réorganisation neuro-fonctionnelle » ................................................... 143 Traiter le déficit de l’attention : le rôle du médecin ............................... 144 Travailler les stratégies de lecture : le rôle de l’orthopédagogue ....... 146 Soutenir l’effort : le rôle de la famille........................................................... 149 Conclusion...................................................................................................... 153 Liste des figures par chapitre ................................................... 157 Liste des encadrés et des tableaux par chapitre .................................................................................................. 159 Bibliographie................................................................................................ 161 Livret détachable: Michael est dyslexique................... 181 179