Rien que pour vos yeux - LES BIBLIOTHEQUES DU PAYS DES
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Rien que pour vos yeux - LES BIBLIOTHEQUES DU PAYS DES
Rien que pour vos yeux Des films à voir ou à revoir L’homme tranquille / John Ford, 1952. Que diriez-vous de regarder un bon vieux « John Wayne » ? Je vous propose de le redécouvrir dans un bel hommage à l’Irlande, « L’homme tranquille » réalisé par John Ford en 1952. Et pourtant cette ballade irlandaise faillit bien ne jamais voir le jour. John Ford avait acquis les droits de la nouvelle de l’écrivain Maurice Walsh depuis plusieurs années car il rêvait de tourner « une histoire d’amour entre adultes »….Après refus sur refus c’est John Wayne luimême qui força la main à la petite maison de production « Republic » dont il était la seule star. « The quiet man » raconte le retour dans son village natal d’un boxer américain. Il y épousera une belle gardienne de mouton, Mary Kate Danaher (jouée par la dublinoise Maureen O’Hara)…Mais, ignorant des coutumes locales, son mariage va prendre un étrange tour… Ode nostalgique dans laquelle l’Irlande est sublimée par le jeu des décors naturels et du meilleur technicolor de l’époque, John Ford confirme ici qu’il est le plus grand styliste de son temps…Chaque plan est un miracle et la connivence entre les acteurs est palpable à chaque instant. La confrontation classique entre deux mondes (L’Amérique et l’Irlande), entre l’homme et la femme, permet au réalisateur de donner avec humour sa vision idéalisée d’une Irlande apaisée, loin bien loin de tout commentaire politique. N’oubliez pas de regarder le film en version originale si vous voulez avoir la vraie voix de John Wayne…. A lire également : - L’homme tranquille de Maurice Walsh.- Terre de brume, 1999.- (Bibliothèque irlandaise). Cécile Corsi, BDP Martin Rosen The plague dogs Deux chiens, Row et Snitter, s’enfuient d’un centre d’expérimentation animale. Avec l’aide d’un renard, ils vont tenter de survivre tandis qu’une rumeur s’amplifie dans les médias : ils seraient porteurs de la peste. A partir de ce simple argument, Martin Rosen réalise à hauteur de chien ce qu’Isao Takahata avait accompli pour l’espèce humaine avec Le tombeau des lucioles : un drame infiniment douloureux et un chef d’œuvre – paradoxal – d’humanité. Car est-il rien de plus humain, au fond, que ces deux innocents en cavale qui, torturés, vivisectés, n’en font pas moins confiance aux « maîtres » qui les chassent impitoyablement ? Cette confiance, même les conseils de Tod, le renard, aussi réaliste et cynique qu’il se montre ami fidèle et loyal, ne parviennent pas à l’ébranler. Le malheureux Snitter préfère penser qu’il est lui-même à l’origine du destin qui les frappe, lui qui croit avoir tué son maître et devoir être puni pour cela. On le devine, on est assez loin de Disney et, même si la fin laisse entrevoir une délivrance, elle ne viendra pas des hommes qui, quelque pitié puissent-ils éprouver, n’iront jamais jusqu’à la mettre en acte et épargner – ne serait-ce qu’épargner – ceux qu’ils ont déjà tant fait souffrir. Sorti en 1982, ce film d’animation britannique, l’un des premiers à dénoncer la vivisection et l’expérimentation animale, était jusque-ici resté inédit en France, pays des cuisses de grenouilles et du foie gras. Décidément, plus je connais les bêtes et moins j’aime les gens. Yann Fastier, BDP OperaciÓn E Film franco-espagnol de Miguel Courtois Paternina, 2012 Avec : Luis Tosar, Martina García, Gilberto Ramirez… En s’installant dans la jungle colombienne, José Crisanto Gómez croyait, à défaut de faire fortune, mener une vie paisible avec sa famille nombreuse. Mais un jour de janvier 2005, les membres des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) font intrusion dans sa modeste maison pour lui confier de force un nourrisson chétif et blessé. Un tragique périple commence alors pour ce pauvre paysan et sa famille. C’est une histoire incroyable et bouleversante que le réalisateur franco-espagnol raconte dans ce film inspiré de faits réels. Il nous plonge dans un pays coupé en deux par les FARC. Cette initiale E désigne Emmanuel Rojas, l’enfant de Clara Rojas, vice-présidente du parti politique d’Ingrid Betancourt, enlevée en 2002 avec cette dernière. En 2004, elle accouche durant sa captivité du petit Emmanuel qui lui sera enlevé à l’âge de huit mois puis confié à un paysan de la jungle colombienne. Le film dépeint également sans complaisance la violence quotidienne et le rapport de force entre les FARC, l’état colombien et la population civile. Où comment des milliers de « desplazados »sont obligés de quitter leurs foyers face à l’avancée inexorable du conflit armé. Sous la forme d’un suspense politique, le réalisateur donne, d’une certaine manière, la parole à toutes les victimes des conflits armés qui restent dans l’ombre. L’acteur espagnol Luis Tosar, a reçu lors du Festival du cinéma d’Amérique Latine de Biarritz le prix d’interprétation masculin pour sa prestation. Paulette Trouteaud, BDP The Wire = Sur écoute / David Simon, aut.- HBO, 2002-2008 « The Wire » est considérée comme la plus grande série de tous les temps, tout a été dit sur elle...Et pourtant, nous avons toujours envie d’en parler car sa diffusion en France a rencontré peu d’échos auprès des téléspectateurs.... Alors qu’est-ce qui a fait entrer la série dans la légende ? Chronique de la ville de Baltimore, cette série TV produite par HBO de 2004 à 2008, a été écrite par le désormais célèbre David Simon. Chaque saison s’ouvre et se ferme sur une enquête policière. Chacune d’elles met en lumière un thème particulier comme la police, la politique, la presse, l’éducation...Elles ont comme axe central les écoutes téléphoniques qui servent d’accélérateur à l’enquête et permettent sa résolution Voici quelques éléments qui ont construit sa légende : son générique d’abord, intégrant des images clés de l’enquête et une bande-son culte jouée à chaque saison par un interprète différent. Ensuite, une étonnante reconstitution de scène de crime dans la saison 2 : deux inspecteurs de police, pour manifester tout à la fois étonnement devant l’habileté du meurtre, impuissance devant les moyens employés, excitation face à leurs découvertes d’indices, ponctuaient leur travail par de laconiques « fuck » seul mots prononcés au cours d’une scène qui ne semblait jamais devoir finir... Dépassant sa dimension télévisuelle, « The Wire » est devenu La fresque urbaine déclinant à l’infini la mythologie de la ville et de sa faune interlope...C’est aussi un incroyable réservoir d’idées et une force de proposition politique....On sait que David Simon est un ancien journaliste du Sun, on le sait amoureux de sa ville, alors les compte rendus d’expériences fusent comme le quartier-pilote réservé aux toxicos dans la saison 3… Son génie s’exprime également dans son écriture...Il a réussi à rendre plus vrais que nature les échanges entre les dealers et autres zonards de la rue...Sa vision des personnages est novatrice également...Terminé les seconds rôles, voire les troisièmes...Tous les personnages sont des héros en puissance que ce soit le détective alcoolique révolté contre sa hiérarchie (Mac Nulty), ou le chef de gang premier de sa classe en cours d’économie (Stringer Bell),… Quant à la richesse thématique, elle donne le vertige...La série propose une analyse fine de l’implication des cartels de la drogue dans les différentes strates de la vie de Baltimore, une critique sans concession des magouilles politiques, de la sclérose hiérarchique de l’administration policière...C’est également un documentaire saisissant sur la vie dans les quartiers les plus pauvres de la grande cité...On pourrait aussi la regarder comme l’histoire éternelle de petits êtres qui essaient de devenir grands, que ce soit le politicien ou le dealer de drogue et qui finissent par redevenir petits...Car tous, à un moment où à un autre sont rattrapés par la « Ville », tentaculaire pieuvre n’ayant de cesse de rejeter ses habitants dans son éternel cercle « dantien »… Cécile Corsi, BDP Watermarks / Yaron Zilberman A Vienne en 1936, la meilleure équipe féminine de natation d’Autriche est juive ! Or, les jeux Olympiques de Berlin approchent.....Que s’est-il donc passé ? 67 ans après, le réalisateur Yaron Zilberman retrouve ces femmes et décide de les faire nager à nouveau ensemble... Quel destin extraordinaire que celui de ces octogénaires...Elles ont toutes en commun d’avoir été les figures de proue du plus fameux club sportif juif de Vienne : l’Hakoah...A l’époque le club avec plus de 3000 adhérents, couvrait toutes les disciplines et remportait tous les championnats. L’équipe de natation féminine se distinguait particulièrement...Parmi les meilleures du monde, elles nageaient avec l’étoile de David cousue sur le buste. L’annexion de l’Autriche par le 3ème Reich a brisé définitivement leur carrière. Avec ce documentaire, Yaron Zilberman a voulu réunir à nouveau ces femmes, qui vivent depuis 1939 un peu partout dans le monde et qui, pour la plupart ne sont jamais retournées à Vienne ! Malgré quelques lourdeurs stylistiques (musique, effets dramatiques appuyés..), le film fascine et émeut en même temps...On ne peut rester insensible à ces souvenirs qui surgissent du néant et se superposent au présent. La résurrection de cette équipe sous nos yeux, mémoire d’une jeunesse glorieuse et définitivement perdue nous renvoie brutalement à l’insignifiance de l’être humain... Tout à la fois film sur la Shoah, la jeunesse, la montée du nazisme, l’amour du sport....« Watermarks » prendra toute son intensité lors de la scène finale, lorsqu’enfin réunies, les anciennes nageuses s’élanceront du bord de la prestigieuse piscine de Vienne, théâtre muet de leurs exploits passés...Nostalgie, nostalgie... Cécile Corsi, BDP Terraferma Film italien d’Emanuele Crialese, 2012 Avec : Filippo Pucillo, Donatella Finocchiaro, Mimmo Cuticchio… Sur une petite île au sud de la Sicile, Filippo, sa mère et son grand-père vivent difficilement de l’activité traditionnelle de la pêche. L’été arrivant, ils décident de louer leur maison aux touristes. Un jour, fidèles aux principes de solidarité des gens de la mer, Ernesto et son petitfils sauvent des eaux un groupe de clandestins africains malgré l’interdiction des autorités locales. Cette initiative va forcer chacun des membres de la famille à faire des choix… Dix ans après Respiro, Crialese décrit avec finesse les tiraillements de ses personnages pris entre une solidarité héritée des anciens marins et une attitude individualiste voulant tout ignorer de ce qui se joue autour d’eux, au-delà de l’horizon. Cette histoire est servie par une belle mise en scène, une lumière magnifique et des comédiens attachants. Sous la forme d'un conte moderne et pertinent, voilà un beau film sensible et vrai ! Grand prix du jury à la 68ème Mostra de Venise. Paulette Trouteaud-Alcaraz, BDP Il était une fois en Anatolie / Nuri Bilge Ceylan, réal.2011 Il était une fois...en Anatolie...ça sonne comme un western spaghetti...On a bien un cadavre, des assassins, de grandes plaines sauvages et désertiques...Et pourtant rien à voir avec du Sergio Leone...Un conte de fée alors ? Non plus, point de princesse orientale à l’horizon...Quel est donc ce film ? Un polar ? Un peu, mais c’est aussi et surtout une grande œuvre métaphysique. Un groupe d’homme (des flics, un procureur, deux assassins présumés et un médecin) sillonnent de nuit les routes étroites et sinueuses des plaines d’Anatolie, à la recherche de l’emplacement présumé où un cadavre a été enterré. Filmé par le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan, ce polar nocturne prend une dimension poétique de par son traitement très lent dont le réalisateur s’est fait la spécialité. Pas plus de trois situations (les collines, la nuit au village, la morgue) sur 2h30 de film. Si l’on a la chance de se laisser porter par cette esthétique contemplative, alors nous ne pouvons qu’être émus par la souffrance que l’on devine chez les personnages, leur mal de vivre latent...C’est la grande thématique de l’œuvre de Ceylan. Si l’on veut aller plus loin encore, on pourra chercher les nombreuses références picturales, cinématographiques qui abondent chez ce maître du cinéma turc. Ainsi le sait-on fortement influencé par le réalisateur italien Michelangelo Antonioni qui lui aussi, a toujours mêlé métaphysique et géographie...La quête des personnages dans ces plaines sauvages et mystiques en est une représentation. Pour ce qui est de la peinture, dès la première scène le spectateur pénètre dans un tableau à la Edward Hopper. De même, à la façon d’un Caravage, le périple nocturne de l’équipée est traversé de flamboyants faisceaux de lumières (les feux des voitures, un feu qui brûle dans le village, une lampe sur un plateau à thé...), comme autant de symboles d’une vérité qui ne cesse d’affleurer et qui nous échappe...Le meurtre devient prétexte au fur et à mesure que l’on suit ces hommes...L’assassin s’humanise, le drame du procureur se dévoile, derrière l’inquiétude du médecin on devine des amours perdues...Entre mélancolie et épure, voici une œuvre magistrale et hors du commun à découvrir. Cécile Corsi, BDP Nico lás Echevarría Cabeza de Vaca En 1528, trente-cinq ans après le voyage de Christophe Colomb, une expédition espagnole fait naufrage sur les côtes de Floride. Capturé par les indiens, le trésorier Alvar Nuñez Cabeza de Vaca va connaître l’un des plus extraordinaires destins des premiers découvreurs des Indes Occidentales. Passant du statut d’esclave à celui de thaumaturge et de guérisseur, il mettra plus de huit ans à rejoindre un établissement espagnol de la côte ouest après avoir traversé tout le nord du Mexique. La Relation de voyage qu’il a laissée constitue aujourd’hui un précieux document ethnographique au regard des peuples et des tribus qu’il croisa sur son chemin, dont la plupart n’avaient encore jamais vu de blancs. Sa profonde connaissance des Indiens, durement acquise, en fit par la suite l’un des principaux défenseurs de leur cause auprès des autorités coloniales. Inspiré par son histoire, ce très beau film de Nicolás Echevarría vaut surtout par l’extraordinaire évocation de peuplades aujourd’hui disparues dont nous ne savons presque rien. Le cinéaste laisse donc libre cours à son imagination, reconstituant costumes et coutumes, rites et langages avec une invention dont la vraisemblance n’a d’égale que le luxe baroque, convoquant chez le spectateur le même sentiment d’inquiétante et radicale étrangeté qui dut saisir le conquistador à sa descente de bateau. S’il extrapole certainement quant au réel pouvoir de chamane développé par Cabeza de Vaca, il fait de son histoire un véritable parcours initiatique, dégraissé cependant de tout mysticisme à la Castaneda. Ni sage ni gourou, son explorateur est avant tout un homme de son temps, chrétien sincère ouvert par nécessité à un « autre » que d’autres chrétiens sincères, plus expéditifs, passeront plus simplement au fil de l’épée. Yann Fastier, BDP Martha Marcy May Marlene / Sean Durkin, réal. Après avoir fuit une secte, une jeune femme retrouve sa sœur et son beau-frère et emménage chez eux. Mais hantée par son passé, traumatisée Martha peine à reprendre pied dans le réel...Incapable de communiquer avec sa sœur, ni de leur avouer la raison de sa longue absence, elle sombre peu à peu dans une paranoïa aigue et se persuade que ses anciens geôliers la poursuivent toujours...Les frontières entre réalité et illusions se brouillent peu à peu.... Le film, comme une métaphore du dédoublement de personnalité de la jeune femme, mêle étroitement présent et passé... Se croyant en sécurité chez sa sœur et son beau-frère dans leur jolie maison au bord d’un lac, Martha est pourtant assaillie par des terreurs réelles ou supposées, qui l’empêchent de s’adapter au monde réel...Perturbée en permanence par des flashbacks de sa vie passée à la ferme, le présent de Martha prend peu à peu la forme d’un cauchemar bien réel qui va envahir toute la vie de famille. Le film est une magistrale leçon de non-dits, de silences et de violences contenues...Pas de morale ici ou de discours « psychologisants », il s’agit juste de suggérer par petites touches subtiles le fonctionnement de la secte...Petit à petit le spectateur est amené à comprendre que derrière l’apparence tranquille d’une vie en communauté à la ferme, l’asservissement était bien là : gourou, viol, ésotérisme, rituels, perte de l’identité...Ces retours en arrière qui se mêlent étroitement au présent font entrer le spectateur dans l’esprit torturé de Martha et lui font prendre conscience des 2 niveaux de réalité qui coexistent chez la jeune femme...L’empathie que l’on ressent pour elle nous fait également prendre une certaine distance avec la vie bien paisible et rangée de sa sœur et de son beau-frère...Comme si, nous même, subissions le joug du gourou...ou comme si nous comprenions que depuis longtemps Martha n’a jamais vraiment été sociable...ou comme si la quête d’un ailleurs était peut-être impossible...ou comme si...Vérité, mensonge, réel, irréel...autant de questions qui nous envahissent et restent en suspens. Fascinant ! Une mention spéciale pour deux acteurs : Elizabeth Olsen la plus jeune sœur des très connues jumelles Olsen, qui joue ici brillamment son 1er rôle et le hiératique John Hawkes qui incarne le gourou, déjà remarqué dans le superbe thriller « Winter’s bone » A voir aussi : Winter’s bone / Debra Granik, réal. Cécile Corsi, BDP Jacques Becker Le trou A défaut d’en faire aux détenus, la prison fait parfois du bien aux cinéastes. De Robert Bresson (Un condamné à mort s’est échappé, 1956) à Jacques Audiard (Un prophète, 2009) en passant par Don Siegel (L’évadé d’Alcatraz, 1979), Jacques Becker, dans ce film de 1960, s’incrit dans la longue chaîne de réalisateurs pour qui les quatre murs, loin de brider leur imagination, sont autant de planches où tracer leurs épures. Car le fim de prison et, plus particulièrement le film d’évasion, est avant tout un exercice de réduction : comment faire du plus avec du moins ? Soit, donc, quatre durs enfermés dans une même cellule. Arrive un cinquième, un godelureau, tombé pour une affaire assez improbable. Peut-on lui faire confiance quand on a prévu de s’évader, selon un plan qui nécessite audace, sang-froid, précision et opiniâtreté ? Adapté d’un roman de José Giovanni, ce film raconte une histoire vraie, jouée par son véritable protagoniste, Jean Keraudy, célèbre pour ses multiples évasions. Bien sûr, on est là dans un univers fortement typé dans sa virilité taciturne mais ce n’est pas là l’essentiel : l’essentiel ce sont les gestes, calculés, sans cesse répétés, méticuleux ou violents, souvent filmés en temps réels ; et ce sont les bruits, omniprésents et parfois salvateurs, comme dans cette étonnante séquence où les captifs percent en plein jour le sol de leur cellule, sans ménager leurs coups, comptant sur la rumeur générale de la prison pour faire passer le raffut, selon le principe bien connu de la lettre volée. Dernier film de Jacques Becker, Le trou va donc bien au-delà du film de genre pour atteindre à une sorte d’exercice de style, tendu et presque abstrait dans sa perfection. Au point qu’il importe peu, finalement, que les détenus s’évadent ou non, du moment qu’ils ont tout fait pour ça. Yann Fastier, BDP Le Narcisse noir / Michael Powell, Emeric Pressburger, réal.- 1947 Si « Les chaussons rouges » marquent l’apogée de la carrière du réalisateur Michael Powell, ce dernier aura fait la gloire du cinéma anglais classique avec nombre de chefs d’œuvres dont ce flamboyant drame, « Le Narcisse Noir » réalisé en 1947. L’histoire est celle d’une congrégation de bonnes sœurs de Calcutta, envoyées en mission pour installer un dispensaire dans un ancien harem situé sur les contreforts de l’Himalaya...Un agent du gouvernement britannique est censé les aider sur place dans leurs rapports avec la population. Ouvertement hostile à leur arrivée, il s’oppose d’emblée à la sœur supérieure Clodagh, la choquant par ses manières brutales. Dès lors, les tensions vont aller en s’exacerbant et mettre à rude épreuve la foi des bonnes sœurs. Co-réalisé par Michael Powell et par le scénariste hongrois Emeric Pressburger, le film traite de la difficile adaptation de l’homme occidental confronté à ce qui le dépasse. C’est aussi et surtout l’évocation des tourments physiques et spirituels qui assaillent cette congrégation de sœurs, au contact d’une nature farouche sur laquelle le vent règne en maitre, indifférent à la folie qu’il engendre...Le paganisme des lieux allié à la sensualité qui semble encore imprégner cet ancien harem, accentue le véritable choc thermique entre la pure et ardente foi des soeurs et la tout aussi ardente mais beaucoup moins pure âme du lieu. Et puis il y a l’Homme, incarné dans cet agent anglais qui va cristalliser sur lui bien des désirs refoulés...Mais que dire aussi de cet autre homme, ce vieux sage hindouiste méditant sous son arbre, immobile et silencieux comme s’il sortait de la nuit des temps ? La foi occidentale semble bien mince face à ces gouffres vertigineux... Vous l’aurez compris, les thématiques abondent dans ce drame riche en surprises qui va prendre une dimension quasi « fantastique » grâce à son traitement visuel. La photographie du réputé Jack Cardiff, la beauté du technicolor visible sur le grain de peau des personnages, le travail sur le clair-obscur...Tout ceci n’est pas sans rappeler Rembrandt ou Caravage...Les références picturales abondent d’ailleurs et étirent encore et encore les possibilités d’interprétations de ce trésor du cinéma des années 40. Cécile Corsi, BDP Jeff Nichols Shotgun stories (2007) Un mort, deux fratries qui s’affrontent autour de son souvenir dans la chaleur étouffante d’un été du Midwest. Car avant d’être bon père et bon chrétien, regretté de tous, cet homme fut aussi le père alcoolique et violent de Son, Boy et Kid. Lorsque ceux-ci s’invitent à ses funérailles et disent ce qu’ils ont sur le cœur, leurs demi-frères, aisés et bien intégrés, ne le supportent pas et engagent une spirale de violence dont personne ne sortira sans dommages. Ni héros ni vrais méchants dans cette histoire à l’arrière-goût de tragédie grecque où tout le monde, en définitive, a tout à perdre. Loin de tout spectaculaire et, surtout, de tout manichéisme, Jeff Nichols signait avant son récent Take shelter un premier film exemplaire de ce que le cinéma indépendant américain peut donner de meilleur quand il accepte de tailler dans le vif d’une Amérique en crise, d’une Amérique prolétaire que persistent à ignorer les grosses productions hollywoodiennes. Yann Fastier, BDP Joachim Trier Nouvelle donne (2006) Phillip, Erik : des amis d’enfance qui, tous deux, rêvent depuis toujours de devenir écrivains. Ensemble, ils envoient leur premier manuscrit. Celui d’Erik est refusé quand Philip devient le nouveau jeune prodige littéraire à la mode. Ce qui pourrait fournir la trame d’une classique histoire d’amitié brisée par l’envie part en réalité dans une tout autre direction car, six mois plus tard, Erik va chercher son ami à sa sortie d’un hôpital psychiatrique. Que s’est-il passé ? Et, surtout, Philip, victime de sa passion pour l’adorable Kari, parviendra-t-il à se remettre à écrire ? Ce film serait français, il serait peuplé de poseurs geignards estampillés 6e arrondissement, la lippe molle et la mèche sur l’œil, imbuvables. Il est norvégien et cela fait toute la différence. Car Joachim Trier et sa bande de jeunes acteurs (à commencer par l’excellent Anders Danielsen Lie) parviennent à transmettre une véritable émotion sans le moindre snobisme et, surtout, sans jamais perdre le sens de l’humour. Une réussite prometteuse, donc, confirmée cette année par le très très beau Oslo, 31 août, remake réussi du Feu follet de Louis Malle. Yann Fastier, BDP Les chants de Mandrin est le nouveau film de Rabah Ameur-Zaïmeche. À la différence de Wesh Wesh, de Bled number one ou de Dernier maquis, ancrés dans la réalité contemporaine, c'est un film "à costumes". On est cependant très loin de Fanfan la Tulipe ou de toute sorte de reconstitution historique : Les chants de Mandrin est un film qui nous met face à "la beauté de nos rêves" selon une perspective aussi bien politique que poétique. Après l'exécution de Louis Mandrin, en 1755, ses compagnons entreprennent une nouvelle campagne de contrebande en même temps qu'ils diffusent un recueil de poèmes à la gloire du "capitaine" idéal de leur compagnie de rêveurs. Car s'ils possèdent mousquets, fusils et pistolets (et n'hésitent pas à s'en servir), c'est avant tout dans l'idée qu'ils puisent leur force et leur invulnérabilité. Loin de tout effet réaliste et, surtout, de toute la dramaturgie "habituelle" des films de genre, leur escapade semble un songe ou, plutôt, une sorte de grand jeu où l'on croise un marquis philosophe, un imprimeur qui ne l'est pas moins (le philosophe Jean-Luc Nancy), un colporteur malade en voiture et quelques gabelous qui, comme tout gabelou qui se respecte, ne sont bons qu'à se faire dégommer. Plutôt que de suivre le fil tendu d'un scénario tiré au cordeau, Rabah Ameur-Zaïmeche préfère laisser aller les choses, traînailler un peu sur un plan ou sur un autre, comme ça, pour rien, parce qu'il est beau et donc nécessaire, comme autant d'échappées sur le réel à travers la toile percée du monde tel qu'on voudrait nous l'imposer. À cet égard, les images les plus significatives sont peut-être celles qui s'attardent sur cette jeune femme dont la présence dans le groupe n'est jamais expliquée et dont la gravité muette lui confère une stature à la fois tragique et protectrice. Plus que n'importe quel autre personnage, c'est elle sans doute qui, sans un mot, incarne le mieux l'indomptable et fragile esprit de liberté qui nourrit tout le film. Un film qui accomplit l'exploit d'être à la fois profondément personnel et porté par le désir d'une véritable communauté fraternelle, par ce même souffle qui animait déjà le fameux Comité invisible dans L'appel puis L'insurrection qui vient et qui explique et justifie amplement le prix Jean Vigo dont il a été couronné en 2011. Yann Fastier, BDP « Machete », c’est le grand retour de Rodriguez, le réalisateur d’ « Une nuit en enfer ». C’est aussi l’arrivée sur écran de ce mystérieux vengeur mexicain annoncé par 2 fausses bandes annonces à l’époque de la sortie de « Boulevard de la mort » et de « Grindhouse ». Incarné par le très charismatique Danny Trejo, lui-même ancien voyou repenti, le vengeur s’inspire très clairement du thriller hong-kongais de John Woo, « The Killer ».... Apparemment Rodriguez rêvait d’en faire un à la sauce mexicaine... Entouré d’une horde d’actrices toutes aussi Bad Girls les unes que les autres (Lindsay Lohan, Jessica Alba, Michelle Rodriguez..), Danny le vengeur affronte un ennemi à sa mesure, la légendaire septième dan d’Aikido Steven Seagal. Ce dernier vieilli, adipeux incarne ici un méchant idéal...Alors oui, c’est de l’artillerie lourde, de l’hémoglobine à tout va, des décapitations...On a même droit à une crucifixion ! Mais bon, ça passe car ce déluge visuel est porté par une excitante bande son, entre rock et mariachis. Et puis n’oublions pas la bonne cause de l’histoire: empêcher l’impitoyable politicien texan (Robert de Niro) d’établir une frontière électrique entre Etats-Unis et Mexique...On se délecte de voir le gentil flic de « Miami Vice », Don Johnson, abattre sans ciller d’innocentes victimes que ce soient des femmes ou des enfants !...Car n’oublions pas que tout l’art de Robert Rodriguez, à l’instar de son copain Tarentino, c’est, outre des scénarios bien rythmés, une musique d’enfer et un humour féroce, de réunir des castings jouissifs. Des stars masculines vieillissantes pour faire les méchants et des actrices bien sexy pour érotiser tout ça... Pastiche des films d’action des années 70, à mi-chemin entre le polar et le western, « Machete » est un excellent cru du réalisateur. Alors d’aucuns pourront trouver ça nul, personnellement je trouve ça assez jubilatoire ! Cécile Corsi, BDP Drive / Nicolas Winding Refn, 2011 1er film hollywoodien du réalisateur danois, « Drive » n’est pas un film d’action comme les autres...Il raconte l’histoire d’un jeune homme pas très bavard, cascadeur de cinéma et garagiste le jour, pilote pour malfrats la nuit. Un jour il rencontre sa voisine de palier dont le mari est en prison et qui vit seule avec son petit garçon...Des sentiments très forts naissent entre eux...Cependant le mari revient un beau jour. Le jeune cascadeur lui offrira malgré tout ses services lorsque l’ex-taulard se verra coincé par ses anciens « boss » et contraint d’exécuter un dernier « coup ». Malheureusement, le casse tourne mal, le mari est tué et le jeune conducteur se retrouve piégé, devenant « l’homme à abattre » pour la mafia locale.... A première vue « Drive » aurait pu être une sorte de nouveau « Bullitt », un film de voitures où l’action à la première place. Il n’en est rien... « Drive », selon la volonté de son réalisateur, c’est plutôt un conte de fée qui tourne mal sur bande son électro-pop...Du coup une atmosphère étrange et irréelle baigne cette histoire de mafieux...Et le malaise nait de plusieurs points : Du héros tout d’abord, le mutique Ryan Gosling, qui apparaît presque autiste dans son comportement...Sa façon de s’attacher à sa jeune voisine de palier lui donne un semblant d’humanité qu’il perdra progressivement, révélant peu à peu sa nature froide et impitoyable...Un psychopathe au visage d’ange...Hitchcock serait ravi lui qui adorait tant les contrastes ! Son activité nocturne vient renforcer la tension chez le spectateur: Il impose aux malfaiteurs une course contre la montre, leur donnant 5 minutes pour commettre leur braquage... S’ils remontent à temps dans sa voiture, c’est alors à lui d’employer toute sa virtuosité de pilote pour leur permettre d’échapper à la police. En cela, la scène d’ouverture du film est un sommet du genre ! Mais, encore plus que cette histoire de vengeance mafieuse, c’est la thématique éternelle de l’homme en fuite face à la mort qui constitue ici l’essence même du film...Car n’est-ce pas là le suspense ultime pour tout un chacun ? Cécile (BDP) The river = la femme au corbeau / Frank Borzage .- Film muet de 1929 A l’heure où le cinéma muet revient miraculeusement sous les feux de l’actualité (The Artist), après avoir découvert que, oui, il est toujours possible de regarder un film muet sans s’ennuyer et de le comprendre (...), profitons-en pour découvrir « La femme au corbeau » symbole de ce temps béni de la liberté cinématographique : Voici donc un film mutilé, incomplet, perdu, et pourtant...Il s’agit du grand film érotique des années 20 : The river (titre français, La femme au corbeau) ...Le miracle du DVD est de nous offrir des masters restaurés de cette œuvre de 1929 dont il ne subsiste plus que 54 minutes sur 84...Précieuses minutes retrouvées dans les archives de la Fox. L’histoire est simple, un jeune bucheron d’Alaska un peu frustre rencontre une jeune femme dont l’ancien amant jaloux est emprisonné pour crime passionnel. En gage de son amour fou il lui a laissé un corbeau, symbole de sa jalousie et de son omniprésence. C’est cet étrange duo, femme-oiseau que rencontre le jeune garçon...Ils vont s’aimer fébrilement au sein d’une nature froide et hostile... Le thème central est le désir, la naissance d’un couple et l’initiation d’un adolescent par une jeune femme plus expérimentée. C’est la confrontation classique nature-culture, villecampagne avec la rivière en décor, image symbolique de l’amour et du sexe dans tous ses états...Ode élégiaque, poème de l’amour fou, ce film donne le tournis par son audace et sa beauté visuelle. On y découvre le magnifique Charles Farrell dont le corps érotisé, (on pense à la scène où on « croit » le voir sortir nu de l’eau), a été la figure de proue de la mythologie de Borzage. Borzage, cinématographiquement, c’est l’anti-Frank Capra, et une façon très simple de se souvenir de lui c’est de penser à sa thématique : la naissance d’un couple, l’histoire individuelle d’êtres en marge de la société, hors du temps, indifférents à la marche du monde, au destin collectif (thématique de Capra). « La femme au corbeau » illustre encore ce thème mais cette fois l’érotise carrément. Alors certes au 21ème siècle, on en a vu d’autres...Mais si vous essayez de vous replacer dans le contexte de 1929, peut-être ressentirez-vous les ultimes sensations de l’onde de choc qui a traversé des surréalistes comme André Breton ou Marcel Carné à l’époque. Un film étonnement moderne avec le recul... A voir également : Le couple Charles Farrell-Janet Gaynor dans les mélodrames de Borzage Cécile L’heure suprême (1927) L’ange de la rue (1928) L’heure suprême (1929) Corsi, BDP Super 8 de J.J. Abrams Eté 1979, Dans une petite ville de l’Ohio, un groupe d’adolescents tourne un film de zombies en super 8. Au cours de ce tournage en extérieur, ils sont témoin d’une catastrophe ferroviaire. Peu à peu, ils comprennent qu’il ne s’agit pas d’un simple accident. Des évènements inexplicables se produisent en ville. L’inquiétude et le doute gagnent face à une armée omniprésente. Le chef de la police locale décide de mener l’enquête…. Porté par une troupe de jeunes acteurs, le film rend hommage à tout un pan du cinéma de pur divertissement. C'est un véritable cadeau fait aux fans d'E.T., des Goonies et de zombies qui sont restés de grands enfants. Fidèle reconstitution de l’ambiance des années 80, cette rencontre du 3ème type est un film efficace à regarder en famille ou entre copains ! Paulette Trouteaud-Alcaraz, BDP Titre : Bella gente (les gens biens) D’Ivano De Matteo avec : Monica Guerritore, Antonio Catania Italie, 2011 Durée : 1 h 38 mn Résumé : Un couple de cinquantenaires, Alfredo, architecte et sa femme Susana, psychologue dans un centre pour femmes battues, passent comme tous les ans leurs vacances dans leur maison de campagne. Un jour en allant au village, Susana aperçoit une jeune prostituée se faire violentée. En un instant, elle décide de l’aider et de la sauver. Toute sa vie va être bouleversée… Ce film est une tragi-comédie, celle des idéaux bafoués. Il raconte la chronique d’une famille de gauche, cultivée, aux idées larges. L’arrivée de Nadja, jeune ukrainienne, va bouleverser cet univers. Son intrusion dans ce monde est le révélateur de la « vraie nature » de cette famille. A la fin du film, on ressent comme une sensation de gêne. Elle naît certainement de la conscience de faire partie de cette histoire, comme on fait partie de cette société, prête à faire comme si de rien n’était face aux différences. Ce malaise nous fait nous poser des questions et nous qu’aurions-nous fait ? comment aurions-nous agi ? http://www.allocine.fr/video /player_gen_cmedia=19190916&cfilm=173325.html Paulette Trouteaud-Alcaraz, BDP La mauvaise graine / Mervyn LeRoy, réal.- Warner bros, 1956 La petite Roda est une peste...Mais c’est aussi une petite maligne qui charme tout le monde avec son visage angélique et ses longues nattes blondes façon future belle des champs...Elle trompe son monde en mentant effrontément, en usant de la câlinerie dont elle a bien compris qu’elle serait suivie de récompenses...Des glaces, des petits bijoux, elle veut tout et elle a tout, en enfant gâtée qu’elle est, choyé par des parents dont elle est la fille unique... Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, jusqu’au jour où lui échappe la médaille d’or du meilleur élève de l’école....Et brutalement derrière le masque de la petite fille gâtée et capricieuse, se dessine petit à petit le portrait terrifiant d’un véritable petit monstre... Adapté d’une pièce de théâtre à succès, « La mauvaise graine » est un film passionnant et haletant de bout en bout. Probablement pas un chef d’œuvre stylistique, le côté pièce de théâtre restant très présent jusqu’au générique final probablement pour nous rappeler qu’il s’agit là d’un film fantastique avant tout. Il n’empêche, l’excellence du jeu des acteurs, la mise en scène serrée et le suspense grandissant font que nous ne pouvons qu’être fascinés par l’éclosion de ce génie du mal, dérangés par les questions qu’il soulève par rapport à l’adoption, l’hérédité, l’éducation...et puis surtout enfin quel sacrilège ! Ici le méchant c’est la petite fille... Ce film de Mervyn Le Roy tourné en 1956 fut une source d’inspiration pour les futures chefs d’œuvres de l’horreur des années 70. On pense à « L’exorciste » en 1973 ou encore « La malédiction (=The Omen) » réalisé par Richard Donner en 1976. Cécile Corsi, BDP Out of the blue. Un film de Dennis Hopper Datant de 1980, ce film absolument désespéré, totalement nihiliste, n’a pas pris une ride. Le tournage avait pourtant mal commencé. L’histoire de Cebe, jeune fille condamnée à faire du sur place dans une société étriquée, dont la seule raison de vivre est la violence et la musique, aurait très bien pu ne jamais voir le jour. Jusqu’à ce que Dennis Hopper, simple acteur, reprenne la réalisation et propose sa vision désenchantée du monde qui colle au film, devenu culte depuis, que d’aucuns ont qualifié de « manifeste punk ». Incarné par un Dennis Hopper halluciné, le père de Cebe sort de prison après avoir purgé une peine de cinq ans pour avoir percuté le bus scolaire et tué plusieurs enfants. Son retour marque pour Cebe le retour à la brutalité quotidienne, son père, alcoolique, s’avérant incapable de changer ses habitudes ou ses fréquentations. Sa mère n’est pas mieux, toxicomane, vicieuse, égoïste, elle est loin de personnifier une image positive de la maternité. Dans ce contexte, Cebe sombre, et refuse de sombrer seule… Marianne Peyronnet, BDP Revenge. Un film de Susan Bier. Susan Bier est une grande cinéaste danoise. Son film Brothers était d’une parfaite délicatesse et elle confirme son talent d’exploratrice des sentiments humains avec Revenge, pour lequel elle a remporté l’oscar du meilleur film étranger 2011. Revenge est un film choral qui fait se rencontrer deux familles et s’entremêler leur histoire. Celle d’Anton d’abord, médecin humanitaire qui partage sa vie entre la Suède, où, séparé de sa femme, il s’occupe de son fils Anton, et l’Afrique, où il soigne des réfugiés. Anton n’est pas un enfant heureux. Son père lui manque et il est le souffre douleur des costauds de son école. Un jour, il rencontre Christian, dont la mère vient de mourir d’un cancer. Christian est décidé à se venger de la vie et entraîne Anton dans une spirale de violence qui désarme les adultes. Avec ce magnifique film sur la culpabilité, le pardon, admirablement interprété, Susan Bier se pose des questions sur ce qui différencie l’être humain de l’animal. Par petites touches sensibles, sans jamais porter de jugement sur ses personnages, elle se demande jusqu’où on peut aller par amour ou par haine et suggère que seule l’empathie permet de s’élever et de sauvegarder ce qui nous reste d’humanité. Marianne Peyronnet, BDP Le feu follet / Louis Malle Yann Fastier, BDP Rachida Benmostefa, BDP LAST NIGHT / un film de Massy Tadjedin