L`an I du téléphone-caméra
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L`an I du téléphone-caméra
15 Août 2006 Catherine Ramus - [email protected] Le téléphone mobile est aujourd’hui un de nos objets les plus personnels. Toujours au fond du sac ou de la poche. Il suffit de tendre la main pour l’attrapper. Maintenant équipé d’une caméré intégrée, le téléphone portable permet de capturer une série d’images et de vidéos saisies sur le vif. Les attentats de Londres de Juillet 2005 ont montré l’ampleur d’un nouveau phénomène où des vidéos issues de téléphones portables servent de témoignages et de preuves. Ces images pixellisées à outrance sont aussi diffusées sur les chaînes télévisées. Une certaine indécence se dégage de cette réalité révélée, toujours plus près de l’évènement. Alors que rien ne garantit l'authenticité des images vidéos transmises par le téléphone. Réalisé en 2005 A voir sur http://www.albertinemeunier.net/3gp/15aout2006.3gp Références : HORIZONS ANALYSES ET DEBATS L'an I du téléphone-caméra Article paru dans l'édition du 16.07.05 INDIVIDUS hébétés sur des trottoirs, corps inertes sur la chaussée, arrivée des ambulances et des services de secours. Quelques heures à peine après les attentats qui ont frappé Londres, jeudi 7 juillet, les chaînes de télévision, précédées ou relayées par une multitude de sites Internet, mais aussi par les journaux et magazines du monde entier, ont diffusé des images du drame « filmées » par des passants ou, mieux encore, par des témoins directs des explosions, notamment au coeur du métro. Ces images saccadées, pixélisées, ont été prises avec des téléphones portables équipés d'appareil photo et d'une fonction vidéo qui permet d'enregistrer de courtes séquences vidéo. Ces images, malgré leur médiocre qualité, ces films, dont certains ont été tournés quelques secondes après l'explosion dans une rame de métro, décrivent une réalité que les professionnels - cameramen et photographes - ne sont pas en mesure de montrer. Ces attentats ont « marqué un tournant dans ce que nous nommons «contenu généré par les usagers˜ parce qu'il s'agit d'images qui racontent vraiment ce qui s'est passé », affirme Vicky Taylor, responsable du site Internet de la BBC. Un millier de photos ont été envoyées jeudi par e-mail à la seule radio-télévision nationale. L'une d'elles, prise par un passant, montre l'autobus dont 13 passagers ont trouvé la mort. De son côté, la chaîne Independent Television (ITV) a lancé par SMS un appel à contribution à ses abonnés. L'information immédiate, prise à la source même de l'événement et diffusée quasiment en temps réel, voilà le « rêve » de tout organe de presse. Le phénomène n'est pas nouveau. Les catastrophes aériennes sont depuis longtemps « enregistrées » par des témoins. Mais depuis la généralisation des Caméscopes, la vidéo amateur est devenue la roue de secours des chaînes de télévision et magazines, voire leur matériau premier. C'est aussi vrai pour des émissions à succès, comme « Vidéo-gag », diffusant des petits films tournés par un inconnu qui se trouve au « bon » endroit au « bon » moment. Un tournant est intervenu avec les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Les films amateurs montrant les avions en train de percuter les tours du World Trade Center et les images des employés de bureau sautant par les fenêtres ont été largement diffusés dans les médias, des livres, des expositions. C'est ensuite le tsunami de décembre 2004, en Asie, qui a vu se multiplier les documents visuels amateurs, au point de frapper les esprits et de favoriser un formidable élan de générosité. Les documents visuels de Londres vont plus loin. Ils participent à l'enquête. Car ce sont bien les images prises par 1 400 caméras de surveillance installées dans le métro qui ont permis d'identifier les quatre terroristes kamikazes. Comme à la station de Luton. C'est somme toute logique quand on sait que, selon une étude universitaire, sept millions de caméras de surveillance sont en activité en Grande-Bretagne. Chaque Londonien serait « capturé » en moyenne 300 fois par jour par un objectif. Ces documents identifiant les kamikazes sont à rapprocher, d'une certaine façon, des images d'humiliation et de torture prises par des soldats américains dans les prisons d'Abou Ghraib, en Irak. Ces deux séries n'avaient pas vocation à « entrer dans l'histoire ». Elles sont devenues des pièces à conviction. Là encore, on assiste à une amplification d'un phénomène ancien. D'autres films ont déjà revêtu une importance considérable. On pense aux images de l'assassinat de John Kennedy, prise par un tailleur de Dallas en 1963. Ou aux 90 secondes tournées par un citoyen de Los Angeles, le 3 mars 1991, montrant des policiers blancs qui passent à tabac un jeune Noir arrêté le long d'une autoroute. Autant d'images qui ont marqué l'opinion. Un an plus tard, après l'acquittement des policiers responsables, éclataient des émeutes à Los Angeles. Après les attentats de Londres, on en est sûr : aujourd'hui, des centaines de millions de personnes sont en mesure d'immortaliser une scène avec leur téléphone portable. Et ce, avec une qualité qui ne cesse de croître à mesure que les industriels repoussent les lois de la miniaturisation. Ce qui était réservé aux possesseurs de Caméscope et d'appareils photo se retrouve à portée de clic du plus grand nombre. La généralisation des réseaux mobiles à haut débit va encore faciliter et amplifier la circulation de ces petits films pris sur le vif. FILMS BRUTS ET SANS FARD Pour le « meilleur », quand ils permettent de faire avancer une enquête, mais aussi pour le pire. En Grande-Bretagne, la police est confrontée au phénomène du « happy slapping ». Dans les rues, des jeunes gens attaquent ou brutalisent une personne choisie au hasard et par surprise tandis qu'un comparse filme la scène de loin avec son téléphone mobile. La vidéo circule ensuite de portable en portable et atterrit sur des sites spécialisés ou sur les platesformes d'échange peer to peer. Prévu à l'origine pour colporter la voix, le téléphone mobile se transforme en émetteur et récepteur de snuff-movie urbain. Une intrusion supplémentaire dans l'environnement social bien plus dérangeante que les sonneries intempestives du téléphone voisin. Dans l'avenir il faudra donc s'habituer à voir cohabiter toujours plus à la télévision et dans la presse des documents d'amateurs et des images de professionnels. Ce qui provoque une grande inquiétude de ces derniers. Pour la défense de leur profession. Mais aussi à cause de la nature de ces images différentes. Vidéos et photos d'amateurs bien souvent fascinent, inquiètent, révulsent ou émeuvent et sont donc, de ce fait, l'exact opposé de ce que les médias offrent habituellement. Le choc que ces films bruts et sans fard provoquent tient beaucoup au fait, en dehors de leur contenu même, que la télévision et la presse ne proposent bien souvent plus que des images léchées, mises en scène et dénuées d'émotion véritable. Le film amateur, dont la qualité hésitante et l'esthétisme anxiogène inspirent certains cinéastes (voir Le Projet Blair Witch en 1999), donne aussi à voir aux téléspectateurs-voyeurs des scènes qui jusqu'à présent ne pouvaient être racontées que par l'écrit ou l'oral. Elles font ainsi reculer la part de mystère qui entoure chaque événement, chaque situation. Face à la multiplication prévisible de ces documents visuels en provenance du monde entier, la responsabilité des médias est immense. Ils devront résister à la tentation de vouloir tout montrer sous prétexte d'informer et de ne pas se laisser concurrencer par des informations en ligne. Ils devront surtout prendre beaucoup de précautions quant à la source et à l'authenticité des images transmises par le téléphone. Guillaume Fraissard et Michel Guerrin Shaping the media with mobiles By Torin Douglas BBC media correspondent Four weeks on from the London bombings, the news business in Britain has changed forever. Mobile phones have turned members of the public into reporters and camera crews - "citizen journalists". The media are hungry for their digital images and eyewitness accounts. The BBC received 50 pictures from the public within an hour of the first bomb going off on 7 July. By the weekend it had 1,000 images and dozens of video clips sent by e-mail and direct from mobile phones. Two mobile phone sequences were used on the Ten O'clock News, powerfully conveying the claustrophobic atmosphere on the smoke-filled underground, and a still image from a phone dominated the BBC News website. Around 22,000 texts and e-mail messages poured in with personal testimonies on the first day. Other newsrooms were also inundated, and soon actively soliciting the public's help. The Metropolitan Police, anxious to examine the pictures for clues, set up their own e-mail address to bypass the media middlemen - [email protected]. 'Media savvy' By 21 July, the day of the four attempted bombings, and the arrest of the suspects a week later, a routine had been established. Everyone with a mobile phone or a DV camera knew the power of their images and eyewitness accounts - and what to do with them. The BBC received 67 pictures and 13 videos on 21 July, and a further 20 pictures on the day of the suspects' arrests. On Sky News, one woman gave a running commentary as police, through a loudhailer, tried to persuade one of the suspects to give himself up. On BBC Radio, another eyewitness was interrupted on-air by what sounded like explosions. ITV News was handed remarkable footage of the moment two of the suspected bombers were arrested on a balcony. This high-quality video - taken by an eyewitness on a DV camera - was worth thousands of pounds. ITV shared the cost with a newspaper, screening it with the caption "EXCLUSIVE - ITV News/Daily Mail". Steven Barnett, Professor of Communications at the University of Westminster, said the public is "much more media-savvy" than before. "People are aware of what constitutes important news stories and the commercial opportunities - that media organisations are much more competitive than they were and there is some money to be had from selling on exclusive footage of breaking news stories." 'Amazing picture' Most images from mobile phones won't be paid for. The BBC insists the pictures it receives are royalty-free, to be published in any way it chooses. Sky News says it depends on their quality. A spokesperson for Sky said: "In the four weeks since the bombings, we have seen a significant upturn in the number of mobile phone images supplied, for the arrest of the terrorist suspects and also for other events such as the Birmingham twister. "We judge each offer of pictures on a case by case basis and would consider paying for footage on rare occasions where pictures have extraordinary editorial value." Broadcasters and newspapers are also now less concerned about the quality of the images. Roger Tooth, head of photography at the Guardian, said: "As newspapers, we're using grainy, coarser images that we wouldn't have used before. "We're using more TV stills and we're using these camera phone pictures. There was an amazing picture from the tunnel on 7 July which I just didn't think we could use very big and yet the Telegraph used it as a half page and it did look amazing." The rise of the citizen-journalist is a global phenomenon - witness the Toronto plane crash this week, in which escaping passengers took the time to photograph the scene. It does raise issues of concern: About privacy - if you're a victim do you want your picture plastered over the front pages?; authenticity - how can you tell the images are genuine?; and possible interference in the course of justice - the police ordered a news blackout on the morning they went in to arrest suspects. But the mobile phone genie can't be put back in the bottle. Story from BBC NEWS: http://news.bbc.co.uk/go/pr/fr/-/2/hi/uk_news/4745767.stm Published: 2005/08/04 14:08:55 GMT © BBC MMV