Distr. GENERALE E/CN.4/1994/23 12 décembre 1993 FRANCAIS

Transcription

Distr. GENERALE E/CN.4/1994/23 12 décembre 1993 FRANCAIS
Distr.
GENERALE
E/CN.4/1994/23
12 décembre 1993
FRANCAIS
Original : ANGLAIS/ESPAGNOL/
FRANCAIS
COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME
Cinquantième session
Point 9 de l'ordre du jour provisoire
LE DROIT DES PEUPLES A DISPOSER D'EUX-MEMES ET SON APPLICATION
AUX PEUPLES ASSUJETTIS A UNE DOMINATION COLONIALE OU
ETRANGERE OU A L'OCCUPATION ETRANGERE
Rapport sur la question de l'utilisation de mercenaires comme moyen
de violer les droits de l'homme et d'empêcher l'exercice du droit
des peuples à disposer d'eux-mêmes, présenté par le Rapporteur
spécial, M. Enrique Bernales Ballesteros, conformément à la
résolution 1993/5 de la Commission des droits de l'homme
GE.94-10113 (F)
E/CN.4/1994/23
page 2
TABLE DES MATIERES
Paragraphes
INTRODUCTION
I.
1 - 7
3
. . . . . . . .
8 - 17
4
Déroulement du programme d'activités
. . .
Correspondance
. . . . . . . . . . . . . .
8 - 9
10 - 17
4
4
18 - 29
12
20 - 25
13
26 - 29
14
. . . . . . . .
30 - 60
15
.
.
.
.
30
37
46
55
36
45
54
60
15
17
19
22
PRESENCE DE MERCENAIRES SUR LE TERRITOIRE DE
L'EX-YOUGOSLAVIE . . . . . . . . . . . . . . . .
61 - 71
24
PRESENCE DE MERCENAIRES DANS CERTAINS ETATS QUI
SE SONT FORMES SUR LE TERRITOIRE DE L'EX-UNION
DES REPUBLIQUES SOCIALISTES SOVIETIQUES (URSS) .
72 - 98
27
A.
B.
C.
D.
E.
72
78
87
93
97
27
29
32
36
37
ACTIVITES DU RAPPORTEUR SPECIAL
A.
B.
II.
MANIFESTATION DES ACTIVITES MERCENAIRES
A.
B.
III.
V.
VI.
VII.
Aspects généraux
. .
Angola
. . . . . . .
Afrique du Sud
. . .
Zaïre . . . . . . . .
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Arménie-Azerbaïdjan (Haut-Karabakh)
Géorgie . . . . . . . . . . . . . .
République de Moldova . . . . . . .
Tadjikistan . . . . . . . . . . . .
Correspondance récente
. . . . . .
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-
-
77
86
92
96
98
ETAT ACTUEL DE LA CONVENTION INTERNATIONALE CONTRE
LE RECRUTEMENT, L'UTILISATION, LE FINANCEMENT ET
L'INSTRUCTION DE MERCENAIRES . . . . . . . . . .
99 - 103
40
CONSEQUENCES NEFASTES, SUR LA JOUISSANCE DES DROITS
DE L'HOMME, DES ACTES DE VIOLENCE COMMIS PAR DES
GROUPES ARMES QUI SEMENT LA TERREUR AU SEIN DE LA
POPULATION ET PAR DES TRAFIQUANTS DE DROGUE
. .
104 - 113
41
114 - 133
43
134 - 146
50
VIII. CONCLUSIONS
IX.
. . . .
Conflits armés et activités de mercenaires .
Fin de la guerre froide et nouveaux scénarios
d'activités mercenaires . . . . . . . . . .
ACTIVITES MERCENAIRES EN AFRIQUE
A.
B.
C.
D.
IV.
. . . . . . . . . . . . . . . . . .
Page
. . . . . . . . . . . . . . . . . .
RECOMMANDATIONS
. . . . . . . . . . . . . . . .
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page 3
Introduction
1.
A sa quarante-neuvième session, le 19 février 1993 la Commission
des droits de l'homme a adopté, sans la mettre aux voix, la résolution 1993/5
par laquelle elle a notamment réaffirmé que le recrutement, l'utilisation,
le financement et l'instruction de mercenaires devraient être considérés
comme des infractions qui préoccupent très sérieusement tous les Etats;
prié instamment tous les Etats d'interdire aux mercenaires de se servir
d'une partie quelconque de leur territoire pour déstabiliser un Etat
souverain; invité tous les Etats qui ne l'ont pas encore fait à envisager
de prendre rapidement des mesures pour ratifier la Convention internationale
contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de
mercenaires, ou pour y adhérer et prié le Rapporteur spécial de lui faire
rapport, lors de sa cinquantième session, sur tous faits nouveaux concernant
l'utilisation de mercenaires où que ce soit dans le monde.
2.
A la même session, le 9 mars 1993, la Commission des droits de l'homme
a adopté, également sans vote, la résolution 1993/48 par laquelle elle a
notamment prié tous les rapporteurs spéciaux et tous les groupes de travail
de continuer, dans leurs prochains rapports à la Commission, de porter une
attention particulière aux conséquences néfastes, sur la jouissance des droits
de l'homme, des actes de violence perpétrés dans de nombreux pays par des
groupes armés qui sèment la terreur au sein de la population et par des
trafiquants de drogue.
3.
Le Conseil économique et social avait auparavant, par sa
décision 1992/225 du 20 juillet 1992, approuvé la décision de la Commission
de proroger de trois ans le mandat du Rapporteur spécial afin de permettre
à celui-ci de réaliser de nouvelles études sur l'utilisation de mercenaires
et de faire des recommandations en conséquence à la Commission.
4.
En décembre 1993, l'Assemblée générale a adopté une résolution sur
l'utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l'homme
et d'empêcher l'exercice du droit des peuples à l'autodétermination.
Par cette résolution, l'Assemblée a notamment condamné la poursuite du
recrutement, du financement, de l'instruction, du rassemblement, du transit
et de l'utilisation de mercenaires ainsi que toutes les autres formes d'appui
aux mercenaires visant à déstabiliser et à renverser les gouvernements des
Etats d'Afrique et d'autres Etats en développement, ainsi qu'à combattre
les mouvements de libération nationale des peuples qui luttent pour l'exercice
de leur droit à l'autodétermination (par. 2), et réaffirmé que l'utilisation,
le recrutement, le financement et l'instruction de mercenaires sont des
infractions qui préoccupent gravement tous les Etats et violent les objectifs
et principes inscrits dans la Charte des Nations Unies (par. 3).
5.
L'Assemblée générale a instamment demandé à tous les Etats de prendre
les mesures nécessaires et de faire preuve d'une extrême vigilance face à
la menace que constituent les activités des mercenaires et de faire en sorte,
par des mesures à la fois administratives et législatives, que leur territoire
et les autres territoires relevant de leur autorité aussi bien que leurs
ressortissants ne soient pas utilisés pour le recrutement, le rassemblement,
le financement, l'instruction et le transit de mercenaires, ni pour la
planification d'activités visant à déstabiliser ou à renverser le gouvernement
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d'un Etat quel qu'il soit et à combattre les mouvements de libération
nationale qui luttent contre le racisme, l'apartheid, la domination coloniale
et l'intervention ou l'occupation étrangères (par. 5).
6.
L'Assemblée a pris acte avec satisfaction du rapport du Rapporteur
spécial (A/48/385, annexe) (par. 1) et l'a prié de lui présenter, à sa
quarante-neuvième session, un rapport sur l'utilisation des mercenaires qui
tienne spécialement compte des éléments supplémentaires signalés dans son
rapport (par. 10). Elle a en outre prié le Centre pour les droits de l'homme
d'organiser "dans le cadre des ressources existantes, des réunions de travail
pour analyser les aspects philosophiques, politiques et juridiques de cette
question à la lumière des recommandations contenues dans le rapport du
Rapporteur spécial" (par. 9).
7.
En application de la résolution 1993/5 de la Commission des droits
de l'homme, le Rapporteur spécial a l'honneur de soumettre à l'examen
de la Commission son treizième rapport sur la question de l'utilisation
de mercenaires comme moyen de violer les droits de l'homme et d'empêcher
l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Ce document a été
établi compte tenu des limites à respecter quant au nombre maximum de pages
que doivent contenir les rapports présentés à la Commission conformément à
la résolution 1993/94 de celle-ci en date du 11 mars 1993.
I.
A.
ACTIVITES DU RAPPORTEUR SPECIAL
Déroulement du programme d'activités
8.
Le Rapporteur spécial a séjourné à Vienne du 14 au 18 juin 1993, afin
de participer à la rédaction de la déclaration que les membres des groupes
de travail, les rapporteurs spéciaux, les représentants spéciaux et les
experts indépendants de la Commission des droits de l'homme ont présentée à la
Conférence mondiale sur les droits de l'homme qui s'est tenue dans cette ville
du 14 au 25 juin 1993 (A/CONF.157/9).
9.
Le Rapporteur spécial a séjourné à Genève du 25 au 30 juillet, puis
du 29 novembre au 3 décembre 1993, pour tenir des consultations, avoir des
entretiens et rédiger ses rapports à l'Assemblée générale et à la Commission
des droits de l'homme. Au Siège de l'Organisation, où il a présenté son
rapport devant la Troisième Commission de l'Assemblée générale, il a également
eu l'occasion de s'entretenir, entre le 12 et le 15 octobre 1993, avec des
représentants des Républiques de Bosnie-Herzégovine et de Croatie.
Malheureusement, les entrevues qu'il avait sollicitées avec les représentants
des Républiques d'Angola et de Géorgie n'ont pu avoir lieu.
B.
Correspondance
10.
Avant d'établir son rapport à l'Assemblée générale, le Rapporteur spécial
a reçu des gouvernements des Comores, du Costa Rica, de Cuba, du Chili, de la
Dominique, de l'Ethiopie, de la Grèce, de l'Iraq, du Koweït, du Lichtenstein,
du Pérou, de la Roumanie, de la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et de
la Zambie, d'importantes communications qui contiennent des éléments factuels,
de caractère législatif et doctrinal, présentant un intérêt particulier.
Il a également reçu du Représentant permanent de l'Afrique du Sud auprès
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de l'Office des Nations Unies à Genève une communication, en date du
19 février 1993, dont il a reproduit les principaux passages dans son rapport
à l'Assemblée générale (A/48/385, annexe, par. 10).
11.
Pour ce qui est des conflits armés qui se déroulent en Angola, sur le
territoire de l'ex-Yougoslavie et dans certains Etats formés sur le territoire
de l'ex-Union des Républiques socialistes soviétiques, le Rapporteur spécial
a écrit aux Etats concernés pour leur demander des informations officielles
sur les plaintes reçues touchant des activités de mercenaires. Les réponses
de ces Etats sont reproduites dans les chapitres pertinents du présent
rapport.
12.
Ayant reçu des informations selon lesquelles MM. Bob Denard,
Jean-Paul Guerrier et Dominique Malacrino seraient en liberté sous contrôle
judiciaire en France, le Rapporteur spécial a, le 7 juillet 1993, écrit au
Représentant permanent de la France auprès de l'Office des Nations Unies à
Genève. Ces personnes auraient participé à diverses activités mercenaires en
Afrique durant les 16 dernières années. M. Denard a participé à la tentative
de coup d'Etat qui a eu lieu au Bénin en janvier 1977 et, avec les autres
personnes mentionnées, a également pris part à la tentative de coup d'Etat du
26 novembre 1989 dans la République fédérale islamique des Comores, au cours
de laquelle le Président de ce pays a été assassiné. Le texte de la lettre
envoyée par le Rapporteur spécial figure dans le rapport de ce dernier
à l'Assemblée générale (A/48/385, annexe, par. 11). Il y a été répondu par
une lettre en date du 1er octobre 1993 qui est ainsi libellée :
"Le Ministère des affaires étrangères me transmet à votre intention
les informations suivantes :
'M. Robert Denard a été condamné le 5 avril 1993 par le Tribunal
correctionnel de Paris, sur opposition, à 5 ans d'emprisonnement avec
sursis pour association de malfaiteurs, pour les événements survenus
au Bénin en 1977.
MM. Robert Denard, Jean-Paul Guerrier et Dominique Malacrino, un
moment en détention provisoire en France, sont actuellement en liberté
sous contrôle judiciaire, dans le cadre de l'information suivie au
Tribunal de grande instance de Paris, au Cabinet de Mme Perdrix, à la
suite de l'assassinat au cours de la nuit du 26 au 27 novembre 1989
du Président de la République islamique des Comores, M. Ahmed Abdallah'.
Le Gouvernement français ne manquera pas de vous tenir informé
des suites judiciaires qui seront données à cette affaire, laquelle
est soumise pendant la durée de la procédure d'enquête au secret de
l'instruction."
13.
Le Rapporteur spécial a écrit au Gouvernement français pour lui exprimer
son souhait d'être tenu informé des suites judiciaires de cette affaire et,
quelles que soient celles-ci, lui réitérer son désir de s'entretenir avec
les intéressés et lui demander un complément d'information à ce sujet.
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14.
Le 30 juillet 1993, le Représentant permanent de Cuba auprès de l'Office
des Nations Unies à Genève a adressé au Rapporteur spécial la lettre
suivante :
"Les activités mercenaires - qui englobent l'utilisation de
mercenaires, leur recrutement, leur financement et leur instruction outre qu'elles constituent des violations flagrantes des droits
fondamentaux et inaliénables de l'homme, portent atteinte aux principes
qui régissent la coexistence entre les nations formant la communauté
internationale, en particulier ceux qui se rapportent au respect absolu
de la souveraineté des Etats, de la non-ingérence dans les affaires
intérieures des Etats, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance
et entravent l'exercice du droit à l'autodétermination des peuples qui
luttent contre le colonialisme, le racisme, l'apartheid et toutes les
formes de domination et d'occupation étrangères.
L'expérience de Cuba nous permet d'affirmer sans crainte de nous
tromper que, si les activités mercenaires sont habituellement liées à des
conflits armés internationaux ou intérieurs, il n'en demeure pas moins
que ce phénomène se manifeste également en temps de paix.
Comme on le sait, en avril 1961, des mercenaires ont lancé contre
Cuba une attaque de grande envergure appuyée par le Gouvernement des
Etats-Unis d'Amérique, comme l'a d'ailleurs reconnu l'administration
de l'époque qui a recruté, instruit et financé les participants à
cette agression, à savoir des individus d'origine cubaine résidant
aux Etats-Unis d'Amérique et des ressortissants de ce pays.
En droit pénal cubain (art. 119 du Code pénal), le mercenariat
constitue une atteinte à la paix et au droit international qui est
sévèrement réprimée par une peine d'emprisonnement de 10 à 20 ans ou
par la condamnation à mort. D'autre part, conformément à la définition
internationale en vigueur à l'époque où le Code pénal a été rédigé,
les citoyens ressortissants de l'Etat agressé ne sont pas considérés
comme des mercenaires. Toutefois, cela ne veut pas dire que cette
conduite délictueuse ne soit pas punie avec la même sévérité lorsque
l'intéressé est un citoyen cubain qui, agissant dans l'intérêt d'un Etat
étranger, vend ses services à ce dernier contre rémunération en vue
d'exécuter des actes qui attentent à l'indépendance ou à l'intégrité
territoriale de l'Etat cubain. En pareil cas, il s'agit d'une atteinte
à la sécurité extérieure de l'Etat.
Nous nous permettons d'appeler de nouveau votre attention sur
l'agression mercenaire bien connue de Playa Girón qui, dans le jargon
américain, porte le nom de Baie des cochons. Elle se solda par une
écrasante défaite. D'autres agressions suivirent, également encouragées
et tolérées par le Gouvernement américain dans le propos délibéré de
renverser la révolution cubaine. Elles se heurtèrent à la détermination
du peuple cubain au long des 30 années et plus qui s'écoulèrent depuis
l'accession de ce pays à l'indépendance.
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Cette politique criminelle, qui continue d'être menée actuellement
contre le peuple cubain, comprend, entre autres, des actes de sabotage
de l'économie nationale, des opérations d'infiltration par nos côtes,
des attaques armées contre des embarcations cubaines dans les eaux
internationales, des enlèvements de pêcheurs, des tirs d'armes
automatiques contre des villages sans défense du littoral, des tentatives
d'assassinat contre les principaux dirigeants, et même l'explosion en
plein vol d'un avion commercial de Cubana de Aviación qui a coûté la vie
à ses 73 passagers.
Certains, parmi les mercenaires qui ont participé à ces actions que
l'on ne saurait qualifier autrement que de terroristes, jouissent d'une
liberté absolue et d'une totale impunité sur le territoire nord-américain
où ils s'organisent en formations militaires, s'entraînent au maniement
des armes et des explosifs, manigancent de nouveaux plans d'agression
et les divulguent sans aucune vergogne dans la presse de ce pays.
Ainsi, il est de notoriété publique que le camp 'Rumbo Sur'
(Destination sud) dans lequel s'entraînent les membres de l'organisation
terroriste 'Alpha 66', qui est dirigée par le célèbre terroriste
Andrés Nazario Sargent et dont le but est de commettre des actes de
vandalisme contre Cuba, est situé rue 40 SW et avenue 172, à Miami.
Des terroristes notoires - Humberto Pérez, Francisco Garciá,
Enrique García - se partagent le commandement du camp que fréquentent
également d'autres résidents de Miami, à savoir Diego Medina,
Silverio Rodríguez, Rolando Olivares, Angel Yassell, Osiel González,
Hugo Gascón et Rámon Bonachea. Parmi les instructeurs chargés des
'affaires spéciales' figurent quatre anciens membres du corps
d'infanterie de marine des forces armées américaines.
Comme l'ont déclaré publiquement ses chefs de file, 'Alpha 66'
dispose pour exécuter ses actes criminels, d'un arsenal composé de
60 fusils d'assaut M-16, de 20 fusils Ar-15, de 10 mitrailleuses de
calibre 50, de 10 mitrailleuses M-60, de 400 fusils d'assaut AK-47,
de 30 lance-grenades pour le fusil M-16, de plus de 500 carabines M-1,
Garand et autres, de plus de 100 fusils de chasse ainsi que d'une
quantité indéterminée d'explosifs plastiques de forte puissance,
de grenades à main et d'armes de poing.
Une partie de cet armement est cachée à proximité du camp
'Rumbo Sur' mentionné plus haut et le reste dans les résidences et
maisons de campagne du terroriste Nazario Sargent et de certains de ses
partisans les plus proches.
Ce groupe de terroristes dispose pour mener ses actions subversives
contre Cuba des embarcations suivantes : 'El Kiska III', propriété
de Ramón Bonachea, amarrée à Rickenbaker Marina, à Key Biscaine, une
chaloupe de 30 pieds de long arrimée sur une remorque stationnée devant
le No 11063 de la troisième avenue (Flagger) à Miami, un hors-bord
d'une capacité de 10 à 15 personnes placé au même endroit et d'un grand
pétrolier tenant lieu de siège des opérations.
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Il est également bien connu qu'un groupe terroriste, fondé en 1989,
qui se dénomme lui-même 'Partido de Unidad Nacional Democrática' (PUND)
opère sur le territoire des Etats-Unis. Sergio González Rosquete en est
le principal dirigeant. En font également partie Frank Sturgis, citoyen
américain, condamné dans l'affaire du Watergate, Darío López,
Juan León Rojas, Jorge Rodríguez, Higinio Díaz, Enrique J. Rabade et
Ramón Orozco Crespo.
Outre ses bureaux situés à Miami, au 215 W, 17th ave., ce groupe
possède un camp d'entraînement dans le parc de Fakahatche, non loin du
comté de Collier, à quelque 200 km à l'ouest de Miami et un camp situé
à l'angle des 40ème et 137ème rues, également dans cette ville.
En octobre 1990, alors qu'ils tentaient, à bord d'un canot
gonflable, de s'introduire à Cuba par la côte nord de la province
de La Havane, deux membres de ce groupe, Gustavo Rodríguez Souza et
Tomás Ramos, furent fait prisonniers. Furent également saisies à cette
occasion de nombreuses armes avec lesquelles ils avaient l'intention
d'effectuer leurs actes de sabotage et d'attenter à la vie du
président Fidel Castro et du Ministre des forces armées révolutionnaires,
le général d'armée Raúl Castro.
En octobre 1992, à Cayo Anguila, les autorités bahamiennes ont
intercepté le 'Nautilus' et arrêté Rubén Darío López, Iván León Rojas
et Jesús Morales García pour possession illégale d'armes et d'explosifs
et complicité dans une opération militaire menée contre un Etat étranger.
En octobre également, ont été fait prisonniers alors qu'ils tentaient de
pénétrer en territoire cubain, les saboteurs Gustavo David Triana Aguado,
Miguel Angel Alfonso González et Eduardo González Torres. Ils avaient
emprunté un des chenaux d'accès au fleuve Miami à bord du 'Nautilus' et,
arrivés à la hauteur de Cabo Francés, avaient abandonné celui-ci pour
entrer en territoire cubain.
Au début du mois de février 1993, les autorités américaines ont
arrêté, au sud de Miami, plusieurs membres de ce groupe terroriste
répondant aux noms de Oscar Francisco Pérez, Enrique J. Rabade,
Pastor Guzmán Cruz, Santiago Burgos et Iván León Rojas. Ces individus
avaient pris place à bord d'une embarcation chargée de mitrailleuses
de gros calibre, de fusils, de lance-grenades et de 10 000 projectiles,
matériel qui, selon la déclaration faite à un agent fédéral des
Etats-Unis par l'un des terroristes, allait être remis à des membres
présumés de ce groupe installés à Cuba.
Le 5 février 1993, le chef de file du groupe en question,
Sergio González Rosquete, a déclaré, lors d'une conférence de presse,
que celui-ci était l''un des groupes paramilitaires les plus actifs
sur le territoire américain', et a affirmé être en contact avec des
terroristes à Cuba.
Le 18 mars 1993, lors d'une conférence de presse, un des membres
du groupe a menacé d'entreprendre de nouveaux actes de terrorisme contre
Cuba.
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Un autre groupe terroriste qui s'est livré à de nombreuses menées
subversives contre Cuba est le groupe dit des 'Comandos L'. Son chef de
file était le terroriste bien connu Antonio Cuesta, maintenant décédé,
auquel s'étaient joints José Dauzá, Ramón Font, Laureano Borges,
Rolando Nieves et l'Américain Anthony Bryant, condamné par les tribunaux
cubains à 12 ans d'emprisonnement pour le détournement, en 1969, d'un
avion commercial américain.
Ce groupe a attaqué des villages de pêcheurs sans défense, des
navires marchands mouillant dans les ports de Matanzas et de La Havane,
ainsi que des installations touristiques. Il a également tenté
d'assassiner le Président du Conseil d'Etat et du Conseil des ministres
de la République de Cuba, Fidel Castro et d'autres hauts fonctionnaires
du gouvernement. En décembre 1991, il avait introduit dans ce but
trois éléments armés en territoire cubain.
Le 8 février 1992, des membres de ce groupe ont tenté d'attaquer
des navires marchands qui mouillaient dans le port de La Havane, mais,
interceptés par des unités de surface cubaines, ils ont pris la fuite
après avoir tiré sur elles avec des armes lourdes et des fusils.
Deux jours plus tard, un membre du groupe en question a déclaré
publiquement qu'ils avaient attaqué avec des fusées de moyenne portée
des embarcations cubaines sur nos côtes.
Le 4 juillet 1992, les terroristes Anthony Bryant, Eugenio Llamera,
Alejandro Basilio Pérez et Guillermo Casasus ont ouvert le feu sur un
voilier croisant dans les eaux territoriales cubaines. Quelques jours
plus tard, on apprit en Floride que les gardes-côtes américains leur
avaient confisqué divers fusils et un film vidéo tourné lors de cet acte
de terrorisme; les terroristes avaient été interceptés dans les eaux
territoriales cubaines par la vedette 'Maui' du Service des gardes-côtes
en un point situé à une dizaine de kilomètres au nord de Matanzas.
Le 6 juillet 1992, le Chef de ce groupe a révélé que son groupe
était l'auteur de six autres attaques contre Cuba. Il s'est vanté de ce
que ni le Gouvernement des Etats-Unis, ni le FBI, n'avaient fait pression
sur lui pour le contraindre à cesser ses activités contre Cuba.
Le 1er octobre de la même année, un groupe dirigé par
Anthony Bryant a tiré à plusieurs reprises sur l'hôtel 'Meliá Varadero'.
Le Chef des dénommés 'Comandos L' a revendiqué cette action, qu'il a
qualifiée avec une complète désinvolture, d'opération réussie contre un
'objectif militaire' sur les côtes cubaines.
Le 7 janvier 1993, un jour après que le juge fédéral James Lawrence
King, ait levé l'accusation de détention d'armes portée contre lui,
Anthony Bryant a reconnu publiquement avoir participé à l'attaque contre
le 'Meliá Varadero' et promis de mener de nouvelles actions contre des
installations cubaines, notamment des hôtels et des centres touristiques.
Ce même mois, alors qu'il était en tournée dans le New Jersey où il
recueillait des fonds pour la poursuite de ses activités, il a menacé
de représailles les touristes qui se rendraient à Cuba.
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Rolando Nieves Machado, dit 'Patilla' ('La gachette'), résidant
à Miami (2881 NW 5th St., Miami, Floride, 33125) s'est également livré
à des attaques pour le compte de ce groupe. Il était en possession
d'explosifs de forte puissance, d'armes de tous genres et d'une vedette
rapide mouillant à Cayo Maratón et utilisée dans des attaques contre
des navires cubains et d'autres nationalités, dans les eaux cubaines et
internationales. Ont participé à ces attaques Nelsy Ignacio Castro Matos,
Reynaldo Aquit Manrique, dit 'Chino' ('Le Chinois'), et Miriam Ortega.
Le 14 décembre 1990, Tomás Ramos Rodríguez et Gustavo Rodríguez
Sosa ont été capturés en territoire cubain. Ils avaient eu pour
instructeur Rolando Nieves Mahado et avaient reçu des conseils de
l'ancien agent de la CIA, Frank Sturgis, pour mener à bien leurs
activités terroristes à Cuba.
Durant l'été 91, Rolando Nieves Machado, dont il a déjà été
question plus haut, a élaboré des plans en vue d'assassiner le Président
du Conseil d'Etat et du Conseil des ministres de la République de Cuba,
Fidel Castro, lors de la visite que celui-ci devait effectuer à
Guadalajara (Mexique), à l'occasion du premier sommet américano-ibérique.
Dans cette perspective, il fit l'acquisition d'un fusil de calibre
7,63 mm.
Ces activités font l'objet d'une vaste propagande relayée par des
dizaines de radios qui, dans l'illégalité la plus totale, envahissent
massivement et constamment les ondes cubaines et diffusent des appels
visant, notamment, à éliminer physiquement le Président du Conseil d'Etat
et du Conseil des ministres, Fidel Castro, à saboter l'économie
nationale, à renverser le gouvernement par les armes et à encourager la
subversion.
Cuba désire porter à la connaissance du Rapporteur spécial ces
informations concernant les activités d'éléments terroristes implantés
sur le territoire nord-américain et exprimer sa profonde préoccupation
devant la prolifération, sur ce territoire, de groupes terroristes qui
opèrent contre Cuba et qui, ces derniers temps, font preuve d'un regain
d'activité contre les intérêts du peuple cubain.
Le Gouvernement de la République de Cuba saisit également cette
occasion pour déclarer à nouveau que, compte tenu des faits mentionnés,
des informations communiquées et des multiples résolutions adoptées
par l'Assemblée générale en vue de condamner, combattre et faire cesser
les activités mercenaires et le terrorisme international, le Rapporteur
spécial devrait formuler des propositions concrètes tendant à mettre
à jour le concept d'activité mercenaire, qu'il s'agisse de celui qui
se livre à cette activité ou de celui qui la cautionne en recrutant,
finançant, instruisant et employant des mercenaires, y compris toute
personne physique ou morale qui est impliquée dans de telles activités,
qu'elle soit ou non ressortissante du pays victime de l'agression.
Par ailleurs, conformément aux paragraphes 5 et 6 de la
résolution 47/84 de l'Assemblée générale, le Rapporteur spécial devrait
attacher une attention particulière au suivi et à la surveillance
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des activités des Etats qui persistent à recruter des mercenaires ou
en permettent ou en tolèrent le recrutement et leur fournissent des
facilités pour lancer des agressions armées contre d'autres Etats et
qui n'ont pas pris les mesures administratives et législatives pour faire
en sorte que leur territoire et leurs ressortissants ne soient pas
utilisés pour le recrutement, le rassemblement, le financement,
l'instruction et le transit de mercenaires ni pour la planification
d'activités visant à déstabiliser ou à renverser le gouvernement d'un
autre Etat légitimement constitué.
Cuba estime que le Rapporteur devrait également étudier les liens
de plus en plus étroits que l'on observe entre le mercenariat et les
pratiques terroristes, et ce en violation des buts et des principes
inscrits dans la Charte des Nations Unies, en particulier du droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes et des normes internationales en vigueur
dans le domaine des droits de l'homme.
Le Gouvernement cubain réaffirme sa volonté de coopérer avec le
Rapporteur spécial dans tout ce qui se rapporte à l'exécution du mandat
que lui a conféré la communauté internationale et recommande qu'une
enquête ait lieu sur le terrain en vue de corroborer les informations
contenues dans la présente réponse."
15.
Le Rapporteur spécial fait observer, à propos de cette lettre, que
des vérifications sont en cours concernant les affaires auxquelles il est
fait référence, vérifications qui touchent à tous les aspects du concept
d'activités mercenaires, à leur pratique et à leurs conséquences ainsi
qu'aux responsabilités qu'entraînent les activités illicites, qu'elles
mettent en cause des Etats tiers ou des personnes physiques ou morales.
Le 7 octobre 1993, il a écrit dans ce sens au chargé d'affaires par intérim
de la Mission permanente des Etats-Unis d'Amérique auprès de l'Office des
Nations Unies à Genève pour lui demander de lui faire connaître le point
de vue, les observations ou les commentaires de son gouvernement au sujet
des passages de la communication du Gouvernement cubain mettant en cause
des citoyens américains qui auraient participé à des activités mercenaires
ou l'utilisation du territoire nord-américain à ces fins.
16.
Après avoir élaboré le rapport qu'il a présenté à l'Assemblée générale,
le Rapporteur spécial a reçu des communications des Gouvernements de la
Bolivie, de l'Equateur, de la Jordanie, du Népal ainsi qu'une nouvelle
communication du Gouvernement sud-africain. Ces communications contiennent
des renseignements intéressants sur l'attitude des gouvernements de ces pays
face aux activités mercenaires en général, sur leurs législations en la
matière et sur la Convention internationale contre le recrutement,
l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires. Le Rapporteur
spécial regrette de ne pas pouvoir en reproduire le texte, en raison des
restrictions déjà évoquées touchant le nombre maximum de pages des rapports
présentés à la Commission des droits de l'homme. Il a également reçu des
communications des Gouvernements de la République de Croatie, de la Fédération
de Russie, de la République de Moldava, de l'Ukraine et de la République
fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) sur la question des activités
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mercenaires qui se déroulent sur le territoire de l'ex-Yougoslavie et dans
certains Etats formés sur le territoire de l'ex-URSS. Ces communications sont
examinées dans les chapitres pertinents du présent rapport.
17.
Le Ministère des affaires extérieures de la Suède a adressé au Rapporteur
spécial la communication suivante, en date du 24 août 1993 :
"Le Code pénal suédois (ch. 19, par. 12) punit d'une peine
d'emprisonnement de six mois au plus ou, en temps de guerre, de deux ans
quiconque recrute des individus pour une armée étrangère ou une
institution similaire sans l'autorisation du gouvernement ou pousse
des individus à quitter illégalement le pays dans ce but.
Une information pour présomption de manquement à l'interdiction
de recrutement illicite a été ouverte par le Procureur du district
d'Halmstad, en février 1993.
L'information a été ouverte à la suite de renseignements selon
lesquels des personnes auraient été recrutées en Suède en 1992 pour
servir dans les forces armées de l'ex-Yougoslavie.
L'information a débouché sur l'audition d'un suspect. Faute
de preuves aucune inculpation n'a été prononcée.
La Suède n'est pas partie à la Convention internationale contre
le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de
mercenaires adoptée par l'Assemblée générale, le 4 décembre 1989, et
n'envisage pas pour le moment d'y adhérer."
II.
MANIFESTATION DES ACTIVITES MERCENAIRES
18.
De façon réitérée, les organes des Nations Unies ont adopté des
résolutions qui condamnent les activités mercenaires. Celles-ci sont
qualifiées d'infractions graves qui préoccupent vivement tous les Etats
et portent atteinte à l'humanité. Pour que les Etats et les gouvernements
combattent efficacement ces activités criminelles, l'Assemblée générale
a adopté, le 4 décembre 1989, la Convention internationale contre le
recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires,
qui est en cours de ratification et d'adhésion en vue de son entrée en
vigueur. En Afrique, la Convention de l'Organisation de l'unité africaine
(OUA) sur l'élimination du mercenariat en Afrique s'applique et dans la
législation pénale de beaucoup d'Etats, le mercenariat constitue une
infraction spécifique ou, dans certains cas, un délit connexe sévèrement
réprimé.
19.
Nonobstant ces dispositions et bien que l'opinion publique internationale
rejette de telles pratiques, il faut hélas constater que non seulement le
mercenariat n'a pas diminué mais qu'on observe même, ces dernières années,
une tendance croissante à l'utilisation de mercenaires. Ceux-ci prennent part,
contre rémunération, à des conflits armés qui se déroulent sur des territoires
dont ils ne sont pas ressortissants. Leur présence constitue même un facteur
qui contribue à rendre plus violents et plus sanguinaires les conflits dans
lesquels ils sont impliqués. De fait, le mercenaire est recruté parce que
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c'est un professionnel de la guerre dont l'activité n'est subordonnée à aucune
finalité altruiste, ni limitée par le droit international humanitaire qu'il
viole au contraire systématiquement.
A.
Conflits armés et activités de mercenaires
20.
Le plus souvent, les conflits armés, intérieurs ou internationaux, et la
présence de professionnels de la guerre dont la situation dans le domaine de
l'emploi s'est dégradée ou ne répond pas à leurs attentes sur le plan social,
politique ou économique, se conjuguent pour donner naissance au mercenariat.
En d'autres termes, ces individus voient, dans n'importe quel conflit armé,
la possibilité d'offrir leurs services en échange d'une paie et comptent sur
la tolérance lorsqu'ils commettent des actes cruels ou se livrent au pillage,
tous actes qui peuvent également leur procurer des avantages économiques
supplémentaires, et ce même si le conflit en devient plus cruel et inhumain.
Le mercenaire peut, en outre, même en l'absence de conflits armés, offrir
ses services pour perpétrer des actes criminels pour le compte d'une puissance
ou d'un groupe qui cherche à porter préjudice à un autre pays sans que l'on
puisse lui en faire endosser la responsabilité.
21.
Dans ce cas, le mercenaire, quelle que soit sa nationalité, offre ses
services à celui qui prend contact avec lui, ou se met à sa disposition à son
lieu de résidence. L'existence d'organisations qui s'occupent de recruter de
tels individus, en liaison avec des agents du pays ou du groupe pour lequel
ces individus sont appelés à travailler, facilite l'établissement d'une
association criminelle entre celui qui offre le contrat et celui qui
l'accepte. Dans certains cas, des moyens juridiques sont utilisés pour que le
mercenaire apparaisse comme un ressortissant du pays dans lequel le conflit
armé a lieu. Bien que l'utilisation de ces moyens permette d'occulter la
condition réelle du mercenaire, l'origine du contrat, la paie, le type de
services faisant l'objet du contrat, l'utilisation simultanée d'autres
nationalités et d'autres passeports, etc., sont autant de pistes qui devraient
permettre d'établir la véritable nationalité des personnes impliquées dans un
conflit et que l'on soupçonne à juste titre d'être des mercenaires.
22.
La liste des endroits où opèrent des mercenaires, dressée par le
Rapporteur spécial dans ses précédents rapports, prouve que le recours à des
mercenaires est lié d'ordinaire à un conflit armé, international ou intérieur
dans lequel l'une des parties ou toutes les parties font appel à des
mercenaires pour mettre en oeuvre leur stratégie militaire. Même si,
aujourd'hui, les mercenaires interviennent massivement dans divers conflits
armés, ce que facilite l'accroissement de l'offre pour ce type de services,
le mercenaire a fait sa réapparition, à l'époque contemporaine, dans
des conflits armés liés au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Dans les années 60 et dans le cadre de la décolonisation en Afrique,
les intérêts coloniaux désireux de demeurer dans la région ont eu recours
à la présence active de bandes de mercenaires afin d'entraver le processus
d'autodétermination qui donnait naissance à de nouveaux Etats africains ou
de créer des situations d'instabilité débouchant sur des conflits armés, que
les mercenaires avaient essentiellement pour rôle d'intensifier et
d'internationaliser.
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page 14
23.
Il existe des cas complexes dans lesquels les activités présumées de
mercenaires dans des conflits intérieurs sont signalées par la presse
internationale et par des experts, mais on se heurte à un silence absolu
lorsque l'on demande à ce sujet des renseignements officiels. Le Rapporteur
spécial signale cette difficulté qui empêche objectivement de vérifier la
présence de mercenaires dans des conflits intérieurs, en dépit des éléments
de preuve diffusés à l'échelon international. On signale la présence de
mercenaires, entre autres dans les conflits, qui ont lieu en Afghanistan,
au Tchad, au Myanmar, au Rwanda et au Soudan.
24.
En observant de près les conflits armés, les informations données par
la presse internationale, ainsi que les difficultés et ingérences qui,
parfois, compliquent ou retardent les processus de négociation politique
visant à mettre fin à ces conflits, on peut se rendre compte de la présence
de mercenaires. Ces derniers sont généralement d'anciens combattants qui
s'identifient de manière compulsive au métier de la guerre, des partisans
fanatiques d'une idéologie ou des individus ou des groupes foncièrement
intolérants et violents. Mais le facteur aggravant est le fait que leur
présence est liée aux aspects les plus cruels du conflit et aux actes les plus
criminels qui sont perpétrés contre les droits de l'homme. Qui plus est,
l'aspect financier de la question et les gains illicites que procurent aux
mercenaires les pillages auxquels ils participent peuvent contribuer de façon
déterminante à faire durer le conflit. L'intérêt du mercenaire ne réside pas
dans la paix et dans la réconciliation, mais dans la guerre, puisque la guerre
est son métier et qu'il en vit.
25.
Les activités dont il est question dans le présent chapitre peuvent être
le fait de nationaux, mais dans ce cas, il ne s'agit pas d'activités
mercenaires à proprement parler, mais d'actes constituant des infractions
punissables en application du droit pénal du pays. La condition d'étranger
est, conformément aux normes internationales en la matière, un élément
indispensable pour qualifier un délinquant de mercenaire. Il convient,
toutefois, de signaler que les trafiquants de drogues et d'armes, les
terroristes et les mercenaires opèrent d'ordinaire au sein de groupes
internationaux liés entre eux. Ainsi, une bande armée irrégulière qui pratique
le terrorisme peut rapidement se transformer en groupe mercenaires. C'est ce
qui se passe lorsqu'elle se rend dans le territoire d'un Etat limitrophe pour
y protéger des trafiquants de drogues ou occuper une partie du territoire
étranger en se soustrayant à l'autorité de l'Etat souverain.
B.
Fin de la guerre froide et nouveaux scénarios d'activités mercenaires
26.
Dans les 12 rapports qui précèdent celui-ci, le Rapporteur spécial a
indiqué que l'utilisation de mercenaires a été l'un des éléments les plus
marquants des conflits armés internationaux ou intérieurs qui ont ébranlé la
paix dans le monde depuis la seconde guerre mondiale. D'une certaine manière,
la prolifération des tensions internationales, des conflits et des guerres
dites "de faible intensité" ont favorisé l'utilisation de mercenaires dans
un climat caractérisé par la méfiance, des relations internationales tendues
et l'existence de zones d'hégémonie issues de la bipolarisation du monde et
de la guerre froide.
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27.
La fin de la guerre froide, toutefois, n'a pas eu pour effet immédiat
de mettre un terme aux conflits armés ou, à tout le moins, de les atténuer.
En réalité, on assiste à la mise en place d'un processus de restructuration
du monde qui se caractérise par la fin de la bipolarité et qui a pour effet
de laisser dans une situation de précarité et de vulnérabilité des zones
qui étaient auparavant sous la mouvance de l'une des deux grandes puissances.
Avec la disparition de l'influence idéologique prédominante, avec la fin
des aides économiques et le retrait des forces militaires de contrôle, sont
apparus, presque naturellement, des processus complexes de réajustement et de
transition vers d'autres régimes politiques et économiques en butte à des
contradictions et des résistances multiples.
28.
Les conflits armés intérieurs ou internationaux qui ont éclaté ou qui se
sont intensifiés depuis 1989 sont, pour une grande part, directement liés à
l'effondrement du système économique, des rapports sociaux et du régime
politique dans les pays qui, durant la période de la guerre froide, se
trouvaient dans l'orbite de la puissance mondiale qui a maintenant perdu son
influence. Progressivement, en même temps qu'ils deviennent indépendants et
que leur souveraineté nationale s'accroît, certains Etats sont confrontés à
des attitudes nouvelles d'où le dialogue est exclu et qui exaltent même des
sentiments régionalistes, nationalistes, ethniques, religieux et séparatistes.
Dans cette situation complexe et délicate, des Etats fédérés se sont
désagrégés, de nouveaux Etats sont apparus et des mouvements séparatistes
encourageant l'indépendance de leur région ont vu le jour. Malheureusement,
ces processus ne se sont pas tous déroulés de manière pacifique. Ils ont, bien
souvent, engendré de graves conflits armés dont la plupart ne sont toujours
pas réglés.
29.
Le Rapporteur spécial se doit de mentionner ces conflits puisque, dans
chacun d'eux, on signale la présence d'éléments mercenaires et que, dans
certains cas, cette présence est la cause même de la barbarie du conflit.
Par ailleurs, d'après certaines communications actuellement à l'étude,
des unités militaires et des colonnes entières des armées régulières d'Etats
en voie de reconstruction fourniraient leurs services, équipements et
armements compris, pour se procurer des fonds et pouvoir ainsi payer leurs
hommes, le but étant d'éviter la dissolution des unités en question et le
risque que celles-ci, devenues oisives, ne s'organisent en bandes criminelles
armées. Il s'agirait d'une forme jusqu'à présent inconnue de groupes de
mercenaires. En tout état de cause, il est de la plus haute importance
d'examiner ce phénomène, étant donné le risque qu'il présente - s'il se
confirme - pour la stabilité, la paix et le respect des normes internationales
garantissant le respect mutuel et la coexistence pacifique entre les Etats.
III.
ACTIVITES MERCENAIRES EN AFRIQUE
A.
Aspects généraux
30.
D'un point de vue historique, les pays africains sont ceux qui ont
souffert le plus directement de la présence de mercenaires sur leurs
territoires. Au cours des dernières années, les activités mercenaires ont eu
principalement pour but de déchaîner la violence afin d'empêcher ou d'entraver
d'une manière ou d'une autre l'exercice du droit des peuples à
l'autodétermination. On a également constaté ce type d'activités dans
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le contexte d'événements politico-militaires qui ont ébranlé la stabilité des
gouvernements constitutionnels de la région.
31.
Au cours des vingt dernières années, les jeunes pays africains ont subi
des attaques dirigées contre le droit de leurs peuples à l'autodétermination,
l'intégrité territoriale de leurs Etats et la stabilité de leurs gouvernements
légitimes. Ces attaques ont été le fait d'agents mercenaires sous contrat qui,
dans bien des cas, se sont comportés avec une extrême cruauté, au détriment
des droits fondamentaux des populations concernées. L'Angola, le Bénin,
le Botswana, les Comores, le Lesotho, le Mozambique, la Namibie et le Zimbabwe
ont subi des attaques de mercenaires dont le but était toujours d'empêcher les
populations de prendre en mains leur destin, de paralyser l'action des
gouvernements en place et de les soumettre au contrôle d'une puissance
régionale. Le racisme et l'appui au système d'apartheid sont également
d'autres grandes caractéristiques des activités mercenaires dans ces pays.
32.
Après de longues années d'hostilités, certains des pays les plus touchés
par la violence armée ont engagé, sous les auspice de l'ONU et de
l'Organisation de l'unité africaine (OUA), un processus de négociation
politique qui a abouti à la signature et à l'entrée en vigueur d'accords de
paix. Le 4 octobre 1992, l'Accord de paix signé à Rome entre le président
Joaquim Chissano et Alfonso Dhlakama, chef de la Résistance nationale
mozambicaine (RENAMO), a mis fin au conflit sanglant qui a déchiré le
Mozambique pendant 17 ans. L'Accord prévoyait un cessez-le-feu supervisé par
les observateurs militaires de l'opération des Nations Unies au Mozambique
(ONUMOZ), le désarmement, le regroupement et la démobilisation générale des
forces en présence, l'organisation d'élections présidentielles et
législatives, actuellement prévues pour octobre 1994, et la création d'une
nouvelle armée nationale.
33.
L'Accord de paix de Cotonou (Bénin), signé le 25 juillet 1993, a mis fin
à un conflit qui a duré plus de trois ans et demi et fait plus de
100 000 morts au Libéria. Le cessez-le-feu prévu par l'Accord de paix est
entré en vigueur le 1er août 1993. Il a été suivi du regroupement, du
désarmement et de la démobilisation des forces en conflit, tout cela sous la
supervision de la force ouest-africaine d'interposition (ECOMOG) et de la
Mission d'observation des Nations Unies au Libéria (MONUL), créée le
22 septembre 1993. Les élections présidentielles et législatives auront lieu
en 1994. D'autre part, l'Accord de paix signé le 4 août 1993 à Arusha, en
République-Unie de Tanzanie, vise à mettre fin au conflit qui oppose le
Gouvernement rwandais aux forces rebelles du Front patriotique rwandais (FPR).
34.
Les conflits armés en Afrique ont donc diminué d'intensité ou cessé
totalement, mais cela ne veut pas dire que les mercenaires aient été
démobilisés, que leurs unités aient été dissoutes, ni qu'ils se soient
réinsérés dans la société civile pour y vivre de façon pacifique. Beaucoup
d'entre eux se sont repliés vers d'autres régions, principalement en Afrique
du Sud, considérée au temps de l'apartheid comme un sanctuaire pour les
mercenaires. Maintenant que le système d'apartheid est en voie de
démantèlement, le gouvernement du président de Klerk n'accueille plus les
mercenaires étrangers à bras ouverts. Ces derniers n'ont pas pour autant
abandonné le pays. Comme on le sait, le processus d'élimination de l'apartheid
et de démocratisation de l'Afrique du Sud se heurte à la résistance des
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page 17
organisations racistes de la minorité blanche. Certaines de ces organisations
ont recruté des mercenaires et constitué des groupes paramilitaires qui
provoquent des actes de violence raciste et fomentent des affrontements sans
merci des diverses ethnies sud-africaines.
35.
Ces deux dernières années, l'Afrique a connu également des situations
d'instabilité politique presque toujours accompagnées de violence armée.
Les cas du Burundi, du Cameroun, de Djibouti, du Niger, du Tchad et du Togo
ont été mentionnés dans des rapports antérieurs du Rapporteur spécial. A ces
pays, il faut ajouter la Somalie dont la situation est très préoccupante et où
la guerre entre clans et sous-clans a entraîné l'effondrement de l'Etat et
contraint l'ONU à intervenir sur le plan humanitaire; le Rwanda et le Soudan,
où la guerre civile a bouleversé les conditions de vie des populations
locales; enfin le Zaïre, où des groupes militaires et paramilitaires relevant
directement du président Mobuto Sese Seko se livrent au pillage, à des abus et
à des violations systématiques des droits de l'homme.
36.
Les conflits mentionnés mettent en péril la stabilité politique des
gouvernements et entravent l'action en faveur du développement. Quand on
connaît l'histoire et l'évolution d'autres conflits internes en Afrique et
quand on sait que, dans certains cas, des intérêts étrangers misent sur ces
conflits, on ne peut écarter la possibilité que l'une ou l'autre des parties
qui s'affrontent ait recours à des activités mercenaires. Les mercenaires de
carrière n'ont nullement quitté l'Afrique; ils attendent l'occasion
d'intervenir et ces conflits la leur offrent. La communauté internationale
devrait méditer sur le cours que prennent habituellement les conflits en
Afrique et faire en sorte que soient conclus rapidement des accords de paix
effectifs qui garantissent le droit à l'autodétermination, les libertés
fondamentales, la démocratie et le développement de ces peuples qui, bien
qu'ils aient accédé à l'indépendance depuis un certain nombre d'années, ne
parviennent pas à obtenir la paix dans la justice ni à se développer, en
raison principalement de la violence et des conflits armés.
B.
Angola
37.
Signés à Lisbonne, le 31 mai 1991, entre les parties au conflit,
les accords de paix en Angola auraient dû atteindre l'un de leurs principaux
objectifs puisque des élections générales ont eu lieu, les 29 et
30 septembre 1992, en présence d'observateurs de l'ONU. Ces derniers ont
constaté que les élections s'étaient déroulées normalement et que, d'une
manière générale, elles avaient été libres et justes.
38.
Malheureusement, le Chef de l'Uñiâo Nacional para a Independência Total
de Angola (UNITA) n'a pas accepté le résultat de ces élections, a exigé que
l'on reconnaisse son prétendu triomphe, puis est passé à l'action, se livrant
à des actes de violence auxquels les forces fidèles au gouvernement ont
répondu avec une violence égale. Les combats ont repris à Benguela, Caxito,
Huambo, dans le port de Lobito, dans les environs de Luena, à Malangue,
Puerto Quipira et Lubango, ainsi qu'à Luanda, la capitale, où il y eut de
nombreuses victimes des deux côtés et où les locaux de l'UNITA ont été
détruits ou incendiés. La guerre civile a recommencé sur une échelle et avec
une intensité destructrice égales, sinon supérieures, à la précédente.
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page 18
39.
Au cours de l'année 1993, la situation en Angola n'a cessé de se
détériorer et de s'aggraver. On estime qu'un millier de personnes meurent
chaque jour dans ce pays des conséquences directes ou indirectes de la guerre
civile; le gouvernement contrôle les villes de Luanda, Lobito, Lubango, Cubal,
Sumbe, Benguela et Namibe; en revanche d'autres villes, telles que Cuito,
Menongue, Saurimo, Luena et Malangue, ont été encerclées en 1993 et soumises à
d'intenses bombardements de la part de l'UNITA. La ville de Huambo a été prise
par les forces rebelles, qui contrôlent également la cité pétrolière de Soyo
et le port d'Ambriz. Les informations reçues mentionnent deux faits
particulièrement graves, à savoir la profusion d'armes modernes et la présence
active de mercenaires qui, de nouveau, entraîneraient des soldats et
combattraient dans le pays.
40.
Depuis la reprise des hostilités en octobre 1992, le Rapporteur spécial
s'est maintenu en liaison avec les autorités angolaises, notamment avec
le Ministre des relations extérieures auquel il a adressé des lettres,
les 17 novembre 1992, 12 février 1993 et 9 juillet 1993, et s'est entretenu
avec des membres de la délégation angolaise, lors de la quarante-neuvième
session de la Commission des droits de l'homme. Dans sa lettre datée du
9 juillet 1993, le Rapporteur spécial mentionnait diverses communications
concernant la présence de mercenaires dans le conflit armé qui déchire ce
pays. Ces communications dénoncent principalement la présence de mercenaires
étrangers dans les rangs de l'UNITA, la majorité d'origine sud-africaine et
zaïroise. D'après le commandant de la région nord, le général Eusebio Brito
Texeira, des mercenaires blancs auraient été enterrés à Soyo avec des
combattants de l'UNITA. Les habitants de Soyo auraient également dénoncé la
participation de mercenaires d'origine zaïroise aux pillages de la ville.
41.
Les informations mentionnent également d'anciens membres des 31ème
et 32ème bataillons sud-africains qui auraient été recrutés en qualité de
gardes pour assurer la sécurité des raffineries et des installations
pétrolières angolaises, mais qui auraient en fait combattu à Huambo aux côtés
des forces de l'UNITA. La société sud-africaine Executive Outcomes, dirigée
par Esben Barlow, se serait chargée du recrutement et les combattants auraient
été transportés en Angola par la compagnie de transport Propilot dans des
appareils appartenant à la Compagnie Westair. Trois mercenaires,
Geoffrey Landsberg, Hermanus Ferreira et Nico Bosman, blessés lors des combats
qui ont eu lieu à Huambo, ont été évacués, le 11 mars 1993, à bord d'un vol
clandestin de Propilot à destination de l'Afrique du Sud.
42.
Le contrôle par l'UNITA des provinces orientales du pays aurait facilité
l'arrivée en Angola de mercenaires venus du Zaïre pour combattre aux côtés des
forces rebelles. Des mercenaires, des armes et du matériel militaire auraient
également été transportés à Mucusso et Jamba à bord de vols clandestins en
provenance de Durban et de Johannesburg. Le 11 septembre 1993, le général
Georg Meiring, chef des Forces de défense sud-africaines, a confirmé que des
membres des unités spéciales d'élite et d'anciens membres des services
sud-africains d'espionnage recevaient des offres d'engagement pour combattre
en Angola comme mercenaires. On proposait aux candidats des contrats d'un an
et un salaire mensuel de 10 000 dollars des Etats-Unis. Le général Meiring
rappelait le caractère illégal de ces contrats et avertissait les responsables
qu'ils feraient l'objet de poursuites judiciaires.
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43.
La guerre civile en Angola a entraîné une grave détérioration des
conditions de vie qui touche l'ensemble de la population angolaise. On estime
à plus d'un demi-million le nombre des personnes qui ont trouvé la mort
en 1993 en raison des affrontements militaires, des actes de sabotage, du
manque de nourriture, des infections et du manque de soins et de médicaments
dans les hôpitaux. Par ailleurs, malgré les sanctions décrétées par le Conseil
de sécurité à l'encontre de l'UNITA dans sa résolution 864, et en dépit des
efforts que déploie la Mission des Nations Unies, UNAVEM, les hostilités n'ont
rien perdu de leur intensité. La résolution 864, adoptée le 15 septembre 1993
à l'unanimité en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, a
établi un embargo sur les armes, le matériel de guerre et le pétrole à
l'encontre des forces de l'UNITA et cet embargo est entré en vigueur le
26 septembre 1993.
44.
L'achat d'armements, l'entraînement militaire de haut niveau à
l'extérieur et la présence de techniciens et d'experts militaires sont autant
d'éléments qui contribuent à accroître les hostilités et qui expliquent
qu'aucune des parties en présence n'envisage de mettre immédiatement fin à la
guerre par la voie des négociations. Il va sans dire que, dans un tel
contexte, la présence de mercenaires, provenant principalement du Zaïre et de
l'Afrique du Sud, est un facteur qui tend à aggraver le conflit et à le rendre
plus impitoyable. La responsabilité de cette situation incombe essentiellement
à l'UNITA qui, au début de la guerre civile, il y a 18 ans, a fait appel à des
mercenaires étrangers à la fois pour entraîner ses troupes et pour participer
aux combats.
45.
Des négociations de paix entre les deux parties au conflit ont été
engagées le 15 novembre 1993, à Lusaka (Zambie), sous la médiation de l'ONU
agissant par l'intermédiaire du Représentant du Secrétaire général,
M. Alioune Blondin Beye. Ces négociations ont abouti, le 3 décembre 1993, à la
signature d'un accord de cessez-le-feu. Le Rapporteur spécial forme des voeux
pour que cet accord soit effectivement appliqué et pour que la situation
dramatique que connaît l'Angola se règle sans tarder par la voie des
négociations politiques et grâce au renforcement du système démocratique.
Il renouvelle son engagement de coopérer aux efforts déployés pour mettre fin
à l'ingérence des forces mercenaires. Il se déclare à nouveau prêt à se rendre
en Angola, dans le cadre de son mandat, si le gouvernement de ce pays le juge
nécessaire et lui adresse une invitation dans ce sens.
C.
Afrique du Sud
46.
Dans ses rapports précédents, le Rapporteur spécial se réfère aux
conflits armés en Afrique australe, où l'on a repéré la présence de
mercenaires. Dans l'analyse de ce phénomène, il parle de l'apartheid et de la
politique raciste des gouvernements sud-africains qui faisaient obstacle à
l'exercice du droit à l'autodétermination du peuple sud-africain et portaient
atteinte à la souveraineté de l'ensemble des pays de la région. Si le régime
raciste d'Afrique du Sud a eu recours, entre autres, aux mercenaires, c'est
parce que ceux-ci étaient capables de multiplier les affrontements, de
commettre des sabotages, de porter atteinte aux droits de l'homme et
d'entraver l'exercice, par les peuples de cette région de l'Afrique, de leur
droit à l'autodétermination.
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page 20
47.
Le Rapporteur spécial a décrit en détail les actes de violence commis
contre la population noire d'Afrique du Sud et il a mis en évidence, à ce
propos, la tolérance dont l'appareil policier de l'Etat faisait preuve à
l'égard des forces spéciales et des opérations clandestines qui avaient pour
but de nuire à la population noire et, en particulier, aux dirigeants et aux
membres du Congrès national africain (ANC). Il a signalé à cet égard
l'importance, dans le cadre du démantèlement de l'apartheid, de la nomination
de la Commission d'enquête sur les actes de violence et d'intimidation
publique que présidait le juge Richard Goldstone. De l'avis du Rapporteur
spécial, cette Commission devrait également faire porter ses investigations
sur le recrutement et l'utilisation de mercenaires et accorder une attention
particulière à cette question.
48.
Dans ses rapports antérieurs, le Rapporteur spécial a analysé le
processus de démantèlement du régime d'apartheid et son remplacement par une
organisation politique, sociale et économique, ouverte et démocratique. Cet
important changement est encouragé par le Président Fredrick W. de Klerk.
Faisant preuve de réalisme, celui-ci a su reconnaître dans l'ANC un
représentant et un interlocuteur valable, a obtenu l'accord de la majorité des
organisations politiques pour mener à bien son plan d'abrogation de
l'apartheid et d'édification d'une Afrique du Sud démocratique et intégrée et
est parvenu à signer un accord national de paix, le 14 septembre 1991.
Toutefois, certains groupes de la minorité blanche refusent de reconnaître la
fin du régime raciste et ont constitué des unités paramilitaires pour "lutter
pour la survie du peuple blanc". Ces groupes de choc se livrent à des actions
extrêmement violentes et fomentent notamment les affrontements entre diverses
ethnies noires d'Afrique du Sud. Ces organisations, parmi lesquelles on
mentionne habituellement l'Afrikaner Resistance Movement (AWB), ne cachent pas
leur sympathie pour l'idéologie nationale socialiste et plusieurs de leurs
membres ont été reconnus coupables d'attentats terroristes en 1992 et 1993.
La présence de mercenaires comme instructeurs ou membres des unités militaires
de ces organisations est un fait qui a été amplement signalé.
49.
Dans ce contexte, deux scénarios s'entrecroisent de façon dramatique en
Afrique du Sud : d'un côté l'Accord national de paix, qui fait appel à
l'ensemble des partis politiques sud-africains et qui établit un calendrier
prévoyant des élections multinationales en avril 1994, une assemblée
constituante pluraliste, une nouvelle constitution et un gouvernement de
transition vers la démocratie jusqu'en 1999; à l'autre extrême, il y a ceux
qui cherchent à transformer l'accord en un affrontement polarisé. D'où la
violence raciale et interethnique alimentée par des positions extrémistes
présentes partout, en particulier parmi les groupes minoritaires blancs à
tendance extrémiste, mais aussi chez certains éléments de la majorité noire
qui incitent à la violence et à l'intolérance ethnique. Les autorités
gouvernementales et les forces régulières de la police ne parviennent pas à
contrôler cette violence qui se propage et qui se caractérise, entre autres,
par la présence de mercenaires. Se targuant d'anticommunisme, prêts à toutes
les extrémités et agissant, pour la plupart, dans le cadre d'organisations
paramilitaires ces mercenaires ne font qu'ajouter à l'insécurité et font
monter d'un cran la violence.
50.
L'assassinat du dirigeant communiste et membre de la direction de l'ANC
Chris Hani, le 10 avril 1993, par un Polonais du nom de Janusz Walus, lié à
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l'Afrikaner Resistance Movement (AWB) depuis 1986 et à l'organisation "Lobos
Blancos", pourrait être le point de départ d'une enquête sur la présence en
Afrique du Sud de nationaux de pays d'Europe de l'Est qui, animés par leur
anticommunisme et la nécessité de trouver des moyens de subsistance, sont
devenus mercenaires.
51.
Les communications font également état de l'action de hauts
fonctionnaires et agents du Service de renseignements sud-africain qui mettent
en place des réseaux internationaux de sociétés, organismes humanitaires,
entreprises de services, fournitures d'armes et recrutement de mercenaires
pour protéger les intérêts économiques sud-africains après la disparition du
régime d'apartheid. Ainsi, par exemple, l'"Operación Agree" signalée par
Nico Basson, ancien agent des renseignements sud-africains, est présentée
comme un plan stratégique d'opérations échelonnées en Namibie, en Angola et
autres pays d'Afrique australe, en liaison avec des sociétés implantées en
Europe, pour maintenir le contrôle économique de l'Afrique du Sud sur la
région après l'apartheid. Dans leurs enquêtes, Victoria Brittain et
David Pallister, journalistes du Guardian, ont révélé, en mars 1993,
l'établissement à Westminster de l'organisation Strategy Network
International, avec des bureaux à Bonn et à Paris, et liée à l'organisation
allemande Hilfe in Not, la société zimbabwéenne Reedway, la compagnie Merchant
International Trading Inc., la société sud-africaine SA Bias, la société
Merchant Trade Finance et l'entreprise sud-américaine d'armements Armscor.
52.
En dépit de toutes ces actions destinées à boycotter le processus
d'abrogation de l'apartheid, le démantèlement du système raciste en Afrique du
Sud se poursuit et le calendrier prévu pour l'instauration d'une société
multiethnique et démocratique, tel qu'il a été prévu à l'origine dans le cadre
de la Convention pour une Afrique du Sud démocratique (COSADE) est grosso modo
respecté. Il convient de souligner, à cet égard, l'adoption d'une constitution
provisoire, la ratification de la date du 27 avril 1994 pour la tenue des
premières élections générales démocratiques et multiraciales et la mise en
place, auprès du gouvernement du Président de Klerk et jusqu'à la tenue des
élections d'un conseil exécutif de transition dont fait partie l'ANC. Malgré
ces progrès, les risques d'aventures militaires ne sont pas écartés, dans la
mesure où différents groupes ethniques et politiques s'opposent au nouveau
plan de démocratisation de l'Afrique du Sud.
53.
L'un des principaux dangers vient de certains secteurs de l'Alliance pour
la liberté, qui regroupe le Front du peuple afrikaner, dirigé par le général
Constand Viljoen, ancien chef d'état-major de l'armée; le Parti conservateur;
le Parti de la liberté Inkatha; et les dirigeants du Ciskei et du
Bophuthatswana. Le Front du peuple afrikaner et l'Afrikaner Resistance
Movement (AWB) revendiquent le droit à l'autodétermination et exigent la
reconnaissance d'un territoire national réservé à la population blanche.
Des représentants de l'AWB, mouvement de tendance néo-nazie qui a installé des
camps d'entraînement militaire dans les environnements de Johannesburg et de
Pretoria, ont même menacé de prendre les armes si l'on n'accepte pas leurs
exigences et recruteraient actuellement des ressortissants des pays d'Europe
orientale dans leurs unités paramilitaires. D'autres groupes extrémistes de la
minorité blanche et le Parti de la liberté Inkatha encouragent les positions
belliqueuses ainsi que l'intolérance ethnique et interethnique. Ils ont armé
un grand nombre de leurs militants et engagé des mercenaires qui mènent
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page 22
actuellement des activités d'entraînement militaire, dans la perspective d'un
conflit armé généralisé.
54.
On ne doit pas écarter la possibilité qu'une guerre civile éclate en
Afrique du Sud, à l'instigation des groupes qui s'opposent à la
démocratisation et à l'intégration ethnique de ce pays. La communauté
internationale devrait tenir compte du rôle néfaste que jouent à cet égard les
mercenaires qui se trouvent en territoire sud-africain. Il faut interdire
leurs activités et les obliger à quitter définitivement l'Afrique du Sud, et
ce dans le cadre de l'élimination de l'apartheid et du renforcement du
processus de paix et de démocratisation engagé dans ce pays.
D.
Zaïre
55.
La situation au Zaïre demeure, pour le Rapporteur spécial, une source de
préoccupation particulière. Pendant l'année 1993, ce pays d'Afrique centrale
a été le théâtre de troubles sanglants, d'actes de pillage, d'opérations de
"nettoyage ethnique" et d'une répression violente et d'autant plus grave
qu'elle s'inscrit dans le contexte d'un affrontement politique. La crise dans
ce pays est due à un conflit entre deux gouvernements, dont l'un est présidé
par Etienne Tshisekedi et reconnu par un certain nombre d'Etats, notamment par
la Belgique, les Etats-Unis d'Amérique et la France, et l'autre a à sa tête
Faustin Birindwa. M. Tshisekedi a été élu premier ministre, le 15 août 1992,
par la Conférence nationale souveraine, après avoir recueilli plus de 70 % des
suffrages, puis destitué, le 6 février 1993, par le chef de l'Etat, le
maréchal Mobutu Sese Seko. Il a toutefois refusé de s'en aller et, par un
décret daté du 9 avril 1993, a constitué un nouveau gouvernement. De son côté,
M. Birindwa, désigné comme son successeur par le chef de l'Etat, a présenté,
le 2 avril 1993, son cabinet ministériel.
56.
Cette impasse politique est à l'origine des abus et des actes de violence
qui ont été commis. Plusieurs dizaines de personnes ont trouvé la mort au
début du mois de février 1993, à Kinshasa, lors d'une série de troubles et de
manifestations. Le 13 avril 1993, les résidences de M. Tshisekedi et de
plusieurs de ses ministres ont été encerclées par des unités d'élite des
forces de sécurité et des incidents ont eu lieu, au cours desquels une dizaine
de personnes ont été blessées. Ces incidents se sont poursuivis tout au long
de l'année 1993, malgré les pourparlers engagés entre les deux gouvernements,
notamment lors des réunions qui ont eu lieu en septembre en vue de parvenir à
un "Accord constitutionnel de transition". En dépit de ces rencontres, la
tension politique et la violence n'ont pas diminué, le pays est devenu de plus
en plus ingouvernable et des abus de toutes sortes ont été commis par des
bandes armées qui attentent à la vie et à la sécurité des personnes. Les actes
de pillage et de vandalisme sont attribués à des soldats et à des membres des
forces de sécurité qui, souvent, ne reçoivent pas leurs salaires en temps
voulu ni de manière régulière. Mais on signale également que, dans certains
cas, des mercenaires ont été à l'origine de ces actes ou y ont participé
activement.
57.
La situation est encore aggravée par le déclenchement et l'extension de
divers conflits ethniques qui, parfois, se mêlent aux rivalités politiques.
Dès 1992, dans la région du Shaba qui est située au sud-est du pays, des
membres du groupe ethnique Lunda, auquel appartient M. Nguz a Karl-i-Bond,
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l'ancien premier ministre, ont attaqué des membres de la communauté Luba dont
fait partie M. Tshisekedi, au moment où ce dernier a remplacé M. Karl-i-Bond
au poste de premier ministre. Ces attaques ont fait des dizaines de morts et
contraint des milliers de Lubas à abandonner le Shaba. En 1993, les habitants
de la province de Kasai ont abandonné leurs foyers par milliers dans la région
du Shaba ainsi qu'à Likasi, Lubumbashi et Kolwezi. Le 14 juin 1993, une
vingtaine de personnes originaires de Kasai ont trouvé la mort lors d'un exode
massif de populations fuyant la région du Shaba. La province de Kivu a
également été le théâtre d'actes de violence ethnique. Plusieurs villages y
ont été saccagés au cours des cinq derniers mois de 1993, et de nombreux
membres de l'ethnie Banyarwanda, apparentée à des groupes ethniques rwandais,
ont été tués. On estime à plus de 6 000 le nombre des personnes qui ont péri
en 1993 dans la province de Kivu.
58.
Dans cette grave conjoncture, caractérisée par l'impasse politique, la
violence ethnique, l'instabilité économique et l'incapacité des forces de
sécurité à maîtriser la situation, le Rapporteur spécial a reçu un certain
nombre de communications relatives à la présence de mercenaires étrangers.
D'après ces informations, des mercenaires auraient participé à la création et
à l'entraînement d'une brigade de la garde civile appelée Force d'intervention
spéciale. On signale également la présence d'instructeurs d'origine
égyptienne, israélienne et sud-africaine dans la Division spéciale
présidentielle et dans certaines unités d'élite de l'armée. On affirme que ces
instructeurs seraient payés en diamants.
59.
Par ailleurs, le Rapporteur spécial a reçu des informations selon
lesquelles des mercenaires étrangers entraîneraient des membres des forces
rebelles de l'UNITA sur la base zaïroise de Kamina, qui est située dans la
région du Shaba. Cette base serait également utilisée pour l'acheminement
d'armes et de matériels aux rebelles angolais. D'après d'autres informations,
des mercenaires sud-africains seraient installés dans la commune zaïroise de
Moanda, à quelques kilomètres seulement de la frontière entre le Zaïre et
l'enclave angolaise de Cabinda, et le territoire zaïrois serait utilisé pour
acheminer clandestinement des mercenaires de nationalités sud-africaine et
autres, des armes, des munitions, des médicaments et des produits alimentaires
sur des vols nocturnes, à destination des zones contrôlées par l'UNITA en
territoire angolais.
60.
La présence de mercenaires étrangers en territoire zaïrois, leur
recrutement, leur financement et leur utilisation comme instructeurs dans des
unités d'élite ou comme commandants ou membres de groupes paramilitaires, loin
d'aider le Zaïre à surmonter la grave crise politique, sociale et économique
dans laquelle il se trouve, risquent plutôt de l'y enfoncer davantage. Quels
que soient les intérêts politiques, idéologiques ou stratégiques qu'ils
prétendent servir, les mercenaires cherchent avant tout à obtenir un maximum
d'avantages économiques pour eux-mêmes. Le Zaïre ne les intéresse qu'en raison
de ses énormes ressources naturelles et parce qu'ils espèrent y obtenir
certains avantages. Que la population zaïroise retrouve le chemin de la
démocratie et puisse exercer son droit à l'autodétermination par le biais
d'élections libres et pluripartistes, n'entre guère dans leurs calculs
mesquins.
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page 24
IV.
PRESENCE DE MERCENAIRES SUR LE TERRITOIRE DE L'EX-YOUGOSLAVIE
61.
Le Rapporteur spécial a commencé à examiner la question de la
participation de mercenaires aux conflits qui se déroulent sur le territoire
de l'ex-Yougoslavie dans son dixième rapport, qu'il a présenté à l'Assemblée
générale à sa quarante-septième session (A/47/412, annexe). Il a envoyé
diverses communications aux Etats intéressés et a eu des entrevues avec leurs
représentants avant de procéder à une analyse complète en vue de formuler des
conclusions définitives, qui ne reposent pas sur de simples rumeurs ou sur des
allégations sans fondement ou des affirmations relevant de la propagande de
guerre.
62.
On trouvera dans le onzième rapport du Rapporteur spécial, soumis à la
Commission des droits de l'homme à sa quarante-neuvième session
(E/CN.4/1993/18), les données fournies à ce sujet par les Gouvernements de la
République de Croatie (par. 112), de la Slovénie (par. 111) et de la
République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) (par. 110). A ce
jour, le Gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine n'a pas répondu.
On trouvera également dans ce rapport un résumé des entrevues que le
Rapporteur spécial a eues, au Siège de l'ONU, avec les représentants
permanents auprès de l'Organisation des Républiques de Bosnie-Herzégovine
(par. 121 à 123), de Croatie (par. 117 à 119) et de Slovénie (par. 120), ainsi
qu'avec le chargé d'affaires par intérim de la Mission permanente de
la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) auprès de
l'Organisation des Nations Unies (par. 114 et 115).
63.
Lors de sa visite à Genève au début de février 1993, le Rapporteur
spécial a tenu une nouvelle série de réunions avec M. Ivica Kostovic, membre
de la délégation d'observation de la République de Croatie auprès de la
Commission des droits de l'homme, à sa quarante-neuvième session, et avec
M. Vladimir Pavicevic, chargé d'affaires par intérim de la Mission permanente
de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) auprès de
l'Office des Nations Unies à Genève. A M. Kostovic, le Rapporteur spécial a
signalé la nécessité d'obtenir des éclaircissements au sujet des informations
qu'il avait reçues touchant la présence de combattants étrangers dans les
rangs de l'armée croate, afin de déterminer s'il pouvait s'agir de
mercenaires. Le représentant de la Croatie a déclaré que son pays était
victime d'une guerre d'agression et, qu'à cause de cette guerre, une partie du
territoire croate était contrôlée par des milices et des groupes
paramilitaires serbes. Il a expliqué en outre qu'il n'y avait pas de
mercenaires étrangers en Croatie mais des volontaires d'origine croate qui, en
vertu du jus sanguinis, devaient être considérés comme ayant la nationalité
croate. Il a ajouté que, le 4 septembre 1992, le Ministère de la défense avait
renvoyé tous les étrangers qui servaient dans l'armée croate, de sorte qu'il
n'existait plus dans le pays qu'une seule armée régulière, subordonnée au
pouvoir civil et constituée de ressortissants croates.
64.
Lors de son entrevue avec M. Pavicevic, le Rapporteur spécial a indiqué
à ce dernier qu'il avait reçu un certain nombre d'informations touchant la
présence de combattants étrangers dans l'ex-Yougoslavie, en particulier parmi
les groupes paramilitaires serbes, et qu'il y avait donc lieu de procéder à
une enquête sur place. L'ambassadeur Pavicevic a démenti la présence de
mercenaires en Serbie et au Monténégro. Il a déclaré que son gouvernement
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page 25
était pleinement disposé à collaborer avec le Rapporteur spécial dans
l'exécution de son mandat et espérait que celui-ci examinerait la question et
mènerait son enquête avec objectivité.
65.
Le 12 février 1993, le Rapporteur spécial a eu une entrevue, au Siège du
Centre pour les droits de l'homme, à Genève, avec le Rapporteur spécial de la
Commission des droits de l'homme chargé d'étudier la situation des droits de
l'homme sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, M. Tadeusz Mazowiecki; au cours
de cette entrevue, il a mis ce dernier au courant de l'état d'avancement de
ses enquêtes, des communications et allégations reçues et des entrevues dont
il a été question dans les paragraphes qui précèdent. Le Rapporteur spécial a
dit à M. Mazowiecki qu'il souhaitait coordonner les travaux réalisés dans
l'exécution de leurs deux mandats, soit directement, soit par l'intermédiaire
de la Section des procédures spéciales du Centre pour les droits de l'homme,
et il a offert d'apporter à M. Mazowiecki toute la collaboration que celui-ci
jugerait nécessaire. Le Rapporteur spécial chargé d'étudier la situation des
droits de l'homme sur le territoire de l'ex-Yougoslavie a reconnu en effet la
nécessité de coordonner l'exécution des deux mandats dans leurs domaines de
compétence respectifs et a accepté avec reconnaissance l'offre de
collaboration.
66.
Dans une note verbale No 661/1 en date du 5 juillet 1993, reçue au Centre
pour les droits de l'homme le 20 du même mois, la Mission permanente de
la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) auprès de
l'Office des Nations Unies à Genève a indiqué que des mercenaires avaient
participé, et participaient encore, aux conflits armés dans l'ex-Yougoslavie,
que la Yougoslavie, en tant que pays, avait souffert des agissements de ces
personnes et demandait, par conséquent, que celles-ci soient sanctionnées, et
appuyait toute initiative dans ce sens. L'annexe à cette communication
contient une liste de personnes censées être des mercenaires qui auraient
participé aux conflits en Croatie en 1991 dans les forces armées croates.
A propos du conflit en Bosnie-Herzégovine, la note verbale signale, entre
autres, la participation de mercenaires étrangers dans les rangs des forces
irrégulières croates, des forces gouvernementales de Bosnie-Herzégovine et des
forces irrégulières musulmanes en 1992. Se référant au même conflit, la
communication dénonce la présence, en janvier 1993, d'une centaine de
mercenaires venus du Danemark, des Etats-Unis d'Amérique, de Finlande et
de Suède pour apporter un appui à la 17ème brigade musulmane stationnée à
Tranvnik; elle signale également qu'en février 1993, 20 ressortissants
britanniques sont arrivés à Zagreb en qualité de mercenaires, dans l'intention
de rallier les forces musulmanes. Enfin, d'après cette communication,
quelques 43 "muyahídes" originaires d'Arabie saoudite et ayant pour chef un
certain Abu Isa El Meki auraient commis des atrocités à l'encontre des
populations serbes de la municipalité de Teslic, sur le territoire de la
Bosnie-Herzégovine. Ce groupe aurait également participé au massacre de
soldats serbes faits prisonniers - la note cite les noms de Blagoje
Blagojevic, Nenad Petrovic et Branko Djurica parmi les victimes - et se serait
livré à des violences sexuelles à l'encontre de femmes et d'enfants serbes.
67.
Le 26 août 1993, la Mission permanente de la République de Croatie auprès
de l'Office des Nations Unies à Genève a transmis une communication du docteur
Mate Granic, ministre des affaires extérieures et vice-premier ministre de la
République de Croatie, dans laquelle ce dernier répondait à la lettre datée
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page 26
du 8 juin 1993 que lui avait adressée le Rapporteur spécial au sujet des
activités mercenaires dans le conflit armé qui déchire l'ex-Yougoslavie. Dans
cette communication, le Ministre indique que, lors de l'agression dont la
Croatie a été victime en 1991, un certain nombre de mercenaires ont participé
à la guerre contre la République de Croatie dans les rangs de l'armée
populaire yougoslave et des unités paramilitaires de la Serbie et du
Monténégro. Il signale également que son pays possède des informations
touchant la présence de mercenaires dans les camps d'entraînement situés en
Slavonie orientale (Baranja) et en Dalmatie septentrionale (près de Knin).
Il ajoute dans sa lettre que, d'après des informations, un criminel de
notoriété internationale, un certain "Capitaine Dragan", était chargé
d'entraîner des terroristes dans la région de la Slavonie orientale. Quant aux
mercenaires opérant dans les zones occupées de la Croatie, il précise qu'un
grand nombre d'entre eux sont originaires de Roumanie et de l'ex-Union
soviétique.
68.
En ce qui concerne la Bosnie-Herzégovine, la lettre signale que des
mercenaires originaires de l'ex-Union soviétique, principalement de la
Fédération de Russie, combattent aux côtés des Serbes, tandis que l'on trouve
dans les rangs musulmans des mercenaires provenant de pays islamiques (Arabie
saoudite, République islamique d'Iran, Turquie) et dont le nombre est estimé à
plusieurs milliers. Enfin, le Ministre maintient la position officielle de la
Croatie, à savoir qu'il n'y a pas de mercenaires dans les unités militaires
croates, que ceux qui combattent comme volontaires sont d'origine croate ou
descendent d'émigrants croates et qu'il y a donc lieu, conformément au
jus sanguinis, de les considérer comme des Croates.
69.
Le Rapporteur spécial a remis à nouveau des lettres aux gouvernements des
Républiques de Bosnie-Herzégovine, de Croatie et de la République fédérative
de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), auxquelles étaient jointes les
communications qu'il avait reçues touchant les activités de mercenaires dans
les conflits armés sur les territoires de l'ex-Yougoslavie. Dans ces lettres,
le Rapporteur spécial demande une réponse approfondie, détaillée et appuyée
sur des preuves concernant les allégations reçues. Il se déclare également
préoccupé par les opérations de recrutement et d'entraînement de mercenaires
qui auraient lieu actuellement à l'échelon international dans le but d'aider
les parties et les forces qui s'affrontent sur le territoire de la République
de Bosnie-Herzégovine.
70.
Par ailleurs, les 14 et 15 octobre 1993, le Rapporteur spécial s'est
entretenu avec des représentants de la République de Bosnie-Herzégovine et de
la République de Croatie au Siège de l'Organisation, afin de préciser des
informations concernant des étrangers qui ont participé et participent encore
aux conflits armés sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Aucun de ces
représentants n'a nié la présence de combattants étrangers mais, s'agissant de
ceux qui luttent à leurs côtés, ils ont émis des réserves quant au
qualificatif de mercenaires qui leur était appliqué. Dans les deux cas, il
s'est agi d'entretiens préliminaires, et les représentants se sont engagés à
demander de plus amples renseignements à leurs gouvernements respectifs.
71.
Enfin, le Rapporteur spécial tient à signaler que les informations reçues
ont également été transmises au Rapporteur spécial chargé d'étudier la
situation des droits de l'homme sur le territoire de l'ex-Yougoslavie,
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page 27
M. Tadeusz Mazowiecki, avec lequel il poursuit les travaux dans ce domaine.
M. Mazowiecki a noté avec une préoccupation particulière les massacres de
civils croates de Bosnie désarmés, qui ont eu lieu à Maljine et à Doljani,
respectivement le 8 juin et les 27 et 28 juin 1993. D'après des témoins
oculaires, ces massacres auraient été commis par des forces paramilitaires
irrégulières composées d'étrangers qui se feraient appeler les "muyahídes" et
qui agiraient en liaison avec la 7ème brigade de l'armée bosniaque. Dans une
lettre datée du 22 octobre 1993, le président Izetbegovic a condamné ces
assassinats et déclaré qu'une enquête criminelle avait été entreprise.
V.
PRESENCE DE MERCENAIRES DANS CERTAINS ETATS QUI SE SONT FORMES
SUR LE TERRITOIRE DE L'EX-UNION DES REPUBLIQUES
SOCIALISTES SOVIETIQUES (URSS)
A.
Arménie-Azerbaïdjan (Haut-Karabakh)
72.
Le 30 août 1991, l'Azerbaïdjan s'est séparé de l'ex-Union des Républiques
socialistes soviétiques (URSS) et est devenu un nouvel Etat souverain et
indépendant. Le 10 octobre, le Parlement azéri a nationalisé tout le matériel
militaire soviétique qui se trouvait sur son territoire. Le 18 décembre, le
Président Ayaz Mutalibov a ordonné que la IVe armée soviétique stationnée en
Azerbaïdjan soit placée sous son autorité et que les unités du Ministère de
l'intérieur soviétique soient intégrées aux forces armées azéries.
Le 2 septembre 1991, soit deux jours après la proclamation de l'indépendance
de l'Azerbaïdjan, les habitants du Haut-Karabakh, dans leur grande majorité
Arméniens, ont proclamé la création de la "République du Haut-Karabakh", en se
fondant sur une disposition de la loi soviétique sur la sécession, qui prévoit
qu'une province autonome peut décider de continuer à faire partie de l'URSS si
la République dans laquelle elle est intégrée se sépare de l'Union.
73.
De son côté, la République d'Arménie s'est séparée de l'ex-Union
soviétique, a formellement proclamé son indépendance et est devenue un nouvel
Etat souverain et indépendant le 23 septembre 1991, deux jours après la tenue
d'un référendum dans lequel 99,31 % des votants se sont prononcés pour
l'indépendance.
74.
Le Parlement azerbaïdjanais a réagi à la proclamation de la "République
du Haut-Karabakh" en retirant à la région son statut d'autonomie, lors d'une
séance extraordinaire tenue le 26 novembre 1991, en lançant une grande
offensive militaire contre l'enclave et en déclarant un blocus économique
contre l'Arménie. Au mois de janvier 1992, une partie de l'armée et des forces
de sécurité de l'ex-Union soviétique se sont retirées du Haut-Karabakh. Les
habitants de l'enclave ont alors créé des unités d'autodéfense composées de
volontaires, qui réussirent à résister à l'offensive azérie. En pleine guerre,
ils ont organisé un référendum, le 10 décembre 1991, lors duquel 95 % des
votants se sont prononcés pour la séparation d'avec l'Azerbaïdjan.
Quatre-vingt-cinq pour cent des habitants du Haut-Karabakh ont pris part au
scrutin. Le 28 décembre, ils ont élu leur premier parlement.
75.
Les offensives que les Azéris ont lancées aux mois de juin et de
juillet 1992 leur ont permis de prendre Martakert, Haterk et Askeran dans
le nord et l'est de l'enclave. Mais elles ont été arrêtées par une
contre-offensive conjointe des forces arméniennes et des forces d'autodéfense
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page 28
du Haut-Karabakh, qui, le 20 juillet, ont réussi à reprendre Haterk et les
villages de Meshen, Mojratag et Damirlo. Le 3 avril 1993, les forces
conjointes de l'Arménie et du Haut-Karabakh ont pris la ville de Kelbadjar.
Le 14 avril, elles ont commencé à bombarder la ville de Fizouli. Le 3 mai, un
dixième du territoire azerbaïdjanais était au pouvoir des forces conjointes de
l'Arménie et du Haut-Karabakh. Le 23 juillet, ces forces se sont emparées de
la ville stratégique d'Agdam, située hors des frontières du Haut-Karabakh,
tout en continuant leur offensive vers Fizouli, vers Barda, par le nord, et
vers Agcabadi, par l'est. De leur côté, les forces azéries soumettaient
Vardenis et d'autres villes arméniennes à des bombardements aériens.
76.
Ce grave conflit aurait donné lieu à diverses activités de recrutement,
de financement et d'utilisation de mercenaires. Elles ont été signalées au
Rapporteur spécial, qui les a portées à la connaissance du Gouvernement
azerbaïdjanais, dans une lettre datée du 26 juillet 1993, et du Gouvernement
arménien, dans une lettre datée du 28 juillet 1993. Le Rapporteur spécial
attend les réponses de ces gouvernements. Les faits signalés sont les
suivants :
a)
Le 26 janvier 1992, un mercenaire français a été tué au cours d'une
attaque azérie contre le village de Karin-Tak, près de Stepanakert.
b)
Au mois de février 1992, un mercenaire étranger combattant dans les
forces d'autodéfense arménienne a été tué au cours de l'attaque lancée contre
la ville azérie de Khojaly.
c)
Les 12, 13 et 14 juin 1992, neuf mercenaires étrangers combattant
dans les forces arméniennes ont été tués au cours des combats se déroulant aux
alentours d'Askeran.
d)
Le 1er juillet 1992, le commandant d'un bataillon des forces
d'autodéfense azerbaïdjanaise a déclaré à l'Agence de presse Turan qu'un
mercenaire étranger, qui combattait dans les rangs de l'armée nationale
arménienne, avait été tué au cours d'un combat dans la région de Martakert.
e)
Le 1er juin 1993, six anciens soldats russes, qui se seraient
livrés à des activités subversives au Haut-Karabakh, ont été faits prisonniers
au cours d'un combat. Selon les informations reçues, ils avaient été recrutés
par des officiers russes pour entraîner des unités arméniennes au
Haut-Karabakh après la dissolution de leurs unités russes en Arménie et leur
démobilisation. Ils auraient été considérés comme des mercenaires et condamnés
comme tels.
f)
Des mercenaires étrangers, qui auraient été payés par les forces
arméniennes et les forces du Haut-Karabakh, mais aussi par les forces azéries,
auraient bombardé des maisons, des hôpitaux et des églises, pillé et incendié
des maisons et délibérément terrorisé la population civile, la forçant à
quitter les villages en tuant et en blessant des civils, y compris des femmes
et des enfants, et en prenant des otages civils.
g)
Des mercenaires étrangers d'origine slave et turque exerceraient
des fonctions militaires très spécialisées dans l'armée azérie.
E/CN.4/1994/23
page 29
77.
Bien que le Rapporteur spécial n'ait pas encore reçu de réponse des
Gouvernements de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan à ses communications au sujet
de plaintes faisant état de la participation de mercenaires au conflit, il a
continué à rassembler des renseignements sur ce qui se passe dans cette
région. Il faut signaler à ce sujet que si, en septembre 1993, une trêve a été
instaurée, et devait rester en vigueur jusqu'au 5 novembre 1993, les
perspectives d'une négociation politique en vue de la paix n'ont guère
progressé. Les hostilités militaires ont repris depuis le 26 octobre et le
conflit présente les mêmes caractéristiques qu'auparavant. Les forces du
Haut-Karabakh ont conservé leur mainmise sur les villes de Mardakert,
Kelbadjar, Agdam, Djebraïl et Fizouli, sur le couloir stratégique de Latchine,
qui les relie à l'Arménie ainsi que sur les territoires azéris situés à l'est,
à l'ouest et au sud-ouest de l'enclave. De son côté, l'Azerbaïdjan maintient
son blocus à l'égard de l'Arménie et du Haut-Karabakh. Dans ce contexte de
guerre, la présence d'éléments mercenaires dénoncée dans des plaintes
précédentes peut contribuer à aggraver et à prolonger le conflit.
B.
Géorgie
78.
Le 9 avril 1991, le Parlement de la République socialiste soviétique de
Géorgie a voté à l'unanimité pour l'indépendance de la Géorgie. Le nouvel Etat
indépendant a dû très rapidement faire face aux tentatives sécessionnistes de
la région de l'Ossétie du Sud dont la population désirait, en majorité
semble-t-il, faire partie de la Fédération de Russie. En janvier 1992, le
Gouvernement géorgien a déclaré sa volonté de résoudre la crise par des moyens
pacifiques en garantissant l'autonomie culturelle de l'Ossétie du Sud, mais en
refusant de négocier politiquement la sécession. La crise a finalement été
résolue en juin 1992 avec l'envoi d'une force de pacification composée de
1 500 soldats russes, géorgiens et ossètes, décision prise dans le cadre de
négociations entre des représentants de la Fédération de Russie, de la
Géorgie, de l'Ossétie du Nord et de l'Ossétie du Sud.
79.
Une fois indépendante, la Géorgie a dû faire face à de graves problèmes
politiques internes. En décembre 1991, le Conseil d'Etat a renversé le
Président Zviad K. Gamzakhourdia et en juin 1992 a nommé Président provisoire
l'ancien Ministre des affaires étrangères de l'Union soviétique,
Edouard Chevardnadze. En octobre 1992 ont eu lieu des élections
présidentielles et législatives. M. Chevardnadze a été élu président de la
République à une large majorité des voix mais les partisans de Gamzakhourdia
et de nombreux Ossètes et Abkhazes n'auraient pas participé au vote.
80.
En novembre de 1992, des fonctionnaires géorgiens ont été enlevés en
Abkhazie par des partisans de l'ex-Président Gamzakhourdia. La Garde nationale
géorgienne ayant été envoyée pour les délivrer, de sérieux affrontements armés
ont eu lieu avec les troupes du Ministère de l'intérieur d'Abkhazie. Par la
suite, la Garde nationale géorgienne a occupé la capitale d'Abkhazie,
Soukhoumi, à l'issue d'affrontements armés au cours desquels des centaines de
personnes, pour la majorité des civils, ont trouvé la mort. Le 10 mars 1993,
le Président Chevardnadze a déclaré devant le Parlement à Tbilissi que "des
milliers de citoyens russes, mercenaires et membres des forces armées
régulières participent directement aux hostilités contre la Géorgie".
E/CN.4/1994/23
page 30
81.
Devant cette affirmation très sérieuse et d'autres informations
relatives à la participation de mercenaires étrangers dans le conflit en
Abkhazie, le Rapporteur spécial a, le 20 juillet 1993, adressé la
communication ci-après au Ministre des affaires étrangères de la République
de Géorgie :
"En exécution du mandat qui m'a été confié, j'aimerais
recevoir de votre gouvernement des renseignements officiels sur
les rapports que j'ai reçus faisant état de l'utilisation de
mercenaires étrangers dans le cadre des hostilités en cours dans
la province géorgienne d'Abkhazie. On peut apprendre dans les
rapports mentionnés ce qui suit :
a)
En novembre 1992, un citoyen de la Fédération de Russie a été
exécuté en Abkhazie après avoir été condamné à mort par une cour martiale
pour activités mercenaires;
b)
Le 10 mars 1993, le Président de la République de Géorgie,
M. Edouard Chevardnadze, a déclaré au Parlement à Tbilissi que des
milliers de citoyens russes, mercenaires et soldats de l'armée régulière,
participent directement aux opérations militaires contre la Géorgie.
c)
Des mercenaires étrangers à la solde des forces séparatistes
abkhazes ont commis des actes de violence contre la population civile
notamment exécutions sommaires, torture, pillage, prises d'otage et
incendies de maisons.
d)
Des citoyens de la Fédération de Russie et des étrangers
musulmans d'autres nationalités auraient instruit, armé et aidé les
forces séparatistes abkhazes."
82.
Par la suite, le Rapporteur spécial a reçu des informations selon
lesquelles des soldats russes auraient vendu illégalement des armes, des
munitions et du pétrole aux forces séparatistes abkhazes et leur auraient même
offert leurs services contre paiement. Le président Chevardnadze a confirmé
ses déclarations devant le Parlement géorgien le 16 mars 1993, affirmant
qu'"il s'agit maintenant d'un conflit armé entre la Géorgie et la Fédération
de Russie". Il a signalé que des troupes de l'armée russe stationnées dans la
zone avaient appuyé ouvertement l'offensive des forces abkhazes contre
Soukhoumi. En effet, entre mars et avril 1993, les relations entre la Géorgie
et la Fédération de Russie se sont gravement dégradées, les deux parties
s'accusant mutuellement, en raison de l'appui qu'aurait donné la Fédération de
Russie aux indépendantistes abkhazes, ce que nient systématiquement les
autorités de Russie qui soutiennent la thèse d'une stricte neutralité durant
le conflit civil géorgien, tout en s'occupant de leurs unités militaires
stationnées dans cette zone eu égard à la responsabilité particulière de la
Fédération de Russie dans l'ancienne Union soviétique.
83.
Malgré ces désaccords, le Président de la Fédération de Russie,
Boris N. Eltsine et le président Chevardnadze ont conclu le 14 mai 1993 un
accord de cessez-le-feu qui devait entrer en vigueur le 20 mai et devait être
suivi par le retrait des armes lourdes de la zone du conflit et l'interdiction
de survoler la région. Toutefois, ces accords n'ont pas dénoué la tension
E/CN.4/1994/23
page 31
entre les séparatistes abkhazes et la Géorgie; au contraire, les affrontements
armés se sont intensifiés et, d'après les informations reçues, les actes les
plus violents seraient imputables aux groupes paramilitaires locaux et aux
groupes de mercenaires. Enfin, le 27 juillet 1993, grâce à la médiation du
vice-ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie,
M. Boris Pastoukhov, les représentants des parlements d'Abkhazie et de Géorgie
ont signé un accord de paix dans la station balnéaire russe de Sochi. L'accord
prévoit notamment le retrait d'Abkhazie des troupes de la République de
Géorgie, le retour à Soukhoumi des membres du Parlement abkhaze qui s'étaient
retirés à Goudaouta, le retrait de toutes les unités armées étrangères
d'Abkhazie, y compris des unités cosaques et celles de la "Confédération des
peuples du Caucase", et le désarmement de tous les groupes paramilitaires
locaux. L'accord établit un nouveau cessez-le-feu, qui devait entrer en
vigueur à midi le 28 juillet 1993, dont l'observation serait supervisée par
des groupes mixtes de contrôle abkhazes-géorgiens. Ces groupes formeraient la
base d'une nouvelle armée multinationale composée de régiments abkhazes et
géorgiens. Leurs activités seraient appuyées par un groupe de 50 observateurs
militaires des Nations Unies. Il serait ainsi mis fin à un conflit qui d'après
des déclarations du Ministre de la santé de la République de Géorgie, faites
le 19 juillet 1993, s'est soldé par 1 446 morts, 4 956 blessés et
120 000 personnes réfugiées ou déplacées.
84.
Malheureusement, l'arrêt des opérations armées en Abkhazie n'a pas
rétabli le calme en Géorgie car on a enregistré presque immédiatement une
escalade des hostilités avec les rebelles fidèles à l'ancien président
Zviad Gamzakhourdia, qui contrôlaient le territoire des deux régions
frontières avec l'Abkhazie, à l'ouest de la République, et la ville de
Zougdidi, d'où ils menaçaient d'autres zones, par exemple la ville de
Koutaïssi. Le 8 octobre 1993, la Géorgie a demandé à adhérer à la Communauté
d'Etats indépendants (CEI) et les présidents Chevardnadze et Eltsine se sont à
nouveau rencontrés à Moscou. Le 21 octobre, huit navires de guerre de la
flotte russe de la mer Noire sont arrivés au port géorgien de Poti et ont
débarqué 500 fusiliers marins, avec pour mission de protéger les installations
portuaires, les routes et les chemins de fer de l'ouest du pays, en
particulier la ligne Poti-Tbilissi. Le 30 octobre, le Ministre de la défense
de la Fédération de Russie, M. Pavel Gratchev, a donné à ses troupes l'ordre
de tirer sur quiconque tenterait d'attaquer ces installations ou d'interrompre
le trafic ferroviaire. Passant à la contre-attaque, les forces
gouvernementales géorgiennes ont réussi à libérer les villes de Senaki
(1er novembre); Khobi (4 novembre), le port de Batoumi et la ville de
Lantchkhouti. La ville de Zougdidi est tombée le 6 novembre.
85.
Se référant à la nouvelle situation, le président Chevardnadze a déclaré
le 26 novembre 1993 que, s'il était toujours nécessaire de maintenir l'état
d'urgence pour achever de pacifier son pays, "la Géorgie occidentale a été
débarrassée des partisans de l'ancien président et des mercenaires abkhazes et
du Caucase du nord qui le soutiennent". Toutefois, ce regain d'optimisme ne
doit pas cacher la réalité qui continue de mettre en danger la vie et la
sécurité des individus dans tout le pays. Ainsi, par exemple, la presse
internationale a rapporté à la fin du mois de novembre 1993 qu'une opération
de mercenaires armés en Abkhazie, qui appuient les indépendantistes auraient
assassiné et brûlé vifs 20 Grecs originaires du bord de la mer Noire et
E/CN.4/1994/23
page 32
un Arménien. En 1993, 200 000 Géorgiens ont été obligés de quitter l'Abkhazie
et bon nombre de leurs logements ont été pillés et incendiés.
86.
Au début de décembre 1993 des pourparlers directs ont été engagés à
l'Office des Nations Unies à Genève entre les représentants de la Géorgie et
de l'Abkhazie; un calendrier des négociations entre les parties a été arrêté,
sous les auspices des Nations Unies. Le Rapporteur spécial veut croire qu'il
sera prévu, dans le cadre de ces pourparlers, de chercher à faire la lumière
sur les accusations d'activités mercenaires dans cette région, d'imposer des
sanctions aux responsables de crimes et d'obtenir la garantie que ce genre
d'activité ne se reproduira plus jamais dans ces territoires caucasiens.
C.
République de Moldova
87.
Le 28 juillet 1993, le Rapporteur spécial a envoyé la communication
ci-après au Représentant permanent de la République de Moldova auprès de
l'Organisation des Nations Unies :
"Comme vous le savez, le 5 août 1992, le Ministère des
affaires étrangères de la République de Moldova a envoyé au Centre
pour les droits de l'homme la note No 837, où figure la déclaration
suivante :
'Nous aimerions vous informer que nous possédons des preuves
irréfutables de la participation de Kazakhs et de citoyens de la
Fédération de Russie au conflit armé dans les régions orientales de
la République de Moldova, et ce, en violation des résolutions 46/87
et 46/88 de l'Assemblée générale.'
Cette note figure en résumé dans le rapport I présenté à la
Commission des droits de l'homme à sa quarante-neuvième session
(E/CN.4/1993/18, par. 20).
Aux termes du mandat qui m'a été confié par la résolution 47/84
de l'Assemblée générale, en date du 16 décembre 1992, et la
résolution 1993/5 de la Commission des droits de l'homme, en date du
19 février 1993, je suis tenu de faire rapport sur la présence et les
activités de mercenaires qui portent atteinte aux droits de l'homme et à
l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Je vous serais
donc obligé de bien vouloir me communiquer toute information que vous
pourrez obtenir sur l'existence de forces militaires étrangères et de
mercenaires ayant participé au conflit armé dans les régions orientales
de la République de Moldova et, en particulier, sur les preuves
irréfutables que votre gouvernement prétend posséder concernant la
participation de citoyens de la Fédération de Russie et de Kazakhs au
conflit armé. Il est indispensable que je puisse avoir ce renseignement
afin de déterminer si participation il y a eu, si elle a eu lieu au
titre de mercenaire ou de membre des forces armées régulières."
88.
En réponse à cette communication, le Vice-Ministre des affaires
étrangères de la République de Moldova, M. Ion Ciubuc, a fait parvenir le
23 août 1993 la communication ci-après :
E/CN.4/1994/23
page 33
"Me référant à votre lettre No G/SO 214 (18-11), j'ai l'honneur de
vous faire tenir les renseignements demandés au sujet de la
participation de citoyens de la Fédération de Russie, à savoir de
Cosaques, en tant que mercenaires, dans le conflit armé qui a secoué la
République de Moldova au cours de 1992.
Pour résumer tous les faits concernant le respect des droits de
l'homme dans notre République, je me dois d'appeler votre attention sur
les enlèvements, les actes de torture et les assassinats de civils dans
lesquels ont été directement impliqués la Garde de la République moldove
autoproclamée de Transdniestrie (DMR) ainsi que les "mercenaires
cosaques".
Au sujet de la participation, en tant que mercenaires, de citoyens
de la Fédération de Russie et de Cosaques, dans le récent conflit
militaire dans la région du Dniestr, je vous fais savoir ce qui suit :
A Tighina (Bendery), les Cosaques ont lancé une violente attaque,
exigeant que les autorités de la ville prennent des sanctions pour
condamner l'attaque d'un poste de police local.
Le 31 janvier 1992, un groupe de Cosaques armés a attaqué un poste
de police de Tighina; ils ont blessé cinq policiers, endommagé deux
voitures et volé quatre pistolets.
Le 27 février 1992, à Doubassary, trois Cosaques ont obligé le
chauffeur d'une voiture à s'arrêter, l'ont roué de coups et se sont
enfuis à bord du véhicule volé.
Dès le début du conflit armé, les violations de la Constitution et
de la loi de la République de Moldova se sont multipliées et, de
surcroît, les Cosaques, associés à la Garde de la République
autoproclamée, se sont livrés à des activités criminelles.
En association avec les gardes républicains, les Cosaques ont
attaqué des postes de police; ainsi le 2 mars 1992, 34 policiers
moldoves ont été capturés et longuement soumis à des tortures et des
sévices à la prison de Tiraspol. Ils assassinent des civils, par exemple
lors des opérations militaires menées près du village de Cocieri contre
la police moldove le 3 mars 1992, ils se livrent à des actes de sabotage
- par exemple ils ont fait sauter un pont sur le Dniestr, ce qui a coupé
la circulation sur la route internationale Kishinet-Volgograd - tous
actes qui démontrent le caractère criminel de leurs agissements.
De plus, les Cosaques ont participé à une opération menée par
L. Andreeva (dirigeante du mouvement des femmes de la République
autoproclamée) contre la base militaire de la 14ème armée de la
Fédération de Russie, opération à la suite de laquelle
1 321 mitraillettes "Kalashnikov" ont été saisies, ainsi que 1,5 million
de cartouches, 255 pistolets "Makarov" et "TT", 1 300 grenades "F-1" et
"RLD-5", 15 mortiers avec munitions, 30 lanceurs mobiles de missiles
Sol-Air et diverses autres armes.
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page 34
D'après S. Mescereakov, l'un des dirigeants de l'Union des Cosaques
du Don (Fédération de Russie), les Cosaques sont venus en Moldova en
tant que volontaires et pour leur propre compte. En réalité toutefois,
le 3 mars 1992, des groupes importants de Cosaques venus de Russie sont
arrivés en Moldova à bord de deux avions militaires - ce qui prouve
qu'il y a ingérence d'un autre Etat dans nos affaires intérieures.
Le Colonel V. Naoumov, l'un des dirigeants de l'Union des Cosaques,
a déclaré officiellement que plus de 1 500 Cosaques avaient pris part au
conflit armé en Moldova et 94 y avaient trouvé la mort.
Pendant le conflit armé, la police Moldove a arrêté un grand nombre
de personnes originaires de Fédération de Russie. Vous trouverez
ci-après la liste des personnes détenues au poste de police de
Aneny-Noy :
1.
Belyaev Sergueï Vitalevitch, né en 1970, de Saint-Pétersbourg.
2.
Betcheï Youry Fedorovitch, né en 1967, de Penza.
3.
Egorov Andreï Alekseevitch, né en 1973, de Saint-Pétersbourg.
4.
Babitchev Mikhaïl Viktorovitch, né en 1960, de Volgograd.
5.
Yarov Evgueny Vladimirovitch, né en 1962, de Novossibirsk.
6.
Plentchine Vladimir Alekseevitch, né en 1960, de Assinsk.
7.
Jilinov Alekcandr Alekseevitch, né en 1963, de Omsk.
8.
Baranov Youry Sergueevitch, né en 1955, de Youjnosakhalinsk.
9.
Ivanov Valery Stepanovitch, né en 1958, de Tyoumeny.
De plus, le 17 mars 1992, A. Skourko, né en 1961, et venant de
Rostov (Fédération de Russie), a été capturé au combat. Il a avoué
avoir été envoyé en Moldova sur ordre du commandement militaire des
Cosaques.
Une analyse des faits connus montre sans conteste que des
citoyens de la Fédération de Russie sont impliqués dans le conflit
armé livré contre la population civile. Tout cela prouve que les
Cosaques ont pris part aux hostilités en tant que mercenaires".
89.
Il faut rappeler les faits suivants au sujet du conflit en République
de Moldova : après s'être séparée de l'URSS et s'être constituée en un nouvel
Etat souverain, la République de Moldova a été confrontée aux velléités
sécessionnistes des peuples slaves et russophones de la région de la rive
orientale du Dniestr. Ethniquement, la population de la République de Moldova
se compose de plus de 3,5 millions de Moldoves, peuple romanophone, de plus
d'un demi-million de Russes et de près de 300 000 Ukrainiens. Toutefois, dans
la région située sur la rive occidentale du Dniestr, les ethnies russe et
ukrainienne représentent plus de la moitié de la population. Cette région a
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page 35
manifesté sa volonté de se séparer de la République de Moldova et a déclenché
un grave conflit armé entre les forces armées de la République de Moldova et
les forces sécessionnistes de la République autoproclamée de Transdniestrie.
90.
Le 22 juin 1992, les forces moldoves ont attaqué un dépôt de mines d'un
bataillon du génie de la XIVe armée russe stationné à Parcani, localité de
la région de Svobodziea, provoquant la mort de plus de 30 soldats russes.
Les villes de Grigariopol et Doubassary ont également été bombardées. Durant
ces combats, les forces séparatistes de Transdniestrie auraient été appuyées,
dirigées, entraînées et armées par des officiers russes d'active et de
réserve, ainsi que par des mercenaires cosaques, selon la plainte déposée
devant le Parlement de la République de Moldova par le Président de la
République Mercia Snegur le 22 juin 1992.
91.
Cette situation grave a entraîné la constitution d'un groupe
d'observateurs de la Fédération de Russie, de la République de Moldova, de
la Roumanie et de l'Ukraine qui se sont rendus à Bendery, ont obtenu un arrêt
partiel des combats et ont proposé la conclusion d'un accord de cessez-le-feu.
L'accord a été signé le 3 juillet 1992 à Moscou par les Présidents Snegur
et Eltsine. Néanmoins, les combats ont repris deux jours plus tard à Bendery,
occasionnant, aux dires du maire de la ville M. Viatcheslav Kogut, des
dizaines de victimes, la destruction de 20 % des immeubles de la ville et
l'exode de 80 000 habitants sur les 150 000 que compte Bendery. Un nouvel
accord de cessez-le-feu signé en juillet 1992 a été respecté et maintenu en
vigueur. L'accord prévoit le retrait des unités combattantes de la région
orientale de la République de Moldova, la création d'une zone démilitarisée le
long de la frontière de la "République de Transdniestrie" et l'envoi d'une
force de paix mixte moldove-russe qui s'est installée dans la région
le 5 août 1992. La Fédération de Russie aurait accepté de reconnaître la
région de Transdniestrie comme partie du territoire moldove et en contrepartie
le Gouvernement de la République de Moldova se serait engagé à respecter
l'exercice du droit à l'autodétermination du peuple de Transdniestrie au cas
où il déciderait de modifier ses frontières ou de faire partie de la Roumanie.
92.
Le Rapporteur spécial voit dans la signature et le respect du
cessez-le-feu en juillet 1992 un progrès très encourageant et espère qu'il
jettera les bases d'une paix durable en Moldova. Il estime toutefois qu'il
faut faire la lumière sur la question de la participation au conflit interne
moldove de troupes de l'armée de la Fédération de Russie, car il est essentiel
de déterminer dans quels cas il s'agit d'une participation d'éléments de
l'armée régulière sous les ordres et l'autorité du Ministère de la défense de
la Fédération de Russie, et dans quels cas des officiers d'active, des
officiers de réserve et des soldats russes ont opéré en toute indépendance,
s'affranchissant de leur commandement et offrant leurs services, des armes et
autres équipements, contre une solde. Il est particulièrement important de
vérifier aussi si des mercenaires de l'Union des Cosaques du Don ont participé
au conflit. A cet égard, on trouvera dans la section relative à la
correspondance récente du présent chapitre, une communication de la Fédération
de Russie et une autre de la République d'Ukraine, qui contribuent à élucider
les faits et à établir les responsabilités.
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page 36
D. Tadjikistan
93.
Un autre grave conflit armé qui a lieu dans le sud du territoire de
l'ancienne URSS est celui qui déchire la République du Tadjikistan. Le conflit
a éclaté il y a trois ans pour la direction politique de ce nouveau pays
indépendant, une coalition formée par le parti du renouveau islamique et le
parti démocrate s'étant emparée du pouvoir en premier. La coalition a été
renversée en décembre 1992 par un parti constitué par d'anciens fonctionnaires
du régime communiste, prise de pouvoir qui s'est accompagnée de violences
graves et de nombreux affrontements armés sur tout le territoire tadjik, avec
des répercussions à l'intérieur des régions frontalières d'Afghanistan.
D'après de nombreuses sources, ce conflit se serait déroulé avec la présence
de mercenaires des deux côtés. Il a même été signalé que des soldats russes
auraient opéré en tant que mercenaires pour le compte des forces
gouvernementales et que des mercenaires provenant de pays islamiques et des
"moudjahidin" auraient travaillé aux côtés des forces de l'opposition depuis
le territoire afghan.
94.
Récemment, le Rapporteur spécial a reçu des renseignements faisant état
de la présence sur le territoire tadjik, de plus de 20 000 soldats russes
essentiellement des parachutistes et des membres de corps d'élite, qui
patrouillent le long de la frontière du Tadjikistan et de l'Afghanistan,
laquelle constitue également l'une des frontières de la CEI. Cette frontière
est un secteur particulièrement névralgique, car on y aurait détecté un
véritable trafic de mercenaires, d'armes et de stupéfiants en provenance
d'Afghanistan mais aussi un passage continuel de mercenaires et de volontaires
qui veulent se rendre en Afghanistan pour se joindre aux forces de
l'opposition tadjike. Ce conflit, dans lequel se mêlent des affrontements
politiques et idéologiques et des rivalités régionales, voire entre clans et
sous-clans, a fait déjà plus de 20 000 morts et 500 000 citoyens tadjiks ont
été contraints de quitter leurs foyers.
95.
Etant donné l'ampleur et la complexité de ce conflit, les risques de
débordement au-delà des frontières et compte tenu des versions divergentes
concernant les activités de mercenaires, le Rapporteur spécial a adressé le
29 juillet 1993, la communication ci-après au Représentant permanent de la
République du Tadjikistan auprès de l'Organisation des Nations Unies :
"Conformément au mandat qui m'est assigné, j'ai l'honneur d'informer
votre gouvernement que les allégations ci-après concernant la présence de
mercenaires étrangers et de membres des forces armées étrangères dans le
conflit armé interne que connaît votre pays m'ont été rapportées :
a)
Des officiers et de simples soldats de l'armée de la
Fédération de Russie participeraient, aux côtés des forces
gouvernementales du Tadjikistan, aux affrontements et aux combats avec
les forces d'opposition armées qui sont connues sous les noms de
'Milices islamo-démocratiques', 'Milices de Garm', 'Miliciens pamiris',
'Moudjahidin' et 'Miliciens du parti du renouveau islamique'.
b)
Des officiers et des soldats de la 201ème division de l'armée
de la Fédération de Russie auraient été incorporés dans les forces
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page 37
du Gouvernement du Tadjikistan, en vue de maintenir l'ordre à Douchanbé,
où l'état d'urgence a été proclamé en janvier 1993.
c)
Des membres de milices armées d'opposition auraient tué
24 soldats de l'armée de la Fédération de Russie qui patrouillaient le
long de la frontière entre le Tadjikistan et l'Afghanistan, le
13 juillet 1993, lors d'une attaque qui aurait fait 200 autres morts.
d)
Les milices progouvernementales dirigées par Sangak Safarov,
qui seraient responsables de plusieurs agressions contre la population
civile de Douchanbé, compteraient dans leurs rangs des citoyens
étrangers.
e)
Les milices armées d'opposition compteraient également parmi
leurs membres des étrangers auxquels elles auraient confié des postes de
responsabilité et de commandement, ainsi que des opérations militaires
particulièrement délicates. Ce sont des étrangers qui auraient commandé
les tirs d'artillerie des forces de l'opposition dans l'attaque contre
la ville frontière de Piandj, le 22 juillet 1993.
En vertu du mandat qui m'a été assigné par l'Assemblée générale
dans sa résolution 47/84, en date du 16 décembre 1992, et par la
Commission des droits de l'homme dans sa résolution 1993/5, en date du
19 février 1993, j'ai le devoir de faire rapport aux deux organes sur
tous faits nouveaux concernant l'utilisation de mercenaires où que ce
soit dans le monde. Je serais donc reconnaissant à votre gouvernement de
bien vouloir me communiquer des renseignements officiels au sujet de la
participation de combattants étrangers et de mercenaires au conflit armé
interne que connaît votre pays, en précisant en particulier à quel titre
les officiers et les soldats de l'armée de la Fédération de Russie sont
présents et au sujet des autres allégations rapportées dans le
paragraphe qui précède."
96.
A ce jour, le Rapporteur spécial n'a pas encore reçu de réponse sur le
fond de la question; en effet, le représentant permanent du Tadjikistan auprès
de l'Organisation des Nations Unies lui a adressé une communication, datée du
23 août 1993, dans laquelle il signalait les difficultés rencontrées pour
donner une réponse détaillée qui pourrait être jointe au rapport du Rapporteur
spécial devant l'Assemblée générale. Aussi, le Rapporteur spécial a-t-il
réitéré, par une lettre datée du 2 décembre 1993, qu'il souhaitait recevoir
une communication répondant aux questions de fond relatives aux activités
mercenaires présumées qui compromettent la paix au Tadjikistan.
E.
Correspondance récente
97.
Pour ce qui est de la participation présumée d'officiers et de soldats
de l'armée de terre, de l'armée de l'air et des forces du Ministère de
l'intérieur de la Fédération de Russie, ainsi que de personnes de nationalité
russe aux conflits armés en Arménie et en Azerbaïdjan (Haut-Karabakh), en
Géorgie, dans la République de Moldova et au Tadjikistan, le Rapporteur
spécial a adressé le 30 juillet 1993 au Représentant permanent de la
Fédération de Russie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève une lettre
sollicitant des renseignements officiels. Le Gouvernement de la Fédération
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page 38
de Russie y a répondu par une communication datée du 27 septembre 1993, dont
le texte est reproduit intégralement ci-après :
"Le problème des mercenaires est une préoccupation majeure des
autorités de la Fédération de Russie. Actuellement, l'élaboration
d'accords internationaux entre la Russie et les Etats voisins est en
cours.
Sur le plan législatif, V.G. Stepankov, Procureur général de la
Fédération de Russie, a soumis à l'examen du Conseil suprême de la
Fédération de Russie un projet de loi sur la responsabilité en matière
de recrutement, d'armement, de financement, d'instruction et
d'utilisation de mercenaires, qui vise à interdire sur le territoire de
la Russie toute activité de mercenaires et à établir la responsabilité
pour de tels actes. Le Présidium du Conseil suprême de la Fédération de
Russie a examiné le projet qui a été transmis pour décision aux
commissions permanentes des chambres, aux commissions du Conseil
suprême, au Président de la Fédération de Russie et aux autres organes
chargés de l'élaboration des lois.
Les lois relatives aux organisations sociales et à la protection
des organes constitutionnels du pouvoir dans la Fédération de Russie
constituent actuellement le fondement législatif de l'interdiction de
toute activité visant à créer des unités paramilitaires et armées
illégales et à organiser leur participation à des actions militaires à
l'étranger.
On n'a pas connaissance d'activités de grande envergure impliquant
le recrutement, l'armement, le financement, l'instruction et
l'utilisation de mercenaires dans la Fédération de Russie. En revanche,
des cas isolés d'individus vivant en Russie qui décident de participer
volontairement à des conflits armés sur le territoire d'autres Etats ont
été relevés. Chaque fois que des faits de cette nature ont été mis au
jour, les divers services du Procureur ont pris les mesures prévues par
la loi.
En ce qui concerne la participation d'un groupe de Cosaques du Don
dans le conflit à Pridniestrovye, les procureurs des circonscriptions de
Krasnodar et de Stravropol et des régions d'Omsk et de Rostov ont fait
des représentations aux dirigeants des organes cosaques, pour protester
contre ces activités inacceptables. Le Procureur général de la
Fédération de Russie a fait des représentations dans le même sens au
Conseil central du Parti républicain national de Russie, qui avait
essayé de créer en son sein une légion nationale russe, unité
paramilitaire, pour prendre part à des opérations militaires à
l'étranger. Dans les deux cas, les organisations publiques ont été
averties que si elles persistaient dans l'illégalité, elles encouraient
un ordre judiciaire mettant fin à leurs activités.
Certains organes d'information ne rendent pas toujours compte
objectivement de la réalité s'agissant de la présence de mercenaires
dans des actions militaires sur le territoire d'autres Etats, dont ils
donnent une image déformée. Par exemple, d'après un grand nombre
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page 39
d'organes d'information, les dirigeants de la Confédération des peuples
du Caucase auraient émis un ordre de mobilisation, appelant les
réservistes vivant dans le nord du Caucase à participer au conflit
en Abkhazie, alors qu'un tel ordre n'a jamais existé. De même, certains
organes d'information ont décrit la visite à Bagdad, le 24 janvier 1993,
d'une délégation de six membres du Parti démocratique libéral comme
l'envoi d'un 'corps expéditionnaire'.
La législation en vigueur en Russie prévoit une responsabilité
pénale lourdement sanctionnée pour les cas d'actes de violence commis
contre des individus par des groupes armés, y compris par des personnes
se livrant au trafic de stupéfiants."
98.
Au sujet des problèmes dus à des individus dont les activités peuvent
être qualifiées de mercenaires, le Rapporteur spécial a reçu de la mission
permanente de l'Ukraine auprès de l'Office des Nations Unies à Genève une
communication datée du 7 septembre 1993, importante de par la référence qui y
est faite à un cas concret d'activités mercenaires; l'attention est appelée en
particulier sur le quatrième paragraphe de la communication reproduite
ci-après :
"L'Ukraine était parmi les délégations qui ont pris l'initiative de
l'examen, au sein des organes de l'ONU, de la question de 'l'utilisation
de mercenaires comme moyen de violer les droits de l'homme et d'empêcher
l'exercice du droit des peuples à l'autodétermination'.
En 1986 par exemple, l'Ukraine figurait, avec les délégations de
nombreux autres pays, au nombre des auteurs des résolutions adoptées sur
la question par la Commission des droits de l'homme et par l'Assemblée
générale des Nations Unies (résolution 41/102, en date
du 4 décembre 1986). Depuis lors, elle n'a cessé de donner activement
son appui aux résolutions sur le même thème présenté aux organes de
l'ONU.
En tant que membre du Comité spécial, l'Ukraine a pendant neuf ans
participé directement à l'élaboration du projet de Convention
internationale contre le recrutement, l'utilisation, le financement et
l'instruction de mercenaires, dont le texte a été adopté par l'Assemblée
générale des Nations Unies (résolution 44/34, en date
du 4 décembre 1989). La Convention a été signée au nom de l'Ukraine
en 1990 et le Conseil suprême de l'Ukraine est actuellement saisi d'une
proposition en vue de sa ratification.
En 1992, l'Ukraine a eu besoin de donner effet, dans la pratique,
aux dispositions de la Convention et des résolutions de l'Assemblée
générale concernant la pratique criminelle de l'utilisation de
mercenaires. Etant donné l''ouverture' des frontières entre les Etats
membres de la CEI, des particuliers et des groupes de Cosaques du Don
sont entrés sur le territoire de l'Ukraine à l'insu des autorités
ukrainiennes et ont pénétré dans un Etat voisin - la République de
Moldova - où ils ont pris directement part, en qualité de mercenaires,
au conflit armé qui avait éclaté à la suite de la proclamation de la
prétendue République de la région du Dniestr. Toutefois, grâce à
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l'action énergique des autorités ukrainiennes, ces activités illégales
avaient cessé vers la fin de 1992."
VI.
ETAT ACTUEL DE LA CONVENTION INTERNATIONALE CONTRE
LE RECRUTEMENT, L'UTILISATION, LE FINANCEMENT ET
L'INSTRUCTION DE MERCENAIRES
99.
Par sa résolution 44/34, adoptée le 4 décembre 1989, l'Assemblée générale
a adopté et ouvert à la signature et à la ratification ou à l'adhésion la
Convention internationale contre le recrutement, l'utilisation, le financement
et l'instruction de mercenaires. L'Assemblée générale a ainsi contribué au
développement progressif et à la codification du droit international en la
matière en réaffirmant les buts et principes énoncés dans les deux premiers
Articles de la Charte des Nations Unies et dans la Déclaration relative aux
principes du droit international touchant les relations amicales et la
coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies
(résolution 2625 (XXV), annexe, de l'Assemblée générale, du 24 octobre 1970).
100. Conformément aux dispositions du premier paragraphe de son article 19,
la Convention entrera en vigueur le trentième jour qui suivra la date de dépôt
auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies du
vingt-deuxième instrument de ratification ou d'adhésion. Le Rapporteur
spécial se doit d'appeler l'attention sur la lenteur du processus de
ratification ou d'adhésion par lequel un Etat exprime son engagement, étant
donné que jusqu'à présent, sept Etats seulement l'ont mené à terme :
la Barbade, qui a adhéré à la Convention le 10 juillet 1992; Chypre, qui a
déposé son instrument d'adhésion le 8 juillet 1993; les Maldives, qui ont
signé la Convention le 17 juillet 1990 et l'ont ratifiée le 11 septembre 1991;
les Seychelles, qui ont adhéré à la Convention le 12 mars 1990; le Suriname,
qui l'a signée le 27 février 1990 et l'a ratifiée le 10 août de la même année;
le Togo, qui a déposé son instrument d'adhésion le 25 février 1991; et
l'Ukraine, qui l'a signée le 21 septembre 1990 et l'a ratifiée le
13 septembre 1993.
101. Il faut signaler aussi que les 13 Etats suivants ont signé la
Convention : Allemagne, 20 décembre 1990; Angola, 28 décembre 1990; Bélarus,
13 décembre 1990; Cameroun, 21 décembre 1990; Congo, 20 juin 1990; Italie,
5 février 1990; Maroc, 5 octobre 1990; Nigéria, 4 avril 1990; Pologne,
28 décembre 1990; Roumanie, 17 décembre 1990; Uruguay, 20 novembre 1990;
Yougoslavie, 12 décembre 1990; et Zaïre, 20 mars 1990.
102. Le Rapporteur spécial ne peut que relever une contradiction
préoccupante : l'instrument conventionnel approuvé par l'Assemblée générale et
élaboré sous ses auspices afin de prévenir et de sanctionner ces activités ne
peut entrer en vigueur, quatre ans après son adoption, en raison du nombre
insuffisant d'Etats parties. Malgré le retard apporté à l'entrée en vigueur de
la Convention, le Rapporteur spécial se doit de rappeler que les principes du
droit international et les normes du droit coutumier et conventionnel
international applicables à l'élimination de ces activités répréhensibles qui
ont porté et portent si gravement atteinte à la jouissance des droits de
l'homme et à l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes conservent
toute leur valeur.
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page 41
103. Le Rapporteur spécial doit réaffirmer de plus que l'entrée en vigueur de
la Convention internationale permettra d'élargir, d'approfondir, de mieux
préciser et de mettre à jour les règles internationales visant à prévenir,
à poursuivre et à réprimer le recrutement, l'utilisation, le financement et
l'instruction de mercenaires. Elle permettra de développer et de renforcer la
coopération entre les Etats afin d'éliminer ces activités et de respecter les
buts et principes consacrés par la Charte des Nations Unies.
VII.
CONSEQUENCES NEFASTES, SUR LA JOUISSANCE DES DROITS
DE L'HOMME, DES ACTES DE VIOLENCE COMMIS PAR DES
GROUPES ARMES QUI SEMENT LA TERREUR AU SEIN DE
LA POPULATION ET PAR DES TRAFIQUANTS DE DROGUE
104. Le 9 mars 1993, la Commission des droits de l'homme a adopté, sans vote,
la résolution 1993/48 par laquelle elle s'est déclarée à nouveau profondément
préoccupée des conséquences néfastes, sur la jouissance des droits de l'homme,
de la persistance des actes de violence perpétrés dans de nombreux pays par
des groupes armés, de quelque origine qu'ils soient, qui sèment la terreur au
sein de la population, et par des trafiquants de drogue. Elle a également prié
de nouveau tous les rapporteurs spéciaux et tous les groupes de travail de
continuer de porter, dans leur prochain rapport à la Commission, une attention
particulière aux conséquences néfastes, sur la jouissance des droits de
l'homme, de ces actes de violence.
105. Par sa résolution 1993/13, adoptée sans vote le 20 août 1993, la
Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la
protection des minorités a également exprimé, notamment, sa profonde
inquiétude devant la persistance des actes relevant du terrorisme sous toutes
ses formes et manifestations, qui mettent en danger ou tuent des innocents,
menacent les libertés fondamentales, la démocratie, l'intégrité territoriale
et la sécurité des Etats, déstabilisent des gouvernements légitimement
constitués et ont des conséquences néfastes sur le développement économique
des Etats. La Sous-Commission a exhorté les gouvernements à prendre,
conformément aux normes internationales des droits de l'homme et aux principes
internationalement reconnus de la procédure régulière, toutes les mesures
nécessaires et efficaces pour empêcher et combattre le terrorisme. Enfin, elle
a exhorté la communauté internationale à intensifier la coopération dans la
lutte contre la propagation du terrorisme aux niveaux national, régional et
international.
106. Conformément aux dispositions de la résolution 1993/48 de la Commission
des droits de l'homme, le Rapporteur spécial a examiné les communications
reçues par l'unité des procédures spéciales du Centre des droits de l'homme
qui font état d'actes de violence criminelle préjudiciables à la population
civile, attribués à des groupes armés qui sèment la terreur ainsi qu'à des
trafiquants de drogue et à des mercenaires, agissant isolément ou en groupe,
c'est-à-dire en bandes armées. Les gouvernements de la Colombie, du
Costa Rica, de l'Equateur, du Guatemala, de l'Iraq, du Panama, du Pérou, des
Philippines, de la Thaïlande, de la Turquie et du Zimbabwe ont formulé des
observations de fond à ce sujet; il convient également de signaler la
contribution du Gouvernement jamaïquain à l'étude de la question. Celle-ci a
également été évoquée par le Programme des Nations Unies pour le contrôle
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international des drogues, dont le Directeur exécutif, M. Giorgio Giacomelli,
a indiqué dans une lettre du 11 novembre 1993 ce qui suit :
"Je souhaite appeler votre attention sur le fait qu'à sa
trente-cinquième session, en 1992, la Commission des stupéfiants a évoqué
spécifiquement les liens existant entre le trafic illicite des drogues et
le commerce illicite des armes ainsi que le terrorisme; à sa
trente-sixième session, en 1993, la Commission a également indiqué que,
dans certains pays, des groupes insurgés participaient au trafic illicite
de drogues, lequel était également associé au trafic illégal des armes à
feu et au terrorisme. Mention a été faite dernièrement des rapports entre
trafic de drogues et violation des droits de l'homme au paragraphe 10,
alinéa f) du projet de résolution 48/L.12 que l'Assemblée générale a
adopté à la suite des séances plénières de haut niveau consacrées, durant
la session en cours, à la question de la lutte internationale contre
l'abus des drogues".
107. D'autre part, le Centro Nicaragüense de Derechos Humanos, organisation
non gouvernementale nicaraguayenne, s'appuyant sur le troisième paragraphe de
la résolution 1993/48, a communiqué une abondante documentation qui expose en
détail les circonstances de la mort violente de 705 nationaux nicaraguayens,
causée dans la quasi-totalité des cas par des groupes armés irréguliers, et
appelle l'attention sur l'impunité dont jouissent les auteurs de ces actes.
108. A la lumière de la documentation reçue, le Rapporteur spécial suggère
qu'aux fins de la mise en oeuvre des dispositions de la résolution 1993/48,
il soit tenu compte de la totalité du texte du présent rapport. En effet, les
activités mercenaires sont généralement le fait de groupes armés irréguliers
qui sèment la terreur au sein des populations en commettant des actes
illicites moyennant une solde. Ils opèrent parfois pour le compte et sous
l'autorité d'un Etat, mais il ressort des éléments disponibles qu'ils sont de
plus en plus nombreux à collaborer avec des groupes armés irréguliers ou à
travailler pour des organisations de trafiquants d'armes ou de drogues,
constituant des associations criminelles dont l'activité a, sur le plein
exercice des droits de l'homme, des effets dévastateurs.
109. Dans ses rapports antérieurs sur cette question, le Rapporteur spécial a
rappelé que tout droit individuel a pour contrepartie un devoir de même
niveau, de même rang et de même catégorie. Ainsi, le droit au respect et à la
protection de la vie privée a pour corollaire universel l'obligation de
respecter la vie d'autrui. Cette idée, sur laquelle repose toute la conception
des droits de l'homme, est le fondement de la résolution 1993/48 et de textes
antérieurs de même nature adoptés par la Commission des droits de l'homme pour
protéger l'existence, la sécurité et les libertés fondamentales des personnes,
menacées par les actes de violence que commettent des groupes armés et des
trafiquants de drogue qui, dans certains cas, se substituent à l'Etat et
tentent d'en restreindre voire d'en ruiner le pouvoir et l'autorité.
110. Le Rapporteur spécial estime qu'il ne faut pas reconnaître la moindre
parcelle de légitimité ni d'autorité à des groupes armés irréguliers qui
pratiquent la terreur pour intimider des personnes ou des populations ou pour
les exploiter en vue de leurs objectifs politico-militaires. Aucun groupe
- et un groupe ayant recours aux armes et à la terreur moins que tout autre -
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n'est investi de quelque autorité que
exercice des droits de l'homme et des
idéologie, d'une conception politique
le pouvoir pour assurer une prétendue
ce soit pour porter atteinte au plein
libertés fondamentales au nom d'une
ou de la nécessité supposée de prendre
"libération populaire".
111. Or, c'est précisément ce qui se passe actuellement dans le cas de
différentes bandes terroristes et de groupes irréguliers armés qui tentent
d'usurper l'autorité de l'Etat en commettant des actes criminels et
terroristes. Ces bandes et groupes ne sauraient en aucun cas être assimilés
aux mouvements de libération nationale qui ont été reconnus par les
Nations Unies ou aux mouvements qui luttent pour le plein exercice du droit
des peuples à l'autodétermination, l'indépendance, l'intégrité territoriale
des Etats auxquels ils appartiennent et l'unité nationale, et contre la
domination coloniale, l'occupation et l'intervention étrangères, le racisme et
l'apartheid. Les mouvements de libération nationale sont depuis toujours des
forces organisées qui jouissent d'un vaste soutien populaire dans le cadre
d'une lutte pour la conquête de l'indépendance nationale et de la démocratie.
112. On ne peut laisser les populations sans protection face aux agissements
criminels de groupes armés qui sèment la terreur, de trafiquants de drogue et
de mercenaires qui, isolément ou au sein d'associations criminelles, bafouent
leurs droits à la vie, à la sécurité et à la liberté, et les empêchent le cas
échéant d'exercer librement leurs droits politiques et dans tous les cas de
jouir de leurs droits économiques, sociaux et culturels. L'Etat, représenté
par un gouvernement démocratiquement et légitimement constitué, se doit
d'assurer à ces populations protection et sécurité; il doit être le premier
protecteur des droits de l'homme et des libertés fondamentales de ses
citoyens.
113. Le Rapporteur spécial estime que la question des conséquences néfastes
sur la jouissance des droits de l'homme de la persistance des actes de
violence perpétrés par des groupes armés qui sèment la terreur au sein de la
population, par des trafiquants de drogue et par des mercenaires, doit non
seulement continuer d'être examinée à titre hautement prioritaire par la
Commission des droits de l'homme, mais aussi faire l'objet d'une analyse plus
fine de ses aspects particuliers. Compte tenu, en effet, de l'ensemble des
communications reçues par l'unité des procédures spéciales du Centre pour les
droits de l'homme depuis trois ans à ce sujet, ainsi que des divers rapports
des rapporteurs et représentants spéciaux, experts indépendants et groupes de
travail de la Commission qui l'ont abordé dans le cadre des divers thèmes dont
ils s'occupent, il serait intéressant que la Commission envisage de renforcer
la ligne de conduite qu'elle s'est fixée en la matière, en adoptant de
nouvelles résolutions et décisions en faveur des populations et des personnes
touchées par ces actes persistants de violence et de terrorisme et par les
méthodes et pratiques de ces groupes armés, des trafiquants de drogue et des
mercenaires.
VIII.
CONCLUSIONS
114. Les Nations Unies ont pour principe de considérer les activités des
mercenaires comme illégitimes et criminelles du fait qu'elles servent à des
fins contraires au droit international, créant des situations qui portent
atteinte à l'autodétermination, à la souveraineté, à la stabilité
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constitutionnelle et aux droits de l'homme des peuples qu'elles touchent.
C'est ainsi qu'ont été adoptés des textes internationaux qui condamnent et
sanctionnent le recrutement, l'entraînement, le financement et l'utilisation
de mercenaires; parallèlement, un nombre croissant d'Etats édictent, dans le
cadre de la législation nationale, des peines punissant l'acte mercenaire.
115. Le caractère condamnable de l'acte mercenaire est universellement admis,
y compris dans les Etats où ce dernier n'est pas encore pénalement défini.
Si l'on débat actuellement de la portée et du contenu de l'acte répressible,
son caractère délictueux n'est pas contesté. Sans préjudice du
perfectionnement des textes juridiques internationaux et des législations
nationales, les Etats membres disposent des instruments nécessaires pour
formuler des politiques visant à prévenir, contrôler et réprimer les activités
mercenaires, éviter qu'il puisse y avoir entraînement ou transit de
mercenaires sur leur territoire, et empêcher que leur système financier et
économique facilite des opérations servant à alimenter ces activités.
116. L'idée que les activités mercenaires auraient diminué par suite, d'une
part, de l'adoption de dispositions légales destinées à les réprimer et à les
sanctionner, et d'autre part, de l'achèvement du processus de décolonisation
en Afrique, est démentie par les faits. Ces dernières années, et plus
particulièrement depuis 1992, le Rapporteur spécial a eu connaissance d'un
nombre accru - en Afrique comme ailleurs - d'actes délictueux de mercenaires,
qui indiquent une tendance grandissante à faire appel à eux pour diverses
activités illicites qui violent le droit des peuples à l'autodétermination et
les droits de l'homme. Il y a également lieu de penser que cette augmentation
est liée à l'éclatement de nouveaux conflits armés au lendemain de la fin de
la guerre froide et à la création de nouveaux Etats. De fait, la phase de
transition qui se déroule actuellement à l'échelle internationale s'accompagne
non seulement de problèmes frontaliers entre Etats récemment créés, mais aussi
d'un climat de forte intolérance ethnique, religieuse et nationaliste qui a
dégénéré, en plus d'une occasion, en des conflits armés. Certains de ces
conflits ont été aggravés par la participation de mercenaires étrangers.
117. L'analyse des activités mercenaires montre que la recherche des
responsabilités ne saurait se borner à la détection de l'acte délictueux et à
l'identification de l'agent. Il apparaît en effet que le mercenaire n'est que
le dernier maillon d'une chaîne : son engagement et la réalisation de l'acte
délictueux ne sont que l'aboutissement d'un processus conçu, préparé,
organisé, financé et supervisé par d'autres - groupes privés, organisations
politiques d'opposition, milieux qui prônent l'intolérance nationale, ethnique
ou religieuse, organisations clandestines mais aussi gouvernements qui, à
travers des opérations clandestines, décident une action illicite qui attente
aux intérêts d'un Etat ou à la vie, à la liberté, à l'intégrité physique et
à la sécurité de personnes, en s'assurant le concours de mercenaires.
La responsabilité s'étend donc à toutes les parties prenantes à cet acte
délictueux, dont la phase finale est exécutée par le mercenaire. D'où la
grande importance de la vigilance des Etats ainsi que des mesures de contrôle
et des prohibitions édictées par eux dans la législation nationale, afin
d'éviter qu'opèrent sur leur territoire des organisations qui sont à l'origine
d'activités mercenaires et, s'il y a lieu, faire cesser tout système de
renseignement dans le cadre duquel des agents publics recruteraient
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secrètement des mercenaires, directement ou par l'entremise d'organisations
tierces, en prévoyant des sanctions sévères contre ce genre de tractations.
118. Indépendamment de cette caractéristique générale que nous venons
d'indiquer, les objectifs les plus habituels du recrutement de mercenaires
sont l'accomplissement d'actes de sabotage contre un pays tiers, l'assassinat
de personnalités déterminées et la participation à des conflits armés. Il faut
donc en déduire que le mercenaire est un criminel qui, sans préjudice des
sanctions réservées à ceux qui l'engagent et le paient, doit être sévèrement
châtié conformément à la nature du délit de droit commun qu'il a commis,
lorsque la législation nationale n'établit pas le délit de mercenariat en tant
que tel. Dans tous les cas, la condition de mercenaire doit être considérée
comme une circonstance aggravante.
119. Compte tenu des informations réunies au sujet de mercenaires qui
participent aux nouveaux conflits armés, internes ou internationaux, tous les
Etats membres doivent envisager sérieusement la possibilité que l'augmentation
de l'offre de mercenaires soit due en partie à la présence d'anciens
militaires dont la situation personnelle s'est dégradée à la suite de
réductions d'effectifs ou de la dissolution des corps armés réguliers dont ils
faisaient partie, et qui de ce fait ne sont plus payés. Il y aurait donc des
personnes dotées d'une expérience ou d'une formation militaires qui voient
dans chaque conflit armé une possibilité de s'engager en échange d'une solde,
sans compter la tolérance dont on fera éventuellement preuve à l'égard d'actes
de pillage ou de cruauté dont ils pourront tirer des bénéfices économiques
additionnels.
120. Compte tenu des nouvelles formes que revêt l'action des mercenaires, le
Rapporteur spécial est conduit à conclure que l'on fait parfois appel à des
moyens juridiques ou, plus précisément, à des procédures juridiques normales
pour dissimuler l'identité du mercenaire. Ainsi, ce dernier se présente au
regard de la loi comme un ressortissant du pays où se déroule le conflit armé
dans lequel il s'engage, ou de celui où il mènera ses activités criminelles,
échappant ainsi à la qualification de mercenaire. Même si ce subterfuge
occulte la condition réelle du mercenaire au regard de la loi, l'origine de
la relation contractuelle, la paie, la nature des services convenus,
l'utilisation simultanée de plusieurs nationalités et passeports, et d'autres
éléments encore, devraient être autant de pistes pour établir la nationalité
véritable de personnes que l'on a des raisons de suspecter. Un problème qui se
pose à cet égard est celui des personnes qui ont légalement une double ou une
triple nationalité et qui, par leurs activités, lèsent de manière délictueuse
les intérêts d'un des pays dont ils ont la nationalité, pour le compte soit de
l'autre pays dont ils sont ressortissants, soit d'un pays tiers ou de groupes
organisés pour fomenter des attentats.
121. Même si les mercenaires sont recrutés le plus souvent pour participer à
des conflits armés, ils le sont aussi parfois pour commettre des actes de
provocation visant à créer les conditions d'un conflit armé ou à déstabiliser
un gouvernement légitime et constitutionnel. Le mercenaire étant un agent
criminel, il n'est pas surprenant qu'il ait des liens avec des bandes de
trafiquants d'armes ou de drogue et de terroristes, qui bafouent les lois et
compromettent la sûreté d'un pays. De plus, il n'est pas inhabituel que ces
groupes illégaux changent d'identité; un groupe de terroristes peut être
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également défini comme une bande de mercenaires lorsqu'il se rend sur le
territoire d'un autre Etat pour apporter une protection, moyennant paiement,
à des trafiquants de drogue, réaliser des sabotages et des attentats ou
prendre part à un conflit armé interne.
122. C'est dire que, par sa portée et son ampleur, l'activité mercenaire est
un des délits les plus préjudiciables à l'autodétermination des peuples,
à la stabilité constitutionnelle, à la paix et aux droits de l'homme.
D'où l'importance de la résolution adoptée en décembre 1993 par laquelle
l'Assemblée générale a recommandé de réunir des experts, des spécialistes et
d'autres personnes intéressées par ce sujet, qui puissent contribuer à
l'enrichissement des concepts, catégories, analyses et propositions de
solution contenus dans les rapports que le Rapporteur spécial sur la question
de l'utilisation de mercenaires a présentés tant à la Commission des droits de
l'homme qu'à l'Assemblée générale elle-même.
123. Les renseignements recueillis permettent d'affirmer qu'en 1993, l'Afrique
a continué d'être le continent le plus touché par l'agression de mercenaires.
Il faut rappeler à ce sujet que le concept de mercenaire, tel qu'on l'entend
aujourd'hui, a pris naissance à l'époque où des soldats de métier, de race
blanche pour la plupart, intervenaient dans les conflits armés qui
ensanglantaient différentes régions d'Afrique pour empêcher l'exercice du
droit à l'autodétermination, l'accès à l'indépendance et la formation d'Etats
africains souverains, et pour créer des enclaves territoriales dépendant des
anciennes métropoles ou pour imposer des dirigeants sympathisants de ces
dernières ou acquis aux entreprises colonialistes. Certains de ces conflits
ont pris fin, restreignant d'autant la présence de mercenaires. Toutefois,
celle-ci n'a pas entièrement disparu. L'Angola, le Bénin, le Botswana, les
Comores, le Lesotho, le Libéria, le Mozambique, la Namibie, le Zaïre, la
Zambie et le Zimbabwe figurent au nombre des pays qui ont été récemment le
théâtre de l'activité de mercenaires; il y a eu, hors de l'Afrique australe,
des attaques de mercenaires imputables à la politique d'apartheid qui est
pratiquée en Afrique du Sud mais dont les ramifications et les activités
criminelles s'étendent à d'autres parties de l'Afrique et même à d'autres
continents.
124. En Angola, la situation n'a cessé de se dégrader et de s'aggraver
en 1993, la reprise des hostilités de l'UNITA contre le Gouvernement angolais
ayant consacré l'échec des accords de paix signés le 31 mai 1991. Il ressort
des renseignements recueillis que les souffrances endurées par la population
angolaise du fait de cette guerre sont plus grandes encore que celles qu'elle
a subies en 1991. Les conditions de vie se sont dégradées au point qu'il y a
maintenant des situations de famine; on estime à plus de 1 000 le nombre de
décès quotidiens et à environ 500 000 celui des personnes qui ont été victimes
en 1993 des affrontements armés, des actes de sabotage, des pénuries
alimentaires, des infections et du manque de médicaments et soins médicaux
appropriés dans les hôpitaux. Les efforts déployés par les Nations Unies pour
atténuer les souffrances du peuple angolais et faire cesser ce conflit n'ont
pas donné de résultats à ce jour. Un texte important a été adopté à
l'unanimité par le Conseil de sécurité le 15 septembre 1993 : il s'agit de la
résolution 864 (1993) par laquelle le Conseil, agissant en vertu du Chapitre 7
de la Charte des Nations Unies, a décidé d'interdire la vente ou la fourniture
à l'UNITA d'armements, de matériels militaires et de pétrole. Cet embargo est
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entré en vigueur le 26 septembre et l'on espère qu'il mettra un terme aux
achats d'armes, à l'instruction militaire perfectionnée reçue à l'étranger et
à la présence de techniciens et d'experts de la stratégie militaire - autant
de facteurs qui contribuent au renforcement des hostilités, rendant du même
coup plus difficile la réalisation d'une solution négociée. Il faut néanmoins
indiquer qu'au début de décembre 1993, l'UNITA a fait savoir qu'elle était
disposée à négocier une trêve et à reprendre le dialogue avec le gouvernement.
125. Tous les éléments qu'il possède portent le Rapporteur spécial à conclure
que la présence de mercenaires étrangers ayant participé à l'entraînement et
au combat est un facteur déterminant de la durée, des caractéristiques et de
l'aggravation de ce conflit armé. Les sources gouvernementales indiquent que
la plupart des mercenaires sont originaires d'Afrique du Sud et du Zaïre.
Elles signalent également que d'anciens membres des 31ème et 32ème bataillons
des forces de défense sud-africaines auraient été recrutés pour protéger les
installations pétrolières et les raffineries angolaises; ils auraient
toutefois combattu à Huambo aux côtés des forces de l'UNITA. Leur recrutement
est attribué à une société sud-africaine, Executive Outcomes. Le fait que les
provinces orientales du pays soient entre les mains de l'UNITA aurait facilité
l'arrivée, du Zaïre, de mercenaires engagés pour combattre dans les rangs des
forces rebelles. De même, le chef des forces de défense sud-africaines, le
général Georg Meiring, a confirmé le 11 septembre 1993 que des membres du
corps spécial d'élite et d'anciens membres des services de renseignement
sud-africain recevaient des offres pour combattre comme mercenaires en Angola.
Les candidats se voyaient proposer des contrats d'un an et une rémumération de
10 000 dollars des Etats-Unis par mois. Si tous les renseignements concourent
à faire ressortir la responsabilité de l'UNITA dans l'utilisation de
mercenaires, le Rapporteur spécial se doit de signaler que, d'après des
dépêches parues récemment dans la presse internationale, le Gouvernement
angolais aurait également admis des mercenaires d'origine sud-africaine comme
instructeurs militaires dans son armée, certains d'entre eux ayant pris part
aux opérations dirigées contre l'UNITA. Le Rapporteur spécial a communiqué ces
informations au Gouvernement angolais en lui demandant ses observations à ce
sujet.
126. Pour ce qui est des activités mercenaires qui puisent leur source dans la
politique de l'apartheid de l'Afrique du Sud et qui se déroulent dans ce pays
comme dans d'autres Etats de la région ou même d'ailleurs, les renseignements
consignés dans le rapport permettent de conclure qu'ils ont sensiblement
diminué, parallèlement au démantèlement progressif, du système d'apartheid.
Parmi les événements les plus récents figure l'adoption d'une Constitution
provisoire, qui supprime les rouages de ce système et place l'Afrique du Sud
sur la voie d'une démocratie pluraliste, sans discrimination raciale,
politique, sociale ni culturelle. Mais ces faits ne sauraient faire oublier
l'existence de groupes extrêmement violents, qui s'opposent dans tous les
domaines au démantèlement de l'apartheid : au nombre des diverses provocations
de ces groupes s'inscrit l'assassinat, le 10 avril 1993, d'un dirigeant de
l'ANC, Chris Hani, par un Polonais devenu mercenaire, un dénommé Janusz Walus.
Cette situation, qui s'est prolongée jusqu'en décembre 1993, nous conduit à
affirmer que, malgré les énormes progrès accomplis en Afrique du Sud sur la
voie de la démocratie, le processus se heurte à la résistance de groupes qui
préconisent une escalade de la violence et qui sont prêts à mener des
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activités criminelles et des actions terroristes en faisant appel pour cela à
des mercenaires professionnels connus.
127. Le rapport contient une description succincte de la violence politique au
Zaïre (par. 55 à 60). Tous les éléments tendent à montrer que des mercenaires
étrangers participent à des actes de violence préjudiciables aux conditions
d'existence de la population zaïroise. Ces mercenaires ont participé à la
formation et à l'entraînement d'une brigade de la garde civile, dénommée Force
d'intervention spéciale (FIS); de même, des mercenaires d'origines égyptienne,
israélienne et sud-africaine auraient fait fonction d'instructeurs au sein de
la Division présidentielle spéciale et de certaines unités d'élite de l'armée.
128. Pour la deuxième année consécutive, le Rapporteur spécial s'occupe, au
titre de certains aspects de son mandat, des conflits armés qui se déroulent
sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. En effet, le Rapporteur spécial a reçu
de nouveau des informations, émanant pour certaines d'entre elles des Etats
touchés par le conflit eux-mêmes, faisant état de la présence de mercenaires
étrangers. Ces informations sont exposées en détail aux paragraphes 61 à 71 du
rapport et la correspondance qui contient de graves accusations concernant la
présence de mercenaires est conservée dans les archives de l'unité du Centre
des droits de l'homme qui s'occupe des procédures spéciales. La présence
d'étrangers dans ce conflit est admise par toutes les parties, qui nient
cependant qu'ils soient tous ou pour certains d'entre eux des mercenaires. Le
Rapporteur spécial a demandé les pièces correspondantes et a informé de ses
démarches le Rapporteur spécial que la Commission a chargé de suivre la
situation des droits de l'homme sur le territoire de l'ex-Yougoslavie.
129. Malgré la poursuite du conflit armé, les divers cycles de négociation
politique entre les parties continuent de faire espérer la conclusion d'un
accord qui mette un terme à une guerre caractérisée par une violence et une
cruauté extrêmes. Mais à supposer même que l'on parvienne à l'accord de paix
qui est requis d'urgence, les crimes commis sont d'une gravité telle qu'il ne
faudrait pas, de l'avis du Rapporteur spécial, suspendre les enquêtes à leur
sujet; lorsque la participation de mercenaires serait établie, cet élément
devrait être considéré comme une circonstance aggravante pour ce qui est de la
peine à appliquer.
130. A la suite du démembrement de l'ex-Union des Républiques socialistes
soviétiques, les républiques qui en faisaient partie sont devenues des Etats
souverains et indépendants qui ont constitué dans leur majorité la Communauté
d'Etats indépendants (CEI). Dans quelques-uns de ces pays, des différends de
diverse nature ont surgi; certains ont trait à des questions de frontière et
d'autres aux relations internes entre territoires et républiques ainsi qu'à
leur régime d'autonomie par rapport au nouvel Etat. Mais les désaccords qui
ont dégénéré en conflits armés sont principalement ceux où il existait un
élément d'ordre ethnique joint à un sentiment nationaliste ou purement
religieux. Ces deux facteurs ont contribué à aviver les aspirations à une plus
grande autonomie, à une nouvelle identité territoriale nationale, ou à un
changement de régime politique. D'après les informations analysées par le
Rapporteur spécial, il y aurait eu participation de mercenaires dans tous les
cas où une situation bloquée s'est transformée en conflit armé.
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131. Aux paragraphes 72 à 103 du rapport sont exposés les renseignements
relatifs aux conflits armés qui sévissent en Arménie et en Azerbaïdjan
(Haut-Karabakh), en Géorgie, en République de Moldova et au Tadjikistan;
il y est notamment rendu compte de la correspondance officielle adressée
au Rapporteur spécial, où l'on dénonce la présence de mercenaires étrangers
recrutés pour participer activement à des actions de type militaire. Hormis
le premier d'entre eux, ces conflits ont diminué d'intensité. Au moment où le
conflit entre la Géorgie et l'Abkhazie était le plus aigu, des mercenaires
étrangers y ont pris part; le président Chevardnadze lui-même en a dénoncé la
présence le 16 mars 1993, à Tbilissi, devant le Parlement géorgien. De même,
la communication du 23 août 1993 adressée au Rapporteur spécial par le
Vice-Ministre des relations extérieures de la République de Moldova confirme
la participation de mercenaires russes et cosaques au conflit militaire dont
la région du Dniestr a été le théâtre; il y est question de neuf personnes
originaires de la Fédération de Russie qui auraient été arrêtées pour avoir
participé à ce conflit. Les faits décrits semblent confirmer la participation
d'un certain nombre d'étrangers aux conflits armés qui ont éclaté dans
certains des Etats qui formaient autrefois l'Union soviétique. L'enquête menée
par le Rapporteur spécial n'est pas close et il espère pouvoir, avec le
concours des autorités de chaque Etat, des sources internationales et des ONG,
présenter à la Commission un rapport plus détaillé sur cette délicate
question.
132. Pour ce qui est du statut actuel de la Convention internationale contre
le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires,
le Rapporteur spécial signale qu'à ce jour, sept Etats seulement (la Barbade,
Chypre, les Maldives, les Seychelles, le Suriname, le Togo et l'Ukraine) ont
accompli les formalités nécessaires pour devenir parties à la Convention et
13 autres l'ont signée. Le processus de ratification ou d'adhésion par lequel
les Etats membres expriment leur engagement a donc pris du retard, puisque la
Convention ne pourra entrer en vigueur qu'après le dépôt des instruments de
ratification ou d'adhésion de 22 Etats.
133. Conformément à la résolution 1993/48 de la Commission des droits de
l'homme, le Rapporteur spécial s'est occupé des conséquences néfastes, sur la
jouissance des droits de l'homme, des actes de violence perpétrés par des
groupes armés qui sèment la terreur au sein de la population et par des
trafiquants de drogue. Il ressort des informations et des communications
parvenues au Centre des droits de l'homme, et de la documentation qui les
accompagne, qu'au long de l'année 1993 des populations de divers pays ont
gravement souffert de l'action illégale et criminelle de groupes armés qui,
quelle qu'ait pu être leur motivation idéologique, n'ont pas hésité à adopter
des conduites absolument condamnables, se traduisant par la violation massive
des droits de l'homme, des atteintes à la sûreté publique et des activités
visant à ébranler l'ordre constitutionnel et à déstabiliser des gouvernements
légitimes. Cette forme de terrorisme, destinée à intimider et à créer un
climat général de peur, a été le fait de groupes armés qui invoquent des
mobiles politiques, de bandes de trafiquants de drogue ou de mercenaires qui,
dans plusieurs cas, ont joint leurs forces ou se sont rendus réciproquement
service, formant des associations délictuelles qui attentent à la vie des
personnes, à leur sécurité et à leur intégrité ainsi qu'aux droits de l'homme
de populations entières.
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IX.
RECOMMANDATIONS
134. Compte tenu des informations reçues au long de l'année 1993, qui révèlent
que les activités de mercenaires n'ont pas diminué, créant des situations
néfastes pour les droits de l'homme et l'autodétermination des peuples, et eu
égard aux déclarations et résolutions de l'ONU qui condamnent ces activités,
considérées comme des délits graves qui sont pour tous les Etats une cause de
profonde préoccupation, le Rapporteur spécial recommande que la Commission
spéciale, prenant en considération la répétition de ces faits et la position
déjà adoptée en la matière, condamne de nouveau les activités mercenaires de
toute nature, sous toutes leurs formes et à tous leurs niveaux, ainsi que les
Etats ou les tiers qui y participent, et souligne la nécessité de renforcer
les principes de la souveraineté, de l'égalité et de l'indépendance des Etats,
de l'autodétermination des peuples, ainsi que du strict respect des droits de
l'homme et de la stabilité des gouvernements constitutionnellement établis et
légitimement en fonctions.
135. Comme le recours à des mercenaires a pour but de causer du tort - à une
personne que désignent ses idées, ses convictions, sa race ou sa situation
politique, à une institution de la société civile, à des hommes politiques ou
des personnalités qui occupent des postes publics, ou à un Etat - et que les
activités de mercenaires s'inscrivent principalement, mais non exclusivement,
dans le cadre de conflits armés, le Rapporteur spécial recommande à la
Commission de souligner que ce qui est condamnable, c'est le recours à des
mercenaires en lui-même et leur utilisation pour des activités illicites, que
ces activités soient le fait d'une ou de toutes les parties à un conflit armé
ou que, en l'absence de pareil conflit, on fasse appel à des mercenaires pour
empêcher l'autodétermination d'un peuple, endommager les installations
matérielles d'un pays, déstabiliser les autorités constitutionnelles d'un Etat
ou attenter à la vie et à la sécurité des personnes.
136. Compte tenu de la nature des activités mercenaires et des formes qu'elles
revêtent, compte tenu aussi du fait qu'en règle générale elles font du
mercenaire un instrument, son engagement et l'accomplissement de l'acte
délictueux subséquent n'étant que la mise en oeuvre d'une action décidée,
préparée, organisée, financée et surveillée par d'autres personnes, le
Rapporteur spécial recommande que la résolution condamnant les activités des
mercenaires souligne la nécessité pour les Etats membres de faire preuve de
vigilance et d'édicter une interdiction expresse dans leur législation, afin
d'éviter qu'opèrent sur leur territoire des organisations ayant des contacts
avec des mercenaires, de prohiber l'utilisation de ces derniers par des
autorités publiques et de démanteler tout système de renseignement qui aurait
recours à des mercenaires à travers des opérations secrètes ou par
l'intermédiaire d'organisations tierces. Il est recommandé que les Etats
membres interdisent également le transit de mercenaires sur le territoire
national et, bien entendu, prévoient des sanctions contre les nationaux ou les
étrangers résidant sur leur territoire qui auraient une activité mercenaire.
137. Eu égard aux méthodes complexes que les mercenaires adoptent pour se
dissimuler et modifier leur apparence, à l'existence d'effectifs excédentaires
de militaires pour qui il est tentant de se transformer en mercenaires, au
recours à des moyens et à des procédures juridiques normaux pour occulter au
regard de la loi l'identité et la nationalité du mercenaire et aux cas
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de nationalité double ou multiple, le Rapporteur spécial recommande que
la Commission considère les dispositions de la résolution adoptée en
décembre 1993 par l'Assemblée générale qui ont trait à l'organisation d'une
réunion d'experts, de spécialistes et de personnes intéressées qui coopéreront
avec le Rapporteur spécial et prendront en considération les catégories
d'analyse employées par lui afin d'aider à préciser et développer sensiblement
les concepts pertinents ainsi qu'à formuler des propositions tendant à réduire
radicalement les proportions de ce problème.
138. L'Afrique demeure le continent le plus touché par les activités de
mercenaires, qui continuent d'intervenir dans certains conflits de cette
partie du monde et de constituer un danger latent pour d'autres pays de la
région. Aussi le Rapporteur spécial recommande-t-il que la Commission condamne
de nouveau énergiquement la présence de mercenaires ainsi que les Etats ou les
tiers qui soutiennent leurs activités en Afrique, et qu'elle réaffirme ce
faisant son appui sans réserve à l'autodétermination, au développement et au
libre exercice des droits de l'homme des peuples d'Afrique, de même que son
soutien aux mesures qui pourraient être adoptées, en conformité avec le droit
international et les législations nationales, par les pays qui subissent la
présence de mercenaires.
139. A en juger par les conflits armés auxquels des mercenaires ont été
associés sur le continent africain, ces derniers se replient lors de la
conclusion d'accords de cessez-le-feu ou de paix, mais les principaux noyaux,
généralement formés de mercenaires originaires d'autres continents ou de
l'Afrique du Sud, ne quittent pas la région; ils se déplacent vers d'autres
pays, où ils restent en rapport avec des organisations opérant à la faveur de
situations conflictuelles et avec des groupes paramilitaires, ce qui permet à
leurs membres de reprendre une activité de mercenaires dans le pays où ils se
sont réfugiés ou dans d'autres Etats où règne la violence. Aussi le Rapporteur
spécial recommande-t-il que la Commission préconise, conjointement avec
l'interdiction du mercenariat et l'imposition des sanctions requises pour le
punir, l'adoption de mesures visant à expulser des pays d'Afrique tous les
étrangers qui y ont opéré en tant que mercenaires à l'occasion de conflits
armés ou à l'appui de l'apartheid, qu'ils aient été condamnés ou non, et que
les nationaux convaincus d'actes de mercenariat soient avertis que la récidive
est punie avec la plus grande sévérité par la législation.
140. Compte tenu de l'aggravation du conflit armé en Angola intervenu en 1993,
il est recommandé que la Commission des droits de l'homme souligne que la
prolongation du conflit est gravement préjudiciable au peuple angolais ainsi
qu'au respect et à l'exercice de ses droits de l'homme, et qu'il est
nécessaire d'y mettre un terme, en s'appuyant sur les accords de paix et les
initiatives contenues dans les résolutions des Nations Unies et de l'OUA.
Il est recommandé également que la Commission condamne énergiquement la
présence de mercenaires qui, sur le territoire angolais ou à partir de pays
voisins, prennent part au conflit armé.
141. Eu égard à l'évolution favorable de la situation politique en Afrique du
Sud, où l'adoption d'une nouvelle Constitution provisoire, la mise en place
d'un gouvernement de transition vers la démocratie et la tenue d'élections
générales et pluralistes en avril 1994 se traduisent par le démantèlement
effectif de l'apartheid, mais eu égard aussi à la résistance de fractions de
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la minorité blanche qui entendent s'opposer par la violence armée à la
disparition du système raciste et font appel à des mercenaires à cette fin,
il est recommandé de prêter un soutien actif et vigilant à toutes les mesures
destinées à éliminer l'apartheid et à instaurer la démocratie en Afrique
du Sud, d'appeler l'attention sur les actes de violence visant à empêcher ou
à retarder ce processus, de condamner ces actes et d'en attribuer la
responsabilité aux groupes minoritaires racistes qui utilisent des mercenaires
et fomentent la violence pour faire obstacle à la démocratisation en Afrique
du Sud.
142. En ce qui concerne le Zaïre, où la détérioration de la situation
politique s'est accompagnée du recours à des mercenaires, il est recommandé de
condamner l'utilisation de ces derniers et de lancer un avertissement au
Gouvernement zaïrois ainsi qu'à toutes les parties concernées, afin que
cessent les attaques dirigées contre les populations civiles et l'utilisation
de mercenaires, et que ces derniers, si leur participation à des actes
délictueux est établie, soient punis et expulsés du Zaïre avec interdiction
d'y revenir.
143. Compte tenu de la poursuite, en 1993, des conflits armés qui ont éclaté
sur le territoire de l'ex-République fédérative de Yougoslavie, et d'éléments
indiquant la présence de mercenaires et leur participation à de graves
violations des droits de l'homme, il est recommandé que la Commission prononce
dans toutes les résolutions qu'elle adoptera à ce sujet une condamnation du
recrutement et de l'utilisation de mercenaires par toutes les parties aux
conflits quelles qu'elles soient, et que, dans le même temps, les informations
réunies au sujet de la participation de mercenaires à des actes criminels
servent à l'ouverture d'enquêtes et à l'engagement de poursuites pénales
contre les auteurs de telles atrocités.
144. Pour ce qui est des conflits armés qui se déroulent dans certains des
Etats qui faisaient autrefois partie de l'Union des Républiques socialistes
soviétiques, il est recommandé que, parallèlement aux initiatives internes et
internationales en faveur de la paix et de l'amitié dans cette vaste région,
la Commission condamne expressément l'utilisation de mercenaires par l'une
quelconque des parties aux conflits armés qui se poursuivent, de même qu'à
ceux qui ont déjà pris fin ou qui sont en voie de règlement, et qu'elle lance
un appel à tous les Etats de la région afin qu'ils renforcent leur législation
pénale, sanctionnent expressément les activités mercenaires et appliquent les
sanctions édictées aux personnes qui agissent en mercenaires, individuellement
ou en constituant des groupes irréguliers.
145. S'agissant de la Convention internationale contre le recrutement,
l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires, le Rapporteur
spécial recommande de suggérer aux Etats qui n'ont pas encore ratifié cet
instrument ou qui n'y ont pas encore adhéré, d'examiner l'opportunité
d'accélérer le processus d'adhésion et de ratification, dont l'achèvement
permettra à la communauté internationale de lutter plus efficacement contre
les activités mercenaires.
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146. Enfin, et compte tenu des résolutions déjà adoptées par la Commission des
droits de l'homme au sujet des conséquences néfastes, sur la jouissance des
droits de l'homme, des actes de violence commis par des groupes armés qui
sèment la terreur au sein de la population et par des trafiquants de drogue,
il est recommandé qu'elle condamne ces activités de nouveau et plus
vigoureusement, et qu'elle souligne la nécessité de mesures plus efficaces
pour lutter, aux plans interne et international, contre ces groupes qui
portent atteinte aux droits de l'homme. Le Rapporteur spécial recommande en
outre à la Commission d'envisager l'opportunité de créer un groupe de travail
qui serait chargé d'évaluer systématiquement les dénonciations et les
communications relatives à des actes de violence commis par des groupes armés
qui sèment la terreur au sein de la population et par des trafiquants de
drogue, et comportant des conséquences néfastes sur l'exercice des droits de
l'homme. Ce groupe de travail pourrait également être constitué des
rapporteurs spéciaux de la Commission qui s'acquittent actuellement de mandats
de caractère thématique.
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