d`Elizabeth Freake et de sa fille Mary, v.1674, Worcester Art Museum

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d`Elizabeth Freake et de sa fille Mary, v.1674, Worcester Art Museum
Peinture américaine : Naissance d'une nation
1835 : "Il faut reconnaître que parmi les peuples civilisés de nos jours, il en est peu chez qui les hautes sciences aient fait moins de progrès qu'aux Etats-Unis et qui
aient fourni moins de grands artistes, de poètes illustres et de célèbres écrivains. " Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique
1837 : "Les jours de notre dépendance, de notre long apprentissage auprès du savoir des autres pays tirent à leur fin. Des millions d'hommes autour de nous se
précipitent vers la vie, qui ne peuvent pas toujours de nourrir des restes des moissons étrangères. Des événements, des actions voient le jour, qui doivent être
chantés, qui chanteront par eux-mêmes." Ralph Waldo Emerson, The American Scholar
1933 : "Vous comprendrez, quand vous verrez l'Amérique, qu'un jour ils auront des peintres, parce que ce n'est pas possible, dans un pays pareil qui offre des
spectacles visuels aussi éblouissants qu'il n'y ait pas de peintres un jour." Matisse à André Masson
1856 : "L'Amérique peut ce qu'elle veut et elle veut être artiste. L'Amérique tentrera de tout, même d'avoir le génie des arts ; elle osera à sa manière et elle
accomplira en moins de cent ans ce que l'Europe n'a obtenu que par quinze siècles d'efforts. "Comte de Laborde, L'Union des Arts et de l'Industrie
Ouvrons ce cours avec l'image d'un vaisseau entré dans l'histoire, Le Mayflower à son arrivée dans le port de Plymouth, 1822, Pilgrim Hall Museum, Plymouth.. malgré
les missions de colonisation de la terre américaine confiées par la reine Elizabeth 1ère à sir Walter Raleigh en 1584-1585 et 1587( il créa la Virginie), malgré la
fondation de la ville de Jamestown (du nom du roi Jacques 1er) le 14 mai 1607 dans cette même Virginie, les 102 protestants anglais qui embarquèrent le 16
septembre 1620 à Plymouth, Angleterre, et débarquèrent le 11 novembre de la même année près de Cape Cod, dans le futur Massachussetts, sont les véritables Pères
fondateurs des Etats-Unis d'Amérique. Les Pilgrim Fathers, les Pères pèlerins, pauvres mais industrieux, très religieux, s'installent donc sur la côte est de ce nouveau
territoire qui deviendra la Nouvelle-Angleterre. Ces colons puritains eurent d'abord à résoudre des problèmes pratiques : construire leurs maisons, leurs fermes, leurs
ateliers, leurs commerces, leurs écoles, leurs églises, travailler la terre, élever du bétail, s'organiser, se défendre, se donner un cadre administratif et juridique, trouver
un équilibre avec les Amérindiens, bien avant de songer à créer des œuvres d'art qui restèrent, bien longtemps, dans l'esprit américain, y compris au 20ème siècle,
des objets superflus et frivoles.
Pour autant, cela ne signifie pas qu'il n'y ait eu aucune manifestation artistique sur le sol américain. Les colons souhaitent avoir leur image, celle de leurs familles orner
leurs intérieurs pour témoigner de leur réussite ; ils font appel à des artisans enlumineurs, les "limners ", restés le plus souvent anonymes :
Margaret Gibbs, 1670, Boston, Museum of Fine Arts, est le portrait de la fille d'un marchand fortuné de Boston, Robert Gibbs, qui commanda, par souci de monter son
statut social, les portraits de ses trois enfants, Margaret, robert et Henry. La richesse du père est mise en évidence par la toilette de l'enfant ; une loi du
Massachussets interdisait le port de la dentelle à ceux qui n'avaient pas un revenu annuel de 200£. Nous pouvons faire la même remarque concernant le Portrait
d'Elizabeth Freake et de sa fille Mary, v.1674, Worcester Art Museum.
Au 18ème siècle, les mentalités changent et l'art va finir par accompagner le développement des 13 premières colonies américaines, comme en témoigne le Portrait de
la famille d'Isaac Royall, 1741, Fogg Art Museum, Cambridge, par Robert Feke. Il existe désormais 13 colonies du nord au sud de la côte est : composant la NouvelleAngleterre, le New Hampshire, le Massachussetts, le Connecticut, Rhode Island, puis au centre, l'état de New York, le New Jersey, le Delaware, la Pennsylvanie, puis au
sud, le Maryland, la Virginie, la Caroline du Nord, la Caroline du Sud, la Géorgie. Chaque colonie possède sa constitution. Elle est dirigée par un gouverneur qui
représente les intérêts de la monarchie anglaise. Les colons sont désormais bien implantés, ils ont éliminés leurs rivaux suédois, hollandais, et surtout français. Ces
derniers ont perdu à la suite de la Guerre de Sept ans qui opposait la France, l'Angleterre, l'Autriche et la Prusse, la quasi totalité de leurs possessions nordaméricaines. L'avenir s'annonce radieux, 100 000 personnes vivent le long de la côte Est, le commerce se développe et l'aristocratie américaine, qui se sent et se voit
anglaise, souhaite désormais être représentée comme l'aristocratie anglaise. Il n'y a pas encore de sentiment d'appartenance au sol américain. Les colons restent
attachés à la mère patrie. Robert Feke est le meilleur portraitiste de sa génération et le meilleur peintre né en Amérique avant John Singleton Copley. Né à Long
Island vers 1706, il arrive à Boston en 1741, après avoir effectué quelques séjours à Londres. Il est actif à Boston jusqu'en 1750, on perd ensuite sa trace. Son style
emphatique correspond parfaitement au goût des familles dominantes du Massachusetts. Il manque cependant d'aisance et d'habileté, notamment dans les zones de
transition entre les différentes parties du corps. Il est plus adroit, en revanche, dans le traitement des étoffes, velours, brocart, satin.
Joseph Blackburn, avec le Portrait d'Isaac Winslow et de sa famille, 1755, Boston, Museum of Fine Arts, témoigne de plus de talent. C'est un peintre anglais actif en
Nouvelle-Angleterre de 1753 à 1763. L'apport de Blackburn est essentiel, en partie en raison de son influence sur les deux plus grands peintres de la fin du 18ème
siècle américain : Benjamin West et John Singleton Copley, qui le surpasseront bien vite. Blackburn introduit la manière anglaise, le Grand style, et en permet la
diffusion. A l'aise dans les draperies et les costumes, il reste maladroit dans le traitement des personnages qui semblent figés, aux visages inexpressifs, surtout les
enfants. Les corps du couple Winslow sont cependant bien moins raide que ceux du couple Royall.
Avec Benjamin West, le portrait américain franchit un pas important. Né en 1738, la même année que Copley, West est animé, comme lui, de grandes ambitions :
aller au-delà de l'art du portrait pour atteindre la grande peinture, la peinture d'histoire. Passer enfin du statut d'artisan à celui d'artiste. Dans les années 1750, West
est à Philadelphie. On considère que son Portrait de Thomas Mifflin, v.1758, Philadelphie, Société historique de Pennsylvanie, est l'équivalent américain du Blue boy,
portrait de Jonathan Buttal peint de Thomas Gainsborough, v.1770, Huntington Library, San Marino. Comparaison peu judicieuse en raison de l'écart immense qui
existe entre les deux toiles.
John Singleton Copley est, en revanche, un artiste abouti dès ses débuts, sa période américaine est longue de 14 années, il ne part pour Londres qu'en 1774.
Son beau-père, Peter Pelham, est graveur ; il appartient à un groupe d'artistes que fréquente également Robert Feke, qui va permettre au jeune homme de
s 'épanouir. Copley partage les idées de West, affirmant que s'il n'y avait pas eu une société d'aristocrates, de marchands, d'hommes de loi désirant ardemment leurs
portraits et ceux de leurs familles, il n'y aurait jamais eu de peintures dans les colonies. Il se veut peintre d'histoire, de mythologie, de paysages idéalisés, il rêve d'un
art développant les vertus morales de ceux qui le contemplent. Il est partagé entre le désir de partir vers l'Angleterre, qui, seule, peut répondre à ses ambitions, et la
peur de quitter Boston et sa clientèle.
Grâce à lui, naît un art américain, quelques années avant que les colonies n'acquièrent leur indépendance. Il est le grand portraitiste américain :
⁃ Portrait de Mercy Otis Warren, 1763, Boston, Museum of Fine Arts, épouse d'un marchand et fermier prospère, Mercy Otis Warren fut une grande intellectuelle et
fervente patriote ; elle écrivit en 1805 Naissance, évolution et achèvement de la révolution américaine.
⁃ Le Garçon à l'écureuil (Portrait de Henry Pelham), 1765, Boston, Museum of Fine Arts, Copley s'applique à rendre la translucidité du verre, le dessus miroitant de la
table, la fraîcheur immaculée de la dentelle, la chaîne d'or autour du cou de l'animal à la belle fourrure, le satiné du rideau de velours, et l'innocence de
l'enfant qui n'est autre que son demi-frère âgé de 14-15 ans. Il fit présenter son tableau à Londres en espérant une critique favorable des professionnels et
des amateurs. Joshua Reynolds :"...peinture étonnante pour avoir été présentée par un jeune homme qui n'avait jamais quitté la Nouvelle-Angleterre et
n'avait pour toute source d'inspiration que quelques pauvres reproductions." et : "Avec les avantages de l'Exemple et de l'Instruction que vous seriez à
même de recevoir en Europe, vous apporteriez une appréciable contribution à l'Art, et vous deviendriez l'un des meilleurs peintres du monde si vous pouviez
1 profiter de ces appuis avant d'atteindre un âge avancé et que votre style et votre goût ne soient corrompus ou figés par le travail de peu d'intérêt que vous
faites à Boston."
⁃ Portrait de Nicholas Boylston, 1767, Fogg Art Museum, Cambridge, et Portrait de Rebecca Boylston, 1767, Boston Museum of Fine Arts, le riche marchand
bostonien et sa sœur présentent le même raffinement dans les atours, les accessoires et prouvent assez bien la virtuosité du peintre.
⁃ Portrait de Paul Revere, 1768, Boston, Museum of Fine Arts, ce portrait d'évoquer la Boston des années 1760 et 1770 au moment où la ville devient le centre de
l'opposition au gouvernement anglais. Paul Revere, patriote appartenant au groupe des Fils de la liberté et chargé du système de surveillance et de
renseignement des mouvements anglais, est entré dans la légende de la Révolution dans la nuit du 18 au 19 avril 1775. Cette chevauchée de minuit
(Midnight Ride) lui permit d'avertir ses concitoyens de l'avancée des troupes anglaises vers Lexington et Concord au Nord. Les troupes américaines ainsi
prévenues furent rejointes par les Minutemen, engagés volontaires "à la minute" et défirent les anglais le lendemain. Orfèvre de métier, Paul revere est
représenté en manches de chemise, avec, à côté de lui, ses outils de travail. Il tient dans les mains une théière qu'il s'apprête à graver. Le tableau fut réalisé
trois ans après le Stamp Act de 1765, acte du parlement anglais imposant une nouvelle taxe aux colonies. Les colonies répondirent par un boycott des
produits anglais et l'œuvre devint un manifeste du "Achetez américain".
⁃ Portrait de Mrs. Margaret Kemble Gage, 1771, San Diego, Timken Museum of Art, l'épouse de Thomas Gage, commandant en chef des forces anglaises en Amérique
du Nord de 1763 à 1775, vaincu à Lexington et Concord, était soupçonnée d'intelligence avec l'ennemi par ce dernier qui la renvoya en Angleterre. Nouvel
exemple dans l'œuvre de Copley qui, pourtant, tentait de préserver une neutralité politique, de représentation ambigüe.
Excellent portraitiste également, Charles Willson Peale fut, selon ses propres mots, "citoyen et patriote énergique et dans sa vie privée, aimé de tous ceux qui le
connaissaient". Peale fit le voyage d'Angleterre en 1766 pour étudier dans l'atelier de Benjamin West. Il y apprend la fluidité du style, s'imprégnant de la Grande
manière anglaise. Il rentre en 1769 et travaille dans les grandes villes de la côte Est : Annapolis, Baltimore et Philadelphie. En 1786, il ouvre son propre musée d'art et
d'histoire naturelle. Il encouragea 8 de ses 17 enfants à devenir des artistes en donnant à certains des prénoms prédestinés : Rembrandt, Rubens, Raphaëlle, Titian,
Rosalba Carriera et Angelika Kauffmann Peale. Le Portrait de la famille Cadwalader, 1772, Philadelphia Museum of Art, est l'une de ses plus grandes réussites. Planteur
et négociant, John Cadwalader devint général de brigade de la milice de Philadelphie durant la guerre d'Indépendance. Nous le voyons ici en compagnie de sa femme
Elizabeth et de leur fille Anne. L'œuvre est riche de symboles, le fruit évoque l'abondance et la fertilité, les perles l'amour des choses terrestres, le chapeau le lien avec
le monde extérieur, et l'éventail fermé les liens du mariage. Puis arriva sur la scène artistique, Gilbert Stuart. Portraitiste majeur de la génération d'après
l'Indépendance, il quitte l'Amérique la veille de la bataille de Bunker's Hill, rejoint l'atelier de Benjamin West et ne revient qu'en 1792. Le chef-d'œuvre des années
anglaises de Stuart est Le Patineur, 1782, Washington, National Gallery of Art, qui nous présente l'un de ses amis, William Grant. Le portrait américain se hisse
désormais au niveau du portrait anglais, la comparaison avec Le Portrait de Mr. et Mrs. Hallet, dit aussi La Promenade du matin, de Thomas Gainsborough, 1785,
Londres, National Gallery, est éloquente. Stuart revient en Amérique en 1793, apportant à New York, Philadelphie, Washington, Boston, le goût anglais. Il s'installe à
Boston en 1805. Son plus haut fait de gloire est d'avoir été le portraitiste de George Washington, président des Etats-Unis en 1789 et 1793 ; l'un des premiers
portraits date de 1795, New York, The Metropolitan Museum of Art, puis Stuart peint les portraits de George Washington et de son épouse Martha, en 1796, Boston,
Museum of Fine Arts. A partir de ce portrait, Stuart réalisa 114 portraits de celui qui mena les forces américaines à la victoire.
Parallèlement au portrait se développa la peinture d'histoire. Copley partit pour Londres en 1774 dans l'espoir de la pratiquer enfin. Il peint quasiment une peinture
d'histoire, individuelle et contemporaine, avec Watson et le requin, 1788, Boston, Museum of Fine Arts. Brooke Watson fut victime d'un requin dans le port de La
Havane en 1749, il n'avait que 14 ans. Le tableau montre le moment le plus dramatique de l'épisode vécu par le jeune Watson : le requin vient de lui arracher le pied et
un morceau de mollet, il est à demi inconscient, incapable de saisir la corde qui lui est tendue, les rameurs fournissent un terrible effort pour approcher la barque du
corps, tandis qu'un pêcheur s'apprête à harponner la bête. L'œuvre obtint un succès considérable.
Toutefois, le sujet de prédilection de la peinture d'histoire américaine sera la guerre d'Indépendance. Après la promulgation du Stamp Act, l'Angleterre ne cessait
d'accabler ses colonies par des taxes et celles-ci n'avaient pas de représentants au parlement de Westminster pour les défendre. En 1773, le Tea Act autorisa la
Compagnie anglaise des Indes orientales à vendre du thé aux colonies sans payer de taxe, donc à vendre moins cher, ruinant ainsi les marchands indépendants
américains. Le 16 décembre 1773 eut lieu la Boston Tea Party : les Fils de la liberté grimpèrent à bord des bateaux de la Compagnie anglaise des Indes orientales
ancrés dans le port de Boston et jetèrent par-dessus bord 342 caisses de thé. Les anglais fermèrent le port de Boston. Le 4 juillet 1776, les représentants des 13
colonies se réunirent en congrès à Philadelphie pour ratifier la Déclaration d'Indépendance et dissoudre les liens qui les rattachaient à l'Angleterre. En 1783, le Traité
de Paris mit fin à la Révolution américaine et consacra l'indépendance des colonies. En 1787, les 13 nouveaux états ratifièrent la Constitution des Etats-Unis. Les
escarmouches se prolongèrent et il y eut un nouveau conflit anglo-américain de 1812 à 1815 seconde guerre d'Indépendance) qui vit la victoire définitive des EtatsUnis d'Amérique.
Sujet magnifique pour les artistes américains que la naissance de leur nation ! Et sujet effrayant également car ceux-ci savaient bien qu'ils avaient encore besoin dans
leur art de l'exemple anglais. Comment concilier l'exaltation de l'Indépendance avec la manière et surtout la clientèle anglaises. Certains avaient choisi l'exil : West dès
1760, Copley en 1774, Stuart de 1775 à 1792, John Trumbull de 1784 à 1789, puis en 1794 et 1804. Ils partent car ils prennent en considération l'obligation de
progresser dans leur art, mais ceux qui reviendront permettront l'émergence de la Génération de la Révolution dite aussi la Génération de l'Indépendance. Considérant
que l'Amérique est désormais prête pour un art et des thèmes héroïques, ce qui n'est encore vraiment la réalité, les peintres américains vont représenter l'épopée de
leur pays.
West avait anticipé le goût d'un art moral qui élève l'esprit, caractéristique de la peinture d'histoire. Formé à Rome, de 1760 à 1763, dans l'entourage de Johann
Winckelmann, auteur des Réflexions sur l’imitation des œuvres grecques dans la peinture et la sculpture, ouvrage publié en 1755 et qui met en place les bases
esthétiques du Néo-classicisme. Arrivé à Londres en 1763, rejoignant le cercle d'artistes gravitant autour du roi George III, West deviendra peintre royal de sujets
historiques en 1772 et président de la Ryal Academy en 1792 après la mort de sir Joshua Reynolds.
En 1770, il peint La Mort du général Wolfe, Ottawa, musée des Beaux-Arts du Canada, et, en 1771-1772, Le Traité de Penn avec les Indiens, Philadelphie,
Pennsylvania Academy of Fine Arts. Les deux œuvres sont des épisodes de l'histoire contemporaines, la première, la mort de Wolfe durant le siège de Québec, en
1759, et l'autre témoignant des relations entre colons et Indiens, par la signature d'un traité à Shackamaxon garantissant les droits des uns et des autres. C'est John
Trumbull sans clientèle anglaise qui devient le peintre-historien de la naissance des Etats-Unis. A partir de 1786, encouragé par benjamin West et Thomas Jefferson, il
imagine de créer une série de toiles commémorant les événements les plus marquants de la guerre d'Indépendance dont l'épisode le plus fameux est La Mort du
général Warren à la bataille de Bunkers'Hill, 17 juin 1775, 1786, Boston, Museum of Fine Arts, puis le Congrès lui commanda des panneaux pour les murs de la
rotonde du Capitole à Washington : La Déclaration d'Indépendance, 1818, et La Reddition du général Cornwallis, en 1820, souvenir de la bataille de Yorktown, du 28
septembre au 17 octobre 1781, où les américains, et leurs alliés français menés par le comte de Rochambeau, vainquirent les anglais.
2 D'autres artistes choisirent des épisodes moins épiques tels John Vanderlyn, La Mort de Jane Mc Crea, 1804, Hartford, Wadsworth Atheneum, scène théâtralisée du
moment où Jane Mc Crea fut scalpée par deux iroquois, alliés des anglais. Entre peinture d'histoire et scène de genre, citons de George Caleb Bingham, L'Election
du comté, 1852, Saint Louis Art Museum, ou plus saisissant, Daniel Boone escortant des colons à travers le col du Cumberland, 1851-1852, Saint Louis Art Museum.
Daniel Boone était un héros très populaire qu'on surnomma l'Indien blanc. L'épisode est peut-être tiré de son Autobiographie publiée en 1784. Pionnier de la
colonisation dans ce qui est actuellement le Kentucky à la limite du Middle West et des états du Sud, au-delà des 13 colonies, Boone est celui qui ouvre la route vers
l'Ouest et crée la Route sauvage à travers les Appalaches, reliant la Caroline du Nord et le Kentucky. Il est devenu une légende de son vivant. Bingham donne une
forme picturale à cette épopée légendaire qui devient le symbole de la liberté et de l'esprit d'entreprise qui a toujours caractérisé le peuple américain. Voyons enfin une
image de La Conquête de l'Ouest, 1860, Washington, Smithonian American Art Museum, par Emanuel Leutze, esquisse pour le panneau de la Rotonde du Capitole à
Washington.
Après le portrait et la peinture d'histoire, le paysage. Le paysage devient assez rapidement un genre qui permet aux américains de s'identifier en tant que nation. La
littérature de l'époque fait la part belle aux paysages. Les Voyages à travers la Caroline du Nord, la Caroline du Sud, la Géorgie, la Floride occidentale et orientale de
William Bartram, 1791, eurent un impact certain sur les peintres car le récit exalte la nature, évoque la sérénité des colons, les plaisirs de la chasse et de la pêche.
Le paysage est le support privilégié de l'expression d'un idéal, tout en essayant de se concilier le goût du public. Washington Allston, Paysage au clair de lune,
1809 ou 1819, Boston, Museum of Fine Arts, incarne le Romantisme naissant aux Etats-Unis. Sentiment de mystère, de solitude, petitesse de l'homme face à la nature,
c'est un Friedrich américain dans les œuvres duquel le cosmos écrase l'homme qui ne cesse de se poser des questions sur sa destinée et sa place dans l'univers.
Thomas Cole reprend ses idées. Dès 1825, la force et la personnalité de ce dernier permet la formation de la première école cohérente de peinture l : a Hudson River
School.
A partir de cette date et quasiment jusqu'à la fin du 19ème siècle, le paysage allait prendre l'ascendant sur tout autre thème dans la peinture américaine. Le genre
incarne la grandeur américaine, l'immensité du pays, la nouveauté de sa faune et de sa flore, le paysage est à l'Amérique, comme le souligne l'historien d'art Matthew
Baigell dans son Histoire de la peinture américaine, ce que Chartres et le Colisée sont à l'Europe. L'importance du paysage s'accroît au fur et à mesure de la
conquête des territoires vers l'Ouest. Par ailleurs, le paysage est également un élément d'instruction religieuse et d'édification morale. On voit dans la nature
américaine la main de Dieu. La nature est enfin un refuge à l'industrialisation croissante des états américains, les manufactures prospéraient rapidement. Dès les
années 1820, on s'inquiète des peuplements de colons susceptibles de modifier la nature. Thomas Cole, Asher Brown Durand et leurs suiveurs sont soucieux
de la préservation des grands espaces américains. La peinture de Cole est une des manifestations du Sublime s'opposant au pittoresque, reprenant ainsi le débat tenu
dès la fin du 18ème siècle en France, en Angleterre et en Allemagne. Ces problématiques sont visibles dans tous les paysages de Cole :
⁃ L'Expulsion du Jardin d'Eden, v;1827-1828, Boston Museum of Fine Arts, souligne le caractère idyllique du paradis face à une nature déchaînée qui s'offre à Adam
et Eve qui en sont chassés après le péché originel. Hors du Paradis, la vie est menaçante et effrayante.
⁃ La nature devient un memento mori dans son Voyage de la vie, peint en 1842, en quatre scènes : Enfance, Jeunesse, Âge mur, Vieillesse, Washington, National
Gallery of Art. La série peinte à Rome présente les quatre âges de la vie, l'enfant sorti du ventre maternel symbolisé par la grotte, est protégé par son Ange
gardien à la poupe de la barque tandis qu'à la proue on peut distinguer les Heures ; devenu jeune homme, il prend la barre tandis que l'Ange gardien lui dit
adieu sur la berge ; à l'âge mur, le paysage est assombri par la tempête, personne ne tient la barre, la barque se dirige vers des rapides, des démons
tournent au-dessus de la tête du voyageur, l'Ange gardien ne peut plus rien ; la vieillesse voit la fin du voyage, l'Ange gardien est de retour et présente le
royaume des cieux à son protégé tandis que les Heures à la proue de la barque ont été détruites.
⁃ La Croix dans la solitude, 1845, Paris, musée du Louvre, est encore une réflexion sur la destinée, mais Cole a aussi traité le paysage pour lui-même dans La Vue du
Mont Holyoke, Northampton, le méandre, 1836, New York, The Metropolitan Museum of Art, Vue des Catskills, début de l'automne, 1837, New York, The
Metropolitan Museum of Art, Le Retour du chasseur, 1845, Fort Worth, Amon Carter Museum ; Thomas Cole disait, dans une lettre à Asher Brown Durand :
"Je n'ai jamais réussi à peindre des paysages, si beaux soient-ils, juste après avoir quitté le site. Je dois permettre au temps d'estomper les détails
ordinaires, les éléments superflus, afin de laisser les grands traits, beaux ou sublimes, dominer mon esprit."
Asher Brown Durand, auteur de Fraternité d'esprit, 1849, New York, Public Library, commence à peindre dans les années 1830. Cette œuvre est un hommage, un
après sa mort, à Thomas Cole que l'on voit ici en compagnie du poète William Cullen Bryant. Cole connaissait le poète depuis 1829 et les deux hommes avaient fait un
voyage dans les Catskills en 1841.
Les deux artistes qui vont porter le paysage à son apogée dans les années qui précèdent et suivent la Guerre de Sécession sont Frederic Edwin Church et Albert
Bierstadt. En 1848, Church peint A la mémoire de Cole, collection particulière. Il a été le seul élève de Thomas Cole mais va bien vite transcender les conceptions de
son maître. L'Amérique du Nord devient un champ illimité d'investigation pour Church. Il laisse la nature déployer ses qualités propres, Chutes du Niagara, 1857,
Washington, The Corcoran Gallery of Art, Crépuscule dans la nature sauvage, 1860, Cleveland Museum of Art, Lever de soleil sur la côte du Maine, 1863, Hartford,
Wadsworth Atheneum. Les paysages de Church peuvent paraître grandiloquents, ils sont tout simplement grandioses, et la magnificence de la nature s'appuie sur la
lecture qu'il fit de l'œuvre d'Alexander von Humboldt, Kosmos, publiée aux Etats-Unis de 1849 à 1858. Humboldt croyait que l'art serait d'autant plus magnifique qu'il
laisserait s'épanouir les aspects les plus luxuriants de la nature, en particulier dns les Andes. Church voyagea par deux fois en Amérique du Sud, en 1853 et 1857. Il
célèbre une nature non encore corrompue par l'homme qui reste une créature insignifiante, Les Andes à l'Equateur, 1855, Winston Salem, The Reynolda House
Museum, et Saison des pluies sous les Tropiques, 1866, San Francisco, De Young Museum.
Albert Bierstadt, qui travailla à Düsseldorf, auprès du paysagiste Andreas Achenbach de 1853 à 1855, participe en 1859 à l'expédition du colonel Landers dans les
Montagnes Rocheuses, il y fera de nombreuses esquisses de paysages, de campements, de troupeaux, évoqués dans Les Montagnes Rocheuses, 1863, New York, The
Metropolitan Museum of Art et L'Orage dans les Montagnes Rocheuses, 1866, New York, Brooklyn Museum of Art. Cette œuvre le pose en rival de Church. Le critique
Sheldon écrit en 1881 : "M.Bierstadt croit comme Wagner qu'une œuvre d'art doit être imposante...Son style est expressif et pénétré d'émotion. Il est le Gustave Doré
du pausage. Il aime un sujet noble et dédaigne d'illuminer des choses banales." Ses autres paysages de prédilection sont
Yosemite Valley en 1864, Boston Museum of Fine Arts, en 1865, Birmingham Museum of Art, en 1868, Oakland Museum of California, et La Sierra Nevada, 1868,
Washington, Smithonian american Art Museum, qui firent connaître dans les états de l'Est, à un public stupéfait, la magnificence inimaginable et la pureté cristalline des
dernières régions vierges des Etats-Unis.
Ralph Waldo Emerson avait pu écrire en 1856 : "Nous sommes encore au Paradis terrestre" et Albert Bierstadt vivifiait le mythe du Jardin d'Eden américain au-delà des
territoires industrialisés.
George Caleb Bingham avait, de son côté, offert dans le cadre du Missouri, des scènes de la vie ordinaire d'une population encore rurale. Bingham est autant un
paysagiste qu'un peintre de genre qui laisse des images qui nous emplissent de nostalgie pour une époque révolue : Bateliers sur le Missouri, 1846, San Francisco, De
3 Young Museum, et Marchands de fourrure descendant le Missouri, 1845, New York, The Metropolitan Museum of Art, on retrouve un lointain écho de cette vie fluviale
dans une œuvre de Frederick Remington, Soir sur un lac canadien, 1905, collection particulière.
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