France et Moyen

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France et Moyen
France et Moyen-Orient
Quand on passe quelques jours dans le désert du Néguev, on peut en plus de profiter d’un
paysage époustouflant qui ressemble au Colorado américain, s’occuper de plusieurs façons.
D’abord relire la Bible, puisque dans la haute vallée du Paran, campèrent les tribus d’Israël
lorsqu’elles faisaient route vers Canaan (Nombres XIII, 3). Ce désert a toujours été un endroit de
passage nord-sud et ouest-est. Ensuite lire des livres d’histoires relatant la « Route de
l’encens ». Les caravanes acheminaient les pierres précieuses, les épices les tissus et l’encens qui
provenaient d’Inde et de l’Arabie du Sud. Avdata été la principale ville d’un ensemble qu’on
appellera plus tard « Pentapolis », car elle faisait partie des cinq villes qui partaient de Pétra en
Jordanie pour aboutir à Gaza en Palestine. Prospère sous les romains et les byzantins, Avdat a été
conquise en 634 par les Arabes, date à partir de laquelle elle est tombée lentement en ruine et fut
définitivement abandonnée au Xème siècle.
Etant à quelques dizaines de kilomètres de l’Egypte à l’ouest et de la Jordanie à l’est, on a envie
de lire les journaux de la région sur internet pour essayer de comprendre comment la
situation évolue. L’économie mondiale dépend en effet encore fortement de cette région du
monde pour la stabilité et la sécurité de ses approvisionnements en pétrole.
Il ne faut pas très longtemps pour constater que dans le cadre du jeu des puissances
régionales « le croissant chiite » est en train d’encercler l’Arabie Saoudite, qu’il est en train de
se produire un rapprochement paradoxal entre l’Arabie Saoudite et Israël dont la France pourrait
bien profiter…
Mais ce qui ressort en priorité c’est que le chaos règne partout : en Afghanistan, en Egypte,
en Lybie, en Tunisie, en Irak ….Le Koweit, les Emirats Arabes Unis (Abu Dhabi, Dubai..) et le
Yémen comprennent d’importantes minorités chiites qui pourraient s’enflammer à leur tour.
Barhein l’allié de l’Arabie Saoudite contre l’Iran a une population en majorité chiite….Tout montre
qu’il faudrait peut être consacrer un peu plus de temps à cette région.
Le « croissant chiite encercle l’Arabie Saoudite
Dans tous ces pays des affrontements violents entre chiites et sunnites se produisent.
Les soulèvements du « Printemps Arabe » ont débouché sur le chaos, l’instabilité et des
changements de régime qui n’ont entrainé que de la violence et du déclin économique.
Les conflits n’opposent d’ailleurs pas simplement les sunnites et les chiites mais tous les régimes
de la région avec leurs islamistes violents.
Au Liban, c’est le Hezbollah chiite financé par l’Iran qui contrôle le pays. La France avait pris
l’initiative de créer le groupe des amis du Liban lors de l’Assemblée générale de l’ONU en
septembre 2013. Cela n’a débouché sur rien de concret. Il y a toujours une bourse au Liban.
L’univers d’investissement est limité aux banques avec Banque Audi et BLOM Bank qui se
développent avec succès en dehors du Liban et surtout en Turquie et en Afrique.
En Syrie, la situation se dégrade tellement que l’Armée Israélienne vient de déployer une
nouvelle division le long de sa frontière avec la Syrie. Le Lieutenant Général Benny Gantz Chef de
Israël Defence Forces-IDF vient de l’inspecter la semaine dernière.
L’absence d’intervention américaine en Syrie peut être interprété comme le fait que les Etats Unis
cherchent à se rapprocher de l’Iran aux dépens du monde arabe. Barack Obama ne veut pas
courir le risque de se lancer dans un nouveau conflit hasardeux.
Pour l’Arabie Saoudite, la Syrie est une catastrophe sanglante qui se développe à ses portes et
qu’elle est incapable de maitriser.
La France a voulu lutter symboliquement contre le Hezbollah et le régime de Damas en soutenant
l’inscription du Hezbollah sur la liste européenne des organisations terroristes. Elle a tenu
également à soutenir verbalement l’opposition syrienne contre le régime de Bachar el-Assad. Tout
ce que la France a gagné en tenant ces discours, c’est de ne plus être reconnu comme un
interlocuteur acceptable pour toute une partie des acteurs du Moyen Orient.
Ce qui est intéressant, c’est que la guerre n’empêche pas le développement des champs de gaz
qui sont détenus conjointement par la Syrie, le Liban et Israël.
En Syrie, Soyuzneftegas, société russe proche de Vladimir Poutine s’est associée avec Rami
Maklouf, cousin de Bachar el-Assad pour développer le Bloc2, réservoir censé être le plus grand
champ de gaz et de pétrole de toute la méditerranée.
Au Liban, trois autres sociétés russes, Rosneft, Lukoil et Novotec sont en train d’essayer
d’obtenir des concessions avec bien évidemment l’accord du Hezbollah. Plusieurs sociétés
américaines ont même manifesté leur intérêt comme Exxon Mobil et Chevron.
A Chypre dont les banques ont été sauvées par la Russie, Novotec a déjà obtenu une concession.
Tout cela montre bien que les rivalités entre les Etats Unis et la Russie sont mises de côté quand
des perspectives économiques favorables se présentent. On assiste probablement à l’émergence
d’un nouvel équilibre de la terreur balancé par des intérêts économiques complémentaires.
L’Irak, s’enfonce dans une nouvelle guerre civile entre chiites soutenus par l’Iran et sunnites
soutenus par l’Arabie Saoudite. Elle va recevoir bientôt une importante livraison d’armes de l’Iran
comprenant essentiellement des munitions et des équipements contre la guerre chimique. Huit
contrats ont été signés la semaine dernière.
Les initiatives des américains et de leurs alliés ont conduit jusqu’à maintenant à la mise en place
d’une dictature chiite. La production de pétrole stagne. Deux sociétés pétrolières sont actives au
Kurdistan Genel Energy société norvégienne qui exploite le champ de Tawke et Afren société
côtée à Londres, qui possède 20% du champ Maqlub.
L’Iran devrait au terme des négociations en cours obtenir la possibilité de continuer à enrichir de
l’uranium. A tout moment l’Iran menace de bloquer le Détroit d’Ormuz qui relie le Golfe Arabo
Persique au Golfe d’Oman. Environ 35% des exportations mondiales de pétrole transportées par
bateau empruntent ce détroit. Aucun pays ne peut donc s’isoler d’une crise qui secouerait le
golfe.
Le problème c’est que l’Iran souhaite acquérir une véritable capacité d’attaque et de riposte
nucléaire. Barack Obama a décidé de miser toute son influence diplomatique sur son
rapprochement avec l’Iran. Ce serait une belle victoire apparente qu’il pourrait mettre sur ses
talents d’ « artisan de la paix ».
Hassan Rohani Président de la République a depuis son élection fait preuve de flexibilité sur le
dossier nucléaire mais il est confronté à une forte opposition. Le PIB s’est contracté de 1,4% en
2013 et n’ a aucune raison de rebondir en 2014. Il peut se prévaloir d’une baisse de l’inflation qui
est passée sur les six derniers mois de 2013 d’un rythme annuel de 45% à 30%. Pour se prémunir
contre l’inflation les investisseurs locaux ont acheté des actions. Le marché iranien a monté de
55% en 2012 et de 131% en 2013. Parmi les valeurs préférées des investisseurs du Bazar de
Téhéran figurent Bank Saderat Iran et Parsian Oil & Gas Development
De l’autre côté de la Mer Rouge, L’Egypte vient d’obtenir de Moscou la livraison de 3Md$
d’armes comprenant des chasseurs Mig 29, des missiles aériens et des missiles anti char… Riyad
a apporté son soutien au coup d’état militaire de 2013, mais les tensions civiles et l’implosion de
l’économie font de l’Egypte une véritable catastrophe qui engloutit des milliards de dollars
saoudiens.
Cela n’empêche pas l’Egypte de figurer dans presque tous les portefeuilles de « Frontier Markets
Funds ». Ils achètent surtout les sociétés côtées à New York sous la forme d’ADR (American
Depositary Receipt). Trois secteurs sont représentés : Banques : Commercial International
Bank, EFG Hermes; Telecommunications : Global Telecom, Orascom Telecom, Telecom
Egypt; Construction: Orascom Construction, Suez Cement, Paints & Chemical Industries,
La Libye est en plein chaos et pourtant la Bourse de Tripoli continue de fonctionner. Elle a baissé
de 25% en 2013. Sa capitalisation atteint 3md$ qu’il faut comparer à celle du Caire (70md$) et
celle de Casablanca (50b$). La société de télécommunications
Libyana devrait paraît il être prochainement introduite en bourse. La principale société est HB
Group (holding présent dans la finance et la distribution).
Le rapprochement paradoxal entre l’Arabie Saoudite et Israël
L’Arabie Saoudite qui était le leader incontesté du monde arabe a perdu son pouvoir sur l’Irak.
Elle n’arrive pas à faire partir Bachar el Assad du pouvoir en Syrie. Après avoir soutenu pendant
de nombreuses années des groupes djihadistes dans le monde entier,
Le roi Abdallah ben Abdulaziz qui a 90 ans, a été surpris par le printemps arabe. Le chaos qui a
suivi l’a terrifié. C’est pourquoi il a publié récemment un décret prévoyant une peine de prison de
trois à vingt ans pour les saoudiens ayant participé à des combats à l’étranger. Ce décret qui
constitue un revirement total par rapport au passé, est destiné à faire comprendre à l’Occident
que Riyad est maintenant déterminé à lutter contre le terrorisme.
L’ouverture de Barack Obama sur l’Iran, dans le cadre des accords conclu entre l’Iran et le groupe
P5+1 (les membres permanents du Conseil de Sécurité à l’ONU plus l’Allemagne) font dire à
certains qu’il y a une volonté très nette de Barack Obama de soutenir les chiites au lieu des
sunnites. Les américains ont donc profondément blessé leurs alliés saoudiens en menant des
négociations avec les iraniens sous leur nez pendant huit mois avec l’aide du Sultanat d’Oman.
Voulant faire cesser les engagements des Etats Unis, Barack Obama veut conforter sa réputation
d’ « artisan de la paix ». Il aime répéter que George W Bush est l’homme qui a entrainé son pays
dans deux guerres catastrophiques. Ayant pour objectif l’indépendance énergétique des Etats
Unis, l’Arabie Saoudite n’est pour lui à terme plus aussi vitale pour les Etats Unis qu’auparavant.
Il préfère maintenant se tourner vers l’Asie. Sa politique fragilise donc le pouvoir des Saoud et
renforce l’emprise de l’Iran au Moyen Orient .
Comme l’Arabie saoudite doute maintenant de la solidité de son alliance avec les Etats Unis deux
actions majeures sont en cours :
Le Prince Turki Al-Faycal envisage l’option du nucléaire pour son pays qui pourrait lui être vendue
par le Pakistan.
Le Prince Bandar ben Sultan, ex ambassadeur d’Arabie Saoudite à Washington pendant 22 ans
est très actif dans l’ombre. Son objectif est de saper la puissance de l’Iran, d’évincer Bachar elAssad en Syrie et le Hezbollah au Liban. Il veut également écraser les Frères Musulmans, car ils
sont des sunnites radicaux qui sont avant tout anti monarchique.
Tout cela a pour conséquence que Bandar est en train de devenir l’allié du Premier Ministre
israélien Benyamin Netanyahou contre l’Iran. Il a même fait savoir publiquement que Barack
Obama était l’un des plus grands obstacles par rapport à ses objectifs. C’est pourquoi il annoncé
de « grands changements » dans ses relations avec les Etats Unis. L’économie connaît une
croissance faible grâce à l’expansion du crédit. Une des grandes menaces pour le pays est
constituée par les 6 M de « travailleurs étrangers » qui représentent 57% des salariés du pays.
Israël arrive dans cet environnement hostile arrive encore à se développer économiquement. La
production industrielle a augmenté de 13% en rythme annuel au T4 2013. La production dans le
domaine de la haute technologie a même progressé de 32% pendant la même période. Selon
l’OCDE le pays est maintenant classé 23ème sur 34 sur la base de son PIB par habitant, qui à 31
700$ représente 95% de la moyenne européenne. Parmi les nombreux exemples de mesures anti
israéliennes prises en Europe, on peut citer la banque hollandaise ABP, la banque suédoise
Nordea et la société danoise DNB AM Denmark qui ont décider de cesser toute relation avec les
banques israéliennes au nom de ce qu’elles finançaient illégalement, selon elles, l’installation
d’israéliens dans les « Territoires Occupés ».
Parmi les catalystes de l’économie figure en première place la technologie notamment en matière
de sécurité informatique. Tous les militaires qui sont passés par les unités d’élite de l’armée
israélienne l’unité C41 spécialisée dans l’informatique ou l’unité 8200 qui est installée au Mont
Avital spécialisée dans la guerre électronique, sont recrutés par toutes les start up qui se créent
en permanence. Israël est devenu également le premier exportateur mondial de drones à
application militaire fabriqués par Israel Aerospace Industries, Elbit Systems, et
Aeronautics Defense Systems. L’autre pole de développement est constitué par l’exploitation
du gaz qui diminue la dépendance énergétique du pays. Le champ de Thamar dont l’exploitation
a déjà débuté, est détenu par Noble Energy à 36% avec Delek Group, Isramco et Alon
Natural Gas; Le champ de Tethys est détenu par Delek Group à hauteur de 53%.
La Jordanie tout en expliquant officiellement qu’elle pourrait revoir ses accords de paix avec
Israël se rapproche officieusement de l’Etat hébreux pour contenir la poussée des groupes
islamistes radicaux…
La Palestine malgré tous ses problèmes a une bourse qui fonctionne beaucoup mieux que
beaucoup d’autres institutions du territoire. L’indice AlQuds qui permet de suivre son
comportement comprend les valeurs suivantes : Bank of Palestine, Jerusalem Cigarette
Company, Golden Wheat Mills Company, Union Construction and Investment, National
Insurance, Arab Islamic Bank,Palestine Real Estate Investment Company,
PalestineTelecommunications Co, Wataniya Palestine Mobile Communications,
Palestine Islamic Bank, The National Bank, Palestine Development & Investment
Company, Birzeit Pharmaceutical Company, Palestine Electric Company, Palestine
Industrial Investment Company
Le rapprochement franco saoudien
François Hollande lors de son dernier voyage à Ryiad a rêvé de prendre la place des Etats Unis
dans un pays qui a consacré 70Md$ au cours des dix dernières années dans des achats de
matériel militaire.
La France doit absolument compenser sa perte d’influence au Moyen Orient. Elle n’a pas les
moyens d’intervenir seule sur aucun théâtre d’opérations éloigné de ses bases. Elle a clairement
choisi le camp sunnite, ce qui va beaucoup compliquer ses relations avec la Russie qui veut le
succès des chiites.
Le Roi Abdallah aurait donné l’ordre de réserver la priorité à la France dans les contrats
d’armement pour les dix prochaines années. Dans l’immédiat deux gros contrats ont été
remportés par Thalès sur 2,7Md€ de missiles crotales et EADS pour 2,4Md€ pour la surveillance
des frontières. Par la suite on pourrait voir arriver en plus des contrats sur de l’armement, des
contrats sur des trains des métros, des centrales nucléaires.
Pour le moment cette évolution ne peut que convenir à François Hollande qui n’a pas à choisir
entre les israéliens et les saoudiens mais il ne pourra pas continuer longtemps d’encourager les
chefs d’entreprises à décrocher des contrats en Iran et de leur recommander d’être actifs en
Arabie Saoudite. A suivre