La Croix du Nord trouve sa voie - WAN-IFRA

Transcription

La Croix du Nord trouve sa voie - WAN-IFRA
Rédactions
Valérie Arnould
juillet/août 1999
techniques de presse
Presse hebdomadaire régionale
La Croix du Nord trouve sa voie
Après Montpellier et Lyon, Lille
aura aussi son hebdomadaire
d’information, c’est du moins le
pari de l’ex-Croix Nord/Pas de
Calais, devenue simplement La
Croix du Nord. Le développement
d’hebdomadaires d’information
sur certaines grandes agglomérations montre que cette forme de
presse répond à un besoin. Son
succès provient souvent d’une forme de « contre-programmation »
dans le traitement de l’information face aux puissants quotidiens
régionaux. C’est du moins la carte
jouée par La Croix du Nord.
et près de 22 hebdomadaires locaux. Dans
une agglomération dépassant le million
d’habitants, comme c’est le cas à Lille, il est
difficile de faire un hebdomadaire catholique local, surtout avec 28 pages par semaine. L’option qui s’ouvrait à nous était
de réaliser un journal thématique ancré
dans sa région. Nous devions assurer également la transition d’un hebdo dit communautaire vers un titre plus grand public
dans lequel notre spécificité serait d’apporter un éclairage original sur le traitement
de l’information. »
Olivier Lepoutre, rédacteur en chef du
titre au moment de la nouvelle formule
résume les enseignements des enquêtes auprès des lecteurs qui ont servi à étayer les
projets de modifications de la forme et du
fond du journal : « Les enquêtes que nous
avons menées auprès de groupes tests ont
montré que l’information locale au sens
traditionnel intéressait peu les gens, les lecteurs critiquent un système étriqué d’éditions qui découpe en tranches une même
réalité urbaine, les privant ainsi d’informations qui les intéressent. Pour ce qui est du
traitement rédactionnel, un facteur d’attachement au journal vient d’une attention
de notre part à la bonne nouvelle. C’est lié
Enquêtes auprès des lecteurs et acheteurs potentiels, valse-hésitation traditionnelle : la « nouvelle formule » de l’hebdomadaire La Croix du Nord a bien pris six
mois à aboutir. L’équation n’était pas simple à résoudre, comme l’explique l’éditeur
du titre, Jean-Pierre Vittu de Kerraoul : « La
Croix du Nord (OJD 9847 exemplaires) doit
trouver sa voie dans un univers de concurrence déjà encombré avec deux quotidiens
A gauche, l’hebdomadaire tel qu’il était, à droite la nouvelle maquette de Malte Martin. Le journal a également
adopté un ton plus incisif. Si la photo de Une n’est pas bonne, le jeu typographique la renforce.
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dans notre esprit à notre appartenance
confessionnelle qui nous incite à chercher
des signes d’espérance dans la lecture de
l’actualité, mais cette manière de traiter
l’information rejoint une soif très générale
du public pour des informations autres que
catastrophiques. Il ne s’agit pas de faire du
tout-va-très-bien, mais de trouver dans les
sujets difficiles des initiatives qui vont
dans le bon sens. » Parmi les autres surprises de ces enquêtes : la demande d’une
prise de position plus forte du journal,
c’est-à-dire donner un avis aidant le lecteur à forger son jugement et que le journal
ne joue pas l’exhaustivité à tout prix. Les
lecteurs demandent à leur hebdomadaire
d’effectuer des sélections, de proposer des
choix. Emblématiques de cette remarque,
les pages loisirs que les journalistes s’évertuaient à remplir mais qui allaient en fait à
l’encontre de la demande des gens pour
une mise en valeur de quelques grands
rendez-vous à ne pas manquer.
Une écriture plus incisive,
la carte de la vente au numéro
La mise en pratique de ces informations recueillies lors des phases d’étude,
mais aussi des idées de l’équipe éditoriale
et du graphiste Malte Martin auquel JeanPierre Vittu de Kerraoul a confié la maquette de La Croix du Nord a nécessité plusieurs mois de rodage. Les journalistes ont
mis près de quatre mois pour s’habituer à
cette nouvelle écriture des articles, le plus
difficile étant la nouvelle manière de choisir les sujets. « Ils ont appris une écriture
plus concrète, explique l’éditeur de La
Croix du Nord, prenant en compte le vécu
des lecteurs. Ils ont aussi appris à raconter
l’information comme une histoire, avec ses
côtés positifs et ses facteurs d’espérance. Je
crois qu’il ne s’agit pas d’un travail spécifique à la presse confessionnelle, ce mode
de traitement peut s’appliquer à d’autres titres : la couverture de la vie locale n’exclut
pas un traitement transversal à travers des
sujets thématiques. C’est aussi ce que nous
essayons de faire sur les autres hebdomadaires locaux dont j’ai la charge (NDLR :
une quinzaine de titres au total) ». L’autre
avantage de ce « traitement transversal »
est qu’il encourage aussi une stratégie de
techniques de presse
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diffusion au numéro. Le lancement de la
nouvelle formule a été accompagné d’une
campagne de promotion sous la forme
d’affichettes dans les kiosques, reprenant la
Une du journal. Un sujet de Une très ouvert
qui attire l’attention d’un public nouveau
et lui donne l’envie de découvrir l’hebdomadaire. Conscient des difficultés que
pourraient éprouver les journalistes à trouver des photos fortes pour renforcer ces
couvertures, Malte Martin a imaginé de
pouvoir jouer sur des mots de tailles différentes dans le titre de l’article d’accroche.
De plus, un sommaire en images, qui est
placé sous le titre, décline dans le haut de
la page les autres sujets forts. Dans son
présentoir, plié en deux, l’hebdomadaire révèle aux passants le meilleur de son offre
rédactionnelle.
Le chemin de fer a également ses
partis pris. D’abord une double manière
d’entrer dans le journal : le lecteur peut
commencer par une lecture chronologique
en partant de la Une ou partir de la dernière page qui s’apparente à une couverture également. Cette page appartient en
fait à la section Week-end et effectue une
sélection des meilleures propositions de loisirs. En partant de la fin du journal, le lecteur retrouve ensuite une page « voir, écouter, lire... », les programmes de télévision,
une page pour les films cinéma et les expositions. La rubrique Week-end a également
une autre page d’ouverture à l’intérieur
afin d’accueillir les lecteurs qui ont feuilleté le journal du début vers la fin. « Les
premières pages de La Croix du Nord, explique Olivier Lepoutre, traitent de la métropole lilloise. Nous avons choisi de bousculer l’organisation géographique sur ces
pages locales mais en les plaçant résolument en début de journal. Dès la page 3, le
lecteur retrouve l’article qui fait le papier
de Une. Les pages 4 et 5 sont une galerie de
portraits à travers Lille et la Flandre. Ils se
veulent insolites, joyeux, parfois sérieux,
mais surtout pleins de vie. Les pages 6 et 7
sont réservées à un traitement plus classique de l’actualité locale mais elles sont
très travaillées rédactionnellement et très
rubriquées : « le coup de cœur », « les bonnes nouvelles », « ils ont dit », « épinglé »...
Puis, le journal emmène le lecteur vers
d’autres horizons : la région, le national et
l’international et ensuite la touche confessionnelle ». Résultat ? Un peu tôt pour annoncer des progressions de diffusion décla-
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Rédactions
Les pages intérieures de l’hebdomadaire sont conçues avec plus de clarté et de hiérarchie dans l’information.
A leur manière elles abordent la vie locale, l’entrée géographique n’est pas oubliée mais c’est l’info qui prime.
rent en chœur Olivier Lepoutre et JeanPierre Vittu de Kerraoul. Les abonnés, la
quasi-totalité de la diffusion actuelle, ont
bien réagi et ne sont pas choqués par un
style d’écriture plus agressif. Pour ce qui
est des ventes au numéro, La Croix du Nord
part de presque rien donc il lui faudra du
temps pour construire sa vente en kiosque.
Son éditeur serait déjà très satisfait s’il parvenait à consolider une hausse de 2000
exemplaires supplémentaires par semaine
d’ici l’année prochaine. Dans l’attente, le
trio formé de Olivier Lepoutre, Jean-Pierre
Vittu de Kerraoul et Malte Martin s’est attelé à un nouveau projet, cette fois à Toulouse. Dans cette ville, ils doivent travailler
à une nouvelle maquette de l’hebdomadaire
La Croix du Midi et de ses 12 éditions, également sous la responsabilité de JeanPierre Vittu de Kerraoul. Un chantier qui
présente quelques similitudes avec celui de
Lille : une grande ville à couvrir. Mais il
faudra également trouver un mode de traitement afin de décliner chacune des éditions locales diffusées hors de Toulouse.
Sur les agglomérations lilloise et toulousaine, même combat sur le mode de
diffusion : « le développement de la presse
hebdomadaire régionale passe par la vente
au numéro, explique Jean-Pierre Vittu de
Kerraoul. C’est le véritable moyen de faire
connaître le journal aux non-lecteurs et
c’est une façon saine de gagner en diffusion car le challenge est de maintenir l’intérêt des gens ». La boucle sera bouclée
avec la Voix du Jura sur lequel travailleront Jean-Pierre Vittu de Kerraoul, l’équipe
du journal et Malte Martin : « la Voix du
Jura présente le cas d’un hebdomadaire local classique avec une pagination importante (64 pages). Sans toucher au volume
d’informations locales, nous pouvons introduire un traitement rédactionnel plus
proche des gens, moins institutionnel et
plus offensif. » <
La dernière page du journal fait une sélection des
activités du week-end. On dirait une seconde Une.
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