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Berthe Morisot PEINTRE IMPRESSIONNISTE ET FEMME PASSIONNÉE Quand Marine Delterme est venue me demander de la mettre en scène dans Berthe Morisot, nous avons très vite évoqué le beau film de Bruno Nuytten, Camille Claudel. «En effet, il s’agit de la même démarche : une actrice souhaitant s’abîmer, au sens propre du mot “abîme”, dans le personnage d’une femme artiste d’une époque révolue, où la situation des femmes ne leur autorisait pas ce destin.» Avec les scénaristes, nous avons choisi d’accompagner Berthe pendant les années (1865-1872) où elle passe d’une pratique amateur de la peinture, avec sa sœur Edma, au statut de peintre professionnel, ces années où elle devient, à la faveur d’une rencontre au Louvre, le modèle d’Édouard Manet. Malgré les quelque soixante-dix films dont j’ai assumé l’image, le film d’époque était assez inconnu pour moi. J’ai découvert et éprouvé des sensations nouvelles. D’abord, celle d’être responsable des personnages, moi qui n’avais jusqu’alors eu affaire qu’aux acteurs et actrices. Le personnage n’est pas le comédien. Il se situe dans une zone mentale faite des projections imaginaires de plusieurs personnes : ici, l’actrice, bien sûr, la réalisatrice, assurément, mais aussi les scénaristes, la costumière… Berthe se tient là, à la frontière de nos imaginations à Marine et moi. Quand j’ai terminé le montage — dernière bataille avec soimême quand on réalise ! —, je lui ai dit : « Peut-être qu’à nous deux, nous ferions une femme idéale. » Je crois que Berthe nous ressemble. À Marine, dans cette grande tenue, cette capacité de silence et le désir qui nous est commun de travailler des formes extérieures à nous-mêmes. À moi, dans cette ténacité à négocier un rapport avec l’autre : une sœur, un maître, ceux qu’on admire, ceux qui vous prennent et ceux qui vous donnent. Caroline Champetier, réalisatrice « Berthe Morisot » est né d’une rencontre de désirs. Quand Marine Delterme nous a fait part de son envie d’incarner Berthe Morisot, c’étaient, à la fois, la comédienne et la sculptrice qui nous parlaient. Nous avons été saisis par sa passion. Et, portés par l’approche des scénaristes Philippe Lasry et Sylvie Meyer, nous avons très vite cerné la relation entre Berthe Morisot et édouard Manet comme l’axe essentiel du film. Cette relation fut celle de deux artistes. Berthe Morisot fut à la fois le modèle et l’inspiratrice de Manet, lequel lui donna les armes de son autonomie. Pour filmer ce couple hors norme, ce rapport complexe de deux individus qui partagent la peinture comme seule véritable obsession, il fallait un ou une metteur en scène capable de porter cette intensité. La filmographie de K’ien compte de nombreux premiers films parmi ses plus belles réussites : ceux de Virginie Sauveur, d’éric Assous, de Nicolas Tackian… Aussi, le nom de Caroline Champetier nous est apparu comme une évidence. Nous savions qu’elle nourrirait pour le film une ambition à la hauteur de la nôtre. Directrice de la photographie des plus grands, de Lanzmann à Beauvois, de Leos Carax à Barbet Schroeder, Caroline Champetier a aussi réalisé plusieurs courts-métrages et documentaires. Elle attendait la rencontre avec un sujet pour passer à la mise en scène sur un plus long format. Notre chance fut immense : Berthe Morisot fut ce sujet, et le regard porté par cette femme d’images sur cette femme peintre est passionnant. Tout au long de ce parcours, notre dialogue avec France 3 a été constant. Merci à Anne Holmes et Pierre Merle d’avoir su nous écouter et nourrir ce désir. Berthe Morisot en est le fruit. Johanne Rigoulot et David Kodsi Berthe Morisot (100 min) Avec Marine Delterme (Berthe), Alice Butaud (Edma), Malik Zidi (Édouard Manet), Bérengère Bonvoisin (Cornélie)… Paris 1865. À 25 ans, Berthe Morisot rêve de vivre de sa peinture, de ne jamais se marier et de toujours rester avec sa sœur Edma. Ses parents lui souhaitent un destin plus conforme à l’époque. Sa rencontre avec Manet va bouleverser sa pensée, sa relation avec sa sœur, questionner son rapport à la peinture et au monde. Le destin d’une femme qui deviendra la première peintre professionnelle et impressionniste. Réalisée par Caroline Champetier, D’après Manet, un rebelle en redingote de Beth Archer Brombert. Traduit en français par Jean-François Allain Scénario de Sylvie Meyer et Philippe Lasry En association avec A PLUS IMAGE 3 Musique originale : Éric Demarsan En coproduction avec MaybeMovies Une production K’IEN Productions. Avec le concours de la Région Limousin Producteur délégué : David Kodsi En partenariat avec le Centre National du Directrice littéraire : Johanne Rigoulot Cinéma et de l’Image Animée Producteur exécutif : Jean-Michel Quilici Avec la participation de TV5 Monde Directrice de la photographie : Caroline Champetier Avec le soutien de l’ANGOA Chef décorateur : Pascale Consigny Avec le soutien de la PROCIREP – Créatrice de costumes : Pascaline Suty Société des producteurs Unité fiction F3 : Anne Holmes / Pierre Merle Interview Marine Delterme Vous êtes partie prenante du projet du film. Comment est-il né ? Cela fait dix ans que je souhaite monter un film sur Berthe Morisot. Je voulais trouver le bon angle pour évoquer la peinture, un sujet difficile à mettre en scène. Plus que l’œuvre de Berthe, j’y voyais une façon de parler du rôle de la femme dans l’histoire de l’art. Car Berthe Morisot est la première femme à avoir peint. Elle est la mère de toutes les artistes. Dotée d’une force de caractère, elle a résisté artistiquement à ses pairs masculins. Enfin, il y avait aussi le désir de raconter la petite histoire dans la grande, avec l’histoire d’amour romanesque de Berthe Morisot et d’Édouard Manet. Un miroir était nécessaire. On a raconté Camille Claudel parce qu’il y avait Rodin, Salieri parce qu’il y avait Mozart. C’est très intéressant de comprendre comment les artistes se sortent de l’emprise d’un maître. Et puis, j’ai rencontré le producteur David Kodsi, dont j’admirais le travail. Nous avons décidé de porter le projet ensemble. Pour le metteur en scène, nous cherchions au départ quelqu’un de confirmé. David a émis l’idée de prendre une personne qui signerait un premier film. Les premières réalisations sont souvent porteuses de fougue et d’une énergie forte. J’ai appris que Caroline Champetier, avec laquelle j’avais travaillé — elle était alors chef-opérateur —, était fascinée par Berthe Morisot. Cela n’a pas été difficile de la convaincre ! Y a t-il aussi une volonté de mettre en lumière le parcours d’une artiste moins connue que ses pairs impressionnistes ? Ce film est en effet une manière de réhabiliter Berthe Morisot aux côtés de Monet, Degas, Renoir… Aussi cotée que les autres impressionnistes à l’étranger, elle est quasi inconnue en France. Et puis, aussi un souhait de raconter ce qu’est la création au féminin. Les artistes hommes ont toujours eu plus de liberté. L’itinéraire de Berthe Morisot est celui d’une jeune femme du XIXe qui a voulu peindre et qui, malgré les contraintes (sa condition de femme, son milieu bourgeois…), a réussi. Et sans tomber dans la folie comme Suzanne Valadon ou Camille Claudel. Avec Berthe, il y a, jusqu’au bout, une vraie confrontation avec Manet, qui pose les problématiques de la création : qu’est-ce que créer ? Qu’est-ce que la reconnaissance ? Qu’est-ce qui vous a séduite chez Berthe Morisot ? D’abord, c’est l’impressionniste qui me fascinait le plus dans son parcours. Portée par une œuvre obsessionnelle, Berthe n’a suivi qu’une seule ligne de conduite. Elle n’a jamais dévié. On peut trouver cela un peu ennuyeux sur toute une vie. Mais, au final, on constate que son travail est incroyablement cohérent. Il y a quelque chose d’abstrait, de très intellectuel, à l’inverse de l’œuvre de Manet qui, par instinct, s’ est beaucoup plus éparpillé (marines, natures mortes, portraits mondains…), mais avec génie ! Berthe Morisot a traversé sa vie et les contraintes presque avec des œillères. C’est rare chez les artistes. De mon expérience de sculptrice, je sais qu’on est influencés par son époque, par le travail des autres, qu’on a parfois le sentiment de se répéter. Nous avons ainsi des périodes de création. Enfin, ce qui me plaisait également dans ce destin de femme, c’est l’histoire d’amour contrariée entre Berthe et Manet, une des grandes énigmes de l’histoire de l’art… Berthe est devenue la belle-sœur de Manet en épousant son frère Eugène. Mais je suis persuadée qu’il s’est noué entre eux une relation amoureuse, consommée ou pas, mais ce n’est pas le plus important. De la frustration de cet amour interdit par les conventions de l’époque est née la création. En témoignent les quinze toiles de Berthe peintes par Manet, montrant notamment un éventail, une lettre froissée et le célèbre bouquet de violettes. Ce sont les signes d’une correspondance picturale entre eux. Quel regard portez-vous sur le lien complexe qu’ont entretenu Manet et Berthe ? Le film porte sur la frustration qui les a liés. Berthe a tracé son chemin face à Manet, l’immense artiste scandaleux, jouisseur et amateur de femmes. C’est une personnalité complexe, qui a été abîmée et fragilisée par les insultes de ses détracteurs. Notre parti pris était de le montrer de l’intérieur, dans son intimité avec Berthe. C’était fascinant de rentrer dans leurs séances de poses, de voir un peu ce qui pouvait se jouer de mystérieux, voire d’érotique, entre le maître et son modèle. Qui a pris le pouvoir sur qui ? Pour moi, le mystère de leur histoire d’amour réside dans le fait que lors de ces séances, Berthe a su garder son mystère. Je crois qu’un artiste revient à un modèle lorsqu’il s’y cogne. Si Manet a toujours été vers Berthe, c’est qu’il y a quelque chose qui lui résistait, l’intriguait. Comment s’est passé votre travail avec Caroline Champetier ? C’est une formidable directrice de la photographie. Elle est de ceux qui portent les metteurs en scène, qui prennent parti pour les films. Je suis très heureuse de lui avoir donné accès à la réalisation qu’elle a brillamment réussie. Pour moi, Caroline, c’est un peu Berthe. Exigeante et passionnée, elle est entrée en religion avec le film, comme Berthe avec sa peinture. Sur le plateau, il régnait une concentration extrême, un souci du détail, une ambiance presque sacrée, sans un bruit. C’est la patte des grands metteurs en scène. Ils savent jouer avec l’espace temps, de manière à ce que l’on ne sache plus très bien combien de temps durent les prises. Et votre collaboration avec les comédiens Malik Zidi (Manet) et Alice Butaud (Edma, la sœur de Berthe) ? Malik est un acteur fantastique ! D’abord, il est roux comme Manet. À la fois flamboyant, avec une forme de légèreté, Malik a su aussi apporter beaucoup de fragilité au personnage. Il y a quelque chose de poétique, presque de féminin dans son jeu. J’avais parfois l’impression d’être l’homme ! Nous avons trouvé une alchimie masculin-féminin à rebours. Ce fut un réel plaisir de travailler ensemble pour la première fois. Tout comme avec Alice que je ne connaissais pas non plus, mais qui m’a impressionnée. Elle a cette sorte de candeur et à la fois un physique fort, une assise très présente. Alice est une comédienne très émouvante, instinctive et pure. Quelle est votre toile préférée de Berthe Morisot ? Une toile peinte à la fin de sa vie, La chasse aux papillons, celle, dans le film, que le vendeur Durand Rueil commente par « l’air et la lumière ! ». Je l’aime tellement que j’ai acheté la copie réalisée pour le tournage. Elle se trouve désormais face à mon lit, et je me réveille chaque matin avec elle. 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