Les newsgroups : D`une identité technique à une - DROIT

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Les newsgroups : D`une identité technique à une - DROIT
UNIVERSITE DE MONTPELLIER I
Faculté de Droit
Mémoire de D.E.A. Informatique et Droit
2003 / 2004
Les newsgroups :
D’une identité technique à une unité juridique
Présenté par :
Alexandre Bécourt
Sous la direction de
Monsieur le Professeur Michel Bibent
Equipe de recherche Informatique et Droit
RESUME
Les newsgroups sont des forums virtuels de discussion collective, des ensembles
cohérents d’articles qui permettent aux internautes y étant abonnés d’échanger des
informations et des avis sur des sujets précis. Ils sont un véritable espace de liberté
favorisant les échanges, et ont une réelle identité technique et organisationnelle qui
change complètement la donne par rapport aux forums-web. Des infractions
spécifiques y sont commises et, si des acteurs classiques du monde de l’Internet,
comme des administrateurs de serveurs ou bien des fournisseurs d’accès, y sont parties
prenantes, des acteurs propres au monde des newsgroups existent, dont le statut mérite
d’être qualifié juridiquement en cas d’infraction.
ABSTRACT
Français :
Internet / Groupes de nouvelles / Infractions / Responsabilités / Contributeurs et
intermédiaires
Anglais :
Internet / Newsgroups / Infringements / Responsibilities / Contributors and
intermediaries
1
SOMMAIRE
INTRODUCTION .................................................................................................... 3
PREMIERE PARTIE : LES NEWSGROUPS, UN ESPACE DE
LIBERTE FAVORISANT LES ECHANGES. .................................................. 9
TITRE I : LES NEWSGROUPS, DES FORUMS DE DISCUSSION DISTINCTS DES FORUMS-WEBS..... 9
CHAPITRE I : UN RESEAU SPECIFIQUE.
9
CHAPITRE II : DES INSTRUMENTS SPECIFIQUES.
19
TITRE II : LES NEWSGROUPS, UNE COMMUNAUTE REGIE PAR L’AUTOREGLEMENTATION... 22
CHAPITRE I : LES BASES REGLEMENTAIRES SUR LES NEWSGROUPS.
22
30
CHAPITRE II : LA REGULATION SUR LES NEWSGROUPS.
TITRE III : LES NEWSGROUPS, UN ESPACE D’EXPRESSION PROPICE AU DESORDRE. ............. 33
CHAPITRE I : LES DERIVES DES BRANCHES PONDEREES.
33
CHAPITRE II : LA SUREXPLOITATION D’UNE BRANCHE TENDANCIEUSE.
37
DEUXIEME PARTIE : LES NEWSGROUPS, UN MACROCOSME
AUX RESPONSABILITES MULTIPLES. ...................................................... 39
TITRE I : LE REGIME JURIDIQUE DE L’AUTEUR DE MESSAGES............................................... 39
CHAPITRE I : L’USENAUTE, UN ACTEUR A PROTEGER.
CHAPITRE II : L’USENAUTE, UN ACTEUR A LIMITER.
39
48
TITRE II : LES RESPONSABILITES DES INTERMEDIAIRES. ...................................................... 57
57
CHAPITRE PRELIMINAIRE : LES INTERMEDIAIRES FACE A LEURS RESPONSABILITES.
CHAPITRE I : LES ACTEURS DU MONDE DES NEWSGROUPS.
58
CHAPITRE II : LES RESPONSABLES DU SERVEUR.
65
CONCLUSION ......................................................................................................... 69
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................ 70
2
INTRODUCTION
"Une forme d'expression établie
est aussi une forme d'oppression"
Kermit2004
in fr.rec.arts.litterature
1.
Lorsque Kermit2004 a plagié cette citation, il ne s’imaginait pas qu’elle pouvait
symboliser à elle seule la double problématique qui se pose lorsque l’on se penche sur la question
des newsgroups. La sentence d’abord est applicable à ce service de communication presque aussi
vieux qu’Internet, qui ne reste qu’une branche mésestimée et sous-médiatisée du réseau mondial,
et qui, de ce fait, n’a jamais vraiment retenu l’attention de la justice. Son organisation bien établie
et la responsabilité de ses intervenants n’ont en effet jamais réellement été remises en cause.
L’auto-attribution de l’extrait de Notes et Contre-notes d’Eugène Ionesco par cet usenaute fictif
illustre ensuite le deuxième problème, mettant en valeur la facilité avec laquelle une infraction
peut-être commise sur ce terrain sous-contrôlé.
2.
Les newsgroups sont des forums virtuels de discussion collective, des ensembles
cohérents d’articles qui permettent aux internautes y étant abonnés d’échanger des informations et
des avis sur des sujets précis. Ils sont organisés selon une hiérarchie thématique. En août 2004, la
branche francophone d’Usenet, le principal réseau de serveurs de ce que l’on appelle en français
les groupes de nouvelles (Ou de discussion), en comptait 3341. Toutes hiérarchies confondues, il y
en a plus de 50000. Ils sont accessibles par des réseaux spécifiques, marquant ainsi la principale
différence avec leurs cousins, les forums-web.
Ils sont un véritable espace de liberté favorisant les échanges. En effet, à l’image du réseau
Internet, les newsgroups, qu’ils soient intégrés au réseau Usenet ou non, sont un véritable lieu de
rencontre et de convergence des réflexions qui ne peut souffrir aucune comparaison consistante
avec quelque forum ponctuel et localisé du monde présentiel. Tous les âges y participent, toutes
1
http://www.crampe.eu.org/statfr/tout.html
3
les couches sociales, et toutes les catégories professionnelles. Un passionné d’arts graphiques peut
y rencontrer son illustrateur préféré, un cinéphile peut y discuter avec un traducteur, un militant
d’extrême gauche a la possibilité de polémiquer avec un partisan d’extrême droite, enfin, un
justiciable peut interroger les contributeurs pour s’informer sur ses droits potentiels. Comme l’on
peut lire le courrier des lecteurs de vieilles revues et y constater la présence de tribuns actuels, de
même les newsgroups constituent un terreau favorable à des polémistes en devenir.
3.
Pourquoi se consacrer à l’étude juridique des newsgroups spécifiquement et ne pas se
contenter des analyses faites au sujet des forums de discussion en général ? Il existe déjà une
suffisamment grande panoplie de doctrine relative aux forums de discussion, même si, quelques
mois après l’adoption de la Loi sur l’Economie Numérique, elle doit être révisée en profondeur,
excluant désormais toute référence aux normes encadrant l’audiovisuel. Les études vont donc
s’adapter au niveau légal, mais il y a peu de chance qu’elles le fassent au niveau technique. Car
jusqu’à présent, cette base concrète leur manque cruellement. Quand on lit un article relatif au
droit applicable aux forums de discussion sur Internet, aucune distinction n’est faite entre un
forum-web et un newsgroup. Au mieux les deux termes sont distingués mais des réglementations
identiques leur sont affectées ; au pire, les deux sont confondus sans aller plus avant. Ce défaut de
détermination technique affecte directement la logique juridique, les acteurs intervenant sur l’un
ou l’autre type étant radicalement différents dans la réalité. Et pour cause, même s’ils font partie
de la sphère d’Internet, ils appartiennent à deux mondes différents : Les forums-web sont
accessibles par des serveurs Web (D’où leur nom), les newsgroups par des serveurs de news, des
serveurs qui fonctionnent uniquement pour ce service précis.
Étroitement semblables quant à ce qu’ils offrent à leurs utilisateurs - une tribune pour
s’exprimer -, ils sont à l’opposé dans leur structure. Le cheminement pour apprécier la
détermination des responsabilités issues de la commission d’infractions sur leur terrain va donc
dans ce sens : Un grand écart total. Les analogies entre les deux n’autorisent absolument pas de
marginaliser leurs différences. Voici l’objet de cette étude : Déterminer la réalité juridique des
newsgroups en fonction de leur identité technique.
4.
La première partie de notre analyse consistera à mettre en exergue cette identité en
établissant les fondements techniques et organisationnels des groupes de discussion. Des
fondements d’autant plus complexes à établir que la plupart des utilisateurs des newsgroups ne les
connaissent pas eux-mêmes !
Lorsque Tom Truscott a pris l’initiative, avec Jim Ellis, d’installer la version 7 d’Unix à
l’université de Duke pour favoriser les échanges inter-facultés, il ne s’imaginait sûrement pas que
son idée allait dépasser toutes ses attentes. Non seulement ce sont toutes les universités
4
américaines qui ont profité de cette idée, mais celles au-delà des frontières également. La seule
recherche estudiantine n’est plus seulement concernée, mais via la vulgarisation d’Internet (A ne
pas prendre au sens péjoratif du terme, bien entendu), toutes les personnes ayant accès au réseau
mondial sont des utilisateurs potentiels du Unix User Network, dénomination non contractée
d’Usenet. La pertinence et l’aboutissement de cette création sont démontrées par la multiplication
des newsgroups et de réseaux indépendants d’Usenet.
5.
Celui-ci a été structuré afin d’organiser au mieux le parcours des idées. Des hiérarchies
thématiques ont été érigées dans ce sens, distinguant basiquement ce qui touche aux arts, aux
loisirs, aux sciences humaines, à l’informatique… Cette volonté d’agencement et d’intuitivité se
retrouve directement dans l’utilisation, dans l’affichage des messages, apparaissant en
arborescences selon le sujet proposé dans la première contribution et prolongeable pendant des
jours, voire des semaines tant que la discussion n’a pas abouti, c’est-à-dire tant qu’un consensus
n’a pas été trouvé, toutes les idées échangées ou plus simplement tant que le thème du débat n’a
pas été épuisé.
6.
Le public comme destinataire, un public varié et non-sélectionné, a un impact direct sur la
qualification juridique des newsgroups. Pour les infractions de presse telles que définies par la loi
du 29 juillet 1881, par exemple, la détermination du caractère public ou non du lieu est essentielle
pour les appréhender et leur donner un fondement. Le caractère public des groupes de discussion
devient moins évident du fait qu’ils ne se trouvent pas dans le monde réel, l’application
automatique des règles de celui-ci se trouvant complexifiée par la réalité même d’Internet. Leur
statut doit ainsi être apprécié à l’heure de la LEN qui tient désormais compte de sa spécificité
technologique.
Avoir un contact avec le plus grand nombre veut évidemment dire qu’il faut formuler ses
propos avec une bonne dose de circonspection, notamment dans les forums juridiques où les
fausses affirmations sont légion, l’expression devant plusieurs personnes s’accompagnant souvent
d’une volonté de se gargariser, même à tort. Des règles ont été posées dès le départ pour guider
nouveaux comme anciens dans leur façon de se comporter vis-à-vis des autres. Du point de vue
global d’Internet, il existe la Netiquette qui est considérée comme LA référence pour la régulation
comportementale. Ajouté à cela des chartes et des foires aux questions spécifiques aux groupes de
nouvelles, et nous pouvons constater qu’un véritable noyau normatif existe. Mais ce noyau a-t-il
une applicabilité effective ? Et surtout, a-t-il une valeur juridique qui peut être revendiquée ? Ces
questions sont essentielles pour comprendre les attitudes adoptées dans les groupes.
Car lorsque l’on se lance dans une observation approfondie de celles-ci, et qu’on les
compare avec celles qui sont souhaitées dans les documents de référence, une large dissemblance
5
se fait jour. Pourquoi ? Encore une fois, c’est le masque-écran qui explique tout. L’internaute,
caché derrière son ordinateur, révèle sa véritable personnalité derrière le faciès déformé qu’est son
pseudonyme. C’est le syndrome du « doppelgänger ». Der Doppelgänger désigne dans le folklore
allemand le double maléfique, l’extrême opposé de ce que l’on est, ou bien, plus concrètement, la
partie de l’esprit qui échappe à la conscience et qui de ce fait est libre d’agir de façon malfaisante.
Ce phénomène est largement répandu sur Internet, et donc sur les newsgroups, expliqué par la
possibilité d’agir « en public » sans pour autant être identifié. Certains individus manifestent ainsi
leur véritable personnalité, qui ne se laisse absolument pas réguler par une quelconque forme de
norme. Cela permet de comprendre aussi la création de certains newsgroups à thématique
manifestement illégale, si ce n’est pire, déviante (Voir à ce sujet les divers forums consacrés aux
formes extrêmes de pornographie dans la hiérarchie alternative de Usenet). Cela explique
également le développement des discours « antidémocratiques », pour utiliser un euphémisme, sur
les groupes à thématique apparemment modérée, tels que ceux relatifs à la politique.
Certains interlocuteurs sont présents pour faire appliquer les règles de bonne conduite et
les lois ou pour sanctionner leur violation, tels le modérateur, l’animateur ou bien le service
d’abuse. Leur force coercitive sera bien entendu envisagée, ainsi que les limites à celle-ci. Des
limites qui sont en partie dues à un défaut de prise en compte de droits réels pour les utilisateurs
dans le cadre de la réalité prétendument artificielle du réseau. Trois droits fondamentaux attribués
aux contributeurs des newsgroups seront mis en valeur : Le droit d’auteur, le droit à la protection
des données personnelles et le droit à l’anonymat.
7.
Le droit d’auteur parce que les articles envoyés sur les groupes de discussion sont lus
potentiellement par des centaines de personnes. Cette participation à une discussion collective
laisse penser que ces écrits virtuels sont libres de droit, à la disposition de tous, insusceptibles de
protection parce que pris dans un contexte de dialogue.
Quels droits peuvent revendiquer les contributeurs s’ils viennent à se rendre compte que
leurs « news » sont utilisées ou détournées par d’autres personnes ? Si, au hasard d’une balade sur
Internet par exemple, ils viennent à découvrir qu’un individu lambda s’est approprié un apport,
bien souvent considéré de prime abord comme insignifiant ?
La question se pose avec plus de force encore lorsque la contribution a un objectif
artistique ou littéraire. Nous pouvons ainsi citer certains newsgroups qui ont été crées avec
l’ambition d’écrire des romans-feuilleton ou bien des fan-fictions (Des passionnés d’un univers
crée par un livre, une bande-dessinée, un film ou bien encore une série qui écrivent une histoire le
prolongeant).
6
8.
Des contributions qui dans leur large majorité sont archivées. Avec l’avènement de
l’informatique se sont ainsi développées des possibilités de mémorisation indéfinie, dans tous les
domaines. Relativement aux newsgroups, certains sites comme Google et Alphanet se sont fait
une spécialité d’enregistrer les messages envoyés sur Usenet, afin que tout un chacun puisse les
retrouver à tout moment.
Avec l’archivage des articles envoyés sur Usenet, n’importe qui peut lire les messages de
n’importe qui, grâce aux bases de données interrogeables par des moteurs de recherche. Les
entités qui proposent d’accéder aux anciens posts prétendent pourtant qu’elles font œuvre
historique en les mettant ainsi à disposition. Mais elles occultent des problèmes très concrets qui
peuvent survenir, comme le traitement de données à caractère personnel lié à la collecte
systématique des messages, ou comme la fixation à long terme d’opinions sur divers sujets.
Ainsi, une personne qui, fût un temps, avait une sensibilité politique radicalement
différente de celle qu’il soutient à l’heure actuelle, doit-il à jamais craindre qu’on puisse le
découvrir, s’il ne l’assume plus ?
Ou bien une personne qui, démarrant sur Usenet, ne connaissait pas suffisamment son
logiciel de news pour pouvoir se choisir un pseudonyme ou modifier le nom sous lequel il était
configuré (Le nom de personne qui paie l’abonnement Internet, le nom de l’entreprise où il
travaille…), et qui se rend compte que l’association de ce nom et du contenu du message peut être
dommageable, à lui ou à un tiers, a-t-il des droits à revendiquer ? Imaginons ainsi un adolescent
qui envoie un article sur fr.rec.cinema.discussion pour vanter les attributs mammaires d’une
actrice populaire. Imaginons maintenant que cet envoi se fasse sous le nom de sa mère. Il suffit
d’imaginer le préjudice qui pourrait affecter celle-ci si une de ses amies, ou un collègue de travail,
s’amuse à chercher dans les archives Google pour voir si elle y a déjà posté ! Et inutile d’attendre
que cela disparaisse rapidement, les messages envoyés il y a 23 ans sur Usenet sont encore
présents dans cette base.
Imaginons également une personne qui déteste une société, le fait bien savoir sur les
newsgroups, et qui finalement change d’avis quelques mois plus tard, allant même jusqu’à y
postuler. Il serait fortement souhaitable pour cet individu qu’aucun des employés de cette société
n’ait l’idée d’aller fureter dans les archives d’un site spécialisé.
9.
Le droit à pouvoir se rendre anonyme prend tout son sens ici, laissant la possibilité de
s’exprimer sans craintes de représailles éventuelles. Certains diront que la liberté d’expression est
intimement liée à la véritable identité de celui qui s’exprime. Pourtant, le courage d’assumer ses
propos n’est pas forcément conforme à cette logique, surtout dans le monde d’Internet.
7
10.
Cette possibilité de se rendre anonyme a pour corollaire un sentiment d’impunité, triste
exemple du syndrome du Doppelgänger. Le contributeur n’est ainsi pas seulement un citoyen à
protéger, mais aussi un délinquant en puissance à limiter. Les infractions commises sur les forums
de discussion ont leur spécificité qu’il sera bon d’illustrer, celles relatives aux newsgroups laissant
elles-mêmes paraître une profonde originalité au sein de cette catégorie. Et pas seulement dans
l’acte illicite lui-même, mais aussi dans la façon dont les responsables vont être déterminés.
Car comme nous le disions au départ, les groupes de discussion ont leurs identités
techniques et organisationnelles qui changent complètement la donne par rapport aux forums-web.
Si un administrateur de serveur et un fournisseur d’accès à Internet sont bien présents, des acteurs
spécifiques au monde des newsgroups existent, dont le statut mérite d’être qualifié juridiquement
en cas d’infraction.
La première partie de notre développement consistera à exposer les bases techniques et
réglementaires de ce terrain de libre expression pour le replacer dans un contexte concret. La
deuxième s’attachera à déterminer le statut juridique des acteurs qui y sont liés afin de souligner
leurs droits ainsi que les responsabilités qui peuvent leur être attribués.
8
PREMIERE PARTIE : Les newsgroups, un espace de liberté
favorisant les échanges.
La communication inter-individus et interplanétaire s’est largement accentuée grâce au
phénomène Internet, et les newsgroups sont une facette de celui-ci. S’ils appartiennent à la grande
famille des forums, ils y ont leur spécificité, non seulement technique (Titre I), mais également au
niveau des règles comportementales à respecter (Titre II), ce qui n’empêche pas ceux-ci d’être un
terrain extrêmement favorable au désordre (Titre III).
Titre I : Les newsgroups, des forums de discussion distincts des forums-webs.
Une grande part de la doctrine traitant des forums de discussion est à prendre avec
précaution. Que les théories qui en ressortent soient intéressantes, d’accord. Mais elles ne
resteront que des théories juridiques sans application, car imaginées et formulées par des
personnes pâtissant d’un manque de connaissances techniques apparent. En effet, la plupart des
articles doctrinaux mélangent les deux principaux types de forums : Les forums-web et les
newsgroups. Ces derniers ont une structure technique totalement différente des premiers,
impliquant ainsi une hiérarchie d’acteurs, et donc de responsables, totalement différente, ce qui
implique des données juridiques parfaitement distinctes. Ils sont notamment accessibles par un
réseau spécifique (Chapitre I) mais offrent aussi des instruments qui leur sont propres (Chapitre
II).
Chapitre I : Un réseau spécifique.
Produire un exposé technique sur les newsgroups, ce n’est pas seulement présenter ses
modes de fonctionnement (Section II), c’est aussi mettre en avant une histoire étoffée, qui
explique l’avancée progressive et le développement croissant de ce mode de communication
destiné, à l’origine, à être un outil à disposition des chercheurs universitaires (Section I).
Section I : Historique.
Si la genèse des newsgroups, et plus précisément du réseau Usenet, est américaine (§1), il
sera bon de s’attarder également sur la création de la branche francophone, celle qui touche le plus
9
les justiciables français, et la mieux à même de servir d’exemple dans le cadre de l’étude des
newsgroups face au droit français (§2).
§1. Une naissance américaine.
11.
Usenet est né d'un manque. Un manque ressenti en 19792 par un étudiant de l'université de
Duke (Caroline du Nord, Etats-Unis), Tom Truscott. Il venait de passer l'été dans les laboratoires
Bell, où il avait découvert Unix3, un système d'exploitation multi-utilisateurs destiné à l'origine à
la manipulation de fichiers textes. Sa version 7 permettait d'envoyer des messages électroniques et
des fichiers entre deux ordinateurs possédant des modems spécifiques. Revenu dans son
Université, l'idée est venue à Truscott, pour continuer à être relié à la communauté des utilisateurs
Unix, d'y faire installer la version 7. Ce que fit Jim Ellis, un autre étudiant, sur un ordinateur de
Duke. L'ébauche, et l'intérêt de ce qu'est Usenet, se manifesta quand un lien fut établi avec l'UNC,
l'Université de Caroline du Nord, mettant en place ainsi un programme d'échange local entre les
deux établissements4. L'idée d'étendre ce système à un réseau plus large leur vint très vite, un
réseau mondial d'annonces. Au fur et à mesure l'idée se propagea, au fur et à mesure les
universités se relièrent à ce réseau. Le nom Usenet apparut, acronyme de Unix User Network.
§2. L’émergence francophone.
12.
La hiérarchie fr. est mise en place avec trente newsgroups en 1993, créée par Christophe
Wolfhugel, pour donner un pendant francophone à Usenet, anglophone. C'est un point qu'il est
fondamental de souligner: Usenet-fr n'est pas une branche seulement française, mais bien
francophone, et qui ne se limite pas aux internautes de l'hexagone, mais qui s'adresse aussi à
toutes les personnes parlant notre langue dans le monde entier.
Section II : Fonctionnement.
Les fondements techniques des newsgroups sont assez révélateurs de la fonction qui leur
est assignée. Si l’agencement des serveurs de news en réseau est une base logique pour un outil
fonctionnant sur Internet (§1), l’organisation hiérarchique ambitieuse de Usenet, selon la
thématique des groupes de discussion, démontre bien une volonté d’offrir une place à tous les
2
« Histoire d’Internet » par Fabien Gandon
http://www-sop.inria.fr/acacia/personnel/Fabien.Gandon/lecture/mass1_internet2000/history/
3
http://www.freenix.org/unix/
4
http://www.alea.net/usenet/folklore/global/
10
sujets de discussion possibles et imaginables (§2) dans ce large service de communication destiné
au public (§3).
§1. La structure du réseau.
13.
C’est le protocole (Ensemble de consignes qui déterminent comment les données seront
transmises entre serveurs, afin d’améliorer la qualité des communications) NNTP - pour Network
News Transfer Protocol - qui est en vigueur à l’heure actuelle pour la transmission des articles sur
les réseaux de newsgroups, de serveur de news en serveur de news, ainsi que pour la lecture et
l'écriture des articles. Chaque serveur enregistre sur son disque dur les messages envoyés par les
usenautes (« U », dans le schéma) et compare avec d’autres, auxquels il est relié, sa propre liste
pour maintenir une actualisation permanente. NNTP n’est pas le protocole d’origine. De 1979 à
1986, c’est l’UUCP - pour Unix to Unix Copy - qui était en vigueur, et qui nécessitait des outils
propres à Usenet pour accéder à ce réseau spécifique. Il suffit seulement d’avoir une connexion à
Internet pour pouvoir consulter les newsgroups via leurs serveurs.
Les serveurs des forums sont, la plupart du temps, des ordinateurs privés
(L'exception la plus notable étant les serveurs des Universités), ceux des Fournisseurs d'accès
touchant le plus grand nombre. Ils sont gérés par ce que l'on appelle un administrateur, ou
newsmaster en anglais. C'est lui qui en est le responsable, c'est lui qui décide quels newsgroups il
va distribuer, c'est lui qui décide quelles personnes pourront accéder à ces forums par son biais.
C'est donc lui qui arrête, d'une certaine façon, la politique de son serveur. Va-t-il distribuer les
newsgroups tendancieux de la hiérarchie alt. ? Va-t-il interdire leur accès aux personnes qui se
sont déjà mal comporté, ou bien leur laisser une autre chance ?
Fonctionnement
schématisé
ADMINISTRATEUR
ADMINISTRATEUR
Actualisation
SERVEUR
SERVEUR
Emission
Reception
USENAUTE
U
U
U
U
U
U
11
§2. Une organisation hiérarchique.
La large majorité des groupes de discussion est agencée selon les sujets dans une structure
que l’on appelle le « Big 8 » (I), mais l’ensemble n’est pas complètement rigide puisque certaines
variations existent, hors de ce pôle central tentaculaire et même en dehors d’Usenet (II).
I/ Le Grand 8.
14.
Les newsgroups sont organisés selon une hiérarchie à plusieurs branches, thématiques,
appelée « Big 8 », Grand 8 en français5. En 1979, il n’y avait que deux hiérarchies de ce que l'on
appelle actuellement les groupes de nouvelles, avec net. (Qui concernait le réseau) et dpt. (Pour
les hiérarchies locales). D'autres ont suivi, comme fa. (Contributions émanant des mailing-lists
Arpanet - L'ancêtre d'Internet) ou encore mod., (Une hiérarchie consacrée aux premiers
newsgroups modérés). En 1987 est opérée une nouvelle réorganisation plus intuitive, l’actuelle,
qui atteint le nombre de huit branches (D’où le nom), rejointes rapidement par humanities et la
polémique alt. Dix branches principales existent donc aujourd’hui sur Usenet :
-
Alt. : Cette hiérarchie concerne les thèmes alternatifs. La facilité de création des
newsgroups en faisant partie, qui donne lieu à beaucoup de sujets illégaux, plus particulièrement
dans la sous-hiérarchie alt.binaries - dans laquelle les pièces jointes sont acceptées - donne lieu à
un fort trafic, le plus souvent d’images pornographiques (Et même parfois pédophiles) ou de
fichiers musicaux. C’est la hiérarchie qui connaît le plus gros débit de messages.
-
Biz. : Elle concerne ce qui touche les affaires, « business » en anglais.
-
Comp. : Elle regroupe les forums parlant d’informatique, comp. étant l’abréviation
de computer, ordinateur en anglais.
-
Humanities. : Elle est prévue à la base pour les groupes parlant de la littérature,
des beaux-arts, de la philosophie. La hiérarchie francophone lui a préféré le terme « arts » dans les
sous-hiérarchie fr.rec. et fr.lettres.
-
Misc. : Misc., pour miscellaneous, est le terme anglais pour « divers ». Cette
hiérarchie concerne donc différents sujets, comme le Droit, la vie quotidienne, la santé… Des
sujets inclassables, mais pas polémiques, comme peuvent l’être ceux de la hiérarchie alt.
-
News. : Elle regroupe les forums apportant des informations ou publiant des
annonces concernant Usenet, pour les usagers ou bien les administrateurs.
5
Rec. : C’est la hiérarchie dite récréative, très populaire, qui regroupe donc les
http://www.alea.net/usenet/folklore/global/#renaming
12
newsgroups en rapport avec les loisirs, le divertissement, comme les arts modernes, la télévision,
les jeux de société.
-
Sci. : C’est la hiérarchie qui concerne les sciences dites « exactes », très prisée par
les chercheurs pour l’échange d’informations.
-
Soc. : Elle regroupe les forums à thèmes sociaux, comme la politique, ou la
religion.
-
Talk. : Elle concerne tout les newsgroups qui touchent aux débats, à la
manifestation d’opinons. La hiérarchie francophone ne l’a pas reprise, les manifestations
d’opinion se faisant largement dans les autres newsgroups, notamment politiques ou d’actualité.
15.
Les pays européens ont leurs groupes de news locaux, identifiables par un préfixe, comme
par exemple fr. (Pour la France et les pays francophones), it. (Pour l’Italie et ceux qui parlent sa
langue), uk. (Pour le Royaume-Uni), ou encore de. (Pour les newsgroups allemands et
germanophones). Ils présentent des sous-branches un peu variables par rapport au thématiques
proposées par le « Big 8 » principal (Comme l’utilisation de rec. ou lettres. plutôt qu’humanities.).
16.
Le nom d’un newsgroup est donc porteur de trois informations : Le pays auquel il est
destiné (Ou bien sa langue), sa hiérarchie, et son thème. Par exemple : fr.comp.carte-a-puce. Ce
forum est francophone, fait partie de la hiérarchie qui concerne l’informatique et a pour sujet les
cartes à puce.
II/ Les variations à l’intérieur et à l’extérieur d’Usenet.
17.
Usenet et ses hiérarchies principales, qu’elles soient thématiques ou linguistiques,
occultent parfois les newsgroups qui peuvent exister à côté.
A l’intérieur même du réseau Usenet, des hiérarchies plus confidentielles se développent,
comme frn., ou bien proxad., outil de promotion et d’assistance du fournisseur d’accès Free
(Limitée à ses propres serveurs). Il existe également des hiérarchies plus sectorisées, comme
france., à thématique régionale.
18 .
Il existe également des réseaux de newsgroups autres qu’Usenet, mais beaucoup,
beaucoup plus discrets, et qui lui sont surtout complémentaires. Ils traitent de thématiques plus
marginales, et sont distribués par un nombre limité de serveurs. Au niveau francophone, nous
pouvons notamment citer :
13
o
NiouZenet6 : Ayant pour préfixe identifiable nzn, c’est un réseau de cinq serveurs
qui propose des sujets plus pointus que ceux d’Usenet, ou en tout cas qui en précise certaines
thématiques. Par exemple, si Usenet-fr propose un newsgroup de psychologie, fr.sci.psychologie,
NiouzeNet propose un newsgroup plus spécifique, de criminologie (Même s’il existe également
un autre forum de psychologie sur ce réseau) nzn.fr.criminologie. Créer un nouveau groupe est
relativement aisé, il suffit de le proposer sur nzn.fr.niouzenet, puis d’attendre qu’après des débats
d’au moins une semaine, il soit validé par Niouzenet s’il n’y a pas eu de réelles contestation. Une
originalité consiste dans l’obligation de choisir un animateur au nouveau forum, une personne qui
en fera la promotion en dehors et qui fera en sorte de le rendre vivant. Le respect des lois
françaises et des principes généraux énoncés pour ce réseau est également une obligation majeure
lors d’une proposition de création.
o
Zoo-logique7 : C’est un serveur unique de newsgroups, donc le terme de réseau est
inapplicable. Il n’y a pas de préfixe pour les identifier, la liste des groupes qu’il propose étant de
toutes façons distincte de celle d’Usenet. Les thèmes proposés partent dans tous les sens et sont
souvent délirants (Comme cadavres-exquis, belges.bizarres ou encore animaux.lezards), et
beaucoup de forums sont vides, une situation due à la spécificité des thèmes et surtout à la facilité
de création. Il suffit de formuler une demande sur le groupe créations, que le thème ne soit pas un
abus ni contraire aux lois françaises, et le newsgroup est crée. Un point fondamental au sujet de ce
serveur est que la Netiquette n’est absolument pas considérée comme une référence. Elle « n’a pas
de sens ».
Bien entendu, il y en a beaucoup d’autres, puisque toute personne s’y connaissant un
minimum en informatique peut créer son propre catalogue de newsgroups, en mettant en place et
en configurant un serveur NNTP.
§3. Le newsgroup, un outil destiné au public.
Si pour beaucoup, les forums de discussion (Qu’ils fonctionnent sous le protocole HTTP
ou NTTP) sont des outils réservés à un petit nombre, il n’en est rien dans la réalité. Les
newsgroups en particulier sont utilisés par des milliers de personnes à travers le monde, et
nécessitent pour ce faire d’être aménagés dans la forme, c’est-à-dire dans la façon dont ils sont
présentés (I), ainsi que d’être qualifiés juridiquement (II) pour situer leur place dans le monde du
Droit. Il sera également intéressant de montrer de quelle façon ce dernier est communiqué par leur
biais (III).
6
7
http://www.niouze.net/
http://www.zoo-logique.org
14
I/ La présentation des newsgroups.
19.
Le newsgroup en lui-même se présente comme une liste des titres des articles, classés par
défaut du plus récent au plus ancien. Si un des titres intéresse l'utilisateur, il le sélectionne et
l'article est ainsi chargé et enregistré sur son ordinateur. Il en va de même pour les réponses. Tout
article chargé sera par la suite consultable hors connexion.
Appelés aussi « news », ou encore « posts », les articles sont composés d'un titre et d'un
corps, et, éventuellement, d'une pièce jointe (Possibilité que l’on retrouve notamment dans la
branche alt.binaries). Les réponses à celui-ci comprennent la mention "Re:" dans le titre.
L'arborescence générée par l'article et les réponses à celui-ci s'appelle un "fil" en français,
l'appellation originale "thread" étant toutefois plus utilisée.
Les règles formelles sont très strictes sur Usenet. De nombreux fils sont entretenus, non
pas par le sujet lancé, mais par les problèmes de forme : Sujets qui aurait dû être mieux balisé,
façon de répondre incorrecte (« On n’écrit pas au-dessus du texte auquel on répond, mais en
dessous »), nombre de fautes d’orthographe, interdiction du vocabulaire sms…
Une harmonisation des règles de forme qui facilite la lecture pour tout un chacun, à la
fois pour les utilisateurs réguliers mais aussi pour les nouveaux arrivants dans ce lieu public.
II/ Un caractère public décisif pour la détermination juridique des newsgroups.
Déterminer le caractère privé ou public est fondamental pour qualifier juridiquement les
infractions qui y sont commises. Par exemple, les infractions définies dans le cadre du droit pénal
spécial relatif à la presse ne peuvent être prises en compte si elles ne sont pas relevées dans le
cadre d’une communication publique (A) en ligne (B).
A/ Le newsgroup, un service de communication au public.
20.
Juridiquement, les newsgroups sont à considérer comme des services de communication
au public. Cette déduction a été faite a contrario, la qualification de correspondance privée ayant
été écartée par la jurisprudence comme par la doctrine. En effet, pour que celle-ci soit retenue, il
faut une sélection fondée sur un choix positif des usagers qui permette d'assurer leur nombre
restreint et leur communauté d'intérêt 8. Ainsi, si un quelconque filtre existe, qui pourrait
potentiellement mettre à l’écart des personnes souhaitant participer aux newsgroup, que ce filtre
8
Tribunal de Grande Instance de Paris (Ordonnance de référé), 5 juillet 2002, M.-V./Société Editions La
découverte, Expertise, 2003, N° 273, P 316
15
soit arbitraire ou non, il n’y a pas correspondance publique. Pour que le processus de sélection
rendant le groupe privé soit validé, il faut que soient mises en place des dispositions permettant de
réserver effectivement l'usage du forum à certains internautes déterminés de manière sûre et
précise en fonction de certains éléments préalablement vérifiés et non simplement déclarés par les
intéressés9. Ainsi, la simple mention de critères de sélection ne suffit pas, il faut aussi que la
conformité des utilisateurs aux critères soit vérifiée. Sinon, la communauté d’intérêt n’est pas
reconnue et le groupe est considéré comme public. A quelques cas confidentiels près (Hors
Usenet), tous les newsgroups sont donc publics.
21.
Le « tri » n’a rien à voir avec de la modération : Le modérateur est chargé de vérifier la
régularité du message (Correspondance du sujet du message avec le thème du forum, ou
conformité aux lois), mais pas de sélectionner les utilisateurs. Si c’était le cas, le caractère public
ne pourrait plus être retenu (Et, encore une fois, il faudrait que cette sélection soit poussée au
point de vérifier la correspondance des participants aux critères). La question ne se pose pas pour
les newsgroups. Le statut de modérateur y est extrêmement encadré, son rôle n’est pas de choisir
les participants. Il n’y a pas de filtre, il n’y a pas de communauté d’intérêts.
S’il existe des newsgroups dont on peut penser que leur thème les limite à certaines
personnes, le simple fait qu’il n’y ait aucun barrage technique pas plus qu’une personne chargée
d’effectuer une sélection précise met à l’écart la moindre idée de communauté restreinte. Par
exemple, si le newsgroup fr.misc.bavardages.dinosaures est bien décrit dans sa charte10 comme
étant le forum réservé aux anciens du réseau, et même s’il est modéré, rien n’empêche de
nouveaux utilisateurs de s’y installer, et même d’y contribuer régulièrement tant qu’ils restent
dans le cadre du sujet, comme par exemple s’intéresser à l’histoire d’Usenet ou bien aux
personnes qui ont lancé la hiérarchie francophone.
22.
Un mot de passe pour accéder à ce service est souvent un bon indicateur du caractère privé
d’un forum11. Uniquement, bien entendu, après vérification de la conformité à des conditions
d’utilisation préalablement posées. Le mot de passe, le même pour tout le monde, donné à tous les
utilisateurs du serveur de newsgroups Zoo-Logique, s’il peut laisser penser aux nouveaux
arrivants ou aux néophytes en informatique qu’il y a une certaine fermeture, n’a pas d’autre utilité
que d’empêcher la propagation du Virus Swen. Il ne rend donc absolument pas les groupes de
discussion Zoo-Logique privés, car accessibles à tout le monde malgré des formalités
supplémentaires.
9
Ibid.
Charte de fr.misc.bavardages.dinosaures, par Olivier Galibert
http://www.usenet-fr.net/fur/chartes/misc.bavardages.dinosaures.html
11
"Les outils de discussion en question", par Agathe Lepage
Communication Commerce Electronique, 06/2002, n°6, pages 39-41
10
16
23.
Les newsgroups touchant un nombre substantiel de personnes au point d’être considérés
comme publics, les messages y étant postés sont considérés comme faisant l’objet d’une
publication au sens de la loi de 1881, qui exige dans son article 23 qu’il y ait une forme de
publicité pour que les infractions qu’elle vise soient constituées. Ce qui est donc le cas ici. Mais
ils sont plus qu’une simple communication au public.
B/ Le newsgroup, un service de communication au public en ligne.
24.
Depuis l’avènement de la Loi sur l’Économie numérique du 21 Juin 2004, le droit
applicable aux services de l’Internet a été clarifié. Une nouvelle catégorie générique a été créée,
« la communication au public par voie électronique »12. Elle établit une distinction entre
« communication audiovisuelle » et « communication au public en ligne ». La première est
réglementée par la loi de 1986 sur la liberté de communication. Et jusqu’à la promulgation de la
LEN, elle concernait les forums de discussion, et donc les newsgroups, puisqu’ils entraient dans
son champ d’application, selon la définition du deuxième alinéa de son article 2 : On entend par
communication audiovisuelle toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un
procédé de télécommunication, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages
de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée.
25.
Avec la distinction nouvellement créée, ce n’est plus le cas maintenant. Les newsgroups
relèvent désormais de la communication au public en ligne, selon la définition de l’article 1 de la
LEN : On entend par communication au public en ligne toute transmission, sur demande
individuelle, de données numériques n'ayant pas un caractère de correspondance privée, par un
procédé de communication électronique permettant un échange réciproque d'informations entre
l'émetteur et le récepteur. Ici, toute la différence joue au niveau de l’accès individuel et de
l’échange entre deux acteurs. C’est bien le cas avec les forums de discussion, qui ont désormais
une loi mieux adaptée à leur statut. Concernant les infractions de presse, l’article 6-V de la Loi sur
l’Économie numérique du 21 juin 2004 affirme que les dispositions des chapitres IV et V de la loi
du 29 juillet 1881 précitée sont applicables aux services de communication au public en ligne.
Les délais de prescription y sont notamment les mêmes que ceux prescrits par l’article 65 de la loi
sur la liberté de la presse, à savoir trois mois ou un an (Selon les infractions) à compter du jour de
la publication du message litigieux.
26.
Malgré son titre, « Loi sur la communication audiovisuelle », la loi du 29 juillet 1982 est
également applicable aux newsgroups en ce qu’elle pose un système de responsabilité en cascade,
12
Article premier de la loi sur l’Économie Numérique du 21 Juin 2004
17
adaptant celui posé par la loi de 1881. En effet, son article 93-3 concerne la communication au
public par voie électronique, et donc pas seulement la communication audiovisuelle mais
également la communication au public en ligne.
Si la qualification juridique des newsgroups est pertinente, il peut aussi être intéressant de
savoir comment communiquer le Droit sur ces mêmes newsgroups.
III/ La communication du Droit sur les newsgroups.
27.
Les newsgroups juridiques sont parmi les plus actifs sur le réseau Usenet. Au niveau de la
hiérarchie francophone, c’est fr.misc.droit qui a été crée le premier, en 1995. Vu le nombre
croissant de contributions, des démembrements ont rapidement vu le jour, jusqu’à atteindre le
nombre de quatre à l’heure actuelle, ciblant le droit du travail, d’Internet, de l’immobilier et enfin
de la famille.
Si les spécialistes sont nombreux à y participer, il faut toutefois prendre avec précaution
les réponses que l’on pourrait y trouver. Il arrive ainsi bien souvent qu’à une question posée,
différentes personnes se manifestent, formulant des réponses aux contenus diamétralement
opposés, mettant à jour un problème manifeste sur les groupes de discussions juridiques :
L’exactitude toute relative des contributions. Non seulement de nombreuses réponses sont
fausses, mais un tri important doit être fait parmi celles qui sont exactes, qui manquent souvent
d’assises juridiques, de références légales.
La prudence est donc de mise.
28.
Pour un juriste attentif, la meilleure attitude à adopter est de poser des questions sur les
forums en ayant bien conscience de leur défaut. Les réponses qu’il récoltera lui serviront de
balises pour ses recherches, et plus largement seront un bon moyen pour trouver des idées et ainsi
élargir son sujet de départ.
29.
Pour le lecteur non-juriste, l’importance de son information quant à la qualité des réponses
est plus importante encore. Bien souvent des personnes, persuadées d’être spécialistes de tels ou
tels domaines du Droit, et souhaitant manifester leur soi-disant culture juridique, induisent des
contributeurs naïfs en erreur. Bien entendu, il arrive que les personnes qui interrogent les groupes
ne formulent leur question que par simple curiosité. Mais pour ceux qui ont un réel problème, à
qui certains répondent, par exemple, qu’ils n’ont aucun recours, et qui, finalement, ne cherchent
pas plus loin s’ils ont un droit à faire valoir ? Le préjudice est ici réel. D’un côté, pensons à
l’article 433-17 du Code Pénal qui sanctionne l’usurpation de titres (L’usage, sans droit, d’un titre
attaché à un diplôme officiel) d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende. Nous
18
pouvons ici citer une personne qui répond sur les newsgroups en se faisant passer pour un avocat.
D’un autre côté, il faut aussi être réaliste : Il est peu probable qu’un juge rende droit à une
personne qui a été suffisamment candide pour croire un inconnu caché derrière son ordinateur.
Toutefois, l’idée n’est pas à écarter complètement, des circonstances particulières étant
susceptibles de la rendre applicable.
30.
Ce mauvais côté relevé, il nous faut aussi rendre justice aux newsgroups, qui sont tout de
même un formidable outil de communication du Droit : Outre les réponses correctes et justifiées
(Oui, il y en a, et pas qu’un petit nombre), il y a aussi des contributeurs qui viennent signaler les
nouveautés légales, doctrinales ou jurisprudentielles, d’autres qui apportent leur point de vue sur
telle ou telle théorie juridique, ou bien encore certains qui se manifestent en exposant ce qui
devrait changer dans le Droit (Plus proches en général d’un révolution de salon que d’un réel-parti
susceptible de donner des suites concrètes). Un point fondamental à ne pas oublier : Les
newsgroups sont aussi et surtout, comme nous le disions plus haut, un formidable nid à idées pour
le juriste en mal de réflexions, facilitées notamment par des outils qui leur sont propres.
Chapitre II : Des instruments spécifiques.
En dehors du système, que nous avons exposé plus haut, basé sur le protocole NNTP, les
newsgroups ont de nombreuses spécificités par rapport à leurs cousins, mieux connus, les forumsweb. La façon dont ils sont lus (Section I) d’abord, mais aussi ensuite les fonctionnalités dont
disposent leurs utilisateurs (Section II).
Section I : Une lecture spécifique.
Il y a deux modes de lecture à distinguer sur les réseaux de newsgroups : Par un lecteur de
news, méthode qui leur est entièrement réservée (§1), ou bien une autre, plus globale dans le
domaine des forums en général, par un site Internet (§2).
§1. Par un lecteur de news.
31.
Il existe de nombreux lecteurs de news. Le plus répandu est Outlook Express, plus connu
pour son activité principale, celle de logiciel de courrier électronique. Mais il y a aussi X-News,
Opera, FreeAgent, Forté Agent, MacSoup, ainsi que des navigateurs comme Mozilla ou Netscape.
-
La première fois que l’on utilise le logiciel, il faut lui indiquer l’adresse du serveur
19
de news utilisé. Le plus souvent, c’est celui du Fournisseur d’Accès à Internet, mais pas
systématiquement (Un utilisateur peut par exemple avoir une connexion AOL et utiliser le serveur
de news de Free Telecom).
-
Puis il faut solliciter la liste de tous les newsgroups. A l’heure actuelle, les FAI distribuent
la quasi-totalité des newsgroups d’Usenet, ce qui n’a pas toujours été le cas (Par exemple,
Wanadoo qui, fût un temps, ne distribuait pas la hiérarchie alt.).
-
Une fois la liste proposée par le serveur auquel il est inscrit, l’utilisateur doit s’abonner
aux newsgroups qui l’intéressent. La notion d’abonnement n’engage évidemment aucunement à
payer un prix.
-
Dernière étape : Accéder au(x) newsgroup(s) souhaité, ce qui chargera automatiquement
la liste des titres des différents fils lancés.
§2. Par un site Internet.
32.
Il est tout à fait possible d’accéder aux newsgroups par le biais de sites Internet. Bien que
cette méthode soit moins intuitive que la précédente, manque de fonctionnalités oblige, elle
permet de compenser un manque d’exhaustivité du serveur de news auquel on est abonné, ou bien
de pouvoir lire les forums lorsque l’on n'est pas chez soi. Les sites de Google13, Voila14 ou encore
Foorum15 permettent cette alternative, qui n’est qu’une retranscription des newsgroups existants,
et non pas des forums spécifiques au Web, les forums-web, qui n’ont rien à voir avec notre sujet.
Section II : Des fonctionnalités spécifiques.
Lorsque l’on compare les newsgroups et les forums-web, on peut se rendre compte que
des dispositifs existent afin de mieux utiliser les premiers. Parmi ceux-ci, deux seront
fondamentaux pour la qualification d’infractions commises sur les newsgroups et pour la
détermination de la responsabilité des commettants : L’archivage (§1) et l’identification des
auteurs (§2).
§1. L’archivage.
33.
La possibilité de lecture des articles sur les newsgroups n'est pas indéfinie. Tout dépend de
13
http://www.google.fr/grphp?hl=fr&tab=wg&q
http://news.voila.fr/
15
http://www.foorum.fr/
14
20
la configuration du lecteur de news, et, a fortiori, du temps de leur conservation sur le serveur
utilisé. La durée dans ce dernier cas est d'environ deux mois en moyenne. Les messages ne sont
toutefois pas perdus, ils sont archivés par certains sites spécialisés, comme Google, Alphanet ou
encore Infora16. Google, par exemple, a archivé les messages diffusés sur Usenet depuis 1981.
34.
De nombreuses personnes revendiquent un certain droit à l'oubli, et ont cette possibilité,
techniquement parlant, grâce aux lecteurs de news. En utilisant l'option "X-no-archive", les robots
n'enregistreront pas l'article envoyé. Encore faut-il connaître cette possibilité, encore faut-il être
au courant de l'enregistrement systématique des messages envoyés...
§2. L’identification des auteurs.
Certaines données concernant l’auteur d’un article sont disponibles sur les newsgroups.
35.
Des informations apparentes tout d’abord. Son pseudonyme (Parfois son identité réelle s’il
ne désire pas la cacher ou s’il ne sait pas qu’il le peut) ainsi que son adresse e-mail. Il est à ce
sujet préférable de la modifier (En y intégrant, par exemple, la balise « no-spam » à l’intérieur, ce
qui trompe les aspirateurs d’adresses courriel sans leurrer les personnes qui souhaitent vraiment
écrire un e-mail à l’auteur) pour ne pas recevoir de publicités indésirables. La date et l’heure
d’envoi sont également affichées.
36.
Des données moins apparentes sont également disponibles, dans l’en-tête (« Headers ») du
message. Sous Outlook, il suffit de faire « CTRL + F3 » (Ou « H » avec X-News) pour que de
nouvelles informations s’affichent, telles l’adresse IP de l’auteur, son serveur de news, s’il désire
que son message soit archivé ou non, ainsi que la ville d’où il se connecte, mais aussi son
newsreader et l’interlocuteur à qui s’adresser s’il commet un abus (Adresse courriel du service
d’ « abuse »). Chaque lecteur de news a une commande qui permet de faire apparaître cette
véritable fiche d’identité de l’usenaute. Ces données révélées par les « en-têtes » ne sont bien
entendu plus disponibles une fois la date d’expiration du message sur le serveur dépassée, et ne le
sont jamais sur les sites d’archivage.
Exemple réalisé grâce à Outlook Express (Les données ont, bien entendu, été falsifiées et
anonymisées):
Path: news.free.fr!xref-2.proxad.net!10.13.0.37.MISMATCH!spooler31.proxad.net!feeder2-1.proxad.net!news7-e.free.fr!not-for-mail
16
http://www.mes-news.com/tools.html
21
From: "Mr X." <[email protected]>
Newsgroups: fr.rec.tv.programmes
References: <[email protected]>
Subject: Re: [ASI] Audience
Date: Mon, 19 Apr 2004 10:43:44 +0200
X-Priority: 3
X-MSMail-Priority: Normal
X-Newsreader: Microsoft Outlook Express 6.00.2800.1547
X-MimeOLE: Produced By Microsoft MimeOLE V6.00.2800.1504
Lines: 43
Message-ID: <[email protected]>
Organization: Guest of ProXad - France
NNTP-Posting-Date: 10 Apr 2003 11:47:45 MEST
NNTP-Posting-Host: 82.65.187.151
X-Trace: 1012542065 news7-e.free.fr 500 82.65.121.114:1644
X-Complaints-To: [email protected]
Xref: news.free.fr fr.rec.tv.programmes:2807989
Titre II : Les newsgroups, une communauté régie par l’autoréglementation.
En dehors des règles juridiques à respecter dans toute communauté, il existe plusieurs
formes d’encadrement applicables aux newsgroups : Les contributeurs doivent en effet se plier à
certaines règles particulières (Chapitre I) et se soumettre à plusieurs formes de régulation (Chapitre
II).
Chapitre I : Les bases réglementaires sur les newsgroups.
22
Les différentes règles qui servent à guider le comportement des contributeurs des groupes
de discussion ont deux origines : Celle applicable sur l’Internet tout entier, la Netiquette (Section
I), et celles particulières aux newsgroups, les chartes et les foires aux questions (Section II).
Section I : Les bases réglementaires générales à Internet : La Netiquette.
La nature et les fonctions de la Netiquette (§1) doivent être définis avant d’analyser sa
valeur juridique (§2).
§1. Nature et fonction de la Netiquette.
37.
Selon l’Association des Fournisseurs d’Accès à des Services en Ligne et à Internet
(L’AFA), la Netiquette est la charte de bonne conduite des acteurs de l'Internet, qu'ils soient
utilisateurs professionnels ou particuliers. Le terme lui-même est la contraction de Network
(Réseau en anglais) et d’étiquette.
Il n’y en a pas qu’une seule, puisqu’elle existe sous plusieurs formes, sensiblement
similaires. Elle a été mise en place pour guider les utilisateurs de la Toile, les nouveaux comme
les anciens, afin de baliser des règles de comportement à respecter.
38.
Sous ses différentes formes ressortent les mêmes règles, dont de nombreuses concernent
les forums de discussion en général. Ainsi, la façon dont doivent être rédigés les messages figure
parmi ses dispositions, comme le fait de respecter les règles basiques d’orthographe, de
grammaire et de syntaxe, ne pas faire de messages trop longs (Sauf à le préciser dans le titre).
Toujours relativement aux forums, il est recommandé aux nouveaux utilisateurs de lire les foires
aux questions avant de commencer à poster, afin qu’ils s’imprègnent des comportements adéquats
à adopter (Manière de fonctionner du forum, concordance du sujet du message avec le thème du
groupe, suppression des lignes inutiles lorsque l’on cite la contribution à laquelle on répond,
vérification préalable à l’envoi que le sujet n’a pas déjà été traité, mettre un sujet dont le champ
suit les règles du lieu, dire bonjour et au revoir…). Si la lecture d’une Netiquette par les nouveaux
arrivants est un vœu pieux, l’intérêt est réel, surtout lorsque l’on constate les susceptibilités des
anciens qui n’apprécient que moyennement le non-respect des usages.
Le cadre de la Netiquette tend aussi à limiter les comportements illégaux, comme le spam,
les attitudes grossières ou bien encore les usurpations d’identité… Mais cette charte de bonne
conduite a-t-elle une réelle valeur devant les tribunaux ?
23
§2. La valeur juridique de la Netiquette.
39.
Toute la question est-là : Peut-on vraiment reconnaître une force obligatoire à la
Netiquette ?
Tout un chacun aurait pour réflexe de répondre non. Donner une certaine force juridique à
une charte relative à l’étiquette à respecter sur Internet, considéré, souvent abusivement, comme
un lieu de non-droit par excellence, paraîtrait pour beaucoup assez grotesque. Pourtant, en
poussant un minimum les recherches et la réflexion, la réponse est toute autre.
En premier lieu, il est vrai que la Netiquette ne peut être reconnue comme une source de
Droit. Beaucoup en parlent comme si elle était une coutume. C’est une idée fausse17. Pour qu’une
règle soit reconnue comme coutumière, elle doit être issue d’un usage prolongé, et que cet usage
soit connu et reconnu par tous. D’une part, on ne peut pas dire qu’il y a eu usage prolongé de la
Netiquette. Malgré le fait qu’elle existe depuis plusieurs décennies, on ne peut objectivement pas
lui reconnaître un caractère d’ancienneté véritable. D’autre part, la Netiquette, si elle est
considérée comme obligatoire par beaucoup, ne l’est pas par tous, loin de là. Nombreux sont ceux,
professionnels ou non, qui minimisent son intérêt, ou même la rejettent d’un bloc, estimant qu’elle
ne satisfait pas du tout à l’idée de liberté que représente Internet.
40.
Certes, la jurisprudence a reconnu à la Netiquette le caractère d’usage18 (Qui se différencie
de la coutume par son caractère sectoriel, à un lieu ou bien une profession), en validant la
fermeture unilatérale par un FAI (Wanadoo en l’occurrence) du compte d’un de ses abonnés qui
pratiquait régulièrement le spamming. Si le terme d’usage lui est attribué, celui de coutume ne
l’est pas, ne faisant pas d’elle une source générale de Droit. Tout du moins, les juges lui
reconnaissent quand même une certaine force obligatoire.
41.
Dans un second temps, il faut quand même souligner que la Netiquette est reconnue en
France par des piliers du réseau, et notamment l’AFA, via les déclarations de principe
(Reconnaissance de pratiques professionnelles communes) émises par les Fournisseurs d’Accès
(Principale source d’accès aux newsgroups) auxquelles ils se sont soumis. Cette reconnaissance
ne se limite pas à de simples accords, puisque pour la plupart, les Fournisseurs d’Accès citent la
Netiquette comme élément incontournable à respecter dans la navigation sur Internet, dans les
contrats d’accès. Et cela au même titre que les autres usages et codes de bonne conduite
applicables sur le réseau.
17
« La Netiquette » par Rémi Seguin
http://www.erid.univ-montp1.fr/
18
Tribunal de Grande Instance de Rochefort sur Mer, 28 février 2001, G./France Télécom Interactive
Legalis.net, 2002, N° 3, PAGE 114.
24
Ainsi, si un abonné d’un de ces FAI commet un acte contraire à la Netiquette, sa
responsabilité contractuelle peut être engagée au titre de l’article 1134 du Code Civil (Les
conventions légalement formées tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faîtes…). Plus largement,
même en l’absence de référence à la Netiquette dans le contrat d’accès, elle pourrait tout de même
servir de base pour engager la responsabilité contractuelle d’une des parties, puisque l’article 1135
souligne que les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes
les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature. Ayant été
consacrée par la jurisprudence comme un usage, et étant admise au minimum comme une règle
d’équité, la Netiquette peut trouver une réelle présence dans le droit des contrats.
Une présence confirmée en 2002 par le Tribunal de Grande Instance de Paris qui a validé
la coupure de l’accès à Internet par les sociétés Liberty Surf et Free d’un de leur client qui abusait
du spamming, la violation de la charte de bonne conduite étant considérée comme un non respect
de ses obligations contractuelles19.
42.
Les acteurs du monde de l’Internet, et plus particulièrement des newsgroups, peuvent-ils
rejeter unilatéralement la Netiquette ? La question se pose puisqu’elle est ouvertement bannie sur
le serveur unique de newsgroups Zoo-Logique, et plus particulièrement par « BigGrizzly », son
administrateur. Cette attitude est explicitée dans la rubrique « La Netiquette et le zoo » : La
Netiquette n'a aucune existence légale ni base démocratique. En conséquence, la loi française est
la seule loi qu'il me semble pertinent de vouloir appliquer sur ce serveur. S’il met à l’écart cette
charte de bonne conduite, il ne pourra évidemment pas la revendiquer s’il advient un problème
avec un des contributeurs.
Cette déclaration unilatérale peut-elle avoir un effet sur les participants ? Oui, bien sûr,
puisque contrairement à Usenet, qui est desservi par un réseau de serveur, il n’y en a qu’un seul et
unique ici, le serveur même de Zoo-Logique. Donc un seul administrateur. C’est à lui que l’on
doit en référer s’il y a un problème sur les groupes (Pratique de l’ « abuse »). Sa position aura une
influence sur les contributeurs, qui savent qu’ils n’ont pas à se soumettre à cette charte (Mais qui
doivent tout de même se plier aux exigences posées par leur FAI, même si ce n’est pas lui qui leur
fournit directement l’accès au serveur dans ce cas). Ce qui est surtout visible au niveau de la
rédaction des messages, aucune forme n’étant réellement imposée. Mais ce ne sont pas les
questions de forme qui entraînent des litiges réels, mais bien des infractions comme les propos
calomnieux, les usurpations d’identité ou le spam (Le consentement préalable, « opt-in » est
19
Tribunal de Grande Instance de Paris (Ordonnance de référé), 15 janvier 2002, V./Liberty Surf
Expertises, 2002, N° 259, p. 200, Note Varet Vincent
25
désormais imposé par la Loi sur l’Economie Numérique du 21 Juin 2004). Dans ce cas, la Loi se
suffit à elle-même, elle justifie à elle seule l’exclusion de l’utilisation du serveur.
43.
C’est bien là le problème avec la Netiquette : Tout ce qui relève réellement d’une atteinte
à autrui existe déjà dans le système répressif, ou existera bientôt. Les deux jurisprudences
précédemment citées se servent de cette charte pour sanctionner le spamming. Mais maintenant
qu’il est concrètement encadré par la Loi, quelle va être l’utilité de la Netiquette ? La rupture d’un
contrat d’accès par exemple, se légitimera maintenant par le non respect de la réglementation en
vigueur.
Il serait évidemment totalement irréaliste de penser qu’une convention soit rompue ou
bien une sanction prononcée parce qu’une personne n’a pas écrit correctement sur un newsgroup
ou bien parce que le message qu’il envoie ne correspond pas au thème de celui-ci. Les règles
issues du monde des newsgroups lui-même auraient-elles plus de poids ?
Section II : Les bases réglementaires spécifiques aux newsgroups.
Les chartes (§1) et les foires aux questions (§2) sont d’usage courant sur Internet, et
celles rédigées spécifiquement pour les newsgroups sont censées guider les utilisateurs dans leur
cheminement. Leur examen déterminera jusqu’à quel niveau elles peuvent s’imposer à ceux-ci.
§1. Les chartes.
La nature et la fonction des chartes seront exposées (I) avant de déterminer leur valeur
juridique (II).
I/ Nature et fonction des chartes.
44.
La charte est le document de référence associé à un forum de discussions. Ce document
décrit le forum, son thème, ses règles de fonctionnement, etc20. Lorsque la branche francophone
d’Usenet a été lancée, une charte n’était pas systématiquement rédigée (Le plus souvent, seuls le
nom et une description minimaliste suffisaient). L’habitude est venue au fur et à mesure. L’intérêt
est d’avoir une description précise de la thématique du newsgroup, d’autant plus qu’avec leur
multiplication, la frontière entre deux forums à dénomination proche ou confuse est parfois mince,
leur simple nom ne suffisant parfois pas. Ainsi, face à des appellations comme
20
http://www.usenet-fr.net/fur/usenet/lexique.html (Voir Charte)
26
« fr.comp.developpement » ou bien « fr.rec.jeux.divers », des explications peuvent paraître
nécessaires.
Une équipe appelée « fr-chartes » publie régulièrement les chartes existantes depuis plus
de 6 ans sous leur forme basique ou bien sous l’aspect de « Conseils d’utilisation », un document
qui associe la charte à des précisons sur celle-ci ou des liens vers d’autres documents, comme des
foires aux questions21. Par exemple, les conseils d’utilisation de fr.misc.droit , en dehors de la
publication de la charte elle-même, mentionnent les documents qui y sont liés, comme
« [MiniFAQ] Ou trouver les textes juridiques ? » ou bien « [MiniMetaFAQ] Comment rédiger
une MiniFaq juridique ». La publication est effectuée tous les quinze jours sur les newsgroups
concernés, par un membre de l’équipe « fr-chartes » ou bien par son auteur. Il existe même un
forum spécialisé, fr.usenet.reponses, dont le comité publie, également tous les quinze jours, les
différents documents relatifs à l’utilisation de Usenet-fr.
45.
La rédaction d’une charte est une obligation pour toute personne qui propose la création
d’un nouveau forum, que ce soit sur Usenet ou sur des réseaux plus confidentiels. Le texte doit
contenir au minimum le thème et les limites du groupe, ainsi qu’une description, succincte si
possible, de celui-ci, son caractère modéré ou non et bien entendu le titre du newsgroup, contenant
la hiérarchie et la sous-hiérarchie dans lesquelles il sera inclus.
Sachant que la charte est désormais un élément incontournable de la création d’un
newsgroup, cela lui donne-t-il pour autant, en dehors des implications techniques, un véritable
caractère obligatoire ?
II/ La force obligatoire des chartes.
46.
Il arrive fréquemment que les balises posées par les chartes d’utilisation soient franchies,
c’est-à-dire que des messages soient hors-sujet. Si c’est une erreur, il n’en coûtera rien à l’auteur
en dehors de quelques diatribes. Par contre, si une personne persiste à poster en dehors du champ
prédéfini du groupe, une sanction est-elle possible contre lui ? Par exemple, si un contributeur
s’amuse continuellement à parler de la santé de son labrador sur fr.rec.aquariophilie alors qu’il
devrait le faire sur fr.rec.animaux, y-a-t-il des recours juridiques envisageables contre lui ?
En étant raisonnable et objectif, la réponse est indiscutablement non. Lorsque la création
du newsgroup est votée dans les branches classiques, qu’elle est approuvée dans la hiérarchie alt.
(cf points 57 et 63), chez Niouzenet ou encore chez Zoo-Logique, la charte est prévue pour servir
dès le début de guide pour les utilisateurs. C’est un élément incontournable, et en général à peu
21
http://www.usenet-fr.net/fur/chartes/a-propos.html
27
près respecté. Mais sa violation n’entraîne aucune atteinte réelle pour les autres utilisateurs. S’ils
ne sont pas contents ? Il leur suffit de « plonker » l’élément perturbateur, c’est-à-dire de le
signaler à leur logiciel de lecture de news afin qu’ils n’affichent plus les messages de celui-ci.
Les participants mécontents peuvent toujours aussi le signaler au service d’abuse de leur
serveur de news, mais les chances d’obtenir un résultat positif sont quasiment nulles. La plus
grande majorité des utilisateurs d’Usenet accèdent aux newsgroups grâce à leur FAI. Y a-t-il une
seule possibilité pour que le service d’abuse de celui-ci décide de rompre le contrat d’accès parce
que l’autre partie ne respecte pas la charte d’un newsgroup ? Non. Même en se servant de la
Netiquette, qui incite notamment à la respecter, cela ne peut pas arriver, car comme nous l’avons
plus haut, la Netiquette n’est prise en compte par la justice que dans les cas d’infractions réelles.
Et ce n’est pas le cas ici.
47.
Par simple logique commerciale, personne ne romprait un contrat pour non respect d’une
charte. Par contre, si l’accès aux newsgroups se fait gratuitement, (C’est le cas pour ceux d’Usenet
par Google, Voila ou Foorum, et c’est systématique pour Niouzenet et Zoo-Logique), les risques
de se faire couper son accès sont plus élevés si une charte est violée. Mais le phénomène est
rarissime.
Ainsi, le seul risque réel à enfreindre régulièrement cet encadrement, c’est l’exclusion
par les autres utilisateurs, et encore, de manière individuelle de leur part (Ne plus répondre à
l’intrus, le plonker).
48.
Là où la charte peut trouver une réelle valeur juridique, c’est en tant que mode de preuve.
En effet, en cas de newsgroup consacré à un thème manifestement illégal ou susceptible
d’accueillir, par l’ouverture de son sujet, des messages illicites, elle devient un élément
incontournable pour la réunion de charges contre le créateur. De même qu’elle peut attester de la
bonne foi de celui-ci si les posts ont manifestement détourné le sujet à la base de la création.
Il serait intéressant de déterminer si les foires aux questions ont un impact équivalent, ou
bien s’il est possible de leur trouver une réelle force coercitive.
§2. Les foires aux questions.
Ici encore, la nature et la fonction des foires aux questions seront examinées (I) avant
d’évaluer leur valeur juridique (II).
28
I/ Nature et fonction des foires aux questions.
49.
Si l’outil n’est pas spécifique aux newsgroups, il est en tout cas incontestablement
exploité dans ce secteur de l’Internet. Les foires aux questions (FAQs) sont des compilations
d'informations qui proviennent [généralement] de questions posées très fréquemment dans un
forum - d'où le terme anglais (Frequently Asked Questions).22 Ainsi, si une personne à l’idée de
poser une question sur un newsgroup, il est judicieux de sa part de vérifier qu’elle ne l’a pas été
avant sur celui-ci ou bien qu’elle n’ait pas été préalablement intégrée à une FAQ. Ce qui évite
d’encombrer le groupe. Si l’on devait trouver un point commun entre les chartes et les FAQS, en
dehors de leur caractère indicatif, c’est leur triste paradoxe : Elles permettent de savoir comment
utiliser les forums de discussion, mais pour les connaître, il faut savoir utiliser un forum de
discussion.
Les FAQs sont postées régulièrement sur les forums concernés par leur sujet ou bien
archivées sur des sites spécialisés. N’importe qui peut en écrire une, et la diffuser régulièrement
(Quinze jours est la périodicité habituelle) sur les groupes adéquats.
Les sujets sont extrêmement variés dans la branche francophone d’Usenet. Ainsi on
peut en trouver comme « L’art et la manière de ne pas répondre sur Usenet », « Les clauses de
non concurrence » ou bien encore « Comment lire et écrire correctement le symbole EURO sur
Usenet ». Et toutes, malgré leurs intitulés parfois déroutants, ont un réel intérêt et démontrent la
volonté participative (Et bénévole, bien sûr), qui existe sur les groupes de discussion. Un caractère
obligatoire peut-il leur être attaché ?
II/ La force obligatoire des foires aux questions.
50.
Pas plus que les chartes, les FAQs ne peuvent revêtir un véritable caractère obligatoire, en
dehors de la bonne volonté des utilisateurs. Les personnes qui posent des questions se trouvant
déjà dans des foires aux questions sont légion, soit qu’elles soient nouvellement arrivées sur les
newsgroups, soient qu’elles y mettent de la mauvaise volonté en refusant de faire un minimum de
recherches. Les premières sont éduquées, les deuxièmes rejetées unilatéralement par les autres
utilisateurs.
51.
En tant que textes propres à celui qui les a écrites, elles sont protégeables par le droit
d’auteur23. Dans le contexte de FAQs juridiques, il est fortement recommandé d’émettre un
avertissement à l’intention des lecteurs afin de les prévenir du caractère personnel du texte, qui
22
23
http://www.usenet-fr.net/fur/usenet/faq-des-faqs.html
Article L.112-2 du Code de la Propriété Intellectuelle
29
n’est censé que refléter les opinions de son auteur, qui aurait tout intérêt également à mentionner
son statut de professionnel du Droit ou non.
Les chartes et les FAQs montrant leurs limites, il nous faut réussir à déterminer qui sont
les « champions » réels des newsgroups, ceux qui seraient susceptibles de faire respecter l’ordre
sur ceux –ci.
Chapitre II : La régulation sur les newsgroups.
Il existe divers systèmes dans les newsgroups pour gérer les comportements prédéterminés
comme anormaux, chacun étant plus ou moins fonction de la gravité de ceux-ci. Nous exposerons
donc le rôle du modérateur (Section I) avant d’aborder les divers mécanismes de sanction (Section
II).
Section I : Un possible système de contrôle : La modération.
52.
Depuis 1984, il existe des newsgroups modérés, c’est-à-dire des newsgroups dans lesquels
les articles postés font l’objet d’un contrôle préalable par ce que l’on appelle un modérateur. A
l’origine, il existait même une hiérarchie spécialisée pour ceux-ci, « mod. »24, ce qui n’est bien
entendu plus le cas à l’heure actuelle, les groupes modérés étant mélangés aux non-modérés.
Pourquoi modérer un newsgroup ? La plupart du temps, c’est le cas quand il y a risque de
profusion de messages illicites (Quand le thème concerne les logiciels, par exemple, c’est très
fréquent), quand il y a risque de confusion dans la dénomination avec un autre groupe (Pour ceux
qui ne lisent pas les chartes…) ou bien quand le forum doit être le plus clair possible (fr.bienvenue
par exemple, pour éviter que les nouveaux-venus aient du mal à trouver les messages leur
permettant de débuter sur Usenet).
Techniquement, le serveur de news du contributeur lui envoie les messages
préalablement à leur fixation éventuelle. Ce type de forum privilégie ainsi la qualité des posts à
leur quantité, évacuant ceux qui sont hors sujet, c’est-à-dire hors-charte ou bien dont la question
est traitée tellement souvent que le contributeur n’a manifestement pas lu le forum ou bien les
FAQ en rapport avant d’intervenir. Bien entendu, le rôle du modérateur est également celui de
censurer les messages illégaux. Si l’un ou l’autre cas survient, le modérateur ne les rendra pas
disponibles sur le serveur, et les effacera tout simplement, sans avoir à prévenir l’auteur. Par
exemple, une personne qui voudrait parler de son amour pour les bonsaïs sur
24
http://www.alea.net/usenet/folklore/global/
30
fr.rec.jeux.video.action n’aurait aucune chance de voir sa contribution s’afficher. La suppression
d’un message a posteriori par le modérateur est également possible, même si peu fréquente (Peu
de messages irréguliers passent le filtre a priori du modérateur) et ne faisant pas l’unanimité.
Fonctionnement
schématisé
MODERATEUR
Demande
d’approbation
Message
approuvé
Actualisation
SERVEUR
SERVEUR
Émission
Reception
USENAUTE
U
U
U
U
U
U
Section II : Les mécanismes de sanction.
Lorsque le message a pu passer entre les mailles du modérateur ou bien que le forum
n’est pas modéré, des messages irréguliers peuvent passer. Plusieurs réactions sont possibles, le
plonkage (§1), le contact du service d’abuse (§2) ou bien le signalement du contributeur auprès
d’une autorité légale (§3).
§1. La méthode unilatérale : Le plonkage.
53.
Plonker une personne, c’est l’envoyer dans son kill-file. Pour parler français, un utilisateur
des groupes de discussion peut signaler à son lecteur de news qu’il ne désire plus lire les
contributions de telle ou telle personne. Le lecteur placera le nom ou pseudonyme du contributeur
en question dans une liste qu’il gardera en mémoire, et n’affichera plus, à l’avenir, ses
contributions.
31
C’est une démarche totalement unilatérale et arbitraire. Unilatérale puisqu’elle ne
concerne que l’affichage chez celui qui décide. Cela n’affecte en rien la place du post du
contributeur sur le serveur et sa distribution aux autres utilisateurs. Arbitraire puisque le plonkage
peut se faire pour n’importe quelle raison, selon les principes et l’humeur de celui qui en décide.
Que l’auteur censuré le soit parce qu’il est régulièrement grossier, parce qu’il ne respecte pas les
chartes ou simplement parce que son nom ne revient pas à celui qui en décide, toutes les raisons
sont bonnes à partir du moment où elles relèvent du seul choix de la personne qui lit les
newsgroups. Par contre, dans des situations plus graves, comme des messages illicites, il y a des
moyens plus effectifs que le seul plonkage.
§2. La sollicitation de l’administrateur : L’abuse.
54.
Les intermédiaires sur Internet ont tous un service d’abuse, c’est-à-dire un interlocuteur à
contacter lorsqu’un de leur client commet une nuisance. Sur les newsgroups, c’est la même
chose : Lorsqu’un contributeur agit manifestement de façon irrégulière, contacter l’administrateur
de son serveur est une bonne chose à faire (Cela s’appelle « envoyer un abuse » pour parler
familièrement), en relevant l’adresse d’abuse dans l’en-tête de ses messages. Si le responsable du
service constate qu’il y a bien manquement à une règle, la Loi la plupart du temps, l’accès aux
groupes par le contributeur malveillant lui sera coupé. Comme le plus souvent, les personnes se
connectent aux forums grâce au serveur de news de leur Fournisseur d’Accès à Internet, c’est
littéralement leur contrat avec celui-ci qui est rompu. Mais comme nous l’affirmions plus haut
dans l’étude des chartes et de la Netiquette, il faut vraiment que l’infraction soit sérieuse pour que
cela se passe de cette façon. Jusqu’à récemment, la plupart des FAI allaient dans le sens d’une
plus grande tolérance – au mauvais sens du terme puisque des contributeurs qui se permettaient
par exemple d’être grossiers régulièrement n’étaient pas sanctionnés – en ne rompant pas
systématiquement leurs contrats d’accès. Maintenant que la Loi sur l’Économie Numérique a été
votée, qui impose plus d’attention de la part des intermédiaires sur les contenus, il serait normal
de voir plus de circonspection de leur part. L’avenir le dira.
55.
Bien entendu, contacter le service d’abuse peut déplaire à certains, par exemple, ceux qui
l’assimilent à une atteinte à la forme de liberté créée avec Internet, ou bien ceux qui craignent une
certaine culture de la dénonciation. Ce qui n’est pas totalement faux, surtout lorsque l’on voit des
utilisateurs recourir à ce procédé pour des raisons plus que fallacieuses, à la moindre phrase qui
leur paraît suspecte. Mais le procédé est tout de même indispensable aux newsgroups pour éviter
la prolifération des contenus illicites ou outranciers.
32
§3. Le signalement auprès d’une autorité légale.
56.
La réaction la plus poussée est évidemment de contacter une autorité légale, celle qui sera
la plus susceptible d’être concernée par le contenu illicite. Écrire une lettre ou un mail à la
Gendarmerie Nationale ou à la Police Nationale sont les réactions les plus logiques. Ces autorités
ont par ailleurs des interlocuteurs spécifiques à certaines infractions, comme les atteintes aux
mineurs. Lorsque c’est la victime qui agit, elle peut bien entendu suivre les démarches habituelles
en cas d’infraction, c’est-à-dire contacter le Procureur de la République du Tribunal de Grande
Instance dont elle relève, déposer plainte ou bien se constituer partie civile.
Le site www.pointdecontact.net est une véritable mine à renseignements pour qui veut
connaître les recours en cas d’infraction constatée sur Internet, et notamment sur les forums de
discussion, qui sont, il faut le rappeler, un terrain de libre expression qui peut donner lieu à un
certain désordre.
Titre III : Les newsgroups, un espace d’expression propice au désordre.
La liberté est comme Ourobouros, le serpent qui se mord la queue. C’est un cercle
vicieux sans fin. Si elle est ce à quoi tout le monde aspire, elle est aussi certainement ce qui nuit le
plus quand on la croit illimitée. Les newsgroups correspondent à cette logique : Si l’expression est
libre, elle est parfois trop largement utilisée, entraînant des excès. Les modes de création n’y sont
pas pour rien, la comparaison entre les groupes pondérés (Chapitre I) et ceux de la hiérarchie
alternative (Chapitre II) en étant le meilleur exemple.
Chapitre I : Les dérives des branches pondérées.
Si la procédure de création dans les branches classiques (Tout le Grand 8 sauf la
hiérarchie alt.) est stricte (Section I), elle n’empêche pas certaines dérives (Section II).
Section I : La procédure de création d’un newsgroup dans les hiérarchies pondérées.
57.
Usenet est une véritable démocratie participative : Une procédure de création bien rodée25
permet de faire se développer les thématiques grâce aux initiatives des utilisateurs. Plusieurs
25
http://www.usenet-fr.net/fur/usenet/creer-proprement-un-forum.html
33
étapes :
-
La personne qui souhaite créer un nouveau forum entame des discussions dans les
newsgroups à thèmes approchant pour jauger les opinions et déterminer ainsi l’opportunité de
cette création.
-
La deuxième étape est de trouver un nom à ce groupe, toujours en français (Dans
la hiérarchie fr.) même si le thème est étranger, puis de trouver la hiérarchie dans laquelle
l’intégrer.
-
Celui qui a l’initiative de la création doit ensuite rédiger une charte. La charte est,
comme nous le disions plus haut, le document de référence qui décrit le forum, son utilité, son
thème, ses objectifs, et qui définit ses limites (Par exemple, fr.rec.tv.programmes parle de tout ce
qui passe à la télévision, sauf les séries, les films de cinéma, les animations, qui ont déjà un espace
réservé, ce qui est précisé dans la charte). Il existe des modèles de chartes pour en faciliter la
rédaction.
-
Ensuite, cette charte est présentée dans fr.usenet.forums.evolution, consacré aux
discussions et aux annonces relatives au développement d’Usenet-fr, ainsi que dans les groupes
concernés par sa thématique, sous la forme d’un article dont le titre est balisé « AAD » (Appel à
discussion), afin de recueillir les opinions sur le sujet et sur la formulation de la charte. Il peut y
en avoir entre un et trois sur une période de trente jours, tout dépendra du moment où le consensus
sera atteint.
-
Puis vient le moment de l’ « AAV » (Appel à voter), lancé par un gestionnaire de
26
vote (Personne qui collecte les votes et vérifie leur validité, puis proclame les résultats) choisi
par le proposant à la création. La durée des votes est comprise entre 21 et 31 jours. Pour que la
création du forum soit acceptée, il faut 80 « oui » de plus de « non », et que ces « oui »
représentent au moins les trois quarts des votes.
-
La liste des personnes ayant voté, puis, par la suite, les résultats sont proclamés sur
les newsgroups à thème approchant, sur fr.usenet.forums.évolutions, et sur
fr.usenet.forums.annonces. Si le « oui » l’a emporté, les modérateurs de ce dernier forum vont,
passé un délai de contestation d’une semaine, adresser la demande de création à l’entité Control,
qui l’authentifie et prévient les administrateurs des serveurs de news de cette nouveauté.
La procédure est sensiblement la même pour la suppression d’un newsgroup.
Ce qui apparaît comme une procédure suffisamment rigide pour éviter des problèmes
26
Il est possible d’en trouver, par exemple, à l’UVV-FR (http://uvv-fr.news.eu.org/)
34
laisse passer pourtant des créations à intérêt incertain.
Section II : Le détournement des objectifs.
58.
Usenet est considéré depuis sa création comme un réseau d’échange ouvert et propice à
l’échange des opinions et des idées. Mais depuis 25 ans, les mentalités ont évolué, et surtout, la
masse des utilisateurs s’est considérablement étoffée - avec Internet qui s’est démocratisé en étant
accessible à un plus large public - et ne se limite plus aux seuls universitaires des débuts. Ce
phénomène amplifié par une oligarchie relative27 qui s’est mise en place autour de la création de
nouveaux newsgroups conduit à modérer les aspects positifs de cette communauté, avec des
créations de nouveaux forums à intérêts tout relatifs (§1) et la corruption de certaines thématiques
(§2).
§1. Des créations à pertinence variable.
59.
Lorsque l’on flâne dans la hiérarchie française d’Usenet, certaines appellations de
newsgroups peuvent étonner. « fr.misc.bavardages.dinosaures », « fr.rec.oracle » ou encore
« fr.soc.complots » sont quelques exemples parmi tant d’autres. Le premier est réservé aux
anciens du réseau, le deuxième est consacré à la supplique d’un « oracle » qui vaut surtout par la
façon dont il répond et le troisième est censé réunir toutes les théories possibles et imaginables sur
toutes formes de complots. Autant de groupes qui peuvent apparaître fallacieux ou même inutiles,
surtout lorsque l’on se rappelle les ambitions originelles des créateurs d’Usenet : La pédagogie et
l’entraide entre chercheurs.
Mais tout cela a évolué. Les newsgroups sont devenus un outil grand public. Toutes les
couches de la population peuvent s’y retrouver, ainsi que tous les âges. Une véritable communauté
s’est créée, au sein de laquelle les conflits verbaux sont fréquents. Le nombre de personnes a
entraîné le développement du nombre de sujets potentiels. Et si certains paraissent surprenants, ils
correspondent tout de même à l’attente de certaines personnes, puisque au moins 80 se sont
manifestées pour approuver des sujets en rapport (Dans la hiérarchie fr.).
60.
Des exutoires sont aussi devenus nécessaires, c’est-à-dire que des groupes ont été créés
afin gérer le trop-plein d’antagonismes. En cela, fr.misc.engueulades est vraiment représentatif.
Les personnes en mal de polémique peuvent s’y retrouver, même dans un genre relativement
grossier puisque les insultes des toutes sortes y sont tolérées. Soit que des discussions dans un
27
« La dérive des newsgroups », par Michel Lo
La Souris déchaînée, numéro 125, 23 août 2002
35
autre groupe aient dégénéré, et qu’elles aient été transférées dans celui-ci, soit qu’une personne en
mal de provocation vienne y lancer un fil, les sujets sont variés. L’existence de
fr.misc.engueulades peut surprendre d’un point de vue purement juridique. Que l’on puisse
agresser verbalement à tout va est-il possible sans qu’il y ait de recours ? Oui, si l’on y réfléchit
bien. De même que dans certains sports on sait qu’il y a un risque d’être blessé par quelqu’un
d’autre (Par exemple, le rugby), il est tout aussi logique de recevoir des insultes dans ce groupe.
Même si l’on n’a pas lu la charte, le nom parle de lui-même. Il ne faut pas non plus être extrême :
Si les piques y sont tolérées, les excès sont susceptibles d’être sanctionnés (Caractère
manifestement raciste des propos, cibles récurrentes…), d’autant plus qu’à la base, ce newsgroup
n’est censé servir qu’à recueillir le bruit et les coups de gueule d’autres forums28.
§2. La corruption des sujets.
61.
Contrairement au cas spécial précédemment cité, la plupart des groupes n’ont pas de
thématique trouble. Mais dans certains cas, l’utilisation peut tout de même dégénérer. Souvent, les
problèmes sont anticipés et les forums modérés. Par exemple, lorsque la thématique se rapporte
aux logiciels, les personnes qui proposent les chartes usent de prévention en proposant la
modération, le thème du piratage étant susceptible de revenir souvent.
Pourtant, l’idée que le sujet puisse dévier ne vient pas systématiquement à l’esprit des
créateurs. L’usage de la liberté d’expression sur Internet, lorsque l’identité du discoureur est
calfeutrée derrière son écran, est grandement facilité. Les opinions réelles se manifestent. Le
newsgroup fr.soc.politique en est un parfait exemple. Les propos racistes et antisémites y
prolifèrent depuis des années, les thèses révisionnistes y font également quelquefois leur
apparition. Des personnes y participant y ont même été condamnées pour cela29. Si ce groupe est
certainement le pire à ce niveau dans la hiérarchie francophone, il n’est pas le seul,
fr.soc.complots et fr.misc.actualités étant parfois le terrain de ce genre de pratique.
62.
C’est là que la procédure de vote oppose ses limites. Quand un nombre suffisant de
personnes ayant une même opinion se réunit, les conditions de création ou de suppression d’un
groupe peuvent être freinées. Ainsi, dans le cas de fr.soc.politique, jamais rien n’a pu être fait,
l’obligation d’avoir une majorité de oui, et 80 oui de plus que de non pour supprimer ou rendre
modéré le forum étant rendue impossible par le trop grand nombre d’usenautes réfractaires à cela
(Essentiellement les personnes posant justement problème). D’où l’idée de l’existence de
28
29
http://www.usenet-fr.net/fur/chartes/misc.engueulades.html
Tribunal de grande Instance de Paris, 26 mars 2002, Redoine T./Association MRAP, Isaac,
Legalis.net, 01/09/2002, n°259, pages 79-86
36
certaines oligarchies au sein même d’Usenet. Toutefois, les problèmes des hiérarchies pondérées
ne sont rien face à la branche alternative.
Chapitre II : La surexploitation d’une branche tendancieuse.
C’est en 1987 qu’est créée la branche alt. de Usenet, pour héberger les sujets alternatifs.
Des modes de créations spécifiques, facilités, lui ont été attribués (Section I), ce qui a entraîné la
multiplication de sujets illicites (Section II).
Section I : La procédure de création d’un newsgroup dans la hiérarchie alternative.
63.
Dans cette branche très controversée de Usenet, la procédure de création d’un newsgroup
est beaucoup plus simplifiée30 si on la compare à la précédente, ce qui facilite l’apparition de
sujets plus que marginaux.
-
La première étape est de trouver un nom au newsgroup, puis une sous-hiérarchie
de alt. dans lequel l’intégrer.
-
Ensuite, le créateur doit rédiger une charte dans laquelle il présente le sujet et les
objectifs du newsgroup souhaité. Cette charte n’a pas besoin d’être trop développée, dans tous les
cas pas autant que dans la procédure classique.
-
Puis cette charte doit être proposée dans le newsgroup alt.config. Si personne
n’aime le sujet, le proposant peut reformuler sa proposition. Mais il suffit qu’une personne
abonnée à ce newsgroup, s’y connaissant dans la procédure de création, soit d’accord pour qu’un
forum sur ce thème existe, pour que la procédure se poursuive. Il arrive souvent que les acceptants
potentiels se réservent une semaine de réflexion.
-
A partir du moment où le sujet est accepté, le créateur devra rédiger un nouveau
message, dit message de contrôle, revêtant une forme très particulière. Dans ce cas, mieux vaut
avoir un lecteur de news capable d’en rédiger un. Ce message sera posté sur alt.config. Sa forme
spécifique retiendra l’attention d’administrateurs de news, qui le retiendront dans leur liste de
groupes de discussion (Beaucoup le font de manière automatique). Envoyer le « control message
» plusieurs fois peut favoriser la prise en compte du newsgroup par un plus grand nombre
d’administrateurs.
Si la facilité de création renforcée par rapport aux branches classiques est un avantage
30
http://www.nylon.net/alt/newgroup.htm
37
certain, les inconvénients sont bien plus nombreux.
Section II : L’exploitation des facilités de création.
64.
Avec la hiérarchie alternative sont apparus un nouveau genre de newsgroups : Ceux qui
sont indubitablement illicites. Si dans la théorie, il faut passer par le filtre d’un accord éclairé d’un
membre de alt.config et être accepté par les administrateurs de serveurs de news, la réalité est bien
moins rigoureuse. A partir du moment où la charte est bien rédigée et où l’on mentionne que les
messages à caractère illicites ne seront pas les bienvenus, l’accord est quasi-automatique. Quant
aux administrateurs, ceux dont le serveur touche le plus grand nombre (C’est à dire ceux des
fournisseurs d’accès à Internet), ils sont légions à ne pas faire de réelle sélection, ou bien à se
laisser berner par les termes, encore une fois, de la charte.
Ce qui entraîne la prolifération de forums tels que « alt.necrophilia.uni », alt.zoophile.oral,
alt.porno.images ou encore alt.warez.consoles. Bienvenu dans le monde de l’immondice… Que ce
soit relatif à la pédophilie, à la glorification du nazisme ou bien à la publicité des téléchargements
illicites, tout existe. La conséquence directe de la large liberté de création est ainsi l’apparition en
surabondance de newsgroups à thème illicite.
65.
Cette problématique est accentuée par la possibilité de proposer des forums où l’on peut
envoyer des pièces jointes, dans la sous-hiérarchie « alt.binaries ». Photos, musiques, textes, tout
est possible. Si dans certains groupes des hiérarchies pondérées la pratique est possible, le défaut
de contrôle dans alt. accentue bien évidemment le problème.
Bien entendu, tous les forums de cette branche n’ont pas ce caractère illicite, mais ce sont
eux qui retiennent l’attention, et de loin. Et qui dit illicite, dit responsabilités à assumer.
38
DEUXIEME PARTIE : Les newsgroups, un macrocosme aux
responsabilités multiples.
L’ensemble des groupes de discussion constitue un véritable monde parallèle dans lequel
des personnes se trouvant aux quatre coins du monde peuvent échanger leurs idées. Il ne faut pas
pour autant le considérer comme idyllique, car tout comme dans le monde présentiel, le respect du
Droit n’y est pas systématique, bien au contraire. Il est en effet bien plus facile de constater des
infractions sur les newsgroups que dans le monde réel.
Appliquer un régime juridique qui permettra de débusquer le coupable et la victime est
une démarche fortement complexifiée dans ce domaine par la présence, autour de l’auteur du
message (Titre I), d’une véritable cohorte d’intermédiaires que la Loi peut potentiellement
désigner comme responsables (Titre II), au même titre ou bien à la place du commettant apparent.
Titre I : Le régime juridique de l’auteur de messages.
Le statut juridique du participant à un groupe de discussion peut être envisagé de deux
points de vue : En le considérant comme un délinquant (Chapitre II) ou bien comme une victime
(Chapitre I). Nous pourrions même préciser pour ce dernier point une victime qui s’ignore.
Pourquoi ? Parce que les utilisateurs des newsgroups n’ont bien souvent pas conscience qu’ils
sont la cible d’une infraction.
Chapitre I : L’usenaute, un acteur à protéger.
Les usenautes, les personnes qui participent aux newsgroups d’Usenet, et par extension
approximative à tous les newsgroups, sont autant des sujets de Droit sur ceux-ci que dans la vie.
Ils en ont pourtant très peu conscience. Trois domaines ressortent qui, s’ils sont bien définis, et
surtout, appliqués, permettront une meilleure protection juridique des contributeurs : Le droit
d’auteur (Section I), le droit à l’oubli (Section II) et le droit à l’anonymat (Section III).
Section I : Une protection au titre du droit d’auteur.
Si rendre applicable le droit d’auteur est un premier pas pour protéger les contributions
(§1), la prévention par leurs propres auteurs est également indispensable (§2).
39
§1. L’applicabilité du droit d’auteur.
66.
L’article L.111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle introduit la notion de droit
d’auteur : « L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création,
d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ». Ce droit de propriété
s’applique à toutes les « œuvres de l’esprit », sans tenir compte du genre, de la forme
d’expression, du mérite ou de la destination31. Il perdure jusqu’à 70 ans après la mort de l’auteur,
bénéficiant donc à ses ayant-droits.
Le critère majeur pour jouir de ce droit est l’originalité. C’est-à-dire que l’œuvre doit
être issue d’une activité propre à son auteur, qu’elle soit le miroir de sa personnalité, son
prolongement. Lorsque l'empreinte personnelle de celui-ci est décelable, c'est qu'il y a bien
originalité. Si les idées elles-mêmes ne sont pas protégées, c’est leur mise en forme, la façon dont
elles sont exprimées qui va compter. Cette notion comprend également l'exigence d'un apport à
l'existant, un angle d'approche différent, même sur un thème qui a déjà été abordé (Ce qui pose la
distinction avec le critère de nouveauté).
L’œuvre est protégée du seul fait qu’elle existe, il n’y a donc aucun besoin d’accomplir
une quelconque formalité. Effectuer un dépôt, ou bien appliquer sa signature ne sont pas des
conditions pour que l’auteur bénéficie de cette propriété incorporelle.
La protection est particulièrement large, notamment en matière d’écrits. Le droit d’auteur
s’applique ainsi à des textes de toute nature, comme les discours, les manuels d’utilisation, les
dictionnaires, les monographies, les sujets d’examen, grâce à une interprétation extensive de
l’article L.112-2 du Code de la Propriété Intellectuelle. Les articles de presse, de même que les
correspondances sont concernés, à la condition qu’ils ne soient pas constitués de données brutes.
67.
Ainsi, un article (Un "post") envoyé sur un newsgroup pourrait profiter de cette protection,
même s'il paraît léger, court ou vide de sens. C'est un texte et il ne fait aucun doute qu'il remplit le
critère de l'originalité: L'anonymat, très répandu sur les newsgroups, favorise la libre expression
des propos et des opinions. Bien entendu, certains échapperont à la protection, ceux constitués de
données basiques comme dit plus haut, de même que ceux qui ne sont que des copies d'articles
d'actualité, phénomène très courant sur les groupes de discussion.
L'utilisation d'une contribution qui correspond aux critères exigés devra donc être
préalablement soumise à l'autorisation de l’auteur, sous peine de constitution du délit de
contrefaçon32.
31
32
Article L.112-1 du Code de la Propriété Intellectuelle
Article L.122-4 du Code de la Propriété Intellectuelle
40
68.
Quelques exceptions peuvent être notées quant au statut unique de l’auteur. Nous le
disions plus haut, il existe par exemple sur Niouzenet des forums dont le but est de rédiger des
fictions collectives. Des fictions qui sont donc écrites à plusieurs mains. Rappelons que dans le
cas du réseau Niouzenet, il existe un acteur que ne connaît pas Usenet, l’animateur. Il est censé
diriger les débats, et dans ce cas précis, donner une direction à l’œuvre. La plupart du temps, les
chartes ne précisent pas à qui les droits d’auteur seront dévolus. Le seront-ils à tous les
contributeurs, selon le principe de l’œuvre de collaboration, ou bien seulement à l’animateur,
selon un autre principe, celui de l’œuvre collective ? Si l’animateur est l’instigateur de l’œuvre, il
s’agit d’une œuvre collective, et les droits reviendront à celui-ci (Et perdureront jusqu’à 70 ans
après sa mort). Chaque auteur conserve le droit d’exploiter sa partie d’œuvre, qui est en ellemême une œuvre, à condition de ne pas porter atteinte à l’œuvre collective. Si l’animateur n’est
pas l’instigateur de l’œuvre, mais « juste » le coordinateur (Par exemple dans les cas où le
newsgroup n’a pas été crée avec un objectif précis, mais non-défini précisément et/ou pluriel), les
droits reviennent à chaque coauteur, animateur comme contributeurs. Il faudra donc obtenir
l’accord de chacun pour pouvoir exploiter la création (La protection faisant effet jusqu’à 70 ans
après la mort du dernier coauteur).
La même distinction entre instigateur et coordinateur de l’œuvre est applicable à des
forums qui n’ont pas d’animateur, l’instigateur étant celui qui lance l’idée et dirige les opérations,
le coordinateur ne pouvant lui revendiquer plus de droits que ceux des coauteurs.
Dans le cas des fan-fictions, les droits d’exploitation de l’œuvre sont bien entendu
soumis à l’autorisation du ou des auteurs du support original dont elle est l’extension.
Il serait judicieux de rappeler les mécanismes de dévolution du droit d’auteur dans les
chartes des groupes proposant une rédaction à plusieurs main, afin de prévenir tout conflit
ultérieur.
69.
Deux types d’actions judiciaires sont possibles quand une contrefaçon est constatée :
L’action civile, l’auteur (Du texte) devant prouver qu’il a subi un dommage afin de toucher des
dommages et intérêts, et l’action pénale, l’auteur (De l’infraction cette fois-ci) risquant également
de devoir payer des dommages et intérêts mais aussi une amende et une peine d’emprisonnement
(Jusqu’à 300000 euros d’amende et trois ans de prison depuis la loi du 9 Mars 2004 dite Perben
II33). Si les droits sont cédés, une exploitation ultérieure est possible, l’exploitant devant toutefois
vérifier que le texte objet de la cession ne soit pas lui même une contrefaçon34.
33
34
Article L.335-2 du Code de la Propriété Intellectuelle
"Du bon usage d'un forum de discussion", par Guillaume Desgens-Pasanau
Expertises des Systèmes d'Information, 04/2001, n°247, pages 136-138
41
70.
Sur le Web, des sites se sont fait une spécialité de sélectionner manuellement des articles
pour les présenter, sans que nécessairement les posteurs en soient prévenus35. Plus largement, des
sites comme Google archivent toutes les contributions envoyées sur Usenet C’est une pratique
abusive, et au simple titre du droit d’auteur, les messages doivent-être retirés à la demande du ou
des ayant-droits. L’article L.332-1 4° du Code de la Propriété Intellectuelle, apporté par l’article 8
de la Loi sur l’Economie numérique, va dans ce sens, puisqu’il donne la possibilité au juge, par
ordonnance, de suspendre tout contenu portant atteinte au droit d’auteur
Si juridiquement, il existe des moyens de protéger ses écrits, il existe également certaines
techniques qui permettent de se prémunir.
§2. L’apprentissage de bons réflexes de prévention.
Techniquement, que faire pour garder prise sur les contributions publiées dans les
newsgroups ?
71.
En bon juriste, nous pourrions conseiller à toute personne qui envoie un message sur les
forums et qui souhaite faire œuvre de prévention de créer une signature à destination de tout
contrefacteur éventuel. Quelque chose comme « Cet écrit est la propriété absolue de son auteur,
son utilisation est soumise à une autorisation de sa part, selon les dispositions du Code de la
Propriété Intellectuelle ». Bien qu’il y ait des chances que ce procédé soit efficace pour éviter les
risques, c’est une solution qui serait susceptible de passer pour ridicule dans le monde des
newsgroups, son auteur passant alors pour un procédurier à la petite semaine.
72.
Il existe une solution plus technique, et qui si elle ne revêt pas la même efficacité que la
précédente, a au moins le mérite d’être en adéquation avec le monde des groupes de discussion :
le X-No Archive. Cette fonctionnalité, qui a déjà été abordée plus haut, permet de refuser
préalablement à l’envoie du message qu’il soit archivé par les sites spécialisés. Ainsi, l’auteur
garde un certain contrôle sur son « œuvre », sur des écrits qui ne resteront pas indéfiniment dans
les limbes d’Internet.
Cela lui laisse ainsi la garantie que des propos formulés il y a des mois, voire des années,
ne soient pas détournés à des fins autres que celles souhaitées par lui-même. Un désir de ne pas
laisser de traces durables qu’il pourrait être nécessaire de qualifier juridiquement.
35
http://www.usenet-fr.net/fur/usenet/libertes.html
42
Section II : Une protection au titre d’un droit à l’oubli.
Que ce soit pour retrouver une ancienne contribution que l’on a écrite ou lu, pour
vérifier si la question que l’on s’apprête à poser ne l’a pas déjà été ou bien par simple curiosité, ya-t-il une légitimité aux démarches d’archivage ? Existe-t-il un droit pour l’auteur des
contributions à ce qu’on ne puisse plus les lire au-delà de la durée de conservation sur le serveur
de news (§1) ? Ou bien le fait de mettre le message à disposition du public implique-t-il
d’assumer à jamais ce qu’on y a dit ? Existe-t-il des techniques de prévention pour se
prémunir (§2) ?
§1. Les fondements juridiques de l’habeas data.
73.
« Avant l’informatisation de nos sociétés, l’oubli était une contrainte de la mémoire
humaine et […], depuis le développement de l’informatique, il ne peut résulter que d’un acte de
volonté »36. Telle est la constatation exprimée par la CNIL (Commission Nationale de
l’Informatique et des Libertés). La question du droit à faire oublier nos actes ou nos paroles s’est
ainsi fortement amplifiée avec l’informatique, d’autant plus à l’heure de l’Internet. L’Internet qui
est réputé pouvoir se souvenir de tout.
74.
L’habeas data évoque l’idée d’avoir un droit sur les données personnelles dont nous
sommes les titulaires. Ce droit est consacré en France par la loi du 6 Janvier 1978 relative à
l’informatique, aux fichiers et aux libertés, et plus largement par l’Union Européenne grâce à la
directive du 24 Octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du
traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (Dont la
transposition s’est faite par la réforme de la loi de 1978 le 6 août 2004). Les données personnelles
sont les informations qui nous identifient ou nous rendent identifiables (Article 2 alinéa 2), et leur
traitement est soumis à un régime très strict.
L’enregistrement seul suffit à constituer un traitement, selon la directive (Article 2 alinéa
3 de la loi de 1978). Le traitement est d’autant plus marqué dans le cas des archives d’Usenet que
les articles sont classés dans ces bases de données et exploitables par un moteur de recherche.
75.
Parmi les renseignements sur l’auteur enregistrés par les archiveurs, en dehors même du
contenu du message, il y a l’identité sous laquelle il poste. Cela peut-être un pseudo, mais cela
peut très bien être également sa véritable identité (Que la démarche soit volontaire ou non de sa
part) ou même, comme nous l’avons vu plus haut, celle d’un tiers. L’application du statut de
36
Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, 17ème rapport d’activité - Année 1996
La Documentation française, page 127
43
donnée nominative ne fait ici aucun doute. L’adresse courriel est également enregistrée, qui rend
potentiellement identifiable l’auteur. Donc encore une donnée nominative. Sur le contenu même
du message, aucun tri n’est fait par l’archiveur. Ainsi, si le contributeur vient à révéler certaines
informations qui lui sont propres, elles seront archivées.
76.
Les droit conférés par les deux textes sont strictement personnels, et nulle personne en
dehors ne l’auteur lui-même ne peut agir (Excepté le cas où c’est un mineur qui est concerné).
En l’occurrence, les titulaires de ces droits peuvent exiger de savoir si des informations les
concernant sont traitées37 (Nul besoin de demander dans le cas des archives, ils peuvent le
constater par eux-mêmes). Dans le cadre de ce droit d’information, il incombe au responsable
d’informer les titulaires de toute transmission des données à l’étranger. Le problème est réel dans
le cadre d’Internet, les archives étant accessibles partout dans le monde. Pourtant, cette obligation
d’informer n’est pas remplie. Inutile même de penser à l’opt-in, système qui veut que l’on
demande l’autorisation du titulaire avant même le traitement, il est irréaliste en matière de
newsgroups, en tout cas du point de vue des archiveurs. Pourtant, demander cette autorisation au
moment de l’envoi du message, pour savoir s’il peut être archivé permettrait à Google et consorts
d’être en phase avec les ambitions de la CNIL et le texte de la directive de 199538.
Si le droit d’accès39 aux données traitées est respecté du fait même de la mise à disposition
des archives, celui de rectification40 est balayé par les contraintes techniques (Pas assez de
personnel, pas assez de temps) et la simple possibilité qui est offerte est celle de faire appliquer
par le titulaire des données son droit d’opposition à ce qu’elles soient traitées41. Il est ainsi
possible, sur simple requête auprès de l’archiveur, d’exiger que les messages enregistrés dans la
base de données en soient retirés, après avoir effectué une demande formalisée. Le système de
l’opt-out (Accord du titulaire a posteriori) est ainsi appliqué. Ce qui est peut-être une bonne chose,
mais n’est pas encore suffisant lorsque l’on constate le nombre de droits atteints.
77.
C’est surtout le droit à l’oubli, édicté par l’article 6, 5° de la loi de 1978, qui subit la plus
forte atteinte. Selon celui-ci « Elles sont conservées sous une forme permettant l'identification
des personnes concernées pendant une durée qui n'excède pas la durée nécessaire aux finalités
pour lesquelles elles sont collectées et traitées». Le principe de finalité est ainsi posé : Les
données ne peuvent être gardées que le temps nécessaire à l’objet du traitement. Or, l’objet de
l’archivage des messages est bien d’offrir une base de données exhaustive temporellement, ce qui
37
Article 39-I 1° de la loi du 6 janvier 1978
Article 7 de la Directive du 24 octobre 1995 et article 7 de la loi du 6 janvier 1978
39
Article 39-I 4° de la loi du 6 janvier 1978
40
Article 40 de la loi du 6 janvier 1978
41
Article 38 de la loi du 6 janvier 1978
38
44
lui donnerait une légitimité illimitée dans le temps ! Google propose déjà les messages postés sur
Usenet depuis 1981, et ceux d’Usenet-fr depuis sa création, en 1993 !
Le droit à l’oubli est parfois aménagé pour des raisons de sécurité. Par exemple, les
opérateurs de télécommunications, pour des raisons de facturation et de paiement des prestations,
peuvent conserver les données jusqu’à la fin de la période au cours de laquelle la facture peut-être
légalement contestée. Mais en aucun cas l’archivage des « posts » n’est justifié par une obligation
de sécurité.
Les archiveurs pourraient revendiquer l’intérêt historique42 pour la conservation des
contributions. Mais même si celui d’Usenet est certainement non-négligeable, sa conservation n’a
certainement pas la même portée que le droit de la protection des données personnelles, et surtout
le droit à l’oubli, qui est fortement affecté par cette pratique de l’archivage sauvage, n’ayons pas
peur des mots.
78.
Même les données les plus sensibles sont affectées. Il n’est ainsi pas rare que des
personnes se livrent dans le cadre des newsgroups, et formulent des idées très personnelles ou
bien exposent leur appartenance socioculturelle. L’article 8-I de la loi de 1978 renforce la
protection en ce qui concerne cette catégorie de données : Les opinions politiques, religieuses,
syndicales, l’ethnie… Or, rien de particulier n’est fait par les archiveurs pour les protéger plus que
les autres. Que ce soit les messages postés, par exemple, sur fr.soc.politique, ou bien sur
fr.soc.religion, de même que, tout simplement, ceux qui contiennent des données sensibles et qui
peuvent être postés sur n’importe quel forum, aucune autorisation n’est demandée. La loi impose
un accord préalable de la part du titulaire des données, et ce n’est jamais fait en matière de
newsgroups. Bien entendu, la personne qui poste publiquement des indications sur ses opinions ou
son statut doit l’assumer, mais doit-elle l’assumer éternellement, ou, en exagérant moins, pendant
plusieurs années ?
La même loi, dans son article 34, impose que des mesures de sécurité soient prises pour
protéger les données personnelles. L’accès a toute personne ayant une connexion Internet à cette
base de données ne respecte en rien cette obligation.
79.
A noter qu’une personne qui s’amuserait à citer entièrement dans son propre post le
contenu d’une contribution précédente, balisée en X-No-Archive, dans le but d’archiver les
informations qu’il contient, pourrait être poursuivi pour collecte déloyale. Bien entendu,
l’intention coupable devra être prouvée, les participants citant l’intégralité des messages
précédents sans volonté malveillante étant légion.
42
Article 6, 2° de la loi du 6 janvier 1978
45
80.
De nombreuses sanctions pénales sont prévues dans les cas d’atteinte aux données
personnelles, même si elles ne sont que très rarement appliquées (La perpétuation de l’activité
d’archivage en étant un exemple flagrant). Cinq ans d’emprisonnement et 300000 euros d’amende
encourus si les formalités préalables au traitement ne sont pas mises en place43, si l’obligation
d’assurer la sécurité des données n’a pas été respectée44 ou bien si l’article 8-I de la loi de 1978 a
été violé, c’est-à-dire si des données sensibles ont été traitées sans autorisation préalable45.
La protection des archives instaurée par la loi du 3 Janvier 1979 est à exclure ici puisque
les messages archivés sont rendus public, d’une part lors de leur envoi par l’auteur sur le
newsgroup, d’autre part par l’archiveur qui les met en libre accès via son moteur de recherche (La
volonté de protéger la confidentialité des archives n’ayant aucun sens si elle était soulevé). Par
ailleurs, la « récolte » étant effectuée sans autorisation, les droits de l’archiveur sur ces
contributions sont inexistants.
§2. Les comportements à observer pour éviter l’archivage.
81.
Afin de ne pas être archivé sur des sites comme Google ou Alphanet, il y a un reflexe
élémentaire à respecter : L’en-tête X-No-Archive. Elle indique à l’archiveur que l’auteur ne
souhaite pas que son message soit traité et enregistré. La plupart des logiciels de lecture de
newsgroups permettent de la spécifier, et si ce n’est pas le cas, il est toujours possible d’indiquer
"X-No-Archive: Yes" sur la première ligne du message46.
Le problème, c’est que cette technique, aussi efficace soit-elle, n’est pas connue par la
large majorité des nouveaux contributeurs, ce qui ne permet pas de respecter le principe de l’optin, le consentement préalable, fortement souhaitable si l’on veut éviter le traitement
d’informations sensibles, et même limiter celui abusif de données personnelles. Bien entendu, il
existe des Foires aux Questions pour informer les nouveaux utilisateurs de tout ce qui touche à
Usenet, et notamment la présence des archiveurs, mais il faut être réaliste : La quasi-totalité ne
vont pas les consulter, la quasi-totalité n’apprennent le traitement de leurs posts que par
l’intermédiaire du newsgroup lui-même, des mois ou même des années après.
82.
Les archives sont très pratiques lorsqu’il s’agit de (re)trouver des articles susceptibles
d’intéresser le chercheur. Mais cela se fait d’une façon tellement irrégulière que l’intérêt en est
affecté. Et l’affectation d’une publicité ciblée en fonction des critères de recherche dans cette base
43
Article 226-16 du Code Pénal
Article 226-17 du Code Pénal
45
Article 226-19 du Code Pénal
46
http://www.usenet-fr.net/fur/usenet/libertes.html
44
46
de données (Chez Google) n’est pas près de faire disparaître ce sentiment. La volonté de ne pas
voir des données personnelles traitées peut trouver son écho dans l’anonymisation des messages.
Section III : Une protection au titre du droit à l’anonymat.
Avec la mercantilisation de toutes les informations qui circulent sur Internet, et même de
données personnelles, la revendication d’un véritable droit à l’anonymat (§1) est apparue, qui
trouve de nombreuses applications techniques (§2).
§1. Fondements juridiques du droit à l’anonymat.
83.
De nombreux utilisateurs d’Internet revendiquent le droit à pouvoir se rendre anonymes.
Masquer son identité permet, pour certains, de laisser libre cours à leur liberté d’expression. Bien
entendu, en France, le principe fondamental qu’est la liberté d’expression n’est pas limité à moins
de constituer un abus. D’autres raisons à l’anonymat apparaissent sur les newsgroups. Certains
craignent de voir leur véritable identité utilisée à mauvais escient, en dehors même des collectes
dont nous parlions précédemment. Par exemple, un contributeur frustré qui n’aurait pas apprécié
une polémique qu’il aurait eue avec un autre participant, et qui utiliserait son identité pour lui
jouer un mauvais tour. Ce n’est même pas une théorie, c’est un phénomène qui a déjà été constaté.
D’autres, n’assumant pas leurs idées, préfèrent recourir à l’anonymat pour les formuler
(L’exemple de fr.soc.politique est flagrant). L’utilisation d’un masque devient ici un corollaire de
la liberté d’expression47. Même si nombreux sont les courants doctrinaux qui affirment que celleci implique la véritable identité (Puisque nul ne devrait être inquiété pour ses opinions), les
revendications sur Internet, et notamment sur les newsgroups, ne vont pas dans ce sens.
Si l’usage d’un pseudonyme n’est pas interdit par la Loi, il est même évoqué par elle48.
En effet, le décret du 30 mars 2001 parle, dans ses articles 5 f) et 6, de la possibilité d’utiliser des
pseudonymes en ce qui concerne la signature électronique.
Le pseudonymat est aussi une forme d’aboutissement de la protection de la vie privée49
(Article 9 du Code Civil). Le professeur Jacques Pradel définit par exemple le droit à l’anonymat
comme « le pouvoir d’interdire à des tiers d’avoir accès à sa vie personnelle, afin d’en préserver
l’anonymat, le droit pour l’individu de passer inaperçu ». C’est ce qui ressort de l’utilisation des
47
Article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, article 10 de la Convention
Européenne des Droits de l’Homme du 4 novembre 1950…
48
http://www.journaldunet.com/juridique/juridique040309.shtml
49
« Les anonymiseurs » par Sarita Féliot et Achille Djouomo
http://www.erid.univ-montp1.fr/
47
groupes de discussion, puisque la majorité des contributeurs ont opté pour cette solution, qui peut
découler aussi d’un désir de protéger ses données personnelles. Le fléau qu’est le spam, très
répandu sur les newsgroups (Dont la structure technique facilite l’aspiration d’adresse e-mail)
peut inciter à aller dans ce sens. Mais des conditions sont à remplir.
§2. Les procédés pour devenir anonyme sur les newsgroups.
84.
Le premier réflexe à avoir si l’on veut être anonyme, c’est bien sûr d’utiliser un
pseudonyme et de falsifier son adresse courriel. Modifiable à volonté grâce à un lecteur de news,
le surnom ne l’est pas si l’on accède aux newsgroups par un site. Dans ce cas, c’est un compte/un
pseudonyme.
Si ce n’est pas seulement son identité que l’on veut protéger, mais bien toutes ses
données personnelles, il y a deux attitudes à respecter. La première est bien évidemment de ne pas
en dévoiler dans les messages que l’on écrit. La deuxième est l’utilisation d’un anonymiseur.
C’est un serveur qui permet de rendre anonyme l’auteur d’un article, masquant à la fois son
identité mais aussi les autres informations le concernant (Accessibles par les en-têtes des
contributions), comme son adresse IP, la ville où il habite, son fournisseur d’accès, son lecteur de
news… Concrètement intéressant pour qui veut porter un masque sur les newsgroups, il est
surtout un formidable outil pour qui veut commettre une infraction en toute impunité. Cette
solution est limitée d’une certaine façon, l’identité de l’auteur se retrouvant dans les archives
(Fichiers log) de l’anonymiseur, que l’administrateur pourrait être obligé de communiquer en cas
d’injonction de justice. Un contributeur honnête n’aurait rien à craindre de ce point de vue, à
moins d’utiliser un anonymiseur aux gestionnaires eux-mêmes malhonnêtes. Dans le cas où ce
serait l’auteur lui même qui commettrait une infraction, il aurait à faire face à ses responsabilités.
Chapitre II : L’usenaute, un acteur à limiter.
Beaucoup affirment qu’il est bien plus facile de constater la commission d’infraction sur
Internet que dans le monde présentiel. Les newsgroups ne font pas exception à cette idée. L’auteur
de messages que l’on veut protéger est aussi potentiellement un commettant. Nous rappellerons
d’abord quel régime juridique lui est applicable (Section préliminaire) avant d’exposer le type
d’infraction que l’on peut le plus fréquemment rencontrer sur les forums de discussion en général
(Section I) et sur les newsgroups en particulier (Section II).
48
Section préliminaire : Le contributeur face à ses responsabilités.
Le contributeur peut voir sa responsabilité engagée au titre du droit commun (§1) mais
aussi au titre du droit de la presse (§2).
§1. Le contributeur face au droit commun.
85.
La responsabilité de l’auteur du message illicite, sous réserve qu’il soit identifié, peut être
envisagée du point de vue civil mais aussi pénal.
A partir du moment où le contenu du post cause un préjudice à quelqu’un, qu’il constitue
une faute de son auteur et qu’il y a un lien de causalité entre les deux, l’article 1382 du Code Civil
est applicable, qui oblige de ce fait l’auteur à réparer le dommage porté. C’est à la victime
d’apporter la preuve du dommage.
Si l’auteur commet une infraction pénalement sanctionnable, sa responsabilité peut
également être engagée. Par exemple une personne qui donne des indications pour télécharger
sans droit des logiciels peut être poursuivie pour le délit de contrefaçon50 (En tant que complice,
ici, puisqu’il y a instructions, selon l’article 121-7 du Code Pénal). Ainsi, selon l’article 113-2
alinéa 1 du Code Pénal, la loi française s’applique dès lors qu’un des faits constitutifs d’une
infraction a lieu sur le territoire de la république51. Un message délictueux disponible sur le réseau
Internet, disponible en France, peut donc voir la loi pénale le sanctionner, selon un rapport du
Conseil d’Etat52 et selon la jurisprudence Yahoo qui constate que la simple visualisation sur écran
dans le territoire français suffit53.
86.
Si le rôle de l’usenaute non-contributeur, c’est-à-dire celui qui lit sans participer, ne sera
pas plus développé ici, rappelons tout de même que son rôle n’est pas complètement passif. En
effet, comme le rappel le Forum des Droits sur l’Internet, celui-ci peut se mettre en position de
receleur d’objet ou d’information illicite s’il stocke des messages illégaux, notamment ceux
contenant une pièce jointe (Image relevant de la pornographie infantile, musique piratée…), le
faisant ainsi relever du droit commun.54
50
Article L.122-4 du Code de la Propriété intellectuelle
«Droit de l'Informatique et de l’Internet », par André Lucas, Jean Devèze et Jean Frayssinet
Page 732, PUF, 2001
52
« Internet et les réseaux numériques »
La Documentation française, 1998, p.171
53
Tribunal de Grande Instance de Paris (Ordonnance de référé), 22 mai 2000, Association « Union des étudiants
juifs de France/Yahoo, Legalis.net, 2001, N° 1, p.127
54
http://www.foruminternet.org/telechargement/documents/reco-forums-20030708.pdf
51
49
87.
Un point qu’il est également important de préciser : Si un contributeur ne fait que donner
un lien hypertexte vers un contenu illicite dans son message, sa responsabilité de droit commun
peut également être engagée. En effet, le lien n’est pas qu’une simple référence puisqu’il permet
d’accéder directement au document cible55. Si l’infraction est commise volontairement, sa
responsabilité pénale pourra être engagée. Si ce n’est pas le cas, seules la faute et/ou la négligence
pourront être reconnues, selon les articles 1382 et 1383 du Code Civil.
L’auteur peut voir sa responsabilité engagée en fonction d’un autre fondement : Celui du
droit de la presse.
§2. L’auteur face au droit de la presse.
88.
Comme nous l’expliquions plus haut (cf point 23), les infractions définies par la loi de
1881 peuvent être commises sur les newsgroups, le critère de publicité imposé par l’article 23
étant rempli.
En ce qui concerne les infractions de presse, la procédure civile est beaucoup plus
contraignante depuis un arrêt de la Cour de Cassation du 12 juillet 200056, puisqu’il affirme que
les abus de la liberté d’expression ne peuvent plus être réparés sur le fondement de l’article 1382
du Code Civil. Les délais de prescription et les compétences rationae loci sont donc conditionnées
aux règles posées par le droit de la presse. Celui-ci étant un droit pénal spécial, c’est de ce côté
qu’il faut se pencher.
La loi de 1881, dont les dispositions sont adaptées par la LEN dans son article 6-V pour le
cas qui nous intéresse, a institué un régime de responsabilité en cascade57 ciblant en premier lieu
le directeur de publication (La loi souhaitant protéger les justiciables en offrant un interlocuteur
unique et identifiable). L’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication
audiovisuelle (Mais applicable également aux services de communication en ligne, comme nous
l’avons vu plus haut, cf point 26), modernise ce système et précise que pour que la responsabilité
du directeur de publication soit engagée, il doit y avoir eu fixation préalable du message avant la
communication au public.
Si ce n’est pas le cas, l’auteur est désigné responsable, ne venant donc qu’en deuxième
position. Il peut ainsi engager sa responsabilité en tant qu’auteur principal d’une infraction de
55
http://www.foruminternet.org/telechargement/documents/reco-hyli-20030303.pdf
Cour de Cassation, Assemblée Plénière, 12 Juillet 2000, Collard/Société d’éditions Le Quotidien,
Numéro Juris Data 2000-002951
57
Article 42 de la loi du 29 juillet 1881
56
50
presse (Voir par exemple un jugement de mars 2002 condamnant l’auteur de messages racistes et
révisionnistes sur les newsgroups fr.soc.complots, fr.soc.politique et fr.soc.histoire).
L’article 93-3 ne l’écarte pas pour autant en cas de mise en cause du directeur de
publication, le statut de complice étant alors retenu.
En émettant un message à contenu illicite, il y a peu de chance que l’auteur puisse
échapper à l’engagement de sa responsabilité, tant du point de vue du droit commun que du droit
de la presse.
Voyons maintenant plus concrètement ce que sont les infractions que l’on est le plus
susceptible de rencontrer sur les forums.
Section I : Une délinquance commune aux forums de discussion.
La présente section a pour but d’illustrer les violations de la Loi que l’on rencontre le plus
souvent sur les forums accessibles par Internet (Newsgroups comme forums-web). Les atteintes à
la propriété intellectuelle (§2) et les atteintes aux personnes (§1) seront ainsi distinguées.
§1. Des atteintes aux personnes communes aux forums.
89.
Ce sont plus particulièrement les coups portés aux droits de la personnalité qui nous
intéressent ici. Les droits de la personnalité sont les droits subjectifs spécifiquement liés à la
personne58. L’atteinte seule suffit à ouvrir l’action en justice, le caractère de droit subjectif
dispensant la victime de rapporter la preuve de la faute. Seuls ceux dépassant les limites posées à
la liberté d’information concernent le thème des forums, à savoir le droit à la l’honneur, à la
dignité, à la vie privée ou encore à l’image.
90.
Que ce soit sur les forums-web ou sur les newsgroups, les infractions les plus répandues,
et de loin, sont celles relevant du droit pénal spécial de la presse. Le terme est cohérent avec les
newsgroups puisque, encore une fois, la LEN rend applicables ces infractions aux services de
communication au public en ligne. Elles sont définies au chapitre IV de la loi de 1881.
La diffamation, l’imputation d’un fait précis en public portant atteinte à l’honneur d’une
ou plusieurs personnes59, est ainsi assez répandue sur les forums. Une personne a par exemple été
58
« Le droit du traitement de l’information », par Michel Bibent
ADBS, Nathan Université, Collection 128, page 32
59
Article 29, premier alinéa, de la loi du 29 juillet 1881
51
condamnée pour diffamation publique envers un groupe de personnes60, le contenu des messages
contenant l’imputation de faits contraires à l’honneur en présentant les victimes, en l’occurrence
les membres de la communauté juive comme vivant de l’argent de la pornographie, de la drogue
ou d’escroqueries.
L’injure est certainement LA reine des infractions sur les forums. C’est une expression
outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait61. Certains se
sont fait une spécialité d’insulter autrui. Mais comme souvent dans le monde présentiel, il y a peu
de saisine de la justice, les gens passant outre et les véritables excès étant assez rares.
91.
Les atteintes relevées sur les forums ne relèvent pas uniquement du droit de la presse,
même si elles sont les plus nombreuses. Des atteintes à la vie privée peuvent potentiellement
survenir par exemple, compte tenu de la facilité d’expression qui règne sur Internet. Que ce soit au
niveau civil ou au niveau pénal, elles sont sévèrement sanctionnées (Article 9 du Code Civil et
article 226-1 du Code Pénal). Ainsi une personne qui s’amuserait à publier le nom et l’adresse
d’un tiers sur un forum, que ce soit avec une intention malveillante ou non est passible de 45000
euros d’amende.
Si l’idée de l’atteinte au droit à l’image ne vient pas tout de suite à l’esprit lorsque l’on
parle de forums de discussion, c’est pourtant une infraction fréquemment commise. Par exemple,
si un contributeur renvoie, via un lien hypertexte, vers un site où apparaît la photo d’une
personnalité photographiée à son insu, ou qu’il la joint directement à son message, sa
responsabilité civile peut-être engagée. En effet, le droit à ce que son image ne soit pas reproduite
sans son accord est une création jurisprudentielle issue de l’interprétation de l’article 9 du Code
Civil. Les tribunaux se montrent particulièrement stricts en la matière, Internet ne faisant pas
exception à la règle. Ainsi, un étudiant qui, pour se venger d’une ex petite amie, avait publié sur le
réseau des photos à caractère pornographique de celle-ci, a été condamné en vertu de l’article 22619 du Code Pénal relatif au traitement (Ici, la conservation en mémoire) d’informations
nominatives. Ce qui montre que l’arsenal juridique est vaste, passant du droit civil au droit pénal.
Les infractions contre les droits de la personnalité ne constituent qu’une partie de celles
qui sont constatées sur les forums de discussion.
60
61
Tribunal de grande Instance de Paris, 26 mars 2002, Redoine T./Association MRAP, Isaac
Article 29, deuxième alinéa, de la loi du 29 juillet 1881
52
§2. Des atteintes à la propriété intellectuelle communes aux forums.
92.
Le droit de la Propriété Intellectuelle est fortement mis à mal sur Internet, et les forums
n’y font pas exception.
Ainsi, le droit d’auteur en premier lieu y est malmené. Au niveau des écrits, il arrive bien
souvent que des contributeurs, voulant laisser paraître un talent qu’elles n’ont pas, fasse des
copier/coller de textes qu’ils n’ont pas écrits. Par exemple, dans des forums d’écriture collective,
certains ne font que recopier des poèmes qu’ils ont trouvés sur des sites publiant des palmarès de
poésie. Ou bien d’autres s’ingénient à émettre des communiqués ou des articles de presse sous
leur nom, passant pour spécialistes à la plume adroite. Cela constitue bien évidemment une
contrefaçon, selon l’article L.122-4 du Code de la Propriété Intellectuelle.
De même, lorsque l’intervention est dénuée d’intentions malveillantes, certains problèmes
peuvent se poser. Ainsi, une personne qui posterait l’extrait d’un livre pourrait avoir des ennuis, le
statut juridique de la citation étant extrêmement sulfureux. Dans le cas où le caractère de brièveté
ne serait pas respecté, car imposé par l’article L-122-5 du CPI, le délit de contrefaçon pourrait être
retenu, même en cas de citation du nom de l’auteur. Les résumés sont également dans le même
cas : Ils peuvent être parfois considérés comme une œuvre dérivée impliquant une autorisation
préalable de l’auteur62 avant sa publication (Ici, l’envoi sur le forum).
Avec Internet s’est développé un phénomène, latent dans la réalité, celui du « caftage ».
Plus connu sous le nom de « spoiler » (De l’anglais to spoile, gâcher), il consiste à dévoiler, avec
une intention malveillante ou non, la fin d’une œuvre (Livre, bande-dessinée, film, épisode de
série télévisée…). Par exemple, lors de la sortie du film « Vidocq » en 2001, des individus
s’étaient amusés à écrire le nom de l’assassin du personnage principal (Dévoilé à la fin du film)
sur les affiches promotionnelles. Les forums de cinéma, de télévision ou de littérature voient des
spoilers du même goût être publiés quasiment tous les jours. L’habitude venant, les messages en
contenant sont balisés par leurs auteurs afin de laisser le choix de la lecture aux utilisateurs, sauf
bien sûr lorsque le but est de gâcher la découverte de l’œuvre. Les caftages constituent une
atteinte au droit d’auteur. En effet, connaître la fin d’une œuvre peut dissuader de l’acheter. En
cela, nous ne sommes pas loin du critère de substituabilité évoqué dans l’affaire Microfor63. Bien
entendu, il serait ridicule de les considérer comme des œuvres dérivées, mais ils représentent bien
une atteinte.
62
« Le droit du traitement de l’information », par Michel Bibent
ADBS, Nathan Université, Collection 128, page 32
63
Cour d’appel de Paris, 2 juin 1981, Microfor c/ Le Monde
Gaz.Pal. 1982 1 22 Plaisant
53
Les fans-fictions, que nous avons déjà abordées plus haut, sont par contre bien à mettre
dans la catégorie des œuvres dérivées, puisque étant le prolongement d’une œuvre principale.
Dans la théorie, elles devraient être soumises à l’autorisation de l’auteur principal, mais une
grande tolérance règne à ce sujet tant qu’elles ne sont pas commercialisées.
93.
Toujours dans le domaine de la propriété intellectuelle, nombreux sont les newsgroups
spécialisés dans le piratage, notamment dans la hiérarchie alt. Des messages où l’on donne des
liens pour trouver des copies de DVD ou des logiciels piratés, des forums où l’on peut joindre de
petits fichiers joints comme des musiques MP3 , tout ceci est fréquent, que ce soit sur les interestgroups ou bien sur les forums-web. Mais avec la promulgation de la Loi Perben II, qui augmente
les sanctions pour contrefaçon (Trois ans d’emprisonnement et 300000 euros d’amende),
applicables à toutes les formes de contrefaçon, mais officieusement souhaitées pour ralentir celle
en développement sur Internet, l’État prend un peu plus les choses en main.
94.
Plus spécifiquement, le droit des marques est également potentiellement en danger sur les
forums de discussion. Ainsi, le dénigrement y est très répandu. Si la parodie est tolérée par le
Code de la Propriété Intellectuelle64, celui-ci ne l’est évidemment pas, selon l’interprétation de la
jurisprudence65. Elle est sanctionnable sur le fondement de la responsabilité civile de droit
commun (Et non pas pénal, puisque ne rentrant pas dans les activités contrefaisantes).
Concrètement, le dénigrement est très fréquent. Certains forums sont même crées dans ce but. Des
titres de newsgroups comme « aol-en-colere », sur Zoo-Logique en laissent facilement envisager
la teneur…
Des newsgroups qui permettent d’ailleurs la commission d’infractions très spécifiques.
Section II : Une délinquance spécifique aux newsgroups.
Les groupes de discussion connaissent des infractions au droit des contrat (§1) qui leur
sont propres ainsi que des atteintes aux personnes (§2) spécifiques.
§1. La violation d’obligations contractuelles spécifique aux newsgroups.
95.
L’utilisation des newsgroups peut faciliter certaines ruptures abusives de contrats. En
effet, ils peuvent être un bon instrument pour rompre ses engagements avec un fournisseur
d’accès à Internet.
64
Article L.122-5 4° du Code de la Propriété Intellectuelle
Pour exemple récent : Tribunal de Grande Instance de Paris, 9 juillet 2004, Sté AREVA c/ Association
Greenpeace France
65
54
Comme nous l’avons vu dans la section relative à la Netiquette, la justice cautionne la
rupture d’un contrat d’accès par un FAI de façon unilatérale lorsqu’un client n’a manifestement
pas respecté les lois. Une mentalité basée sur l’article 1135 du Code Civil qui impose que dans le
cadre d’une convention les obligations imposées par la loi soient respectées. Cette attitude de la
jurisprudence, tout à fait cohérente avec l’esprit de l’article, est néanmoins détournée par certains.
Les fournisseurs d’accès concluent parfois des contrats imposant un engagement de durée
ou bien un prix élevé à payer en cas de rupture. C’est pourquoi certains de leurs clients ont eu
l’ « ingénieuse » idée de commettre des infractions sur les groupes de discussion afin que leur
accès soit coupé unilatéralement par leur fournisseur, lorsque celui-ci leur donne également accès
aux newsgroups (Ce qui est le cas de la majorité des contributeurs). Ce qu’il se passe le plus
souvent en pratique, c’est que le client en question va venir tenir des propos injurieux ou pires,
racistes ou xénophobes sur les forums. Une ou plusieurs personnes bien intentionnées vont
signaler ce comportement au prestataire, via le service d’abuse, qui rompra le contrat le liant à
l’individu.
Cette pratique est grandement facilitée par l’accessibilité des adresses d’abuse (Dans les
en-têtes) dont relève le contributeur. Les FAI ne vont pas jusqu’à signaler les agissements au
parquet (En règle générale en tout cas), et se contentent de la rupture pure et simple, afin d’éviter
de la mauvaise publicité. Ces comportements expliquent entre autres leur attitude de plus en plus
fréquente de ne plus répondre positivement aux messages d’abuse.
96.
En dehors des sanctions pénales que risquent les auteurs de ces messages, leur
responsabilité contractuelle peut être engagée si le fournisseur d’accès arrive à prouver l’intention
frauduleuse. Ainsi, l’article 1134 du Code Civil sanctionne l’exécution de mauvaise foi des
conventions (Interprétation a contrario du troisième alinéa qui impose la bonne foi des parties), ce
qui est bien évidemment le cas ici.
Les newsgroups sont également le terrain d’infractions contre les personnes qui leur sont
propres.
§2. Des atteintes aux personnes spécifiques aux newsgroups.
97.
Certaines formes d’usurpation d’identité sont fréquentes sur les groupes de discussion.
Les contributeurs peuvent utiliser leur véritable identité ou bien un pseudonyme (Ce qui
est recommandé). L’usurpation d’identité consiste dans l’attribution arbitraire par un tiers de cette
dénomination, réelle ou fictive. Se créer une nouvelle identité est tellement simple que certains
n’hésitent pas à prendre celle des autres, ce qui est tout aussi simple. Sur les newsgroups, le
55
procédé est beaucoup plus accessible que sur les forums-web. En effet, il suffit de changer une
ligne en accédant aux options du logiciel de news. Tandis qu’avec les forums-web, une inscription
préalable est nécessaire, inscription impossible si l’on reprend un identifiant déjà utilisé.
98.
L’usurpation d’identité n’est pas un délit pénal en elle-même. Elle le devient dès l’instant
où les circonstances pendant lesquelles le nom a été « emprunté » pourraient entraîner des
poursuites pénales66 (Par exemple insulter telle ou telle personne sous le nom d’une autre). Cinq
ans d’emprisonnement et 75000 euros d’amende sont alors encourus. Si la jurisprudence n’a pas
vraiment statué sur le thème précis du pseudonyme sur Internet, il n’est toutefois pas inutile de
rappeler la réglementation.
Lorsque l’usurpateur parle en public à la place d’un autre contributeur, c’est souvent pour
le discréditer, lui imputer des faits totalement faux67. Dans ce cas, les dispositions de l’article 29
de la loi de 1881, relatif à la diffamation, sont applicables. Sur le plan civil, l’article 1382 est à
retenir, encore faut-il qu’un dommage, une faute et un lien de causalité soit rapportés par la
victime. Par exemple, lorsqu’une personne annule les messages d’un contributeur du serveur de
news de celui-ci (Pour ce faire, il faut avoir pris le pseudonyme et l’adresse courriel de celui-ci),
soit parce qu’il ne l’aime pas, soit parce qu ‘il n’aime pas ce qu’il écrit, un juge considérera-t-il
qu’il y a eu un dommage ? Ce n’est pas vraiment certain. Ça l’est plus du côté des prestataires,
puisqu’il est fréquemment arrivé qu’un fournisseur d’accès rompe son contrat avec un client qui
aurait usurpé l’identité d’un tiers (Dans le cas de l’annulation, prendre l’identité de la personne
qui a posté est tolérée dans certains cas, comme par exemple l’envoie multiple d’un même
message, ce qui encombre le ou les groupes concernés).
L’article 9 du Code Civil peut également être mis en avant dans les cas où des aspects de
la vie privée ont été révélés (L’article 226-1 du Code Pénal également si c’est l’intimité qui est
touchée).
La position du contributeur en tant que délinquant ayant été envisagée, analysons
maintenant la façon dont les intermédiaires peuvent voir leur responsabilité engagée du fait des
infractions qu’il a commis.
66
Article 434-23 du Code Pénal
« Usurpation d’identité : La Loi ou la technique pour se protéger ? » par Olivier Iteanu
http://www.journaldunet.com/juridique/juridique040309.shtml
67
56
Titre II : Les responsabilités des intermédiaires.
99.
Beaucoup d’intermédiaires techniques sur Internet estiment qu’ils n’ont pas à répondre des
infractions commises par d’autres. Leurs avis sont les mêmes en ce qui concerne les newsgroups,
mais il se trouve que la législation en a décidé autrement. A partir du moment où ils ont favorisé,
quel que soit leur rôle, volontairement ou non, la commission de cette infraction, leur
responsabilité peut être envisagée. Les intermédiaires sont ici considérées comme toutes les
personnes qui, de près ou de loin, ont permis la publication d’un post sur un newsgroup. Nous
rappellerons, comme nous l’avons fait pour l’auteur des contributions, les réglementations
applicables (Chapitre préliminaire), puis nous distinguerons les imputations relatives aux acteurs
du monde des newsgroups (Chapitre I) et celles qui concernent les responsables de l’accès à ceuxci (Chapitre II).
Chapitre préliminaire : Les intermédiaires face à leurs responsabilités.
Les intermédiaires peuvent voir leur responsabilité engagée au titre du droit commun et de
celui de l’économie numérique (Section I) mais aussi au titre du droit de la presse (Section II).
Section I : Les intermédiaires face au droit commun et au nouveau droit de l’économie numérique.
100.
Au niveau du droit civil, la responsabilité des intermédiaires peut être engagée. Ils peuvent
en effet devoir répondre de dommages causés à des tiers, en raison des messages postés par les
personnes qui participent à leur service, selon les principes de l’article 1383 du Code Civil qui
sanctionne la responsabilité d’un dommage quand il y a eu négligence (Et un lien de causalité
entre les deux, évidemment). L’article 1382 n’est pas à écarter si une faute est avérée, mais ce
n’est pas le cas le plus fréquent. La Loi sur l’Economie Numérique vient nuancer ces deux points
dans le cas des hébergeurs spécifiquement, qui ne verront pas leur responsabilité engagée s’ils
n’avaient pas connaissance du contenu (Article 6-I 2°).
Quant au droit pénal, c’est la notion de complicité qu’il convient de retenir, au titre de
l’article 121-7 du Code Pénal. En effet, selon celui-ci, est complice d'un crime ou d'un délit la
personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation.
Ici, la responsabilité de l’intermédiaire ne sera retenue que s’il agissait en connaissance de cause
(« Sciemment »), ce qui est confirmé par la LEN dans son article 6-I 3°, qui écarte la
responsabilité des prestataires, spécifiquement, quand ils n’avaient pas connaissance du contenu
illicite ou bien quand ils l’ont enlevé « promptement » quand ils l’ont connu.
57
Il existe des textes plus spécifiques quant aux infractions de presse, applicables aux
intermédiaires.
Section II : Les intermédiaires face au droit de la presse.
101.
Comme pour l’auteur, la responsabilité civile de l’intermédiaire quant aux infractions de
presse ne sera engagée qu’à travers la procédure du droit de la presse (Délai de prescription,
compétence juridictionnelle…).
Au niveau pénal, nous ne le répéterons jamais assez, le mécanisme de responsabilité en
cascade prévu par la loi du 29 juillet 1982 dans son article 93-3 (Adaptant la loi de 1881 sur la
presse) est applicable aux newsgroups, puisqu’il concerne la communication au public par voie
électronique (Qui comprend notamment la communication au public en ligne). C’est le directeur
de publication (ou le codirecteur) qui y est tenu responsable en premier lieu en cas d’infraction de
presse (Ce qui implique une fixation préalable à la communication au public), l’auteur venant
seulement après.
En cas de complicité correspondant à la définition de l’article 121-7 du Code Pénal, la
responsabilité à ce titre est également retenue, toujours selon l’article 93-3.
Examinons à présent l’application de ces dispositions en fonction de chaque intermédiaire.
Chapitre I : Les acteurs du monde des newsgroups.
Parmi les responsabilités à envisager, celles des acteurs directs, à savoir le rédacteur de la
charte (Section I), la ou les personnes qui autorisent la création du groupe (Section II), le
modérateur (Section III), les intervenants techniques (Section IV) et l’animateur (Section V), sont
évidemment en première ligne.
Section I : Le rédacteur de la charte.
102.
Comme nous le disions plus haut (cf points 18, 57 et 63), la personne qui a l’initiative de
la création d’un newsgroup doit rédiger une charte expliquant le thème de celui-ci et y posant des
limites, définissant ce qui sera dans et hors-sujet. Dans le cas où le thème est manifestement
illicite, comme par exemple celui d’un forum dont le but est de faire passer de l’information
relative au piratage, le rédacteur peut-il voir sa responsabilité engagée ?
58
Si le newsgroup est crée, c’est que la charte, notamment, a été acceptée (Votée dans les
branches classiques d’Usenet, et approuvée dans les forums spécifiques aux créations de la
branche alt., du réseau Niouzenet et du serveur Zoo-Logique, ou dans tout autre réseau de
newsgroups imposant l’acceptation d’une charte). C’est le cas des chartes à thème illicite qui nous
intéresse ici.
Le rédacteur a ainsi provoqué la survenance de contributions illicites en initiant un thème
de discussion de nature illégale. Il en est le commanditaire.
Il ne peut pas être considéré comme le directeur de publication au sens de la loi de 1982,
puisqu’il n’a pas la maîtrise du contenu du service. Il ne surveille pas et ne contrôle pas le contenu
des propos échangés dans les newsgroups, ce n’est pas son rôle. Une fois le forum crée, il n’en a
pas plus la responsabilité qu’un autre participant. Si c’est lui, d’une certaine façon, qui a crée la
ligne éditoriale du groupe, il n’a absolument pas la responsabilité de son contrôle.
103.
Par contre, au titre du droit commun, la personne qui a écrit la charte peut voir sa
responsabilité engagée en tant que complice. Le commanditaire a permis, a facilité la commission
d’une infraction en préparant le terrain, en initiant la création d’un forum illicite. Il sera
sanctionné au même titre que l’auteur de l’infraction (A savoir l’auteur du message), la peine
applicable étant bien sûr fonction de l’infraction elle-même. La complicité sera également retenue
si la création du forum n’est pas acceptée, l’article 121-7 du Code Pénal sanctionnant également
ceux qui ont facilité la « préparation » de l’infraction.
Ajouté à cela, l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 indique dans son quatrième alinéa
que pourra également être poursuivi comme complice toute personne à laquelle l'article 121-7 du
code pénal sera applicable, dans les cas de violations du Chapitre IV de la loi de 1881. Ce qui fait
rentrer le rédacteur dans le champ du droit pénal spécial dans le cas de la commission d’une
infraction de presse.
L’article 1382 du Code Civil peut aussi être soulevé, si une faute, un dommage et lien de
causalité entre les deux sont prouvés. Dans le cas où il n’y a pas eu de faute, mais plutôt une
négligence (Comme par exemple la création d’un newsgroup sur le thème OM contre PSG qui
produirait en majorité des messages d’insultes), c’est l’article 1383 qui devient applicable.
Section II : Les acteurs autorisant la création.
104.
Les modalités de création variant selon le type de newsgroups, il conviendra d’examiner
chacune des particularités, dans les branches classiques, dans la branche alt. et dans les cas
particuliers que sont Niouzenet et Zoo-Logique.
59
Pour qu’un nouveau groupe soit crée dans la branche francophone d’Usenet, un vote est
nécessaire. Comme expliqué précédemment, une majorité doit logiquement l’emporter, avec en
plus de ça, une différence d’au moins 80 voix entre le oui et le non. Si un newsgroup avec un
thème illégal était voté, les votants pourraient-ils voir leur responsabilité engagée ? Pour les
newsgroups de la branche alternative, pour ceux de Zoo-Logique et de Niouzenet, il faut l’accord
d’une personne d’un groupe spécialisé. Cette personne peut-elle également voir sa responsabilité
engagée ?
Ici plus que dans le cas précédent, l’idée de faire des votants les directeurs de publication
est absurde, le nombre et le fait qu’ils n’aient pas la maîtrise du contenu ne pouvant rendre
applicable la responsabilité comme auteur principal retenue contre la première cible de l’article
93-3 de la loi du 29 Juillet 1982. Il en va de même pour les personnes qui acceptent dans les
groupes alt., Zoo-Logique et Niouzenet, ou tout autre réseau de newsgroups imposant une
autorisation avant création.
105.
Par contre, la notion de complicité est applicable, une complicité collective compte tenu
du nombre de votants dans la branche francophone. Un nombre important de personnes ne
suffisant pas pour transformer la Loi et rendre licite ce qui ne l’est pas, leur statut ne fait ici aucun
doute. L’article 121-7 du Code Pénal est applicable, les votants ayant facilité la commission de
l’infraction, à savoir l’émission de messages illégaux. Il en va de même pour les personnes qui
acceptent dans les autres cas.
L’article 93-3 est de ce fait applicable, dans le cas d’un thème de forum incitant à la
commission de délit de presse, son dernier alinéa tenant compte de la complicité pour engager la
responsabilité d’une ou plusieurs personnes en ce qui concerne les infractions de presse.
106.
Aussi étrange que soit l’idée d’une complicité collective des votants, elle est
théoriquement possible. Mais concrètement, elle ne l’est pas. Si Usenet compte de nombreux
contributeurs ne respectant pas la Loi, il n’y a jamais eu de réels problèmes quant à la création de
nouveaux groupes de ce côté là. L’apparition d’un forum à thématique manifestement illicite est
plus proche de l’impossibilité que de la faible probabilité. Si les participants à
fr.usenet.forums.evolution sont prompts à la polémique, cela n’implique pas pour autant de
risques d’illicéité.
Par contre, la responsabilité des acceptants est plus envisageable chez alt. Si Niouzenet et
Zoo-Logique ont une procédure de création identique, la probité et la volonté de respecter la Loi
de ceux qui acceptent n’est plus à démontrer. La responsabilité pour négligence de l’article 1383
du Code Civil est toutefois possible s’ils laissent passer un groupe qui finira par dégénérer. Mais
dans la branche alternative de Usenet, nombreux sont ceux qui acceptent la création d’un forum
60
illicite en pleine connaissance de cause. Dans leur cas, et concrètement, la complicité sera
facilement retenue, en plus de la responsabilité délictuelle pour faute.
Section III : Le modérateur.
107.
Le modérateur est l’acteur qui « filtre » ce qui est hors-charte ou à caractère illicite, il a
une prise directe sur les messages contrairement aux deux précédents acteurs étudiés. Retenir sa
responsabilité est moins improbable, certains ayant à faire face à un grand nombre de messages, il
n’est pas impossible que des posts puissent filtrer. Sa responsabilité peut être bien entendu être
engagée alors que le thème du forum est licite. Sur Usenet, il ne corrige pas les messages
irréguliers. Il les accepte ou il ne les accepte pas.
Peut-il être considéré comme le directeur de la publication ? L’idée paraît cohérente
puisque, opérant une modération a priori, la condition de « fixation préalable à la communication
au public » est remplie, selon les critères de l’article 93-3 de la loi de 1982. Le Forum des Droits
sur l’Internet a essayé de « modérer » cette idée68. Dans une recommandation touchant à
l’exploitation de forums de discussion est soulignée la nécessité de l’activité de modération. Et
pour ne pas entraîner une censure systématique par le modérateur de tout sujet polémique, par
crainte de voir sa responsabilité engagée, conseille de laisser une liberté de manœuvre au
modérateur. Il ne se verrait appliquer l’article 93-3 que dans les cas où il y aurait une véritable
exploitation éditoriale des messages (« modification du contenu des messages en vue de leur
conférer une plus value, sélection arbitraire des messages autre que pour les raisons du service,
appropriation des contenus … »).
Ce n’est pas le cas dans la majeure partie d’Usenet (Hiérarchies linguistiques et Grand 8).
Par contre, dans certaines de ses hiérarchies confidentielles ou dans des newsgroups indépendants
(Hors Usenet, dans les universités…), le rôle du modérateur peut être différent. Dans les cas de
véritable exploitation éditoriale des messages, et s’ils impliquent évidemment la commission
d’une infraction de presse, le modérateur verra sa responsabilité engagée avant celle de l ‘auteur,
en tant que directeur de la publication.
108.
Dans une optique plus réaliste, notamment en ce qui concerne la majorité des groupes
modérés d’Usenet, c’est plutôt vers le droit commun qu’il faut se tourner. L’application de
l’article 1382 du Code Civil ne surviendra pas dans ce cas, puisqu’il n’intervient en rien dans la
rédaction. La responsabilité délictuelle est néanmoins envisageable s’il y a eu volonté manifeste
du modérateur de faire passer un message illicite. Encore faut-il que la faute soit prouvée.
68
http://www.foruminternet.org/telechargement/documents/reco-forums-20030708.htm#_Toc44225374 (§1.3)
61
Une option plus crédible est celle de l’article 1383, qui sanctionne la négligence. Question
responsabilité civile, c’est sur ce point qu’il faut attaquer. Le modérateur peut en effet avoir à
répondre de dommages causés à autrui du fait du défaut de surveillance alors qu’il en a la charge.
Du point de vue de la responsabilité pénale, l’article 121-7 du Code Pénal est une fois de
plus à retenir. Le modérateur qui a laissé passer un message illicite ayant donc facilité sa
commission, il est le complice de l’infraction. Les peines seront donc identiques à celles de
l’auteur principal. Le statut de coauteur pourrait être retenu s’il participait à la rédaction, ce qui
n’est pas le cas sur Usenet.
Du point de vue du droit de la presse, l’article 93-3 de la loi de 1982 est applicable si la
complicité selon l’article précédent est validée, dans le cas d’une infraction de presse bien
entendu.
Section IV : Les intermédiaires spécialisés.
Il existe sur les groupes de discussion d’Usenet des personnages plus institutionnalisés
que d’autres, qui ont un rôle technique à tenir pour lequel ils se sont engagés. Si le thème des
personnes chargées de valider la création dans un groupe spécialisé a déjà été abordé, et avait
logiquement sa place à côté des nombreux votants de fr.usenet.forums.evolution, penchons-nous
maintenant plus avant sur le statut de certains acteurs mal connus mais fondamentaux de Usenet,
les régulateurs (§1) et les aides au vote (§2).
§1. Les éminences grises
Les rôles du « Control » (II) et des membres du comité de modération de
fr.usenet.forums.annonces (I) sont obscurs pour la majorité des usenautes, mais ils sont pourtant
incontournables en ce qui concerne la naissance d’un forum. Leur responsabilité est dont à
analyser dans le cas où ce serait un groupe illicite qui apparaîtrait.
I/ Le Comité de modération.
109.
Pour qu’une discussion au sujet de la création d’un newsgroup puisse commencer
officiellement, la proposition doit être postée sur fr.usenet.forums.evolution mais aussi sur
fr.usenet.forums.annonces. Les modérateurs de ce dernier, au nombre de cinq à l’heure actuelle,
décident si son contenu est valide et s’il peut faire l’objet d’un appel à discussion. Ils peuvent
également discuter avec l’auteur de la proposition pour souligner certaines incohérences avec
62
l’organisation de la hiérarchie. S’ils n’arrivent pas à se mettre d’accord, la procédure de vote ne
pourra pas être engagée. A partir du moment où la procédure de vote a été possible et que le
forum a été accepté par les votants, le message de validation est transmis au « Control ».
Au premier abord, on pourrait se dire, « les directeurs de publication, ce sont eux ! »,
parce que des personnes se concertent pour valider une thématique. Mais non. Parce qu’ils ne
valident pas des messages, constituant les infractions, mais des forums en fonction de leur charte
(Dont la création est de toute façon approuvée par un vote). Si le sujet du forum est illicite, ils ne
font que préparer le terrain, ils ne commettent pas l’infraction. C’est donc la complicité selon
l’article 121-7 du Code Pénal qui doit être retenue (Et celle de l’article 93-3 de la loi de 1982 en
cas de thème engendrant des infractions de presse), entraînant des sanctions identiques à celles de
l’auteur principal.
Dans ce cas aussi, il faut être réaliste : Il y a peu de chance qu’un jour le comité de
modération de fr.usenet.forums.annonces laisse passer un thème illicite.
II/ Le « Control ».
110.
L’entité Control est chargée de prévenir les administrateurs des serveurs de news
lorsqu’un nouveau groupe de discussion est créé, en envoyant dans les news un message de
contrôle qui sera reconnu par les serveurs69. Depuis 1993, il y a eu jusqu’à présent trois personnes
assumant ce rôle dans la hiérarchie francophone d’Usenet.
C’est encore la complicité qui est à retenir dans le cas où il validerait la création d’un
forum à thème illicite, favorisant ainsi l’envoi de messages à caractères illégaux. Dans le cas où le
thème pourrait entraîner des infractions de presse, l’article 93-3 alinéa 4 de la loi de 1982 est à
retenir également.
Cela ne donne pas pour autant le droit au Control d’être un censeur. Son rôle est celui d’un
communiquant. S’il estime que le sujet va entraîner des messages illégaux, le mieux qu’il ait à
faire est de manifester sa désapprobation. Si celle-ci n’est pas prise en compte (Face aux
nombreux votants et au comité de modération qui ont préalablement validé le forum, il y a des
chances), le mieux qu’il lui reste à faire est de passer la main pour ne pas cautionner cette
création. Car si, de sa propre initiative, il décide d’annuler le forum alors que le oui l’a emporté
chez les votants, il outrepasse ses fonctions. De même outrepasse ses fonctions le Control qui
efface des forums sur des serveurs privés parce qu’ils n’ont pas été votés régulièrement (Ce qui
69
http://www.usenet-fr.net/roles.html#control
63
s’est déjà produit dans l’affaire fr.soc.sectes, entraînant le départ du Control d’alors70). Le
processus de création d’un newsgroup dans les branches pondérées est en effet un gage de
confiance, mais pas une obligation. Si un administrateur de serveur accepte de faire circuler un
groupe qui n’a pas été voté régulièrement, c’est son choix, il ne peut être remis en cause.
§2. Les gestionnaires de vote.
111.
Les aides au vote sur Usenet sont là pour assister la personne qui sollicite la création d’un
newsgroup, le rédacteur de charte, donc le commanditaire. Ils l’aident à la rédaction, à l’envoie
des AAD et AAV, ainsi qu’au décompte des voix. Dans le cas de la création d’un forum illicite, la
responsabilité de ceux-ci peut-elle être engagée ?
Oui, bien entendu, au même titre que le commanditaire. Le terrain de l’infraction étant
préparé par eux, la complicité pourra être retenue (Article 121-7 du Code Pénal). Dans le cas des
infractions de presse (Création d’un forum incitant à en commettre), l’article 93-3 retient
également la complicité si elle est pénalement qualifiée.
Ces gérants de vote étant spécifiques aux branches pondérées, il y a peu de chance qu’un
newsgroup à thème illicite soit favorisé par ces aides, tout comme il y a peu de chance qu’un tel
forum soit voté. Ces acteurs agissent en connaissance de cause, c’est-à-dire qu’ils affichent
clairement leur volonté de participer licitement à Usenet. Mais l’idée de leur responsabilité était
quand même à envisager, dans le cas - improbable – où un groupe illicite serait crée avec leur
assistance.
Section V : L’animateur.
112.
Plusieurs acteurs ont été passés au microscope, et une qualification importante n’a pas
encore été retenue, celle du directeur de publication, quant aux infractions de presse. L’animateur
satisfera-t-il à ce rôle ?
« Animateur » est une appellation passe-partout qui peut correspondre à plusieurs réalités.
Si sur les principales branches d’Usenet (Hiérarchies linguistiques et Grand 8) et sur ZooLogique, il n’existe pas, il est obligatoire à la création d’un newsgroup sur Niouzenet. Son rôle ?
Selon la présentation, il n’est pas un modérateur, il doit guider les nouveaux arrivants, faire la
promotion du groupe et être « au moins parfois, présent dans le groupe » (!). Cette dernière
70
« Petit guide de Usenet-fr » par Marie-Lan Nguyen
http://www.tuteurs.ens.fr/internet/usenet-fr.html#s2_2 (« Un brin d’histoire »)
64
sentence laissant évidemment un champ de manœuvre assez variable. On peut rencontrer des
animateurs sur des serveurs de newsgroups indépendants, en dehors même de Usenet (Ou dans ses
hiérarchies confidentielles), et même sur certains forums d’universités. Là aussi, son rôle est
variable et fonction de chaque groupe dans lequel il remplit son office.
113.
Parfois, il peut diriger les discussions, en initier, les encadrer. Il va pouvoir être considéré
comme complice dans le cas de survenance de messages illicites liés au thème du débat qu’il aura
lancé (Article 121-7 du Code Pénal et article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 pour les infractions
de presse). Par contre, si le message lançant le débat a déjà un contenu illicite, l’animateur pourra
être poursuivi comme auteur principal de l’infraction.
114.
S’il prend le rôle de modérateur, filtrant les messages avant qu’ils soient publiés, la
négligence peut être retenue (Article 1383 du Code Civil) mais aussi la complicité, puisque, d’une
certaine façon, il prépare le terrain à l’infraction (Article 121-7 du Code Pénal). Le dernier alinéa
de l’article 93-3 de la loi de 1982 est applicable alors en cas d’infraction de presse. Un article qui
pourrait prendre plus d’importance en cas d’exploitation éditoriale (cf point 107), l’animateur
modérateur devenant alors auteur principal de l’infraction de presse, en tant que directeur de la
publication.
115.
Dans le cas de l’animateur de Niouzenet, si l’on s’en tient à la lettre, il ne fait que faire la
promotion et guider les nouveaux venus. S’il est lui-même l’initiateur de la création du groupe, la
complicité est également à retenir si le thème est illicite (cf sur ce point la section relative au
rédacteur de charte). Si ce n’est pas le cas, l’article 121-7 du Code Pénal pourrait trouver
application dans son rôle de promoteur, médiatisant un forum à thème illicite afin d’y attirer le
plus de lecteurs/contributeurs possibles, préparant ainsi le terrain pour la commission en essayant
de faire venir le plus de commettants potentiels possibles.
La responsabilité des acteurs intervenant directement dans la vie des groupes de
discussion ayant été analysée, appréhendons maintenant celle des personnes permettant l’accès au
serveur de news.
Chapitre II : Les responsables du serveur.
Deux intermédiaires techniques permettent l’accès aux newsgroups : L’administrateur du
serveur de news (Section I) ainsi que, bien entendu, le fournisseur d’accès à Internet (Section II).
Leur statut sera qualifié juridiquement en fonction du rôle qu’ils tiennent.
65
Section I : L’administrateur.
116.
L’administrateur du serveur de news en est le responsable, celui qui décide quels
newsgroups il va distribuer, quels participants il va accepter – même si, sur ce dernier point, une
sélection pointilleuse est irréaliste dans le cas d’un FAI. Il est la seule et unique personne à
décider, et ceci dans l’intérêt des utilisateurs. Pour ce qui concerne notre sujet principal, Usenet, la
majorité de ces derniers accèdent aux newsgroups par le serveur de news de leur fournisseur
d’accès à Internet. Certains serveurs font partie de l’administration (Universités notamment),
d’autres privés, et offrent souvent un accès gratuit. Il existe des cas de formules payantes hors
FAI, plus rares, comme easynews71. Hors Usenet, les situations sont variées. Pour ce qui est de
Niouzenet et de Zoo-Logique, l’accès est gratuit.
Nous pourrions parler de rôle apparemment éditorial pour l’administrateur, mais il
s’avère que la sélection des groupes tend plus vers l’exhaustivité que vers un véritable choix
qualitatif, détailler parmi plus de 50000 newsgroups (Sur Usenet) étant ingérable. Il y a bien
entendu quelques exceptions, notamment dans le secteur public. La faculté de Jussieu a
notamment décidé de ne plus relayer les groupes de la hiérarchie alt.72 à cause de la fréquence des
actes illicites qui s’y commettent.
117.
Cette implication par rapport au serveur peut-elle trouver un écho dans les textes qui
définissent les responsabilités sur Internet ?
La Loi sur l’Economie Numérique du 21 juin 2004 définit le terme d’hébergeur, qui est
désormais applicable à l’administrateur de newsgroups. En effet, dans son article 6-1, il est
désigné comme la personne, physique ou morale, qui assure « même à titre gratuit, pour mise à
disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de
signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de
ces services ». Cette qualification n’était auparavant pas applicable à l’administrateur car le
stockage devait avoir un minimum de durée, l’inconstance des messages de news ne satisfaisant
pas au critère (Avec en moyenne une durée de vie de deux mois sur le serveur). Cette exigence
n’étant plus de mise, l’administrateur est bien à considérer comme un hébergeur, puisqu’il met à
disposition des services de communication en ligne, stockant – sur le serveur – des messages émis
par les destinataires, les utilisateurs. Dans le système juridique précédent, l’administrateur devait
être qualifié de producteur.
71
72
http://www.easynews.com
http://www.giromini.org/usenet-fr/admin.html
66
Un point qu’il est intéressant de souligner : La loi ne fait aucune différence entre les
services payants ou gratuits. Donc peut importe que l’accès aux groupes ait un caractère
pécuniaire ou non.
118.
Que ce soit du point de vue de la responsabilité civile ou pénale, les hébergeurs n’ont pas
à être inquiétés par la justice tant qu’ils n’ont pas connaissance du caractère illicite d’un contenu
qu’ils stockent et proposent73. Ainsi, l’administrateur n’a rien à craindre s’il n’était pas au courant
de l’illicéité du contenu d’un message. Par contre, si le service d’abuse de son serveur est prévenu
par un tiers (Quand l’infraction est manifeste) ou par décision de justice, et qu’il n’agit pas pour le
supprimer (Et, au mieux, qu’il coupe l’accès au serveur à l’utilisateur), sa responsabilité peut être
mise en jeu. Cette idée doit être aménagée : Compte tenu du fonctionnement des serveurs de
news, il est quasiment impossible de supprimer un message, en tout cas sur le long terme. Car si
l’administrateur le fait disparaître de son serveur, au bout de quelques secondes il y sera de
nouveau stocké. Les serveurs s’interrogeant en permanence entre eux, il sera récupéré sur un
autre, même si ce n’est pas par lui qu’il a été émis à la base. L’attitude la plus compatible avec le
texte est donc de sanctionner l’auteur du message en lui coupant son accès au serveur de news.
Dans l’optique où c’est lui qui permet d’accéder à Internet, et donc, indirectement, aux
newsgroups, la responsabilité du fournisseur d’accès à Internet peut-elle l’être ?
Section II : Le fournisseur d’accès aux newsgroups.
119.
Les fournisseurs d’accès à Internet sont aussi les premiers fournisseurs d’accès à Usenet.
C’est par leur propre serveur de news que la majorité des internautes accèdent aux groupes de
discussion. Dans ce cas, si l’on se questionne sur leur statut juridique, il est simple : C’est celui
des hébergeurs. En effet, il y a bien stockage de messages émis par les destinataires des services à
qui l’on a offert un accès.
Ils peuvent même parfois l’être sans offrir d’accès Internet, ce qui peut paraître paradoxal,
mais cela arrive pourtant dans des situations précises. Par exemple, AOL impose pour les
newsgroups d’utiliser son propre logiciel de lecture, qui est pour le moins inapproprié pour une
lecture intuitive, et c’est un euphémisme. Certaines personnes s’abonnent chez des FAI comme
Free, aux services d’accès gratuit (Paiement en fonction du temps de connexion), pour pouvoir
bénéficier des codes d’accès à Usenet et du nom du serveur, pour pouvoir profiter de logiciels
plus « modernes ». Ainsi, s’ils sont connectés à Internet par l’entremise d’AOL, leur accès aux
newsgroups se fait grâce à un autre fournisseur d’accès. Mais dans ce cas, ne servant que de
73
Articles 6-I 2° et 6-1 3° de la loi sur l’Economie numérique du 24 juin 2004
67
serveur de news, sa responsabilité devra être envisagée du point de vue de celle de
l’administrateur (Donc, encore une fois, responsabilité de l’hébergeur).
120.
Mais qu’en est-il en ce qui concerne le fournisseur d’accès à Internet qui ne donne pas
accès aux newsgroups directement, qui n’a pas un serveur de news ou bien que celui-ci n’est pas
utilisé (AOL dans notre exemple précédent) ? De plus, dans des cas comme Zoo-Logique ou
Niouzenet, les serveurs d’accès sont ceux de ces organismes, nul besoin de passer par celui d’un
tiers pour y accéder. La responsabilité qui nous intéresse ici est celle de la personne, ou de
l’organisme, qui fournit concrètement un accès au réseau Internet, et qui ne fournit que ça
(L’accès aux newsgroups se faisant par un autre biais).
L’article 9 de la LEN, insérant l’article L.32-3-3 dans le Code des Postes et
Télécommunications, pose que la responsabilité des fournisseurs d’accès à des services de
communication au public en ligne – le FAI en est un - ne peut être engagée pénalement ou
civilement que s’ils sont à l’origine de la demande de transmission (Du message illicite pour les
newsgroups) ou s’ils sélectionnent ou modifient le contenu de l’objet de la transmission.
Ce n’est absolument pas le cas d’un FAI ne disposant pas d’un serveur de news.
Cela ne veut pas dire qu’il restera inactif. Si on lui signale qu’un de ses abonnés viole
ouvertement les lois quand il envoie des messages sur les newsgroups, même s’il ne les distribue
pas, rien ne l’empêche d’avoir une saine réaction en lui coupant son accès à Internet, pour
violation des termes de son contrat. En effet, l’article 1135 du Code Civil édicte les conventions
obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage
ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature. L’abonné délinquant ne respectant pas les
usages et la Loi, la rupture de son contrat d’accès serait pleinement justifiée.
68
CONCLUSION
121.
Les newsgroups ont prouvé leur spécificité.
Si au niveau technique, elle était indéniable, elle était incertaine au niveau juridique. Elle
ne l’est plus. Il existe bien un droit des newsgroups, un droit qui trouve sa source plus dans les
différentes formes d’infractions que l’on y constate que dans ses règles propres, telles les chartes
ou, plus largement si l’on s’attache au réseau mondial, la Netiquette.
Même si elles ont un intérêt pour organiser l’expression de cette communauté, ces règles
ne sont que des usages, et ne reçoivent que peu d’écho légal ou jurisprudentiel. Grâce à
l’avènement de la Loi sur l’Economie Numérique le 21 juin 2004, des normes spécifiques sont
applicables à l’Internet, prenant en compte son identité technique, excluant les adaptations
déviantes au droit de l’audiovisuel. Elle nous a permis ainsi de déterminer quels étaient les
responsables potentiels en cas d’infraction. Le droit pénal spécial de la presse ne permet pas
vraiment d’imposer son régime de responsabilité en cascade, l’idée d’un directeur de la
publication n’étant que ponctuellement applicable sur les groupes de discussion. L’auteur y est
donc, comme dans le droit commun, le premier responsable.
Avec cette nouvelle loi, il est possible que les mentalités changent. Les services d’abuse
ne réagissaient que peu jusqu’à présent aux « suppliques » des utilisateurs qui venaient se plaindre
de comportements irréguliers, excepté dans des situations extrêmes. La plupart des gens accédant
au plus grand réseau de newsgroups du monde, Usenet, grâce à leur fournisseur d’accès à Internet,
les intérêts commerciaux de ceux-ci n’allaient pas vraiment dans le sens d’une sanction
systématique des news-délinquants, c’est-à-dire notamment la rupture de leur contrat d’accès.
Maintenant que la responsabilité de l’administrateur du serveur peut être engagée s’il ne réagit pas
face à un signalement éclairé, les attitudes vont, avec un peu de chance, se modifier.
Encore faut-il pour qu’une normalisation des attitudes se systématise que les
« newsnautes » eux-mêmes prennent les choses en main, en devenant leurs propres gendarmes.
69
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES
•
Cyber Droit, de Christiane Feral-Schuhl, Dalloz, 2000
•
Le Forum des Droits sur l'Internet, Premier rapport d'activité - Année 2002,
La Documentation française
•
Droit de l'Internet, de Valérie Sédallian, Net Press, 1997
•
Droit de l'Informatique et de l'Internet, de André Lucas, Jean Devèze et Jean
Frayssinet, PUF, 2001
•
Guide Droit de l'Informatique et des réseaux, Lamy, 2003
ARTICLES
(Certains articles sont ici obsolètes dans leurs références du fait de la promulgation de la Loi
sur l’Economie Numérique le 21 juin 2004, mais permettent néanmoins de mieux appréhender
l’évolution du statut juridique des forums de discussion)
•
"Du bon usage d'un forum de discussion", par Guillaume Desgens-Pasanau
Expertises des Systèmes d'Information, 04/2001, n°247, pages 136-138
•
"Les outils de discussion en question", par Agathe Lepage
Communication Commerce Electronique, 06/2002, n°6, pages 39-41
•
"Responsabilité des forums de discussion: Trop de bruit pour rien ?",
par Benjamin Amaudric du Chaffaut
Les Petites Affiches, 29/01/2003, n°21, pages 10-14
•
"Liberté d'expression, responsabilité et forum de discussion", par Agathe Lepage
Communication Commerce Electronique, 01/01/2003, n°1, pages 18-22
•
"Responsabilité des exploitants de forums de discussion", par Anne Sendra
Expertises des Systèmes d'Information, 01/11/2002, n°264, pages 378-381
•
"Quelle responsabilité pour les forums de discussion ?", par Anne Cousin et Carine
Piccio
La Gazette du Palais, 22-23/01/2003, page 13
•
"La responsabilité des hébergeurs de sites de discussion", par Nathalie Marchet
Legalis.net, 01/09/2002, n°259, pages 59-64
70
•
"La responsabilité des intermédiaires de l'Internet", par Michel Vivant
Juris Classeur Périodique G, 10/11/1999, n°45-46, page 2021
•
"Acteurs de l'Internet, responsables mais pas coupables", par Joël Heslaut
Les Petites Affiches, 05/09/2000, n°177, page 4
•
"La détermination des personnes responsables", par Patrick Auvret
La Gazette du Palais, 12-14/05/2002, pages 17-29
•
"De nouvelles responsabilités sur Internet: Du vide au flou juridique", par JeanPhilippe Hugot
Légipresse, 01/05/2002, n°191, pages 51-55
•
"Internet: Un nouveau terrain d'action pour les contrefacteurs" par J. SchurtzTaylor
Propriété industrielle Bulletin documentaire, 01/12/2000, n°709, pages 177-178
•
"Halte à la vente de logiciels contrefaits sur Internet", par Christophe Caron
Communication Commerce Electronique, 01/09/2000, n°8, page 15
•
"La protection des mineurs sur Internet", par Guillaume Desgens- Pasanau
Les Petites Affiches, 01/08/2001, n°152, page 11
•
"Diffamation et injures diffusées sur un forum de discussion", par Jean-Philippe
Hugot
Légipresse, 01/09/2002, n°194, pages 154-158
•
"Prison avec sursis pour l'auteur de messages antisémites", par Agathe Lepage
Communication Commerce Electronique, 05/2002, n°5, pages 39-40
SITES
(Dernier accès le 24 août 2004)
Sites techniques
•
•
"Bienvenue... sur Usenet.fr"
http://www.usenet-fr.net/index.html
Histoire d’Internet
http://www-sop.inria.fr/acacia/personnel/Fabien.Gandon/lecture/mass1_internet2000/history/
•
Histoire d’Usenet
http://www.alea.net/usenet/folklore/global/
•
Statistiques sur les newsgroups de la hiérarchie fr.
http://www.crampe.eu.org/statfr
71
•
•
•
•
Glossaire sur les termes relatifs aux newsgroups
http://www.linux-france.org/prj/jargonf/themes/USENET.html
"Quelques pages sur usenet.fr"
http://www.giromini.org/usenet-fr
"Les groupes Usenet fr."
http://www.fr.net/news-fr
« Zoo-logique.org »
http://www.zoo-logique.org/
•
« Niouzenet »
http://www.niouze.net/
•
« Comment monter son propre serveur de news »
http://www.faqoe.com/?rep/cz.htm
Sites juridiques
Ressources:
•
Légifrance
•
Legalis.net
•
Juris-Classeur
•
Le Doctrinal
http://www.legifrance.gouv.fr/
http://www.legalis.net/
http://www.juris-classeur.com/
http://www.doctrinal.fr/
•
Actualité relative à Internet
http://www.journaldunet.com/
•
Le Forum des Droits sur l’Internet
http://www.foruminternet.org/
Recommandations:
•
"Quelle responsabilité pour les organisateurs de forums de discussion sur le Web
?"
http://www.foruminternet.org/recommandations/lire.phtml?id=602
72
•
"Les responsabilités liées à l’activité des forums de discussion "
http://www.foruminternet.org/telechargement/documents/doss20020718-rfd.html
Mémoires et articles:
•
"Le Droit Pénal applicable sur Internet" par Estelle de Marco
http://www.juriscom.net/uni/mem/06/crim01.htm
•
"Les newsgroups ont de la mémoire"
•
"Diffamation dans les forums: Un point sur la jurisprudence récente" par Murielle
Cahen
http://www.cnil.fr/
http://www.legalbiznext.com/cgi-bin/news/viewnews.cgi?category=all&id=1031145019
•
•
"Diffamation et injures sur Internet: Quel est le juge compétent ?"
http://www.foruminternet.org/actualites/lire.phtml?id=502
"Vengeances sur Internet" par Murielle Cahen
http://www.legalbiznext.com/cgi-bin/news/viewnews.cgi?category=all&id=1047972805
73
TABLE DES MATIERES
PREMIERE PARTIE : LES NEWSGROUPS, UN ESPACE DE
LIBERTE FAVORISANT LES ECHANGES. .................................................. 9
TITRE I : LES NEWSGROUPS, DES FORUMS DE DISCUSSION DISTINCTS DES FORUMS-WEBS..... 9
CHAPITRE I : UN RESEAU SPECIFIQUE.
9
Section I : Historique. .................................................................................................................. 9
§1. Une naissance américaine. ................................................................................................... 10
§2. L’émergence francophone. ................................................................................................... 10
Section II : Fonctionnement. ...................................................................................................... 10
§1. La structure du réseau. ......................................................................................................... 11
§2. Une organisation hiérarchique. ............................................................................................. 12
I/ Le Grand 8. ............................................................................................................................ 12
II/ Les variations à l’intérieur et à l’extérieur d’Usenet. .............................................................. 13
§3. Le newsgroup, un outil destiné au public. ............................................................................. 14
I/ La présentation des newsgroups.............................................................................................. 15
II/ Un caractère public décisif pour la détermination juridique des newsgroups. ......................... 15
III/ La communication du Droit sur les newsgroups. .................................................................. 18
CHAPITRE II : DES INSTRUMENTS SPECIFIQUES.
19
Section I : Une lecture spécifique. .............................................................................................. 19
§1. Par un lecteur de news. ........................................................................................................ 19
§2. Par un site Internet. .............................................................................................................. 20
Section II : Des fonctionnalités spécifiques. ............................................................................... 20
§1. L’archivage. ......................................................................................................................... 20
§2. L’identification des auteurs. ................................................................................................. 21
TITRE II : LES NEWSGROUPS, UNE COMMUNAUTE REGIE PAR L’AUTOREGLEMENTATION... 22
CHAPITRE I : LES BASES REGLEMENTAIRES SUR LES NEWSGROUPS.
22
Section I : Les bases réglementaires générales à Internet : La Netiquette. ................................... 23
§1. Nature et fonction de la Netiquette. ...................................................................................... 23
§2. La valeur juridique de la Netiquette...................................................................................... 24
Section II : Les bases réglementaires spécifiques aux newsgroups.............................................. 26
§1. Les chartes. .......................................................................................................................... 26
I/ Nature et fonction des chartes. ................................................................................................ 26
II/ La force obligatoire des chartes. ............................................................................................ 27
§2. Les foires aux questions. ...................................................................................................... 28
I/ Nature et fonction des foires aux questions. ............................................................................ 29
II/ La force obligatoire des foires aux questions. ........................................................................ 29
30
CHAPITRE II : LA REGULATION SUR LES NEWSGROUPS.
Section I : Un possible système de contrôle : La modération. ..................................................... 30
Section II : Les mécanismes de sanction. ................................................................................... 31
§1. La méthode unilatérale : Le plonkage. .................................................................................. 31
§2. La sollicitation de l’administrateur : L’abuse. ....................................................................... 32
§3. Le signalement auprès d’une autorité légale. ........................................................................ 33
74
TITRE III : LES NEWSGROUPS, UN ESPACE D’EXPRESSION PROPICE AU DESORDRE. ............. 33
CHAPITRE I : LES DERIVES DES BRANCHES PONDEREES.
33
Section I : La procédure de création d’un newsgroup dans les hiérarchies pondérées. ................. 33
Section II : Le détournement des objectifs.................................................................................. 35
§1. Des créations à pertinence variable....................................................................................... 35
§2. La corruption des sujets. ...................................................................................................... 36
CHAPITRE II : LA SUREXPLOITATION D’UNE BRANCHE TENDANCIEUSE.
37
Section I : La procédure de création d’un newsgroup dans la hiérarchie alternative. ................... 37
Section II : L’exploitation des facilités de création. .................................................................... 38
DEUXIEME PARTIE : LES NEWSGROUPS, UN MACROCOSME
AUX RESPONSABILITES MULTIPLES. ...................................................... 39
TITRE I : LE REGIME JURIDIQUE DE L’AUTEUR DE MESSAGES............................................... 39
CHAPITRE I : L’USENAUTE, UN ACTEUR A PROTEGER.
39
Section I : Une protection au titre du droit d’auteur. ................................................................... 39
§1. L’applicabilité du droit d’auteur. .......................................................................................... 40
§2. L’apprentissage de bons réflexes de prévention. ................................................................... 42
Section II : Une protection au titre d’un droit à l’oubli. .............................................................. 43
§1. Les fondements juridiques de l’habeas data. ......................................................................... 43
§2. Les comportements à observer pour éviter l’archivage. ........................................................ 46
Section III : Une protection au titre du droit à l’anonymat. ......................................................... 47
§1. Fondements juridiques du droit à l’anonymat. ...................................................................... 47
§2. Les procédés pour devenir anonyme sur les newsgroups. ..................................................... 48
48
CHAPITRE II : L’USENAUTE, UN ACTEUR A LIMITER.
Section préliminaire : Le contributeur face à ses responsabilités................................................. 49
§1. Le contributeur face au droit commun. ................................................................................. 49
§2. L’auteur face au droit de la presse. ....................................................................................... 50
Section I : Une délinquance commune aux forums de discussion. .............................................. 51
§1. Des atteintes aux personnes communes aux forums. ............................................................. 51
§2. Des atteintes à la propriété intellectuelle communes aux forums. .......................................... 53
Section II : Une délinquance spécifique aux newsgroups............................................................ 54
§1. La violation d’obligations contractuelles spécifique aux newsgroups.................................... 54
§2. Des atteintes aux personnes spécifiques aux newsgroups. ..................................................... 55
TITRE II : LES RESPONSABILITES DES INTERMEDIAIRES. ...................................................... 57
CHAPITRE PRELIMINAIRE : LES INTERMEDIAIRES FACE A LEURS RESPONSABILITES.
57
Section I : Les intermédiaires face au droit commun et au nouveau droit de l’économie numérique.
.................................................................................................................................................. 57
Section II : Les intermédiaires face au droit de la presse............................................................. 58
CHAPITRE I : LES ACTEURS DU MONDE DES NEWSGROUPS.
58
Section I : Le rédacteur de la charte. .......................................................................................... 58
Section II : Les acteurs autorisant la création. ............................................................................ 59
Section III : Le modérateur. ....................................................................................................... 61
Section IV : Les intermédiaires spécialisés. ................................................................................ 62
§1. Les éminences grises............................................................................................................ 62
I/ Le Comité de modération. ...................................................................................................... 62
II/ Le « Control ». ...................................................................................................................... 63
§2. Les gestionnaires de vote. .................................................................................................... 64
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Section V : L’animateur. ............................................................................................................ 64
CHAPITRE II : LES RESPONSABLES DU SERVEUR.
65
Section I : L’administrateur. ...................................................................................................... 66
Section II : Le fournisseur d’accès aux newsgroups. .................................................................. 67
CONCLUSION ......................................................................................................... 69
BIBLIOGRAPHIE................................................................................................. 70
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