mieux comprendre la dyslexie

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mieux comprendre la dyslexie
Dr Évelyne Pannetier
Neuropédiatre
MIEUX COMPRENDRE
LA DYSLEXIE
UN GUIDE POUR LES PARENTS
ET LES INTERVENANTS
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Introduction à la dyslexie
CHAPITRE 1
Introduction à la dyslexie
L’homme, ou du moins l’ancêtre de sa lignée, marche sur ses deux jambes
depuis plus d’un million d’années. Les découvertes des paléontologues
laissent à penser qu’il parle depuis au moins 250 000 ans. Mais il ne lit
que depuis 5 000 ans, et encore, à cette époque, la lecture était le fait d’une
petite élite... Alors non, lire n’est pas une aptitude naturelle inscrite dans
le patrimoine génétique de l’humanité.
La lecture et l’écriture sont des inventions issues du cerveau humain,
au même titre que la roue, la voiture ou l’ordinateur. Ce ne sont pas des
activités spontanées, elles doivent être apprises comme il faut apprendre
à conduire une voiture et à utiliser un ordinateur. La lecture et l’écriture
sont des outils servant à véhiculer l’information, et non des fonctions
comme l’audition ou la vision. Or, tout le monde n’est pas capable d’utiliser les outils avec la même habileté. N’est pas Rodin qui veut, piloter
une voiture comme Michael Schumacher n’est pas à la portée de tout le
monde et l’utilisation de l’ordinateur est souvent un véritable casse-tête
pour les personnes d’un certain âge. Il en est de même pour la lecture.
Véhicule de transmission des connaissances pour certains, source de plaisir intellectuel pour d’autres, cette capacité n’est pas manipulée avec la
même efficacité par tous.
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Mieux comprendre la dyslexie
Définition de la dyslexie
La dyslexie est une forme particulière parmi les difficultés à lire. La structure du mot le dit bien : «dys» vient du grec et signifie difficulté; «lexie»
a la même origine et signifie mot.
Partant de là, de nombreuses définitions ont été données pour en préciser les limites et les caractéristiques. L’objectif de cet ouvrage n’est pas
d’exposer les multiples polémiques et discussions dans lesquelles se complaisent certains spécialistes, chacun défendant son « territoire» de linguiste, d’orthophoniste, d’audiologiste, d’orthoptiste, de neurologue, de
neuropsychologue ou d’orthopédagogue.
Suivant son sens étymologique, la dyslexie est une difficulté persistante à repérer, comprendre et reproduire les symboles du langage écrit ;
elle a pour conséquence de troubler profondément l’apprentissage de la
lecture et de l’orthographe, elle affecte la compréhension des textes et a
des répercussions sur l’ensemble des acquisitions scolaires. Si elle est évidente dans l’enfance et l’adolescence, périodes de scolarisation, elle persiste à des degrés divers à l’âge adulte, où ses conséquences dépendent des
stratégies de compensation qui ont été développées au fil des années par
l’individu dyslexique.
Ce caractère durable des troubles liés à la dyslexie permet de la différencier des autres difficultés reliées à la lecture, en particulier du simple
retard d’apprentissage qui entraîne des délais dans l’acquisition des habiletés de lecture, mais ne laisse pas de traces durables une fois les stratégies de lecture maîtrisées.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a inclus la dyslexie dans
la Classification internationale des Maladies (CIM-10), sous la rubrique
des « troubles spécifiques du développement des aptitudes scolaires ». S’il
s’agit d’une définition longue, basée beaucoup plus sur des critères d’exclusion que sur des caractéristiques spécifiques, il est important de la citer
ici, car elle est employée largement dans les travaux de recherche sur la
dyslexie. Elle figure dans l’encadré 1.1.
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Introduction à la dyslexie
ENCADRÉ 1.1
Définition de la dyslexie selon l’OMS1
A.
L’un des points suivants doit être présent :
1
(1) un score de capacités de lecture et/ou de compréhension se situant à au moins
deux erreurs-standard en dessous du niveau attendu sur la base de l’âge chronologique et l’intelligence générale de l’enfant, les aptitudes de lecture de
même que le QI étant évalués par un test administré individuellement et standardisé par rapport au niveau culturel et au système éducatif de l’enfant.
(2) un antécédent de difficultés graves de lecture, ou des scores aux tests satisfaisant au critère A (1) à un plus jeune âge, plus un score à un test d’orthographe se situant à au moins deux erreurs-standard en dessous du niveau
attendu sur la base de l’âge chronologique et du QI de l’enfant.
B.
Le trouble décrit au critère A interfère de façon significative avec la réussite scolaire ou les activités de la vie quotidienne nécessitant des aptitudes de lecture.
C.
Le trouble n’est pas la conséquence directe d’un déficit d’acuité visuelle ou auditive, ou d’une affection neurologique.
D.
Les expériences scolaires sont dans la moyenne de ce que l’on peut attendre (c’està-dire qu’il n’y a pas eu d’inadéquation majeure dans la scolarisation).
E.
Critère d’exclusion très habituellement utilisé. QI inférieur à 70 sur un test standardisé administré individuellement.
Il est intéressant de souligner quelques points importants dans cette
définition. Les critères d’exclusion sont largement dominants ; pour parler de dyslexie, il ne faut pas que le trouble de lecture soit dû à des problèmes de vision, d’audition, d’intelligence ou de maladie neurologique.
La scolarisation doit être adéquate, c’est-à-dire que l’enfant a été soumis
à une fréquentation scolaire suffisante et à un système d’enseignement
de la lecture reconnu dans la société où il vit. Les aptitudes de lecture
doivent être évaluées par des tests standardisés, rapportés à l’âge de l’enfant, et on ne peut parler de dyslexie que s’il y a une déviation significative de deux écarts types par rapport à la moyenne du groupe d’âge, ce qui
en pratique correspond à un retard de dix-huit mois à deux ans dans les
acquisitions de lecture.
1.
D’après M. Habib. Dyslexie : le cerveau singulier.
13
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Mieux comprendre la dyslexie
Conséquence directe de ce critère : on ne peut parler de dyslexie tant
qu’il n’y a pas eu une exposition suffisamment longue à un enseignement
adéquat de la lecture. Dans le système scolaire canadien, on ne peut donc
pas dire qu’un enfant est dyslexique avant qu’il ait terminé ses deux premières années de primaire et donc atteint l’âge de 7 à 8 ans. Ainsi, en
théorie, il est impossible de diagnostiquer ou de prédire une dyslexie chez
un enfant de maternelle. Tout au plus pourra-t-on cerner des risques de
présenter des difficultés d’apprentissage de la lecture, à partir de critères
sur lesquels nous reviendrons plus loin dans cet ouvrage, et ainsi offrir
un suivi plus étroit et une intervention précoce si les craintes se confirment.
Finalement, l’Organisation mondiale de la Santé a entré dans ses critères de définition les répercussions non seulement sur la réussite scolaire, mais aussi sur les activités de la vie quotidienne nécessitant des
aptitudes de lecture. Car si la dyslexie a d’abord été reconnue comme un
problème d’apprentissage, on s’est par la suite aperçu qu’elle avait des
conséquences dans d’autres domaines: signer un bail ou un contrat d’assurance, lire un manuel d’instructions pour utiliser un nouvel appareil électroménager ou acquérir des connaissances pour progresser dans son métier.
L’OMS inclut aussi dans sa définition de la dyslexie les difficultés
qu’elle entraîne sur le plan de l’orthographe. Cette dimension est intéressante, car nous verrons que si la lecture peut s’améliorer avec une rééducation adéquate, ce sont souvent les difficultés orthographiques qui
persistent à l’âge adulte.
Une autre classification, utilisée essentiellement par les médecins en
Amérique du Nord, est le DSM-IV. On y retrouve pratiquement les mêmes
critères de définition de la dyslexie que ceux de l’OMS, comme l’indique
l’encadré 1.2.
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Introduction à la dyslexie
ENCADRÉ 1.2
Définition de la dyslexie selon le DSM-IV
F81.0 [315.00] Trouble de la lecture
A.
Les réalisations en lecture, évaluées par des tests standardisés passés de façon
individuelle mesurant l’exactitude et la compréhension de la lecture, sont nettement au-dessous du niveau escompté compte tenu de l’âge chronologique du
sujet, de son niveau intellectuel (mesuré par des tests) et d’un enseignement
approprié à son âge.
B.
La perturbation décrite dans le critère A interfère de façon significative avec la
réussite scolaire ou les activités de la vie courante faisant appel à la lecture.
C.
S’il existe un déficit sensoriel, les difficultés en lecture dépassent celles habituellement associées à celui-ci.
Toutes ces définitions concernent en fait ce que l’on appelle la dyslexie développementale, par opposition à la dyslexie acquise ou alexie. La
dyslexie acquise survient lorsqu’un évènement plus ou moins aigu vient
endommager le cerveau auparavant normal. C’est le cas, par exemple,
d’un accident vasculaire cérébral, d’un traumatisme, d’une tumeur ou
d’une maladie dégénérative comme l’Alzheimer. Survenant chez un individu qui a appris à lire normalement et qui utilisait la lecture et l’écriture de façon adéquate, ces affections causent des lésions cérébrales qui
endommagent les zones permettant de lire. L’alexie est rarement isolée,
elle s’accompagne d’autres atteintes neurologiques : aphasie (anomalie
acquise du langage) ou paralysies diverses. À noter que la perte de la vision, partielle ou totale, qui entraîne évidemment d’importantes difficultés ou une incapacité à lire, ne porte pas le nom de dyslexie ou d’alexie,
termes qui sont réservés à des problèmes trouvant leur origine dans le
cerveau.
Brève description du cerveau
Le cerveau est un organe complexe et une brève description de son anatomie permettra de clarifier les termes employés tout au long de ce livre.
Une présentation des techniques d’exploration utilisées aussi bien en
clinique qu’en recherche montrera les moyens dont les scientifiques disposent actuellement pour étudier son fonctionnement.
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Mieux comprendre la dyslexie
Anatomie du cerveau
Situé à l’intérieur de la boîte crânienne qui le protège, le cerveau a un
volume d’environ 1400 cm3 et la consistance d’une gelée; il est entouré
d’enveloppes appelées méninges. Il constitue l’extrémité supérieure du
système nerveux central et est prolongé par la moelle épinière qui descend
dans le canal rachidien délimité par les vertèbres. Le système nerveux
périphérique est, quant à lui, formé des nerfs : les douze paires de nerfs
crâniens qui partent du système nerveux central et les nerfs rachidiens
qui sont issus de la moelle épinière.
Vu de l’extérieur, le cerveau se compose des deux hémisphères cérébraux, grossièrement identiques, chacun divisé en quatre lobes, comme
illustré dans la figure 1.1 : lobe frontal en avant, lobe pariétal sur le côté,
lobe temporal sur le côté et en dessous, et enfin, le lobe occipital à la partie la plus postérieure. En arrière des hémisphères se trouve une structure
en forme de chou-fleur appelée le cervelet.
Lobe frontal
Scissure
de Rolando
Lobe pariétal
Scissure
de Sylvius
Lobe occipital
Lobe temporal
Figure 1.1 Vue externe de l’hémisphère gauche
Si l’on regarde maintenant l’intérieur du cerveau, on s’aperçoit qu’il
est formé de tissus de deux couleurs : la substance grise et la substance
blanche (figure 1.2). La substance grise contient des cellules (neurones
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Scissure
calcarine
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Introduction à la dyslexie
Substance blanche
Substance grise
Ventricules
Noyaux gris centraux
Fibres du corps calleux
Figure 1.2 Coupe verticale du cerveau montrant sa structure interne
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et cellules de soutien appelées cellules gliales); elle forme la couche extérieure du cerveau, appelée cortex cérébral, mais on trouve également
des cellules regroupées en profondeur, essentiellement les noyaux gris
centraux et les noyaux des nerfs crâniens. La substance blanche, de son
côté, constitue l’essentiel du volume du cerveau et est faite de fibres qui
font communiquer entre elles les différentes zones du cerveau. Elle doit
sa couleur blanche à la myéline, sorte d’isolant qui entoure chaque axone.
Les axones sont le prolongement des neurones qui permet la transmission des informations entre eux. Une structure particulière fait communiquer les deux hémisphères : le corps calleux. Il rejoint point par point
les différentes zones du cortex droit et gauche. Il est fondamental pour
le fonctionnement du cerveau, car il assure le transfert d’informations
d’un hémisphère à l’autre et leur fonctionnement harmonieux. Le corps
calleux peut également jouer un rôle de bouclier, évitant un excès de
transfert d’informations et permettant à chaque hémisphère de garder
ses compétences propres. Son développement semble influencé par de
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Mieux comprendre la dyslexie
nombreux facteurs : la latéralité, le sexe, des apprentissages particuliers.
La partie antérieure, qui relie les deux lobes frontaux, est plus développée chez les gauchers et chez les musiciens. La partie postérieure est plus
importante chez les hommes gauchers et les femmes droitières, témoignant d’un plus grand nombre de connexions entre les hémisphères dans
ces deux groupes d’individus.
Au cours de l’évolution qui a mené à l’homme, le cortex cérébral s’est
considérablement développé, et il a dû se replier sur lui-même pour pouvoir rester contenu dans la boîte crânienne. C’est ce qui donne à la surface du cerveau cet aspect irrégulier, formé de circonvolutions séparées
par des sillons. Certains sillons sont plus profonds ; ils sont appelés scissures et séparent les lobes: scissure de Rolando entre les lobes frontal et
pariétal, scissure de Sylvius entre le lobe temporal et le lobe frontal, scissure calcarine entre le lobe occipital et les lobes pariétal et temporal
(figure 1.1).
Les études anatomiques et fonctionnelles, ainsi que l’observation de
la structure du cortex cérébral ont permis d’en dresser une carte associant une région à une fonction. Le premier à avoir complété cette cartographie est l’Allemand Korbinian Brodmann, en 1909, en numérotant
les différentes régions du cerveau, connues depuis sous le nom d’aires de
Brodmann. Ces liens entre localisations cérébrales et fonctions ont été,
pour beaucoup, confirmés par les plus récentes techniques d’exploration
du cerveau, en particulier l’imagerie médicale.
La figure 1.3 représente une vue latérale de l’hémisphère cérébral
gauche, avec la numérotation des aires cérébrales et l’identification des
principales d’entre elles en relation avec les processus impliqués dans la
lecture. Au cours des chapitres suivants, nous nous référerons à ces trois
figures pour que le lecteur puisse situer les zones cérébrales dont il sera
question, qu’elles soient impliquées dans les processus normaux de lecture ou qu’on leur attribue une responsabilité dans la survenue d’une
dyslexie. Celle-ci a été reconnue bien avant que l’on connaisse comment
le cerveau fonctionne, mais l’apport des nouvelles méthodes d’investigation, développées essentiellement dans le dernier quart de siècle, a été
crucial dans sa compréhension.
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4
9
6
8
Vision
17, 18, 19, 8
7
3, 1, 2
46
40
45
11
44
43
47
22
41
42
19
37
18
17
21
38
Audition
41, 42, 21, 22
39
20
Langage
21, 22, 37, 39, 40, 44, 45
Figure 1.3 Aires de Brodmann (vue externe de l’hémisphère gauche)
Méthodes d’exploration du cerveau
Les progrès de la technologie permettent actuellement de mieux connaître
les relations entre le cerveau et les activités qu’il commande. Il existe
trois grandes classes de techniques permettant d’étudier le cerveau.
a. L’imagerie structurelle ou statique, qui consiste à étudier l’anatomie
du cerveau.
b. L’imagerie fonctionnelle, qui permet de « voir le cerveau penser ».
c. L’imagerie de stimulation, qui observe comment le cerveau réagit à des
stimulations directes particulières.
L’imagerie structurelle
Elle comprend essentiellement la tomographie axiale assistée par ordinateur, couramment appelée CT scan, et l’imagerie par résonance magnétique, mieux connue sous le sigle IRM.
•
Le CT scan (en anglais computerized tomography scan) existe depuis
près de quarante ans et utilise des rayons X comme les radiographies
classiques. Les images obtenues en photographiant le cerveau sous
différents angles sont traitées par un programme informatique qui
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Mieux comprendre la dyslexie
permet maintenant d’obtenir une représentation précise de «tranches »
horizontales du cerveau. Les plus récents appareils permettent une
reconstitution en trois dimensions tout à fait réaliste. Le CT scan est
surtout utilisé pour diagnostiquer les tumeurs cérébrales, les accidents
vasculaires cérébraux ou les conséquences de traumatismes crâniens.
•
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) n’utilise pas de rayons X,
mais soumet le cerveau à un champ électromagnétique qui vient modifier le champ magnétique des protons de l’atome d’hydrogène des
molécules d’eau, constituant majeur du corps humain en général et
du cerveau en particulier. Après arrêt de stimulation par ces ondes,
ces protons reprennent leur orientation originale en émettant un signal radio. Ce petit signal, appelé résonance magnétique, est enregistré par des récepteurs et transmis à un ordinateur qui produit des
coupes de cerveau dans différents plans. Les images étant très précises, en particulier pour distinguer substance blanche et substance
grise, l’IRM est utilisée pour détecter de nombreuses maladies cérébrales, comme la sclérose en plaques ou la maladie d’Alzheimer.
L’imagerie fonctionnelle
Elle regroupe l’électroencéphalographie, ou EEG, l’imagerie par résonance
magnétique fonctionnelle, connue sous le sigle IRMf, et la tomographie
par émission de positons, couramment appelée TEP.
•
L’électroencéphalographie (EEG) est une technique utilisée depuis
près d’un siècle ; elle mesure l’activité électrique produite par les neurones du cerveau, qu’elle enregistre grâce à des électrodes collées sur
le cuir chevelu. Elle sert surtout à diagnostiquer les foyers d’épilepsie et est grandement influencée par les variations de l’état de conscience (éveil-sommeil), raison pour laquelle elle permet le suivi des
comas. La fréquence des différentes ondes cérébrales a été associée à
des états fonctionnels variés ; les ondes bêta, de 13 à 30 hertz, dans
les régions frontales, correspondraient à un traitement actif de l’information, alors que les ondes alpha, de 8 à 12 hertz, se retrouvent
dans les régions occipitales des sujets éveillés mais en état de relaxation; les ondes thêta, de 4 à 8 hertz, prédominent dans les régions
temporales et seraient associées à la mémoire et aux émotions. Cependant, l’électroencéphalographie, si elle donne une bonne image
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en temps réel du fonctionnement cérébral, n’offre pas une grande
précision quant à la localisation spatiale de ces activités et n’a que peu
d’applications dans l’étude des fonctions cognitives.
•
L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) utilise
le même principe que l’IRM, mais elle est réalisée alors qu’une tâche
est effectuée par le sujet. Elle utilise une caractéristique anatomique du
cerveau : lorsqu’une région de celui-ci est engagée dans une tâche,
l’augmentation d’activité des neurones entraîne une élévation de
l’apport de sang, car les besoins en glucose et en oxygène augmentent.
L’hémoglobine qui transporte l’oxygène jusqu’aux tissus le libère pour
permettre le fonctionnement des neurones. Elle devient la désoxyhémoglobine, qui a un champ magnétique différent, variation qui sera
détectée par des récepteurs et transmise à un ordinateur. Celui-ci,
en comparant avec des images prises avant la réalisation de la tâche,
en désigne les zones responsables. Il s’agit d’une technique qui a fait
considérablement progresser notre connaissance du fonctionnement
cérébral et de l’apprentissage.
•
La tomographie par émission de positons (TEP) part du même principe que l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, à savoir l’augmentation localisée du débit sanguin cérébral lors de la
réalisation d’une activité. Par contre, la TEP utilise un produit radioactif qui marque l’eau ou le glucose et qui est injecté juste avant le
début d’une tâche. La mesure de la radioactivité, plus importante dans
la zone qui travaille, permet de savoir quelle aire cérébrale commande
la tâche effectuée. Les images obtenues sont moins précises que l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle en termes de localisation, mais son avantage est de permettre d’inclure le marqueur
radioactif dans des substances dont on veut étudier l’utilisation par
le cerveau, qu’il s’agisse de neurotransmetteurs ou de médicaments.
L’imagerie de stimulation
Les techniques d’imagerie de stimulation sont actuellement réservées
au domaine de la recherche. Il s’agit essentiellement de la stimulation
magnétique transcrânienne (SMT), au cours de laquelle un champ magnétique créé à l’extérieur du crâne, vis-à-vis de la zone que l’on veut stimuler, induit la formation d’un courant électrique à l’intérieur du cerveau,
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Mieux comprendre la dyslexie
sur une profondeur d’environ deux centimètres. Elle permet de créer
une « lésion virtuelle temporaire » de la région à étudier et d’observer comment elle perturbe la réalisation d’une tâche donnée. La stimulation magnétique transcrânienne à répétition en est une application particulière
qui pourrait avoir un effet thérapeutique dans le cas de la dépression ou
de certains symptômes de la schizophrénie.
Ces techniques ont grandement fait progresser notre connaissance
des mécanismes de fonctionnement du cerveau au cours des dernières
années. Mais la dyslexie a été découverte bien avant.
Historique
Il est difficile de préciser à quel moment la dyslexie est apparue comme
entité reconnue dans le cadre scolaire, et en dehors de celui-ci au sein de
la communauté médicale. Il semble que le terme dyslexie ait été employé
pour la première fois dans une publication scientifique en 1887 par un
ophtalmologue allemand, le docteur Rudolf Berlin, ayant pour titre Eine
besondere Art der Wort-blindheit (dyslexie).
Comme c’est souvent le cas pour les premières descriptions de nombreuses pathologies, c’est peu de temps après, en 1896, qu’un médecin
anglais, W. Pringle Morgan, a publié dans le British Medical Journal la
description d’un trouble spécifique d’apprentissage qu’il a appelé Congenital Word Blindness, soit cécité congénitale pour les mots. Il a mis l’accent
sur deux caractéristiques importantes de ce qui sera plus tard appelé
couramment la dyslexie : c’est une difficulté reliée à l’apprentissage en
dehors de toute déficience intellectuelle et elle touche la reconnaissance
visuelle des mots.
Mais la première étude complète de ce qu’est la dyslexie, comprenant une description clinique et des hypothèses sur ses origines, se trouve
dans un ouvrage publié en 1917 par un ophtalmologue écossais, James
Hinshelwood, qui reprend l’expression Congenital Word Blindness comme
titre. Il y décrit des symptômes maintenant largement connus dans le
public: les inversions de lettres, les difficultés d’épellation et d’orthographe
ou les problèmes de compréhension du texte lu. Il émet l’hypothèse que
la cause en est un trouble de la mémoire visuelle touchant la région parié-
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Introduction à la dyslexie
tale gauche du cortex cérébral et affectant la reconnaissance des lettres
et des mots.
Durant les quelque soixante années suivantes, ce sont surtout des
théories explicatives qui sont venues alimenter la littérature scientifique
et les discussions entre tous les spécialistes impliqués, des orthopédagogues
aux neurologues en passant par les psychanalystes, les ophtalmologues,
les orthophonistes et les neuropsychologues.
S’il existe encore de nos jours des défenseurs
des théories psychoaffectives ou psychosociales
pour expliquer la dyslexie, le consensus tend de
plus en plus à privilégier des explications neurologiques et cognitives, aidé en cela par les renseignements obtenus des récentes techniques d’imagerie
fonctionnelle. Nous ne rapporterons donc dans
cet historique que les grandes dates d’apparition
de théories relevant de la neurocognition.
Théorie: ensemble d’idées ou
de concepts visant à établir un
système de connaissances
cohérent. Une théorie n’est
pas un fait prouvé.
Neurocognition : ensemble
des structures et mécanismes
du cerveau à la base des fonctions permettant d’interagir
avec l’environnement
(percep-tion, langage,
mémoire, intelligence...).
Le neurologue Samuel T. Orton a, dans les
années 1920, émis l’hypothèse que la dyslexie était
due à une difficulté d’associer la forme visuelle
des mots à leur forme orale ; il l’attribuait à un défaut d’établir une dominance hémisphérique adéquate. En effet, le cerveau est constitué de
deux hémisphères qui ne sont pas identiques dans leur fonctionnement,
l’hémisphère dominant étant celui où se trouve le centre du langage,
normalement l’hémisphère gauche chez le droitier. Samuel T. Orton
avait remarqué que beaucoup de dyslexiques étaient gauchers ou avaient
tardé à établir une dominance manuelle, c’est-à-dire à privilégier l’usage
d’une de leurs mains pour écrire ou manipuler. Il avait également noté
que plusieurs écrivaient « en miroir » des lettres, ou même des mots entiers, c’est-à-dire en les inversant de droite à gauche.
Dès 1965, le neurologue américain Norman Geschwind, titulaire de
la chaire de neurologie à Harvard, est le premier à émettre l’hypothèse
que la lecture fait intervenir plusieurs zones du cerveau qui doivent agir
de façon rapidement successive. C’est la base de toutes ses publications
sur le sujet durant les vingt années suivantes. Le lobe occipital, siège des
fonctions visuelles, le lobe temporal gauche, siège de plusieurs fonctions
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Mieux comprendre la dyslexie
langagières et le lobe frontal, siège de l’attention et de la parole, sont tous
impliqués dans l’activité de lecture.
À la fin des années 1970, Paula Tallal amène la notion que la dyslexie est due à un traitement temporel anormal des sons. Le sujet dyslexique ne peut pas percevoir des sons qui se succèdent à un rythme
rapproché, ce qui est le cas dans le langage parlé habituel. Il ne peut donc
pas se constituer une image sonore exacte du mot, et lorsqu’il doit lire,
il ne peut pas associer la forme écrite du mot à une forme sonore adéquate. Paula Tallal développera quelque vingt ans plus tard, avec Michael
Merzenich et d’autres chercheurs, un outil de traitement innovateur qui
bénéficie des progrès de l’informatique. Appelé Fast ForWord, ce logiciel
disponible depuis 1997 permet d’allonger différents sons du langage pour
que les dyslexiques puissent mieux les reconnaître.
En 1979, A. M. Galaburda et T. L. Kemper sont les premiers à décrire des anomalies anatomiques visibles dans le cerveau des dyslexiques.
Utilisant un cas d’autopsie qui sera confirmé par des cas subséquents publiés en 1985 et 1991, ils décrivent des anomalies de forme et de structure d’une région particulière du cerveau appelée planum temporal. Cette
région, liée au langage, est normalement asymétrique, c’est-à-dire qu’elle
est plus développée dans l’hémisphère gauche que dans le droit. Chez leurs
sujets dyslexiques, elle était moins développée, devenant identique au planum temporal droit, et les cellules du cortex cérébral y étaient mal organisées.
En 1983, L. Bradley et P. E. Bryant ont développé, dans la revue Nature, une théorie dite pho- Phonème: unité sonore
dont les associations forment
nologique de la dyslexie. La base de l’apprentissage
les mots du langage parlé.
de la lecture était pour eux la catégorisation des
Graphème: unité graphique
sons et la reconnaissance du fait que les mots
dont les associations forment
parlés sont formés de phonèmes (unités linguis- les mots du langage écrit.
tiques sonores) auxquels correspondaient des ensembles de lettres (les graphèmes). L’analyse adéquate de ces sons serait
impossible pour un sujet dyslexique. Ils parlaient de phonological awareness, que l’on traduit en français par « conscience phonologique ».
C’est à partir du début des années 1990 que l’avènement des techniques d’imagerie cérébrale est venu préciser ce qui se passe dans le cer24
01-Dyslexie.fm Page 25 Mercredi, 27. janvier 2010 1:39 13
Introduction à la dyslexie
veau lorsqu’on lit. L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle
(IRMf) et la tomographie par émission de positons (TEP) évaluent toutes
les deux l’augmentation du débit sanguin ou de l’utilisation de marqueurs
radioactifs dans les zones du cerveau qui sont activées par une tâche
cognitive. Ces nouvelles technologies sont loin d’avoir apporté tous les
renseignements qu’elles peuvent nous fournir et sont maintenant utilisées partout dans le monde par de nombreuses équipes de chercheurs
qui travaillent à élucider le fonctionnement du cerveau dyslexique. Leurs
seules limites actuelles sont essentiellement d’ordre éthique, en particulier pour la tomographie par émission de positons qui utilise des marqueurs radioactifs. Il y a des réticences à les employer chez des enfants,
raison pour laquelle la plupart des études sont effectuées chez des adultes
dyslexiques... ce qui n’est pas forcément le reflet complet des processus
qui se déroulent dans le cerveau en cours de maturation de l’enfant dyslexique.
Il est intéressant de noter que ce survol historique démontre que la
quasi-totalité des études sur la dyslexie ont été faites chez les sujets utilisant l’écriture alphabétique. De récentes publications, très isolées, sur
la dyslexie sont parues au Japon et en Chine. Il est à espérer que de nouveaux travaux montreront comment le cerveau lit des écritures différentes dans leur calligraphie et leur structure. Car le système d’écriture
que nous utilisons en français ou en anglais n’est pas le seul capable de
transcrire la parole.
C’est ce que nous allons voir au chapitre suivant, en voyageant dans
le temps et l’espace pour essayer de mieux comprendre pourquoi et comment on lit.
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Petite histoire de la lecture
CHAPITRE 2
Petite histoire
de la lecture
Lire et écrire au fil du temps
Écrire est une activité qui est survenue relativement tard dans l’évolution, et on ne sait pas vraiment ce qui a motivé son apparition; la lecture
s’est développée simultanément. Mais il s’agit d’une étape très importante qui, pour les historiens, sépare la préhistoire de l’histoire.
L’écriture a surgi dans quatre endroits du monde et il y a tout lieu de
croire que cette invention s’est faite indépendamment à quatre reprises,
car il semble impossible qu’il y ait eu des échanges entre des régions du
monde si éloignées. C’est vers 3400 av. J.-C. que les premières traces d’écriture connues sont apparues en Mésopotamie, à l’emplacement de ce qui
de nos jours s’appelle l’Irak. La civilisation sumérienne était alors florissante, et son écriture se réalisait à l’aide de pointes de roseaux taillées
en biais que l’on appliquait sur des tablettes d’argile humide. Ainsi se trouvait réalisée l’écriture cunéiforme, première manifestation du désir de
l’Homme de voir sa parole franchir le temps et l’espace.
Une centaine d’années plus tard, les anciens Égyptiens ont inventé
un système d’écriture tout à fait différent, les hiéroglyphes. Beaucoup
plus « artistiques » que l’écriture cunéiforme, ils associent dessins figuratifs et caractères symboliques. D’abord gravés dans la pierre, ils seront
ensuite peints sur du papyrus, ancêtre du papier utilisé de nos jours. L’écriture hiéroglyphique témoigne d’une complexification de la signification
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Mieux comprendre la dyslexie
de chaque signe écrit. Selon le contexte qui l’entoure, un hiéroglyphe
peut représenter l’idée qui y est associée: un dessin de faucon se lit « faucon» ; on parle alors d’idéogramme (littéralement : idée-écrit). Dans d’autres
cas, le hiéroglyphe représente un son, en général une consonne présente
dans le mot, comme si le hiéroglyphe « faucon » pouvait aussi se lire « f » ;
on parle alors de phonogramme (littéralement : son-écrit). Finalement,
le hiéroglyphe peut représenter une classe sémantique (donnant le sens)
lorsqu’il est placé à la fin du mot; le hiéroglyphe « faucon » a alors pour
mission d’indiquer que le nom d’oiseau qui le précède est un rapace ; on
parle ici de déterminatif.
Très loin de l’Égypte, d’autres hommes ont Pictogramme : Signe écrit
développé un système d’écriture basé sur des représentant un symbole ou
pictogrammes (littéralement: image-écrit) dont un dessin dont le sens peut
les premières traces remontent aux environs de être directement déduit.
1400 av. J.-C. Dans ce qui deviendra la Chine, Idéogramme: Signe écrit
des hommes gravent des milliers de signes sur représentant une idée
des écailles de tortue ou des os de bovin. En fait, (ici: femme en japonais).
plusieurs scientifiques sinologues affirment qu’il Phonogramme: Signe écrit
ne s’agit pas vraiment de pictogrammes, comme représentant un son ou une
suite de sons.
Femme
ceux qui indiquent les toilettes dans les sociétés
occidentales, mais d’une version abstraite, symbolisée à un point tel que
quelqu’un qui n’a pas étudié le chinois ne peut le lire en se basant sur le
simple « dessin » qu’il a sous les yeux.
Enfin, dans un continent dont l’existence même était inconnue des
trois civilisations précédentes, les Mayas et d’autres peuples de l’Amérique
centrale (Olmèques et Zapotèques) ont inventé une écriture qualifiée de
« précolombienne ». Elle se compose d’unités linguistiques appelées glyphes, dont les premières traces remontent à 900 av. J.-C. Un glyphe est un
petit bloc rectangulaire, d’abord gravé dans la pierre, regroupant plusieurs unités variables dont des représentations de visages de profil, et
aboutissant à la formation d’un mot. Ils seront ensuite peints sur différents supports. Cette écriture n’est encore que partiellement décodée en
raison d’un problème particulier : afin probablement d’en améliorer l’aspect visuel ou d’éviter des répétitions, chaque scribe (personne chargée
de l’écriture des textes) y apportait des variations personnelles, nuisant
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Petite histoire de la lecture
ainsi au caractère « universel » de l’écriture en tant que moyen de communication.
Que sont devenus ces quatre systèmes d’écriture initiaux ? Trois
d’entre eux n’existent plus. Les glyphes d’Amérique centrale ont disparu
dès l’arrivée des Européens qui ont, en quelques dizaines d’années, imposé leur domination et avec elle leur civilisation et leur écriture. Les
hiéroglyphes égyptiens ont eu une plus longue durée de vie. Leur usage
est progressivement abandonné vers 400 apr. J.-C., en même temps que
la civilisation égyptienne, autrefois rayonnante, se laisse dominer par le
monde gréco-romain. Quant à l’écriture cunéiforme, après s’être répandue dans le Moyen-Orient antique et avoir servi à écrire de nombreuses
langues parlées dans cette région, elle disparaît au cours du premier siècle
de notre ère, en même temps que s’éteint la puissance des royaumes où
elle s’épanouissait et les langues des peuples qui l’utilisaient.
Seule a survécu l’écriture chinoise. Depuis son invention, quelque
80 000 caractères ont été créés et utilisés pour transcrire les multiples
langues ou dialectes servant à communiquer oralement dans ces régions.
De façon périodique, hommes politiques et linguistes se sont appliqués
à normaliser et à réduire le nombre de caractères en usage de façon à faciliter l’apprentissage du lire-écrire et pour assurer à l’écriture son rôle
d’agent de communication. Si, au IIIe siècle av. J.-C., l’empereur Qui Shi
Huang Di décide que le chinois s’écrirait en utilisant seulement 3000 caractères, la pratique actuelle en utilise environ 9000, dont 2000 permettent une compréhension adéquate des livres et des journaux. La dernière
tentative d’encadrer l’écriture chinoise remonte à 1958, alors que Mao
Zedong et les dirigeants de la République populaire de Chine ont instauré une réforme visant à la simplification de 1700 caractères, dans un
but avoué de « démocratisation » de la culture par l’accessibilité de l’ensemble de la population à la lecture. À noter que ces modifications ne
sont pas reconnues à Taiwan...
Ce fait illustre bien le lien étroit entre le lire-écrire et le pouvoir. Hiéroglyphes égyptiens, écriture cunéiforme et glyphes mayas ont disparu
en même temps que les civilisations dont ils exprimaient la culture, pour
être remplacés par le système d’écriture des envahisseurs.
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Mieux comprendre la dyslexie
Un nouvel outil est apparu, qui a révolutionné la façon de mettre le
langage en signes ; c’est l’invention de l’alphabet, attribuée aux Phéniciens,
vers 1000 av. J.-C. Ce peuple de marins et de commerçants, établi sur la
côte est de la Méditerranée, à l’emplacement de l’actuel Liban, a mis au
point un système de transcription du langage basé sur les sons (plus
particulièrement les consonnes). L’immense avantage de l’alphabet, et
probablement la clé de son succès, est qu’il nécessite très peu de signes.
Le premier alphabet utilisait 22 signes ; il était donc beaucoup plus
facile à apprendre et à utiliser que les centaines, voire les milliers de glyphes,
hiéroglyphes ou symboles cunéiformes. Succès immédiat, lui aussi avec
une certaine connotation politique : les Phéniciens n’ont pas construit
un grand empire, mais leur rôle de marins et de commerçants leur a permis d’étendre leur influence et de répandre l’alphabet sur tout le pourtour méditerranéen et le Moyen-Orient.
À partir de cette poignée de signes permettant
de tout écrire se sont développées des écritures
qui ont en commun le faible nombre et la simplicité graphique des signes servant à transcrire la
totalité des mots et des structures caractérisant
les différentes langues. Le plus grand succès a été
obtenu par l’alphabet latin, utilisé en ce début de
e
XXI siècle par plus d’un milliard d’êtres humains
parlant français, anglais, espagnol, italien ou portugais. D’autres écritures découlent de l’alphabet
phénicien, comme l’arabe ou l’hébreu; dans ces
deux cas, le moteur de leur diffusion fut plus religieux que politique ou commercial, le Coran et la
Torah étant à la base de leur vulgarisation. D’autres
alphabets, comme le grec et le cyrillique, utilisé en
Russie, semblent avoir évolué plus localement.
Écriture alphabétique: Elle
utilise des lettres représentant
les sons de base d’une langue :
consonnes et voyelles.
Écriture syllabique: Elle utilise des symboles graphiques
représentant une unité phonétique, composée de consonnes
et de voyelles prononcées
d’une seule émission de la voix.
Écriture idéographique : Elle
utilise des signes graphiques qui
représentent le sens du mot et
non les sons qui le composent.
Finalement, il existe des systèmes d’écriture utilisant non plus la
lettre-son comme base, mais la lettre-syllabe. Ce sont les systèmes d’écriture syllabique, dont les principaux sont utilisés en Inde et au Japon. Il
existe officiellement quinze langues et onze systèmes d’écriture différents
en Inde, en plus de l’écriture alphabétique servant à transcrire deux langues
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Petite histoire de la lecture
« étrangères» communément utilisées, soit l’anglais et l’arabe. Ces systèmes semblent tous dériver d’un syllabaire constitué aux environs du
e
III siècle av. J.-C. Le cas de l’écriture japonaise est très particulier, puisqu’elle s’est constituée de façon progressive, combinant intégration du
système d’écriture chinois au VIe siècle apr. J.-C. et invention locale de
deux syllabaires. Le premier permet de transcrire la syntaxe et les structures grammaticales du japonais parlé, tout à fait différent du chinois;
il est apparu vers 1000 apr. J.-C. et est appelé hiragana. Le second, plus
tardif, permet la transcription phonétique des mots étrangers importés
et est formé des katakana.
On pourrait croire qu’aujourd’hui, tous les systèmes d’écriture existants remontent à des siècles. En fait, les dernières dizaines d’années
ont vu des tentatives de création de systèmes d’écriture, principalement
en Afrique, pour pérenniser des langues d’usage local employées par des
groupes ethniques de tradition orale. Leur faible diffusion et leur insuffisante adaptation aux technologies actuelles les ont menées à l’échec.
Ce sont donc quelque 5000 ans d’évolution de l’écriture qui ont abouti
aux systèmes de communication écrite actuellement utilisés.
Lire et écrire dans le monde
De façon intéressante, la dyslexie se retrouve essentiellement associée
aux écritures qui utilisent un alphabet.
Par définition, un alphabet est un ensemble de signes écrits appelés
lettres où chacun correspond à un son de base du langage parlé. Il présente l’avantage d’être facile à apprendre, puisqu’il ne comporte que peu
de formes à mémoriser, en général moins de trente. C’est le cas de l’alphabet que nous utilisons pour écrire en français.
Les deux alphabets les plus utilisés dans le monde sont l’alphabet
latin et l’alphabet arabe. Cependant, la connaissance des lettres composant ces alphabets, si elle est indispensable pour pouvoir lire et écrire, est
en général insuffisante pour maîtriser adéquatement la communication
écrite. Modifications de forme et ajouts de signes conventionnels viennent compliquer la lecture.
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Table des matières
Table des matières
Introduction ..................................................................................................
9
CHAPITRE 1
Introduction à la dyslexie ..............................................................
Définition de la dyslexie ...................................................................................
Brève description du cerveau..........................................................................
Anatomie du cerveau ....................................................................................
Méthodes d’exploration du cerveau ........................................................
Historique ...............................................................................................................
11
12
15
16
19
22
CHAPITRE 2
Petite histoire de la lecture .........................................................
Lire et écrire au fil du temps ...........................................................................
Lire et écrire dans le monde ............................................................................
Lire et écrire dans l’avenir ...............................................................................
27
27
31
36
CHAPITRE 3
C’est tout le corps qui lit ...............................................................
Les yeux, la vision et la lecture ......................................................................
Les voies visuelles ..........................................................................................
Les mouvements oculaires ..........................................................................
L’œil et la lecture.............................................................................................
Les oreilles, la reconnaissance des sons et la constitution
d’un répertoire sonore .......................................................................................
Les voies auditives .........................................................................................
La reconnaissance des sons du langage .................................................
Le développement de la conscience phonologique ............................
177
39
39
40
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45
46
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Mieux comprendre la dyslexie
La main, la latéralité et la lecture ..................................................................
Lire avec les mains .........................................................................................
Manualité et langage......................................................................................
Le cerveau, l’intégration du monde extérieur et la lecture .................
Le rôle de l’intégration..................................................................................
L’attention ..........................................................................................................
La mémoire ........................................................................................................
Les émotions .....................................................................................................
La chimie de la lecture .......................................................................................
48
48
50
50
51
51
54
58
61
CHAPITRE 4
Parler et organiser le temps et l’espace
pour lire..............................................................................................................
Reconnaître les formes et les structures du langage ..............................
Développer la parole ......................................................................................
Reconnaître les structures du langage écrit .........................................
Structurer l’espace et le temps ........................................................................
Structurer l’espace ..........................................................................................
Organiser le temps ..........................................................................................
Les stratégies de lecture et leur apprentissage .........................................
Étape logographique et méthode globale ...............................................
Étape alphabétique et « b-a-ba » ..................................................................
Étape orthographique et apprentissage de l’écriture ........................
Comprendre pour pouvoir lire ...................................................................
Le choix de l’efficacité ...................................................................................
65
65
66
71
76
76
78
79
80
81
82
83
83
CHAPITRE 5
La dyslexie ou les dyslexies .........................................................
Les manifestations de la dyslexie ..................................................................
Classification des dyslexies .........................................................................
La dyslexie phonologique ............................................................................
La dyslexie visuo-perceptuelle ...................................................................
La dyslexie mixte ............................................................................................
Le cerveau dyslexique à la lumière des neurosciences ....................
D’où vient la dyslexie ? ......................................................................................
Être dyslexique à l’école ....................................................................................
Les signes d’alerte en maternelle ..............................................................
178
85
85
86
86
90
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93
96
99
100
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Table des matières
Le dyslexique durant les années du primaire ..................................... 101
Le dyslexique durant les années du secondaire ................................. 104
Être dyslexique à l’âge adulte ......................................................................... 107
CHAPITRE 6
Dyslexie et troubles d’apprentissage ...............................
Apprentissage : troubles ou difficultés .........................................................
Dysorthographie ..................................................................................................
Dyscalculie .............................................................................................................
Les troubles d’apprentissage secondaires ...................................................
Les dysphasies..................................................................................................
Les dyspraxies ..................................................................................................
Le syndrome de dysfonction non verbale (SDNV) ...........................
Les troubles envahissants du développement (TED) ......................
Le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité
(TDAH) ..............................................................................................................
La déficience intellectuelle (DI) ...............................................................
Synthèse ..................................................................................................................
111
111
116
119
124
124
126
127
129
131
133
134
CHAPITRE 7
Pistes de traitement ............................................................................
139
Réapprendre le langage : le rôle de l’orthophoniste ............................... 139
Organiser l’espace : le rôle de l’ergothérapeute ........................................ 141
Refaire les étapes du développement: les méthodes
de «réorganisation neuro-fonctionnelle » ................................................... 143
Traiter le déficit de l’attention : le rôle du médecin ............................... 144
Travailler les stratégies de lecture : le rôle de l’orthopédagogue ....... 146
Soutenir l’effort : le rôle de la famille........................................................... 149
Conclusion......................................................................................................
153
Liste des figures par chapitre ...................................................
157
Liste des encadrés et des tableaux
par chapitre ..................................................................................................
159
Bibliographie................................................................................................
161
Livret détachable: Michael est dyslexique...................
181
179

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