19.03.2014 - SwissHoldings

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19.03.2014 - SwissHoldings
LA LIBERTÉ
LE FAIT DU JOUR
MERCREDI 19 MARS 2014
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FISCALITÉ DES Sommée par Bruxelles de réformer sa fiscalité des entreprises, Berne cherche la parade.
ENTREPRISES Ses plans sont contrariés par l’offensive contre l’évasion fiscale des multinationales.
La Suisse est prise à contre-pied
L’optimisme
du patronat
GUILLAUME MEYER
La Suisse avait déjà fort à faire, face à l’ire
de l’Union européenne, pour réformer sa
fiscalité des entreprises. Elle s’estimait
presque tirée d’affaire. Mais l’offensive récente des grandes puissances contre les
pratiques fiscales des multinationales
prend la Berne fédérale à contre-pied.
A l’origine, une vague d’indignation:
grâce à des schémas agressifs d’optimisation fiscale, des géants comme Apple,
Google ou Starbucks se sont offert des impôts planchers en toute légalité. Comment
est-ce possible? En fiscalité internationale,
les questions sont souvent simples. Pas
les réponses. Exemple: en vacances en
France, j’achète un morceau de musique
d’un groupe américain, que je télécharge
sur mon téléphone portable suisse. Où ma
consommation est-elle taxée? Aux EtatsUnis où le morceau a été produit, en
France où je l’ai acheté ou en Suisse où je
l’écoute le plus souvent?
Swissholdings, le lobby suisse
des multinationales, estime que
les règles en préparation ne
seront pas forcément nocives.
«Si des pays comme le
Royaume-Uni, l’Irlande, les
Pays-Bas et Singapour doivent
s’adapter au même titre que la
Suisse, sa position n’en sera
pas particulièrement affaiblie,
fait valoir
Martin Zogg
(PHOTO DR),
membre de la
direction de
Swissholdings.
En d’autres
termes, si tous
sont jugés à la même aune, la
Suisse n’a guère à craindre.»
Transfert de bénéfices
Les règles internationales, qui, pour
beaucoup, datent des années 1920, garantissent que les entreprises ne paient pas
d’impôts dans deux pays simultanément.
Elles ont cependant révélé des lacunes
qui permettent aux entreprises de déclarer leurs profits imposables dans des pays
à faible fiscalité, où elles n’exercent pas
d’activité économique réelle. On parle de
«transfert de bénéfices», un stratagème
qui a permis à des multinationales
d’échapper en grande partie à l’impôt. A
la barbe des fiscs nationaux.
L’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE), le
club des pays développés, planche désormais sur de nouvelles règles internationales (lire ci-contre). Les tractations battent leur plein: des résultats sont attendus
pour septembre. Du côté des diplomates
suisses auprès de l’OCDE, à Paris, la mobilisation est totale. «C’est le sujet chaud du
moment», nous explique-t-on. A Berne,
les experts du Secrétariat d’Etat aux questions financières internationales (SFI)
sont à pied d’œuvre: il s’agit d’analyser
l’avalanche de propositions qui rythment
les négociations.
Pourquoi cette effervescence? Parce
que les nouvelles règles pourraient
contrarier les plans du Conseil fédéral. La
Suisse est engagée dans une vaste réforme de l’imposition des entreprises, qui
sera mise en consultation cet été. Objectif: mettre un terme au différend fiscal
avec l’UE, qui conteste les régimes spéciaux accordés à des sociétés étrangères
dans certains cantons, les assimilant à de
la concurrence déloyale. Pour éviter des
mesures de rétorsion, Berne est prêt à
Grâce à des schémas agressifs d’optimisation fiscale, des géants comme Apple, Google ou Starbucks se sont offert
des impôts planchers en toute légalité. Pour les pouvoirs publics, le manque à gagner est colossal. KEYSTONE
abolir les statuts contestés. Mais il veut introduire, en riposte, de nouvelles niches
fiscales.
d’autres pratiques potentiellement dommageables», explique Raffaele Russo, responsable du projet à l’OCDE. Qui précise:
«S’il s’applique à des sociétés qui
déclarent leurs revenus là où elles
les génèrent, nous n’y voyons pas
d’inconvénient.»
Pour taxer les profits
là où ils sont générés,
il faut définir où l’activité
a réellement lieu
Dans cet arsenal, une mesure phare:
la «licence box», un allègement fiscal des
bénéfices issus de la recherche et du développement comme les brevets de l’industrie pharmaceutique. Une mesure
idéale pour attirer des entreprises innovantes, pratiquée au Royaume-Uni et aux
Pays-Bas. Problème: l’OCDE se montre
extrêmement réticente. «Nous nous intéressons à ce régime au même titre que
AVENTURE
Petits pays pénalisés
Mais pour taxer les profits là où
ils sont générés, il faut définir où
l’activité a réellement lieu: là où se
trouve la matière grise, ou là où se trouve
le personnel de fabrication? Les experts
suisses ont senti le piège. «La définition de
l’activité fait largement débat, observe un
proche du dossier. Pour un pays comme
l’Inde, elle a lieu là où se trouvent les machines à coudre. Du point de vue suisse,
en revanche, il faut considérer l’endroit où
s’élabore l’image de marque, la valeur
idéelle du produit.»
FAUNE AQUATIQUE
Du bateau à l’avion solaire
Après le bateau solaire,
l’avion: Raphaël Domjan repart
à l’aventure à bord d’un avion
mû à l’énergie solaire qui veut
atteindre l’altitude record de
80 000 pieds. L’objectif est de
démontrer le potentiel des
énergies renouvelables, mais
l’exploit, prévu dès 2017, pourrait aussi déboucher sur une
activité touristique.
«Le but de la mission SolarStratos est de développer un
avion solaire commercial, disponible sur catalogue, que
tout le monde ou presque
peut acheter», a expliqué hier
l’écoaventurier. Pour le vol
stratosphérique, Raphaël
Domjan sera seul à bord,
équipé d’une combinaison
d’astronaute, car l’appareil ne
sera pas pressurisé.
ATS/KEYSTONE
A gauche, on applaudit le durcissement des règles fiscales
internationales, dont on attend
une application «conséquente».
Economiste pour Denknetz, la
boîte à idées des partis de
gauche, Hans Baumann estime
d’autre part que «l’introduction
de la «licence box» et d’autres
formes d’évitement fiscal mène
dans une impasse. Leur remise
en question ne vient pas seulement de l’OCDE, mais de plus
en plus de l’UE également». GM
Les diplomates suisses n’en font pas
mystère: les petits pays pourraient avoir
des difficultés à justifier que des activités
d’innovation sont substantiellement liées
à leur territoire. Mais Berne ne veut pas
préjuger du résultat des négociations. «A
ce stade, les contours des nouvelles règles
restent très flous, reprend notre interlocuteur. Mais le projet de l’OCDE est également porteur d’espoir pour la Suisse, qui
veut des règles appliquées par tous.»
Reste que l’irruption de l’OCDE dans
le débat sur la fiscalité des entreprises
ne modifie pas les termes du dialogue
entre la Suisse et l’UE. «Il est vrai que
cette discussion bilatérale est devenue
avec le temps un thème multilatéral»,
dit-on au SFI, mais «il s’agit de deux voies
parallèles» distinctes. D’un front à l’autre, la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf saura-t-elle sur quel pied
danser? I
DE NOUVELLES RÈGLES
Le G20, le club des 20 pays les
plus industrialisés du monde,
veut redéfinir les règles du jeu
fiscal international. A sa
demande, l’OCDE examine
actuellement la question à travers le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting, en
français «Erosion de la base
d’imposition et transfert de
bénéfices»). 44 pays sont
partie prenante au projet, dont
l’ensemble des pays développés et les BRICS (Brésil,
Russie, Inde, Chine et Afrique
du Sud). Les premiers résultats sont attendus pour septembre. Les travaux au niveau
de l’OCDE devraient être achevés en décembre 2015. GM
NUCLÉAIRE
Piège de glace Greenpeace force l’entrée du site de Fessenheim
fatal pour
les dauphins
Une trentaine de dauphins à
nez blanc ont perdu la vie au
large de l’île de Terre-Neuve, a
annoncé lundi le Ministère
canadien de la mer. Les mammifères n’ont pas pu se libérer
des glaces qui les encerclaient.
Des agents du ministère «ont
signalé que tous les animaux,
sauf trois, étaient morts», a
déclaré un porte-parole. Les
trois mammifères encore en vie
semblent «en très mauvais
état», a-t-il ajouté, notant que le
blizzard actuel «n’aide pas les
choses». Les dauphins ont
manqué d’oxygène après avoir
été pris au piège au sud-ouest
de Terre-Neuve, dans l’est du
Canada. ATS/AFP
Près de 60 militants de Greenpeace
ont pénétré en force hier sur le site de la
centrale nucléaire française de Fessenheim. Ils entendaient dénoncer les
risques de cette énergie à deux jours
d’une discussion à Bruxelles sur la politique énergétique de l’Union
européenne.
Les militants ont escaladé les barrières
à l’aide d’échelles, peu avant 6 heures.
Ils ont ensuite déployé une banderole
sur le dôme de protection d’un des deux
réacteurs de la centrale, proclamant
«Stop risking Europe» («Arrêtez de faire
courir des risques à l’Europe»).
Le site a été bouclé par les gendarmes
et survolé par un hélicoptère des forces de l’ordre. Côté allemand, de l’autre côté du Rhin, un
hélicoptère de l’ONG évoluait non loin de la
centrale.
«Dix-neuf militants ont été interpellés immédiatement, puis quinze autres au fur et à mesure»,
selon un porte-parole du Ministère de l’intérieur.
Un porte-parole d’EDF, l’exploitant de la cen-
trale, a évoqué 34 interpellations. L’ONG a
affirmé que 57 personnes l’ont été.
En fin de matinée, Greenpeace a également
déployé cinq canots pneumatiques sur le grand
canal d’Alsace à proximité de la centrale. Il
s’agissait-là, selon l’ONG, de souligner les
risques d’inondation de la centrale promise à la
fermeture en 2016. ATS/KEYSTONE

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