mode homme - Fondation John BOST

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mode homme - Fondation John BOST
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FJB-NP343-5-Dossier:Maq
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DOSSIER
Le Service d’Ergothérapie
Sociothérapie Inter Pavillonnaire
(S.E.S.I.P.)
Regard sur la notion d’activité au S.E.S.I.P.
omme l’illustre cette photo, les ateliers ont une
longue histoire à l’image de la Fondation. Simplement parce que depuis que l’homme est
homme, il éprouve le besoin de s’engager dans des
activités pour sa santé, sa vie sociale : l’activité fonde
l’humanité. Pour tout un chacun, il y a les temps d’activité chez soi, pour se nourrir, se reposer, recevoir…
et il y a des temps à « l’extérieur » pour des activités
au-delà du cercle familial.
A la Fondation, un des tous premiers principes
thérapeutiques était de «participer à la vie ». Pour ce
faire, progressivement, nous avons organisé ces différents temps, depuis l’espace le plus intime vers un
extérieur de moins en moins protégé, à l’image de
cercles concentriques. L’ergothérapie est citée déjà
dans un article de l’illustré protestant, en 1956 : « Il
est tout de même un peu étrange d’employer un
vocable d’allure si médicale pour exprimer une simple
donnée de bon sens et de connaissance des
hommes : la nécessité de l’occupation et du travail. »
L’ergothérapie utilisait alors la vannerie, la brosserie,
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la menuiserie, la forge, les travaux agricoles et l’horticulture. Les plus anciens se souviennent de l’Amicale
des résidents, dans les années 1970, puis du Service
Ergothérapie en 1983 qui intègre le service médical, et
aujourd’hui le S.E.S.I.P : Service d’Ergothérapie Sociothérapie Inter Pavillonnaire, qui comprend les ateliers
d’ergothérapie, l’ergothérapie fonctionnelle, et un service socio-culturel « animation ».
Etymologiquement activitas, l’activité désigne l’ensemble des actes coordonnés et des travaux de l’être
humain ; c’est une occupation. Les activités se présentent sous différentes formes : activités physiques
pour rester en forme, activités intellectuelles pour
comprendre le monde qui nous entoure, activités
d’expression et de communication pour se connaître
et se reconnaître…
« Elles ont des fonctions biologiques de structuration, de maintenance, et de développement de l’organisme ainsi que des fonctions sociales de relation,
de reconnaissance et d’interdépendances. »
(Wilcock,1998)
Pour les personnes que nous accueillons et/ou
soignons, être en activité est souvent plus difficile.
Lutter contre les conséquences de la maladie ou du
handicap, créer les conditions d’une activité possible,
d’une création qui soit aussi re-création sont nos
objectifs.
Dans notre environnement sanitaire et médico
social, avec la volonté de mieux préciser, mieux définir nos actions, nous avons opéré progressivement
une autre catégorisation des activités. D’ailleurs, « offrir
une palette de lieux et d’activités thérapeutiques,
occupationnelles et de loisirs » est un des axes de la
politique d’accueil et de qualité de vie défini dans le
projet des établissements.
« Thérapeutiques, occupationnelles et de loisirs »,
les activités sont souvent citées dans cet ordre. Ainsi
écrites, elles sont clairement différenciées, le loisir ne
serait donc ni du thérapeutique, ni de l’occupationnel ?
Mais quelles différences y a-t-il entre ces « modes »
d’activités ? Quelles représentations avons-nous de
ces différents « modes » ?
L’activité « thérapeutique » : l’adjectif thérapeutique est emprunté au grec thérapeutikos qui
signifie « prendre soin ». Pour les professionnels que
Le S.E.S.I.P.…
15 ateliers interpavillonnaires.
Animation : musicale, artistique,
socioculturelle.
Ergothérapie fonctionnelle : étude, recherche
ou création de matériel d’aide au quotidien.
Plus de 300 résidents bénéficiaires,
de manière régulière et hebdomadaire.
nous sommes, je pense pouvoir dire que nos représentations sont le plus souvent communes et claires,
nous partageons quelques concepts autour du cadre
thérapeutique. Cette notion regroupe les invariants
temporels, spatiaux, relationnels qui définissent une
« prise en charge ». Elle implique sécurité, permanence du cadre, afin de permettre au patient d’aller
vers une diminution de sa symptomatologie, voire
une guérison. Des temps de régulation ou de supervision sont indispensables pour travailler sur les
transferts et contre-transferts, d’où effets thérapeutiques possibles.
Pour l’activité dite « occupationnelle », nos représentations ne sont peut-être pas si claires ! Je m’avance peu en soulignant le caractère péjoratif dans nos
imaginaires de « l’occupationnel », l’occupation
comme s’il fallait bien « occuper le temps, faire
quelque chose de ses dix doigts ». Pourtant dans les
écoles d’ergothérapie, selon le modèle canadien, le
mot « occupation » découle d’un concept général qui
consiste à s’occuper et prendre le contrôle de sa vie.
« L’occupation comprend tout ce qu’une personne
fait pour s’occuper, c’est à dire pour prendre soin
d’elle (soins personnels), se divertir (loisirs) et contribuer à l’édifice social et économique de la collectivité (productivité) » (ACE, 1997, p.38-39).
Les occupations d’une personne se retrouvent ainsi
étroitement liées à sa qualité de vie et au sens qu’elle
donne à son existence. L’occupation est considérée ici
comme un besoin fondamental de la personne, essentiel à la vie, à la santé. On y retrouve le « prendre soin »
et le « loisir ».
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Quant à l’activité de loisir, nous l’associons bien
souvent au temps dont on peut disposer en dehors des
temps contraints, du travail notamment. Notons que le
mot loisir a pour étymologie le verbe latin licerer qui
signifie être permis, être à la libre disposition. Qu’en
est-il pour une personne soignée ou accueillie ? Ce n’est
pas un hasard si les législateurs ont dû mentionner ce
loisir comme un droit : la loi du 30 juin 1975 mentionne pour la première fois ce droit pour les personnes handicapées. Puis plus tard, en mai 1996, le Parlement
européen précise dans la Déclaration des droits des
personnes autistes : « le droit pour les personnes autistes
d’avoir accès à la culture, aux loisirs, aux activités récréatives et d’en jouir pleinement ». La notion de plaisir est
ici mentionnée. Disposer des moyens humains et financiers effectifs afin d'organiser des « vacances » et des
« loisirs » de qualité pour tous reste une préoccupation
régulièrement rappelée notamment dans la loi du
11 février 2005. Cette terminologie employée ici peut-elle
s’adapter à des personnes malades ou handicapées ?
Peut-on être en « vacances » de soin ?
Nous travaillons, en professionnel, au quotidien
avec cette catégorisation et avec ces représentations.
Pourtant il nous faut rester attentif, ce n’est peut-être
pas si simple ! Ainsi, lors d’une réunion-rencontre, élément clé du processus thérapeutique de nos ateliers,
une dame a conclu ce temps de partage comme suit,
avec un grand sourire : « Pour moi l’atelier Arc en Ciel,
c’est un vrai moment de loisirs ! », soulignant le plaisir qu’elle avait à participer.
Dans un même temps, dans un espace ouvert
autour de la pratique de la peinture et du dessin, une
autre dame qui fuyait les ateliers et ses rencontres, en
échec dans ce contexte peut être trop contraignant,
venait pour un temps (pour un temps seulement) se
poser et tracer quelques traits et couleurs bénéfiques,
se sentant libre de déposer ce qu’elle souhaitait. De
même pour ce monsieur, qui se présentait plié en
deux le plus souvent, avec une démarche le stigmatisant, et qui, aujourd’hui, participe au service de la
cafétéria, redressé, le plateau à la main et la bonne
humeur pour servir.
Attention donc à ces catégorisations qui ne reflètent
pas forcément ce qui peut se jouer dans ces espaces.
Il me paraît important de prendre conscience des effets
de celles-ci dans les mises en œuvre de projets personnalisés que nous proposons. Différentes expérimentations (1) soulignent que nous pouvons avoir
tendance à attribuer à un objet appartenant à une catégorie les attributs de celle-ci. Pourrions-nous être tentés de voir du thérapeutique dès qu’il s’agit d’une prise
en charge dans un atelier, et de considérer l’occupationnel comme simple passe-temps ? Ou de ne voir
dans le loisir qu’un temps optionnel, trop éloigné du
cadre d’une activité thérapeutique pour être proposé !
M. Laforcade(2), lors d’une réunion cadre en juin
2008, explicitait la victoire de Descartes sur Pascal.
« Notre monde sanitaire et social reflète l’application du
principe de spécialisation. La spécialisation dans notre
société est multiple et diverse, ne serait-ce qu’à travers
les formations, les professions de plus en plus nom-
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breuses. Nous avons séparé à peu près tout ce qui
pouvait l’être, à commencer par le sanitaire et le social.
Et pourtant, les professionnels des urgences (médicales) constatent que 80 % des entrées après 20 h ont
une cause sociale. Nos représentations donnent très
certainement un rôle surévalué au sanitaire et à la
dimension du soin au sens le plus trivial du terme ».
Même si nous élaborons les différents projets en
fonction de ces catégories, de nos spécialisations
aussi. Même si ces différentes catégories autorisent un
repérage et des différenciations, ce sont les personnes
accueillies et soignées qui investissent, qui vont agir
comme elles peuvent ou comme elles souhaitent selon
leurs capacités et leurs désirs,… et nombreuses sont
les surprises !
Nous nous devons donc d’être particulièrement
attentifs au sens des activités que nous proposons,
quel que soit le mode ou la catégorie, en nous méfiant
de nos représentations. C’est le « Prendre soin » qui
s’inscrit pour l’ensemble de nos activités, dans l’attention particulière que nous portons à la fois à la
personne et à la situation.
La recherche d’un plaisir personnel et partagé,
pour créer les conditions d’une possible mise en activité, est aussi un élément moteur de l’investissement
de la personne accueillie et soignée.
L’emporte donc la nécessité de tout relier !
Finalement, dans la gamme d’activité que nous
proposons, avec une volonté de grande diversité et de
complémentarité, l’objectif premier ne serait-il pas le
plaisir pour soin ?
Pascal Thiélin,
Chef de service
(1) Expérimentation de M. François Le Poultier professeur de
psychologie sociale, en 1987, en France, à Caen.
(2) Aujourd’hui directeur de l’A.R.S. du Limousin.
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