Cancer et travail : les facteurs de risque professionnels

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Cancer et travail : les facteurs de risque professionnels
Cancer et travail : les facteurs de risque professionnels
Février 2012
La part des cancers attribuable au travail représente entre 4 et 8 % des
nouveaux cas par an et sont pour 70 % de type broncho-pulmonaire. Les
ouvriers non qualifiés sont les principales victimes avec une surmortalité dans
certains secteurs (BTP, combustibles). Ces cancers sont le plus souvent la
conséquence d'une exposition datant de dizaines d'années et à ce titre, le lien
entre les deux reste difficile à établir.
Des disparités socioprofessionnelles importantes
En France, 2,3 à 5 millions de travailleurs seraient exposés à des agents cancérigènes.
L'Institut de veille sanitaire (InVS) estime que 4 à 8,5 % des cancers en France sont liés à une
exposition professionnelle, soit entre 11 000 et 23 000 nouveaux cas par an. Les hommes
constituent 84 % des salariés exposés ; il existe donc une forte disparité entre les sexes. Le
Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l'OMS estime que les cancers
professionnels représenteraient 4 % des cancers chez les hommes et 0,5 % chez les femmes.
Selon l'enquête Sumer 2003, cinq secteurs d'activité concentrent la moitié des salariés
exposés : construction (18 %), commerce et réparation automobile (10 %), métallurgie (7 %),
services opérationnels (7 %) et santé (7 %).
Les catégories socioprofessionnelles les moins favorisées sont globalement les plus
exposées. Sur 2 370 000 travailleurs exposés en 2003, 70 % sont des ouvriers et 20 %
exercent des professions intermédiaires de l'industrie et de la santé.
Des cancers essentiellement broncho-pulmonaires mais pas seulement
Près de 70 % des cancers professionnels sont de localisation broncho-pulmonaire. Parmi eux,
10 à 20 % des cancers du poumon ont une origine professionnelle. L’amiante est le facteur
de risque le mieux connu mais il en existe d’autres comme les rayonnements ionisants, le
radon, la silice, les métaux ou encore les hydrocarbures aromatiques polycycliques.
Environ 12 % des cancers du poumon des hommes de plus de 55 ans et environ 7 % de ceux
de 35 à 55 ans peuvent être imputés à une exposition à l’amiante au cours de la vie
professionnelle.
L’amiante est en revanche le seul facteur de risque professionnel reconnu du cancer de la
plèvre et concerne 85 % des cas chez l’homme.
La littérature internationale estime qu’environ 10 % des cancers de la vessie sont également
d’origine professionnelle aux Etats-Unis et 8 % en Europe. Les seuls facteurs de risque
connus en France sont certaines amines aromatiques et l’utilisation de goudrons, huiles et
brais lors de la fabrication d’aluminium.
Viennent ensuite les cancers naso-sinusiens (nez, fosses nasales et sinus). Il s’agit de cancers
rares dont les principaux facteurs de risque connus sont professionnels : poussières de bois,
nickel et chrome, cuir, formaldéhyde essentiellement. Des cas de leucémies sont également
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imputés à des expositions au benzène et aux rayonnements ionisants.
Des facteurs de risque connus, d’autres à identifier
Les études ont permis d’identifier un certain nombre d’agents à risque en particulier
l’amiante, l’arsenic, le benzène, le chrome, le chlorure de vinyle, les amines aromatiques, les
hydrocarbures aromatiques polycycliques, le nickel, les poussières de bois ou de cuir, les
rayonnements
ionisants,
etc.
Deux classifications recensent ces agents selon leur niveau de dangerosité ; l’une
internationale (Centre international de recherche sur le cancer, OMS) et l’autre européenne
(Directive européenne). L’utilisation de ces substances doit donc être évitée ou des mesures
draconiennes de protection doivent être adoptées par les entreprises en cas d’utilisation
absolument nécessaire.
Certains agents cancérogènes doivent leur toxicité à une action directe sur les gènes,
qui entraîne des mutations et déclenche un processus de cancérisation. C’est par exemple le
cas des rayonnements ionisants. Pour ces agents, toute dose est susceptible de causer des
dommages. D’autres agents n’agissent pas directement sur les gènes mais favorisent la
prolifération de cellules tumorales.
Des cancers dont l’imputabilité au travail est trop peu reconnue
Les cancers imputables au travail sont reconnus comme des maladies professionnelles
donnant droit à réparation du préjudice subi. Cependant, le lien entre la maladie et
l’exposition reste difficile à établir pour plusieurs raisons : les experts manquent souvent
d’informations fiables sur le degré et la durée d’exposition antérieure, le temps de latence
entre l’exposition et la survenue de la maladie est souvent très long (en moyenne 20 à 40 ans)
et il existe de nombreux autres facteurs de risque génétiques ou environnementaux. Il y a
donc une sous-reconnaissance en maladie professionnelle. Seuls 15 à 30 % des cancers
professionnels seraient actuellement reconnus selon l’INCa ; il s’agit pour 98 % d’entre eux de
cancers imputables à l’amiante, au benzène, aux rayonnements ionisants et aux poussières
de bois.
Rechercher les facteurs de risque professionnels et les liens entre travail
et cancer
Le Plan cancer 2009-2013 prévoit l’amélioration de l’observation et la surveillance des
cancers liés à l’environnement "professionnel" (mesure 9). Le premier Plan cancer avait déjà
permis de financer plusieurs projets de recherche sélectionnés par l’ARC et l’INCa en
répondant à deux objectifs principaux : mieux évaluer les facteurs de risque connus grâce,
notamment, à la formation de cohortes, identifier de nouveaux facteurs de risque et
détecter les populations les plus vulnérables afin d’adopter des mesures de protection.
Mieux évaluer les facteurs de risque connus
L’une des études, coordonnée par l’Inserm, examine les facteurs de risques professionnels
de cancers du poumon et des voies aéro-digestives supérieures (étude ICARE). Les
auteurs ont inclus près de 9 000 personnes atteintes de ces deux types de cancers et des
sujets témoins sans cancer interrogées à l’aide de questionnaires incluant l'histoire
professionnelle mais également des caractéristiques socio-démographiques, le lieu de vie, les
antécédents médicaux et familiaux, les consommations de tabac et d’alcool, etc. Des premiers
résultats montrent par exemple un excès de cancers dans le secteur de la coiffure, chez
les femmes de ménage ou encore les travailleuses de l’électricité et de l’électronique.
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Une deuxième étude (enquête ENGELA) recherche les facteurs de risque, notamment
professionnels, des hémopathies malignes lymphoïdes de l'adulte. Les chercheurs ont
analysé les expositions aux pesticides, aux solvants organiques et aux PCB dans ces
hémopathies. Leurs résultats montrent que les métiers liés à l’agriculture sont plus
fréquemment retrouvés notamment pour des durées d’exposition de plus de 10 ans.
Une prochaine étape de ce travail analysera les expositions aux solvants en général (et au
benzène en particulier) dans le cadre d’un vaste consortium international Interlymph.
Une troisième étude épidémiologique (CECILE-pro) évalue les facteurs de risque
professionnels dans les cancers du sein. Les auteurs ont recueilli des informations
relatives à 1 234 femmes atteintes d’un cancer du sein en Ille-et-Vilaine et en Côte d’Or et 1
317 femmes témoins représentatives de la population générale. Les premiers résultats
montrent que le travail de nuit augmente jusqu’à 40 % le risque de développer ce type de
cancer. Il semblerait en effet que la modification de l’horloge biologique ait une incidence sur
les mécanismes hormonaux.
Détecter les populations vulnérables
L’étude AGRIculture et CANcer (AGRICAN) a été lancée pour évaluer l’incidence des cancers
et de la mortalité en milieu agricole en France chez 180 000 personnes. Les auteurs
s’attacheront à l’exposition aux pesticides, mais aussi à d’autres pratiques comme l’élevage
(produits chimiques variés, mycotoxines, poussières…) en prenant en compte le mode de vie
(tabagisme, alimentation, histoire reproductive…). Cette cohorte agricole, la plus vaste du
monde, fait partie d’un consortium international de cohortes agricoles (8 pays et 17 cohortes)
permettant d’augmenter la puissance statistique des études, notamment pour les expositions
ou les cancers peu fréquents.
D’autres travaux portent sur certains métiers ou processus sociaux faisant obstacle à la
prévention. Les études montrent que les intérimaires ou les sous-traitants sont moins bien
protégés et que les emplois les plus précaires semblent caractérisés par une certaine
résignation face au danger et une moindre application des mesures de sécurité.
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