La commune et les instruments législatifs de lutte contre les

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La commune et les instruments législatifs de lutte contre les
Ce texte constitue le support d’une présentation orale lors de la séance d’information de l’ABE
« Nuisances sonores en Région de Bruxelles-Capitale »
du mardi 6 décembre 2005
La commune et les instruments législatifs de lutte
contre les nuisances sonores
Françoise Lambotte et Vincent Ramelot,
Conseillers à l’Association de la Ville et des Communes de la Région de Bruxelles-Capitale
Introduction
Il existe une quantité de textes législatifs relatifs au bruit en Région de Bruxelles-Capitale.
Nous ne nous attarderons que sur les dispositions utiles aux communes.
Dans cette matière, on distingue deux groupes de normes : les polices spéciales telles que la
police de l’environnement, de l’urbanisme et du bruit, d’une part, et la police administrative
générale, d’autre part.
Les arrêtés et les ordonnances ou règlements de police constituent les instruments de la police
administrative générale. Ils trouvent leur base légale dans la Nouvelle loi communale.
La distinction entre les deux groupes de normes est essentielle. En matière réglementaire,
l’autonomie communale s’arrête là où une police spéciale est déjà intervenue : le Conseil
communal ne peut plus réglementer ce qui fait déjà l’objet d’une réglementation spéciale.
Nous reviendrons plus loin sur ce problème.
I. Les dispositions dont les communes peuvent se prévaloir en dehors de la Nouvelle loi
communale : les polices spéciales
Commençons d’abord par examiner les dispositions dont les communes peuvent se prévaloir
en dehors de la Nouvelle loi communale. On trouve principalement ces dispositions dans :
1° l’ordonnance du 17 juillet 1997 relative à la lutte contre le bruit en milieu urbain ;
2° l’ordonnance du 5 juin 1997 relative aux permis d’environnement ;
3° le Code bruxellois de l’aménagement du territoire (COBAT) ;
4° les règlements d’urbanisme ;
5° le Code forestier ;
6° l’ordonnance du 25 mars 1999 relative à la recherche, la constatation, la poursuite et la
répression des infractions en matière d’environnement.
Les instruments de lutte mis à la disposition des communes
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Le Code bruxellois du Logement, quant à lui, ne comporte aucune norme en matière
acoustique.
1. L’ordonnance du 17 juillet 1997 relative à la lutte contre le bruit en milieu urbain
L’ordonnance du 17 juillet 1997 relative à la lutte contre le bruit en milieu urbain1 constitue la
seule législation qui soit entièrement consacrée à la lutte contre les nuisances sonores dans
notre Région. Cette ordonnance et ses 3 arrêtés d’exécution du 21 novembre 20022
distinguent le bruit sur la voie publique, d’une part, et les bruits de voisinage, d’autre part.
A. La lutte contre le bruit sur la voie publique
L’article 11 impose à la personne exerçant une activité sur la voie publique de veiller à ne pas
troubler la tranquillité ou la santé des habitants, en prenant les mesures de précaution
nécessaires. Il n’existe, pour ce type d’activités, aucune norme précise à ne pas dépasser.
L’article 12, quant à lui, interdit les bruits et les tapages perpétrés sur la voie publique entre
22 heures et 7 heures. Suivant l’ordonnance de 1997, le Gouvernement pourrait déroger à
cette interdiction par voie d’arrêté, dans certains cas particuliers3. Le bourgmestre pourrait,
dans ce cadre, autoriser certaines activités bruyantes qui présentent un intérêt artistique,
social, folklorique, scientifique ou technique.
Le problème, c’est que l’arrêté du Gouvernement portant exécution de ces dispositions n’a
toujours pas été adopté. L’ancien ministre de l’Environnement Didier Gosuin avait indiqué en
juillet 2000 qu’il ne comptait pas prendre d’arrêté pour faire entrer ces dispositions en
vigueur. Interrogée quant à son intention par rapport à cette question, l’actuelle ministre de
l’Environnement, Évelyne Huytebroeck, ne s’est pas encore prononcée.
B. La lutte contre les bruits de voisinage
En ce qui concerne les bruit de voisinage, l’article 6 de l’arrêté du Gouvernement du 21
novembre 2002 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage interdit l’usage d’engins de
jardinage à moteur tels que les tondeuses, les dimanches et jours fériés, ainsi que les autres
jours entre 20 heures et 7 heures4.
L’article 13 de l’ordonnance de 1997 requiert des propriétaires, directeurs et gérants
d’établissements ouverts au public tels que les cafés, les bars, les restaurants et les salles de
spectacle qu’ils respectent les normes de bruit fixées par le Gouvernement en prenant toutes
1
M.B., 23 octobre 1997.
AGRBC du 21 novembre 2002 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage (M.B., 21 décembre 2002 ; err.
M.B., 7 octobre 2003) ; AGRBC du 21 novembre 2002 relatif à la lutte contre le bruit et les vibrations générés
par les installations classées (M.B., 21 décembre 2002) ; AGRBC du 21 novembre 2002 fixant la méthode de
contrôle et les conditions de mesure du bruit (M.B., 21 décembre 2002).
3
Lorsque des bruits ou tapages sont une conséquence inévitable des activités exercées et pour autant que toutes
les mesures de précautions particulières soient prises ou lorsque les bruits ou tapages sont une conséquence
inévitable de l’exercice d’un service public ou d’une activité d’utilité publique dont la nécessité impérieuse est
démontrée (article 12, § 2).
4
Cet article se fonde sur l’article 9, 3°, de l’ordonnance « bruit », qui autorise le Gouvernement à « réglementer
l’utilisation d’appareils, dispositifs ou objets en fonction des circonstances où des bruits ou vibrations produits
ou susceptibles d’être produits seraient particulièrement gênants ».
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les mesures utiles pour que les bruits liés à l’exploitation de leur établissement ne troublent
pas la tranquillité ou la santé des habitants.
Quant aux occupants d’immeubles, ils doivent veiller à ce que les bruits qu’ils génèrent ainsi
que celui des personnes et des animaux dont ils ont la garde ne troublent pas la tranquillité ou
la santé des habitants ; ici aussi, les normes de bruit qui ne peuvent être dépassées sont fixées
par le Gouvernement (article 14).
Attention : les normes relatives aux bruits de voisinage ne s’appliquent pas à tout le monde. Il
arrive fréquemment que les services communaux soient confrontés à des plaintes provenant
du voisinage des écoles ou des lieux de culte. Il est vrai que les cris des enfants dans une cour
de récréation et le carillon de certaines églises peuvent être gênants. Ce type de bruits est
cependant exclu du champ d’application de l’arrêté du Gouvernement du 21 novembre 2002
relatif à la lutte contre les bruits de voisinage (article 2, § 1er, 5°, de cet arrêté). Il n’existe,
dans ces cas, aucune norme objective permettant de dire s’il y a, oui ou non, trouble de la
tranquillité publique au sens de la législation « bruit ».
C. Approches quantitative et qualitative
Pour simplifier, on peut donc dire que les bruits de voisinage doivent, pour qu’il y ait
infraction, être mesurés et dépasser un seuil minimal déterminé par un arrêté du
Gouvernement. C’est ce qu’on appelle l’approche « quantitative » ou « objective ».
La situation est différente pour les bruits sur la voie publique : l’appréciation se fait alors de
manière subjective, sans instrument de mesure. C’est ce qu’on appelle l’approche
« qualitative » ou « subjective ».
L’approche quantitative présente l’avantage d’objectiver le trouble mais elle a pour
désavantages de :
1° nécessiter l’emploi d’un sonomètre requérant une pratique régulière pour être maîtrisé ;
2° ne tenir compte que du volume du bruit dérangeant et non de sa fréquence.
Une telle différence de traitement est-elle justifiable ? Ne serait-il pas souhaitable de
simplifier la réglementation et d’étendre la possibilité de faire constater le trouble de façon
qualitative, quel que soit le bruit ? Les communes pourraient dans ce cas procéder aux
constats plus facilement. Peu de services communaux disposent en effet d’un sonomètre et du
personnel qualifié pour l’utiliser. Notre Association a déjà fait part de ces réflexions à l’actuel
cabinet de la Ministre de l’Environnement. Nous attendons toujours sa réponse.
D. Compétence réglementaire des communes
L’article 8 de l’ordonnance « bruit » habilite les conseils communaux à adopter des
« règlements de bruit » pour tout ou partie du territoire communal. Ces règlements doivent
respecter les dispositions et les objectifs du plan régional de lutte contre le bruit. Suivant les
travaux préparatoires de l’ordonnance, ils ont pour objectif de « déterminer des mesures
particulières au niveau local (par exemple en fonction de la présence d’un hôpital) » ; leur
nature serait similaire à celle des règlements communaux d’urbanisme que nous évoquons
plus loin5.
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Doc. Conseil Rég. Bruxelles-Cap., 1996/1997, A-151/1, p. 5.
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La procédure d’adoption d’un tel règlement est la suivante :
- l’avis de l’IBGE est requis quant à sa conformité à la réglementation ;
- une enquête publique est organisée pendant 30 jours ;
- un procès-verbal de clôture est rédigé et communiqué au Conseil communal ;
- le règlement est adopté par le Conseil communal.
A notre connaissance, l’article 8 de l’ordonnance de 1997 n’a jamais été appliqué par les
communes. Il faut dire que les questions au sujet de l’utilité et de la nature de ces règlements
sont nombreuses. Quel pourrait être leur contenu effectif ? Leurs dispositions auront-elles
valeur réglementaire ou seront-elles purement indicatives comme le plan régional de lutte
contre le bruit ? Les communes pourront-elles prévoir des amendes administratives ou pénales
en cas d’infraction ? Sur base de quelles dispositions légales ? Nous avons posé ces questions
au cabinet de la Ministre de l’Environnement, l’été dernier. Nous attendons toujours sa
réponse. En attendant, il nous paraît difficile d’inciter les communes à employer cet
instrument.
2. L’ordonnance du 5 juin 1997 relative aux permis d’environnement
Outre l’ordonnance « bruit », les communes peuvent utiliser l’ordonnance du 5 juin 1997
relative aux permis d’environnement.
Certaines activités sont soumises à permis en raison, notamment, du bruit qu’elles
provoquent. C’est le cas, par exemple, des discothèques, des gros chantiers et des kartings.
D’autres sont classées pour d’autres motifs mais peuvent néanmoins troubler la tranquillité du
voisinage.
Selon l’article 63 de l’ordonnance du 5 juin 1997, toute activité soumise à permis
d’environnement doit « prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter, réduire ou
remédier aux dangers, nuisances ou inconvénients des installations ». Une telle activité doit
par ailleurs respecter les conditions reprises dans le permis lui-même.
Lorsque le titulaire du permis ne respecte pas ces obligations, l’autorité délivrante peut
suspendre le permis, voire le retirer (article 65).
Bref, lorsque les communes délivrent des permis d’environnement, elles doivent tenir compte
de l’impact sonore du projet et peuvent prévoir des conditions particulières pour limiter les
nuisances sonores.
3. Le Code bruxellois de l’aménagement du territoire (COBAT)
Les communes peuvent faire de même dans le cadre de la délivrance des permis d’urbanisme.
Dans la mise en oeuvre du COBAT, les autorités administratives doivent s’efforcer de
« concilier le progrès social et économique et la qualité de la vie en garantissant aux
habitants de la Région le respect d’un aménagement harmonieux » (article 3 du COBAT). Il
s’ensuit que pour apprécier le bien-fondé d’une demande de permis d’urbanisme, les autorités
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communales doivent tenir compte de l’incidence du projet sur l’environnement et de sa
compatibilité avec le « bon aménagement des lieux ».
Le bon aménagement des lieux est un principe aux contours flous. De nombreux critères
interviennent, proches de ceux retenus pour apprécier s’il y a ou non un trouble anormal de
voisinage. L’autorité publique se réfère notamment aux caractéristiques du quartier, à la
distance entre les bâtiments, par rapport à la voirie, à la densité d’occupation du sol6,…
L’appréciation de ce qui constitue le bon aménagement des lieux est une prérogative de la
puissance publique. Elle ne dépend nullement d’un accord entre voisins, par exemple7. Les
autorités se doivent en effet d’apprécier la situation à long terme, de façon objective. Rien ne
dit que le voisin consentant sera encore là l’année prochaine…
Tout ceci ne veut pas dire, bien entendu, que la commune ne peut jamais délivrer de permis
d’urbanisme à une activité bruyante. Elle peut le faire moyennant motivation, si nécessaire en
imposant des conditions telles que l’utilisation de matériaux insonorisants.
4. Les règlements d’urbanisme
Outre leurs compétences en matière de permis, les communes peuvent également se prévaloir
de la police spéciale de l’urbanisme pour adopter des dispositions réglementaires. En vertu
des articles 88 et 91 du COBAT, les conseils communaux peuvent en effet, comme le
Gouvernement, édicter des règlements d’urbanisme contenant des dispositions tendant à
assurer la qualité acoustique des constructions.
Sauf erreur, il n’a pas encore été fait usage de cette faculté, que ce soit au niveau régional ou
au niveau communal. Mais il existe des dispositions dans le Règlement régional d’urbanisme
dont le principal objectif est de lutter contre certaines nuisances sonores. Le Titre III relatif
aux chantiers8, par exemple, impose des horaires pour la plupart des chantiers. Ceux-ci ne
peuvent en principe avoir lieu que du lundi au vendredi, samedi et jours fériés exclus, entre 7
et 19 heures. Cet horaire est même limité de 7 à 16 heures pour les battages de pieux ou de
palplanches et le concassage des débris (article 4, § 1er, du Titre III du RRU).
Pour les chantiers soumis à permis d’environnement, des dérogations peuvent être accordées
par l’autorité qui a délivré le permis. Pour les chantiers qui ne sont pas soumis à permis
d’environnement, le bourgmestre peut accorder des dérogations dans 3 cas :
1° le chantier est situé en-dehors des zones habitées ;
2° les travaux prévus n’entraînent pas de nuisances sonores ;
3° des travaux particuliers ne peuvent pas être interrompus pour des raisons techniques ou de
sécurité (article 4, § 2, du Titre III du RRU).
Toute demande de dérogation doit être adressée par le maître de l’ouvrage au moins 7 jours
ouvrables avant le début des travaux nécessitant l’octroi de la dérogation. Le bourgmestre fixe
la durée pendant laquelle la dérogation est accordée et l’assortit de conditions destinées à
réduire les nuisances du chantier. En cas d’absence de décision du bourgmestre dans les 5
6
Fr. HAUMONT, « Urbanisme - Région wallonne », Rép. not., t. II, 1996, n° 745.
C.E. n° 41.142 du 24 novembre 1992, Mertes.
8
Ce titre ne s’applique pas aux chantiers concernés par l’ordonnance du 5 mars 1998 relative à la coordination
des chantiers en voie publique en Région de Bruxelles-Capitale.
7
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jours ouvrables, les horaires à respecter sont ceux prévus dans la demande de dérogation
(article 4, § 3, du Titre III du RRU).
Dans l’hypothèse où une commune souhaiterait adopter un règlement d’urbanisme pour lutter
contre le bruit, nous lui suggérons de contacter notre Association, sachant que notre service
d’étude est sur le point de terminer un modèle de règlement communal d’urbanisme, dans
lequel pourraient se trouver des dispositions relatives à la qualité acoustique des
constructions.
5. Le Code forestier
Enfin, pour mémoire, notons encore que l’article 176bis du Code forestier interdit d’utiliser
tout matériel sonore d’amplification électronique troublant abusivement le calme des bois et
forêts ou la faune sauvage.
6. L’ordonnance du 25 mars 1999 relative à la recherche, la constatation, la poursuite et la
répression des infractions en matière d’environnement
Une chose est d’interdire et de limiter les nuisances sonores. Une autre est de faire en sorte
que ces interdictions et limitations soient suivies d’effet…
Dans un souci de simplification, le législateur a décidé de rassembler dans une seule
ordonnance du 25 mars 1999 toutes les dispositions relatives à la recherche, la constatation, la
poursuite et la répression des infractions en matière d’environnement. Ses dispositions
s’appliquent notamment en cas de violation de l’ordonnance « bruit », de l’ordonnance
relative aux permis d’environnement et du Code forestier (article 2). Elle ne s’applique pas,
par contre, en cas d’infraction urbanistique. Pour réprimer ce type d’infraction, nous vous
renvoyons aux procédures prévues par le COBAT.
L’ordonnance du 25 mars 1999 précise notamment les deux catégories d’agents censés
contrôler le respect de la législation relative à l’environnement. Il s’agit des agents de l’IBGE
désignés par le Gouvernement et des agents communaux désignés par les collèges des
bourgmestre et échevins (article 4).
L’article 5 de l’ordonnance du 25 mars 1999 prévoit que l’intervention des agents régionaux
et communaux a lieu de manière concurrente : l’intervention des uns et des autres peut être
sollicitée indifféremment par les plaignants. Dans la pratique toutefois, on constate que les
agents communaux interviennent surtout pour les délits mineurs ou pour lesquels l’usage d’un
sonomètre n’est pas requis.
La procédure devant être suivie est la suivante :
1° un rapport est rédigé, qui indique la méthode de mesure, le matériel utilisé, le plan des
lieux, la date et l’heure, la durée des mesures, l’identification des personnes présentes et le
résultat des mesures (article 17) ; les mesures des sources sonores s’effectuent toujours en
présence du contrevenant présumé (article 15) ;
2° un avertissement peut ensuite être adressé à l’auteur présumé de l’infraction ; lorsque cet
avertissement est donné verbalement, il doit être confirmé par écrit, dans les 10 jours, par le
bourgmestre (article 8) ;
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3° si l’avertissement n’est suivi d’aucun effet ou s’il s’avère inutile, un procès-verbal valant
jusqu’à preuve du contraire (article 11) est communiqué dans les 10 jours à l’auteur présumé
de l’infraction ou au propriétaire du bien, à l’IBGE et au parquet (article 36) ;
4° si le parquet décide de ne pas poursuivre ou en l’absence de décision dans un délai de 6
mois à compter de la communication du procès-verbal, une amende administrative peut être
infligée par le fonctionnaire dirigeant de l’IBGE (articles 35 et 37) ;
5° si le parquet décide au contraire de poursuivre, c’est une amende pénale qui peut être
infligée ; il ne peut plus, alors, être recouru aux amendes administratives (article 37) ;
Nous vous rappelons enfin qu’à tout moment, les agents de surveillance peuvent, qu’ils soient
régionaux ou communaux, prendre ou ordonner les mesures nécessaires pour mettre fin à la
nuisance sonore ; en cas d’urgence ou lorsqu’il est constaté que l’exploitant est en état
d’infraction permanente, la cessation partielle ou totale d’une activité ou la fermeture d’une
installation peut même être ordonnée (article 9).
II. Les dispositions dont les communes peuvent se prévaloir dans la Nouvelle loi
communale : la police administrative générale
1. Rappels
Premier rappel
D’après l’article 135, § 2, alinéa 2, de la Nouvelle loi communale, « les communes ont pour
mission de faire jouir les habitants des avantages d’une bonne police, notamment de […] la
tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics.
Plus particulièrement, et dans la mesure où la matière n’est pas exclue de la compétence des
communes, les objets de police confiés à la vigilance et à l’autorité des communes sont :
[...]
2° le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, telles que les rixes et disputes
accompagnées d’ameutement dans les rues ; le tumulte excité dans les lieux d’assemblée
publique, les bruits et attroupements nocturnes qui troublent le repos des habitants ».
La commune a donc une compétence propre, autonome, dans le cadre de ce qu’on appelle la
police administrative générale.
L’objet de police couvert par le terme « tranquillité publique » est un peu plus large que ce
qui est énoncé par le texte : en effet il est constant que, si la liste des objets de police figurant
à l’article 135, § 2, de la Nouvelle loi communale, est limitative, les exemples donnés pour
chaque objet ne constituent pas une somme exhaustive. Il faut, mais il suffit, que la mesure ou
l’ordonnance de police trouvent un fondement dans l’article 135, § 2, de la Nouvelle loi
communale9.
Néanmoins on ne peut pas s’affranchir du cadre général normatif : la compétence communale,
c’est le maintien de la tranquillité publique et non pas la lutte contre le bruit au sens large ! La
mesure adoptée par l’organe compétent doit donc avoir pour objectif de maintenir ou de
9
C.E. n° 14.473 du 26 février 1971, Van Look ; C.E. n° 25.378 du 29 mai 1985, Lagae ; C.E. n° 36.035 du 18
décembre 1990, Boucher et s.p.r.l. Trois Arches.
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rétablir la tranquillité publique, sous peine de constituer un détournement de pouvoirs. La
commune n’a aucune compétence propre10 pour vérifier que le bruit produit par telle
installation – et qui, par hypothèse, ne constitue pas une atteinte à la tranquillité publique –
respecte les normes de bruit fixées par une autre réglementation ni, partant, pour fixer ellemême de telles normes !
Deuxième rappel
La compétence communale peut s’exprimer de deux façons :
-
Soit par l’adoption d’une ordonnance de police (ou règlement de police), c’est-à-dire
une règle générale et abstraite adoptée par le Conseil communal (ou, dans certains cas
– mais pas celui qui nous occupe – par le bourgmestre) et qui prévoit des règles de
comportement, positives ou négatives, sanctionnées par des peines de police ou des
sanctions administratives.
-
Soit par l’adoption d’une mesure de police, c’est-à-dire une mesure ponctuelle « de
prohibition, d’injonction, d’autorisation, de dispense ou même toute mesure d’office
visant à garantir la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques, et ne pouvant
s’appliquer qu’à une personne, à un groupe de personnes ou à un cas déterminé »11.
L’arrêté du bourgmestre, qui concrétise la mesure de police, ne constitue pas une
sanction – il n’est même pas requis que le fait motivant son intervention soit une
infraction. L’arrêté ne peut pas non plus contenir de sanction en cas de violation de
celui-ci.
Ces rappels effectués, venons-en au nœud du problème.
2. En matière réglementaire
A. Quid de la possibilité d’adopter une ordonnance de police ?
a) Il est établi que l’autonomie communale s’arrête là où une police spéciale est déjà
intervenue. Par ailleurs, l’article 119bis de la Nouvelle loi communale interdit au Conseil
communal d’assortir de sanctions les infractions à l’ordonnance de police qui feraient déjà
l’objet de sanctions en vertu d’une autre législation (principe de l’interdiction de la double
incrimination). Le Conseil communal ne peut donc plus réglementer ce qui fait déjà l’objet
d’une autre réglementation !
Or, comme expliqué supra, l’ordonnance du 17 juillet 1997 relative à la lutte contre le bruit
en milieu urbain couvre une (très) grande partie des cas de figure dans lesquels la tranquillité
publique peut être troublée (activités sur la voie publique entraînant des bruits ou tapages qui
par sont de nature à troubler la tranquillité ou la santé des habitants, bruits et tapages perpétrés
sur la voie publique qui sont de nature à troubler la tranquillité ou la santé des habitants, bruits
de voisinage, comportements anormalement bruyants ou absence d’obstacle à des
comportements de même nature des personnes ou animaux placés sous sa responsabilité).
10
C’est-à-dire hors les cas où la loi ou l’ordonnance lui confèrent expressément une telle compétence.
M. HERBIET, G. CUSTERS, « Vade-mecum de la fonction de bourgmestre », Liège, La Charte, mai 2001, p.
II. 22. Voyez aussi J. ROBERT, « Police administrative : compétence respective du bourgmestre et du conseil
communal », Mouv. Comm., 1999/02, pp. 115-117.
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Par ailleurs, l’article 561, 1°, du Code pénal interdit les bruits et tapages nocturnes de nature à
troubler les tranquillité des habitants.
Etc.
b) Une autre limite à l’action réglementaire des commune se trouve dans le respect de l’article
7 du décret des 2 et 17 mars 1791, dit décret d’Allarde12, qui consacre la liberté d’exercer une
activité professionnelle et implique la faculté d’organiser un négoce avec les moyens et
suivant les méthodes de son choix, notamment quant à l’horaire d’ouverture. Les seules
limitations à ces libertés de commerce et d’industrie doivent être portées par une loi.
La tentation est parfois grande, pour le Conseil communal, d’instituer par ordonnance de
police une heure de fermeture pour les établissements Horeca (café, dancings,…), dans le but
de maintenir la tranquillité publique. Or il y a une loi qui fixe des heures de fermeture dans le
commerce (la loi du 24 juillet 1973 instaurant la fermeture obligatoire du soir dans le
commerce, l’artisanat et les services), mais les débits de boissons sont exclus de son
application. Leurs exploitants profitent donc du principe de liberté.
L’article 135, § 2, de la Nouvelle loi communale, ne constitue-t-il pas une base légale
suffisante pour justifier l’adoption d’une ordonnance de police instituant une heure de
fermeture pour ces établissements Horeca ? Non, répond la jurisprudence (constante) du
Conseil d’État13 : si l’article 135, § 2, de la Nouvelle loi communale confère à la commune le
pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour éviter des atteintes à la tranquillité publique,
cette disposition ne permet pas à l’autorité communale d’imposer aux exploitants une
interdiction générale et permanente d’exercer leurs activités entre telle et telle heure, par la
voie d’une ordonnance de police, parce que la mesure imposée est trop générale et sans
rapport de proportion avec l’objectif poursuivi.
En revanche, une ordonnance de police imposant une plage horaire limitée de fermeture (entre
deux heures et cinq heures du matin), limitée géographiquement à certains quartiers de la ville
(selon des critères objectifs et proportionnels par rapport à l’objectif poursuivi) et d’une durée
limitée (un mois) a été jugée conforme au décret d’Allarde14.
c) Les communes ne peuvent donc encore incriminer des comportements que de manière très
marginale : sans doute le bruit produit par des autoradios, celui produit par une alarme
automobile, etc.
B. Les règlements communaux en matière de bruit
L’ordonnance de police ne doit pas être confondue avec le règlement de bruit, que le Conseil
communal peut adopter en exécution de l’article 8 de l’ordonnance du 17 juillet 1997 relative
à la lutte contre le bruit en milieu urbain (cf. supra). Pour rappel, celui-ci n’a qu’une valeur
indicative pour les particuliers et est dépourvu de sanctions.
12
Décret des 2-17 mars 1791 portant suppression de tous les droits d’aides, de toutes les maîtrises et jurandes, et
établissement des patentes.
13
Voyez entre autres C.E. n° 41.380 du 16 décembre 1992, SPRL Sound Processing Systems, J.L.M.B., 26 mars
1993, pp. 404-408, obs. M. QUINTIN ; C.E. n° 114.489 du 15 janvier 2003, Hardy, Seniura et SPRL
« Loisilux ».
14
C.E. n° 111.693 du 18 octobre 2002, Verzele.
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C. Les règlements pris sur base de l’article 121 de la Nouvelle loi communale
On l’oublie peut-être, mais la Nouvelle loi communale contient une autre disposition qui
permet au Conseil communal d’adopter un règlement destiné à maintenir la tranquillité
publique : l’article 121, qui dispose que « Des règlements complémentaires de la loi du 21
août 1948 supprimant la réglementation officielle de la prostitution peuvent être arrêtés par
les conseils communaux, s’ils ont pour objet d’assurer la moralité ou la tranquillité publique.
Les infractions qu’ils prévoient sont punies de peines de police. »
3. En matière « répressive »
Lorsqu’il s’agit d’adopter un arrêté du bourgmestre, les choses sont très différentes.
A. Le principe
Le bourgmestre peut, par voie d’arrêté, imposer toute mesure visant à mettre fin à un trouble
de l’ordre public, ou à prévenir une menace de trouble. L’objet matériel de son intervention
n’est pas lié par la compétence réglementaire de la commune ; autrement dit, il peut ordonner
une mesure pour mettre fin à un trouble qui contrevient à une réglementation fédérale ou
régionale.
Exemple : une discothèque fait beaucoup de bruit. Il y a violation du permis d’environnement,
de l’arrêté royal du 24 février 1977 fixant les normes acoustiques pour la musique dans les
établissements publics et privés, de l’article 561, 1°, du Code pénal,… mais ça n’empêche pas
le bourgmestre d’adopter un arrêté basé sur les articles 133, alinéa 2, et 135, § 2, de la
Nouvelle loi communale.
B. Quant au caractère « public » de l’ordre troublé ou menacé d’être troublé
La situation de trouble à laquelle le bourgmestre entend mettre fin (ou prévenir) via son arrêté
de police doit être publique, c’est-à-dire qu’elle doit se ressentir sur l’espace public ou dans le
voisinage. Sont exclus de sont intervention les troubles privés tels que conflits de voisinage,
trouble en intérieur d’îlot, etc. Mais dès le moment où les nuisances sonores pour les habitants
du voisinage sont avérées, peu importe le nombre de personnes effectivement victimes de ce
trouble de la tranquillité (peu importe aussi si une infraction pénale probante a été commise,
quelle est la classification urbanistique de la zone dans lesquelles l’établissement visé se
trouve, etc.). La prise d’une mesure de police dépend bien d’un trouble effectivement existant
de la tranquillité publique et qui est suffisamment prouvé, même si une seule personne en
souffre réellement15.
Un arrêté du bourgmestre interdisant aux exploitants d’un restaurant « de diffuser de la
musique, d’organiser des spectacles ainsi que de danser jusqu’à nouvel ordre » est suspendu
par le Conseil d’Etat au motif (en ce qui concerne le risque de préjudice grave et difficilement
réparable) « qu’il peut être admis que dans un restaurant du type de celui qu’exploite la
requérante, la diffusion de musique à un niveau sonore raisonnable constitue un attrait
indéniable pour la clientèle, et que l’interdiction de toute diffusion est de nature à détourner
15
C.E. n° 72.141 du 3 mars 1998, N.V. Enterprises, T.M.R., 1999, p. 25, note VERBEEK, pp. 28 et 29.
Les instruments de lutte mis à la disposition des communes
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Ce texte constitue le support d’une présentation orale lors de la séance d’information de l’ABE
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une certaine clientèle, surtout si l’établissement a pour politique commerciale notamment
d’attirer les fêtes d’anniversaire ; que, dans cette perspective, la requérante justifie de
l’extrême urgence alléguée, point n’étant besoin d’attendre que la clientèle soit perdue et que
le risque de faillite se concrétise pour tenter d’y obvier ». Mais, ajoute le Conseil d’État, « la
suspension ici ordonnée ne peut être interprétée comme une autorisation décernée à la partie
requérante de faire tout et n’importe quoi ; […] il lui appartient de respecter strictement les
lois et règlements en matière de bruit, et bien plus encore d’avoir égard dans toute la mesure
du possible aux conditions de vie de ses voisins ; […] elle doit absolument prendre toutes les
mesures susceptibles de leur éviter les nuisances de son exploitation ; […] de leur côté, les
intervenants doivent comprendre que cette exploitation implique des nuisances que la
meilleure volonté ne saurait que limiter, mais non supprimer ; qu’il est excessif à cet égard de
faire grief à la requérante du bruit que font "60 personnes en train de manger, discuter et
rire", même si ce bruit peut être subjectivement difficilement supportable »16.
C. Une diversité de cas d’application
Il n’y a pas que les établissements – par hypothèse Horeca – qui peuvent faire l’objet d’un
arrêté du bourgmestre pour atteinte à la tranquillité publique ; des particuliers, de leur propre
fait ou du fait des choses ou animaux dont ils répondent, peuvent également être visés.
Voyez par exemple la motivation d’un arrêt du Conseil d’État rejetant une requête en
annulation d’un arrêté du bourgmestre ordonnant entre autres mesures l’éloignement des
chiens d’une habitation, à l’exception de six chiens que la requérante pouvant garder à la
condition de les castrer, et ce dans le but de rétablir la tranquillité publique :
« Considérant que la décision attaquée enjoint à la requérante de se défaire des chiens non
autorisés qu’elle détient et de les évacuer des lieux, tout en admettant que six chiens castrés
puissent être conservés par elle, que la mesure imposant la castration des chiens pouvant être
conservés répond au souci d’éviter la prolifération de ces animaux, prolifération qui, en
l’espèce, s’est déjà produite dans le passé et qui contribue, dans ce cas-ci, de façon
importante à la création d’une situation d’ensemble mettant en danger la salubrité publique
(déjections canines, odeurs) et la tranquillité publique (aboiements continuels) ; que la
prévention et la cessation de tels troubles relèvent du domaine de la police administrative
communale que règle l’article 135 de la nouvelle loi communale ; que la nécessité de la
mesure critiquée est attestée par le rapport de visite du 4 juillet 2001 émanant des services
vétérinaires du Ministère des Classes moyennes et de l’Agriculture, rapport qui conclut
qu’une "castration/stérilisation des chiens doit être prévue afin d’en limiter le nombre" »17.
Autrement dit, outre les traditionnelles mesures d’interdiction d’accès ou de fermeture, le
bourgmestre peut ordonner des mesures d’éloignement voire des mesures radicales (… et
définitives) telles que la castration, s’il apparaît qu’il s’agit d’une mesure proportionnée à
l’objectif poursuivi et raisonnable.
D. L’article 134quater de la Nouvelle loi communale
En matière de lutte contre les troubles à l’ordre public, le bourgmestre peut aussi compter sur
l’article 134quater de la Nouvelle loi communale.
16
17
C.E. n° 97.321 du 29 juin 2001, S.A. "Le Parthenon".
C.E. n° 107824 du 13 juin 2002, Mathieu Rachel.
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L’article 134quater de la Nouvelle loi communale permet au bourgmestre d’imposer par
arrêté la fermeture d’un établissement accessible au public, pour une durée ne dépassant pas
trois mois, lorsque l’ordre public est troublé à l’extérieur de cet établissement à cause de
comportements survenant à l’intérieur de l’établissement. L’arrêté doit encore être confirmé
par le collège des bourgmestre et échevins à sa prochaine séance, faute de quoi il cesse de
produire ses effets.
On le voit, cet article peut entrer en concurrence avec la compétence « ordinaire » du
bourgmestre, lorsque l’ordre est troublé à l’intérieur et à l’extérieur de l’établissement. À cet
égard, deux arrêts du Conseil d’État, datant de septembre 1999, doivent être pris en
considération ; il s’agit des arrêts Horex18.
Les faits, en quelques mots. Un établissement Horeca est la source d’importantes atteintes à la
tranquillité publique (la musique qui y est jouée atteint un tel niveau sonore qu’elle est audible
dans un rayon de 50 mètres ; de plus, portes et fenêtres restent ouvertes, facilitant la
propagation du bruit).
Le bourgmestre, constatant les nombreux troubles à l’ordre public à l’intérieur et à l’extérieur
de l’établissement, adopte un arrêté basé sur les articles 133 et 135 de la Nouvelle loi
communale et ordonnant la fermeture de l’établissement pour une durée de trois mois.
L’exploitant introduisit une requête en suspension en extrême urgence auprès du Conseil
d’État. Celui-ci fit droit à la demande, au motif suivant : lorsqu’un bourgmestre, confronté à
un trouble de l’ordre public, a le choix entre un arrêté basé sur les articles 133 et 135 de la
Nouvelle loi communale et un arrêté basé sur l’article 134quater, et qu’il décrète la fermeture
de l’établissement (mesure expressément prévue par l’article 134quater), il ne peut le faire
que sur la base de la disposition la plus contraignante pour la commune, c’est-à-dire l’article
134quater19. L’arrêté est donc suspendu le 6 septembre 1999, pour erreur dans la base
légale20.
Les troubles se poursuivant, le bourgmestre prend un deuxième arrêté, ordonnant à nouveau la
fermeture de l’établissement pour trois mois, mais en se basant sur l’article 134quater et en
respectant son prescrit. Arrêté qui est à nouveau contesté en extrême urgence devant le
Conseil d’État. Le Conseil d’État fit à nouveau droit à la demande du requérant, pour la raison
suivante : certes, le bourgmestre a le droit de fermer un établissement pour trois mois en
respectant les conditions de l’article 134quater ; mais dans une situation de troubles à l’ordre
public qui peut donner lieu à deux types d’arrêtés, l’un ordonnant la fermeture et basé sur
l’article 134quater, l’autre ordonnant toute autre mesure et basé sur les articles 133 et 135 de
la Nouvelle loi commune, le bourgmestre ne peut pas opter automatiquement pour la mesure
la plus sévère sans examiner si une mesure plus souple, plus proportionnée au trouble, ne
s’indique pas davantage. En l’occurrence, d’autres mesures, telles que l’interdiction de
produire de la musique, l’occultation des fenêtres, l’imposition temporaire d’une heure de
fermeture, etc., auraient pu être adoptées, sur la base des articles 133 et 135 de la Nouvelle loi
communale, qui auraient mis fin au trouble. L’arrêté du bourgmestre est à nouveau suspendu,
cette fois-ci pour disproportion21.
18
C.E. n° 82.188 du 6 septembre 1999 et n° 82.276 du 16 septembre 1999, SPRL Horex.
On a vu en effet que cet article impose des conditions plus strictes tant sur le fond que sur la forme.
20
Arrêt Horex (I).
21
Arrêt Horex (II).
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E. L’article 130, alinéa 1er, de la Nouvelle loi communale
Une dernière base légale permettant à une autorité communale d’adopter un arrêté de police :
l’article 130, alinéa 1er, de la Nouvelle loi communale.
La police des spectacles appartient au collège des bourgmestre et échevins ; il peut, dans des
circonstances extraordinaires, interdire toute représentation pour assurer le maintien de la
tranquillité publique.
La jurisprudence en la matière s’est à notre connaissance toujours montré extrêmement stricte
à l’égard des arrêtés du collège interdisant un spectacle. Nous ne citerons que les arrêts
suivants :
1.
Le 8 mai 1948, le Collège des bourgmestre et échevins de la ville de Courtrai avait
interdit la projection du film « Le diable au corps », s’appuyant sur des
« protestations reçues contre la représentation de ce film », de « critiques ...
unanimes à qualifier ce film, quoique d’une valeur exceptionnelle au point de vue
technique (sic), comme complètement immoral et de nature, par l’audace de ses
images et le cynisme de son dialogue, à exercer une influence pernicieuse sur la
jeunesse » et arguant de craintes, « suivant les renseignements reçus », de « contremanifestations et des désordres ». Par arrêt du 9 mai 1949, le Conseil d’Etat annule
l’arrêté du collège, en relevant notamment que, sur la base de l’article [130 de la
Nouvelle loi communale], la liberté fondamentale des spectacles ne peut être limitée
que « "dans des circonstances extraordinaires" et seulement pour assurer le
maintien de la tranquillité publique, que le motif que "selon les renseignements
reçus, des manifestations et des désordres sont à craindre" n’implique pas que le
maintien de la tranquillité publique ne puisse être assuré ; qu’en outre l’interdiction
visée à l’article 97 ne peut se justifier que "dans des circonstances
extraordinaires" ; que la décision attaquée ne fait pas mention de ces circonstances
extraordinaires »22.
2.
L’article 130 de la Nouvelle loi communale n’autorise le collège des bourgmestre et
échevins à interdire un spectacle que lorsque des circonstances extraordinaires
l’exigent, l’interdiction devant être, dans ce cas, le seul moyen d’assurer le maintien
de la tranquillité publique. Une telle interdiction, dérogeant à la règle générale de la
liberté d’opinion et d’expression, doit être d’application restrictive23.
3.
Cf. aussi C.E. n° 38.018 du 31 octobre 1991, b.v.b.a. Sound and Vision.
Bruxelles, le 7 décembre 2005
22
23
C.E. n° 44 du 9 mai 1949, S.A. « Universal Film ».
C.E. n° 128544 du 25 février 2004, s.à.r.l. de droit français Bonnie Production et M’Bala M’Bala Dieudonné.
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