M. Alfrei Coste-Floret semble considérer que le dernier alinéa détrirt

Transcription

M. Alfrei Coste-Floret semble considérer que le dernier alinéa détrirt
ASSEMBLEE
NATIONALE
—
M. A l f r e i Coste-Floret semble considérer que le dernier alinéa
d é t r i r t , en ce qui concerne le tiercement, ce qu'il a appelé la
t h è s e de la souplesse et il a cité u n auteur très éminent,
•M. Juiliot de la Moràndière, qui r é s u m a i t dans u n e phrase, en
effet intéressante, u n e j u r i s p r u d e n c e qui, cependant, et dans
•le détail, a son importance et ne semble pas s'être formée à
propos de l'application de la loi portant statut du fermage et
d u métayage.
Nous avons h e u r e u s e m e n t la possibilité de nous référer à
u n e j u r i s p r u d e n c e qui s'exprime, n o n par des analyses d'aut e u r s — quelle que soit, d'ailleurs, l'autorité dont jouissent
ceux-ci — mais par les décisions de la cour s u p r ê m e elle-même.
En effet, la coexistence d ' u n dernier alinéa disposant que
l'article 22 bis est d'ordre public et de cette règle de souplesse
qui en matière de tiercement, admet u n e décision contraire du
t r i b u n a l paritaire, n ' e s t pas u n e innovation de la commission
de l'agriculture dans l'objet du présent débat, A cet égard, le
texte soumis à l'Assemblée ne fait que reprendre les dispositions de l'article 22 bis de la loi du . 13 avril 1916 qui décidait
d é j à que, d u n e part, la part du bailleur ne peut être supérieure
a u tiers de l'ensemble des produits, sauf décisiQn contraire du
t r i b u n a l paritaire, et que, d'autre part, les dispositions de cet
article étaient d'ordre putblic.
La difficulté a donc été soumise à la cour de cassation. Il y a
e u , me disent m e s services, plusieurs dizaines de décisions qui
ont été r e n d u e s par application de l'article 22 bis de Ja loi du
J 3 avril 1946.
Quel a été le sens de la jurisprudence qui s'est ainsi fixée ?
Voici des r é s u m é s relatifs à des arrêts r e n d u s en la matière :
« L'article 22 bis accorde au tribunal paritaire le droit de
déroger à la règle du tiercement, sans aucune restriction. Dès
lors, les juges paritaires ont la faculté d'accorder u n e répartition
différente lorsque le bailleur justifie avoir engagé des dépenses
exceptionnelles. »
« Ainsi jugé par la cour de cassation, c h a m b r e sociale, arrêt
d u 13 m a i 1949. »
Dans d ' a u t r e s décisions, on fait très explicitement allusion à
la difficulté soulevée par M. Alfred Coste-Floret. Je lis:
« La règle du tiercement n ' e s t pas d'ordre public et il est
t o u j o u r s possible aux t r i b u n a u x paritaires d'apporter à cette
règle les dérogations qu'imposent les circonstances. »
« Ainsi jugé par la cour de cassation, c h a m b r e sociale, a r r ê t
d u 14 mai 1949. »
La question est donc tranchée d ' u n e manière qui doit donner
tous apaisements et à M. Alfred Coste-Floret et à la commission
de la justice.
La cour s u p r ê m e , a y a n t à appliquer d ' u n e manière conjuguée et le deuxième alinéa de l'ancien article 7 qui-prévoit, en
matière de tiercement, la possibilité de dérogations prononcées
p a r les t r i b u n a u x paritaires et le dernier alinéa (proclamant la
règle d'ordre public, n ' a pas hésité à dire que le dernier alinéa
h e fait pas obstacle à ce q u ' e n matière de tiercement, les trib u n a u x paritaires puissent déroger.
Faut-il en conclure que la cour de cassation aurait méconnu
certains ^principes de droit ? Malgré toute la déterence que j ' a i
p o u r le professeur de droit qui est intervenu si magistralem e n t dans le débat et pour la commission de la justice, je ne
•puis envisager de mettre en doute, d ' u n e manière qui serait
' v é r i t a b l e m e n t outrageante, la h a u t e compétence et la h a u t e
impartialité de la cour s u p r ê m e .
J ' e n suis, modeste ministre de l'agriculture, a m e n é à rechercher si, d ' a v e n t u r e , cette solution n e s'imposait pas avec la
force de l'évidence.
Il est d'abord possible de faire u n partage entre les dispositions de l'article 22 bis.
Pour celles qui n e prévoient a u c u n e possibilité de dérogation,
il est h o r s de doute qu'il est n a t u r e l d'envisager de leur conf é r e r le caractère d'ordre public.
Même en ce qui concerne le tiercement, je pense — ma thèse
paraîtra peut-être quelque peu audacieuse, n é a n m o i n s je l'expose
— jè p e n s e , dis-je, q u ' e n déclaiant que toutes les dispositions
'de l'article sont d'ordre public, on consolide, au contraire, ce
q u e M. Alfred Coste-Floret appelle la thèse de la souplesse.
Je pense que, m ê m e én manière de tiercement, il y a lieu
'd'appliquer la règle d'ordre public. Mais dans quel sens ? Si
les parties voulaient, d ' a v e n t u r e , renoncer au bénéfice de la
souplesse q u e le législateur a introduite en la matière, la règle
d'ordre public signifie qu'elles n ' e n auraient p a s le droit.
On pourrait imaginer, à la r i g u e u r , que des parties convienn e n t de renoncer à faire appel aux t r i b u n a u x paritaires, q u ' a y a n t
a d m i s la règle du tiercement elles se r e f u s e n t , à l'avance, la
(possibilité d ' y faire déroger par u n e décision du t r i b u n a l parit a i r e , Une pareille clause serait alors frappée de nullité*
2*
SEXNCE
DU
6
AVRIL
1951
En effet, le législateur du 13 avril 1946 — je pense que le législateur de 1951 sera fidèle à cette intention — a attaché tant
d'importance à cet assouplissement nécessaire de la règle du
tiercement qu'il a e n t e n d u interdire aux parties de s'y soustraire en renonçant à cette sauvegarde que sera le recours au
t r i b u n a l paritaire. De sorte que, p o u r réaliser la svnthèse que
recherchait v a i n e m e n t M. Alfred Coste-Floret, il n'est m ê m e .pas
nécessaire de recourir à une fragmentation de l'article 22 bist
d'envisager u n e solution qui appliquerait le caractère d'ordre
public à certaines seulement de ses dispositions pour en
exclure celles q u i concernent le tiercement.
J'estime q u ' a u contraire, la règle d ' o r d i e public consacre u n i
solution d'équité, de souplesse et de bon sens que, je pense,
l'Assemblée nationale confirmera. (Applaudissements
à gauchi
cl sur divers bancs au centre.)
M. le président. La parole est à M. Alfred Coste-Floret.
M. Alfred Coste-Floret. Mon intention n'est pas de r é p o n d r e
à la cour de cassation, car l'interprétation que l'on vient de
donner de sa jurisprudence ne détruit pas, je vais le m o n t r e r ,
l ' a r g u m e n t a t i o n que j'ai exposée. Je veux seulement m ' a d r e s ser à M. Garcia et à M. le ministre de l'agriculture.
Je ne m ' é t o n n e pas que M. Garcia combatte m o n amendem e n t et se prononce contre la liberté des contrats. La conception qu'il défend est, en effet, logique et, dans la thèse qui est
la sienne, M. Garcia a parfaitement raison de s'opposer à u n
a m e n d e m e n t qui, en supprimant le caractère d'ordre public du
tiercement, pourrait r e n d r e possible ce qui, je le p r é t e n d s ,
demain ne le sera pas, à savoir soit des conventions contraires, soit l'homologation, en équité, d ' u n e autre proportion par
les t r i b u n a u x paritaires.
Je ne suis pas d'accord avec M. le ministre de l'agriculture
qui p r é t e n d lever la contradiction. Certes, lorsque le juge se
trouve en présence d ' u n texte contradictoire — le législateur de
1950 n ' e n a pas le monopole, mais la multiplication des e r r e u r s
n ' e s t pas u n e légitimation et nous s o m m e s là pour suivre les
bons exemples et non les mauvais — le codfe impose au magistrat, sous peine de déni de justice, de rechercher une solution
et de donner à ce "texte plutôt l'interprétation dans laquelle il
a u n sens que celle dans laquelle il n ' e n a pas.
Mais le problème reste entier, car il s'agit de savoir, en
l'état actuel de la rédaction proposée, ce que le juge dira. Il
peut dire — c'est u n sens — que les pouvoirs dès t r i b u n a u x
paritaires subsistent ou bien — c'est u n autre sens — que ces
pouvoirs n'existent plus. Ce qu'il ne peut pas, c'est dire q u e
le texte n ' a pas de sens.
M. le ministre de l'agriculture prétend que le juge dira — je
souhaiterais qu'il ait raison et que le juge puisse le dire —
que le texte a u n sens et que ce sen« e-t, nonobstant la notion
d'ordre public, que les t r i b u n a u x paritaires pourront apprécier. Pour soutenir sa thèséV il se réfère à la j u r i s p r u d e n c e
qu'a provoquée l'interprétation de de la loi du 13 avril 1946.
Il n ' y a q u ' u n m a l h e u r en l ' o c c u r r e n c e : si la cour de cassation a pu donner cette interpréation libérale, c'est parce q u e
le texte précité n'était pas rédigé de la m ê m e façon que celui
qui nous est proposé.
D'une p a r t , le texte de 1910 consacre — c'est ce que j'ai
proposé clans une solution m o y e n n e à l'Assemblée — u n alinéa
spécial au tiercement. Ensuite, si le dernier alinéa indique
bien que les dispositions sont d'ordre public, il ne déclare
pas, comme dans la rédaction qui nous est soumise, que « les
dispositions du présent article sont d'ordre public ». Il y
est écrit: « Les dispositions ci-dessus sont d'ordre public. »
Or, « les dispositions ci-dessus », la cour dse cassation, p a r
u n e large interprétation qui aboutit à la liberté, a pu dire,
en effet, qu'elles s'appliquaient au second a l i n é a : « Le p r e n e u r
ne p e u t être astreint en sus de la part de produits r e v e n a n t
au bailleur à aucune redevance, prestation ou service. -> Eile
a pu exempter le premier alinéa parce que, grammaticalement,
il était permis de le soustraire à l'application du concept
d'ordre public.
A u j o u r d ' h u i , on voudrait agir de façon inverse et dans u u
sens beaucoup plus restrictif, puisque le texte porte que c<e
sont toutes les dispositions de cet article, y compris celles relatives au tiercement, qui seront d'ordre public. #
On retombe alors dans la jurisprudence que j'ai analysée
et dans la synthèse donnée par le doyen de la faculté de
droit die Paris, à savoir que le juge ne peut pas, à sa fantaisie,
appliquer ou non la notion d'ordre public, qu'il n e doit pas
en avoir u n e conception p u r e m e n t personnelle, subjective, et
qu'il doit trouver la base de ses décisions dans les éléments
objectifs que sont les textes en vigueur.
Au d e m e u r a n t , m ê m e si l'interprétation que je défends n ' é t a i t
p a s la b o n n e — ce qui, d'ailleurs, peut être vrai, car, ainsi
que le disait u n de m e s collègues, le droit est chose fluctuante.