Le nouveau 990 III et la clause démembrée

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Le nouveau 990 III et la clause démembrée
Le nouveau régime de l’article 990 I du CGI applicable aux clauses bénéficiaires démembrées ?
L’assurance vie, malgré le lobbying des assureurs, n’a pas échappé à la volonté du législateur de reformer la fiscalité du
patrimoine afin de trouver quelques recettes supplémentaires pour limiter, autant qu’il est possible, le déséquilibre du budget
de l’Etat. Le régime fiscal particulièrement favorable des clauses bénéficiaires démembrées en a fait les frais. Quelles
conséquences ?
Après avoir creusé les déficits, par les mesures de la loi TEPA, il devenait indispensable de les réduire pour rendre crédible
l’ « obligation » de présenter un budget en équilibre.
Il n’est pas de notre propos de passer en revue les dispositions qui devaient porter réforme de la fiscalité du patrimoine. Nous
voulons seulement commenter les nouvelles dispositions de l’article 11 de la loi de finances rectificative pour 20111, suite à
l’amendement déposé par Olivier Carré2, concernant l’article 990 I du CGI3, modifiant certaines dispositions applicables aux
contrats d’assurance au jour de leur dénouement, lorsque les primes ont été payées avant l’âge de 70 ans, dans le souci
officiellement affiché de les rapprocher de celles de l’article 757 B.
A - Les dispositions nouvelles de l’article 990 I du CGI
Trois dispositions, destinées à « grignoter les niches fiscales », ont été introduites par le législateur dans cet article 990 I. La
dernière nous intéresse plus particulièrement. Elle concerne en effet les clauses bénéficiaires démembrées, dont nous avons
depuis longtemps4 et régulièrement5 souligné le grand intérêt patrimonial, tant sur le plan civil que fiscal.
1ère disposition : Le taux de la taxe passe de 20 à 25% pour la fraction de la part taxable de chaque bénéficiaire
excédant la septième ligne de la première colonne du tableau I de l’article 777 du CGI, c’est à dire 902.838 euros, après
application de l’abattement de 152.500 euros. Le parlement a imposé cette disposition au gouvernement. Sagesse
parlementaire.
2ème disposition : « Le bénéficiaire est assujetti au prélèvement visé au premier alinéa dès lors qu'il a, au moment du décès, son
domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B et qu'il l'a eu pendant au moins six années au cours des dix années précédant le décès, ou dès
lors que l'assuré a, au moment du décès, son domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B ». Opportune disposition qui met fin à une
instruction fiscale du 7 janvier 20006, écartant l’application de l’article 990 I, lorsqu’au jour de la souscription du contrat le
1 V. Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, JO du 30 juillet 2011, page 12969
2 Amendement déposé par Olivier Carré, député UMP du Loiret, le 3 juin 2011 justifié par une volonté de lutter contre ce
qui fut qualifié « d’angles morts » de la fiscalité : « La fiscalité de l'assurance-vie permet au souscripteur de transférer un patrimoine en
franchise de droits, et cela sans limitation de montant, d'une part au profit de son conjoint survivant (ou de son partenaire lié par un pacte
civil de solidarité (PACS), d'autre part au profit par exemple de ses enfants, en recourant au démembrement de la clause bénéficiaire d'un
contrat d'assurance-vie. En effet, seul le bénéficiaire en usufruit est actuellement redevable du prélèvement spécial de 20 % prévu à l'article
990 I du code général des impôts (CGI) lorsqu'il est le bénéficiaire exclusif du capital décès. Or, lorsqu'il s'agit du conjoint survivant ou du
partenaire lié au défunt par un PACS, l'usufruitier est exonéré de ce prélèvement, d'une part et, d'autre part, au décès de l'usufruitier, les
nus-propriétaires reçoivent leur créance en franchise de droits. Afin de supprimer cette faculté d'optimisation fiscale, il est proposé que la
taxation au prélèvement de 20 % des sommes, rentes ou valeurs versées au décès de l'assuré soit répartie entre le nu-propriétaire et
l'usufruitier en faisant application du barème d'évaluation de l'usufruit et de la nue-propriété prévu à l'article 669 du CGI. L'abattement de
152 500 € par bénéficiaire, au-delà duquel le prélèvement est applicable serait réparti selon les mêmes modalités. Le bénéficiaire demeurerait
exonéré pour la part lui revenant, lorsqu'il s'agit du conjoint survivant ou du partenaire du défunt ».
3 Applicable aux contrats souscrits après le 20 novembre 1991 pour les primes versées avant le 70° anniversaire de l’assuré et
après le 13 octobre 1998, ainsi qu’aux contrats souscrits avant le 20 novembre 1991 pour les primes payées après le
13 octobre 1998 quel que soit l’âge de l’assuré.
4 V. Jean Aulagnier, Usufruit et nue-propriété dans la gestion de patrimoine, Ed. Maxima, 1995, 2ème ed.
5 V. Jean Aulagnier, L’attribution partagée usufruit/nue-propriété du capital d’un contrat d’assurance dénoué, Dr et pat.
Juin 2002, Jean Aulagnier, Les mystères de l’article 990 I et de la clause démembrée, Newsletter n° 68, Juin 2009,
http://www.aurep.Com
6 Instruction du 7 janvier 2000, BOI 7 K-1-00
contribuable avait son domicile fiscal hors de France. Juste disposition.
3ème disposition : « En cas de démembrement de la clause bénéficiaire, le nu-propriétaire et l’usufruitier sont considérés, pour
l’application du présent article, comme bénéficiaires au prorata de la part leur revenant dans les sommes, rentes ou valeurs versées par
l’organisme d’assurance, déterminée selon le barème prévu à l’article 669. L’abattement prévu au premier alinéa du présent article est réparti
entre les personnes concernées dans les mêmes proportions ». Désagréable proposition susceptible de remettre en cause l’attribution
partagée du capital d’un contrat d’assurance.
B - De l’exonération de l’usufruitier à la taxation du nu-propriétaire
Le législateur a imposé à l’administration fiscale7 un virage à 180 degrés. Jusqu’alors, elle se refusait à considérer le nupropriétaire comme attributaire d’une partie du capital démembré d’un contrat d’assurance. D’où un seul abattement de
152.500 euros à l’usufruitier, considéré comme disposant de la « jouissance exclusive » du capital Il lui est maintenant
reconnu un droit sur le capital, contrepartie de son droit de créance, mais sans pour autant lui donner l’abattement qu’il
serait en droit de réclamer sur le fondement de l’alinéa 1er de cet article 990 I et de l’instruction fiscale qui a suivi8. Il lui
faudra partager un seul abattement de 152.500 euros avec l’usufruitier, qui le plus souvent n’en a d’ailleurs pas besoin,
lorsqu’il a le statut de conjoint ou de partenaire pacsé.
Ce virage était prévisible tant l’avantage fiscal qui résultait de la combinaison de la doctrine administrative, précisée dans
plusieurs réponses ministérielles9 et de la loi TEPA d’août 2007, était favorable aux bénéficiaires désignés10. Preuve, une fois
de plus, de la versatilité regrettable de l’administration fiscale.
Un exemple permettra de mieux comprendre l’enjeu fiscal de ce changement de position. On partira de la situation
suivante : Monsieur X est décédé. Il avait souscrit un contrat d’assurance11. La valeur de ce contrat, au jour de son décès, est
de 465.000 euros. Il avait désigné pour bénéficiaires son épouse en usufruit, âgée de 72 ans au jour de son décès, son fils
unique en nue-propriété.
Quel régime fiscal supporté par les bénéficiaires ? La réponse diffère selon la date de survenance du décès.
a) Décès survenu avant le 22 août 2007 12 : usufruitier taxé, nu-propriétaire exonéré.
L’administration fiscale considérait qu’en raison du quasi-usufruit de l’article 587 du Code civil, l’usufruitier disposait d’un
usage « exclusif »13 du capital issu du contrat et qu’à ce titre il était seul bénéficiaire. « En effet, l’usufruitier est le seul redevable
de la taxe de 20% dès lors qu’il est le bénéficiaire exclusif du capital décès. A ce titre, il bénéficie de l’abattement de 152.500 € »14, ce
7 A moins que ce soit l’administration fiscale qui ait enfin admis son erreur et suggéré au législateur ce changement de
position. Erreur largement dénoncée v. M. Iwanesko et P. Julien Saint Amant, Assurance vie : variations juridiques et fiscales
autour du démembrement de la clause bénéficiaire, Ed. Francis Lefebvre, Etude, BF 3/2003, p. 168 et s
8 L’instruction fiscale du 30 décembre 19998, publiée le 7 janvier 2000 indique « qu’en cas de pluralité de bénéficiaires l’assiette
taxable… est répartie pour chaque bénéficiaire selon la part des sommes qui lui revient ». Il n’avait pas été précisé dans la loi n° 981226 du 30 décembre 1998, art 37-I ce qui pouvait en être dans le cas du démembrement de propriété qui désigne plusieurs
bénéficiaires appelés à jouir du capital successivement, l’usufruitier d’abord, le ou les nus-propriétaires ensuite.
9 RM Perruchot, JOAN 9 août 2005 n° 60024 page 2617, RM Chatel, JOAN 9 aout 2005 n° 50207, page 7692, RM
Dassault JO Sénat, 25 août 2005 p. 2188, Voir également l’instruction fiscale du 12 janvier 2006, BOI 7 K-1-06
10 V. Michel Leroy, Assurance vie et gestion de patrimoine, lextensoéditions, 2011, p. 105 « ... face aux difficultés
budgétaires... il n’est pas inenvisageable que l’administration revienne sur cette notion contestable de bénéficiaire exclusif ».
11 Contrat souscrit et alimenté avant l’âge de 70 ans
12 Loi TEPA n°2007-1223 du 21 août 2007 - art. 8 (V) JORF 22 août 2007.
13 Ce qualificatif est parfaitement discutable ne serait-ce parce que le quasi-usufruit d’un capital issu du contrat d’assurance
reste soumis à la bonne volonté des enfants nus-propriétaires qui peuvent se prévaloir des dispositions de l’article 601 du
code civil (sauf, si le stipulant l’a expressément écarté) permettant d’exiger de l’usufruitier qu’il donne « caution », à défaut
il sera tenu en vertu de l’article 602 de faire emploi des deniers (point de quasi-usufruit).
14 V. RM Perruchot, n° 60024, JOAN 9 aout 2005, p. 7692 : « L’article 990 I du code général des impôts (CGI) institue un
prélèvement de 20 % sur les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues à un bénéficiaire par un ou plusieurs organismes d’assurances et
assimilés à raison du décès de l’assuré lorsque ces sommes, rentes ou valeurs n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 757 B du
CGI. Il est souligné, d’une part, que l’assiette de ce prélèvement est diminuée d’un abattement de 152 500 € par bénéficiaire et, d’autre
part, que le redevable du prélèvement est le bénéficiaire désigné au contrat à qui l’organisme doit verser les sommes, rentes ou valeurs. Dans
l’hypothèse d’un démembrement de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance et de la survie de l’usufruitier à la date de dénouement du
qui revenait à considérer que le quasi-usufruit valait 100% de la pleine propriété. En conséquence, l’usufruitière aura payé
62.500 euros. Aucune taxe pour le nu-propriétaire.
Capital issu du contrat, profitant « exclusivement » à l’usufruitier
465.000 €
Abattement du bénéficiaire en usufruit
- 152.500 €
Actif taxable
312.500 €
Prélèvement supporté par l’usufruitière : taux de 20%
62.500 €
Prélèvement supporté par le nu-propriétaire
néant
Nous avons dit tout le mal que nous pensions d’une position15 particulièrement mal fondée. Cet usage « exclusif » du capital
par le conjoint n’est jamais que temporaire, comme pour tout usufruit. Il prendra fin au jour de son décès. Il devra restituer
le capital, dont il a joui, au nu-propriétaire, qui a acquis ce droit, à la jouissance future, au jour même de la naissance du
démembrement de propriété. La règle civile n’a jamais écarté les nus-propriétaires sous prétexte que l’usufruitier disposerait
d’une « quasi-propriété16 ». La règle fiscale, non plus, lorsqu’il s’est agit d’appliquer au démembrement de la clause
bénéficiaire l’article 757 B du CGI.
En présence d’un double legs usufruit/nue-propriété, il a toujours été admis l’existence au moins de deux légataires. Ils sont,
pour les biens recueillis dans la succession, taxés l’un et l’autre en fonction de la valeur respective de leur droit. Le quasiusufruit prévu par l’article 587 du code civil n’est que l’extension des pouvoirs de l’usufruitier qui n’élimine pas le nupropriétaire. Ce dernier n’a jamais été ignoré ou contesté sous prétexte que ses droits se dilueraient dans le quasi-usufruit.
Nous avons montré17 que la valeur du droit de quasi-usufruit est strictement égale à la valeur d’un usufruit, et ne peut
représenter qu’une partie de la valeur de la pleine propriété.
Il ne viendrait jamais à l’idée au liquidateur civil d’une succession de considérer que le légataire en nue-propriété a perdu ses
qualités d’héritiers en présence d’un quasi-usufruit18. Cette position a été parfaitement défendue par Pascal Julien Saint
Amand et par Marc Iwanesko19 : « En cas de démembrement de la clause bénéficiaire, il existe deux bénéficiaires distincts, chacun
titulaire 20 d’un droit réel distinct ». Comment être titulaires de droits successoraux sans être héritier ou bénéficiaire ?
Aucun de ces arguments n’a convaincu l’administration qui est restée sur une position jugée par elle comme favorable aux
finances publiques. Un seul abattement au seul quasi-usufruitier.
contrat, l’assiette du prélèvement de 20% précité est constituée par les droits de l’usufruitier qui correspondent aux sommes, rentes ou valeurs
dues. En effet, l’usufruitier est le seul redevable de la taxe de 20 % dès lors qu’il est le bénéficiaire exclusif du capital décès. A ce titre, il
bénéficie de l’abattement de 152 500 €. La circonstance que les sommes, rentes ou valeurs soient réparties par la volonté du nu-propriétaire
et de l’usufruitier n’est pas de nature à remettre en cause cette analyse. Il est précisé que lorsque les sommes, rentes ou valeurs sont versées,
lors du dénouement du ou des contrats, à plusieurs usufruitiers désignés comme bénéficiaires, chacun d’entre eux bénéficie d’un abattement de
152 500 € ».
15 V. J. Aulagnier, Evaluation des droits d’usufruit, de quasi-usufruit et de nue-propriété par la méthode d’actualisation des
flux futurs, Droit et patrimoine n° 76, 1999, p. 64 et s. , également L’attribution partagée usufruit/nue-propriété du
capital d’un contrat d’assurance dénoué, Droit et patrimoine, n° 105, juin 2002, p. 20 et s. J. Pascal Saint Amand et Me.
Iwanesko, Assurance vie : variations juridiques et fiscales autour du démembrement de la clause bénéficiaire, Ed. Francis
Lefebvre, Etude, BF 3/2003, p. 168 et s.
16 Nous avons toujours considéré qu’il aurait été préférable de qualifier l’usufruit des biens consomptibles par le premier
usage de « quasi-propriété » plutôt que « quasi-usufruit ». En disposant temporairement du droit d’arbitrage du bien soumis à
son usufruit, le titulaire de ce droit est plus proche d’un propriétaire que d’un usufruitier.
17 V. J. Aulagnier, Evaluation des droits d’usufruit, de quasi-usufruit et de nue-propriété par la méthode d’actualisation des
flux futurs, art. c.
18 V. J. Aulagnier, L’attribution partagée usufruit/nue-propriété du capital d’un contrat d’assurance dénoué, art.c. p. 28
19 V. P. Julien Saint Amand et M. Iwanesko, art. c. p. 171
20 C.Cass.2è civ. 18-10.1989 : « …l’usufruitier et le nu-propriétaire sont titulaires de droits différents et indépendants l’un de
l’autre » :; Bull. civ. II n° 182
b) Décès survenu entre le 22 août 2007 et le 31 juillet 201121 : usufruitier et nu-propriétaire exonérés.
Mais tel est pris qui croyait prendre. A compter du 22 août 2007, l’administration fiscale a perdu l’avantage fiscal qu’elle
s’était injustement octroyée. Depuis ce jour, le conjoint étant considéré comme seul « bénéficiaire » du contrat, ce capital
échappe totalement et définitivement à tout prélèvement fiscal22.
En effet, suite au vote de la loi TEPA, il a été rajouté dans l’article 990 I que « le bénéficiaire n'est pas assujetti au prélèvement visé
au premier alinéa lorsqu'il est exonéré de droits de mutation à titre gratuit en application des dispositions des articles 795, 796-0 bis23 et
796-0 ter ». Le conjoint usufruitier ne supporte plus aucune taxation. Il était seul à payer la taxe pour la totalité du capital
déduction faite de l’abattement de 152.500 euros. Il en est maintenant exonéré : « La clause bénéficiaire démembrée est devenue un
instrument de défiscalisation totale en ligne directe »24 de la totalité des capitaux issus du contrat.
Plus aucun prélèvement fiscal, tant pour l’usufruitier que pour le nu-propriétaire
Capital issu du contrat, profitant « exclusivement » à l’usufruitier
465.000 €
Actif taxable
néant
Taxe due par l’usufruitière
néant
Taxe du par le nu-propriétaire
néant
On pouvait imaginer que l’administration regrette une position qui, en ne reconnaissant pour seul bénéficiaire le conjoint, se
révèle finalement coûteuse pour son budget. Belle « niche fiscale ».
L’administration fiscale, dans un premier temps, ne se déjuge pas et maintient une analyse « fâcheuse » pour les finances
publiques mais « heureuse » pour les bénéficiaires. Plusieurs réponses ministérielles à Monsieur le sénateur Dassault ont
confirmé cette position de faveur25, « tout arrangement entre usufruitier et nu-propriétaire ne changeant rien en la matière ».
On s’est interrogé pour savoir « quel arrangement » pouvait être visé par l’administration fiscale. Des différentes réponses
ministérielles qui ont suivi on a conclu qu’elle s’appliquait aux arrangements suivants :
Partage entre usufruitier et nu-propriétaire du capital perçu « La circonstance que les sommes, rentes ou valeurs soient
réparties par la volonté du nu-propriétaire et de l'usufruitier n'est pas de nature à remettre en cause cette analyse ».
Convention d’emploi des deniers. Si au terme d’un accord entre quasi-usufruitier et nu-propriétaire il était décidé
d’employer les capitaux dans un placement acquis en démembrement la position de l’administration fiscale n’en serait pas
modifiée pour autant. Alors même que la convention d’emploi a pour effet d’empêcher l’appropriation exclusive, mais
provisoire, des capitaux par le quasi-usufruitier, l’administration, « droite dans ses bottes », ne change pas de position.
Emploi des deniers imposé par le nu-propriétaire à l’usufruitier. Décision prise par le nu-propriétaire, subie par
l’usufruitier, si cette faculté n’a pas été écartée par le stipulant26. L’attribution exclusive des capitaux à l’usufruitier est
subordonnée à l’accord du nu propriétaire qui peut si cette faculté n’a pas été écartée par le stipulant, par le jeu combiné des
articles 601 (caution) et 602 du Code civil demander qu’il soit fait emploi des sommes.
21 Le nouvel article 990 I tel que voté le 6 juillet 2011, n’est applicable qu’au 30 juillet 2011, son application ayant été
retardée par suite du recours au Conseil Constitutionnel.
22 V. F. Sauvage, Le démembrement de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance entre époux au lendemain de la loi
TEPA du 21 aout 2007, AJ Fam, 418, note 10
23 Article 796-0 bis : « Sont exonérés de droits de mutation par décès le conjoint survivant et le partenaire lié au défunt par un pacte civil
de solidarité ».
24 S. Hovasse, Actualité de l’assurance vie 2006-2007 La semaine juridique Ed . notariale, n° 46 16 novembre 2007,
25 RM Dassault, JO Sénat 7 mai 2009, RM Bernier, JOAN 5 mai 2009, V. J. Aulagnier, Les mystères de l’article 990 I et de
la clause démembrée, art.c.
26 En application des articles 601 et 602 du code civil permettant dispense de caution et en conséquence dispense d’emploi
des deniers
Quasi-usufruit écarté par la volonté du stipulant ayant imposé l’emploi des deniers aux bénéficiaires, situation
clairement envisagée dans la question du 05/07/2005 posée par Monsieur Serge Dassault qui suggérait d’ailleurs la réponse
dans les termes suivants27 « En outre, dans l'hypothèse où la clause bénéficiaire prévoit une obligation d'emploi des fonds, il n'y a alors
pas de quasi usufruit. Il est alors indéniable que les bénéficiaires de la nue-propriété ont un droit sur le capital du contrat d'assurance vie dès
l'instant du décès, ils sont par conséquent bénéficiaires du contrat d'assurance vie et doivent pouvoir bénéficier chacun d'un abattement de
152.500 € en plus de celui dont bénéficie l'usufruitier. Il lui demande de bien vouloir le lui confirmer ».
L’administration n’a pas validé la position de M. Dassault, reprenant de manière laconique l’explication retenue pour les
situations envisagées ci-dessus : « …. l'usufruitier est le seul redevable de la taxe de 20% dès lors qu'il est le bénéficiaire exclusif du
capital décès. À ce titre, il bénéficie de l'abattement de 152.500 €. La circonstance que les sommes, rentes ou valeurs soient réparties par la
volonté du nu-propriétaire et de l'usufruitier n'est pas de nature à remettre en cause cette analyse ».
Constatons que cet entêtement n’a pas résisté très longtemps aux exigences des finances publiques. Les « angles morts » de
la fiscalité ont été repérés par le législateur.
c) - Décès survenu après le 30 juillet 2011 : usufruitier exonéré, nu-propriétaire taxé.
L’administration change de position. Elle rapproche28 les règles applicables aux clauses démembrées de l’article 990 I de
celles appliquées lorsque l’imposition répond de l’article 757 B. Rapprochement « vertueux », peut-être, mais incomplet.
Dans l’exposé des motifs avancés par Olivier Carré pour justifier son amendement, cette harmonisation, clairement
invoquée, sert de prétexte : « Cet amendement permettrait par ailleurs d'harmoniser le traitement fiscal des clauses bénéficiaires
démembrées des contrats d'assurance-vie résultant des articles 757 B (droits de succession) et 990 I du CGI (prélèvements sui generis de
20%). En effet, pour les contrats d'assurance-vie entrant dans le champ d'application des droits de succession, qui s'appliquent aux contrats
souscrits depuis le 20 novembre 1991 et pour la fraction des primes versées par l'assuré après l'âge de 70 ans, l'abattement de 30.500 € est
réparti entre l'usufruitier et le nu-propriétaire lorsque la clause bénéficiaire est démembrée, dans les proportions déterminées selon le barème
prévu à l'article 669 du CGI ».
Changement de débiteur. Au nu-propriétaire de supporter l’impôt. Puisque le conjoint est exonéré il faut se tourner vers le
nu-propriétaire, mais alors il faut lui reconnaître ce que hier on lui contestait la qualité de bénéficiaire. Le capital sera alors
partagé en valeur entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, comme sera partagé l’abattement de 152.500 euros qui profitait
avant-hier au seul usufruitier29. Partage effectué pour déterminer la base imposable par application de l’article 669 du CGI.
Capital issu du contrat, profitant « exclusivement » à l’usufruitier, mais réparti
« fiscalement » entre usufruitier et nu-propriétaire par application du barème de l’article
990 I du CGI pour le calcul de la taxe pouvant être due.
465.000 €
Part du capital revenant à l’usufruitier 30%
139.500 €
Part de l’abattement attribué « inutilement » au conjoint usufruitier
- 45.750 €
Taux de taxation : 0%, somme due (exonération de l’article 796-0 bis)
Part du capital revenant au nu-propriétaire
néant
325.500 €
27 Question écrite n° 00342 de M. Serge Dassault, JO Sénat du 05/07/2007 - page 1156, RM JO Sénat du 07/05/2009 - page
1119
28 Ce qu’elle se refusait de faire douze mois plus tôt, v. RM Tardy, JOAN 29 juin 2010, p. 7290, étant cependant précisé
que le rapprochement proposé par l’honorable parlementaire devait se faire dans l’autre sens. Il s’agissait d’harmoniser les
dispositions de l’article 757 B sur celles de l’article 990 I : « Alors que sous le régime de l’article 990 I du CGI une réponse
ministérielle de 2005 prévoit que seul l’usufruitier est concerné par le versement de droits, dans le régime de l’article 757 B le nupropriétaire est quand même tenu d’acquitter des droits de succession sur la valeur de la nue-propriété. Il apparaît juste d’aligner les deux
régimes et de ne faire payer de droits qu’à ceux qui encaissent les fonds au dénouement du contrat , à savoir les usufruitiers ».
29 Capital et abattement seront partagés entre l’usufruitier et le ou les nus-propriétaires.
Part de l’abattement « restant » au nu-propriétaire
- 106.750 €30
Actif taxable
218.750 €
Taux de taxation : 20%, somme due
43.750 €
L’Etat récupère ce qu’il a perdu hier des mains de l’usufruitier, pour le recevoir « en partie » des mains du nu-propriétaire.
Pour les décès qui surviendront à compter du 31 juillet 2011, la LFR apporte un double changement :
- changement de contribuable d’une part,
- changement dans le montant de la dette d’autre part,
Le tableau ci-dessous compare les sommes encaissées par l’administration
Date de survenance du
décès
Avant le 22/08/ 2007
Entre le 22/08/2007 et
le 31/07/2011
Depuis le 31/07/2011
Débiteur de la taxe
USUFRUITIER
AUCUN
NU-PROPRIETAIRE
Montant de la taxe
62.500 €
néant
43.750 €
Le conjoint usufruitier demeure exonéré de taxe. C’est au nu-propriétaire d’apporter sa contribution à l’équilibre budgétaire
pour un montant de 46.550 euros.
Si l’usufruitier n’était pas le conjoint, mais la sœur du défunt et le nu-propriétaire son neveu le tableau de répartition de la
taxe aurait été le suivant :
Date de
survenance du
décès
Avant le 22/08/
2007
Entre le 22/08/2007
et le 29/07/2011
Après le 30/07/2011
Débiteur de la taxe
USUFRUITIER
USUFRUITIER
USUFRUITIER
NU-PROPRIETAIRE
Montant de la taxe
62.500 €
62.500 €
18.750 €
43.750 €
C – L’harmonisation des régimes des articles 757 B et 990 I
Reconnaître au nu-propriétaire la qualité de bénéficiaire, nous l’avions revendiqué, on ne peut qu’approuver. Le
démembrement du capital fait du nu-propriétaire le bénéficiaire de la pleine propriété d’une créance de restitution sur le
fondement de l’article 587 du code civil, créance dont il ne jouira qu’au décès du quasi-usufruitier. Tout nu-propriétaire doit
savoir attendre pour pouvoir jouir tant des revenus (usufruit), que du capital (quasi-usufruit).
On fera cependant reproche à l’administration de n’être pas allée au bout du raisonnement en obligeant au partage d’un seul
abattement, sous le mauvais prétexte que l’abattement unique de 30.500 € prévu par l’article 757 B est partagé entre les
bénéficiaires.
L’article 990 I ne prévoit pas un abattement unique de 152.500 €, mais pour chaque bénéficiaire un abattement de ce
30 Cette fraction d’abattement utilisée par le nu-propriétaire s’imputera sur l’abattement global de 152.500 dont dispose
chaque bénéficiaire. Dans notre exemple, le nu-propriétaire a consommé 106.750 euros, il lui restera 47.750 euros
d’abattement à utiliser dans d’autres attributions bénéficiaires Il devra l’inclure dans l’attestation sur l’honneur qu’il doit
produire auprès des organismes d’assurance. Pour une position plus nuancée v. M. Leroy, Loi de finances rectificative et la
réforme de la fiscalité de l’assurance vie, Les nouvelles fiscales, n° 1074, 1er juillet 2011.
montant31. L’usufruitier et le nu-propriétaire devraient disposer d’un abattement chacun. Evidemment la recette fiscale
aurait été moindre.
Poursuivant le processus d’harmonisation des dispositifs, on pourrait espérer au moins que soit étendue à l’article 990 I la
doctrine administrative32 qui prévoit pour l’application de l’article 757 B que lorsque parmi les bénéficiaires certains sont
exonérés au titre de la loi TEPA (conjoint ou partenaire pacsé) l’abattement de 30.500 € est réparti exclusivement entre les
redevables du prélèvement fiscal.
Dans ces temps de « disette » fiscale, il est difficile d’espérer une plus grande cohérence, si cette mise en cohérence réduit le
montant des recettes de l’Etat.
Constatons que ces nouvelles mesures aggravent la fiscalité supportée par les bénéficiaires d’une clause démembrée.
D - Lever les réserves des compagnies d’assurance !
Cet abandon d’un régime fiscal de faveur ne serait-il pas de nature à décourager l’usage des clauses bénéficiaires
démembrées? Certaines compagnies d’assurance pourraient manquer de « zèle » dans la préconisation d’une clause
bénéficiaire, qu’elles ont parfois plus subie que véritablement voulue et promue, qui, convenons-en, peut présenter
aujourd’hui quelques difficultés d’application.
On imagine les arguments susceptibles d’être mis en avant par les assureurs :
- Comment assurer le paiement de la taxe due par le nu-propriétaire alors même qu’il ne reçoit rien au jour de son
exigibilité ?
- Si le conjoint est bénéficiaire en « pleine propriété » aucune taxe n’est due. N’est-ce pas préférable à une clause démembrée
qui peut soumettre le nu-propriétaire à un prélèvement fiscal ?
Il serait dommage qu’une fiscalité moins favorable, remette en cause une attribution bénéficiaire démembrée,
patrimonialement pertinente, parce que respectueuse des intérêts du conjoint et des enfants, civilement vertueuse, parce que
respectueuse de la réserve héréditaire.
Le conjoint survivant, en application soit de l’article 757, soit de l’article 1094-1 du code civil, hérite très fréquemment de
l’usufruit des biens composant le patrimoine du premier mourant, la nue-propriété revenant aux descendants (voie
successorale). Il est ou serait parfaitement normal que le patrimoine issu du contrat d’assurance (voie bénéficiaire) soit
également réparti, en usufruit au conjoint, en nue-propriété aux enfants. Dévolution cohérente des biens successoraux et des
biens non successoraux.
Répartition, d’autant plus souhaitable, qu’elle permet de respecter les règles ordinaires de la dévolution successorale. La
Cour de cassation n’a-t-elle pas rappelé que : « les limites posées par le législateur à la liberté de disposer de son patrimoine en présence
d’héritier signifient que les règles de dévolution successorale existent et que l’assurance sur la vie ne sert pas à les contourner ».
Lorsque les enjeux patrimoniaux sont importants une attribution démembrée est préférable à une attribution en pleine
propriété. Faire du conjoint le plein propriétaire des capitaux exclut les enfants, contourne la réserve. Cette stratégie ne
trouve plus de limite. L’action protectrice de l’article L 132-13 du code des assurances a de moins en moins de chance de
prospérer devant les juges du fonds33. L’assurance vie est fragilisée dans son régime civil.
31 Article 990 I : « Lorsqu'elles n'entrent pas dans le champ
d'application de l'article 757 B, les sommes ... dues... par un ou
plusieurs organismes d'assurance.... à raison du décès de l'assuré, sont assujetties à un prélèvement à concurrence de la part
revenant à chaque bénéficiaire de ces sommes .... diminuée d'un abattement de 152 500 euros. Le prélèvement s'élève à 20 %
pour la fraction de la part taxable de chaque bénéficiaire inférieure ou égale à la limite inférieure de la septième ligne de la
première colonne du tableau I de l'article 777, et à 25 % pour la fraction de la part taxable de chaque bénéficiaire excédant
cette limite ».
32 RM Le Nay, JOAN, 8 juillet 2008, Instr. fiscale 3 décembre 2007, BOI 7 G-7-0732 : « il n’est pas tenu compte, pour
répartir l’abattement de 30.500 euros entre les bénéficiaires, de la part revenant au conjoint survivant, au partenaire lié au
défunt par un Pacs et aux frères ou sœurs dès lors que l’ensemble de ces personnes sont exonérées de droits de mutation par
décès.. ».
33 Les contrats d’assurance sont d’une réelle utilité patrimoniale aux souscripteurs, qui en justifient largement par leur
utilisation, exercice du droit de rachat consacré par l’article L 132-21 du Code des assurances.
Une attribution démembrée n’élimine pas les descendants. Elle évite aigreurs et rancœurs. Les enfants, créanciers de la
restitution, sont associés à l’attribution bénéficiaire. L’assurance vie est consolidée dans son régime civil. Un dénouement
« apaisé » du contrat d’assurance est possible grâce au démembrement de la clause bénéficiaire
Le démembrement du bénéfice du contrat est incontournable. Il nous faut convaincre non seulement les souscripteurs mais
également les compagnies. Revenons sur les deux arguments avancés.
a) Assurer le paiement de l’impôt dû par le nu-propriétaire par une rédaction appropriée de la
clause bénéficiaire.
La question est d’importance pour les compagnies. Elles sont débitrices de la taxe pour le compte de leur client sur les
sommes qu’ils reçoivent ainsi que le prévoit l’alinéa II de l’article 990 I :
« II.- Le prélèvement prévu au I est dû par le bénéficiaire et versé au comptable public compétent par les organismes d'assurance et assimilés
dans les quinze jours qui suivent la fin du mois au cours duquel les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues par eux ont été versées aux
bénéficiaires à titre gratuit ».
Mais comment assurer le règlement des 43.750 € dus par le nu-propriétaire ? Il ne lui est rien versé. On comprend et admet
leur embarras et donc leur réserve.
Il a été suggéré d’attribuer une partie du bénéfice en pleine propriété au bénéficiaire en nue-propriété, certes mais difficile de
déterminer par avance quel devrait être le montant de la taxe et donc la part du capital revenant en pleine propriété au nupropriétaire34. Cette solution pourrait s’imposer lorsque le stipulant écarte le quasi-usufruit par une obligation d’emploi,
encore qu’il soit possible de limiter l’obligation d’emploi aux capitaux disponibles après paiement des droits pour le compte
du nu-propriétaire, selon la solution que nous préconisons.
Nous proposons de généraliser la solution déjà imaginée pour l’application de l’article 757 B du CGI. Elle réside dans une
rédaction adaptée de la clause bénéficiaire. Le stipulant désigne le bénéficiaire en usufruit, sous condition de prise en charge35
des droits et taxes susceptibles d’être dus par le ou les bénéficiaires en nue-propriété, prise en charge qui viendra s’imputer
sur la créance de restitution.
L’imputation sur la créance de restitution est indispensable. Elle est de nature à éviter toute tentative par l’administration
fiscale de qualification de donation indirecte. Il s’agit d’une charge imposée à l’usufruitier « de faire l’avance » de la dette
fiscale et non pas de payer définitivement pour le compte du nu-propriétaire.
On propose la rédaction suivante :
Bénéficiaires en usufruit sous condition de prise en charge du paiement des droits ou taxes dus par le bénéficiaire en nue-propriété
Bénéficiaires :
Madame X, né à … le ….. , pour la totalité en usufruit, sous la condition ci-après précisée
Monsieur Y, né à … le …. , pour la totalité en nue-propriété
Condition : Si en raison des dispositions fiscales en vigueur au jour du dénouement du contrat il est dû des droits ou taxes à l’Etat, par le ou
les bénéficiaire en nue-propriété, le bénéficiaire en usufruit devra en assurer le paiement par prélèvement sur la somme due par la compagnie.
La créance du nu-propriétaire sera réduite du montant des droits ou taxes payés pour son compte.
On se trouve confronté à une difficulté si le quasi-usufruit a été écarté par le stipulant en raison d’une obligation d’emploi.
L’emploi rend indisponible les capitaux. Comment la compagnie d’assurances pourrait payer les droits ou taxes
éventuellement dus ? La solution réside, là encore, dans une rédaction adéquate de la clause bénéficiaire qui devra prévoir
que l’emploi imposé par le stipulant ne portera que sur la somme disponible après règlement des droits et taxes susceptibles
d’être dus à l’Etat.
34 V. M. Iwanesko et F. Rodriguez, L’article 990 I du CGI et le démembrement de la clause bénéficiaire : le retour, à
paraître BPAT, Le bulletin du patrimoine, Ed. Francis Lefebvre.
35 La jurisprudence a validé depuis une décision de 1978 les charges accompagnant une stipulation pour autrui, v. Cass. Civ.
1ère, 21 nov. 1978, n° 77-14653, v. Michel Leroy, Assurance vie et gestion de patrimoine, Ed. Lestensoeditions, 2011, p.
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Bénéficiaire en usufruit sous condition de prise en charge des droits et taxes
Quasi-usufruit partiel et obligation d’emploi pour le solde
En cas d’attribution de tout ou partie du bénéfice du contrat en usufruit et en nue-propriété, cette attribution démembrée se fera aux charges
et conditions suivantes :
1°) Le bénéficiaire en usufruit sera dispensé de donner caution au sens de l’article 601 du code civil.
2°) Il sera tenu de placer les sommes soumises à son usufruit au sens de l’article 602 du code civil, à l’exception d’une somme équivalente au
montant des droits et taxes susceptibles d’être dus au Trésor Public pour laquelle il pourra faire valoir un quasi-usufruit afin d’être en mesure
d’assurer le règlement des droits et taxes pouvant être dus tant par l’usufruitier que par les nus-propriétaires. La créance de restitution des
nus-propriétaires pour la partie du capital soumise au quasi-usufruitier sera réduite du montant des droits avancés à l’Etat par l’usufruitier
pour leur compte.
3°) L’obligation d’emploi sera satisfaite dans les conditions suivantes............
Cette rédaction bénéficiaire pourrait également être adaptée à une obligation de paiement du bénéfice du contrat dans les
unités de compte ayant été adossées au capital sur le fondement de l’article L 132-1 du Code des assurances (mode de
paiement très rarement utilisé).
b) Optimisation fiscale : la déductibilité de la dette de restitution
Certains constatant ce nouveau « grignotage fiscal », conclueront que le démembrement de la clause bénéficiaire a perdu sa
pertinence fiscale et qu’une désignation du conjoint en pleine propriété est préférable à une désignation en usufruit.
Grâce aux vertus de la loi TEPA, le conjoint bénéficiaire en pleine propriété, reçoit un capital net de droit. S’il est
bénéficiaire en usufruit, sous condition de prise en charge des droits du nu-propriétaire, le capital reçu peut être diminué de
la taxe dont il aura assuré le paiement.
Si l’on recherche une optimisation fiscale globale le démembrement reste une stratégie pertinente.
Nous raisonnons en tenant compte non seulement du décès de l’assuré, mais également de celui, ultérieur, du conjoint. On
formule les hypothèses suivantes : le survivant des époux a placé le capital reçu de la compagnie au décès du premier mourant
dans un contrat de capitalisation (assurance vie ou bon de capitalisation). Par retraits successifs, il a utilisé les revenus
capitalisés, conservant la valeur du capital initial qui profite alors au descendant au jour de son décès.
Quelles conséquences fiscales selon qu’il ait été fait attributaire en pleine propriété ou en usufruit seulement.
- Bénéficiaire en pleine propriété
Au 1er décès, droits dus : néant pour le conjoint (loi TEPA), néant, pour le descendant, et pour cause, il ne reçoit rien. Le
conjoint replace les 465.000 euros sur un bon de capitalisation. Il exerce le retrait régulier des revenus capitalisés. Quelques
années plus tard son décès survient, la valeur de rachat du bon de capitalisation est de 465.000 euros qui s’ajoutent aux autres
actifs de succession qui ont absorbé (on en fait l’hypothèse) l’abattement général de l’article 779-1 du CGI. Les 465.000
euros sont imposés dans la tranche à 20% 36. Somme due 93.000 euros.
- Bénéficiaire en usufruit
Au 1er décès, droits dus : néant pour le conjoint (loi TEPA), 43.750 euros pour le nu-propriétaire (article 990 I). Droits pris
en charge par l’usufruitier. Le conjoint replace le produit net du capital reçu soit 421.750 euros. Il exerce le retrait régulier
des revenus capitalisés. Quelques années plus tard son décès survient le capital revenant à son fils est de 421.7500 euros, sur
lequel s’applique la dette de restitution d’égal montant. Droits dus néant.
Le prélèvement fiscal globalement est inférieur à la situation précédente. L’optimisation fiscale est au rendez-vous.
36 On supposera que les biens successoraux ont absorbé la totalité de l’abattement prévu à l’article 779-1 du CGI.
Capital imposable
Abattement
Droits dus par le nupropriétaire
1er décès
465.000
- 152.500
43.750
2ème décès
421.750
- 421.750
(dette de restitution)
néant
Total
43.750
La déduction de la dette de restitution n’a rien d’exceptionnelle. Elle n’est que le mode opératoire indispensable pour
respecter les dispositions de l’article 1133 du CGI : « ... la réunion37 de l'usufruit à la nue-propriété ne donne ouverture à aucun
impôt ou taxe lorsque cette réunion a lieu par l'expiration du temps fixé pour l'usufruit ou par le décès de l'usufruitier ». Pour éviter, au
décès de l’usufruitier, l’imposition du capital quasi-usufruité, il n’existe pas d’autre solution que de déduire la dette de
restitution de l’actif successoral, dette née de l’obligation de rendre prévue par l’article 587 du Code civil. Il n’y a pas
d’habilité fiscale, mais simple respect d’une règle civile.
Pour garantir au nu-propriétaire la déduction de la dette de restitution, et éviter toute réticence de la part de l’administration
fiscale, nous recommandons qu’au lendemain du 1er décès, usufruitier et nu-propriétaire procèdent à la signature et à
l’enregistrement d’une convention de reconnaissance de quasi-usufruit pour le montant net revenant à l’usufruitier
Nous avons suggéré que figure dans la clause bénéficiaire cette recommandation dans les termes suivants :
« Les bénéficiaires en usufruit et en nue-propriété pourront constater dans un acte notarié ou sous seing privé, enregistré, la nature des droits
qui leur reviennent. Cet acte de reconnaissance de quasi-usufruit portera mémoire de la dette de l’usufruitier et de la créance du ou des nus
propriétaires. Enregistré, il sera satisfait aux dispositions de l’article 773-2 du CGI pour rendre cette dette opposable à l’administration
fiscale ».
Ne pas envisager le démembrement du capital d’un contrat d’assurance en présence d’un conjoint et de descendants serait
regrettable, pour ne pas dire coupable, tant les avantages civils sont évidents et les avantages fiscaux encore conséquents. Le
législateur n’a nullement condamné la stratégie, aux conseillers patrimoniaux de s’en convaincre.
Jean Aulagnier
[email protected]
37 Nous avons souvent dit combien le mot « réunion » nous apparaissait impropre pour qualifier la situation visée. Comment
réunir à la nue-propriété un droit qui n’existe plus. Il serait préférable de parler « d’extinction ».