MONSIEUR SYLLA ABOUBAKARI Consultant Indépendant

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MONSIEUR SYLLA ABOUBAKARI Consultant Indépendant
EXPOSE PRESENTE PAR
MONSIEUR SYLLA ABOUBAKARI
Consultant Indépendant
TRESORIER GENERAL DU RESEAU AFRICAIN DE
L’ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE
(RAESS)
MEMBRE DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DU
RIPESS-INTERCONTINENTAL
AU FORUM SOCIAL MONDIAL
LE 11 AOUT 2016 SUR LE THEME :
« L’ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE EN
AFRIQUE : DEFIS ET OPPORTUNITES »
Introduction
L’Economie Sociale et Solidaire est un mécanisme de lutte contre les disparités sociales en
vue de la réduction drastique de l’extrême pauvreté. Elle pourrait être définie comme une
forme de l’économie qui met l’homme au centre de ses actions par la création des richesses
en favorisant l’émergence des valeurs comme le collectif, la solidarité, l’entraide et la mise
en valeur des potentialités naturelles et culturelles.
En effet, l’ESS se base sur les ressources propres des territoires pour la création de ces
richesses mais recommande la structuration et le développement des acteurs au sein d’une
synergie d’action à travers l’organisation collective. C’est pourquoi, selon les centres
d’intérêts, les acteurs vont s’organiser en coopératives, mutuelles, syndicats, associations,
ONG…
Ceci permet d’atteindre les objectifs que les acteurs se sont fixés en vue d’améliorer leurs
conditions de vie.
A travers le Monde, ils se battent chaque jour en vue de mettre en valeur leurs initiatives
et définir une nouvelle orientation à leurs actions. Dans certains cas, les pouvoirs publics
apportent une contribution plus ou moins importante dans l’accompagnement des
entreprises de l’ESS.
Ces entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire produisent, transforment et vendent le
fruit de leur labeur mais quels prix ?
En Afrique, ces organisations sont inscrites dans des mécanismes sous-régionaux qui
définissent les critères de création, de fonctionnement et d’appui qui demeurent
insuffisants.
I-
Les défis à relever
Le continent africain demeure le plus pauvre de la planète. Il a connu de grands
bouleversements depuis des décennies surtout après la période des indépendances.
Dans la plupart des pays africains, nous avons constaté l’exploitation abusive des forêts qui
a entrainé une désertification très avancée qui menace l’équilibre d’un écosystème pourtant
équilibré au début la seconde moitié du 20ème siècle. Mais la complaisance et la corruption
ayant pris le dessus sur la bonne gouvernance, chose qui a fait subir au continent des
pesanteurs socio-économiques, environnementales et culturelles des multinationales qui ont
fait et continuent de faire du profit leur centre d’intérêt au détriment du bien-être des
populations dans les territoires qui les accueillent.
Ces populations pendant toutes ces périodes n’ont pu se sentir impliquer dans la gestion de
leurs ressources qui tendent à disparaitre petit-à-petit.
Cependant, avec les actions et réformes constatées de la part des acteurs de l’ESS et du
système des Nations Unies qui ont mis en exergue les valeurs communautaires et la gestion
participatives, des améliorations se font constatées. Ceci demeure insuffisant même si les
pouvoirs publics essaient, dans certains pays ou groupements sous régionaux, de faire des
efforts.
Ainsi, l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a
été créée par le Traité relatif à l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique.
Découlant de l’Acte Uniforme Relatif Aux Droits des Sociétés Commerciales et
Groupement d’Intérêt Economique. Adopté le 30 janvier 2014 à Ouagadougou.
Cette structure fait tant bien que mal des efforts pour améliorer les conditions de
création et de développement des sociétés coopératives en Afrique à travers la création
de textes consensuels en vue de la facilitation de la mise en place des conditions
favorables à l’amélioration des conditions de vie des populations en générale mais des
paysans en particulier.
Ce mécanisme a permis, par exemple, de rendre plus flexible la création d’une coopérative à
travers deux modes de gouvernance qui sont « les sociétés coopératives avec conseil
d’administration mais aussi des sociétés coopératives avec des statuts simplifiés ». En plus
de cela, un mécanisme de comptabilité simplifié est élaboré pour faciliter la gestion
financière et comptable par les acteurs quels que soient leurs niveaux d’étude.
Enfin, au niveau des institutions nationales, des efforts ont été consentis, au plan
financier, pour faciliter la création de ses organisations. Par exemple, en Côte d’Ivoire, on
ne déboursera que moins de 100 dollars US pour la mise place d’une coopérative contre plus
de 1000 dollars US, il y’a 10 ans.
Cependant, beaucoup reste à faire quant à l’appui qu’on pourrait apporter à ces Entreprises
d’Economie Sociale et Solidaire.
La grande difficulté des acteurs et autres entreprises d’Economie Sociale et Solidaire
réside dans l’accompagnement structurel mais surtout financier accordés à ces structures
et les acteurs qui les animent.
Dans certains pays africains, les acteurs bénéficient souvent de prêts qui ont des taux de
remboursements qui vont souvent au-delà des 10%. Chose qui affecte sérieusement les
revenus de ces acteurs qui se voient dans l’obligation d’emprunter régulièrement pour ainsi
espérer maintenir l’équilibre et vivre au jour le jour sans pouvoir assurer leur autonomie
vis-à-vis des pouvoirs publics et autres prêteurs.
Pourtant ce ne sont pas les opportunités qui manquent !
II- Les opportunités
1-
Au plan humain
Entre 1970 et 2010, la population en âge actif de l’Afrique a augmenté de 92 millions à près
de 575 millions et continuera de croître au cours des 40 prochaines années. Au fur et à
mesure que les jeunes vieillissent entre aujourd’hui et 2050, la taille de la population en
âge de travailler devrait augmenter de manière significative par rapport à la taille du
groupe de la population à charge (moins de 15 ans), contribuant ainsi à ouvrir la voie pour un
dividende démographique. Au fil du temps, de nombreux pays africains seront sur le point
de se diriger vers une fenêtre d’opportunité pour un dividende, mais leurs marchés du
travail et des capitaux doivent également être prêts pour ce changement de la structure
par âge de la population. Un échec quant à l’absorption de l’importante population en âge
actif dans des secteurs productifs et formels pourrait avoir un effet inverse sur les
économies africaines, conduisant inévitablement à la contraction des marchés et à une
croissance stagnante.
Les potentialités en Afrique sont très nombreuses et généralement inexploitées.
Voici un continent, qui compte un taux important de jeunes très dynamiques mais qui se
tournent les pouces en attendant de bénéficier d’un appui pour se réaliser, se prendre en
charge et donc se rendre autonome. Ces jeunes qui, pour la plupart ne manquent pas
d’initiatives, vont même jusqu’à vendre leurs talents dans les pays du nord qui leur offrent
des opportunités encore plus juteuses.
Ce qui explique le phénomène, je voudrais dire la tragédie de l’immigration clandestine avec
son lot de pertes en vies humaines et d’humiliations semblables à l’époque du trafic
d’esclaves.
Pourtant, ils ne demandent que le minimum dans leurs pays respectifs.
Ils ne demandent qu’un minimum de démocratie, de liberté, de l’émergence d’un Etat de
droit, un minimum de prise en charge sanitaire, de conditions favorables à leurs études
scolaires et universitaires, à la création de conditions favorables à leur insertion
socioprofessionnelle et économique à travers l’emploi et surtout l’auto-emploi.
Concernant les femmes, Selon l’Organisation Internationale du travail (OIT), tout au long
de leur vie professionnelle, les femmes continuent de se heurter à des obstacles de taille
pour accéder à des emplois décents. A la marge, des progrès ont été accomplis depuis la
Quatrième conférence mondiale sur les femmes à Pékin en 1995, laissant de grandes
lacunes à combler dans la mise en œuvre du Programme de développement durable pour
2030 adopté par les Nations Unies en 2015. Les inégalités entre hommes et femmes
perdurent sur les marchés mondiaux du travail, en termes d’égalité des chances, de
traitement et de résultats. Au cours des vingt dernières années, les avancées
considérables des femmes en matière de réussite scolaire ne se sont par traduites par une
amélioration comparable de leur situation au travail. Dans de nombreuses régions du monde,
par rapport aux hommes, les femmes sont plus exposées au risque de devenir ou de rester
chômeuses, ont moins de chances de participer au marché du travail et quand c’est le cas
elles sont souvent obligées d’accepter des emplois de mauvaise qualité. Les progrès
accomplis pour surmonter ces obstacles sont lents et se limitent à quelques régions du
monde. La qualité de l’emploi des femmes demeure une source d’inquiétude, même dans les
nombreux pays où l’écart des taux d’activité et d’emploi entre hommes et femmes s’est
réduit, où les femmes abandonnent leur travail contributif à l’entreprise familiale pour
s’orienter vers le secteur des services. La répartition inégale du travail domestique et de
soins non rémunéré entre hommes et femmes, et entre les familles et la société, est un
facteur déterminant des inégalités entre les sexes au travail. Le Programme de
développement durable pour 2030 a réaffirmé le consensus universel sur l’importance
cruciale de l’égalité entre hommes et femmes et de sa contribution à la réalisation des
17 objectifs de développement durable. Plus d’emplois – et de meilleure qualité – pour les
femmes, la protection sociale universelle et des mesures visant à reconnaître, réduire et
répartir les tâches domestiques et les prestations de soins non rémunérées, sont
indispensables pour mener à bien le nouveau Programme de développement durable, porteur
de transformation et qui vise à réduire la pauvreté (objectif 1) et les inégalités
(objectif 10), à réaliser l’égalité des sexes (objectif 5) et à promouvoir une croissance
économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent
pour tous (objectif 8).
Cependant, elles sont les plus dynamiques dans le secteur de l’économie sociale et solidaire.
Partout en Africaine, elles sont généralement de véritables chefs de famille car elles
portent sur le dos les charges de la plupart des familles rurales et péri-urbaines. Même si
elles peinent à voir leurs droits respectés par la société entière, ces femmes excellent
dans le processus de création de richesse en partant de la production à la
commercialisation et passant la transformation.
Du Maroc en Egypte, du Sénégal en RDC, du Cameroun en Afrique du Sud en passant par
Madagascar, elles sont permanemment à la tâche et demandent qu’on leur fasse confiance
et qu’on leur donne l’opportunité de multiplier leurs ressources en vue de de la création de
richesses nécessaires à la réalisation des objectifs de développement durable.
2Selon
Les Ressources naturelles
Serge
Léopold
Development-sarl
&
ARIORI,
Pierre
Ingénieur
OZER
Aménagiste-Environnementaliste;
Département
des
Sciences
et
EAR-
Gestion
de
l'Environnement, Université de Liège, « Sur base d'une consultation exhaustive de la
littérature décrivant l'évolution temporelle de l'occupation des sols en Afrique de l'Ouest
aride, semi-aride et subhumide sèche, cette étude montre que la tendance au déboisement
dans la zone soudano-sahélienne s'est effectuée à un rythme très prononcé au cours de la
seconde moitié du 20e siècle. Cette tendance au déboisement est globalement lourde (2%
par an) et clairement alarmante. Elle se démarque des données officielles de la FAO dont il
est démontré la faible fiabilité. Par ailleurs, si les formations ligneuses denses ont été
fortement réduites dans la zone d'étude, notre étude indique également que les formes
dégradées de ces dernières sont actuellement en déclin. Nos résultats vont clairement à
l'encontre des récentes conclusions de certains auteurs prônant l'idée de régénération de
la végétation sahélienne. »
Cependant les ressources naturelles demeurent jusqu’à présent la plus grande potentialité
en termes de production de richesses au niveau continental. Il est vrai que certains pays
sont moins desservis que d’autres. Mais dans la majorité des cas, les richesses naturelles
constituent l’essentiel de
l’économie de la plupart de ces pays. Il suffit pour eux de
mettre une bonne politique d’exploitation, de production, de transformation et de
commercialisation des ressources naturelles pour voir nos communautés bénéficier des
produits des terroirs auxquels elles sont rattachés.
Pour répondre aux questions du changement climatique qui pourraient constituer un frein à
l’exploitation des ressources naturelles, nos autorités ont compris qu’elles devraient
s’impliquer dans les initiatives internationales de lutte contre le réchauffement et le
changement climatique.
L’impact du réchauffement climatique se traduit dans de nombreux domaines : climat,
écosystèmes, énergie, alimentation et santé. Les pays parties à la Convention cadre des
Nations Unies sur les Changements climatiques se sont fixé pour objectif de contenir la
hausse des températures à moins de 2°C par rapport à l’ère préindustrielle. Pour atteindre
cet objectif, les émissions mondiales doivent être réduites de moitié d’ici 2050, par
rapport à celles de 1990. La réduction des risques liés au changement climatique passe par
deux champs d’action complémentaires : d’une part les efforts de réduction des émissions
de gaz à effet de serre (GES) d’origine anthropique et d’autre part l’adaptation au
changement climatique. Ces deux domaines sont l’objet de politiques internationales,
régionales et nationales permettant de réduire les émissions et de se préparer au mieux au
climat de demain.
D’où l’implication des Etats Africains dans les stratégies suivantes :
-
La mise en place des plans nationaux de lutte contre le réchauffement climatique ;
La mise en place d’un système de gestion intégrée et concertée des ressources
-
naturelles ;
-
La lutte contre le changement climatique grâce à l’agriculture et à l’élevage ;
-
…
3-
Au plan politique
A ce niveau, il faut reconnaitre que des efforts ont été faits pour donner un outil
favorable au développement communautaire aux collectivités dans la plupart des pays
africains. Ceci est motivé par des réglementations favorisant, dans certains pays, la
coopération décentralisée entre collectivités du Sud et du Nord mais aussi Sud/sud !
Selon l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF), « La notion de coopération
décentralisée désigne ces nouveaux processus. Parce qu’elle prend appui sur les
collectivités territoriales, la coopération décentralisée est souvent présentée comme l’un
des
instruments
les
plus
appropriés
pour
dynamiser
les
initiatives
locales
de
développement. La coopération décentralisée au sein de l’espace francophone n’est pas une
problématique nouvelle. Celle-ci fait l’objet depuis un certain temps d’une abondante
littérature et de débats divers dans plusieurs rencontres internationales, organisées dans
le cadre de l’espace francophone, notamment de l’Association Internationale des Maires
Francophones (AIMF), de l’Association Internationale des Régions Francophones (AIRF),
des Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique (CGLUA), pour ne citer que ces trois
associations. La thématique est bel et bien au centre des préoccupations de l’organisation
internationale de la Francophonie (OIF) qui, du reste, ne laisse pas indifférente
l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF) et cette dernière l’inscrit de plus en
plus dans ses débats. Et les parlementaires francophones ne cessent de se l’approprier.
Dans une dynamique de décentralisation et d’autonomisation, le nombre de collectivités
territoriales qui s’engagent dans des relations au-delà des frontières nationales est de plus
en plus croissant. Leurs domaines de prédilection sont aussi variés que divers. Ceux-ci vont
de la démocratie locale à la santé publique, en passant par la lutte contre les inégalités
sociales et la promotion du développement économique, sans oublier la protection de
l’environnement ou l’action humanitaire, etc. Il ne fait donc l’ombre d’aucun doute que l’OIF
est consciente que l’avenir de la francophonie passe par également ce type de coopération
car c’est le seul moyen sûr pour valoriser les richesses contenues dans l’espace
francophone au travers de la langue française par les échanges de proximité qu’elle
occasionne. Un révolutionnaire espagnol, cité par Louis Michel, alors Commissaire européen,
n’avait-il pas dit que ‘’la langue est le sang de l’esprit’’
Mais il faut reconnaitre que les mesures prises sont difficilement applicables soit par
manque de formation des acteurs locaux et des élus locaux qui ne semblent pas maitriser la
politique de coopération décentralisée mise en place par les Etats.
Conclusion
L’Afrique demeure un continent d’avenir, mais doit fournir des efforts au plan socioéconomique, institutionnel et environnemental. Ceci passe inexorablement par une
réglementation efficace de l’ESS et la mise en œuvre de politiques d’accompagnement
participatif et durable en faveur des entreprises d’Economie Sociale et Solidaire et des
acteurs bénéficiaires.