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TRAUMATISME CRANIEN
ET
SYNDROME CEREBELLEUX
R E S U M E : UN
SYNDROME CEREBELLEUX PEUT SURVENIR A L’OCCASION D’UN TRAUMATISME CRANIEN.
PAPIER RETRACE LES CIRCONSTANCES D’UN TRAUMATISME CRANIEN.
IL
CE
EXPLIQUE LA CASCADE DE DOMMAGES
CEREBRAUX QUI EST ENGENDREE.
LES SEQUELLES DE CES LESIONS SONT PASSEES EN REVUE. IL ABORDE ENSUITE LES
LA REEDUCATION DES SEQUELLES DES
LESIONS DU CERVELET EST ENFIN SPECIALEMENT DEVELOPPEE.
POSSIBILITES DE REPARATION NEURONALE DEMONTREES SCIENTIFIQUEMENT.
LES
C I R C O N S T A N CE S D ’ U N T R A U M A T I S M E C R A N I E N
Une équipe de l’I.N.S.E.R.M. a publié, en 1990 [1] , une étude de la prise en charge des traumatismes
crâniens, rapportée dans l’ouvrage [2] qui servira de base à cette première partie. Cette étude a été menée
sur l’année 1986 dans toute la région Aquitaine. Elle a recensé et analysé tous les traumatismes crâniens
qui ont donné lieu à une hospitalisation ou entraîné un décès. Dans cette étude, l’incidence des personnes
ayant subi un traumatisme crânien par rapport à l’ensemble de la population régionale est de 2,8 pour
1.000. La répartition de ces personnes victimes d’un traumatisme crânien sur une échelle d’âge n’est pas
régulière. Elle connaît un pic dans la tranche 15-25 ans, avec des pics de moindre ampleur dans les
tranches 0-5 ans et 75-85 ans (Fig. 2). On compte, toutes tranches d’âge prises en compte, un ratio de 2
hommes pour 1 femme (Fig. 1). La proportion de victimes hommes est encore supérieure à ce chiffre
dans la tranche 15-25 ans.
Ratio femmes / hommes
(Fig. 1)
Pics de répartition des victimes de traumatismes crâniens
sur une échelle des âges (Fig. 2)
cbb
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 ans
L’accident de la circulation est la cause principale des traumatismes crâniens dans cette étude (Fig.
3). Il représente 60% des motifs d’hospitalisation pour traumatisme crânien. Au sein des traumatismes
crâniens graves, le conducteur d’un deux-roues est la victime la plus représentée, devant le conducteur et le
passager d’une voiture, puis le piéton. La tranche des 15-25 ans constitue l’essentiel des victimes de tels
accidents. Un difficulté familiale, scolaire ou professionnelle majeure affecte la personne victime d’un
traumatisme crânien grave au moment de son accident dans 30 à 50% des cas.
La chute est la deuxième cause de traumatisme crânien. Elle représente 32% des motifs
d’hospitalisation pour traumatisme crânien. La tranche des 0-5 ans constitue l’essentiel des victimes de
chutes, avec un deuxième pic de moindre importance entre 75 et 85 ans.
Circonstances les plus fréquentes d’un traumatisme crânien (%)
(Fig. 3)
Gravité du traumatisme crânien
(Fig. 4)
Traumatisme
crânien grave
9%
60
50
40
30
Traumatisme
crânien léger
80 %
Traumatisme
crânien moyen
11 %
20
10
0
ACCIDENT DE
CIRCULATION
Pour tout contact :
CHUTE
DIVERS
[email protected].
1
QU’EST-CE
QU’UN TRAUMATISME CRANIEN
?
« Etre victime d’un traumatisme crânien » devrait pouvoir être dit plus simplement « Recevoir un
coup sur le crâne ». On pense immédiatement au passant nonchalant qui se prend un pot de fleurs sur la
tête. Pot de fleurs … qui n’a rien trouvé de mieux que de quitter son balcon au moment exact du passage de
la malheureuse victime.
Le projectile reçu sera tantôt un pot de fleurs fugueur, tantôt une balle de golf vagabonde, tantôt un
véhicule automobile incontrôlé, tantôt la matraque déterminée d’un C.R.S.. Les dommages seront d’autant
plus sévères que la masse du projectile sera importante, que sa forme sera pénétrante, que sa vitesse sera
élevée ou que la résistance du crâne sera faible. Le terme « traumatisme crânien » recouvre également la
pénétration dans le crâne d’une balle tirée d’une arme à feu ou d’une flèche tirée d’un arc. Ces
traumatismes sont qualifiés de grave, moyen ou léger selon l’importance de la lésion crânienne.
Le traumatisme crânien est dit grave en cas de fracture du crâne avec lésion cérébrale. Cela constitue
9%des traumatismes crâniens dans l’étude. Le traumatisme crânien est qualifié de moyen en cas de
fracture du crâne sans lésion cérébrale. Cela constitue 11 %
des traumatismes crâniens dans l’étude.
Le traumatisme crânien est dit léger en cas de blessure superficielle. Cela constitue 80%des traumatismes
crâniens dans l’étude. La personne n’est alors pas systématiquement hospitalisée. (Fig. 4).
Cette gravité du traumatisme crânien est également estimée selon la durée de la perte de connaissance.
Le traumatisme crânien léger s’applique à la personne dont l’éventuelle perte de connaissance a duré moins
de 15 minutes. Le traumatisme crânien moyen s’applique à la personne dont la perte de connaissance a
duré de 15 minutes à 6 heures. Le traumatisme crânien grave s’applique à la personne dont la perte de
connaissance a duré plus de 6 heures.
TRAUMATISME CRANIEN =
LEGER
TRAUMATISME CRANIEN =
BLESSURE
SUPERFICIELLE
FRACTURE DU CRANE
TRAUMATISME CRANIEN = PERTE DE CONNAISSANCE
MOYEN
DE 15 MINUTES A 6 HEURES
FRACTURE DU CRANE
+ LESION CEREBRALE
TRAUMATISME CRANIEN = PERTE DE CONNAISSANCE
GRAVE
SUPERIEURE A 6 HEURES
MOYEN
TRAUMATISME CRANIEN =
GRAVE
TRAUMATISME CRANIEN = PERTE DE CONNAISSANCE
LEGER
INFERIEURE A 15 MINUTES
Nous avons envisagé un traumatisme crânien grave causé par un projectile qui vient percuter et
pénétrer un crâne. Le projectile est pourvu d’une certaine vitesse, le crâne est considéré comme statique.
Ce
n’est
pas
systématiquement le cas. Dans l’accident de la
circulation, c’est souvent exactement le contraire. Le
Deux processus traumatiques distincts
conducteur du deux-roues ou l’automobiliste circule
souvent à une vitesse qui n’est pas nulle au moment du
PROJECTILE
CRANE
choc. L’obstacle qu’ils rencontrent, comme le bitume,
est statique. Le crâne n’est plus, alors, victime d’un
projectile : il est lui-même un projectile. Dans ce
CRANE
OBSTACLE
deuxième processus traumatique, les lésions cérébrales
seront d’autant plus importantes que la vitesse de la
victime juste avant le choc sera élevée et que l’obstacle n’absorbera pas efficacement l’énergie mécanique
libérée dans le choc.
D’autre part, le traumatisme crânien ne se limite pas à des dommages localisés dans la zone de
pénétration du projectile. Au cours de ce traumatisme, des dommages sont causés dans d’autres régions
cérébrales. Ils sont liés aux mouvements de la matière cérébrale à l’intérieur du crâne au moment du choc
physique. Ces dommages internes s’expliquent par des facteurs mécaniques d’inertie. Ils constituent en
quelque sorte la partie cachée de l’iceberg traumatique. Il arrive même que le traumatisme crânien soit
uniquement constitué de ces dommages internes : on parle alors de traumatisme fermé, par opposition
au traumatisme ouvert.
Pour comprendre ces phénomènes mécaniques, il faut penser au train de wagonnets qui dévale les
montagnes russes d’une fête foraine. Les wagonnets accélèrent très brusquement lors d’une portion de
circuit en descente accentuée. Les passagers sont alors fortement plaqués dans leur siège. Ils subissent une
poussée de sens opposé à l’accélération brutale du wagonnet. L’écrasement de ces personnes sur leur siège
pourrait leur causer des dommages importants, si l’accélération induite n’était pas raisonnablement limitée.
Les passagers du wagonnet représentent la masse cérébrale, le wagonnet symbolise la boîte crânienne.
Ainsi, lorsque le crâne est percuté par un projectile (premier processus traumatique), ce projectile va
pénétrer la masse cérébrale, mais il va aussi projeter à son tour le cerveau à une certaine vitesse. Comme
le wagonnet, le cerveau est alors « animé », « accéléré » par la part de l’énergie transmise qui n’a pas été
absorbée. L‘accélération du crâne est brutale. Le crâne et la masse cérébrale n’ont pas la même densité. Ils
ne sont, par ailleurs, pas solidaires. Ils ne subissent donc pas une accélération égale. La masse cérébrale
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2
est propulsée en sens opposé de façon tout aussi brutale, comme le sont les passagers du wagonnet. Elle
vient se plaquer, s’écraser sur la paroi crânienne interne au niveau du point de choc.
Pour ce qui concerne les neurones, on parle de « lésions axonales diffuses ». Les axones neuronaux
sont étirés jusqu’à un point de rupture. Ils se rétractent alors progressivement. Pour d’autres axones, c’est
l ‘accumulation de substance en un point de l’axone qui va provoquer un gonflement puis une rupture. Le
nombre, l’étendue et l’emplacement de ces lésions sont corrélés avec l’intensité du coma initial et la gravité
des séquelles. Des lésions présentes dans le corps calleux, et plus encore dans le tronc cérébral et le
cervelet, signent un pronostic grave.
Lorsque c’est le crâne qui rentre en collision avec un obstacle (deuxième processus traumatique), il ne
subit pas une accélération, mais une décélération brutale. C’est le cas du conducteur d’un deux-roues qui
roule à une certaine vitesse au moment où il va percuter un obstacle ou le bitume. C’est également le cas
de l’enfant ou de la personne âgée qui chute de sa hauteur. Les conséquences mécaniques sont alors
comparables aux effets produits sur les passagers d’un freinage brusque qui ferait stopper net le train de
wagonnets des montagnes russes. Ces passagers ont la même vitesse que le wagonnet avant son arrêt
brutal. Ils n’ont pas la même densité et ne sont pas solidaires de celui-ci. Ils sont, de ce fait, projetés à
l’avant de l’espace intérieur du wagonnet. Cette projection en avant pourrait causer aux passagers des
dommages graves si la décélération provoquée était trop importante.
De même, lorsque que le crâne est brusquement arrêté par un obstacle, la masse cérébrale est
projetée vers le point d’impact dans le sens du mouvement. En effet, le crâne et la masse cérébrale
n’ayant pas la même densité et n’étant pas solidaires, ils ne subissent pas une décélération égale. On peut
alors assister à une compression régionale des tissus et à des phénomènes de rupture de voies neuronales
ou d’artères et vaisseaux sanguins, similaires à ceux décrits plus haut.
PREMIER TEMPS
=
processus mécaniques
Fracture osseuse
Lésions locales
par contact
Commotion cérébrale
Lésions diffuses
par effet d’inertie
J’ai évoqué jusqu’à maintenant le « premier temps » virtuel du traumatisme crânien, qui regroupe des
événements de nature purement mécanique. Leur conséquence est une altération locale du tissu cérébral et
des ruptures des réseaux sanguins et neuronaux.
Ces dommages mécaniques locaux et diffus entraînent eux-mêmes des dommages en cascade. C’est le
« deuxième temps » du traumatisme crânien.
Des phénomènes de gonflement et d’oedème provoquent une élévation de la pression intracrânienne.
Une brèche ou une rupture vasculaire entraîne une hémorragie. Des études relatent la possibilité d’une
telle hémorragie dans le cervelet [8,9,10,11,12]. Cette hémorragie provoque la constitution progressive d’un
hématome. L’hématome provoque une compression, un déplacement des structures cérébrales et
une élévation de la pression intracrânienne consécutive. Ces éléments peuvent perturber la circulation
sanguine et le fonctionnement neurologique jusqu’à engager un risque vital. Le déplacement des structures
cérébrales peut provoquer un coma secondaire.
L’hémorragie vient elle-même interrompre la circulation sanguine. La perturbation de la circulation
sanguine bouleverse de nombreux équilibres métaboliques. Elle entraîne une hypotension, et donc une
hypo perfusion globale. Elle entraîne une diminution de l’oxygénation cellulaire (hypoxie), qui s’ajoute
à d’éventuelles difficultés respiratoires du patient. Elle entraîne une hyperglycémie, des troubles de la
coagulation, une hyperthermie, une immunodépression.
DEUXIEME TEMPS
=
processus mécaniques et ischémiques
Gonflement, Œdème
Hématome
expansif
Dysfonction du
système circulatoire
Lésion mécanique locale
Hypertension crânienne
Hypoxie, anémie,
risque infectieux, épilepsie
Nombre des déséquilibres créés ont un caractère adaptatif. Ils sont également à l’origine de dommâges
secondaires majeurs. Beaucoup de neurones ne survivront effectivement pas à ces contraintes. Cela
pourra être le cas de neurones situés dans le cervelet [18,19,20,21]. Ces études montrent que le pic de mort
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3
des cellules nerveuses du cervelet ( qui a lieu entre 3 et 7 jours après le traumatisme ) intervient après
celui des cellules du cortex cérébral et de l’hippocampe (qui a lieu entre 1 et 3 jours après le traumatisme)
et avant celui des cellules du thalamus ( qui a lieu à 7 jours du traumatisme ).
La cicatrisation même des lésions pourra être à l’origine d’une épilepsie post-traumatique.
Le traitement du traumatisme crânien lors de cette phase aigue est, dans les pays occidentaux, l’objet
d’une prise en charge experte. L’extraction chirurgicale d’un hématome expansif important, la
fermeture d’une béance crânienne, la diminution d’une hypertension intracrânienne, le
rétablissement rapide des équilibres métaboliques et la prévention de complications courantes en
sont les objectifs principaux. D’autres traumatismes corporels, notamment dans le cas d’un accident de la
circulation, sont l’objet d’un traitement.
On estime que les lésions cérébrales cessent généralement de s’étendre une semaine après le
traumatisme.
Q U E L S S O N T L E S M E C A N I S M E S D E L A REC U P ERAT I O N F O NCTI O N N EL LE ?
La sidération fonctionnelle initiale s’estompe ensuite lors d’une phase d’éveil, dont le délai
d’amorce dépend de la gravité des lésions séquellaires.
Sur le plan neurophysiologique, les premières récupérations s’expliquent par le processus suivant :
REDUCTION DE
RETABLISSEMENT
PREMIERES
L’HYPERTENSION
INTRACRANIENNE
MEME MINIME DU
DEBIT SANGUIN
RECUPERATIONS
FONCTIONNELLES
Amélioration des
conditions mécaniques au
niveau du tissu lésé
Restauration d’une
perfusion et d’une
oxygénation cérébrale
Reprise fonctionnelle
du réseau neuronal
peu altéré
Cette reprise du réseau neuronal peu altéré ou intact s’accompagne d’une augmentation de la
sensibilité fonctionnelle des neurones situés dans le voisinage des neurones détruits. En effet, ces
neurones survivants ont perdu toutes les communications synaptiques qui étaient établies avec leurs
anciens voisins. Cet état d’isolement subit les rend mécaniquement plus sensibles, plus « ouverts » aux
communications synaptiques résiduelles qui les relient à des voisins intègres plus éloignés. Le phénomène
est qualifié d’hypersensibilité de dénervation. Il est de nature biochimique.
La repousse d’un axone atrophié et le remplacement d’une cellule neuronale détruite ne sont,
aujourd’hui, plus des utopies totales, et pas encore des réalités démontrées dans le domaine de la
récupération fonctionnelle post-traumatique.
La repousse d’un axone atrophié a été démontrée à la périphérie du système nerveux. Par exemple,
l’axone du nerf olfactif, fréquemment sectionné lors d’un traumatisme crânien, se régénère en six mois chez
certains patients. On a démontré que tout axone lésé possède en soi cette capacité de repousser. Lorsque
l’axone lésé est situé à un niveau plus central du système nerveux (dans le cervelet ou le cerveau), cette
repousse est empêchée par des facteurs biochimiques locaux [22], en dehors d’interventions particulières [23].
Il faut comprendre que cette inhibition favorise, en temps normal, une certaine stabilité des réseaux
cérébraux, qui permet elle-même la pérennité des acquisitions.
Le remplacement d’une cellule neuronale détruite au sein du système nerveux central a été
démontré chez la souris pour un type particulier de neurones. Chez l’homme, on a longtemps fait
l’hypothèse d’un pool de neurones qui se constitue au début de la vie, et qui ne fait que se réduire par la
suite. Les neurones ne peuvent pas se multiplier par division, comme beaucoup d’autres cellules. Ils sont
issus de cellules souches indifférenciées qui sont produites dans une certaine zone cérébrale et qui migrent
vers leur zone de destination pour y prendre leurs caractéristiques particulières. On sait pourtant,
aujourd’hui, que cette neurogénèse à partir de cellules souches est permanente au cours de la vie [24]. On ne
sait pas dans quelle mesure ce phénomène participe à la récupération fonctionnelle après un traumatisme
crânien.
Le mécanisme le mieux identifié de plasticité cérébrale post-traumatique ne se situe pas au niveau de
la cellule ou de son prolongement principal, l’axone, mais au niveau des connexions intercellulaires. La
construction du réseau neuronal est basée sur ces prolongements multiples, appelés dendrites, qui se
terminent par des synapses. La synapse est donc un bouton terminal qui communique de façon
biochimique avec le neurone voisin sur lequel elle vient s’appliquer.
Dans le contexte du traumatisme crânien, on assiste à une réarborisation synaptique. Ces nouvelles
connexions vont venir remplacer les connexions perdues et former ainsi un véritable réseau neuronal
cicatriciel. On l’a vu, à un premier niveau, ces nouvelles connexions vont venir relever le seuil d’excitabilité
des neurones survivants, mais isolés. A un deuxième niveau, ce nouveau réseau va progressivement
permettre la réalisation d’une fonction qui était assurée auparavant en partie par les neurones disparus. Il
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4
s’agit en quelque sorte d’une délocalisation fonctionnelle qui peut se dérouler à une échelle locale ou
régionale. Cette délocalisation peut être, plus globalement, cérébrale, lorsque la zone controlatérale
symétrique de la zone lésée rentre en jeu par exemple [25]. Une imagerie par résonance magnétique permet
aujourd’hui d’objectiver ces redéploiements ou ces transferts d’activité. Ces redéploiements sont d’autant
plus lents ou limités que le traumatisme a lésé une zone étendue, voire bilatérale.
Cette possibilité de réorganisation cérébrale, et de recouvrement fonctionnel qui lui est associé, est
également liée à une prédisposition génétique du patient traumatisé crânien à coder des protéines qui
vont servir à la construction du nouveau matériel synaptique.
Cette possibilité de réorganisation cérébrale, et de recouvrement fonctionnel qui lui est associé, est enfin
liée à la prise en charge rééducative.
QUELLES
SONT LES SEQUELLES D’UN TRAUMATISME CRANIEN
?
Le traumatisme crânien occasionne chez de nombreux patients un ensemble de difficultés auxquelles
ont affaire les patients, leur environnement proche et le milieu soignant. Ces difficultés sont regroupées
sous le terme de syndrome post-commotionnel. Ces difficultés peuvent exister sans qu’il y ait de lésion
cérébrale visible, avec les capacités d’exploration imagée que nous pouvons aujourd’hui mettre en œuvre.
Elles sont alors l’expression des multiples micro-lésions liées à l’effet d’inertie lors du traumatisme, plus qu’à
une lésion focalisée unique. Certaines de ces difficultés font l’objet d’une plainte de la part du patient. Pour
d’autres, c’est l’entourage proche qui exprimera une plainte. On trouve, pêle-mêle, tout ou partie de ces
signes :
-
-
des sensations de tête vide, de tête trop pleine, de tête flottante, avec d’éventuelles céphalées ;
des sensations de vertiges ;
des troubles sensoriels sonores : un intolérance à un environnement bruyant ou au silence, des
bourdonnements ;
des troubles sensoriels visuels : une intolérance à un environnement lumineux, une sensation de voile, une
gêne provoquée par des points brillants ;
des difficultés de concentration, d’attention à l’imprévu, des troubles de mémoire, du raisonnement
logique ;
des troubles du caractère, comme une irritation fréquente, une dépression, une désinhibition ;
une tendance à l’asthénie physique, sexuelle et psychique, et / ou au contraire, à une impulsivité dans ces
mêmes domaines.
A ce tableau peuvent s’ajouter d’autres difficultés, comme une hémiplégie, une aphasie, une négligence
visuelle, un syndrome amnésique, des troubles de la compréhension verbale, des troubles lourds du
raisonnement logique, en rapport avec des lésions neurologiques particulières.
Parmi ces difficultés, un syndrome cérébelleux recouvre un ensemble de difficultés motrices et
cognitives en relation avec une lésion du cervelet.
Le syndrome cérébelleux est une difficulté de contrôle du mouvement. Ce mouvement pourra avoir
une initiation retardée, un axe approximatif, un déroulement disharmonieux, un arrêt précoce. Il sera tantôt
trop ample, tantôt trop court. On parle de démarche ataxique pour qualifier les difficultés de contrôle des
mouvements impliqués dans la marche, qui est proche d’une démarche « titubante ». On parle d’ataxie
respiratoire pour qualifier les difficultés de contrôle des mouvements impliqués dans la respiration, qui
peut voir se succéder des phases d’apnée et d’hyperventilation. On parle de dysarthrie cérébelleuse pour
qualifier les difficultés de contrôle des mouvements impliqués dans la parole et la voix, qui seront tantôt
monotones, tantôt explosives et « tonitruantes ». Dans le contexte du traumatisme crânien, il n’est pas rare
de constater un mutisme initial, suivi d’une hypotonie marquée pendant longtemps, qui va donner à la
dysarthrie cérébelleuse un aspect très déficitaire. On parle d’ataxie du geste pour qualifier les difficultés de
contrôle des mouvements impliqués dans les gestes manuels, qui sont alors « maladroits ». Un déficit de
timing caractérise une difficulté à réaliser, vite ou lentement, une suite de mouvements. Il recouvre
également une difficulté à percevoir la vitesse relative de ses propres mouvements ou de ceux d’autrui.
D’autres fonctions, comme la mastication, la déglutition, les fonctions uro-génitales, pourront être l’objet de
difficultés.
COMMENT
ABORDER LA REEDUCATION DU SYNDROME CEREBELLEUX AU SEIN
DES SEQUELLES D’UN TRAUMATISME CRANIEN
?
La rééducation des séquelles d’un traumatisme crânien se base sur un principe
neurophysiologique général démontré scientifiquement. On sait aujourd’hui qu’un réentraînement
progressif à l’usage d’une fonction, même dans le cadre de performances minimes, favorise l’élaboration de
facteurs protéiniques de croissance du réseau inter neuronal, qui se reconstruit ainsi progressivement.
Des méthodes de « reprogrammation neuromotrice » sont, en kinésithérapie, connues et validées pour ce
qui concerne des lésions du cortex cérébral. Ce principe est-il applicable au réseau de cellules
nerveuses spécifiques au cervelet, les cellules de Purkinje ?
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5
Beaucoup de rééducateurs répondent par la négative. Le syndrome cérébelleux est un trouble, non pas
de la programmation du mouvement, mais du contrôle de la réalisation du mouvement. Il ne s’agit
donc pas, dans la rééducation de ce syndrome particulier, de rétablir et / ou de redéployer ailleurs le
programme d’un mouvement, comme c’est le cas dans les lésions du cortex cérébral. La fonction de
contrôle, fonction propre au cervelet, serait, pour ces raisons, hors d’atteinte des possibilités d’action de la
rééducation. Tout au moins serait-il, au mieux, possible de reconstruire une forme de contrôle volontaire,
conscient, nécessairement très coûteux et d’une efficacité très limitée.
L’équipe de W.T. Greenough a démontré que, suite à un entraînement moteur spécifique ou à un
environnement enrichi, on pouvait observer, chez des rats au cervelet lésé et aux aptitudes motrices
déficitaires, une augmentation significative du nombre de synapses, de la taille des boutons synaptiques,
de la taille et de la forme des zones de contact synaptique, de la part du volume des mitochondries dans le
volume neuronal total, du nombre de fibres synaptiques parallèles par neurone, de l’arborisation
dendritique et de la taille du milieu intérieur neuronal[26,27,28,29,30], s’accompagnant d’une amélioration
significative de leurs aptitudes motrices. Ce travail a fait l’objet d’une présentation en langue française [31].
La suite de ce chapitre procure quelques pistes pour mener une rééducation spécifique avec un
patient.
ETAYAGE
DE L’EXPERIMENTATION
Lors d ‘un mouvement, le cervelet reçoit des informations des muscles, contractés ou relâchés, via la
moelle épinière : c’est une forme de perception propre ou proprioception. Il reçoit également du cerveau
des informations sur le programme moteur mis en œuvre. En rapprochant ces deux sources d’information, il
détermine très rapidement les ajustements à effectuer pour parfaire la réalisation d’un mouvement.
Il en informe le cerveau qui réalise ces ajustements. Il s’agit essentiellement de synchroniser la
contraction de certains muscles avec le relâchement simultané d’autres muscles. Cette
synchronisation couvre deux registres. Le premier concerne l’étendue du champ musculaire nécessité
par la réalisation d’un mouvement. La prise en main d’un objet plus ou moins volumineux réclamera une
simple mobilisation des muscles des doigts si l’objet est petit ou une mobilisation des muscles des doigts,
des poignets, des avant-bras et des épaules si l’objet est volumineux. Le second registre concerne la
coordination dans le temps des contractions et des relâchements.
En amont de cette fonction de contrôle, une lésion du cervelet va venir altérer la qualité de la
proprioception, qui sera moins fine. Faute d’informations précises, le cervelet ne sera pas capable
d’établir des rapprochements fiables. En aval de cette fonction de contrôle, une lésion du cervelet va donc
venir altérer la qualité des ajustements, qui seront moins fréquents et plus approximatifs. On peut
d’ailleurs faire l’hypothèse que ces ajustements approximatifs sont eux-mêmes l’objet d’un déficit de
contrôle, qui va venir, en boucle, perturber l’efficience de cette fonction de contrôle.
La rééducation doit donc avoir dans ce domaine un double objectif. Il s’agit d’abord de fiabiliser la
proprioception et de la développer d’une part. Il s’agit, d’autre part, de permettre au patient de
fiabiliser ses ajustements de façon à rétablir des boucles de contrôle efficientes. Ces deux axes
constituent un travail d’étayage de l’expérimentation.
Concrètement, fiabiliser et développer la proprioception est possible en diversifiant et en
enrichissant les contraintes de l’expérience motrice. Il est possible, par exemple, de faire réaliser par le
patient un travail de la déglutition en faisant varier le niveau auquel elle remplit son verre ou on lui remplit
son verre. Selon ce niveau, la posture de la tête et les durées des différentes phases de la déglutition
varieront. Induire ces changements de façon assez systématique doit permettre au patient d’expérimenter
ces différences, qu’il pourra alors reprendre à son compte d’une façon adaptée, ce qu’il est seul capable de
trouver.
La fiabilisation progressive des ajustements est possible grâce à l’installation de prothèses
cognitives. Il s’agit de fournir au patient une sorte de boite à outils rudimentaire qui lui permette, par
exemple, d’agir sur la vitesse, et donc la qualité de ses réalisations. Le patient est ainsi capable de générer
à son tour une modification de ses réalisations : il apprend à « tirer les ficelles ». La prise de parole pourra
ainsi être régulée par une sorte de boite de vitesse que le patient va s’approprier. Il va pouvoir se forger
progressivement des habitudes d’ajustement réussi.
NOTION
DE VITESSE
Pour nombre de patients, la lésion du cervelet diminue la précision de leur contrôle et nécessite leur
participation consciente à un contrôle désautomatisé. Ceci ralentit considérablement toute réalisation qui
devient vite très laborieuse. Nombre d’entre eux ne supportent pas leur propre lenteur. Pour eux, parler
bien, c’est parler vite. Ou faire bien quelque chose, c’est pouvoir le faire vite.
Un observateur attentif témoigne d’une réalité plus complexe. L’entourage constate d’abord souvent
dans les gestes du patient, outre la lenteur, une précipitation chronique. « Il ne prend pas le temps de
boire, il engloutît littéralement son verre d’une seule traite. Il ne marche pas, il se précipite. Il ne prend pas
le temps de respirer lorsqu’il parle. Alors, je lui dis d’aller moins vite, mais il ne m’écoute pas. » La lésion du
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6
cervelet implique un déficit de contrôle. Ce déficit entraîne, de façon quasi automatique, une élévation de la
vitesse de réalisation. L’exemple du vélo illustre bien les ressorts de ce mécanisme. Faire du vélo à faible
vitesse nécessite de mettre en œuvre un contrôle de ses mouvements beaucoup plus fin qu’à une vitesse
plus élevée. L’inertie prise grâce à la vitesse diminue significativement les risques de perte d’équilibre. Pour
les patients, augmenter la vitesse d’une activité, c’est solliciter dans une moindre mesure les ressources de
contrôle cérébelleux déficientes. C’est donc diminuer le risque d’accident, tout du moins à court terme. A
long terme, les conséquences de ce phénomène ne sont pas bonnes. Des ressources neuronales qui ne sont
pas sollicitées ne sont pas préservées. C’est même exactement le contraire qui se passe : elles
s’amenuisent. Pour ces patients, cette adaptation est souvent peu consciente. Le cervelet joue en effet un
rôle central dans la perception de son propre timing. Sa lésion entraîne donc une diminution des capacités
de proprioception à ce niveau aussi. Agir sur sa vitesse est, pour ces patients, d’autant plus difficile. Une
patiente me rapportait elle-même récemment qu’elle avait de plus en plus de mal à marcher, en
m’expliquant : « Je marche de moins en moins vite. » Puis elle corrige : « En fait, non, ce n’est pas
totalement exact. C’est même le contraire : j’ai de plus en plus de mal à marcher lentement. »
Ce qui semble le plus fidèlement caractériser nombre de patients, au-delà de la lenteur, c’est bien cette
incapacité à pouvoir mettre en œuvre de façon maîtrisée une modulation de leur vitesse. La majorité
d’entre eux ont, par exemple, une parole à débit quasi constant, qui ne laisse pas de place à des temps de
pause ou à des temps d’accélération. Une patiente me rapportait récemment : « Mon orthophoniste m’a
incité à faire des pauses dans mon discours. J’ai essayé, c’est affreux : ces temps de pauses m’ont semblé
très longs. J’avais vraiment l’impression d’avoir le temps d’aller fumer une cigarette et de revenir à chaque
fois. » Un déficit d’appréciation du timing est là aussi une hypothèse sérieuse. Pour une minorité d’autres, la
parole connaît, au contraire, des variations extrêmes de vitesse, mais elles aussi, très régulières,
monotones.
La rééducation doit donc avoir dans ce domaine un double objectif. Il s’agit de permettre au patient de
développer une perception de son propre timing d’une part, et de l’amener à moduler sa vitesse dans
un intervalle confortable, progressivement plus étendu, d’autre part. Pour illustrer ces objectifs, j’ai
l’habitude de dire que, même Schumacher, le champion allemand de Formule 1 le plus rapide au monde, va
très vite dans une ligne droite, et pourtant, rétrograde ou freine de façon adaptée avant un virage.
Mon expérience professionnelle m’amène à évoquer une application de ces objectifs dans le domaine de
la maîtrise du débit de parole. Sur la base des travaux de K.M. Yorkston [35], j’ai développé une méthode
d’apprentissage spécifique de la maîtrise du débit, en aboutissant aux mêmes conclusions que cet auteur :
l’enrichissement des variations du débit par des pauses et une modulation de la vitesse améliore
significativement la coordination pneumo-phonatoire, la mobilisation vibratoire laryngée, la résonance, la
qualité articulatoire, l’intelligibilité et l’informativité des propos.
APPRENTISSAGES
COUPLES
Une lésion du cervelet va limiter grandement les ressources globalement disponibles pour un contrôle du
mouvement. En l’occurrence, pour un patient, faire deux choses à la fois devient une mission quasiment
impossible. Il ne parle plus lorsqu’il marche côte à côte avec son conjoint et n’apprécie pas que son conjoint
lui adresse alors la parole. Il ne parle plus lors d’un repas, par crainte d’une fausse route alimentaire. Il ne
respire plus lorsqu’il parle : il s’hyperventile avant de parler et traverse des épisodes d’apnée lors de sa
parole. De nombreux patients évoquent avec regret la période où ils faisaient, vite, plusieurs choses en
même temps. A l’unisson, pour certains rééducateurs, la prudence impose, désormais, de faire
systématiquement une seule chose à la fois pour éviter tout accident.
Dans ce domaine aussi, la réalité est complexe. Le patient, qui clame, haut et fort, ne plus pouvoir faire
qu’une seule chose à la fois, a souvent tendance, de façon assez inconsciente, à faire deux ou trois choses à
la fois. Par exemple, il initie un mouvement alors qu’un précédent mouvement n’est pas achevé. C’est une
véritable propension à se faire superposer des mouvements successifs. Le phénomène de superposition
de tâches est normal. Quand il est systématique, il est une source d’incidents nombreux.
Certains patients coupleront systématiquement une parole à une action : ils auront du mal à agir
sans parler ou à parler sans agir. Coupler deux comportements peut être utile pour autoréguler l’un et
l’autre. Quand ce couplage est systématique, cela devient une charge et une source d’erreurs.
Enfin, on ne fait bien certaines choses qu’en les faisant par deux, comme respirer en parlant. Respirer en
dehors du temps de parole, on l’a évoqué, amène à s’hyperventiler avant la prise de parole et à prononcer
une parole précipitée, urgente, qui s’achève souvent par une phase d’apnée. Au final, on respire mal et on
parle mal. Plus globalement, vouloir ne faire qu’une seule chose à la fois peut amener une focalisation
attentionnelle et tensionnelle excessive sur la tâche.
Ce qui semble le plus fidèlement caractériser nombre de patients, au-delà d’une incapacité simple à faire
une chose à la fois ou deux choses à la fois, c’est bien une difficulté à pouvoir passer de l’un à l’autre et
à faire deux choses à la fois d’une façon compatible.
La rééducation doit donc avoir dans ce domaine un double objectif. Il s’agit de permettre au patient de
développer une perception de ce qu’elle est en train de faire d’une part, et de l’amener à moduler sa
façon de faire.
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MOUVEMENTS
AUTOMATIQUES
Le contrôle du mouvement par le cervelet est un processus largement automatisé en temps normal.
Il est conscient en cas de défaillance occasionnelle. Un moment de fatigue a fait qu’on n’a pas suffisamment
allongé le pas pour franchir ce caniveau, par exemple. Il est également conscient dans une situation
d’apprentissage identifiée comme telle. Il s’agit de faire ses premiers pas dans la manipulation d’une queue
de billard, par exemple.
Le patient affecté d’une lésion du cervelet vit un déficit d’automatisation de ce processus de contrôle.
Il peut percevoir un tel déficit à priori. Le patient a alors conscience de ne pas parvenir à commander
l’ouverture adaptée de sa main pour la manipulation qu’il envisage. Il peut également percevoir un tel
déficit à posteriori. C’est alors seulement au moment de la réalisation du mouvement qu’il prend
conscience d’un déficit de contrôle fin dont la résultante est une « maladresse ».
A contrario d’un déficit d’automatisation, il n’est pas rare que le patient mette en œuvre des
mouvements automatiques. Il s’agit, par exemple, du hochement répété de la tête ou du buste qui
accompagne sa parole. Ou du mouvement d’une main posée sur une table, qui vient frapper la table à
fréquence régulière lors de cette même prise de parole. Ces mouvements répétés ne sont pas assimilables à
des tremblements. Leur amplitude est plus importante, et leur fréquence moins élevée. Ils sont très
largement inconscients pour le patient. Un observateur constatera que ces mouvements automatiques
donnent un tempo qui se trouve souvent déphasé par rapport à celui de la parole. Ils ont un tempo tantôt
plus rapide, tantôt plus lent que celui de la parole, qui restera, lui, très régulier. Ils peuvent aussi
simplement scander la parole. Quelques fois enfin, ils ont une valeur d’accentuation du propos exprimé.
La parole possède alors souvent, elle-même, des accents intonatifs d’intensité très forts et très réguliers.
Ces mouvements automatiques s’expliquent, sur le plan neurologique, par l’hypothèse d’un déplacement
du contrôle du mouvement vers des pools de neurones plus « globaux », moins fins. C’est le mouvement de
la tête qui vient rythmer le propos, en lieu et place des variations fines de la mélodie et du tempo du propos
lui-même. Cette synergie (ces mouvements ajoutés peuvent être appelés syncinésies) s’accompagne d’un
appauvrissement des variations de ce rythme, qui devient plus régulier et plus lent.
Ces mouvements automatiques ne peuvent être simplement considérés comme la partie visible d’une
dysfonction, qu’il serait anecdotique de prendre en compte. D’une part, ils représentent une dépense
d’énergie nuisible pour l’évolution neurologique du patient. Leur diminution est, à ce titre, souhaitable.
D’autre part, bien que très inconscients pour le patient, ils lui servent souvent à communiquer, à accentuer
ses propos. Ils remplissent une fonction de communication qu’il faut progressivement transférer sur les
propos eux-mêmes. La suppression rapide de ces mouvements automatiques est ni souhaitable, ni même
possible. A titre d’exemple, il est fréquent de constater qu’un patient ne mobilise pas régulièrement son
diaphragme pour respirer. L’amener à une prise de conscience de ce mouvement du diaphragme par les
seules explication et perception est insuffisant pour lui permettre de le réaliser, consciemment ou de façon
automatique. Il peut être plus facile de passer par la prise de conscience des mouvements parasites de la
tête, qui, très souvent, viennent se substituer au mouvement du diaphragme. Leur diminution voit
systématiquement une amélioration de la mobilisation du diaphragme.
La prise de conscience de ces mouvements automatiques et de leur rôle fonctionnel est un objectif
de la rééducation, qui doit permettre d’en contrôler l’ampleur. Dans le même temps, le transfert de leur
rôle fonctionnel vers des mouvements plus spécifiques amène leur résorption progressive.
TRAVAIL
DE DEUIL
Nombre de publications sur la prise en charge du patient traumatisé crânien se concluent par un bref
chapitre sur le travail de deuil par lequel le patient, son entourage et le milieu soignant doivent passer
pour accepter les limites de la restauration fonctionnelle. Le patient doit lentement accepter de ne plus être
« qui » il était avant l’accident pour accepter et construire « qui » il est devenu. Le positionnement du
travail rééducatif d’un syndrome cérébelleux élargit ce paradigme classique du travail de deuil.
La rééducation du syndrome cérébelleux est centrée sur un travail en profondeur d’une construction
d’un rapport au temps et d’une perception de soi. L’apprentissage d’une maîtrise de sa vitesse ou
l’apprentissage d’une maîtrise de la prise de risque est repéré par le patient comme quelque chose qui
va, pour lui, bien au-delà de la restauration de sa personnalité au moment de l’accident : « Déjà, avant mon
accident, j’avais du mal dans ce domaine… ». Cette prise de conscience exprimée signe la pertinence du
travail mené.
Olivier GILLES
Octobre 2003
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