Une chorale romande s`est infiltrée dans Paléo

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Une chorale romande s`est infiltrée dans Paléo
SAMEDI-DIMANCHE
24-25 JUILLET 2010
TRIBUNE DE GENÈVE
CulturePaléo
21
Une chorale romande
s’est infiltrée dans Paléo
Entre stands et toilettes, le Männerchor du nord fomente la renaissance
de la chanson bucolique d’antan. Choriste en chef: Thierry Romanens! Rencontre.
Archive. Avec Pollard Berrier
au micro, le groupe est revenu
sur quinze ans de carrière.
FABRICE GOTTRAUX
P
our infiltrer le Paléo,
plus besoin d’une
échelle. Optez plutôt
pour une solution qui
a déjà fait ses preuves. Prenez
un concept empli de bon sens
et de bonhomie comme seule la
Suisse savait en produire d’antan. J’ai nommé: le Männerchor du nord, six chanteurs et
un chef de chœur quelque peu
despotique débarqués sans
crier gare au Paléo.
Tous les jours, la fine équipe
arpente le terrain, donnant à
entendre le vieux répertoire de
chansons
romandes
et
d’ailleurs. On croyait l’Abbé Bovet éradiqué des écoles? Miracle, revoici le chansonnier patriotique de retour en terre
vaudoise. Pas sûr, cependant,
que le célèbre Abbé eut approuvé la façon dont on l’accommode présentement. Depuis le début de la semaine, ces
coquins du Männerchor, on les
a retrouvés parfois dans la fontaine à l’entrée, voire dans les
toilettes du festival…
Mais voyez un peu comme ils
sont beaux, nos choristes! Sous
les chemises entrouvertes, les
torses velus prennent de l’ampleur, lorsque résonne le refrain: «Venez belle fille, Soyez
bien gentille, Là sous la charmille, L’amour nous attend!»
A la question «qui sont-ils?»,
la réponse vient de soi-même à
qui s’arrêtera suffisamment
longtemps pour les écouter. Le
mec, là, au milieu du chœur,
mais oui, c’est Thierry Romanens! Et la chorale d’achever sa
ballade: «Les tables sont prêtes, L’aubergiste honnête, Y’a
des chansonnettes, Et y’a du
vin blanc!» Et santé!
Les charmes discrets
du bucolique
A l’origine du Männerchor
du Nord, il y a la Fête de la
musique à Yverdon. Thierry
Romanens et son complice Fabian Tharin, également chanteur, ont posé leurs premières
marques: «On s’est dit – tiens!
– et si on réunissait des copains qui aiment chanter? Des
musiciens tous d’origines diffé-
(PIERRE ABENSUR)
Archive
touche
les étoiles
CRITIQUE
I
Le Männerchor du nord, dans la fontaine du Paléo. Initiée par les chanteurs Thierry Romanens et Fabian Tharin, la chorale réunit des
musiciens d’un peu partout en Suisse. A la direction, le comédien Antonio Troilo ajoute un zeste de sauvagerie dictatoriale. Il lui suffit
d’un seul mot pour stopper ses choristes: «ta gueule!» (PHOTO: PIERRE ABENSUR)
rentes. Pour en faire un männerchor très suisse, mais avec
un brassage culturel.»
Certes, avoue Romanens, reprendre Le vigneron ou Les 30
chasseurs n’a pas grand-chose
à voir avec ce que lui et ses
compères font d’habitude.
«On s’appuie sur un patrimoine. Et on le fait respectueusement. Même si on
s’amuse à péter les tempos.
Mais au départ, il y a un vrai
amour pour ce répertoire bucolique et, à bien des égards,
parfaitement
désuet.»
Et
Thierry Romanens d’évoquer
quelques pépites glanées sur
la partition: «Il y a un côté
kitsch, c’est vrai. Prenez la
chanson
Fleurette.
Le
deuxième couplet commence
par «bosquet jaloux». Ça mérite réflexion tout de même…»
De quel patrimoine s’agit-il,
au juste? «Il est plutôt romand.
Parce qu’on s’appelle Männerchor du nord vaudois, tout de
même. Mais on ne se limite
pas.» Ainsi de cette incursion
volage chez Julien Clerc, dont
la chorale reprend Mélissa.
Chef de chœur irascible
Paradoxe: männerchor, en
soi, est un terme «teuton»,
nous précise-t-on. Le terme serait devenu populaire grâce à
la chanson de Jean-Villard
Gilles, Le männerchor de Steffisburg. Fabian Tharin: «Avant,
chaque village avait une cho-
rale. En vieillissant, la plupart
ont disparu. A part à Fribourg,
dans les cantons catholiques.»
Outre ses choristes, le Männerchor du nord s’est adjoint
les services du comédien Antonio Troilo, bombardé chef de
chœur. A lui d’y mettre du
burlesque. Sa méthode: un
zeste de sauvagerie dictatoriale. Il lui suffit d’un seul mot
pour stopper la chorale: «ta
gueule!» Efficace.
Thierry Romanens: «On
avait envie d’un spectacle d’humour, qui puisse toucher les
gens parce que ce sont des
morceaux que la plupart des
gens connaissent.» Derrière la
rigolade, il y a du sérieux. On
connaît l’intérêt du public pour
les musiques traditionnelles de
Suisse. En témoigne cette émission qu’Option musique a programmé pour le dimanche 1er août. Le Männerchor
du nord sonne-t-il le retour du
chœur d’hommes? «Ça n’était
pas l’ambition de départ.
Après, quand on voit deux jeunes amateurs de Motörhead
s’arrêter pour nous écouter, on
se dit qu’il y a là un rappel de
l’enfance. Quelque chose qui
revient en mémoire.»
❚ Le Männerchor du nord, au
Paléo, tous les jours dès
l’ouverture sur et hors du site.
Voir notre galerie d’images
sur www.tdg.ch
l est de ces concerts qui
réconcilient avec Paléo.
Face aux bourdonne­
ments inaudibles aux­
quels le festival nous a hélas
habitués pour la plupart de
ses scènes, le chapiteau fait
office d’exception. Comme un
dernier rempart pour le
mélomane venu chercher
autre chose que l’ambiance
seule. Et Archive a su s’en
montrer digne. Une perfor­
mance cosmique, sous forme
de voyage interstellaire, à
laquelle on pourra seulement
reprocher de ne pas avoir
assez duré. Le groupe est
revenu sur quinze ans de
carrière, dans une setlist qui
mêlait habilement le trip­hop
de leurs débuts au rock psy­
chédélico­progressif qui les
caractérise aujourd’hui. Men­
tion spéciale à Pills et Londinium sur lesquels on touche
carrément au sublime. Si les
oreilles exultent, les yeux ne
sont pas en reste. Les visuels
sont magnifiques, et partici­
pent de l’envoûtement géné­
ralisé qui s’empare du public.
Appréciable aussi, la pré­
sence du MC Rosko John –
qui a retrouvé le groupe en
2008 – et de la chanteuse
Maria Q, dont les prestations
s’étaient faites par écrans
interposés lors du dernier
passage d’Archive aux Docks.
Des personnalités qui ont
encore donné de l’épaisseur
à la performance. On en
ressort plus que frustré de ne
pas avoir obtenu un second
rappel…
Sara Dutch
Diam’s sans boulette
A
21 h 30, le public est
prévenu: il va falloir
qu’il «kiffe grave».
Les bonnes vibrations
indispensables à la judicieuse
réalisation du kiff avaient heu­
reusement été déversées deux
heures plus tôt dans le talus de
CRITIQUE
Diam’s. Hier soir sur le terrain de l’Asse.(ALAIN ROUÈCHE)
l’Asse par le reggae pop de
Gentleman. Et la fine pluie
tombée durant le set de l’Alle­
mand n’avait pas pris la tour­
nure d’une averse apocalypti­
que, comme la veille. Tout était
donc réuni pour que Mélanie
Georgoades, alias Diam’s,
puisse «kiffer la vibe» avec ses
fans, très jeunes, les plus âgés
étant souvent les parents qui
attendaient d’un œil inquiet
l’arrivée du «phénomène» mé­
diatique. La convertie à l’islam
allait­elle débarquer en niqab
intégral? Evidemment non,
bien que l’«hénaurme» trai­
ning bleu pétant de la chan­
teuse, assorti à une casquette
sous laquelle dépasse un fou­
lard blanc lui couvrant intégra­
lement le crâne, pourrait faire
croire que la chanteuse s’est
habillée avec un sac. Pantalons
extralarges, inscription «Big
up» sur le torse (le nom de son
association d’aide aux enfants
africains), Diam’s met en scène
sa renaissance dans une théâ­
tralité lourdingue. De dos, son
double lui rappelle les récentes
mésaventures de son succès.
Osera­t­elle
remonter
sur
scène? Bien sûr, car le public
suisse «est le meilleur du
monde», explique­t­elle dans
des basses massives. Poing levé
(pourquoi?) sur cet I am Some­
body guerrier et peu «kiffant»,
elle retrouve le sourire et son
rôle de grande sœur sympa sur
Enfant du désert. On la préfère
dans cet élément, devant un
public kiffant de plus en plus la
vibe de Mélanie. (fb)
ALOAN Electricité, robette et rouflaquettes! Après
les Stevans mercredi, c’était au tour de l’autre
groupe genevois qui «marche» de faire le chapiteau
hier à 18 heures. Au menu, réminiscences trip-hop,
guitares rock et vocalises soul, avec Lyn M au chant
et Granite au rap. (PHOTO: PIERRE ABENSUR)