Untitled - Sogides
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2 Dans la même série: Ni Dieu Ni Diable, "Guet-Apens", Livre Deuxième Ni Dieu Ni Diable, "Machine Temporelle", Livre Troisième Ni Dieu Ni Diable, "Utopia", Livre Quatrième Pour contacter l’auteur ou suivre ses actualités, visitez la page: www.facebook.com/nidieunidiable.roman Couverture Michel Langevin Mise en page François Laroche 3 4 ISBN 978-2-924163-00-9 (version imprimée) 978-2-924163-01-6 (ePub) 978-2-924163-02-3 (Kindle) 978-2-924163-03-0 (PDF) Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous les pays. © Michel Langevin, 2012 5 À Janine M., pour son courage, son optimisme à toute épreuve, son ouverture d’esprit. Sans elle, jamais ce livre n’aurait pu être achevé. 6 7 8 9 Le 24 juin de l’an 2000, à l’adresse www.adam.com, un site hors du commun fait son apparition sur Internet. Pas de photos, de vidéos, de mise en page novatrice ni de graphisme accrocheur. Pas de gadget à vendre, de courrier électronique ni de clavardage possible. En ce troisième millénaire où même les couches-culottes sont publicisées à outrance, le site en question navigue on ne peut plus à contre-courant de ses compétiteurs en ligne. De prime abord, ce site ne possède pas grand-chose pour aguicher l’internaute de passage. Hormis un texte. Des pages et des pages d’un texte souvent lourd et un peu brouillon, un texte écrit à la manière d’un journal ou d’un roman fantastique, ce qui se retrouve déjà en une quantité phénoménale d’exemplaires sur le World Wide Web. Visiblement, l’auteur l’a rédigé d’un jet, peut-être à la dictée comme il le prétend, sans se soucier de polir le style ou la syntaxe douteuse. Jusqu’ici, rien d’exceptionnel. La routine de l’inforoute, quoi. Sauf que... Ce texte est disponible en 432 langues...! C’est un sacré montant. C’est plus que tous les best-sellers publiés au XXe siècle, plus que n’importe quel ouvrage écrit par l’Homme. À l’exception de la Sainte Bible, bien sûr, qui demeure le livre le plus vendu de l’Histoire avec un total, d’après les derniers décomptes, d’environ 1300 traductions pour le Nouveau Testament, et de 500 pour les Bibles complètes. En marge du texte qui nous intéresse, en cliquant sur une icône du célèbre "Homme de Vitruve" de Léonard de Vinci, un répertoire de 432 traductions apparaît donc pour l’internaute qui ne pourrait lire l’original en canadien-français, les motifs pour lesquels l’auteur n’a pas plutôt choisi d’écrire en anglais ou en français international s’ajoutant à la liste des curiosités. Quand on pense que l’Internet fonctionne avec une quarantaine de langues principales, que la majorité des livres sur cette planète se publient à l’intérieur d’un éventail linguistique encore plus limité, cette ahurissante profusion de langages a de quoi surprendre. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec le monde de l’édition, précisons qu’une pareille extravagance doit avoir exigé des investissements considérables en ressources humaines et en 10 argent. Tout cela pour le texte d’un auteur inconnu du public, et distribué gratuitement sur le Web. Manifestement, nous sommes loin du coup littéraire qui marquera ce nouveau siècle. Ajoutons que le choix du sujet est par trop marginal, que ce roman-fleuve aride et confus à plaisir appartient à un genre mineur, le genre de littérature qui ne fait pour ainsi dire jamais recette. D’ailleurs, dès les premiers chapitres, il se peut que vous ayez l’impression que cette brique n’est qu’un paquet d’inepties, ou que vous n’ayez pas le courage de lire ses quatre volumes d’une couverture à l’autre, jusqu’à son inconcevable conclusion. Libre à vous. L’intrigue n’est toutefois pas dépourvue de rebondissements, l’auteur disposant d’une imagination assez fertile, si ce n’est rocambolesque... Enfin, cas rarissime, et nonobstant l’accumulation de handicaps aussi évidents, Adam.com a quand même piqué l’intérêt de milliers de lecteurs. Parce qu’il y a beaucoup plus... Contrairement à toutes les attaques informatiques conventionnelles, pas le moindre début de piste n’a pu être établi pour remonter jusqu’au créateur de ce site qu’on qualifie de «pirate», à supposer qu’il soit seul. En effet, il y a plusieurs indices qui portent à croire qu’Adam.com est l’œuvre de plus d’un hacker, s’il n’est pas carrément le fruit d’une organisation secrète ou d’une secte aux visées obscures. N’écartons pour l’heure aucune hypothèse, et elles sont nombreuses à avoir circulé sur les forums de discussion. Alors que nous nous apprêtions à mettre ce livre sous presse, une bonne décennie après la fin de la présence en ligne d’Adam.com, rien ne semblait vouloir résoudre l’énigme toujours en suspens de ses multiples traductions ni de son apparition clandestine dans le cyberespace. Car c’est un canular à mettre au panthéon des prouesses informatiques. Voici les faits: Adam.com se conformait à la suite de protocoles TCP/IP, Transmission Control Protocol/Internet Protocol. En clair, de par le vaste Monde, le site aurait pu joindre trois cent soixante millions d’usagers potentiels grâce à cette espèce d’espéranto électronique. Le standard s’arrête ici. Et rappelons que les événements remontent à l’année 2000, le Net ayant dépassé depuis les trois milliards d’usagers. Adam.com était lancé d’un périphérique inconnu. Des études exhaustives ont prouvé que son serveur, quel qu’il fût, 11 n’utilisait aucune de nos méthodes de transmissions actuelles: câble, fibre optique, ligne téléphonique, onde radio ou satellite. Malgré cet inconvénient de taille, le site pirate se greffait à sa guise sur n’importe quel réseau, public ou privé, y compris ceux des banques et des gouvernements qui jouissent pourtant de protections infiniment plus efficaces que les nôtres. Donc, par le truchement de son serveur fantôme, Adam.com faisait son petit bonhomme de chemin comme si de rien n’était, surfant librement sur le Web pour aboutir dans une quantité effarante d’ordinateurs. Son adresse s’inscrivait sur 33% des rapports de recherche, puis tout en ouvrant ses pages automatiquement, téléchargeait une copie sous forme de fichier, sans que quiconque en fasse la demande... De ce fait, son système d’interface échappait au contrôle des internautes. Il échappait même à celui des fournisseurs d’accès Internet, routeurs, passerelles, pare-feux, bref, le site était virtuellement hors d’atteinte de tout l’appareillage technique qui aurait permis de repérer son point d’origine et de le court-circuiter. L’insaisissable site se fracturait en fichiers autonomes qui, tel un essaim de virus, infectaient une gamme sans cesse changeante de réseaux. À proprement parler, il n’existait pas de site unique, mais une pluralité de textes partageant tous la même adresse et le même titre: www.adam.com. 111 fichiers distincts infiltrèrent ainsi d’innombrables réseaux Internet, Extranet et Intranet. La plupart des Adamistes, comme se sont baptisés les mordus de ce site, sont convaincus qu’au moins 144 fichiers furent en circulation. Ce qui signifie, et nous abonderions en ce sens, que 33 documents seraient manquants. Vu que les textes étaient dénués de pagination, index ou hyperlien, impossible pour un seul individu de les répertorier tous. En ignorant l’étendue de ce qu’il glanait en naviguant un peu partout sur le Web, un Adamiste n’accédait au mieux qu’à une fraction du site intégral, ce qui l’obligeait à collaborer avec d’autres internautes. Là aussi, il rencontrait une nouvelle problématique, parce que les textes furent distribués entre les cinq continents, chaque territoire ayant ses propres exclusivités. Pour recueillir l’ensemble du matériel éparpillé à l’échelle planétaire, il aurait fallu qu’un Adamiste fouille le Net global dans ses moindres recoins, dépasse les limites de son propre fournisseur d’accès, de son navigateur et de ses moteurs de recherche. À l’inverse de ce que vous croyez, votre réseau Internet effectue un important clivage parmi les sites disponibles. Pour les 12 néophytes, voici en gros comment cela fonctionne: Safari, Mozilla Firefox, Internet Explorer ou Google Chrome sont des navigateurs qui vous offrent un nombre limité de moteurs de recherche. Ces moteurs et métamoteurs de recherche – Yahoo!, MetaCrawler, IxQuick, Google, Dogpile ou Bing – limitent à leur tour vos prospections à un certain nombre de sites. Autre obstacle à considérer, les systèmes avec lesquels ces moteurs classent et répertorient les mots-clés brillent par leur incompatibilité. Jusqu’à maintenant, il n’y a toujours pas de supermétamoteur universel capable de couvrir la toile du Web dans son entier, puisque aucun logiciel de recherche n’est encore capable de référencer les milliards de pages déjà produites autour du Globe, auxquelles s’ajoutent, 24 heures sur 24, des millions d’autres pages. Ce n’est pas une question de volonté, des centaines de chercheurs planchant sur toutes sortes de prototypes pour faire un grand ménage dans ce foutoir qu’est devenu le Net, mais une question de capacité qui se quantifie en milliards de milliards de mégaoctets, les cellules grises de la mémoire artificielle. Et pourtant, même noyé dans cette prolifération exponentielle d’un Web qui grossit à vue d’œil, notre site pirate émergeait du chaos virtuel comme par magie. Voilà pourquoi ce tour de force a créé un bel émoi dans les milieux plus ou moins underground de l’Internet... Voilà pourquoi les publications spécialisées en ont fait leurs choux gras pendant des mois... Voilà surtout pourquoi les experts informaticiens continuent de se perdre en conjectures... Au grand bonheur des Adamistes qui se sont pris d’affection pour ce prodige technologique, tandis que dans une unanime indifférence, les médias généralistes ne lui ont consacré que quelques maigres entrefilets. Ce n’est pas tout... Chacun des textes a été distribué selon un séquençage d’une stupéfiante rigueur logistique. Durant la courte période où Adam.com fut en opération sur le Web, ses textes naissaient et mouraient en alternance, à raison de trois fichiers par jour, à 14 h 40. Cette heure ayant toujours été synchrone avec le Temps Universel Coordonné qui, selon les pays, est souvent en décalage avec les fuseaux horaires officiels et une multitude de réseaux Internet qui évoluent dans de tout autres espaces-temps, imaginez un peu le cauchemar pour maintenir un minutage aussi précis. Les premières pages sont apparues telle une marée montante, le 24 13 juin. Les dernières ont disparu tel le jusant, le 11 août. Entre le 24 juin et le 11 août de l’an 2000, il s’est écoulé 48 jours, un multiple de 12, tout comme les 144 documents présumés. Avec la très simple Règle de 3 que nous suggère implicitement le site, si on multiplie 48 par 100 divisé par 144, on obtient 33,333... Ce qui fait tout de suite penser aux 33% des rapports de recherche, aux 33 chapitres de l’ouvrage, aux 33 ans du personnage principal, et aux documents manquants qui eux aussi seraient au nombre de 33. Pourquoi ces textes sont-ils introuvables? Tout le monde y va de sa théorie. Mais tous s’accordent pour dire qu’ils pourraient modifier ou enrichir le sens de ces plus de 1000 pages éparses qui ne se relient les unes aux autres que par une date inscrite en haut du texte... La datation la plus ancienne remonte au 21 mars 1999, la plus récente, au 11 août 1999. Entre ces deux dates, même si nous ne connaissons que 111 textes, il y a 144 jours bien comptés. Dix datations précèdent des chapitres incomplets. Des dizaines d’autres précèdent des blocs de dix pages apparemment sans suite. D’autres encore précèdent une centaine de paragraphes différemment datés reliant une série de pages ou de chapitres. Pour lire ce fouillis textuel de façon linéaire, il fallait donc le traiter comme un puzzle, section par section. Une tâche insurmontable pour les groupes d’Adamistes qui furent confrontés à la barrière des langues, résultat de leur éparpillement à travers cinq continents... Confrontés à l’accessibilité réelle du Net que les moteurs de recherche ne grattent qu’en surface et qu’on compare à un iceberg où 99% du contenu demeure immergé dans les souscouches du Deep Web, qui se subdivise en Dark Web, Private Web, Proprietary Web, Opaque Web ou Truly Invisible Web... Et finalement, confrontés aux fichiers du site pirate qu’ils ont vus disparaître de leur disque dur après trois jours... Intégré à chacun des textes, un pixel invisible muni d’un virus à retardateur commandait leur effacement après ce délai précis de trois jours, sans préjudice pour le reste de ce qui était stocké sur la mémoire des ordinateurs. Une autre bizarrerie qui démontre la maîtrise de nos hackers. Si on résume, nous voilà face à une double récurrence séquentielle. Le site fonctionnait sur le système duodécimal à base 12, duquel découle le système sexagésimal à base 60 servant au calcul des angles, des arcs et des horaires. Les textes, eux, s’assemblent par le biais du système décimal à base 10, celui qui 14 sert au calcul des fractions, des poids et des mesures. De l’Antiquité jusqu’à nos jours, ces deux systèmes renferment la totalité de ce que l’Homme a pu concevoir en sciences mathématiques, ou presque. Des formules qui nous ont mené de la fission de l’atome jusqu’à notre évaluation théorique de l’Univers. À la fin des quatre volumes du présent livre, mes collaborateurs et moi-même vous ferons part de nos déductions sur ce site qui n’en finit plus de faire parler, et des dernières nouvelles de divers corps de police informatique qui ont enquêté sur Adam.com. Du moins, sur celles qui ont été coulées publiquement ou qui sont à la portée des lois sur l’accès à l’information. Car, en passant par la secrète NSA, la CIA, le FBI et le CSI américains... Les MI5, MI6, JIC et GCHQ britanniques... Les DGSE et DCRG françaises... Le SVR russe qui a remplacé le bon vieux KGB... La GRC, le CST et le SCRS canadiens... Les BND allemand, SGRS belge, DRG égyptien, VEVAK iranien, MOSSAD israélien, SND suisse... Bref, nous vous épargnerons le catalogue complet, parce qu’elles furent quelques agences de renseignement à se creuser les méninges là-dessus, même Interpol et la NASA s’y étant paraît-il un peu cassé les dents. Non pas que le site pirate ait causé des pertes économiques, endommagé des machines ou volé des infos top secret. Rien de tout cela. Certes, à première vue, Adam.com avait toutes les caractéristiques d’un maliciel hyper-viral du type ILOVEYOU, celui qui, en cette même année 2000, sema un véritable vent de panique aux quatre coins de la Terre, et reste l’un des plus destructeurs de tous les temps. Par contre, avec Adam.com, aucun ordinateur n’a eu le plus petit éternuement numérique, annonciateur de la catastrophe appréhendée. Adam.com n’a réellement existé que 48 jours avant de se perdre à jamais dans la virtuelle nature. Il a accompli cet exploit sans laisser de trace sur la source de ses écrits parfois subversifs, scandaleux, sacrilèges, ou simplement ridicules, selon les commentaires de ses nombreux détracteurs. Néanmoins, dès que les rumeurs sur ce mystérieux site ont commencé à se répandre, ils furent plus d’un groupe d’internautes à en faire leur hobby, à croiser leurs efforts de recherche et à partager les fragments d’un texte qui étonne quand même par sa substance. Mentionnons qu’une fois sur trois, en accord avec la règle des tiers établie par le site, les documents ne se contentaient pas de se télécharger tout seuls; ils s’imprimaient sans que personne eût à cliquer sur son 15 imprimante, voire sans que celle-ci soit connectée à l’ordinateur... «Foutaises», me direz-vous avec raison, parce que la première imprimante sans-fil ne fut commercialisée qu’en 2003. Mais d’après tous les témoignages dont nous disposons, il s’agit de la stricte vérité. Nous ne fûmes alors pas trop surpris d’apprendre que maints Adamistes avaient scrupuleusement conservé leurs copies sur papier. Après des mois de furetage, fax, courriels, appels téléphoniques et compilation intensive de ce qui dormait ou non dans les abysses du Web Profond, voici le tout premier recueil rassemblant les textes du fort énigmatique Adam.com. À notre tour, nous avons dû en retraduire à peu près le quart, puisqu’ils nous sont parvenus dans un méli-mélo de trente-sept langues étrangères, avec une prédominance assez prévisible d’anglais et d’espagnol. Favorablement pour nous autres francophones, la majeure partie du site récupéré par nos soins nous a permis de rétablir une version très acceptable dans sa langue originelle. Pareil sauvetage n’aurait pu se faire sans la collaboration d’une foule d’Adamistes. Nous ne les nommerons pas tous ici, étant donné que nous en avons rejoint treize à la douzaine par l’entremise d’un répertoire tout aussi étendu de webmestres et de petites annonces dans les webzines. Ce qui ne nous empêche pas de les remercier chaleureusement en soulignant leur aide inestimable. Depuis sa disparition de l’Internet, l’essentiel du désormais fameux «Mystère Adam» est enfin rassemblé pour qu’un plus large public soit en mesure de lire d’une seule traite ses textes encore méconnus, le reste se trouvant peut-être entre les mains d’un particulier ou d’une agence de renseignement qui l’aurait mis au secret pour une raison qui nous échappe. En cours de route, quelques notes vous indiqueront les 33 dates manquantes, même si l’absence de ces fragments de textes – qui souhaitons-le réapparaîtront un de ces jours – ne nuit en rien à la compréhension de l’ensemble. Amateurs de l’étrange, bonne lecture... Je tiens à exprimer ma profonde gratitude envers mon épouse Geneviève pour son soutien indéfectible. Envers les patientes recherches de Jean-Marc Duhaime et Solomon Dukeray. Les habiles translittérations de Magalie Ledoux. Les minutieuses traductions de Donald H. Ross, Cristóbal de Rojas, Umberto 16 Rosetti, Hossam Ghaleb Nagi, Aline Lefort, Kun Sang Lee, Iriana Kulinich et Piotr Tchobanov. Les infatigables révisions de Pascale Saulnier et Jean-Robert Godin. Les commentaires éclairés du colonel Maurice Virrolleaud, du docteur Franz Kreutzer, de Migabo Mugaruka, Hans Peter Strobl et Sami Saim Al Dahr. Sans oublier tous ces amis d’ici et d’ailleurs qui sont venus à notre rescousse pour mener à bien ce projet. 17