Télécharger le document ( PDF , 2508 Ko)
Transcription
Télécharger le document ( PDF , 2508 Ko)
Rapport d’activité 2010 Des recherches d’excellence La science au service du développement Six programmes de recherche 1 Risques naturels et climats 2 Gestion durable des écosystèmes du Sud 3 Ressources et accès à l’eau 4 Sécurité alimentaire dans le Sud 5 Sécurité sanitaire 6 Développement et mondialisation \ 12 \ 13 Institut de recherche pour le développement La science au service du développement Depuis plus de 65 ans, l’IRD agit pour améliorer les conditions de vie des populations vulnérables et favoriser l’autonomie des communautés scientifiques dans les pays du Sud. Aujourd’hui, la recherche pour le développement s’envisage à travers d’étroits partenariats Nord-Sud. Les sociétés, la santé, l’environnement et les ressources constituent les trois champs d’étude à travers lesquels l’IRD s’attache à relever les grands défis du développement. Explorer les terrains du Sud Coopérer pour le Sud Désert sahélien, régions volcaniques, fonds marins, forêts tropicales humides, glaciers andins, mégapoles… les milieux physiques et les sociétés explorés par les chercheurs de l’IRD sont multiples. Si plusieurs équipes interrogent les transformations actuelles des systèmes socio-écologiques, l’émergence de pathologies nouvelles et les problèmes de nutrition dans différentes régions du monde, d’autres s’intéressent aux mouvements de population et aux recompositions urbaines, en se penchant par exemple sur les évolutions des périphéries des grandes métropoles en termes d’infrastructures, de gouvernance et d’espace. Villes, patrimonialisation, questions identitaires, lutte contre les maladies infectieuses comptent parmi les facettes de la question du développement qui sont au cœur de l’agenda des recherches en sciences sociales et en santé. À travers l’océan mondial, des campagnes permettent chaque année d’observer les écosystèmes, de mesurer les paramètres physico-chimiques de l’environnement et de repousser ainsi un peu plus loin les limites de la connaissance. Sur une douzaine de points clés de l’Atlantique tropical, un réseau de surveillance météo-océanique, en temps réel, a ainsi été mis en place. Autre initiative conduite en haute mer : la campagne de marquage des gros poissons, réalisée dans le cadre du projet européen MADE1 dont la finalité est de réduire les effets négatifs des pêcheries sur les écosystèmes marins. Les terres encore inexplorées suscitent aussi un grand intérêt pour les scientifiques. Le dispositif de recherche de l’Institut a continué d’évoluer dans une dynamique de rapprochement avec les universités et les autres organismes de recherche. Ainsi, le processus d’UMRisation est désormais généralisé avec 95 % d’unités mixtes. Au 1er mai 2011, l’IRD comptait 58 unités dont 3 internationales. Afin de mettre en œuvre la programmation et la politique d’investissement de la flotte océanographique française, l’unité mixte de service FOF2 a été créée en partenariat avec le CNRS, l’Ifremer et l’Institut polaire français Paul-Émile-Victor. Outre son engagement dans les UMR, l’IRD a pleinement pris part à l’évolution actuelle du paysage national de la recherche, notamment en devenant membre des pôles de recherche et d’enseignement supérieur. Déjà associé à deux alliances Aviesan sur les sciences de la vie et de la santé - Ancre sur la recherche pour l’énergie, l’Institut a participé à la création de l’Alliance nationale de recherche pour l’Environnement (AllEnvi) dont la mission est d’organiser une meilleure synergie des acteurs de la recherche sur les problématiques scientifiques liées à l’alimentation, à l’eau, au climat et aux territoires. L’IRD participe aussi aux travaux de l’alliance Athena dédiée aux sciences humaines et sociales. 1 2 MADE : Mitigating ADverse Ecological impacts of open ocean fisheries. Flotte océanographique française. L’expédition Lengguru-Kaimana 2010 Hydroécologie / Maroc. L’expédition Lengguru-Kaimana associant une cinquantaine de scientifiques français et indonésiens a été coorganisée par l’IRD dans le nord de la Papouasie occidentale, l’une des régions du monde les moins bien connues d’un point de vue biologique, archéologique et géographique. Cinq sites répartis sur le pourtour du massif de Lengguru ont été étudiés en vue de retracer l’histoire géologique du lieu, d’expliquer la diversification des habitats et d’établir une première évaluation de la biodiversité, de surface et souterraine. Résultat d’un inventaire préliminaire effectué par les biologistes de l’expédition, la découverte de nouvelles espèces de poissons incluant une espèce cavernicole, d’insectes, de chauves-souris, de crustacés et de gastéropodes. Un vaste champ de recherche a également été ouvert par les archéologues et les paléontologues sur les voies de dispersion et d’échange des peuples anciens. La mission Lengguru-Kaimana 2010 marque le début d’une étroite collaboration franco-indonésienne sur l’étude des milieux karstiques. Le réseau scientifique aujourd’hui constitué se destine à développer des programmes de grande envergure, notamment dédiés aux mécanismes de structuration et de régulation de la biodiversité au sein des massifs karstiques intertropicaux. Rapport d’activité 2010 Dans le cadre du programme Investissements d’avenir géré par l’ANR, l’IRD a répondu conjointement à plusieurs appels à projets. Il est désormais partenaire de trois « équipements d’excellence » (équipex), 15 « laboratoires d’excellence » (labex) et un « institut hospitalo-universitaire » (IHU). Les partenariats engagés en métropole sur les questions de sécurité alimentaire ont trouvé un écho au plan international. La première édition de la Conférence mondiale sur la recherche agricole pour le développement s’est tenue à Montpellier, ville retenue pour accueillir le siège du consortium du CGIAR3. Le succès de la candidature française est le résultat d’une mobilisation forte des établissements scientifiques, de l’agglomération montpelliéraine, de la Région LanguedocRoussillon et des ministères concernés. L’ensemble de ces acteurs avait mandaté la fondation Agropolis International, dont l’IRD est membre fondateur, pour coordonner et porter la candidature de Montpellier. près de 750 scientifiques et dont l’IRD est l’une des douze institutions partenaires. Faire avancer la connaissance par les publications L’évolution du nombre de publications reflète le dynamisme des équipes de recherche. Le nombre d’articles publiés par les chercheurs de l’IRD a progressé d’environ 7 % et atteint 1 640 dont 1 320 référencés dans le Web of Science et près de 320 autres articles recensés dans la base Horizon en sciences humaines et sociales. Si l’on considère le périmètre de l’ensemble des UMR, la production représente plus de 3 000 articles. En sciences humaines et sociales, le nombre de publications augmente régulièrement : plus de 400 articles, près de 400 chapitres d’ouvrages, 67 ouvrages et 75 directions d’ouvrages. Parmi les autres collaborations, il faut souligner la participation déterminante de l’Institut à la création du pôle Eau, pôle de compétitivité à vocation mondiale dont l’objectif est de mieux gérer les ressources et les usages contraints par les changements globaux. Ce pôle pourra notamment s’appuyer sur les compétences de l’Institut languedocien de recherche sur l’eau et l’environnement, qui rassemble à Montpellier Le taux de copublication avec des institutions du Sud de 44 % est en légère augmentation. Les copublications concernent principalement le Cameroun, le Sénégal, le Brésil, le Burkina Faso, l’Afrique du Sud, la Thaïlande et le Bénin. La progression est particulièrement notable en Afrique de l’Ouest, en Afrique du Nord et en Asie Pacifique. ARTICLES IRD RÉFÉRENCÉS PUBLICATIONS EN SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES (BASE HORIZON) (WEB OF SCIENCE) La part des publications réalisées dans les UMR et les UMI est maintenant de 84 %, alors qu’elle était de 70 % en 2009 et de 58 % en 2008. Chaque chercheur contribue en moyenne à 2 publications par an et parmi les 771 chercheurs, ingénieurs et techniciens ayant publié, près de 14 % ont signé plus de cinq articles. C’est ainsi que l’IRD agit avec les Suds pour développer des recherches d’excellence centrées sur l’homme et ses relations à l’environnement. Expédition Lengguru / Papouasie. 3 Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale. Contacts [email protected] [email protected] ÉVOLUTION DES COPUBLICATIONS AVEC LE SUD 250 1 600 400 1 400 1 247 1 380 200 1 116 1 200 913 1 000 800 La visibilité des publications est importante : 62 % des articles figurent dans des revues à facteur d’impact élevé dans leur catégorie et plus de 10 % dans des revues d’excellence. Ainsi, 12 articles ont été publiés dans Emerging Infectious Diseases, 9 dans Clinical Infectious Diseases, 8 dans Remote Sensing of Environment, 6 dans Journal of Hydrology, 5 dans PNAS, 5 dans Plos Pathogens, 4 dans Nature, 4 dans The Lancet, 3 dans Science. 599 622 679 726 300 1 011 150 760 200 100 600 100 400 50 200 0 0 2001 2002 20003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 0 2008 2010 Articles Chap. d’ouvrages 2009 Ouvrages 2010 Dir. d’ouvrages 2008 2009 2010 Afrique de l’Est, australe, océan Indien Afrique de l’Ouest et centrale Afrique du Nord, Moyen-Orient Amérique latine Asie, Pacifique \ 14 \ 15 Institut de recherche pour le développement Risques naturels et climats Les événements naturels extrêmes (séismes, tsunamis, éruptions volcaniques, glissements de terrain…) surviennent au Nord comme au Sud. Mais face à leurs conséquences souvent désastreuses, la vulnérabilité des personnes et des infrastructures est plus prégnante encore pour de nombreux pays des Suds. L’étude de ces aléas et de ces risques constitue donc un enjeu prioritaire pour l’IRD et ses partenaires. Complétant la description de ces phénomènes et l’analyse des processus physiques à l’œuvre, la surveillance et la modélisation permettent d’avancer dans la prévision, l’alerte précoce et la prévention. Ces activités intègrent la perception des risques par les populations, la compréhension des vulnérabilités sociétales et l’analyse des politiques publiques en matière de défense civile et de gestion des crises. Dans le même esprit, la variabilité et les impacts du changement climatique occupent une place centrale dans l’agenda des mondes scientifique et politique. La mise en œuvre en zone tropicale de systèmes d’observation in situ et par télédétection des dynamiques atmosphériques, océaniques et continentales et de leurs interactions vise à décrire et à modéliser ces phénomènes. Favorisant notre compréhension des processus en jeu, ces approches permettent de mieux prédire la variabilité climatique régionale, d’affiner les scénarios du changement climatique et d’en préciser les conséquences à différentes échelles 40 CHERCHEURS 5,4 MILLIONS D’EUROS 97 ARTICLES Glissement de terrain / Bolivie. Rapport d’activité 2010 Comprendre les séismes dans la région andine Tremblements de terre et éruptions volcaniques touchent régulièrement la région andine, faisant de très nombreuses victimes et produisant d’énormes dégâts matériels. Après le séisme de Pisco au Pérou en 2007, un événement sismique très puissant a, une nouvelle fois, frappé le Chili en février 2010. Les chercheurs de l’IRD et leurs partenaires étudient depuis plusieurs années le fonctionnement de cette zone de subduction où la plaque océanique de Nazca plonge sous la plaque continentale sud-américaine, afin de mieux cerner les probabilités de récurrence de ces séismes, leur localisation et leur magnitude. Les tremblements de terre sont des phénomènes complexes qui restent impossibles à prévoir. Dans la région de Pisco, une équipe franco-américano-péruvienne1 a, grâce à l’installation d’un réseau de stations GPS, caractérisé l’intégralité du cycle sismique, offrant un éclairage nouveau sur le fonctionnement des failles et les mécanismes physiques en jeu. À défaut de pouvoir annoncer les séismes, ces avancées permettent de dire où auront lieu les prochains grands évènements et quelle en sera l’intensité. Sous l’angle des sciences sociales, une enquête très minutieuse a été menée dans l’une des zones les plus touchées en partenariat avec des acteurs péruviens et une ONG italienne. Les chercheurs ont ainsi montré la Mesures géodésiques / Chili. grande vulnérabilité des populations défavorisées, à la fois les plus concernées par la destruction de leur logement et rencontrant le plus de difficultés pour intégrer le processus de reconstruction. Au Chili, des chercheurs de l’IRD et leurs collègues chiliens et allemands ont mené une série d’observations durant un mois après le séisme et ont reconstitué la carte des soulèvements et affaissements du sol le long de la côte, montrant une zone de rupture s’étalant sur 500 kilomètres. Ces recherches suggèrent que le tremblement de terre a libéré une grande partie de l’énergie stockée dans la plaque occidentale sudaméricaine depuis près de 170 ans. Accumulation puis relâchement de contraintes sont les caractéristiques du cycle sismique dont les périodes sont données par les observations historiques. En se détendant, la plaque est remontée sur son bord provoquant une élévation de la zone côtière jusqu’à 2,5 mètres et entraînant par endroits une avancée du littoral jusqu’à 500 mètres. À l’intérieur des terres, elle s’est affaissée, faisant descendre les terres de près d’un mètre. Le désastreux séisme aurait ainsi permis de relâcher une grande partie de l’énergie accumulée au niveau de ce segment de la zone de subduction chilienne. Ce qui pourrait expliquer l’absence à ce jour de forte réplique, fait assez rare pour des séismes d’une telle magnitude. Chili Au Chili, comme à Pisco, les principales zones de déplacement pourraient correspondre aux lieux où les plaques se bloquent, phénomène qui semble se répéter d’un événement à l’autre. Cette observation laisse entrevoir la possibilité d’identifier les zones à fort potentiel sismique, à l’opposé de zones où les plaques glissent sans frottement, donc sans risque de séisme. Contact [email protected] Publication Science 1 Dans le cadre d’une convention entre l’Instituto Geofísico del Perú (IGP) et l’IRD. Subduction / Chili. LE PARTENAIRE Le département de géologie de l’université du Chili Ce département travaille sur les risques naturels, les ressources en métaux précieux, la géothermie et la tectonique des Andes. Depuis une vingtaine d’années, une étroite collaboration a été développée avec l’IRD sur des sujets d’intérêt commun et a permis la formation de douze docteurs en sciences de la terre. Des études géologiques, géophysiques et géomorphologiques sont notamment menées dans le cadre du programme conjoint « Évolution géodynamique et tectonique de la chaîne des Andes ». Contact Brian Townley, Chef du département de géologie [email protected] http://www.geologia.uchile.cl/ \ 16 \ 17 Institut de recherche pour le développement Climat et santé : le cas de la dengue LE PARTENAIRE Le Centre de prévision du temps et des études climatiques de l’Institut national de recherches spatiales du Brésil existe depuis plus de dix ans. Il a pour mission d’élaborer et de diffuser les prévisions météorologiques, et de modéliser les phénomènes atmosphériques en s’appuyant sur l’analyse des données satellitaires qu’il produit. Ses recherches couvrent un grand nombre de thématiques comme l’hydrologie de surface, la pédologie ou les interactions végétation-atmosphère. La collaboration avec l’IRD porte sur le changement climatique, ses conséquences sur l’environnement et la santé, et sur les stratégies d’adaptation dans les domaines de l’agriculture, du développement rural, de la production hydroélectrique, du transport fluvial et de la gestion des ressources en eau et des zones humides. Ces recherches s’inscrivent notamment dans le cadre de projets européens, CLARIS, CLARIS-LPB et plus récemment DEEPER dont il coordonne la participation brésilienne. Contact Dr Caio Augusto dos Santos Coelho, chercheur attaché [email protected] Par l’influence qu’il exerce sur les populations d’insectes vecteurs, le climat joue un rôle important dans le développement de maladies comme la dengue. Chaque année, celle-ci affecte environ cent millions de personnes et cause 25 000 décès, essentiellement dans les zones tropicales et subtropicales. Mieux connaître les facteurs climatiques agissant sur cette arbovirose1 constitue ainsi un enjeu majeur pour de nombreux pays du Sud. Un programme pluridisciplinaire a été lancé à cette fin par l’IRD et ses partenaires au Brésil2 et dans le Pacifique sud3. Au nombre de quatre, les virus de la dengue se sont répandus, durant la dernière décennie, dans plus de cent pays de la ceinture tropicale et subtropicale. Ils figurent parmi les virus les plus fréquemment transmis à l’homme par des arthropodes. La distribution spatiale de cette maladie virale émergente reflète celle de son vecteur principal, le moustique Aedes aegypti. En l’absence de vaccin, le seul véritable moyen de lutte contre la dengue demeure le contrôle des vecteurs. Afin de comprendre comment le climat agit sur la propagation de la maladie, l’IRD et de nombreux partenaires se sont associés dans le but de produire un indice de risque climatique qui pourrait être utilisé de façon opérationnelle par les pays concernés. Dengue : zones à risque. L’observation a permis la collecte et l’évaluation des données entomologiques mais aussi l’homogénéisation, dans le temps et selon les pays, des données historiques relatives aux épidémies de dengue en vue de constituer un référentiel exploitable. Par la modélisation épidémiologique, sur la base des lois régissant la croissance de l’insecte et l’évolution du virus dans celui-ci, en fonction du climat (température de surface, humidité relative, précipitations), la densité de moustiques femelles « infectantes » c’est-à-dire capables de transmettre le virus a été évaluée. Puis, tenant compte des relations entre l’homme et le vecteur via un indice couramment utilisé en épidémiologie, des cartes de risque épidémique ont été élaborées à partir de données climatiques actuelles et futures. Il est ainsi montré qu’un nombre de jours important, en début d’année, avec une température supérieure à 32 °C et une humidité relative supérieure à 95 % favorise le développement de la maladie. À l’horizon 2100, les zones concernées pourraient s’étendre vers le nord et vers le sud, au-delà des limites géographiques aujourd’hui identifiées. Dans les pays déjà touchés par la dengue, le risque pourrait s’accroître ce qui traduit, dans le modèle, une accélération de la circulation du virus. Si ces résultats ouvrent la voie à une meilleure connaissance globale de l’effet du climat, il reste à montrer que ce type de modèle permet aussi d’analyser régionalement les dynamiques saisonnières et interannuelles des épidémies. Mieux comprendre l’influence de phénomènes comme El Niño et l’oscillation australe dans les pays du Pacifique sudouest permettraient, à terme, la mise en œuvre de mesures de prévention efficaces. Contacts [email protected] [email protected] Publication Climatic Change 1 Maladie virale transmise par l’intermédiaire d’un arthropode. Université fédérale du Rio Grande do Norte (Natal-RN), Université fédérale de Campina Grande et université d’État du Paraíba (Campina Grande-PB), Institut national de météorologie (São Paulo), Institut national de recherches spatiales (Cachoeira Paulista-SP). 3 CNRS, Météo France, Institut Louis Mallardé, Institut Pasteur de NouvelleCalédonie, université de Nouvelle-Calédonie, Direction des affaires sociales et de la santé, Nouvelle-Calédonie. 2 Récolte de moustiques / Bolivie. Rapport d’activité 2010 Gestion durable des écosystèmes du Sud Les écosystèmes terrestres et aquatiques tropicaux assurent l’essentiel de leur subsistance aux populations et aux sociétés des Suds. Leur richesse et leur diversité, restant parfois encore à décrire, sont à la base de ces ressources. Mais ces milieux subissent une forte pression anthropique qui, en se surajoutant aux effets du changement climatique, contribue à la dégradation de l’environnement. En étudiant les agrosystèmes, les écosystèmes aquatiques (marins, littoraux et continentaux) et la biodiversité en zone tropicale, les scientifiques de l’IRD et leurs partenaires développent des approches visant à maintenir la viabilité des biotopes et de leurs usages. Ils apportent ainsi des réponses aux grands défis mondiaux dans des domaines emblématiques : récifs coralliens, aquaculture, forêts tropicales humides, désertification, usages des sols, résistance des plantes à la sécheresse… Participant aux inventaires de la biodiversité, ils développent la connaissance scientifique et favorisent une gestion durable des écosystèmes en préconisant par exemple la préservation via la mise en place d’aires protégées ou des changements d’usages et de comportements 122 CHERCHEURS 22,4 MILLIONS D’EUROS 261 ARTICLES Grenouille / Costa Rica. \ 18 \ 19 Institut de recherche pour le développement Protéger les lagons de Nouvelle-Calédonie LE PARTENAIRE La Direction de l’environnement de la province Sud de la NouvelleCalédonie compte, parmi ses missions, l’acquisition des connaissances sur les milieux littoral, récifal et lagonaire, la préservation et la protection de ces écosystèmes, la gestion du dossier Patrimoine mondial de l’humanité et la valorisation des actions provinciales engagées en faveur de la sauvegarde de l’environnement marin. Depuis 2006, le service de la mer, en charge de ces activités, s’appuie sur l’expertise des scientifiques de l’IRD en vue de mettre en œuvre une gestion responsable de ces milieux naturels. Les chercheurs interviennent également dans le cadre d’actions de sensibilisation auprès des usagers, à propos de l’intérêt écologique des mangroves, la biodiversité des récifs coralliens, etc. Contact Dr. Christophe Chevillon, directeur du service de la mer [email protected] La Nouvelle-Calédonie abrite le deuxième plus vaste lagon corallien de la planète, classé depuis 2008 au Patrimoine mondial de l’Unesco. Dotée d’une biodiversité unique, l’île recèle par ailleurs l’un des plus grands gisements de nickel au monde. L’extraction du minerai, au cours du XXe siècle, a triplé par endroits l’apport de sédiments au milieu marin. Afin de comprendre le fonctionnement des lagons et de les préserver, des chercheurs de l’IRD et leurs partenaires1 ont mené, pendant près de dix ans, un ambitieux programme pluridisciplinaire dans le cadre du « Programme national environnement côtier » (PNEC). Comme dans la plupart des milieux insulaires, les liens culturels et économiques avec la mer sont particulièrement forts en Nouvelle-Calédonie. La richesse de ses écosystèmes marins suscite un vif intérêt chez les scientifiques qui contribuent, depuis plus de 50 ans, à une meilleure connaissance des récifs coralliens. Novateur par son approche pluridisciplinaire, le chantier calédonien du PNEC a été mené de 1999 à 2007. Composition physicochimique des eaux et des sédiments marins, courants responsables de la dispersion des apports continentaux, ciguatera, habitats et peuplements marins, effets des contaminants métalliques sur Lagon / Nouvelle-Calédonie. les êtres vivants, etc., le but des recherches menées est de mieux connaître les lagons néo-calédoniens, à la fois dans leur structure et leur fonctionnement, et d’évaluer l’impact des activités humaines. Les chercheurs ont, par exemple, retracé l’histoire sédimentaire du lagon grâce à des séries de mesures sur les particules qui s’accumulent sur le fond. Outre l’influence des événements climatiques extrêmes, comme les épisodes de fortes pluies tropicales et les cyclones, ces études montrent le rôle important de l’hydrodynamisme, c’est-à-dire de l’ensemble des mécanismes de déplacement des masses d’eau (courants, houle, marées, turbulences), dans la distribution et le devenir des particules et des métaux contenus dans les sols. Un atlas des courants et une cartographie des temps de résidence des eaux dans le lagon ont ainsi été établis et sont autant d’outils qui pourront être utilisés en vue d’une gestion intégrée de la zone. D’autres résultats ouvrent la voie à de nouvelles recherches dans le cadre du GOPS2, en particulier, sur l’effet des phénomènes atmosphériques sur la circulation océanique du proche large. Le bilan des connaissances ainsi réalisé s’adresse tant aux chercheurs et aux étudiants qui se consacrent à ce milieu, qu’aux spécialistes d’autres zones lagonaires de l’océan mondial. Au-delà des perspectives scientifiques, ces travaux favorisent une prise de conscience de la part des décideurs politiques et des exploitants miniers. Modes opératoires moins destructeurs sur le terrain, bassins de rétention pour les effluents, revégétalisation des zones altérées, etc. : les industriels mettent désormais en place un certain nombre de mesures afin de limiter l’érosion des sols et la pollution du lagon. Tout l’enjeu pour les acteurs locaux est de concilier objectifs de développement grâce à la première activité économique de l’île et protection de ce lieu unique, joyau de la biodiversité marine. Contacts [email protected] [email protected] - [email protected] Publication Numéro spécial du Marine Pollution Bulletin 1 Ces travaux ont été réalisés principalement par des équipes de l’IRD, du CNRS, de l’Ifremer, de l’EPHE, des universités de Nouvelle-Calédonie, de France métropolitaine et d’outre-mer et étrangères, dans le cadre du Programme national environnement côtier (PNEC) et avec le soutien du Programme néo-calédonien ZoNéCo. 2 Grand observatoire de l’environnement et de la biodiversité terrestre et marine du Pacifique sud. Biodiversité marine / Nouvelle-Calédonie. Rapport d’activité 2010 La transition agraire en Indonésie Les agroforêts à hévéa de l’île de Sumatra, en Indonésie, sont des écosystèmes riches d’une biodiversité exceptionnelle. Ces forêts domestiques, enrichies en espèces d’intérêt commercial, apportent aux agriculteurs une source diversifiée de revenus, combinant le plus souvent ressources autoconsommées et produits de rente. Des chercheurs de l’IRD et leurs partenaires ont étudié leur fonctionnement et leur évolution alors que s’opère, depuis les années 1990, une transition sans précédent vers des monocultures d’hévéa et de palmier à huile. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’île de Sumatra était presque entièrement recouverte de forêts. Cette ressource naturelle a tout d’abord été valorisée par la chasse et la cueillette puis associée à la culture sur brûlis du riz pluvial. La révolution industrielle en Europe et en Amérique du Nord a généré une forte demande en caoutchouc naturel. En réponse à cette opportunité commerciale, les agriculteurs ont introduit des plants d’hévéa dans leurs essarts, au milieu du riz pluvial. Les agroforêts à hévéa étaient nées. Après avoir connu une expansion jusque dans les années 1990, les agroforêts ont amorcé un déclin au profit de plantations monospécifiques d’hévéa et de palmier à huile. Afin de favoriser la gestion durable de ces nouvelles « mosaïques paysagères », des chercheurs de l’IRD et leurs partenaires se sont associés dans le cadre d’un projet financé par l’Agence suisse pour le développement et mené conjointement avec le Cifor1 et l’IcraF2, dans cinq pays d’Asie et d’Afrique. Leur objectif : apporter une expertise sur les agroforêts en termes socio-économiques et biophysiques et étudier les possibles mécanismes de récompense pour services environnementaux rendus par ces écosystèmes. Quatre années de recherche ont permis de comparer les associations paysagères et de concevoir un outil d’étude des paysages complexes accessible via internet. En Indonésie, les chercheurs constatent l’absence de pression sociale pour maintenir les agroforêts. Du paysan au gouvernement en passant par le secteur industriel, tous les acteurs indonésiens du secteur agricole s’entendent pour développer les plantations monospécifiques, en particulier le palmier à huile. Ce choix s’explique par un revenu bien supérieur à celui de la riziculture ou des agroforêts. À cet avantage, s’ajoutent, pour le palmier, une faible demande en main-d’œuvre et des cycles de production plus courts que ceux de l’hévéa. L’attachement sentimental ou culturel aux systèmes agroforestiers, moins rentables, est un luxe que les populations locales ne peuvent s’offrir. Pourtant, les agroforêts disposent de nombreux atouts. Outre la sécurité qu’elles apportent face aux crises économiques grâce à la diversification des revenus agricoles, elles constituent des écosystèmes intermédiaires entre les plantations et les forêts, susceptibles de jouer le rôle de zone tampon autour des parcs nationaux. Mettre au point des mécanismes de paiement pour services environnementaux et valoriser ainsi la biodiversité, telle est la piste explorée par les équipes de recherche pour favoriser une transition agraire durable au bénéfice des populations indonésiennes. Contacts [email protected] [email protected] Publication Ecology and Society 1 2 Centre international de recherche en foresterie. Centre mondial d’agroforesterie. LE PARTENAIRE Le Cifor, centre international de recherche en foresterie Créé en 1993, le Cifor est une institution de recherche internationale, située à Bogor en Indonésie. Son objectif est d’œuvrer pour la conservation des forêts tropicales et l’amélioration des conditions de vie des populations. Il fait partie des quinze instituts que regroupe le CGIAR, consortium mondial de la recherche agricole pour le développement. Ses travaux et son expertise viennent en appui à la décision en matière de gestion des forêts tropicales en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Depuis une quinzaine d’années, le centre accueille des chercheurs de l’IRD sur des thématiques d’intérêt commun. L’un d’entre eux a assuré, entre 2009 et 2011, la direction d’un des trois grands programmes du Cifor. Contact http://www.cifor.cgiar.org/ [email protected] Palmiers à huile / Indonésie. Récolte du latex / Indonésie. \ 20 \ 21 Institut de recherche pour le développement Ressources et accès à l’eau Dans les pays du Sud, l’accès et le partage de l’eau représentent un enjeu fondamental. 2,6 milliards de personnes ne bénéficient pas d’une eau de qualité. Sous l’effet du changement global, les ressources en eau à usage domestique et agricole font l’objet de pressions et de compétitions croissantes. Le devenir de ces ressources et leur accessibilité suscitent une inquiétude sociétale de plus en plus vive qui se traduit parfois par des conflits. Le déploiement de systèmes d’observation, in situ et satellitaires, permet le suivi de la dynamique hydrologique de surface et souterraine sur un ensemble de terrains allant des zones sahélo-soudaniennes aux glaciers tropicaux. À partir de bilans quantitatifs et qualitatifs, d’une modélisation adéquate et d’une meilleure compréhension des processus et des mécanismes en œuvre, il est possible de proposer des modes de gestion des ressources en eau à l’échelle des bassins versants et des hydrosystèmes. Intégrées au sein de politiques publiques, ces propositions débouchent sur une gestion à la fois plus durable et plus équitable, et donc socialement plus acceptable 141 CHERCHEURS 26,3 MILLIONS D’EUROS 247 ARTICLES Accès à l’eau / Inde. Rapport d’activité 2010 Neige et gestion de l’eau au Maroc LE PARTENAIRE La neige constitue une importante ressource en eau pour les pays montagneux du pourtour de la Méditerranée. Au Maroc, le Haut-Atlas concentre une large part des précipitations, notamment sous forme de neige, et joue le rôle de château d’eau pour les plaines agricoles en contrebas. Fragilisée par la baisse des précipitations, cette ressource est aujourd’hui menacée par l’augmentation de la consommation. Il est ainsi devenu indispensable de suivre le couvert neigeux du massif, grâce notamment à l’imagerie satellitaire, afin de proposer une aide à la décision aux gestionnaires locaux de l’eau. La plaine du Tensift est représentative des problèmes de gestion des zones arides et semi-arides du pourtour méditerranéen. Les chercheurs étendent actuellement leurs travaux au nord et à l’est de la Méditerranée afin de suivre, grâce à la télédétection satellitaire, l’évolution de la ressource issue de la fonte des neiges, en liaison avec le fonctionnement des bassins hydrologiques. Contacts [email protected] [email protected] Publication International Journal of Applied Earth Observation and Geoinformation 1 Université Cadi Ayyad (UCAM) et unité mixte de recherche CESBIO (CNESCNRS-IRD-UPS). 2 Ce travail a été réalisé dans le cadre de la thèse de doctorat d’Abdelghani BOUDHAR « Télédétection du manteau neigeux et modélisation de la contribution des eaux de fonte des neiges aux débits des oueds du Haut-Atlas marocain » - université Cadi Ayyad, faculté des sciences et techniques de Marrakech. 5 km Dans la région du Tensift, en aval des monts du Haut-Atlas, le développement agricole et socio-économique exerce une pression qui impose des règles d’utilisation rationnelle et une meilleure prévision saisonnière. Dans cette perspective, un vaste projet de collaboration a associé, dès 2002, des organismes d’enseignement supérieur et de recherche1 et des gestionnaires tels que l’Agence du bassin hydraulique du Tensift et l’Office régional de mise en valeur agricole du Haouz. Ce partenariat se traduit notamment par le programme SUDMED, sur la gestion intégrée de l’eau agricole dans la région. Grâce à des images du satellite SPOT-VEGETATION, les scientifiques ont cartographié les zones enneigées de la chaîne montagneuse. Ils ont ainsi analysé les variations spatio-temporelles de la couverture neigeuse sur le HautAtlas de 1998 à 2005, révélant d’importantes fluctuations d’une année sur l’autre en termes d’enneigement2 : extension des manteaux, durée et nombre d’épisodes de précipitations solides et de fonte au cours de la saison hivernale. Ces variations ont des conséquences directes sur le débit des oueds et la disponibilité de la ressource à la saison sèche. Pour compléter ces observations globales, l’équipe de recherche exploite également des images de plus haute résolution (10 m). Les perspectives scientifiques offertes par ces nouvelles données apparaissent très prometteuses pour affiner le suivi de la dynamique des manteaux neigeux. Les défis qui attendent les gestionnaires sont d’autant plus grands que le changement climatique fait redouter une baisse non seulement des précipitations totales, mais surtout solides, qui représentent une réserve stockée pendant l’hiver et disponible pendant l’été en période d’étiage. 21 mars Chaîne de l’Atlas / Maroc. 3 avril Fonte des neiges / Maroc. Le partenaire : le laboratoire Géoressources faculté des sciences et techniques du Guéliz, université Cadi Ayyad, Marrakech, Maroc Ce laboratoire mène des travaux dans le but de contribuer à une gestion durable et intégrée des ressources naturelles dans les milieux arides et semi-arides. Il a notamment pour ambition la mise en place d’une recherche interdisciplinaire concernant la ressource en eau dans la région du Tensift/Al Haouz ainsi que la valorisation et le transfert des résultats en termes d’outils de gestion et d’aide à la décision. En collaboration avec l’unité CESBIO de Toulouse, ce laboratoire a créé la jeune équipe CREMAS associée à l’IRD, dont l’un des principaux axes de recherche concerne l’hydrologie de montagne et le suivi du manteau neigeux : modélisation pluie/ débit, mesure de l’érosion, caractérisation des aquifères. Le partenariat engagé se traduit également par le co-encadrement de doctorants sur ces thématiques. Contact Prof. Lahoucine Hanich, [email protected] \ 22 \ 23 Institut de recherche pour le développement Eau, agriculture et pauvreté en Afrique de l’Ouest LE PARTENAIRE L’Autorité du bassin de la Volta1 couvre six pays : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte-d’Ivoire, le Ghana, le Mali et le Togo. Créée en 2007, cette structure de coordination a été progressivement mise en place depuis 2004 pour assurer la gestion de l’eau à l’échelle du bassin. Par ses réunions régulières, l’Autorité permet une concertation sur la planification de l’utilisation des ressources alors qu’un observatoire gère et met en commun les bases de données hydrologiques. La synthèse multidisciplinaire et les documents réalisés dans le cadre du projet de bassin contribuent à l’avancée des connaissances utiles à l’amélioration des conditions de vie des populations. Au Sahel, la productivité de l’eau agricole est faible : la quantité de céréales produite avec un mètre cube d’eau est dix fois moindre que dans la Beauce, le grenier de la France. Ce contexte a conduit, dans le cadre d’un Challenge Programme « Eau et Alimentation », à lancer des recherches internationales au niveau des grands bassins hydrologiques. Une analyse multidisciplinaire des relations entre eau, production agricole et pauvreté a été réalisée à l’échelle de bassins versants. Deux d’entre eux, ceux de la Volta et du fleuve Niger, ont été étudiés sous la coordination de chercheurs de l’IRD. Dans ces bassins, aux conditions climatiques proches, l’agriculture vivrière est essentiellement pluviale : elle ne permet de cultiver que durant la saison des pluies dans les zones le plus au nord. Le reste de l’année, les paysans sont contraints à un exode saisonnier vers d’autres pôles d’activités et les terres demeurent inexploitées. Mieux prévoir les pluies en début de saison pour favoriser le démarrage des cultures est un premier facteur de progrès. La cartographie des zones agro-climatiques montre par ailleurs une forte variabilité spatiale des précipitations avec un net gradient d’aridité croissante du sud vers le nord. Dans le bassin de la Volta, l’évolution de la pluviométrie dépend du déplacement saisonnier de la zone de convergence intertropicale, séparant la mousson de sud-ouest, chaude et humide, de l’Harmattan, vent saharien très sec de nord-est. Plusieurs recommandations ont été émises, notamment la mise en place de dispositifs de collecte d’eau de pluie visant à réduire les pertes par évapotranspiration dans des régions où près de 90 % des précipitations retournent à l’atmosphère. L’aménagement de petits barrages permet ainsi de développer l’irrigation à l’échelle locale, de partager équitablement la ressource et d’introduire des cultures de contre-saison. L’analyse des apports et des usages de l’eau (prélèvement pour la consommation directe, production hydroélectrique…) contribuent à une meilleure compréhension globale du fonctionnement de ces bassins. Mais au-delà de la promotion de solutions techniques, la gouvernance de la ressource en eau par des politiques volontaristes et la concertation entre pays au niveau régional s’imposent également. les situations de transition ou de stade industriel, les autorités couvrent de plus larges zones et peuvent jouer un rôle majeur pour éviter l’apparition de poches de pauvreté, corriger des inégalités entre groupes sociaux ou encore préserver l’environnement. À l’échéance 2050, le défi majeur sera de fournir une eau domestique de qualité et de développer une production agricole permettant de répondre aux besoins d’une population qui pourrait doubler ou tripler d’ici là. La prévention des maladies liées à l’eau est également un enjeu de développement. Contacts [email protected] [email protected] - [email protected] Publication Water International L’efficience des politiques publiques dépend largement de contraintes socio-économiques, et donc de la position de la région dans le gradient de développement : dominance agricole, de transition ou industrielle. Pour les bassins de la Volta et du Niger, qui se situent essentiellement au stade agricole, le rôle des autorités locales est prépondérant par rapport à celui des institutions nationales ou de bassin. Dans 1 Une structure semblable existe au niveau du bassin du fleuve Niger, l’Autorité du bassin du Niger. Contact Dr. Charles A. Biney, directeur exécutif [email protected] Maraîchage / Burkina Faso. Bassin de la Volta. Rapport d’activité 2010 Sécurité alimentaire dans le Sud L’insécurité alimentaire, en particulier en Afrique, demeure une entrave majeure au développement de régions entières, tandis que les perspectives agricoles mondiales et les ressources halieutiques semblent se dégrader. Tensions sur les prix, concurrence des plantes agroénergétiques, acquisitions des terres dans les pays les plus pauvres, surpêche, sont autant de phénomènes qui prennent une ampleur particulière en étant couplés à une croissance démographique soutenue. Pour répondre à ces enjeux, les recherches s’inscrivent dans une perspective d’amélioration des rendements tout en maintenant la fertilité des sols. À cet effet, une meilleure connaissance scientifique en biologie et physiologie végétales permet d’accélérer la sélection variétale et d’identifier les plantes les plus adaptées aux climats et aux sols. Des projets innovants de lutte contre les déprédateurs de cultures complètent ces efforts. L’élimination de la faim et des différentes formes de malnutrition, dans une optique de gestion raisonnée des ressources naturelles et des pêches, mobilise sciences de l’environnement et sciences sociales. La vulnérabilité alimentaire reste un problème majeur notamment dans les régions du Sahel. Les chercheurs identifient alors les populations les plus fragiles, repèrent les mécanismes politiques et sociaux à leur origine et accompagnent les différents acteurs comme les ONG ou les pouvoirs publics. C’est à ces conditions que les politiques gouvernementales en matière de sécurité alimentaire se révèleront à la fois adaptées aux besoins et pérennes 147 CHERCHEURS 26 MILLIONS D’EUROS 238 ARTICLES Récoltes / Burkina Faso. \ 24 \ 25 Institut de recherche pour le développement Améliorer la riziculture africaine LE PARTENAIRE Le Ciat, centre international d’agriculture tropicale, est l’un des quinze instituts internationaux que fédère le CGIAR. Il développe ses activités à Cali, en Colombie, sur de nombreuses plantes tropicales d’intérêt pour l’Amérique latine et l’Afrique. Depuis 1995, les collaborations avec l’IRD se sont traduites par la présence continue de chercheurs de l’Institut au Ciat sur des thématiques telles que la bactériose du manioc, la fertilité des sols tropicaux, la génétique et la génomique fonctionnelle du riz. Les recherches sur le riz s’inscrivent désormais au sein du programme GRiSP qui vise à harmoniser les recherches au niveau mondial en associant des centres de recherche internationaux (Irri3,AfricaRice, Ciat), un grand nombre d’institutions au Sud et plusieurs institutions au Nord (IRD et Cirad en France, Jircas4 au Japon). Contact Joe Tohme, Chef du département agrobiodiversité du Ciat [email protected] http://www.ciat.cgiar.org La sécurité alimentaire au Sud repose en grande partie sur la culture de variétés adaptées à leur environnement dans un contexte de changement climatique. Par croisement avec des espèces sauvages ou des variétés traditionnelles, il est possible de rendre les plantes plus résistantes à la sècheresse, à la salinité des sols ou encore aux maladies et aux insectes ravageurs. Afin de faciliter l’amélioration variétale du riz en Afrique, des chercheurs de l’IRD ont imaginé la création de ponts entre les deux espèces de riz cultivé. Ce projet fait l’objet d’une collaboration internationale, soutenue par le Challenge programme « Generation » du consortium mondial de la recherche agricole pour le développement (CGIAR). Particulièrement bien adaptée au stress hydrique et aux agents pathogènes, l’espèce africaine de riz Oryza glaberrima a été utilisée pour créer les variétés Nerica à partir de croisements avec O. sativa, l’espèce d’origine asiatique la plus communément cultivée dans le monde. Distribués en Afrique par AfricaRice1 depuis les années 2000, les riz Repiquage du riz / Mali. Nerica ont été obtenus au prix d’un long effort de sélection dû à la stérilité induite par les croisements interspécifiques. C’est dans ce contexte que le projet iBridges (Interspecific Bridges) a été lancé avec le soutien du CGIAR. Les recherches menées par l’IRD ont ciblé le gène S1, précédemment identifié comme l’un des déterminants clés de cette stérilité, dont une cartographie très précise a été réalisée en partenariat avec le Ciat, centre international d’agriculture tropicale. En s’appuyant sur les travaux de séquençage du génome de toutes les espèces de riz (projet OMAP, Tucson, Arizona), les chercheurs ont déchiffré chez O. glaberrima un fragment chromosomique d’environ un million de bases autour du gène S1. L’ensemble de ces résultats a conduit à l’élaboration d’un modèle génétique qui explique la stérilité des descendances interspécifiques et qui ouvre la voie à des recherches sur les gènes impliqués. À partir de l’analyse de cette séquence génomique, des marqueurs ont été développés et faciliteront la sélection génétique. L’identification des rares individus fertiles dispense ainsi des nombreuses étapes jusqu’alors nécessaires au croisement entre espèces. Ces avancées posent les jalons d’une création variétale utilisant plus largement la biodiversité naturelle des riz africains. Elles sont le fruit d’une étroite collaboration, depuis 2005, avec le Ciat et AfricaRice ainsi qu’avec plusieurs organismes nationaux de recherche agronomique en Afrique, notamment l’Institut d’économie rurale, au Mali, et l’Institut de l’environnement et des recherches agricoles, au Burkina Faso. Le projet iBridges se poursuit dans le cadre du GRiSP2, nouveau programme du CGIAR, lancé à Hanoi fin 2010, au sein duquel l’IRD assurera le pilotage de certains axes de recherche, notamment celui portant sur les croisements interspécifiques. Contacts [email protected] [email protected] Publication Genetics 1 Centre du riz pour l’Afrique (http://www.africaricecenter.org). Global rice science partnership. International Rice Research Institute. 4 Japan International Research Center for Agricultural Sciences. 2 3 Génétique du riz. Rapport d’activité 2010 Impact des filières de production d’anchois péruviens La pêcherie d’anchois du Pérou utilise la plus grande flotte industrielle nationale au monde ciblant une seule espèce de poissons. Elle en prélève en moyenne six millions de tonnes par an. Ces anchois sont presque exclusivement destinés à la production de farine et d’huile. Malgré l’existence d’une flottille artisanale capable d’approvisionner les marchés locaux, seul un pour cent des captures totales est consacré à la consommation humaine directe. Dans un pays où la sous-nutrition affecte un quart de la population, cette situation constitue un paradoxe qu’étudient des chercheurs de l’IRD et leurs partenaires péruviens. La farine et l’huile produites à partir de poissons entrent principalement dans la composition d’aliments pour animaux. Du point de vue énergétique, cette filière longue de transformation qui, en outre, nécessite un transport important de marchandises, est moins efficace pour fournir protéines et acides gras que la consommation directe de poissons. Du fait de ses taux de captures très élevés, la pêcherie péruvienne d’anchois présente toutefois une efficacité remarquable en termes d’énergie consommée et d’impact environnemental associé (émissions de gaz à effet de serre, acidification, etc.). Il reste à savoir dans quelle mesure cet avantage compense la longueur du processus de production. Un nouveau programme de recherche sur les impacts environnementaux et socio-économiques liés à l’exploitation de l’anchois péruvien a été lancé en 2009 par l’IRD et l’Imarpe, rejoints par de nombreux autres partenaires académiques (universités), industriels et associatifs. L’objectif du programme est de quantifier et comparer les filières longues et courtes, d’un bout à l’autre de la chaîne. Une première analyse économique souligne le plus grand profit que permet de dégager la filière huile-farine, stimulée par la demande croissante du secteur aquacole. Cette tendance est confortée par la surcapacité actuelle des usines. Sur les aspects environnementaux, une étude comparée des filières, reposant notamment sur l’analyse de cycle de vie, montre que la consommation d’énergies fossiles constitue de loin le premier impact, suivi par l’usage de peintures anti-incrustantes et de métaux pour la construction des équipements. Ces premiers résultats conduisent d’ores et déjà les scientifiques à encourager des pratiques plus respectueuses de l’environnement : remplacement du fuel lourd par du gaz naturel dans les usines de transformation, utilisation de peintures moins riches en cuivre et en étain, limitation des rejets liquides et solides en mer, etc. scénarios d’exploitation et les impacts des productions aquacoles. In fine, c’est l’ensemble des filières qui sera modélisé afin de suggérer des orientations en matière de politique publique dans une perspective de développement durable. La méthodologie ainsi développée pourra être transposée à d’autres produits de la mer ou agricoles. Contact [email protected] Publication Globec International Newsletter Les prochaines études concerneront les deux extrémités des filières : les flux d’énergie dans l’écosystème selon différents LE PARTENAIRE L’Imarpe - Instituto del mar del Perú a pour mission d’étudier l’environnement marin et sa biodiversité, d’évaluer les ressources et de fournir des informations et recommandations pour la prise de décision sur la pêche, l’aquaculture et la protection du milieu marin afin de contribuer activement au développement du Pérou. Cet organisme qui dépend du secteur pêcherie du ministère de la Production collabore intensivement avec l’IRD depuis plusieurs années pour l’évaluation et la gestion des stocks exploités via des études écologiques et d’océanographie physique. Des outils de représentation et d’analyse des données ainsi que des modèles ont été mis au point conjointement. Un colloque international a été co-organisé en 2006 et un master en sciences de la mer a été lancé en 2010 avec l’appui du laboratoire mixte international DISCOH (Dynamiques du système du courant de Humboldt). Contact Renato Guevara, directeur scientifique de l’Imarpe [email protected] Pêche / Pérou. Anchois / Pérou. \ 26 \ 27 Institut de recherche pour le développement Sécurité sanitaire et politiques de santé L’amélioration de la santé de la mère et de l’enfant et la lutte contre les principales maladies infectieuses occupent une place prépondérante dans les Objectifs du millénaire pour le développement et constituent le cœur de métier de l’IRD en matière de santé. Sida, paludisme et tuberculose, et en particulier leur transmission périnatale, ont des répercussions majeures sur le développement des pays du Sud. La pauvreté favorise en outre les maladies négligées comme la leishmaniose, la maladie de Chagas, les trypanosomoses ou l’onchocercose. Les maladies dites « de civilisation » (cancers, maladies cardio-vasculaires, diabète…), prépondérantes dans les pays du Nord, prennent une place de plus en plus importante dans la morbidité des pays en développement. Les pandémies, notamment virales, qui pourront émerger dans la zone intertropicale, rendent nécessaire le déploiement de moyens de veille épidémiologique et de diagnostic. C’est dans ce contexte que les chercheurs de l’IRD, en partenariat avec leurs homologues du Sud et dans un abord pluridisciplinaire, travaillent à la surveillance, à l’élaboration d’outils de diagnostic performants et adaptés, aux traitements et aux moyens de lutte, voire à l’éradication de certaines pathologies. La réussite de ces projets s’envisage à travers une étroite collaboration avec les sciences humaines et une approche écosystémique de la santé, proposant des démarches viables et applicables dans les contextes locaux 151 CHERCHEURS 28,7 MILLIONS D’EUROS 465 ARTICLES Prévention du Sida / Togo. Rapport d’activité 2010 Carences nutritionnelles au Vietnam Le Vietnam, pays en émergence, est confronté au double problème des malnutritions : la prévalence du surpoids connaît une augmentation rapide alors que les carences en micronutriments et le retard de croissance persistent. La prévention dans ce domaine relève de la responsabilité de l’Institut national de nutrition de Hanoi (INN) avec lequel l’IRD collabore depuis plus d’une dizaine d’années. femmes, les chercheurs ont montré que la supplémentation intermittente préventive en fer et acide folique, en moindre quantité, quelques mois avant et au cours de la grossesse, a un meilleur impact sur la santé de la mère et de l’enfant que les pratiques actuelles d’apport à fortes doses pendant la grossesse. Ces recherches ont contribué à la recommandation récente de l’OMS sur le traitement préventif des femmes en âge reproductif. La majorité des recherches développées conjointement vise à évaluer l’impact des interventions menées auprès des populations les plus à risques que sont les femmes en âge de procréer, les nourrissons et les jeunes enfants. Ces actions concernent principalement l’apport de suppléments et l’enrichissement d’aliments en micronutriments, l’objectif principal étant de définir des stratégies pérennes appropriées dans un contexte où les populations disposent de ressources limitées. D’autres études ont évalué l’impact de l’enrichissement en micronutriments d’aliments destinés à l’ensemble de la population (nuoc mam) ou à des groupes spécifiques tels que les jeunes enfants et les scolaires. Ces interventions ont permis d’améliorer significativement l’état nutritionnel des populations cibles et ont démontré qu’au Vietnam, plusieurs micronutriments autres que le fer étaient impliqués dans l’anémie. Ces résultats amènent à repenser la nature des actions mises en œuvre. L’étude d’efficacité des aliments de complément au lait maternel, produits au Vietnam dans le cadre du projet Fasevie associant l’INN, l’université de médecine de Hanoi, l’IRD et le GRET1, a montré que la consommation régulière de ces aliments protège le nourrisson de la carence en fer et diminue la prévalence de retard de croissance. Un des enseignements les plus récents a été de démontrer que les doses de suppléments recommandées par les organisations internationales sont dans certains cas trop élevées et entraînent parfois des effets secondaires néfastes. Ainsi, dans le cadre d’une étude réalisée sur des jeunes Ces recherches ont donné lieu à deux nouveaux financements internationaux pour la mise en œuvre d’interventions à l’échelle des districts et des provinces. Les travaux actuellement en cours en Asie du Sud-Est (Vietnam, Cambodge) concernent des questions non encore résolues comme l’inefficacité des supplémentations en vitamine A des femmes allaitantes, le rôle de la vitamine A dans l’absorption du fer et l’enrichissement du riz en micronutriments. La question de l’interaction entre carences en micronutriments et maladies chroniques non transmissibles telles que l’obésité constitue un thème important de recherche pour l’avenir. Contact [email protected] Publications Journal of nutrition, Food and Nutrition Bulletin 1 Groupe recherche et d’échanges technologiques. LE PARTENAIRE L’Institut national de nutrition de Hanoi est un établissement public vietnamien placé sous la tutelle du ministère de la Santé. Ses missions recouvrent la surveillance et la recherche dans le domaine de l’alimentation. Il est chargé d’assurer la sécurité sanitaire des populations et réalise l’évaluation des propriétés nutritionnelles et fonctionnelles des aliments. L’Institut mène également des campagnes de sensibilisation en vue notamment de lutter contre les carences en micronutriments et la malnutrition de la mère et de l’enfant. Initié en 1995, le partenariat avec l’IRD s’est renforcé au fil des ans et se traduit par le développement d’études conjointes et le coencadrement d’étudiants vietnamiens et français (doctorats et masters). Contact Dr Le Thi Hop, directrice de l’INN [email protected] Fabrication de nouilles / Vietnam. Alimentation d’enfants / Vietnam. \ 28 \ 29 Institut de recherche pour le développement Paludisme : le gorille à l’origine de la maladie LE PARTENAIRE L’Institut de recherches médicales et d’études des plantes médicinales du Cameroun (IMPM). Le laboratoire de virologie de l’IMPM, fruit d’un partenariat avec l’IRD et le Centre de recherche sur les maladies émergentes et réémergentes, coordonne toutes les activités ayant trait à la recherche sur les primates et l’étude du risque d’émergence de nouvelles infections au Cameroun. Situé dans l’enceinte du ministère de la Recherche, ce laboratoire est accrédité par l’OMS pour la surveillance de la résistance aux anti-rétroviraux. Depuis 1994, les équipes de recherche conduisent des projets collaboratifs tant dans le domaine de la recherche clinique, avec l’évaluation des premiers traitements génériques contre le sida, que dans celui du risque d’anthropozoonose, comme l’illustre la découverte du réservoir simien du HIV-1. Contact Dr Eitel Mpoudi Ngole, responsable du laboratoire de virologie IRD/Cremer/IMPM [email protected] http://www.minresi.net/minresi/ index2.php?cat=impm Le paludisme est la maladie parasitaire la plus répandue dans le monde. Il affecte 250 à 500 millions de personnes chaque année, tuant plus d’un million d’entre elles, dont 90 % en Afrique, le plus souvent de jeunes enfants. Alors que de nombreux progrès ont été faits au cours des dernières décennies en termes de traitement et de prévention, un consortium international de chercheurs, dont une équipe de l’IRD et de l’université Montpellier1 vient de montrer, pour la première fois, que le gorille, le plus grand des primates, est un réservoir animal de la maladie, transmise à l’homme par les moustiques du gernre Anopheles. Le gorille est à l’origine de l’infection de l’homme par le parasite Plasmodium falciparum, responsable de la forme la plus courante du paludisme. Cette découverte réfute de précédentes études, qui avançaient déjà une origine simienne, mais chez le chimpanzé ou le bonobo. P. falciparum avait récemment été détecté chez le gorille par des chercheurs du CNRS et de l’IRD2, mais l’origine de cette infection restait à clarifier. Les scientifiques viennent de démontrer la concordance génétique quasiment parfaite entre les microorganismes décelés chez le grand singe et ceux qui Moustique du genre Anopheles. infectent les humains. Grâce à une technique de séquençage du génome appelée single genome amplification, ils ont identifié et caractérisé les séquences de l’ADN du parasite présent dans des échantillons fécaux d’animaux sauvages. Cette méthode de haute précision leur a également permis de prouver que c’est le gorille qui a contaminé les humains, et non l’inverse. Autre découverte aux conséquences importantes pour la santé publique : les gorilles constituent un réservoir animal du parasite. L’équipe de recherche a analysé plus de 2 700 échantillons fécaux de chimpanzés et gorilles sauvages, collectés sur 57 sites en Afrique centrale subsaharienne, du Cameroun à la République démocratique du Congo, en passant par la République centrafricaine. Cette méthode non invasive, mise au point il y a dix ans par l’équipe de l’IRD et ses partenaires de l’université d’Alabama, a permis de réunir du matériel génétique en quantité, sans pour autant perturber cette espèce protégée. Les résultats des analyses fécales sont inattendus : l’infection à Plasmodium est très répandue chez les gorilles de l’Ouest (Gorilla gorilla), avec des taux de prévalence de 32 à 48 %, voire plus de la moitié des individus contaminés dans certaines communautés. Ces résultats n’indiquent pas si le parasite déclenche une maladie telle que le paludisme, mais ces singes porteurs pourraient constituer des foyers de contamination humaine. Ces travaux posent ainsi un nouveau défi à la lutte contre la maladie. Compte tenu des contacts hommes/singes de plus en plus nombreux en Afrique centrale, notamment du fait de la déforestation massive et des mouvements de population qui s’ensuivent, l’existence d’un réservoir de P. falciparum chez le gorille présage une éradication du fléau encore plus difficile. Contacts [email protected] [email protected] Publication Nature 1 Ces travaux ont été réalisés en collaboration avec plusieurs équipes en particulier de l’université d’Alabama aux États-Unis, du Sanger Institute Malaria Programme au Royaume-Uni et du projet Prévention du sida au Cameroun. 2 PRUGNOLLE et al. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 2010, 107 (4), p. 1458-1463. Gorille / Cameroun. Rapport d’activité 2010 Développement et mondialisation Les multiples facettes de la question du développement rural et urbain des Suds, dans un contexte de mondialisation et de changement global, sont au cœur de l’agenda des recherches en sciences humaines et sociales. Si plusieurs équipes interrogent les transformations actuelles et le devenir des systèmes socio-écologiques dans différentes régions du monde (Maghreb, Afrique subsaharienne, Asie), d’autres s’intéressent aux mouvements de population en se penchant par exemple sur les évolutions des périphéries des grandes métropoles en termes d’infrastructures, de gouvernance et d’espace. Des travaux portent par ailleurs sur les déterminants et les conséquences des migrations sur les sociétés et leur environnement ainsi que sur les recompositions territoriales et identitaires qu’elles engendrent. Fondées sur des études comparatives au niveau régional, ces recherches suscitent un intérêt croissant par le dialogue qu’elles favorisent entre les acteurs de la société. Les grandes priorités auxquelles elles répondent : développement et gouvernance, vulnérabilités, inégalités et croissance, lutte contre la pauvreté, frontières et dynamiques sociales et spatiales, sont largement illustrées par les travaux sur la décentralisation, les migrations, les politiques publiques, les faits religieux et la valorisation des patrimoines locaux 176 CHERCHEURS 27,6 MILLIONS D’EUROS 570 ARTICLES ET OUVRAGES École primaire / Vietnam. \ 30 \ 31 Institut de recherche pour le développement Biodiversité et patrimoine culturel au Brésil LE PARTENAIRE L’Instituto do Patrimônio Histórico e Artístico Nacional est une institution qui relève du ministère brésilien de la Culture. Il a signé en 2009, Année de la France au Brésil, une convention de coopération technique avec l’IRD dans le but de développer des actions conjointes visant la préservation des systèmes agricoles traditionnels, et de renforcer les liens entre recherche et application au développement. La France et le Brésil ont, de fait, des acquis complémentaires dans le domaine de la valorisation des productions localisées. Plus orientés vers les indications géographiques dans le cas de la France, ces acquis sont davantage portés par la dimension culturelle de ce patrimoine et une législation sur l’accès à la biodiversité et aux connaissances traditionnelles associées, dans le cas du Brésil. Cette collaboration a donné lieu à l’organisation conjointe du séminaire francobrésilien Patrimoine culturel et systèmes agricoles tenu à Brasília en 2009. Contact Ana Gita de Oliveira, [email protected] www.iphan.gov.br La préservation des ressources phytogénétiques a longtemps été pensée en termes de conservation, principalement dans des banques ex situ. Ce n’est que récemment qu’une plus grande attention a été accordée aux systèmes agricoles traditionnels, porteurs d’une part importante de l’agrobiodiversité. Dans un contexte de changement climatique et de globalisation, une meilleure compréhension des bases écologiques et socioculturelles de ces systèmes s’impose. Comment assurer la continuité des processus d’innovation et d’expérimentation à l’origine d’une diversité biologique construite et maintenue par l’homme ? Tel est l’objet des recherches conduites par l’IRD et ses partenaires dans la région du Rio Negro au Brésil. Par la mise en place d’un instrument innovant, l’enregistrement d’un bien au patrimoine immatériel de la nation, le Brésil ouvre des pistes pour valoriser les ressources biologiques et les savoirs remarquables liés aux agricultures traditionnelles. En novembre 2010, l’Institut du patrimoine historique et artistique national1 a reconnu le Système agricole traditionnel du Rio Negro, en Amazonie centrale. Ce sont 21 biens culturels qui ont été enregistrés depuis 2000 mais c’est la première fois Rio Negro / Brésil. qu’une telle inscription fait explicitement référence à la notion de système et qu’elle concerne un bien à la fois biologique et culturel. Cet enregistrement résulte d’une synergie entre recherche scientifique, politiques publiques et populations locales. Il s’est appuyé sur le programme Pacta2 qui associe l’IRD et l’Unicamp3, une organisation non gouvernementale, l’Institut Socio Environnemental, l’Iphan et trois associations amérindiennes, l’Association des communautés indigènes du Moyen Rio Negro, la Fédération des organisations indigènes du Rio Negro et l’Association indigène de Barcelos. Les connaissances acquises sur ce système agricole concernent les savoirs et pratiques associés à la gestion de l’espace, la diversité des plantes cultivées, en particulier celle des maniocs amers, la culture matérielle, principalement des objets de vannerie, qui découle de ces productions et le patrimoine alimentaire. Les recherches menées ont ainsi participé à la reconnaissance de ce bien collectif. S’il n’assure pas de protection au sens juridique du terme, cet enregistrement entraîne cependant l’application de mesures de conservation et de valorisation définies d’un commun accord entre la population locale, via ses associations représentatives, et l’Iphan. L’enjeu de ces actions est de maintenir vivant un patrimoine partagé par les vingt ethnies qui vivent le long du Rio Negro et de ses affluents. Cet instrument, qui s’inscrit dans la logique de conventions élaborées par l’Unesco en 2003 et en 2005, permet de préserver la biodiversité agricole en prenant en compte l’interdépendance et la dynamique des facteurs biologiques, écologiques, socioculturels et économiques. Contacts [email protected] [email protected] Publication Colloque Innovation and sustainable development in agriculture and food 1 Iphan. Populations, agrobiodiversité et connaissances traditionnelles associées. 3 Universidade estadual de Campinas. 2 Pâte de manioc / Brésil. Rapport d’activité 2010 Périphéries urbaines : des territoires convoités Au contact de deux mondes, le rural et l’urbain, les périphéries des villes du Sud ont connu de profondes transformations depuis quelques décennies. Avec l’explosion des mégapoles et l’évolution de leur rôle dans la mondialisation, elles sont devenues des espaces très disputés. La comparaison des dynamiques engagées dans plusieurs agglomérations d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine contribue à une meilleure connaissance de ces lieux singuliers et met en lumière l’action primordiale des politiques publiques dans l’aménagement et la gestion de ces territoires. Les approches scientifiques ayant trait aux mutations périurbaines ont elles-mêmes profondément évolué. Dans les années 1960 et 1970, les franges ont souvent été analysées comme de simples extensions de la ville ou des zones rurales en voie d’absorption, sans identité propre. Ce point de vue s’est modifié à partir des années 1980 : le dépassement de l’idée d’une coupure radicale entre le rural et l’urbain a conduit à percevoir ces périphéries comme des espaces singuliers et dynamiques. Avec la métropolisation, liée au rôle des villes dans la mondialisation, d’autres interrogations ont surgi autour des notions d’aggravation des ségrégations et de fragmentation. Le programme de recherche Perisud1 porte sur six agglomérations très diverses, tant sur le plan géographique que Urbanisation / Shanghai. du point de vue économique et politique : Shanghai, Mexico, Lima, Le Cap, Hanoi et Abidjan. L’analyse des logiques nouvelles dans lesquelles les périphéries sont entrées montre que, même là où l’urbanisation a ralenti, elles bénéficient d’une croissance forte grâce au jeu des redistributions de population à l’intérieur de l’agglomération alors que les centres connaissent une augmentation démographique plus faible, voire une diminution. En outre, les franges urbaines sont utilisées et en partie recréées par des populations hétérogènes : aux classes populaires, s’ajoutent et se juxtaposent des classes moyennes et aisées, dans des quartiers voisins mais mieux équipés. Les activités rurales qui subsistent sont parfois dynamisées par la présence du marché urbain et d’infrastructures de transport. Ces zones, où les concurrences se font de plus en plus vigoureuses, deviennent le théâtre de conflits entre différents groupes, par exemple, à Abidjan, entre promoteurs immobiliers ou acquéreurs individuels et autorités coutumières. Dans un tel contexte, le rôle que peuvent jouer les politiques nationales et locales revêt une grande importance. Le Cap, ville engagée dans une démarche promotionnelle, préserve ainsi ses espaces verts et valorise son cadre. En Chine et au Vietnam, l’État est très présent et continue à imposer des zonages et une règlementation stricte sur l’usage des terres alors qu’à Abidjan, à Mexico et à Lima, les politiques ne guident que LE PARTENAIRE L’université San Marcos de Lima peu l’expansion de l’agglomération et ses modalités. Un point commun cependant : le déficit en matière de gouvernance favorise des dynamiques centralisatrices au plan politique et administratif et l’émergence de conflits de compétence entre les différentes instances en place. Contacts [email protected] [email protected] - [email protected] Publications Atlas de Mexico, Paris, Éditions Autrement / Les métropoles des Suds vues de leurs périphéries, Grafigéo 1 Facultad Latinoamericana de Ciencias Sociales (Mexique) ; Universidad Nacional Mayor de San Marcos à Lima (Pérou) ; Académie des sciences agricoles à Hanoi (Vietnam) ; East China Normal University à Shanghai (Chine) ; University of Fort Hare (Afrique du Sud) ; Université d’AbidjanCocody (Côte d’Ivoire). Bogota / Colombie. (Universidad Nacional Mayor de San Marcos), fondée au XVIe siècle, est une université publique qui accueille plus de 30 000 étudiants et joue un rôle important dans le dispositif universitaire péruvien. L’école de géographie de l’université San Marcos collabore avec l’IRD depuis de nombreuses années. Entre 2005 et 2008, un programme de recherche commun a porté sur les dynamiques territoriales liées à la réforme foncière. Cette collaboration a été étendue dans le cadre du master de géographie et d’aménagement du territoire, avec un financement Prefalc, programme régional de coopération actuellement financé par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et l’IRD. Six étudiants de ce master participent aux travaux de Perisud et bénéficient ainsi d’une formation à et par la recherche. Contact Alicia Huamantinco, professeur de géographie à l’université San Marcos de Lima [email protected]