Commerce des espèces
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Commerce des espèces
Bulletin UICN Numéro 3 2002 Planète Conservation Commerce des espèces La CITES dans le nouveau millénaire SOMMAIRE Commerce des espèces La CITES dans le nouveau millénaire PETER PAUL VAN DIJK Réflexion sur l’avenir 17 Plantes médicinales : c’est le docteur qui l’a prescrit ! Uwe Shippmann 30 Choisir la meilleure voie Steven Broad 18 De l’étal à la poêle, les mollusques valent de l’or Mary Seddon Pourquoi la CITES ? 3 « Magna Carta » des espèces sauvages Yolanda Kakabadse 19 La viande de brousse : recette pour l’extinction Rob Barnett Une publication de l’UICN-Union mondiale pour la nature rue Mauverney, 28 CH-1196 Gland, Suisse Téléphone : +41(22) 999 0001 Télécopieur : +41(22) 999 0002 Site Web : http://www.iucn.org Rédactrice en chef : Nikki Meith Rédacteur adjoint : Peter Hulm La CITES en marche Espèces sauvages et moyens d’existence 14 Économies rurales : revenu en espèces Teresa Mulliken WWF-CANON/HARTMUT JUNGIUS 22 La pêche : trouver le bon équilibre Kevern Cochrane 23 Vu de Madagascar Claudine Ramiarison et Andrew Cooke 25 Les esturgeons sont de retour Caroline Raymakers 26 Des mâles enceints créent un précédent à la CITES Amanda Vincent 27 Une bonne gestion fait de bons voisins Malan Lindeque 28 Groupements régionaux : l’expérience de l’UE Christoph Bail 29 Amérique centrale : parler d’une seule voix Mauricio Castro Salazar Couverture, au centre : un devin zoulou (isangoma) récolte des tubercules à propriétés médicinales dans une prairie de montagne du KwaZulu Natal, en Afrique du Sud (A.B. Cunningham). Bandeaux, à gauche de haut en bas: plumes d’ara rouge (WWF-Canon/Anthony B. Rath), crocodile cubain (WWF-Canon/Michel Roggo), escargot arboricole peint (WWF-Canon/Michel Roggo), Apollon (WWF-Canon/Hartmut Jungius), cactus non identifié (WWF-Canon/Anthony B. Rath). À droite de haut en bas: écorce de pin du Chili (WWF-Canon/Edward Parker), corail dur (WWF-Canon/Sylvia Earl), caméléon de Johnston (WWF-Canon/Martin Harvey), Adonis vernalis (UICN/Wendy Strahm), éléphant d’Afrique (WWF-Canon/Martin Harvey). 2 Ce spécial CITES a été produit en partenariat avec Ressources marines au menu Perspectives régionales WWF-CANON/MARTIN HARVEY 35 Entre le cœur et la raison Achim Steiner Planète Conservation 7 On ne s’ennuie jamais ! Entretien avec Willem Wijnstekers, Secrétaire général de la CITES 13 Les registres du WCMC-PNUE Gerardo Fragoso 32 L’avenir de la CITES : opinion personnelle Jim Armstrong (anciennement Bulletin de l’UICN) 6 Guide de la CITES Alison Rosser et Sarah Ferris 11 La CSE et la CITES : évolution et adaptation David Brackett 31 Le suivi du commerce au 21e siècle Stephen V. Nash 20 Chacun sa chèvre : la chasse au trophée des ongulés de montagne Marco Festa Bianchet 4 Croissance et adaptation d’une convention David Brackett 9 Aiguiser les crocs de la CITES Tomme Rosanne Young EDWARD G. LINES/SHEDD AQUARIUM 16 Dans la soupe : la crise des tortues d’Asie Peter Paul van Dijk 17 Asie de l’Est : une lueur d’espoir Craig Kirkpatrick USFWS/J&K HOLLINGSWORTH WWF/KLEIN & HUBERT Rédactrices adjointes Alison Rosser et Maija Sirola Direction d’édition : Elaine Shaughnessy Secrétariat d’édition : Deborah Murith Édition française : Danièle Devitre © 2002 Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources Volume 33, N°3, 2002 ISSN:1027-0973 Maquette couverture : L’IV COM Sàrl Maquette/Mise en page : Maximedia Ltd. Produit par : la Division des publications de l’UICN, Gland, Suisse et Cambridge, R.-U. Imprimé par : Sadag Imprimerie Les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement celles de l’UICN ou de ses membres. Souscription annuelle: (3 numéros par an) USD 45 (non-membres) envoi par avion compris Pour vous renseigner sur la souscription, contactez : [email protected] Veuillez adresser toutes les autres demandes de renseignements à: [email protected] ou à l’adresse ci-dessus. Planète Conservation 3/2002 Pourquoi la CITES ? WWF-CANON/MARTIN HARVEY Depuis près de trente ans, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction réglemente le commerce d’espèces dont l’état est préoccupant, qu’il s’agisse de serpents, papillons, cactus, hippocampes, escargots, araignées, ou encore d’éléphants, rhinocéros et tigres plus familiers dont la survie est menacée par le commerce international. Le python Morelia viridis, une espèce arboricole des forêts pluviales d’Australie, a été inscrit à l’Annexe II de la CITES en 1977. À maints égards, le traité a obtenu de grandes réussites : il est parmi les accords sur la conservation qui comptent le plus de Parties : 160 à ce jour. Sous sa protection, les populations d’espèces comme la vigogne, le crocodile du Nil et le rhinocéros blanc ont augmenté. Mais le monde a beaucoup changé depuis que la CITES a été adoptée et la Convention continue d’évoluer pour tenir le rythme. La 12e session de la Conférence des Parties (CdP) qui aura lieu à Santiago du Chili (3 au 15 novembre 2002) offre l’occasion de réfléchir au passé, au présent et à l’avenir de la CITES à travers les yeux de son personnel, de ceux qui sont chargés de l’appliquer et de ses partenaires en conservation. « Magna Carta » des espèces sauvages Yolanda Kakabadse L’Union se considère comme l’un des plus proches partenaires de la CITES. Une bonne partie de notre travail – notamment dans le domaine de la conservation des espèces – est directement ou indirectement liée à sa mise en œuvre quotidienne. L’idée de la CITES est née en 1963, à l’Assemblée générale de l’UICN de Nairobi. Les membres de l’UICN, préoccupés par les dommages que l’exploitation pour le commerce international causait aux espèces sauvages, appelèrent de leurs vœux une « convention internationale sur la réglementation des exportations, du transport et de l’importation d’espèces rares ou menacées de la faune sauvage ou de leurs peaux et trophées ». Le restant de la décennie, l’équipe juridique de l’UICN, sous la direction de Wolfgang et Françoise Burhenne, prépara des projets successifs qui furent communiqués aux gouvernements et aux organisations non gouvernementales. Un autre aspect du travail de l’UICN à l’époque, les livres rouges (Red Data Books), eut une influence sur le processus : les avant-projets du traité s’appuyaient sur l’idée que le commerce des espèces sauvages serait contrôlé sur la base de listes d’espèces menacées dressées et régulièrement mises à jour par des experts. Toutefois, quelques grands exportateurs de faune sauvage – principalement des pays en développement mais aussi les États-Unis – objectèrent, déclarant que chaque Planète Conservation 3/2002 État devait avoir sa propre liste. Un compromis fut trouvé et présenté à la conférence plénipotentiaire de 1973, organisée au Pentagone, à Washington, États-Unis. La « Convention de Washington », fruit de cette conférence, fut signée par 80 pays le 3 mars 1973 et baptisée « Magna Carta de la faune sauvage ». Entrée en vigueur le 1er juillet 1975, elle compte aujourd’hui près de 160 Parties contractantes et continue de grandir. Le PNUE, créé à la Conférence de Stockholm de 1972, chargea l’UICN de fournir les services et les locaux du secrétariat jusqu’en 1984, date à laquelle il prit la relève. Aujourd’hui, l’Union joue un rôle plus scientifique que juridique auprès de la CITES mais tire toujours fierté de sa contribution à la naissance de la Convention. Ce numéro spécial de Planète Conservation s’intéresse au fonctionnement actuel de la CITES et discute de moyens de l’améliorer. Nous y verrons la preuve, une fois encore, que la CITES, la Convention sur la diversité biologique, le Programme de l’UICN et les programmes de ses Commissions, ainsi que les principaux agents internationaux de la conservation de l’environnement commencent à se rassembler pour faire cause commune, sur des fondements communs et à la poursuite d’objectifs communs. Yolanda Kakabadse est Présidente de l’UICN. 3 POURQUOI LA CITES ? Croissance et adaptation d’une convention David Brackett sorte que toute exploitation commerciale des espèces sauvages soit durable. Du plus grand mammifère vivant, la baleine bleue, au papillon délicat, des orchidées les plus rares de la planète à l’acajou majestueux, la CITES réglemente le commerce d’une grande diversité d’espèces. Toutes ont un point commun – la communauté internationale a décidé de coopérer pour faire en sorte que le commerce ne porte pas préjudice à leur survie. Du haut de ses 27 ans, la CITES est un des accords multilatéraux de l’environnement les plus anciens et, on peut le dire, un de ceux qui ont le mieux réussi. Rédigée bien longtemps avant que les idées contemporaines de gouvernance internationale et de propriété des ressources ne soient en vogue, la CITES était néanmoins très en avance sur son temps. Le préambule énonce comme principe que tous les gouvernements nationaux ont des droits souverains et des responsabilités sur leurs espèces sauvages et que la coopération internationale est essentielle si l’on veut que le commerce international soit géré efficacement. Outre qu’ils appréciaient la beauté des espèces sauvages, les rédacteurs reconnaissaient aussi leur valeur croissante. Et le plus important peut-être, en ces temps d’éveil des consciences à la conservation, alors que le développement durable et le partage des avantages sont des piliers de la Convention sur la diversité biologique, l’objectif de la CITES est de faire en Droit contraignant ou non contraignant Les espèces peuvent être inscrites aux trois annexes de la Convention qui leur accordent différents niveaux de protection contre le commerce (voir p. 6). Ces annexes sont modifiées à l’occasion des sessions biennales de la Conférence des Parties et donnent lieu aux décisions fondamentales car elles relèvent du « droit contraignant ». Outre les amendements, la CdP discute aussi de modifications à porter à ses résolutions et décisions mais, celles-ci relèvent du « droit non contraignant » et les pays peuvent exercer quelque discrétion dans l’application. La CITES a une très large couverture mondiale, avec 160 Parties au dernier recensement. Avec une représentation régionale aux comités, la Convention peut s’appuyer sur un large éventail d’opinions sur les meilleurs moyens de réglementer l’exploitation pour le commerce international afin d’éviter que celui-ci menace les espèces. Les Parties ont ouvertement reconnu les avantages du commerce en 1984 et cette approche sous-tend nombre de programmes d’utilisation durable que la Convention aide à réglementer. WWF-CANON/ROGER LEGUEN Avis de commerce non préjudiciable Résultats mitigés L’ara de Spix Cyanopsitta spixii a été déclaré éteint à l’état sauvage en 1999. Il était pourtant intégralement protégé par la CITES depuis 1975. Dans cette période, plus de 60 oiseaux ont été élevés en captivité avec succès sous la supervision de la CITES. Le tigre s’approche de l’extinction malgré des résolutions successives priant les Parties de prendre des mesures. Le braconnage des rhinocéros est resté élevé pendant dix ans après que toutes les espèces aient été inscrites à l’Annexe I mais, depuis 8 à 10 ans, l’inscription à l’Annexe I conjuguée à des investissements dans de petits sanctuaires de rhinocéros ont empêché la résurgence de taux élevés de braconnage. Les populations de rhinocéros blancs ont beaucoup augmenté. 4 Selon la Convention, le commerce d’espèces de l’Annexe II (voir p. 6) ne doit pas nuire aux espèces (voir encadré, p. 5) mais, au fil des ans, certaines Parties ont eu fort à faire pour respecter cette obligation. Un examen du commerce des espèces de l’Annexe II a donc été institué pour aider les Parties à gérer le commerce de manière durable. L’Étude du commerce important (voir encadré, p. 5) permet aux Comités pour les plantes et pour les animaux de mettre en lumière les problèmes particuliers que rencontre telle ou telle Partie qui tente de déterminer si le commerce est durable et de lui présenter des recommandations ciblées. Les Comités peuvent recommander, par exemple, une interdiction limitée du commerce ou une restriction du volume du commerce et ces recommandations peuvent aider une Partie à faire en sorte que son commerce d’un taxon particulier soit durable. Conséquences imprévues La possibilité de recourir à des restrictions du commerce est une des forces de la CITES car elle lui donne les moyens de faire appliquer les textes. Cependant, certaines restrictions au commerce ont eu des conséquences imprévues, soit par exemple, que le commerce se soit tourné vers un taxon ou vers des spécimens d’un autre État de l’aire de répartition, soit encore que les restrictions aient encouragé l’élevage en captivité/la reproduction artificielle ex situ sans aucun avantage pour les États de l’aire de répartition. Après dix ans de fonctionnement, un examen de l’efficacité du processus pourrait aider à renforcer celuici pour qu’il aide encore plus les Parties à remplir leurs obligations. Planète Conservation 3/2002 POURQUOI LA CITES ? Quelques succès WWF-CANON/MARTIN HARVEY Les résultats de l’inscription à l’Annexe I ont été mitigés pour plusieurs espèces, et lorsque la demande est élevée, l’inscription à l’Annexe I ne suffit peut-être pas pour faire cesser la tendance à l’appauvrissement des populations. En général, toutefois, on ne peut que se demander ce qui serait arrivé s’il n’y avait pas eu la CITES. Un des grands inconvénients de l’Annexe I c’est que lorsqu’une espèce y est inscrite, il n’existe pas de procédure, relevant de la Convention, pour étudier la gestion de l’espèce en question. Il est présumé que l’état d’une espèce protégée contre le commerce international s’améliore ou, au pire, reste stable. Mais beaucoup d’espèces, même lorsqu’elles ne sont pas touchées par un commerce international illicite, sont utilisées au niveau national à des fins alimentaires, comme sources de produits pour la médecine, etc. de sorte que leur déclin peut se poursuivre. La gestion en collaboration Sous la protection de la CITES, les rhinocéros blancs Ceratotherium simum sont passés de quelques centaines d’individus à plus de 10 000. WWF/FRÉDY MERCAY Depuis quelques années, la CITES encourage la gestion en collaboration, par exemple dans le cadre des Dialogues sur l’éléphant et la tortue imbriquée (voir encadré) qui réunissent les États de l’aire de répartition pour discuter du commerce d’un taxon particulier. Un deuxième exemple de gestion en collaboration est apparu à la suite d’une Étude du commerce important : les États producteurs de caviar de la mer Caspienne se sont engagés à établir un plan de gestion conjoint pour leurs ressources partagées (voir p. 25). Le troisième exemple est l’organisation d’ateliers sur des espèces qui ne sont pas encore inscrites aux annexes, mais dont l’état inquiète les Parties à la CITES. Ce sont des espèces aussi diverses que les salanganes dont les nids servent à confectionner la soupe de nids d’hirondelles, les requins, les hippocampes, les tortues d’Asie et les animaux chassés pour le commerce de la viande de brousse. Ainsi, la CITES évolue pour répondre aux besoins du 21e siècle en matière de gestion en collaboration au niveau des écosystèmes et s’attaque à la question de la durabilité plus activement que jamais. Le commerce international des lémurs est strictement réglementé par la CITES. Aujourd’hui, ils sont relativement à l’abri des chasseurs mais le déboisement reste une menace grave. Photo : le sifaka de Verreaux Propithecus verreauxi dans la Réserve malgache de Berenty. David Brackett est Président de la Commission UICN de la sauvegarde des espèces. Avant que des permis d’exportation puissent être délivrés pour des espèces de l’Annexe II, les autorités scientifiques de la CITES doivent rendre un avis de commerce non préjudiciable. Ainsi, elles s’assurent que le commerce de spécimens ne nuit pas à la survie des espèces concernées et, en conséquence, qu’il est durable. Pour les pays qui partagent l’aire de répartition d’une espèce, les Dialogues servent de forum où ils peuvent échanger des vues à l’abri de pressions extérieures. Grâce à la participation étroite de personnel de la CSE/UICN, de groupes de spécialistes et de TRAFFIC, les dialogues étudient les informations les plus récentes sur des problèmes clés, permettent de trouver des compromis et des consensus et de communiquer clairement les résultats aux Parties à la CITES. Planète Conservation 3/2002 WWF-CANON/MARTIN HARVEY L’Étude du commerce important est une étude technique précise des espèces de l’Annexe II pour lesquelles le niveau du commerce pourrait être un problème. L’étude porte sur l’état de conservation, la gestion et les menaces ; le suivi du commerce et l’établissement de rapports ; et les incidences de la mise en œuvre de la CITES. Elle est suivie par l’élaboration de recommandations sur les moyens de remédier aux problèmes. Avant que les perce-neige Galanthus spp. soient inscrits, en 1989, il y avait un commerce non durable important. Aujourd’hui, le suivi et les règlements se sont bien améliorés, en particulier dans le principal pays source, la Turquie. Photo : Galanthus elwesii des monts Taurus, en Turquie. 5 POURQUOI LA CITES ? Guide de la CITES Alison Rosser et Sarah Ferris La CITES est administrée par un Secrétariat basé à Genève, en Suisse, qui coordonne les travaux de la Convention en servant les Parties et en jouant un rôle consultatif. Le personnel remplit les tâches qui découlent du texte de la CITES et qui lui sont confiées par les décisions et résolutions de la Conférence des Parties. Il y trois comités techniques : ➤ Le Comité pour les plantes et le Comité pour les animaux traitent les questions scientifiques qui leur sont référées par la CdP et le Comité permanent. ➤ Le Comité de la nomenclature prend des décisions concernant la taxonomie CITES. Dispositions nationales Au niveau de chaque Partie, la CITES est administrée par un organe de gestion national chargé de délivrer des permis et des certificats et de veiller au respect des dispositions de la Convention. Une autorité scientifique nationale, dans chaque pays, conseille l’organe de gestion sur des questions techniques relatives à la durabilité du commerce d’espèces particulières. Les annexes Les trois annexes de la Convention sont au cœur du système CITES : elles énumèrent les espèces protégées. WWF/KLEIN & HUBERT Les espèces inscrites à l’Annexe I sont menacées d’extinction et toute transaction internationale à des fins commerciales, concernant ces espèces, est interdite. Les spécimens élevés en captivité ou reproduits artificiellement et les objets personnels peuvent bénéficier de dérogations particulières. Les cycas sont un groupe ancien de plantes à graines. Autrefois abondants, ils sont aujourd’hui inscrits aux annexes CITES. Photo : un cycas en fleur, Territoires du Nord, Australie. Les espèces inscrites à l’Annexe II ne sont pas nécessairement menacées d’extinction mais pourraient le devenir si elles n’étaient pas soumises à une réglementation et à un suivi rigoureux. L’Annexe II comprend la majorité des espèces inscrites et permet de garantir la durabilité du commerce de ces espèces : avant que le commerce puisse être approuvé par l’organe de gestion du pays exportateur, l’autorité scientifique doit déterminer qu’il ne portera pas préjudice à la survie de l’espèce (« avis de commerce non préjudiciable » : voir p. 5). Les espèces inscrites à l’Annexe III sont celles que les pays souhaitent protéger mais, pour surveiller le commerce, ils ont besoin du concours des autres Parties à la CITES. L’inscription de l’acajou, en 1998, a montré que l’Annexe III peut être utile au suivi du commerce, à condition que les Parties respectent ses dispositions. Les sessions de la Conférence des Parties (CdP) Le but de la CdP est multiple : ➤ amender les annexes de la Convention ; ➤ examiner la mise en œuvre de la Convention ; et ➤ examiner tous les rapports ou recommandations du Secrétariat ou d’une Partie. Les sessions de la CdP ont lieu environ tous les deux ans et demi, durant dix jours ouvrables et la 12e session de la CdP aura lieu au Chili en novembre 2002. Les observateurs comprennent des organisations intergouvernementales, des institutions des Nations Unies, des représentants d’autres accords internationaux, des organisations non gouvernementales et des pays qui ne sont pas encore Parties à la Convention. Avant d’être traitées par les Parties, la plupart des questions sont d’abord étudiées par des comités. Le Comité I traite de toutes les propositions d’amendement et d’autres questions d’ordre biologique. Le Comité II traite plus particulièrement de questions relatives à la mise en œuvre et à la lutte contre la fraude. Les amendements aux annexes peuvent concerner l’inscription ou la suppression d’espèces des annexes ou le transfert d’espèces entre les annexes. Les propositions d’amendement peuvent elles-mêmes être amendées durant la CdP afin d’éclaircir l’intention ou pour en limiter le champ d’action. Les pouvoirs des Parties doivent être acceptés afin que leur vote puisse être compté et une majorité des deux tiers des Parties votantes est nécessaire. Le vote peut avoir lieu à main levée, par appel nominal ou au scrutin secret. Une résolution de la CdP fournit essentiellement des orientations sur l’interprétation du texte de la Convention et vise à améliorer et renforcer la Convention. Généralement, les résolutions durent longtemps ou sont permanentes. Il y a actuellement 77 résolutions en vigueur. Une décision tend à être de durée plus brève et reflète les programmes de travail des différents comités ou des Parties entre les sessions de la CdP. Alison Rosser, est Responsable du Programme CSE/UICN sur le commerce des espèces sauvages et Sarah Ferris est stagiaire au Programme CSE/UICN sur le commerce des espèces sauvages. 6 Planète Conservation 3/2002 POURQUOI LA CITES ? On ne s’ennuie jamais ! Entretien avec Willem Wijnstekers, Secrétaire général de la CITES Willem Wijnstekers : Ce qui m’a toujours surpris, c’est la faculté d’adaptation de la CITES aux changements dans la pensée de la conservation et dans les besoins de conservation des espèces et aux structures nouvelles du commerce pour ne citer que quelques exemples, depuis qu’elle a été signée, il y a près de 30 ans. Pour ce qui est de ses réussites, je choisirais la Convention elle-même : la CITES est le cadre international juridique qu’il faudrait aujourd’hui inventer s’il n’existait pas. Les nombreux pays consommateurs d’espèces sauvages auraient pris les mesures les plus disparates pour limiter les importations et je vous laisse imaginer la quantité de questions commerciales bilatérales supplémentaires que devrait résoudre l’Organisation mondiale du commerce. La CITES offre une plate-forme à ses 160 Parties qui peuvent arrêter, démocratiquement, les mesures internationales applicables au commerce. À cet égard, elle a été extrêmement productive et efficace. Il y a, chaque année, quelque chose comme 500 000 transactions commerciales soumises aux dispositions de la CITES. Celles-ci établissent les obligations, conditions et procédures normalisées du commerce international dans l’intérêt de la conservation et de pas moins de 5000 espèces d’animaux et quelque 25 000 plantes. Comment ont évolué les relations entre TRAFFIC, l’UICN, la CSE et la CITES au fil des ans ? Depuis les tous premiers jours de la CITES, l’UICN, sa Commission de la sauvegarde des espèces et TRAFFIC ont, été ses plus proches partenaires. Au fil des ans, nos relations se sont renforcées et ont mûri. Il est très important, pour un accord tel que la CITES, de pouvoir compter sur des travaux de recherche et des avis scientifiques objectifs. Qu’y a-t-il de plus passionnant dans l’histoire de la Convention ? Tout d’abord, le nombre croissant de Parties qui sont en interaction continue, dans l’intérêt de la conservation de tant d’animaux et de tant d’espèces de plantes. Naturellement, ces interactions sont à leur comble durant les deux semaines où la Conférence des Parties (CdP) est en session comme ce sera le cas à Santiago du Chili, du 3 au 15 novembre 2002. Et croyez-moi, ces réunions sont passionnantes. J’ai assisté à un certain nombre de réunions internationales barbantes depuis 25 ans mais à la CdP de la CITES, on ne s’ennuie jamais! Autre chose passionnante : l’intérêt extraordinaire de la société civile et la participation très active des organisations non gouvernementales du monde entier, Planète Conservation 3/2002 WWF-CANON/JUAN PRATGINESTOS Question : Quelle est la caractéristique particulière de la Convention et quelles ont été ses plus grandes réussites ? Les dispositions sur l’élevage en ranch des crocodiliens sont considérées comme un des grands succès de la Convention. Photo : des chercheurs mesurent un crocodile dans une ferme du Venezuela. des horizons les plus divers qui soient. Il est surprenant que, malgré d’immenses divergences d’opinion entre les pays et entre les ONG et, malgré des débats parfois houleux et émotionnels, il y ait toujours une ambiance formidable aux réunions de la CITES. Beaucoup de décisions de la CITES sont passionnantes en raison de leurs incidences directes sur les politiques de la conservation et du commerce : l’interdiction du commerce de produits provenant des espèces sauvages, les restrictions du commerce international dans le cadre de systèmes de quotas ou – malheureusement ce qui est moins fréquent – la levée de ces restrictions parce que l’état de conservation d’une espèce s’est beaucoup amélioré. Quelles sont les espèces qui auraient disparu et qui survivent aujourd’hui grâce à la CITES ? C’est très difficile à dire, parce que la CITES n’est qu’une pièce du puzzle – parfois petite, parfois grande – car elle ne traite que les aspects du commerce international. Elle est de peu d’utilité pour les espèces qui ne sont pas menacées par le commerce mais qui le sont, par exemple, par la disparition de leur habitat. Il y a tant de facteurs qui influencent la conservation des espèces qu’aucune organisation ne peut s’approprier le succès ou être blâmée pour l’échec. Mais il est certainement vrai que pour les espèces qui sont soumises à des volumes considérables de commerce international licite et/ou illicite, la CITES est bénéfique et, bien souvent, l’instrument de leur conservation. Quand la CITES n’a-t-elle pas tenu ses promesses et qu’y faire ? Je ne crois pas que la CITES ait jamais fait de promesses. C’est un instrument comme n’importe quel autre et on ne devient pas champion de tennis parce qu’on s’achète une bonne raquette. Ce que je trouve décevant, cependant, c’est l’absence d’engagement politique de nombreux pays qui sont 7 POURQUOI LA CITES ? l’esturgeon et la réduction du commerce illicite du caviar. Cela montre clairement que la CITES peut avoir un effet positif et j’espère que ce succès apaisera les soupçons et les doutes de tous ceux qui participent à de telles activités commerciales à grande échelle. WWF-CANON/ANDRE BARTSCHI Qu’est-ce qui vous a surpris dans la CITES ? www.cites.org À l’horizon de la CITES se profile la question de son application au commerce international d’espèces de grande valeur économique comme les bois tropicaux. Photo : camp d’exploitation dans une forêt d’acajous à la frontière du Pérou et de la Bolivie. 8 Parties à la CITES. En conséquence, les administrations ne peuvent utiliser correctement l’instrument qui leur est offert au moment de l’adhésion à la CITES. Les ressources humaines et financières sont insuffisantes et cela pas seulement dans les pays en développement, avec les incidences négatives que l’on peut imaginer sur le processus législatif et la capacité de mettre en œuvre et d’appliquer les dispositions de la Convention, tant du point de vue technique que scientifique. Le problème qui en découle directement, c’est la pénurie de ressources financières qui pourraient permettre au Secrétariat de la CITES, avec des partenaires tels que l’UICN et TRAFFIC, de mener à bien les nombreuses tâches confiées par les Parties pour lesquelles il faut trouver un financement extérieur aléatoire parce que le budget de la Convention ne suffit pas. Cela crée de fausses attentes et des déceptions dans les pays en développement, en particulier. Quelles sont les questions brûlantes auxquelles la CITES fait face aujourd’hui ? Le nombre et la forme des questions brûlantes diffèrent énormément au fil des ans. Les plus célèbres et les plus anciennes viennent tout d’abord à l’esprit : les rhinocéros, les éléphants, les cétacés, les tortues marines, les tigres et les esturgeons. Ces questions, ainsi que d’autres, sont très différentes de celles qui ont conduit l’Assemblée générale de l’UICN, en 1963, à demander l’adoption d’une convention internationale sur le commerce d’espèces rares ou menacées ou de leurs peaux et trophées. Ce que l’on n’a pas encore résolu ou insuffisamment résolu, c’est comment utiliser la CITES pour réglementer le commerce international d’espèces de grande valeur économique – par exemple les bois tropicaux et les ressources halieutiques commerciales. Dans ce dernier cas, je suis heureux que nous ayons fait de grands progrès concernant la conservation de Ce qui me surprend est que, quelle que soit la situation du commerce international des plantes ou des animaux sauvages, la CITES a toujours trouvé des remèdes pratiques. Mais ce qui me surprend le plus – à la lumière de ce j’ai déjà dit concernant la nécessité de renforcer l’engagement politique – c’est le dévouement de tant de gens, dans le monde entier, qui participent à la protection des espèces sauvages dans des circonstances très difficiles et souvent dangereuses. Qu’est-ce qui vous semble le plus difficile dans l’application de la Convention ? Sans doute le fait d’avoir à déterminer le moment où un certain niveau de commerce international a des incidences défavorables sur la conservation d’une espèce. Pour beaucoup d’espèces, il y a une absence grave de données scientifiques et c’est à cet égard que la CITES dépend le plus de partenaires tels que l’UICN. Que voyez-vous dans votre boule de cristal ? Où en sera la CITES dans dix ans ? Dans dix ans, la CITES aura sans doute réuni tous les pays de la terre et n’aura rien perdu de sa pertinence pour la conservation des espèces. Une fois encore, la CITES est très souple et très adaptable aux nouveaux problèmes et elle saura très certainement résoudre les problèmes à venir. Le développement permanent des technologies électroniques et multimédias est sans doute très prometteur pour nous du point de vue de la simplification des systèmes de contrôle CITES basés sur des permis. Il y a deux ans, les Parties à la CITES ont adopté une vision stratégique jusqu’en 2005 et j’espère que la plupart des objectifs auront été atteints d’ici là ou du moins d’ici dix ans. Pour cela, il faudra cependant davantage de ressources que celles qui sont actuellement mises à disposition tant au niveau national qu’international. Si l’on vous accordait un seul vœu pour l’avenir de la CITES, quel serait-il ? Le commerce international n’est peut-être qu’un élément sur une longue liste de problèmes de l’environnement auxquels les pays et la communauté internationale sont confrontés, mais si je pouvais faire un seul vœu, ce serait que la CITES obtienne enfin la grande priorité qu’elle mérite. ❏ Contactez la CITES Consultez http://www.cites.org ou écrivez au : Secrétariat CITES 15 chemin des Anémones, 1219 Châtelaine Genève, Suisse Planète Conservation 3/2002 La CITES WWF/ROB WEBSTER en marche Défenses d’éléphants et cornes de rhinocéros confisquées à la douane de l’aéroport de Schiphol, Amsterdam. En 25 ans, la CITES a connu de réelles réussites dans sa maîtrise d’un catalyseur essentiel de la destruction des espèces : le commerce international des espèces sauvages, de leurs parties et produits. Ce succès est, dans une large mesure, enraciné dans des activités de suivi, d’application et de surveillance rigoureuses et efficaces à tous les niveaux. Le prochain quart de siècle, cependant, offre de nouveaux enjeux, notamment en ce qui concerne l’application. Le présent article examine certaines des réussites d’application de la CITES à ce jour, ainsi que la nature des défis futurs. Aiguiser les crocs de la CITES Tomme Rosanne Young La CITES, c’est une « arme à double tranchant » contre le commerce illicite ou destructeur des espèces sauvages. Elle exerce son contrôle sur le commerce lorsque le spécimen ou le produit quitte le pays d’origine et lorsqu’il arrive à sa destination intermédiaire ou finale. En pratique, c’est une des clés du succès de la CITES. Très peu de temps après l’entrée en vigueur de la Convention, plusieurs grands pays importateurs ont instauré des mesures de contrôle strictes sur les importations. Leur action a eu un effet immédiat sur le volume du commerce même si de nombreux pays exportateurs ont été beaucoup plus lents à mettre en œuvre la Convention. L’autre clé de l’efficacité de la CITES tient à sa Conférence des Parties (CdP) qui n’a pas seulement constamment révisé les listes d’espèces et les procédures mais qui s’est posée en gardien du processus de la Convention, censurant les Parties qui ne respectent pas leurs obligations. Le commerce d’espèces inscrites à la CITES avec ces Parties peut être limité et pire encore, la réputation des Parties en question auprès des écotouristes et des donateurs, entre autres, peut être entachée. La censure en tant qu’instrument primaire, parfois décrié, de l’application de la CITES, s’est révélée très importante. La CITES a été adoptée dans l’urgence, en 1973. En effet, l’heure était grave pour de nombreuses espèces rares, importantes et précieuses. Trois décennies plus tard, cependant, la Convention doit évoluer et traiter les questions permanentes, non urgentes mais néanmoins importantes de l’époque – pour ne pas faillir à son potentiel de convention « du développement durable ». Les voix qui demandent cette évolution s’élèvent tant de l’intérieur que de l’extérieur. Planète Conservation 3/2002 L’explosion des listes Avec plus de 30 000 espèces de plantes et d’animaux inscrites à l’Annexe I et à l’Annexe II, chaque pays doit déployer d’immenses efforts d’application de la Convention. Il est déjà difficile de former le personnel à reconnaître s’il s’agit d’une espèce inscrite aux annexes, lorsque les spécimens sont entiers, mais lorsque le commerce international concerne « une partie, ou un produit » d’un spécimen, le travail d’identification est encore plus complexe et difficile. Le commerce se poursuit cependant et peut être fortement désavantagé par les délais. Il est clair que le personnel chargé de l’application de la Convention doit avoir accès à des experts, à des bases de données, à des techniques et à de l’équipement d’identification, ainsi qu’à une formation aux différents processus et systèmes de permis CITES. Le commerce contrôlé Plus de 90 % des espèces CITES sont inscrites à l’Annexe II et en conséquence, l’objectif de la CITES est de plus en plus le commerce durable et contrôlé plutôt que l’interdiction du commerce. Il est toujours plus compliqué et plus coûteux (tant du point de vue humain que financier) de « contrôler » quelque chose que de l’interdire. Le personnel de lutte contre la fraude, dans les pays importateurs doit évaluer la légitimité des permis d’exportation qui lui sont présentés ainsi que les facteurs relatifs à la délivrance du permis. Chaque Partie doit maintenir une vigilance constante sur le nombre et l’état des espèces ainsi que sur les divers effets secondaires du commerce des espèces afin de pouvoir fixer et mettre en œuvre efficacement les quotas internationaux. 9 DON MERTON LA CITES EN MARCHE Tente nomade mongolienne (dite « ger ») au Musée d’Oulan-Bator, couverte par plus de 100 peaux de léopards des neiges. Les peaux ne sont plus utilisées à cette fin mais la chasse illicite reste un facteur important contribuant à l’état critique de cette espèce indigène, parmi d’autres. Rare et recherché Ce qui est rare est recherché : c’est là un défi majeur pour la CITES, qu’il s’agisse de la chasse aux trophées d’espèces menacées d’extinction dans la nature ou du prélèvement de produits désirables parce qu’ils sont considérés comme rares. Dans le dernier cas, on peut citer l’ivoire et l’écaille de tortue recherchés, à l’origine, pour leur plasticité, parce qu’il est facile de les sculpter. Peu de substances peuvent en effet être travaillées avec art et posséder néanmoins la dureté, la couleur et la résistance de l’ivoire. On peut aussi sculpter et mouler l’écaille de tortue pour en faire des articles de valeur (objets décoratifs ou de toilette, etc.). Toutefois, les progrès ont éliminé cette valeur et les plastiques modernes sont devenus les principaux concurrents de l’écaille de tortue. Aujourd’hui, la demande de l’ivoire et de l’écaille de tortue semble être exclusivement motivée par la rareté. Les principes économiques nous enseignent que plus il est difficile de satisfaire une demande, plus le prix est élevé. Lorsque l’approvisionnement est contrôlé ou limité, le prix continue de grimper en spirale tant que la demande est supérieure à l’offre. Et c’est là que se trouve, en germe, l’un des problèmes les plus difficiles à résoudre pour la CITES. La nouvelle criminalité On assiste, depuis quelques années, à un phénomène nouveau et inquiétant – des braconniers et des criminels qui s’intéressaient autrefois à la drogue et au vol d’objets d’art sont en train de s’intéresser au commerce des animaux et des plantes inscrits à la CITES. La valeur de ces biens sur le marché noir est parfois stupéfiante ; et même lorsque ce n’est pas le cas, les profits en jeu peuvent être énormes. Le système de permis L’inscription à l’Annexe II n’interdit pas le commerce international de spécimens d’une espèce mais pour pratiquer ce commerce, l’exportateur doit obtenir un permis délivré par le gouvernement qui certifie que les spécimens ont été obtenus légalement et que leur exportation ne nuira pas à la survie des espèces concernées. 10 Le facteur sournois qui incite les criminels à s’intéresser au commerce des espèces est que les sanctions sont souvent dérisoires. Lors d’une évaluation récente et non systématique des violations de la CITES aux ÉtatsUnis, il est apparu que le nombre d’arrestations de récidivistes transportant des quantités commerciales de spécimens (dans certains cas des centaines d’amphibiens ou d’oiseaux vivants ou naturalisés) augmente. Un petit pourcentage seulement de ces délinquants sont emprisonnés et les pénalités financières infligées sont généralement inférieures à la valeur des spécimens concernés. En comparaison avec le délit, la sanction est presque risible. La croissance de la demande de produits d’espèces sauvages contribue à l’augmentation en spirale de leur valeur de sorte que de nombreux contrebandiers peuvent s’offrir des moyens technologiques qui ne sont pas à la portée de ceux qui luttent contre les délits relatifs aux espèces sauvages. Chercher des réponses À long terme, les réponses aux nouveaux défis que doit relever la CITES ne seront pas simples. Il ne suffira pas de renforcer le contrôle du transport des espèces et de durcir les sanctions. Les juges les plus volontaires et les plus indépendants imposeront rarement des sanctions sévères même si la loi les y autorise, à moins que la majorité des citoyens locaux et respectueux de la loi estiment que le délit « mérite » ces sanctions. Il faut donner la priorité à la mise au point de moyens plus efficaces d’influencer l’opinion publique, tant pour infléchir la demande que pour soutenir l’application de sanctions proportionnées, notamment dans les pays importateurs. Aiguiser les deux tranchants Et en fin de compte, il faudra plus que cela. Il faudra aiguiser les deux tranchants de l’arme de la CITES. Sur le front des exportations, les processus de la Convention font déjà une place plus importante à l’utilisation durable des espèces de l’Annexe II en tant que ressources nationales. Lorsque des marchés licites auront trouvé des niveaux rationnels, l’inflation en spirale causée par une demande non satisfaite pourrait se stabiliser et certaines incitations au commerce criminel pourraient être éliminées au moins pour ramener celui-ci dans des proportions contrôlables. Ces efforts complètent et sont complétés par la reconnaissance par la CITES des relations entre l’inscription des espèces et la conservation des espèces non inscrites et de leur habitat (par exemple dans le cadre des critères d’inscription et de l’Étude du commerce important). Au-delà, on peut replacer la CITES dans le contexte de nombreuses conventions mondiales et régionales qui portent sur les habitats et les espèces. Ensemble, elles permettront de créer un marché mondial rationnel pour les produits des espèces sauvages – et donneront à la CITES la place qu’il lui revient en tant que principale « convention de l’utilisation durable ». Tomme Rosanne Young est Conseillère juridique principale au Centre UICN du droit de l’environnement. Planète Conservation 3/2002 LA CITES EN MARCHE La CSE et la CITES : évolution et adaptation David Brackett Avis expert De nombreux experts des groupes de spécialistes assistent aux sessions de la CdP à laquelle ils apportent leur avis et leurs connaissances spécialisées, soit au sein de la délégation de l’UICN, soit, souvent, dans les délégations de Parties à la Convention. Au fil des ans, on a pu y rencontrer Peter Jackson, ancien Président du Groupe de spécialistes des félins, très actif dans les négociations de la CITES sur le tigre et Holly Dublin, du Groupe de spécialistes des éléphants d’Afrique qui a donné sa rigueur scientifique aux Dialogues CITES sur l’éléphant d’Afrique. Et qui pourrait oublier la présence imposante de Harry Messel ? et l’approche originale de son groupe en matière de conservation des crocodiliens ? défendue inlassablement par Perran Ross, le Responsable exécutif du Groupe; ou le rôle de Jack Musick et Sarah Fowler qui ont placé les requins sur l’écran radar de la CITES ? l’insistance de Graeme Webb et Jon Hutton qui voulaient que la CITES aborde la question de la conservation et du développement durable ? Le Groupe de spécialistes des plantes médicinales, bien qu’il soit relativement nouveau venu, n’est pas passé inaperçu grâce à la personnalité de son premier président, Uwe Schippmann. Quant à Bertrand von Arx, Président du Groupe de spécialistes des plantes carnivores et Vice-président du Comité pour les plantes, il est l’incarnation des relations étroites établies entre la CSE et la CITES à travers de nombreux membres de la CSE. Les nouveaux critères En 1994, dans le cadre des efforts déployés par la CSE pour inscrire la science dans le processus décisionnel Planète Conservation 3/2002 de la CITES, des membres de la CSE appartenant à divers groupes de spécialistes, conduits par Simon Stuart et Georgina Mace, ont commencé à rédiger des critères objectifs et transparents d’inscription des espèces aux annexes de la CITES. Les Parties ont fini par adopter des critères qui n’étaient que vaguement fondés sur les avis de l’UICN, mais un pas décisif fut ainsi fait vers l’adoption de décisions plus rigoureuses. Ces critères devraient être révisés à la CdP12. Il importe que les Parties tiennent compte des incidences d’autres changements sur toute la gamme des espèces qui devront être évaluées. En 1998, reconnaissant l’importance de rendre des avis de commerce non préjudiciable (voir p. 5), le Programme sur le commerce des espèces sauvages, en collaboration avec le Secrétariat CITES, a réuni des experts de la CSE et du personnel des autorités scientifiques de plusieurs Parties pour un atelier destiné à mettre au point des orientations sur les UICN/WENDY STRAHM Avis de commerce non préjudiciable Des stars de la conservation des espèces : (ci-dessus) Bertrand von Arx, Président du Groupe CSE/UICN de spécialistes des plantes carnivores et (ci-dessous) Holly Dublin, Présidente du Groupe de spécialistes de l’éléphant d’Afrique avec un spécialiste kényen des éléphants, M. Kennedy. WWF-CANON/JOHN E. NEWBY La Commission de la sauvegarde des espèces (CSE) de l’UICN a contribué au succès de la CITES depuis les premiers pas de la Convention en lui apportant des informations sur l’état des espèces inscrites aux annexes ou menacées par le commerce international. En 1987 ont été publiées les premières évaluations des propositions d’amendement qui sont aujourd’hui connues sont le nom d’Analyses de l’UICN. Elles sont rédigées par le Programme CSE/UICN sur le commerce des espèces sauvages (voir ci-dessous) qui rassemble les connaissances d’experts de la CSE, entre autres, pour la biologie et du Réseau TRAFFIC (voir encadré, p. 12) pour les aspects relatifs au commerce. Le Groupe de spécialistes du commerce (GSC) devenu depuis Programme sur le commerce des espèces sauvages, a mis en route ce processus d’examen en 1987 pour la CdP6. Une étude indépendante des Analyses, après la CdP11, a conclu que les Parties y sont très attachées. La crédibilité des Analyses repose, en particulier, sur la réputation d’objectivité de l’UICN et de TRAFFIC. En réponse aux demandes des Parties, le Programme sur le commerce des espèces sauvages continue de mettre à jour et de publier La CITES : un instrument pour la conservation, qui offre des orientations sur le processus d’inscription des espèces aux annexes et qui en est, aujourd’hui, à sa 7e édition. Programme sur le commerce des espèces sauvages Le Programme CSE/UICN sur le commerce des espèces sauvages a été créé il y a plus de 12 ans pour renforcer la contribution scientifique de la CSE à la CITES. Depuis quelques années, ses perspectives se sont élargies afin de traiter une large gamme de questions relatives au commerce. Le Programme travaille avec des Groupes de spécialistes de la CSE afin d’identifier les espèces menacées par le commerce et de recommander des mesures d’atténuation. Cette information est relayée aux décideurs de la communauté internationale de la conservation. Le Programme travaille en collaboration avec son partenaire, le Réseau TRAFFIC. 11 Sommaire WWF-ROB WEBSTER TRAFFIC Un responsable TRAFFIC inspecte des articles confisqués à Amsterdam. moyens de rendre ces avis. La liste de référence qui en est résultée est actuellement mise à l’essai dans le cadre d’un plan de formation élaboré par le Secrétariat de la CITES. Changer les priorités La CITES a besoin de changer pour s’adapter au 21e siècle. Il faudrait s’intéresser de plus près aux incidences des règlements du commerce sur les moyens de subsistance des populations et aux conséquences des barrières commerciales imposées au commerce du Sud vers le Nord. Malheureusement, l’application des règlements est souvent le dernier des soucis de nombreux pays. Dans ces circonstances, il est peut-être temps d’évaluer les incidences de différents processus CITES et d’explorer l’utilisation d’incitations comme moyen plus créatif d’aller de l’avant. Ceci dit, une bonne partie des forces de la CITES réside dans l’aptitude collective des Parties à améliorer la gestion, soit par la collaboration régionale à la gestion de ressources partagées telles que les populations d’esturgeons de la Caspienne, soit par la gestion nationale en imposant des restrictions commerciales lorsque c’est nécessaire. En collaborant avec la Convention sur la diversité biologique (CDB), la CITES peut commencer à favoriser une approche plus globale pour garantir que le commerce international ne nuise pas à la survie des espèces. L’adoption récente par la CDB de la Stratégie mondiale pour les plantes reconnaît le rôle de la CITES à cet égard. TRAFFIC est le Programme de suivi du commerce des espèces sauvages du WWF-Fonds mondial pour la nature et de l’UICN. Sa mission consiste à faire en sorte que le commerce des plantes et des animaux sauvages ne constitue pas une menace pour la conservation de la nature. TRAFFIC a été fondé vers le milieu des années 1970 afin de rassembler et d’analyser les données sur le commerce des espèces sauvages, de détecter le commerce illicite et de contribuer à la mise en œuvre de la CITES. John A. Burton, son premier président, a joué un rôle fondamental en préparant les fondations de l’organisation, organisant les appels de fonds et recrutant le personnel. Depuis lors, TRAFFIC a élargi son rôle vis-à-vis du commerce des espèces sauvages, s’intéressant à de grands secteurs commerciaux comme la pêche et le commerce du bois ainsi qu’à une vaste gamme de problèmes régionaux et locaux. En un quart de siècle, TRAFFIC, qui avait au départ un seul bureau, s’est déployé en un réseau mondial de 22 bureaux répartis en huit programmes régionaux, dans le monde entier. La CSE reconnaît officiellement TRAFFIC comme la première source d’expertise sur le commerce et TRAFFIC reconnaît la CSE comme la première source d’expertise sur l’état biologique des espèces dans le commerce. En associant les données produites par les deux organisations, l’impact du commerce sur les espèces sauvages peut être évalué. Pour en savoir plus sur l’histoire du Réseau TRAFFIC, consultez http://www.traffic.org/25/network1.htm À commander à l’UICN : Les données « du jour » La CSE de l’UICN entre dans une nouvelle ère, avec l’élaboration de son Service d’information sur les espèces, un système électronique de gestion de l’information qui aidera les groupes de spécialistes à rassembler et diffuser les informations « du jour ». En collaboration avec TRAFFIC, nous cherchons à mettre au point un module sur le commerce pour compléter l’information sur l’état biologique. Avec ces outils scientifiques, la CSE peut continuer de contribuer aux efforts déployés par la CITES pour évaluer l’efficacité de ses procédures de suivi et de lutte contre la fraude. David Brackett est Président de la Commission de la sauvegarde des espèces de l’UICN. Consultez http://www.iucn.org/themes/ssc/ 12 La 2e édition de Crocodiles. Status Survey and Conservation Action Plan (1998) est à commander au World Conservation Bookstore. La CITES : un instrument pour la conservation, préparé par Alison Rosser, Mandy Haywood et Donna Harris, est un guide sur la procédure d’inscription d’espèces aux annexes. La 7e édition (2001) est à commander au World Conservation Bookstore. Pour une liste intégrale des plans d’action CSE/UICN et des informations sur la Liste rouge de l’UICN des espèces menacées, consultez http://www.iucn.org/themes/ssc/ Planète Conservation 3/2002 LA CITES EN MARCHE Les registres du WCMC-PNUE Le Centre mondial de surveillance continue de la conservation de la nature du PNUE (WCMC-PNUE) a plus de 25 ans d’expérience en matière de suivi du commerce des espèces sauvages en danger. Selon un accord avec le Secrétariat CITES, le Centre tient les registres du commerce des espèces inscrites à la CITES, déclaré par les Parties dans leurs rapports annuels. Le Centre reçoit aussi des copies de permis d’exportation envoyés au Secrétariat CITES pour vérification. La base de données informatisée qui en résulte est unique et contient actuellement plus de 4,7 millions de données sur le commerce des espèces sauvages et de leurs produits. Les premières données datent de 1975 : elles provenaient de 148 déclarations de commerce, à peine. Elles sont mises à jour dès que de nouveaux rapports annuels sont disponibles. Depuis 1986, il y a plus de 200 000 déclarations de commerce chaque année. Outre les données du commerce elles-mêmes, la base de données comprend quelque 40 000 noms et synonymes scientifiques. Le WCMC-PNUE réalise en outre des analyses des données pour les comités techniques CITES et pour les pays qui préparent des propositions d’amendement aux annexes de la CITES. Il travaille aussi beaucoup pour la Commission européenne, notamment pour fournir des rapports à ses groupes d’étude scientifique. Données sur les espèces Le WCMC-PNUE tient également une base de données plus générales sur la conservation des espèces qui contient des informations sur les espèces inscrites à la CITES ainsi qu’à d’autres instruments internationaux et dont une partie recoupe la Liste rouge de l’UICN des espèces menacées (voir www. redlist. org). Grâce à cette base de données, le Centre fournit un appui au Comité de la nomenclature de la CITES et produit une liste à jour des espèces CITES ainsi qu’une histoire annotée des annexes de la CITES après chaque session de la Conférence des Parties. Approche par écosystème De plus en plus, les Parties à la CITES reconnaissent la nécessité d’échanger des données avec les pays voisins afin de gérer correctement des ressources communes. Un exemple récent de la nécessité d’adopter une approche par écosystème pour le suivi des espèces a émergé des discussions, à la CdP11, concernant la tortue imbriquée Eretmochelys imbricata dans la région des Grandes Antilles. Le WCMC-PNUE s’est vu ultérieurement confier le soin de créer un organe d’échange des données (Data Sharing Facility) pour aider au suivi des populations de tortues dans la région. Cet organe rassemble Planète Conservation 3/2002 PETER PAUL VAN DIJK Gerardo Fragoso Cet envoi d’environ 700 tortues des rizières Malayemys subtrijuga a été confisqué le 15 mars 2000 à Ninh Binh, au Viet Nam, en route vers le Viet Nam septentrional et, probablement, vers les marchés alimentaires du sud de la Chine. Les données concernant ce genre de saisies sont tenues dans la base de données du WCMCPNUE sur le commerce. aujourd’hui plus de 70 organisations spécialisées qui produisent la base de données en ligne. Le WCMC-PNUE met en œuvre plusieurs autres initiatives de cette nature concernant la CITES, en collaboration avec d’autres membres de la famille du PNUE. Il s’agit de l’Atlas numérique mondial des mammifères marins, de l’Atlas des grands singes et du Système de cartographie interactive des tortues marines pour l’océan Indien et le Pacifique Sud. Gerardo Fragoso est Chef du Programme pour les espèces au WCMC-PNUE. Consultez :http://www.unep-wcmc.org/ Suivi des éléphants : MIKE et ETIS Avec la polarisation du débat sur les éléphants, il était crucial que les décisions de la CITES s’appuient sur les meilleures informations possibles. MIKE (Suivi de la chasse illicite à l’éléphant) et ETIS (Système d’information sur le commerce des éléphants) sont des instruments de suivi dont la CITES se sert pour évaluer les politiques de commerce des produits de l’éléphant. MIKE représente un jalon dans la conservation des espèces : pour la première fois, des échantillons de populations représentatives seront suivis dans toute l’aire de répartition de l’espèce dans le cadre d’une collaboration entre les États de l’aire de répartition concernés. Ces systèmes sont issus de la 10e session de la Conférence des Parties et sont des systèmes experts qui fournissent des informations aux Parties sur les activités illicites relatives aux éléphants. Consultez http ://www.cites.org/eng/programme/mike_etis.shtml 13 Espèces sauvages et MOYENS D’EXISTENCE Le commerce des espèces sauvages concerne aussi bien les animaux vivants et les plantes qu’une foule de produits dérivés : aliments, bois, articles en cuir, instruments de musique, souvenirs ou remèdes, par exemple. Le commerce, conjugué à des facteurs tels que la perte d’habitat, peut conduire des espèces au bord de l’extinction et détruire les ressources précieuses dont dépend la subsistance d’innombrables êtres humains. Économies rurales : revenu en espèces Teresa Mulliken Dans les pays en développement, de nombreux ménages ruraux dépendent des ressources de la faune et de la flore sauvages pour leur subsistance et comme source de revenu en espèces. La majeure partie des animaux et des plantes sauvages exploités sont vendus dans le pays d’origine. Les marchés, des petits villages aux grands centres urbains, regorgent de produits d’origine sauvage : fruits, miel, viande de brousse et poissons, plantes médicinales, paniers, meubles et matériaux de construction, bois de feu et dans certains cas, animaux vivants. Mais une bonne partie des produits d’espèces telles que l’éléphant d’Afrique Loxodonta africana et l’aloès d’Afrique du Sud Aloe ferox, inscrites à la CITES est destinée aux marchés étrangers. Commerce et contrôle du commerce : le facteur humain La CITES a été créée avec une mission claire : protéger les espèces sauvages contre la surexploitation par le commerce international. Personne ne s’est vraiment demandé quelle serait l’incidence des contrôles CITES sur la vie de ceux qui dépendent du commerce d’espèces inscrites à la CITES. Le rapport Making a Killing or Making a Living : Wildlife Trade, Trade Controls and Rural Livelihoods de l’Institut International pour l’environnement et le développement (IIED) et de TRAFFIC examine la question à travers une étude de la littérature et une étude de cas dans les monts Usambara de l’Est, en Tanzanie. L’étude a conclu que s’il contribue énormément à la subsistance rurale, le commerce international des espèces sauvages est mal documenté. L’information sur le commerce des espèces inscrites à la CITES est un peu meilleure, sauf en ce qui concerne les avantages économiques pour les communautés rurales. Néanmoins, on peut tirer certaines conclusions préliminaires sur le commerce, les contrôles du commerce et la subsistance en milieu rural. WWF-CANON/MICHEL GUNTHER Le commerce des espèces sauvages Selon la base de données du WCMC-PNUE sur le commerce, 19 millions de bulbes ont été exportés de Turquie en 1999. 14 Le commerce international des espèces sauvages, licite et illicite, est une activité commerciale majeure. On estime qu’il vaut au minimum 10 à 20 milliards de dollars par an et qu’il concerne des millions de plantes et d’animaux chaque année. Selon la base de données de la CITES sur le commerce que tient le WCMC-PNUE, 19 millions de bulbes ont été exportés de Turquie et 360000 bâtons de pluie du Chili et du Pérou en 1999. Entre 1995 et 1999, le commerce international licite des espèces inscrites à la CITES a porté sur plus de 250 000 oiseaux vivants (Annexe II) et 1250000 oiseaux vivants (Annexe III), 640000 reptiles vivants, environ 3 millions de peaux de reptiles, 150000 fourrures, près de 300 tonnes de caviar, plus d’un million de morceaux de corail et 21000 trophées de chasse. (Source : Commission européenne, DG Environnement) Planète Conservation 3/2002 Teresa Mulliken est Coordonnatrice pour la recherche et les politiques pour TRAFFIC. Consultez http://www.traffic.org Making a Killing or Making a Living : Wildlife Trade, Trade Controls and Rural Livelihoods examine les incidences de la CITES et d’autres contrôles du commerce sur la subsistance en milieu rural. C’est le fruit d’un projet réalisé par l’Institut international du développement durable (IIED) et TRAFFIC, financé par le Département britannique du développement international (DFID). Planète Conservation 3/2002 RBG KEW/C. GREY-WILSON La CITES fait de plus en plus porter son attention sur les questions de développement ; elle peut, et devrait, être un instrument puissant pour aider les peuples et les gouvernements à réaliser à la fois des objectifs de développement et de conservation. La « communauté CITES », l’industrie et les consommateurs devront mieux apprécier l’importance du commerce des espèces sauvages pour la subsistance en milieu rural. En outre, les processus décisionnels CITES devront évoluer pour tenir compte aussi bien des données socio-économiques que biologiques et des enseignements tirés de projets de gestion de la faune sauvage et de développement des produits forestiers non ligneux à l’échelle communautaire. Pour cela, il faudra améliorer les partenariats avec la « communauté du développement » et nouer de meilleurs liens avec la Convention sur la diversité biologique. Des millions d’orchidées sont importées chaque année aux États-Unis et en Europe. À droite : Cypripedium flavum de Betahei, en Chine. Ci-dessous : serre d’orchidées à Jersey, Royaume-Uni. UICN/WENDY STRAHM Un outil de développement WWF/UNEP/TOPHAM/RICARDO BELIEL Les populations rurales pauvres continuent de tirer un revenu de l’exportation de spécimens sauvages tels qu’Aloe ferox d’Afrique du Sud. Dans certains cas, des contrôles CITES stricts sur le commerce peuvent avoir des incidences majeures sur le revenu rural avec peu d’avantages pour la conservation, comme cela semble le cas pour l’inscription à l’Annexe I du cacatoès de Goffin Cacatua goffini. Dans d’autres cas, comme pour la vigogne Vicugna vicugna, la CITES peut aider à ramener le commerce à un niveau durable, favorable à la conservation et à la subsistance. Toutefois, la CITES ne travaille pas en solo. Les limites imposées, au niveau national, à l’accès aux ressources et aux marchés ont souvent une influence plus grande sur le commerce et les flux d’avantages, tout comme les déplacements de marchés. Ces facteurs sont souvent influencés par les débats et les décisions de la CITES comme dans le cas de l’éléphant d’Afrique. On observe une expansion de l’élevage en captivité et de la reproduction artificielle de nombreuses espèces sauvages, y compris des espèces destinées au commerce des animaux de compagnie, ou de plantes médicinales ou ornementales. Il est probable que le revenu des cueilleurs et chasseurs ruraux, qui sont souvent les membres les plus pauvres de leur communauté, en est réduit. Sur la même branche : un ara chloroptère Ara chloroptrus et un saïmiri écureuil Saimiri sciureus au Brésil. Les importations de l’Union européenne s’élèvent à 65 % du commerce mondial des oiseaux vivants et 30 % du commerce mondial des primates. Principaux consommateurs Les États-Unis sont le principal consommateur mondial de produits de la faune sauvage. Chaque année, ils importent jusqu’à 10 000 primates, plusieurs millions d’orchidées, 250 000 oiseaux vivants, 2 millions de reptiles et 200 millions de poissons tropicaux, de même que des millions de produits d’espèces sauvages transformés en vêtements, bijoux et produits médicinaux. (Source : Wildlife for sale, WWF-US, 2000) L’Union européenne est le deuxième marché principal des espèces inscrites à la CITES, estimé au tiers du marché mondial. Ces dernières années, les importations légales dans l’UE d’espèces inscrites à la CITES sont estimées, chaque année, à environ 7000 primates (30 % du commerce mondial), 850 000 oiseaux vivants (65 % du commerce mondial), 55 000 reptiles vivants (15 % du commerce mondial) et 800 000 plantes (75 % du commerce mondial), 150 tonnes de caviar (50 % du commerce mondial). (Source : Commission européenne, DG Environnement) 15 ESPÈCES SAUVAGES ET MOYENS D’EXISTENCE Dans la soupe : la crise des tortues d’Asie Peter Paul van Dijk En avril 2000, les Parties à la CITES ont inscrit les dix espèces de tortues du genre Cuora à l’Annexe II afin de ramener le commerce de l’un des groupes de tortues les plus clairement surexploités dans des limites durables. En outre, plusieurs pays, dont la République populaire de Chine, le Viet Nam et le Cambodge ont considérablement renforcé la protection et les contrôles du commerce. L’élevage en ferme d’une espèce particulière, à carapace molle, Pelodiscus sinensis, répond de manière satisfaisante à la demande du marché de viande de tortue. Cette source fiable de tortues produites de manière durable semble avoir réduit les pressions d’exploitation sur les dernières populations sauvages de l’espèce ainsi que sur d’autres espèces de tortues d’eau douce. L’union fait la force Trouver des solutions Nombreux sont ceux, particuliers et organisations, qui luttent de concert contre la crise des tortues d’Asie. En décembre 1999, un atelier important a tenté de définir la portée et l’ampleur des problèmes tandis qu’un autre, en janvier 2001, a organisé des efforts isolés d’élevage en captivité d’espèces menacées pour préparer une stratégie globale à laquelle participent des États de l’aire de répartition et des bénévoles du monde entier. Prouvant qu’elle sont préoccupées par le sort des tortues d’Asie, même si la plupart des espèces ne sont pas inscrites aux annexes de la CITES, les Parties ont donné on ne peut plus clairement instruction au Secrétariat CITES d’organiser un atelier pour trouver les moyens de résoudre cette crise. L’atelier, qui a eu lieu à Kunming, Chine, en mars 2002, a rassemblé les représentants des gouvernements de 12 pays et régions d’Asie. Les participants ont abordé de nombreuses questions et envisagé diverses mesures pour aider à résoudre la crise : élevage en ferme des tortues, obligation de rendre des avis de commerce non préjudiciable pour les espèces dont le commerce est réglementé par la CITES, amélioration de la réglementation du commerce par l’inscription de nouvelles espèces aux annexes de la CITES, renforcement de la législation nationale et de son application, solutions pour régler le sort des animaux confisqués et sensibilisation accrue des autorités, des commerçants, des consommateurs et autres acteurs. Résultat de cet atelier, 12 propositions d’inscription de genres et d’espèces de tortues d’eau douce d’Asie ont été soumises au Secrétariat CITES et seront débattues à la prochaine session de la Conférence des Parties. Garantir la survie, dans la nature, des tortues terrestres et des tortues d’eau douce d’Asie reste un immense défi mais les progrès accomplis depuis quelques années sont impressionnants et très encourageants. PETER PAUL VAN DIJK Parmi les nombreux problèmes de conservation auxquels l’Asie fait face, la crise des tortues ressort particulièrement par sa gravité. Depuis dix ans, les impacts sur l’habitat ont été rejoints par une autre menace, plus grave encore pour la survie des tortues terrestres et des tortues d’eau douce d’Asie : la demande massive pour la consommation en Asie de l’Est. Dans plusieurs pays, le prélèvement intense de tortues de toutes tailles a appauvri les populations exploitées avant de se porter sur d’autres populations, ailleurs, qui ont, à leur tour, été appauvries. Soixantesept espèces – plus des deux tiers des 90 espèces de tortues terrestres et tortues d’eau douce d’Asie – sont aujourd’hui considérées menacées d’extinction et inscrites à la Liste rouge de l’UICN. En 2000, les 10 espèces de tortues-boîtes d’Asie, y compris Cuora galbifrons (illustrée ici) ont été inscrites à l’Annexe II. Peter Paul van Dijk est vice-président du Groupe CSE/UICN de spécialistes des tortues terrestres et des tortues d’eau douce. Consultez www.chelonian.org PETER PAUL VAN DIJK À commander à TRAFFIC Des carapaces de tortues massacrées sont cassées et vendues pour servir d’ingrédient dans les préparations de remèdes orientaux traditionnels au marché de Guangzhou, en Chine. 16 Asian Turtle Trade : Proceedings of a Workshop on Conservation and Trade of Freshwater Turtles and Tortoises in Asia. Chelonian Research Monographs Number 2. Sous la direction de Peter Paul van Dijk, Bryan L. Stuart et Anders G.J. Rhodin. Chelonian Research Foundation. 2000. http://www.trafic.org/publications/pubs_tea.html Planète Conservation 3/2002 ESPÈCES SAUVAGES ET MOYENS D’EXISTENCE Plantes médicinales : c’est le docteur qui l’a prescrit ! Depuis deux décennies, l’intérêt porté aux remèdes à base de plantes, à l’échelon mondial, a augmenté mais il n’y a pas longtemps que la CITES s’est ouverte à la question de la surexploitation des plantes médicinales. À ses débuts, la CITES ne prêtait intérêt qu’aux plantes des groupes ornementaux tels que les orchidées et les cactus alors que les enjeux du commerce international font intervenir des collectionneurs sans scrupules qui cherchent à s’approprier des nouveautés ou les derniers spécimens de populations en voie d’extinction. Dans les années 1990, l’attention s’est reportée sur les questions du commerce de matières premières – essentiellement le bois mais aussi les plantes médicinales. La plupart des 17 espèces de plantes médicinales aujourd’hui inscrites aux annexes de la CITES y ont fait leur entrée après 1989. Depuis sa création en 1994, le Groupe de spécialistes des plantes médicinales (GSPM) a nourri des connaissances de ses membres, disséminés dans le monde entier, le proces- À la CdP11, Adonis vernalis a été inscrite à l’Annexe II. Originaire d’Europe et de Sibérie, cette jolie sus d’inscription aux annexes de la CITES plante herbacée à fleurs est utilisée en homéopathie et dans la médecine traditionnelle. Elle est menacée dans beaucoup de pays d’Europe en raison du prélèvement et de la perte de l’habitat. qui commence avant chaque session de la Conférence des Parties. Un des objectifs principaux du GSPM est d’établir l’utilisation durable et à long terme des ressources de plantes médicinales. À l’exception de Saussurea costus, qui est inscrite à l’Annexe I, toutes les espèces de planCraig Kirkpatrick tes médicinales CITES sont à l’Annexe II. En bref, il est Les gens cesseront d’utiliser des remèdes à base d’espèpossible de faire le commerce de plantes d’origine ces en danger lorsqu’on leur donnera des produits de sauvage mais celui-ci doit être soigneusement contrôlé substitution aussi efficaces. Ce message clair est la conclupar les autorités CITES et les envois doivent être accomsion d’une enquête menées par TRAFFIC en 2001, auprès pagnés de la documentation requise. de médecins traditionnels coréens qui prescrivent encore Inscrire une espèce à l’Annexe II ne suffit pas pour des espèces en danger parce qu’ils ne connaissent pas de améliorer la situation s’il n’y a pas d’application produits de substitution. Cependant, s’ils avaient des correspondante des mesures. Le processus CITES produits de substitution à l’efficacité prouvée, la plupart d’« Étude du commerce important » est conçu pour déterd’entre eux n’hésiteraient pas à les prescrire. miner les lacunes et les insuffisances et rendre la CITES Une autre lueur d’espoir jaillit de l’étude de TRAFFIC plus efficace. L’Autorité scientifique CITES de l’AllemaAttitudes of Hong Kong Chinese Toward Wildlife Consergne a conduit, de 1996 à 1999, une étude intersectorielle vation and the Use of Wildlife as Medicine and Food. La pour examiner soigneusement toutes les plantes médiplupart des gens cesseront de consommer des remèdes cinales CITES. De nombreux membres du GSPM ont traditionnels si cela menace une espèce d’extinction. apporté des données et des évaluations à ce processus. Beaucoup de consommateurs ignorent que des lois interUwe Schippmann est chef de l’Autorité scientifique disent d’utiliser des espèces en danger telles que les tigres CITES pour les plantes, Bundesamt für Naturschutz, et les rhinocéros. Si on leur dit que c’est contraire à la loi, Bonn, Allemagne. ils arrêteront de le faire. Pour obtenir The CITES Medicinal Plants Significant L’étude de TRAFFIC ouvre des avenues claires pour Trade Study, contactez Natalie. Hofbauer@bfn. de l’action en matière de conservation. La recherche est également nécessaire pour prouver l’efficacité de À commander à l’UICN : Medicinal Plant produits de substitution pour les remèdes qui contienConservation Bibliography, publié par le GSPM, nent des espèces en danger. TRAFFIC Asie de l’Est rassemble des informations sur la répartition, la travaille à la conservation des remèdes traditionnels par biologie, l’état des populations, le niveau de l’éducation et des travaux de recherche de ce type. prélèvement et de commerce et la gestion des taxons de plantes médicinales. Le volume 1 concerne les Craig Kirkpatrick est Directeur régional, années 1990 à 1996, le volume 2, 1997 à 2000. TRAFFIC Asie de l’Est. lueur d’espoir Asie de l’Est : une lueur d’espoir Planète Conservation 3/2002 17 UICN/WENDY STRAHM Uwe Schippmann ESPÈCES SAUVAGES ET MOYENS D’EXISTENCE De l’étal à la poêle, les mollusques valent de l’or Mary Seddon Les mollusques sont le deuxième groupe animal par la diversité avec 135 000 espèces estimées dans le monde. Les plus exploités sont les bivalves (d’eau douce et marins), les gastéropodes (essentiellement marins) et les céphalopodes (calmars, poulpes et seiches). Le taux d’exploitation est élevé et les profits parfois considérables. La CITES est un excellent outil de suivi et de réglementation de l’industrie des mollusques et des coquillages qui pourrait, faute de cela, surexploiter la ressource. Toutefois, les espèces inscrites ont essentiellement été proposées dans les premières décennies de la CITES. Clams et strombes WWF-CANON/MEG GAWLER Neuf espèces de clams (famille Tridacnidae) ont été inscrites à l’Annexe II de la CITES en 1983 et 1985. Certaines ont une aire de répartition limitée et sont plus menacées que d’autres. Les menaces principales proviennent de l’exploitation non contrôlée qui a déjà provoqué des extinctions localisées dans certains pays. Les clams sont essentiellement commercialisés pour l’alimentation et les principales exportations sont destinées à l’Asie de l’Est. Dans beaucoup de pays, la coquille est utilisée dans les arts décoratifs et dans le commerce des aquariums. Une partie de ce commerce est illicite, l’obligation d’obtenir des licences d’importation et d’exportation étant largement ignorée. En outre, plus de 60 000 animaux vivants sont commercialisés au niveau international chaque année et en 1997, plus de 70 % étaient destinés aux États-Unis. Comme il existe maintenant des programmes d’élevage ex situ efficaces, une plus grande proportion des clams importés sont aujourd’hui élevés en captivité. Le strombe géant Strombus gigas, très recherché pour sa chair succulente, a été inscrit à l’Annexe II de la CITES en 1992. Il a depuis fait l’objet d’un examen dans le cadre La vente de coquillages aux touristes est une menace grave pour les ressources marines de Madagascar. de l’Étude du commerce important, en 1992 et 2001 (voir page 5). Dans la deuxième partie des années 1990, ce strombe des Caraïbes était une des espèces CITES les plus commercialisées avec un commerce annuel de 50 millions d’individus au moins représentant une valeur de USD 60 millions, essentiellement vers les États-Unis et l’Union européenne. La coquille est aussi utilisée dans les arts décoratifs mais l’étiquetage indique souvent que celle-ci est un sous-produit d’une pêche durable. Pour améliorer la gestion de la pêche, il faudrait instaurer davantage d’uniformité entre les pratiques de gestion (par ex., périodes de fermeture) créer en concertation des « zones interdites à la pêche » et exercer un meilleur suivi des populations. WWF-CANON/JURGEN FREUND Moules en demande Conchyliculture de clams Tridacna spp. aux Palaos, Micronésie. 18 Aux États-Unis, dans les dernières années du 19e siècle et au début du 20e siècle, la manufacture de boutons de nacre était une industrie d’eau douce florissante – jusqu’à l’apparition des boutons de plastique dans les années 1940. Aujourd’hui, les coquillages exploités sur le plan commercial sont exportés vers l’Asie pour la production de grains de nacre que l’on insère dans le manteau d’autres mollusques pour produire des perles. La demande japonaise de coquilles de moules américaines de grande qualité est élevée et les exportations Planète Conservation 3/2002 ESPÈCES SAUVAGES ET MOYENS D’EXISTENCE ont atteint plus de 9000 tonnes en 1991pour se stabiliser aujourd’hui à environ 4500 tonnes. Résultat de cette exploitation, 29 mollusques d’eau douce ont été inscrits à l’Annexe I ou à l’Annexe II de la CITES. Étendre la cape de protection de la CITES Beaucoup d’industries d’Asie et de la région indo-pacifique utilisent des coquillages pour fabriquer des objets d’ornement et des boutons et pour produire des perles. Dans certains pays, des lois réglementent les taux de capture et le commerce d’exportation. Mais on constate un déclin des captures d’espèces telles que Turbinella spp., Placuna spp. et Haliotus spp. Des taxons tels que Nautilius sont aussi recherchés, depuis quelque temps, pour le commerce des aquariums. Ces espèces se reproduisant lentement, le taux de prélèvement dans certains pays commence à inquiéter. De même, il y a eu peu d’évaluations du commerce, pourtant important, d’espèces de céphalopodes plus répandues. Dans certaines régions, on broie les coquilles pour fabriquer des parfums et de l’encens. Les industries pharmaceutiques utilisent aussi les mollusques pour extraire des teintures bioluminescentes et fabriquer des antibiotiques. Souvent, on ignore le volume et le type de coquilles utilisées à ces fins ainsi que pour la médecine traditionnelle. Il faudra beaucoup travailler pour évaluer les espèces qui pourraient être affectées par le commerce, ainsi que par la pêche et le prélèvement à échelle commerciale qui augmentent depuis quelques décennies. Nous avons besoin de mécanismes encore plus efficaces pour protéger les mollusques commercialisés et empêcher qu’ils ne soient menacés : l’inscription à la CITES devrait en faire partie. Mary Seddon est coprésidente du Groupe de spécialistes CSE/UICN des mollusques et Directrice du Mollusca National Museum of Wales. Consultez http://bama.ua.edu/~clydeard/IUCN-SSC_html/index.htm La viande de brousse : recette pour l’extinction Le continent africain est en proie à une crise grave causée par la demande croissante de viande d’animaux sauvages pour une population humaine en augmentation constante. On sait déjà qu’en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale l’utilisation pour la subsistance et le commerce alimentaire mettent en péril de nombreuses populations d’espèces menacées d’antilopes et de primates. Les travaux de recherche montrent que la faune sauvage, considérée traditionnellement comme un supplément alimentaire, est devenue élément principal de la subsistance et monnaie d’échange légale en Afrique de l’Est et en Afrique australe. En outre, il devient de plus en plus clair que cette crise n’est pas réservée à l’Afrique mais qu’elle touche aussi des régions telles que l’Amérique du Sud, l’Asie de l’Est et l’Asie du Sud-Est. Dans le monde entier, à l’intérieur et à l’extérieur des aires protégées, des populations d’espèces sauvages sont de plus en plus ciblées par une chasse illicite pour la consommation et le commerce de la « viande de brousse ». On estime que la viande de brousse constitue désormais l’un des principaux facteurs menaçant les populations d’espèces sauvages de nombreuses régions du monde. Dans le bassin du Congo, en Afrique centrale, ce commerce s’élève à 2,5 millions de tonnes de viande par année tandis que dans les pays d’Afrique de l’Ouest tels que le Ghana, il porte sur environ 385 000 tonnes par an – apportant une contribution importante au produit intérieur brut des pays concernés. En Afrique australe, au Mozambique, le commerce de la viande de brousse dans la capitale, Maputo, s’élève à environ 604 tonnes par an. En Asie du Sud-Est, le commerce de viande de tortues d’eau douce (voir page 16), de reptiles et de pangolins atteint également des niveaux alarmants tout comme le commerce de la viande de pécaris, en Amérique du Sud. Il s’ensuit que la viande de brousse est une priorité pour la communauté de la conservation ainsi que pour tous ceux qui s’intéressent au développement rural et à la sécurité alimentaire. Sans viande de brousse, le bien-être de Planète Conservation 3/2002 WWF-CANON/SANDRA MBANEFO OBIAGO Rob Barnett La viande de brousse trouve sa place parmi d’autres produits naturels sur un marché de la ville de Benin au Nigéria. vastes secteurs de la société est en péril. Toutefois, les efforts déployés pour trouver une solution sociale sont nécessairement de longue haleine tandis que l’ampleur du problème actuel nécessite des mesures immédiates. Solutions pratiques Après une période de collecte de données de base sur les dynamiques de l’utilisation de la viande de brousse, TRAFFIC – qui assure, pour le WWF et l’UICN, le suivi du commerce des espèces sauvages – cherche à obtenir l’application de solutions pratiques à ces problèmes à court et à long terme. Un projet financé par le WWF-Pays-Bas, actuellement en cours en Afrique de l’Est, tente d’enrayer la disparition rapide d’espèces menacées dans cette région. 19 WWF-CANON/MARTIN HARVEY ESPÈCES SAUVAGES ET SUBSISTANCE conservation et tous ceux qui s’intéressent aux questions de développement rural et de sécurité alimentaire devront redoubler d’efforts. Les propriétaires, et tous ceux qui ont des droits sur les terres communales, doivent tirer des avantages tangibles de la gestion durable de la viande de brousse. La faune sauvage ne jouera réellement un rôle durable dans le développement communautaire, garantissant ainsi sa propre survie, que lorsque les propriétaires et autres acteurs obtiendront de véritables avantages. Rob Barnett est Responsable principal de programme à TRAFFIC Afrique australe/de l’Est. Avantages tangibles : dans le Parc national des Virungas, République démocratique du Congo, des touristes se rassemblent autour de gorilles de montagne Gorilla beringei beringei de plus en plus menacés par le commerce de la viande de brousse. Il vise à renforcer les capacités des autorités chargées de la faune sauvage pour qu’elles puissent identifier des échantillons de viande au niveau de l’espèce et à permettre ainsi une application plus efficace de la législation nationale relative à la faune sauvage et des règlements CITES. Un autre objectif, non moins important, de TRAFFIC est de confronter certains des facteurs sociaux les plus fondamentaux qui ont provoqué la crise de la viande de brousse. Les travaux de TRAFFIC, passés et en cours, sur les dynamiques du commerce illicite de la viande de brousse ont amené à conclure que les solutions doivent comprendre une approche communautaire pour résoudre le problème de la demande sociale fondamentale de viande de brousse par les populations urbaines et rurales pauvres. Cette approche s’appuiera probablement sur le remplacement des ressources de viande de brousse illicites par des sources légales de viande de gibier. On a commencé à traiter en pratique le problème de la viande de brousse mais la communauté de la À commander à l’UICN : Links between biodiversity conservation, livelihoods and food security : the sustainable use of wild species for meat, publication conjointe de la CSE/UICN, la FAO et TRAFFIC. Voir http://www.iucn.org/bookstore À commander à TRAFFIC : Food for Thought : The Utilization of Wild Meat in Eastern and Southern Africa. Sous la direction de Rob Barnett, TRAFFIC Afrique australe/de l’Est. 2000. Voir http://www.traffic.org/publications/pubs_tesa.html Chacun sa chèvre : la chasse au trophée des ongulés de montagne Marco Festa Bianchet L’homme a toujours éprouvé un sentiment d’admiration respectueuse pour les moutons et les chèvres sauvages – les caprinés – parce qu’ils vivent dans des milieux de montagne inhospitaliers, spectaculaires et souvent éloignés de tout. L’isolement géographique a dicté l’évolution de plusieurs sous-espèces distinctes. Dans bien des régions, les caprinés sauvages sont menacés par le surpâturage du bétail domestique, par des maladies exotiques, par la destruction de l’habitat et par la chasse illicite. Plusieurs espèces sont protégées contre les effets du commerce international par leur inscription à l’Annexe I ou à l’Annexe II de la CITES mais une nouvelle approche de la conservation, faisant appel à la chasse au trophée, semble donner de bons résultats dans certaines régions. Les caprinés sont des animaux majestueux et se rendre dans leur habitat est un défi physique. Ils sont 20 très recherchés par les chasseurs de trophées qui payent une chasse entre USD8000 et 40 000. Les mâles adultes sont la cible principale de ce commerce important et en expansion (le « commerce » au sens de la CITES est le déplacement d’un bien de part et d’autre de frontières internationales). Certes, les chasseurs de trophées internationaux franchissent des frontières avec la tête et la peau des animaux abattus, mais ce qu’ils achètent, en réalité, c’est la possibilité de chasser des animaux vivant dans leur habitat naturel. Pour que les cornes des mâles adultes atteignent une « taille de trophée », il faut aux populations un bon habitat relativement à l’abri du braconnage. En conséquence, le Groupe CSE/UICN de spécialistes des caprinés (GSC) s’intéresse depuis longtemps à la mise en place de partenariats avec des groupes de chasseurs pour faire en sorte que la chasse au trophée contribue Planète Conservation 3/2002 DAVID SHACKLETON à la conservation. Le suivi des populations et l’identification des espèces sont vitaux pour tout régime de gestion qui vise à garantir la survie à long terme d’une population, de sorte que le GSC collabore avec différents partenaires pour mettre sur pied une base de connaissances appropriée. Les membres du GSC participent à des travaux de terrain et de recherche dans plusieurs pays d’Asie centrale, contribuant à la collecte de données sur l’état des espèces pour remplir les obligations d’avis de commerce non préjudiciable de la CITES. Par exemple, Bill Wall et Andrey Subbotin, soutenus par la Fondation du Safari Club International qui comprend le Conseil international de la chasse, ont aidé à financer une étude de l’argali Ovis ammon en Mongolie et donnent des conseils à ce pays sur la préparation d’une stratégie de gestion à l’échelle nationale. En février 2002, en coopération avec le Programme pour la biodiversité du WWF- La chasse au trophée qui cible le markhor Capra falconeri est extrêmement lucrative et Asie centrale, ils ont étudié l’argali dans le avantageuse pour les populations locales auxquelles elle apporte une incitation à protéger Pamir, au Tadjikistan. En avril, conjointe- l’habitat et un revenu suffisant pour engager une soixantaine de gardes. Pour cette raison, l’exportation d’un petit nombre de trophées est autorisée dans la région du Torghar, au Pakistan, ment avec le Secrétariat CITES, le US Fish malgré l’inscription de l’espèce à l’Annexe I. and Wildlife Service et TRAFFIC, ils ont organisé un atelier à Bishkek, Kirghizistan, afin d’exoù le revenu de la chasse au trophée du markhor Capra pliquer les règlements internationaux tels que la CITES falconeri et de l’urial Ovis vignei a permis d’engager, et d’encourager la mise en œuvre de programmes de localement, 60 gardiens de la faune sauvage. Le revenu chasse pour la conservation au Tadjikistan, au Kirghide la chasse joue un rôle clé dans la réduction de l’imzistan, au Kazakhstan, en Russie, en Mongolie, en pact du pâturage du bétail sur l’habitat de la faune Ouzbékistan et au Turkménistan. sauvage. Les populations des deux espèces ont beauLe pour et le contre de la chasse au trophée coup augmenté depuis la mise en œuvre du programme De toute évidence, une identification fiable des espèqui bénéficie d’un appui solide de la population locale ces est vitale pour l’application de la CITES. L’identifiet le GSC a soutenu l’exportation annuelle d’un maxication des espèces est un obstacle à la conservation des mum de six trophées de markhor, espèce caprinés, en particulier en Asie parce que les experts inscrite à l’Annexe I de la CITES. ne sont pas d’accord sur la taxonomie et que rares sont Dans d’autres cas, cependant, il n’est ceux qui peuvent identifier les sous-espèces. Le GSC a pas certain que les fonds de la chasse au donc tenu un atelier sur la taxonomie des caprinés à trophée servent à la conservation. La Ankara, Turquie, en 2000. chasse au trophée des ongulés de montaLa chasse au trophée peut-elle favoriser la consergne est source d’importants revenus. Si vation des ongulés de montagne? Il y a eu quelques réuselle est bien réglementée, elle est durable sites, par exemple dans la région du Torghar, au Pakistan parce qu’elle ne concerne que les mâles adultes. La clé, pour la conservation, consiste à faire en sorte que le revenu des programmes de chasse apporte des avantages de conservation tangibles au niveau local. La coopération permanente entre le GSC de l’UICN, les groupes de chasseurs, différents paliers de gouvernements et les organismes de conservation inter- Wild Sheep and Goats and their Relatives (1997) est à commander nationaux est cruciale pour garantir l’ave- au World Conservation Bookstore. nir des ongulés de montagne. Un gardien surveille la passe du Khyber. Planète Conservation 3/2002 Marco Festa Bianchet est Président du Groupe de spécialistes CSE/UICN des caprinés et Chercheur au Département de biologie, Université de Sherbrooke, au Québec, Canada. Pour le rapport sur l’Atelier relatif à la taxonomie voir http://callisto.si.usherb.ca:8080/caprinae/taxo.htm 21 PAIND KHAN ESPÈCES SAUVAGES ET MOYENS D’EXISTENCE Sommaire Ressources marines AU MENU Le commerce mondial menace toutes les espèces marines car la surexploitation se conjugue aux changements climatiques et à la destruction des habitats pour épuiser des ressources essentielles. Selon la FAO, environ 75 % des populations de poissons sont totalement exploitées ou surexploitées. En conséquence, lors du récent Sommet de la Terre de Johannesburg, la communauté mondiale s’est engagée à restaurer les pêcheries de manière qu’elles retrouvent leur rendement maximal durable d’ici à 2015. Des requins aux esturgeons, en passant par les hippocampes, les espèces marines grimpent à l’ordre du jour international. La pêche : trouver le bon équilibre WWF-CANON/JURGEN FREUND Kevern Cochrane Ailerons de requins séchant pour être mis sur le marché aux Philippines. Plan requins de la FAO : de bonnes intentions, peu de progrès Les technologies de pêche modernes et l’amélioration de l’accès aux marchés mondiaux sont les deux facteurs qui ont présidé à l’augmentation de l’effort de pêche et des captures de requins et de raies. Plus de 100 pays déclarent des débarquements de requins à la FAO chaque année et 18 déclarent des débarquements de plus de 10 000 tonnes par an. Consciente de l’importance de la coopération internationale pour gérer la pêche au requin, la FAO a adopté, en février 1999, le Plan d’action international pour la conservation et la gestion des requins qui avait été approuvé par son Comité des pêches. Aujourd’hui, plus de trois ans après, seuls 29 États ont signalé quelques progrès dans la mise en œuvre du Plan. Parmi eux, cinq seulement ont préparé, pour consultation publique et évaluation, des rapports d’évaluation des requins ou des plans d’action nationaux. Il ressort, après examen, qu’aucun des plans ne satisfait aux normes recommandées par la FAO. - Alison Rosser Voir http://www.fao.org/fi/ipa/manage1.asp. 22 À de rares exceptions près, la CITES n’a encore eu que peu d’effet sur la pêche commerciale mondiale. Certains signes montrent toutefois que cela pourrait changer et certains pays membres de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) s’inquiètent, craignant que les critères d’inscription CITES ne conviennent pas à des ressources de la pêche exploitées et gérées. Ces pays ont fait part de leurs craintes lors d’une réunion du Sous-comité sur le commerce du poisson du Comité des pêches (COFI) de la FAO à Bremen, Allemagne, en juin 1998. C’est ainsi qu’a été lancée une étude scientifique longue et fructueuse de la FAO sur les critères CITES et la procédure d’inscription applicables à des espèces aquatiques exploitées au niveau commercial. Opinions divergentes Malgré les progrès, les membres de la FAO ne parviennent pas à s’accorder sur le rôle et les fonctions de la CITES vis-à-vis des espèces aquatiques exploitables au niveau commercial. Certains pays émettent des réserves, estimant que la FAO et les organisations régionales de gestion des pêcheries sont les organes internationaux compétents pour la pêche et sa gestion. D’autres cependant estiment que la CITES a un rôle utile à jouer dans la gestion des pêcheries et complète, sans la remplacer, la gestion traditionnelle de la pêche. Ces dissensions sont le reflet des disparités observées au niveau national et le processus de la FAO a mis en lumière la nécessité, dans de nombreux pays, d’améliorer la communication entre les organes chargés de la pêche et ceux qui sont responsables des questions relatives à la CITES. Appel au changement En 2002, le sous-comité du COFI a décidé qu’il fallait remanier les critères CITES et le processus Planète Conservation 3/2002 RESSOURCES MARINES AU MENU ANDREW COOKE d’évaluation pour que la Convention joue un rôle constructif dans la conservation des espèces aquatiques en danger soumises à une exploitation commerciale. La FAO a adressé à la CITES une série de recommandations générales, notamment 1) les meilleures informations scientifiques doivent servir à évaluer toute inscription ou suppression d’une population, 2) chaque proposition doit être évaluée au cas par cas dans le cadre d’un processus scientifique renforcé et 3) les organes nationaux et régionaux responsables de la pêche doivent participer davantage à l’élaboration et à l’évaluation des propositions. Des recommandations plus précises concernent les critères eux-mêmes. Les membres de la FAO prévoient également d’étudier les incidences des inscriptions à la CITES, notamment en ce qui concerne la clause de ressemblance (selon laquelle des espèces sont inscrites à l’Annexe II lorsque des spécimens faisant l’objet de commerce ressemblent à des spécimens d’espèces inscrites pour des raisons de conservation) ; l’inscription scindée (inscription à plus d’une annexe) ; les espèces inscrites produites par aquaculture ; et les incidences administratives et socio-économiques de l’inscription et de la suppression des annexes. Madagascar est riche en ressources marines dont certaines sont exploitées tant pour la consommation locale que pour le commerce international. Photo : la pêche du jour débarquée à Anakao près de Toliara, dans le sud-ouest de Madagascar. Vu de Madagascar Claudine Ramiarison et Andrew Cooke Madagascar est dotée de ressources marines parmi les plus riches et les plus diverses de l’océan Indien occidental. Dugongs, dauphins, tortues marines, thons, requins, poissons-scies, concombres de mer, crevettes, langoustes et gastéropodes sont parmi les nombreuses espèces de grande valeur exploitées pour la consommation locale ou le commerce international. Cette exploitation revêt une importance considérable pour la subsistance des communautés côtières et elle est réglementée par une mosaïque de mesures traditionnelles, législatives et internationales rarement appliquées en pratique. Depuis que Madagascar a ratifié la CITES, en 1975, elle a eu toutes les peines à instaurer une gestion durable du commerce international, en particulier des reptiles. En conséquence, une ordonnance ministérielle a récemment été promulguée pour suspendre le commerce transfrontière d’espèces inscrites à la CITES. Toutefois, les systèmes mis en place pour la gestion communautaire des ressources naturelles pourraient aider à gérer l’exploitation des ressources au niveau local. La route est encore longue De toute évidence, la route est encore longue jusqu’à ce que les membres de la FAO s’accordent sur le rôle et le mécanisme appropriés de la CITES vis-à-vis des espèces aquatiques exploitées au niveau commercial. Néanmoins, de grands progrès ont été accomplis. Le processus engagé par la FAO a eu le mérite de mieux faire connaître la CITES aux organes responsables des pêches et de bonnes relations de travail ont été instaurées entre les deux Secrétariats. Kevern Cochrane est Responsable principal des ressources de la pêche, Service des ressources marines (FIRM), FAO. Voir http://www.fao.org/ WWF/MAURI RAUTKARI Structures de l’exploitation Certaines espèces marines sont inscrites dans diverses annexes, par exemple le strombe géant, les coraux durs et les clams mais on continue de débattre de la question de savoir s’il faut ou non inscrire les poissons marins. Photo : coraux durs et mous en vente à Limbe, Cameroun. Planète Conservation 3/2002 À Madagascar, il y a essentiellement deux types de pêche. La pêche industrielle est pratiquée par des navires qui ciblent, au large, les thons, les marlins et les requins (captures accidentelles) et, près des côtes, les crevettes Pénéidés. La pêche traditionnelle est pratiquée à partir de canots creusés dans des troncs d’arbres. Elle cible pratiquement toutes les ressources comestibles ou commercialisables, y compris les mammifères marins, les œufs d’oiseaux, les tortues marines, les poissons, les requins et les raies, les échinodermes, les mollusques, les crustacés et les algues. Les ressources non comestibles telles que les poissons d’aquarium, les coraux et les éponges sont parfois prélevés. En outre, une pêche semi-industrielle au concombre de mer est en train de prendre son essor et fait un usage illicite d’équipements de plongée sous-marine pour atteindre les espèces du fond. 23 WWF-CANON/Y.-J. REY-MILLET La gestion locale ne peut empêcher l’exploitation interne d’espèces inscrites à l’Annexe I de la CITES comme les tortues vertes Chelonia mydas (illustrée), les dauphins et les dugongs qui sont importantes, localement, pour l’alimentation plutôt que pour le commerce. Les espèces protégées au niveau national et inscrites à la CITES telles que les dauphins, les dugongs et les tortues marines n’y échappent pas. Toutes sont, dans une certaine mesure, chassées pour la viande, qui est vendue ou échangée localement, tandis que dans les centres touristiques, on vend encore ouvertement les carapaces de tortues. Plusieurs espèces marines non protégées et non inscrites à la CITES qui ont beaucoup de valeur sont chassées de manière intensive. Parmi celles-ci, des populations de requins seraient localement en déclin et l’on observe une baisse des exportations d’ailerons depuis 1992. Les exportations de concombres de mer ont augmenté entre 1991 et 1994 mais connaissent depuis un déclin tout comme les prélèvements de langoustes. Le commerce de coquillages ornementaux est important mais le suivi est insuffisant. Participation des communautés En réaction à ces problèmes, Madagascar pilote actuellement plusieurs formes de gestion communautaire des ressources marines. Près d’Anakao, du grand récif de Toliara et de Tolagnaro des communautés travaillent en consultation avec les autorités locales, le ministère de la Pêche et les agents de tourisme locaux afin de limiter le prélèvement excessif et de réduire les conflits. Les stratégies comprennent la mise en place de zones interdites à la pêche et des restrictions sur l’équipement de pêche ainsi que le réinvestissement du revenu du tourisme dans des projets de conservation et des projets sociaux. Les ressources peu mobiles telles que les concombres de mer, les langoustes et les coquillages ornementaux sont les plus sensibles à ces systèmes de gestion. Les ressources mobiles, telles que le requin, posent plus de problèmes ! Il faut une approche intégrée Premièrement, la gestion locale ne peut pas empêcher l’exploitation, à l’échelle nationale, des espèces inscrites à l’Annexe I de la CITES lorsque l’utilisation principale est l’alimentation (tortues, dauphins, dugongs) et non le commerce. Deuxièmement, la CITES ne fournit pas de mesures de contrôle des espèces non inscrites qui sont fortement exploitées et importantes pour le commerce (concombres de mer, requins et langoustes) tandis que la gestion locale présente des possibilités d’exploitation rationnelle. Il s’ensuit qu’il faut intégrer les contrôles internationaux du commerce et la gestion locale en un système intégré, si l’on veut agir sur la gestion mais aussi sur tout le cheminement d’un produit entre le prélèvement et l’utilisateur final. Valeur ajoutée Actuellement, les programmes pilotes de gestion des reptiles cherchent à intégrer les communautés locales en tant que partenaires dans le commerce des espèces afin d’ajouter de la valeur aux prélèvements. Cela devrait contribuer à améliorer la gestion des ressources. Le nouveau Groupe de spécialistes de l’utilisation durable de l’océan Indien occidental et le nouveau Groupe des requins de Madagascar (lié au Groupe CSE/UICN de spécialistes des requins) cherchent désormais à renforcer la collaboration entre le gouvernement de Madagascar et les communautés pour mettre en œuvre ces nouvelles approches. Claudine Ramiarison est Directrice exécutive de SAGE (Services d’appui à la gestion de l’environnement) et Présidente du Groupe de spécialistes de l’utilisation durable de l’océan Indien occidental, Antananarivo, Madagascar. Andrew Cooke est Directeur de RESOLVE Consulting (Services consultatifs sur le droit et la gestion des ressources naturelles), Antananarivo, Madagascar. Consultez http://www.iucn.org/themes/ssc/ susg/susgs/woii.html À commander à l’UICN Elasmobranch Biodiversity, Conservation and Management. Procès-verbaux du Séminaire International et Atelier, Sabah, Malaisie, juillet 1997. Document occasionnel de la Commission UICN de la sauvegarde des espèces No.25. TRAFFIC en ligne Des versions à jour des Plans d’action pour les requins et pour les cétacés seront bientôt disponibles au World Conservation Bookstore. Autres plans d’action relatifs à des espèces marines inscrites à la CITES : Mediterranean Island Plants (1996) ; Tortoises and Freshwater Turtles (1989) ; Otters (1990) ; Seals, Fur Seals, Sea Lions, and Walrus (1993). Pour une liste de publications TRAFFIC sur les pêcheries et le commerce des requins, voir http://www.traffic.org/publications/pubs_sharks.html À commander à TRAFFIC Europe : Le cas de Madagascar illustre l’écart entre la gestion du commerce international au moyen de la CITES et la gestion au niveau national des ressources marines. Pour des informations sur les pêcheries marines à la CdP12, voir http ://www. traffic.org/cop12/resources.html 24 Review of Trade in Live Corals from Indonesia par Caroline Raymakers. 2001. Planète Conservation 3/2002 TRAFFIC/CAROLINE RAYMAKERS Les esturgeons sont de retour Caroline Raymakers Il faut aller plus loin Les progrès accomplis par les États de l’aire de répartition de l’esturgeon sont les fondations sur lesquelles construire de nouvelles avancées. Il reste à mettre au point des méthodes normalisées d’évaluation des populations et à évaluer l’efficacité des programmes de repeuplement. En outre, le contrôle réel des marchés intérieurs de caviar et de viande d’esturgeon est variable mais doit être renforcé par des inventaires des marchés et l’élaboration en coopération d’unités anti-braconnage Planète Conservation 3/2002 Les pays de l’Union européenne à eux seuls importent environ 150 tonnes de caviar par an. Ici : caviar en vente à Astrakhan, Russie. transfrontières. Des échantillons de référence des tissus de toutes les espèces d’esturgeons doivent être rassemblés pour évaluer la légalité des exportations. Il faudra enfin travailler encore au système universel d’étiquetage du caviar pour tenir compte des réexportations et de la production locale. Les choses se sont récemment beaucoup améliorées pour l’esturgeon, depuis que la Russie a pris l’engagement de réglementer son marché intérieur de façon que seuls les produits d’origine légale puissent être commercialisés. Caroline Raymakers est Directrice régionale pour TRAFFIC Europe. WWF-CANON/HARTMUT JUNGIUS Les 27 espèces d’esturgeons – c’est-à-dire l’ordre entier des Acipensériformes – ont été inscrites aux annexes de la CITES en juin 1997. L’entrée en vigueur de l’inscription ne s’est faite qu’en avril 1998. Beaucoup de ces poissons remarquables peuvent vivre plus de 100 ans. Certains atteignent deux mètres de long et pèsent jusqu’à une tonne. Limités à l’hémisphère nord, on les trouve surtout dans la mer Caspienne et la mer Noire mais aussi aux États-Unis, en Europe, en Sibérie, en Chine et en Asie centrale. Considéré comme l’une des ressources de faune sauvage les plus précieuses du monde, l’esturgeon est renommé sur les marchés mondiaux pour ses œufs – le caviar – qui, selon l’espèce, peuvent atteindre USD 6000 le kilo. Le rare béluga est le plus grand esturgeon et produit le caviar le plus recherché. L’intensité de la pêche et des pressions du commerce a conduit les Parties à inscrire toutes les espèces soit à l’Annexe I, soit à l’Annexe II et à entamer une Étude du commerce important pour les 23 espèces inscrites à l’Annexe II. D’après les résultats de cette étude, réalisée par TRAFFIC et l’UICN, le Comité pour les animaux de la CITES a conclu que les avis de commerce non préjudiciable n’étaient pas correctement rendus pour plusieurs espèces des 11 États de l’aire de répartition. De longues listes d’actions spécifiques, assorties de délais stricts, ont été recommandées, en particulier à quatre des États de l’aire de répartition de la mer Caspienne. Entre-temps, le Programme pour l’environnement de la mer Caspienne (PEC) a préparé, en 2001, une expédition de recherche conjointe sur les pêcheries de la Caspienne pour évaluer l’état des populations. Les scientifiques de quatre pays de la Caspienne ont participé à cette expédition avec des experts internationaux des techniques d’échosondage. Les partenaires du PEC, en cette occasion, étaient le Programme des Nations Unies pour le développement avec un financement du Fonds pour l’environnement mondial (FEM) et du Programme TACIS de l’Union européenne (Assistance technique aux pays de la CEI – Communauté des États indépendants). Ces travaux ont permis de démontrer la mesure dans laquelle la CITES et le PEC se complètent efficacement l’un l’autre. Pour finir, l’Étude du commerce important a abouti à l’« Accord de Paris » adopté par les États de l’aire de répartition de la mer Caspienne à l’occasion de la 45e session du Comité permanent, dans le but de progresser vers la cogestion des ressources conjointes. Les États de l’aire de répartition de la Caspienne reproduisent l’esturgeon avec succès tant pour le marché que pour reconstituer les populations. Photo : jeune Acipenser sturio dans une station de reproduction en Géorgie. Groupe de spécialistes des esturgeons Le Groupe CSE/UICN de spécialistes des esturgeons s’efforce de renforcer la collaboration scientifique, de lutter contre le braconnage et le commerce illicite, d’améliorer les conditions socio-économiques des gens qui vivent dans les régions où l’on trouve des esturgeons ; et d’améliorer la coopération régionale et internationale par des accords concernant le fleuve Amour, la mer Noire, la mer d’Azov et la mer Caspienne. Au début de 2001, il a réuni, à Moscou, plus de 40 experts et marchands de caviar de 11 pays pour identifier les priorités et les mesures à prendre pour conserver les esturgeons. L’Association internationale des importateurs de caviar a récemment versé une subvention de USD10 000 pour les travaux du Groupe. À commander à l’UICN : Sturgeons of the Caspian Sea and the international trade in caviar par T. de Meulenaer et Caroline Raymakers. 25 AMANDA VINCENT Produits d’hippocampes sur un marché de Hong Kong. Les hippocampes font l’objet d’un débat inhabituel à la CITES car le taxon n’est inscrit sur aucune des annexes. Project Seahorse est une équipe de conservation des ressources marines qui associe la recherche et la gestion tout en coopérant avec différents acteurs communautaires du monde entier. L’hippocampe est un merveilleux porte-drapeau pour les animaux gravement menacés par la surexploitation, les captures accidentelles et la perte de l’habitat. Consultez :www.projectseahorse.org Des mâles enceints créent un précédent à la CITES Amanda Vincent EDWARD G. LINES/SHEDD AQUARIUM Les hippocampes et autres syngnathidés – aiguilles et dragons des mers – sont des animaux hors du commun : les mâles élèvent seuls leurs petits sur leur corps ou à l’intérieur de leur corps. Il n’est donc peut-être pas surprenant que ce soit ces animaux étranges qui aient conduit la CITES à réfléchir de manière créative aux meilleurs moyens d’agir contre la surexploitation. Beaucoup de syngnathidés font l’objet d’un commerce important pour la médecine traditionnelle, la préparation d’aliments toniques, le commerce d’objets d’ornement et de curiosité, au point que de nombreuses populations sauvages ont été décimées. Pour des milliers de pêcheurs de subsistance, ce sont des ressources importantes et pour des millions d’autres personnes, d’importantes sources de médicaments. L’approche adoptée par la CITES pour traiter le commerce de ces poissons est très originale car elle a encouragé un engagement envers la conservation avant même de débattre d’une proposition d’inscription. L’Australie et les ÉtatsUnis avaient envisagé de proposer un contrôle du commerce à la 11e session de la Conférence des Parties, en 2000, mais ont finalement décidé que ce serait prématuré et susceptible de faire plus de mal que de bien. À la place, ils ont présenté un document de travail pour promouvoir une action. Leur prudence a été récompensée par la décision unanime des Parties de prendre des mesures en faveur des syngnathidés – un consensus inhabituel pour un poisson marin. Depuis, le Hippocampus kuda est classé Comité pour les animaux a été fort Vulnérable dans la Liste rouge de affairé, rassemblant les données sur le l’UICN des espèces menacées mais commerce et les informations sur la son statut est en train d’être réévalué. 26 gestion fournies par les Parties, facilitant un atelier technique en mai 2002 et préparant un document de travail qui sera examiné à la 12e session de la CdP. Le processus consultatif de la CITES a mis en lumière de nouvelles preuves que le commerce des hippocampes et les problèmes de conservation associés ont pris une ampleur suffisante pour mériter une intervention des gouvernements. Il est également devenu clair que de nombreux acteurs demandent des directives de gestion pour la pêche à l’hippocampe mais pas nécessairement par l’intermédiaire de la CITES. Après avoir envisagé toutes les options possibles, l’Atelier technique de la CITES sur les hippocampes et autres syngnathidés et le Comité pour les animaux de la CITES ont recommandé – comme contribution partielle à la conservation – une inscription à l’Annexe II de tous les hippocampes, soutenant par-là même une proposition à cet effet présentée par les États-Unis d’Amérique. Avoir retardé la proposition d’inscription à l’Annexe II jusqu’à la 12e session de la Conférence des Parties a permis d’engager un dialogue important sur les hippocampes et espèces apparentées. De tels débats devraient aider à promouvoir un engagement international collectif envers la gestion de ce commerce. Et, signe d’espoir, l’Association des marchands de produits médicinaux chinois de Hong Kong a aidé à financer l’Atelier technique de la CITES et a demandé à ses membres d’adopter des mesures de conservation pour les syngnathidés bien que l’Association se méfie encore de l’inscription à l’Annexe II. Amanda Vincent est titulaire de la Chaire de recherche canadienne en conservation marine au Fisheries Centre, Université de Colombie-Britannique, Vancouver, Canada. Elle est également Directrice de Project Seahorse et Présidente du Groupe de travail sur les syngnathidés du Comité CITES pour les animaux. Planète Conservation 3/2002 PERSPECTIVES RÉGIONALES Perspectives RÉGIONALES Que le sujet soit la conservation des récifs coralliens, l’extinction des grands singes, le commerce illicite ou les changements climatiques, les conventions sur l’environnement commencent à trouver de plus en plus de points de communs dans leurs intérêts, leurs activités et leurs sources d’appui. C’est vrai au niveau mondial et au niveau local. La CITES, comme les autres traités mondiaux de l’environnement, adopte nécessairement une approche élargie qui est tout particulièrement visible dans les efforts qu’elle consent pour promouvoir l’harmonisation, la normalisation et la communication au niveau régional. Une bonne gestion fait de bons voisins Malan Lindeque Les approches régionales – sensées mais rares Du point de vue de l’environnement, harmoniser les politiques de conservation et les régimes de gestion des espèces partagées par plusieurs pays tombe sous le sens. Il existe aujourd’hui plusieurs accords bilatéraux et multilatéraux de conservation et de gestion des ressources marines, notamment ceux qui ont été élaborés sous les auspices de la Convention sur les espèces migratrices (CMS). Ces approches régionales ont généralement en commun un cadre juridique et des dispositions institutionnelles, des consultations régulières, le financement, le suivi et le respect des obligations. La CITES ne comprend pas seulement tous ces éléments mais dispose d’une force supplémentaire incarnée par des mesures telles que des sanctions commerciales pour garantir un meilleur respect de ses dispositions. Malgré les avantages apparents de la CITES du point de vue de la gestion du commerce et de l’exploitation de populations partagées, la gestion régionale est encore peu fréquente sous l’égide de la Convention. Une exception remarquable cependant est l’accord signé entre plusieurs pays d’Amérique du Sud en ce qui concerne la conservation de la vigogne (Convenio para la Conservación y Manejo de la Vicuña). Les cas sont, malheureusement, beaucoup plus nombreux où des espèces inscrites à la CITES sont soumises à des politiques de conservation et de gestion nationales éventuellement en contradiction et parfois Planète Conservation 3/2002 WWF-CANON/HARTMUT JUNGIUS Une bonne partie du commerce international des espèces inscrites à la CITES concerne des populations présentes de part et d’autre de frontières nationales. Et pourtant, la CITES a toujours été administrée au niveau national. Naturellement, les espèces sauvages ne connaissent pas les frontières géopolitiques. Il semble donc logique, dans le cas de populations partagées, que l’application de la CITES puisse être plus avantageuse au niveau régional qu’au niveau national. Sans compter que l’on peut ainsi mettre plus efficacement à profit des ressources humaines et financières limitées, conjuguer les savoirfaire scientifiques et socio-économiques dans l’intérêt de décisions plus informées sur l’utilisation possible des espèces concernées et élaborer des politiques de gestion régionales adaptées aux caractéristiques écologiques et biologiques des ressources. Rare exemple de gestion régionale de populations partagées : l’accord entre plusieurs pays d’Amérique du Sud pour gérer le commerce et l’exploitation de la vigogne Vicugna vicugna. clairement incompatibles dans les différents pays où elles se trouvent. En conséquence, un des plus grands défis, pour la CITES, consiste à élaborer des mécanismes efficaces garantissant la collaboration entre les pays qui commercialisent des produits d’espèces sauvages dont ils partagent des populations. Oublier le charisme À la CITES, certains des débats les plus épineux portent sur les populations partagées de ces espèces dites « charismatiques » comme les éléphants, les baleines et les tortues marines pour lesquelles les attentes diffèrent quant aux moyens les plus efficaces d’assurer la conservation et la gestion. La Convention ne peut pas nécessairement contribuer à la mise en place de régimes de gestion harmonisés pour ces espèces, en particulier lorsqu’elles sont largement distribuées dans un grand nombre de pays. Cependant, en instituant le processus des Dialogues (voir encadré, page 5), la Convention a permis d’améliorer la connaissance de questions de conservation à la fois mondiales et locales et a encouragé des décisions de gestion régionales, adoptées en coopération, pour des ressources partagées. Des Dialogues ont eu lieu entre les États de l’aire de répartition de l’éléphant d’Afrique 27 WWF-CANON/MARTIN HARVEY L’éléphant d’Afrique Loxodonta africana a bénéficié d’un processus de Dialogue entre les États de l’aire de répartition. WWF-CANON/MICHEL GUNTHER Loxondota africana et plus récemment, entre les États de l’aire de répartition de la tortue imbriquée Eretmochelys imbricata, dans les Grandes Antilles. Toutefois, ces dialogues n’ont pas encore abouti à la négociation d’accords régionaux à long terme. L’Étude du commerce important (voir encadré page 5) est un exemple différent du rôle que la CITES peut jouer dans la promotion d’une coopération régionale plus efficace. À l’issue de ce processus, si l’on juge que le niveau du commerce risque de mettre en péril la survie de l’espèce, les comités techniques ou le Comité permanent peuvent faire des recommandations La gestion régionale n’a pas encore pour améliorer l’application de la CITES réussi à protéger le perroquet jaco dans l’État de l’aire de répartition mais le processus d’étude du concerné. En cas de non-respect, le commerce important devrait aider. Comité permanent peut même recommander une suspension du commerce. Celle-ci est une incitation forte qui encourage les Parties contractantes à prendre des mesures correctives et, aussi surprenant que cela puisse paraître, en cette époque d’opposition à des mécanismes internationaux contraignants, les Parties à la CITES n’ont cessé de soutenir et de renforcer le processus d’Étude du commerce important. Une approche globale Avant que son potentiel pour l’amélioration de la gestion régionale ne soit reconnu, le processus d’Étude du commerce important n’avait pas particulièrement bien réussi à améliorer la gestion de populations d’espèces partagées telles que le perroquet jaco Psittacus erithacus ou le strombe géant Strombus gigas. Pour y remédier, le processus d’Étude du commerce important devrait se concentrer sur la promotion d’incitations pour encourager des accords institutionnels communs ; pour entreprendre des études scientifiques communes comprenant une évaluation, un suivi et un échange d’information ; pour décider conjointement du niveau de prélèvement et d’exploitation ; et pour collaborer à l’élaboration de contrôles et au respect de la CITES. Tout 28 cela devrait, de préférence, être inscrit dans des accords à long terme entre les pays concernés. Les recommandations récentes des comités sur la conservation de l’esturgeon et la gestion du commerce des pêcheries de la mer Noire, du fleuve Amour et de la mer Caspienne sont un exemple de cette approche régionale plus globale. Dans le cas des populations d’esturgeons de la Caspienne, le Comité permanent a facilité un pacte sans précédent (l’Accord de Paris). Cet accord comprend un programme d’action détaillé à exécuter par les États de l’aire de répartition de l’esturgeon de la mer Caspienne en matière d’évaluation de l’état, fixation des quotas, suivi, application des lois, réglementation du commerce, reconstitution des populations, marquage des spécimens faisant l’objet de commerce, identification génétique des populations, production ex situ, etc. Dans le cadre de cet accord, la communication régionale s’est nettement améliorée, la coopération et la prise de décision ont gagné en transparence et il semble même que les organes de gestion CITES aient amélioré leur collaboration avec d’autres secteurs du gouvernement. Il faut souhaiter qu’une approche semblable puisse un jour être appliquée à des espèces telles que le strombe dans la région des Caraïbes, le perroquet jaco et autres espèces de psittacidés en Afrique de l’Ouest et Afrique centrale, le saïga Saïga tatarica en Asie centrale, pour établir des systèmes de gestion harmonisés comme base du commerce international. Malan Lindeque est Chef de l’Unité « appui scientifique », Secrétariat CITES. Groupements régionaux : l’expérience de l’UE Christoph Bail La plupart des accords internationaux sur l’environnement contiennent des dispositions qui permettent à des organisations d’intégration économique régionale telles que la Communauté européenne de devenir parties à part entière à ces accords. La Communauté est partie à environ 40 accords multilatéraux sur l’environnement, y compris la Convention sur la diversité biologique (CDB). Toutefois, lorsque la CITES est entrée en vigueur en 1973, ce cas de figure n’était pas envisagé. L’un des principaux marchés mondiaux pour les espèces sauvages, l’Union européenne assume cependant ses responsabilités en matière de commerce durable des produits des espèces sauvages. Elle a mis en œuvre la Convention dans chacun des États membres depuis 1984, alors même que tous les États membres n’étaient pas Parties à la CITES. Avec la ratification de l’Irlande, cette année, tous les États membres de l’Union sont désormais Parties à la CITES. Plus sévères que la CITES La législation de l’Union européenne comprend des dispositions qui sont encore plus sévères que celles de la CITES et qui ont influencé l’évolution de la Convention. Planète Conservation 3/2002 Le processus d’Étude du commerce important (voir p. 5), par exemple, s’appuyait sur la législation de l’UE. En 1983, à la 4e session de la CdP de la CITES à Gaborone, au Botswana, la Convention a été amendée pour permettre l’adhésion d’organisations d’intégration économique régionale mais pour que l’amendement entre en vigueur, 54 Parties doivent le ratifier et à ce jour 40 seulement l’ont fait. L’adhésion de la Communauté européenne à la CITES serait un avantage pour la Convention car elle apporterait une responsabilisation plus grande, un meilleur accès et des avantages financiers. Les États membres de l’UE versent déjà 35 % du total des contributions annuelles. La Commission européenne finance des projets tels que MIKE (voir p. 13) et le dialogue sur la tortue imbriquée. Le statut de Partie serait une base plus solide pour ces dépenses. La Communauté européenne est fermement décidée à obtenir son statut de membre de la CITES car elle est convaincue que la conservation de la nature en sera le principal bénéficiaire et souhaite devenir Partie dès que possible. Christoph Bail est Chef de l’Unité E3 « Développement et Environnement ; Méditerranée », Direction générale de l’environnement, Commission européenne. WWF-CANON/JUAN PRATGINESTOS PERSPECTIVES RÉGIONALES La Commission européenne a aidé à financer le Dialogue CITES sur la tortue imbriquée dans la région des Grandes Antilles et soutient des projets tels que MIKE (voir page 13). En devenant Partie, elle pourrait mieux justifier ses dépenses. Photo : tortue imbriquée Eretmochelys imbricata à Praia do Forte, Bahia, Brésil. Amérique centrale : parler d’une seule voix Mauricio Castro Salazar L’Amérique centrale est une région « méga-diverse » où l’on trouve environ 7 % de toute la diversité biologique de la planète dans une région qui ne couvre même pas 1 % des terres émergées de cette même planète. Une région possédant une diversité biologique aussi extraordinaire doit être préparée à la conserver, à la comprendre et à l’utiliser rationnellement comme s’y sont engagés les sept chefs d’État qui ont signé la Alianza Centroamericana para el Desarrollo Sostenible (ALIDES), en 1994. L’Amérique centrale est un exemple de la volonté de faire face aux enjeux du nouveau millénaire. Au moment même où cette région négociait la paix, après une période de conflits militaires qui a culminé avec le Plan de paix d’Esquipulas, elle discutait des moyens de gérer ses écosystèmes et d’harmoniser les politiques et les législations de l’environnement des différents pays. C’est ainsi qu’est née, en 1989, la Comisión Centroamericana de Ambiente y Desarrollo (CCAD) dans le but d’instaurer un programme d’intégration du développement durable dans la région. Trouver le consensus Les sept pays d’Amérique centrale sont de plus en plus déterminés à parler d’une seule voix et à présenter une position unifiée dans le concert des nations. Par décision unanime du Conseil des ministres, la position de l’Amérique centrale doit être forgée par consensus et en collaboration avec la société civile centro-américaine, rassemblée dans le forum permanent de la société civile de la CCAD. Cette voix est celle du Président pro tempore, un poste dont le titulaire change tous les six mois, selon Planète Conservation 3/2002 une rotation géographique, en même temps que celui de Président du Sistema para la integración Centroamericana. Récemment, la CCAD et l’UICN, par le truchement de son Programme pour le droit de l’environnement et du Bureau régional pour la Méso-Amérique, ont signé un accord de renforcement de certains des comités techniques de la CCAD ; le Comité CITES sera parmi ceux qui bénéficieront de cet accord. Le but est de maintenir les membres du comité (un par pays plus deux représentants de la société civile) informés en permanence des affaires de la Convention ainsi que des types et tendances des positions adoptées pour les sessions de la Conférence des Parties. Après quelques séances de travail longues et intenses, l’Amérique centrale est en train de donner effet à un permis régional unifié pour le commerce d’espèces autorisées et a récemment conclu des études d’inventaire des forêts d’acajous et des colonies de tortues. Richesse et responsabilité La richesse de l’Amérique centrale réside dans sa diversité et dans le grand nombre d’espèces de plantes et d’animaux endémiques qu’elle possède. Conscients de la responsabilité que cela représente, les États d’Amérique centrale se sont engagés à prendre des mesures fermes d’application de la CITES. La prochaine CdP de la CITES sera, pour l’Amérique centrale, une nouvelle occasion de parler au monde d’une seule voix, cette fois-ci avec les conseils de l’UICN. Mauricio Castro Salazar est Secrétaire exécutif de la Comisión Centroamericana de Ambiente y Desarrollo. 29 Réflexion sur La CITES est considérée comme une convention efficace. On parle cependant beaucoup de changements et d’améliorations, peut-être parce qu’une des forces de la Convention est sa faculté d’adaptation. Mais change-t-elle assez vite pour rester en contact avec la réalité en cette époque de transformations sociales et environnementales accélérées ? l’avenir Choisir la meilleure voie Steven Broad toute une gamme de mesures complémentaires adoptées au moyen de résolutions et de décisions. Parmi les remèdes multilatéraux apportés aux problèmes de conservation des espèces sauvages, la CITES est souvent considérée comme très efficace, son incidence n’étant limitée que par la volonté des pays membres de mettre en œuvre et d’appliquer ses dispositions. Ses détracteurs, en revanche, prétendent que les dispositions et les méthodes de la CITES s’appuient sur des hypothèses relatives aux menaces pour la conservation et aux motivations pour le changement erronées et démodées et qu’elle est, au mieux, inefficace et exacerbe parfois même les problèmes qu’elle prétend résoudre. Il peut y avoir du vrai dans les deux points de vue. Les forces de la CITES tiennent au fait que presque tous les États en sont membres, à son objectif précis et à la volonté des Parties de prendre des décisions qui les lient, aux connaissances accumulées depuis plus de 25 ans de pratique, et au fait qu’elle ne rejette pas les opinions et l’aide de la société civile (à la différence de tant d’autres forums multilatéraux). Elles tiennent aussi au rôle énergique que joue son Secrétariat, à sa résilience apparente dans un climat politique où les barrières non tarifaires au commerce (aussi justifiées soient-elles) sont généralement vues d’un mauvais œil et à la volonté des Parties de toujours améliorer la panoplie d’outils réglementaires plutôt rudimentaires de la Convention par Quelques faiblesses Les faiblesses de la CITES se trouvent : ➤ dans la perspective étroite du processus décisionnel (les menaces générales pesant sur la conservation et les dynamiques socio-économiques recevant généralement peu d’attention) ; ➤ dans son échec à internaliser le suivi et l’évaluation des effets de ses mesures commerciales ; ➤ dans l’absence de mécanismes financiers pour investir dans la mise en œuvre et l’application ; ➤ dans la quantité peu ordinaire de temps que les Parties passent à discuter d’une petite minorité d’espèces (la plupart d’entre elles étant de grands mammifères gris) ; ➤ dans les limites inévitables du texte de la Convention écrit il y a 30 ans, dans la réticence des Parties à appliquer des mesures réglementaires qui ont fait leurs preuves au secteur commercial des ressources naturelles telles que la pêche et le bois ; et ➤ dans son isolement par rapport à d’autres institutions multilatérales qui, souvent, jouent un rôle important dans l’utilisation durable de la diversité biologique. WWF-CANON/HARTMUT JUNGIUS Aller de l’avant Et nous ? La CITES est parfois critiquée pour passer trop de temps à discuter des « grands mammifères gris » et pas assez des espèces plus petites et moins populaires. Ici : l’apollon Parnassius apollo (Annexe II) du Caucase oriental, Géorgie. 30 Comment donc aller de l’avant ? En continuant à presser la CITES telle qu’elle est aujourd’hui pour en tirer les meilleurs résultats possibles ? En jetant la CITES à la corbeille et en rédigeant un nouveau traité sur le commerce des espèces sauvages ? En faisant de la CITES un protocole de la Convention sur la diversité biologique et en la relaçant, en conséquence, dans le contexte plus général de la conservation et du développement durable? Aucune de ces voies n’est à préférer. La première semble sûre mais n’offre aucun remède clair aux nombreuses faiblesses mentionnées plus haut ; les deux autres pourraient rencontrer des obstacles insurmontables issus du processus de réécriture. Le dernier amendement, relativement mineur, apporté au texte de la CITES en 1983 n’est toujours pas en vigueur, près de 20 ans plus tard, trop peu de Parties l’ayant ratifié. Quelle que soit la voie choisie – elle pourrait d’ailleurs comprendre des éléments des trois options – il est urgent que les gouvernements rationalisent l’approche à la conservation et au développement durable qu’ils poursuivent dans différents forums multilatéraux. Il ne s’agit Planète Conservation 3/2002 RÉFLEXION SUR L’AVENIR pas de juger quelle institution est plus importante ou travaille mieux. Les problèmes de conservation fondamentaux qui ont conduit à l’adoption de la CITES et beaucoup de ses dispositions réglementaires spécifiques sont aussi importants aujourd’hui qu’au début des années 1970 lorsque la Convention est née. Cependant, pour réussir à long terme, la coopération, l’énergie et l’ambition démontrées dans le forum de la CITES doivent s’appliquer, à l’avenir, dans un milieu de travail où est reconnue la place de la surexploitation, parmi d’autres causes générales de disparition de la diversité biologique, où sont appliquées des méthodes réglementaires adaptatives dans le contexte d’autres stratégies de conservation, où des stratégies avisées en matière de conservation et d’économie ne sont pas entravées par la peur du conflit avec l’OMC et où les décisions reflètent des objectifs de développement durable plus généraux ainsi que les facteurs socio-économiques qui, inévitablement, déterminent leur efficacité. Steven Broad est Directeur exécutif de TRAFFIC International. Le suivi du commerce au 21e siècle Pour le fonctionnaire gouvernemental stressé qui cherche à déterminer la taxonomie de la dernière espèce proposée pour l’exportation et pour le fonctionnaire des douanes tout aussi stressé qui réceptionne l’espèce à sa destination finale, le suivi du commerce CITES est un défi. Et pourtant ce processus est l’essence même de la CITES car il aide les Parties à évaluer la légalité et la durabilité du commerce des spécimens. Depuis que la Convention est entrée en vigueur, il y a 27 ans, plus de cinq millions de déclarations ont été versées dans la base de données de la CITES sur le commerce, fournies par des rapports nationaux laborieusement établis à partir de certificats de papier (voir page 13). Le commerce déclaré à la CITES continue d’augmenter à mesure que de nouvelles espèces sont inscrites aux annexes et pourrait bientôt monter d’un cran si des espèces de poissons marins d’importance commerciale sont inscrites. Le volume croissant du commerce d’un nombre de plus en plus grand d’espèces impose un fardeau énorme en matière de collecte de données tandis que la ponctualité et la précision limitées des données commerciales entravent le processus décisionnel. Instrument décisionnel Ces données commerciales ne constituent pas simplement un relevé historique, elles sont un outil important qui oriente la politique de la conservation et du commerce des espèces sauvages et aide à formuler des décisions relatives à la gestion des ressources. Rassembler les rapports avec célérité et exactitude et mettre les données qui en résultent dans les mains des décideurs politiques et des gestionnaires des ressources sont des priorités pour la CITES. Heureusement, le succès et l’omniprésence d’Internet au 21e siècle nous donnent la possibilité de le faire. Cependant un système de suivi est aussi bon que l’information sur laquelle il repose. Construire la capacité technique du suivi du commerce va de pair avec l’amélioration des processus décisionnels qui régissent le commerce. Inutile de rassembler à temps des informations inexactes! Alors, comment améliorer nos performances ? Plus vite, plus juste, plus malin La réponse tient peut-être dans la modification des moyens de publication et de traitement des documents. Planète Conservation 3/2002 CITES/GER VAN VLIET Stephen V. Nash Des plantes dans une pépinière proche de Rio de Janeiro sont préparées pour l’envoi. Il est difficile d’obtenir des statistiques commerciales précises : il faut pour cela des procédures normalisées et une bonne connaissance de la taxonomie. Des données relatives aux permis, saisies dans une base de données électronique commune avant qu’un permis soit émis ou au moment de l’émission, pourraient fournir des informations plus ponctuelles sur le commerce autorisé. Cette base de données centrale sur les permis pourrait aussi permettre d’émettre des documents directement par Internet. Cela contribuerait en outre à normaliser les formulaires et le contenu et à éviter des erreurs typographiques. Certes, l’idée d’une base de données centrale soulève des problèmes de sécurité, de confidentialité et de souveraineté mais l’idée n’exige pas plus de technologie que le commerce électronique ou les opérations bancaires en ligne qui sont tous deux de plus en plus communs. Ce système fournirait des données d’après les documents émis. Toutefois, il se peut que, pour différentes raisons, le nombre de spécimens et les quantités commercialisées soient inférieurs aux nombres et quantités portés sur l’autorisation d’origine. Il sera donc nécessaire de rassembler des informations sur le commerce réel luimême, sur les exportations et sur les importations. 31 RÉFLEXION SUR L’AVENIR La « capture » électronique directe des données et leur centralisation pourraient aussi éliminer la nécessité de préparer des rapports annuels distincts ce qui aiderait à soulager le fardeau croissant des obligations de rapports dans le cadre d’un nombre croissant de traités et d’engagements internationaux. Cela pourrait aussi réduire ou éliminer la nécessité du marquage ou de l’étiquetage ou de la certification supplémentaire. L’avenir des permis ? On pourrait, par exemple transformer les données des documents en codes barres lisibles à la machine, un système déjà largement utilisé (par exemple pour le suivi à l’échelle du globe des envois des entreprises commerciales de messagerie). Les données pourraient être rassemblées sous forme électronique, à la sortie et à l’entrée, par les autorités douanières avec un équipement, un logiciel et une formation relativement minimes, puis transmises à une base de données centrale. Nouvelles possibilités Ces idées étaient inimaginables lorsque la CITES est entrée en vigueur en 1975 mais tout a changé depuis. Avec l’émergence d’Internet, la possibilité de coordonner l’émission de documents à l’échelle mondiale et de fournir un accès exact, ponctuel et facile aux données commerciales n’est pas si loin. Vingt-sept ans de mise en œuvre de la CITES ont démontré qu’un système de permis pour réglementer le commerce des ressources sauvages est une approche avisée qui permet une application cohérente et équitable. Voilà pourquoi la CITES, au 21e siècle, doit et peut ajouter à son arc la corde du suivi amélioré du commerce. Image d’ensemble Le résultat final serait une information mondiale à jour sur le commerce potentiel et réel, mise à la disposition des décideurs politiques et des gestionnaires des ressources. Ce serait tout particulièrement utile pour gérer des ressources partagées entre plusieurs pays car il serait possible de voir et d’analyser l’image d’ensemble avant de prendre des décisions au niveau national. Stephen V. Nash est Chef de l’Unité « renforcement des capacités », Secrétariat CITES. L’avenir de la CITES : opinion personnelle Jim Armstrong WWF-CANON/EDWARD PARKER C’est en 1994 que l’on m’a interrogé pour la première fois sur l’avenir de la CITES. La BBC interviewait des participants à la CdP9, à Fort Lauderdale, juste après la décision mémorable d’adopter de nouveaux critères d’inscription des espèces aux annexes de la CITES. Marché de plantes médicinales à Sao Paulo, Brésil : toutes les plantes médicinales CITES ont été examinées par l’Autorité scientifique allemande entre 1996 et 1999 (voir page 17). Grâce à ce processus d’examen rigoureux, associé aux nouveaux critères, les décisions de la CITES sont désormais fermement ancrées dans la science. 32 J’étais, à l’époque, membre de la délégation australienne et Président du Comité pour les plantes de la CITES. J’avais présidé le Groupe de travail sur les critères qui avait réussi à forger les détails de la résolution Conf. 9.24, adoptée par les Parties. Beaucoup de participants avaient la certitude que la nouvelle résolution sur les critères avait fort peu de chance d’être adoptée : l’appui unanime à la proposition remaniée fut donc une véritable surprise. J’ai réalisé à ce moment-là que la CITES était majeure et qu’elle pouvait enfin prendre des décisions efficaces fermement ancrées dans la science. D’humeur joyeuse, tandis que les hauts parleurs diffusaient « I see trees of green… » chanté par mon homonyme, Louis Armstrong, je me suis lancé dans une apologie de la CITES. J’ai même suggéré que c’était le plus efficace de tous les instruments internationaux de l’environnement œuvrant pour conserver les ressources biologiques de la planète. L’avenir de la CITES repose sur sa faculté d’évoluer pour lutter contre les menaces, toujours nouvelles, qui pèsent sur ces ressources. Quelques années plus tard, en 1996, j’entrais au Secrétariat de la CITES. Certes, je vois aujourd’hui la Convention d’un point de vue totalement différent mais mon enthousiasme n’a jamais faibli. Mais la CITES a-t-elle un avenir dans le nouveau millénaire ? Peut-elle continuer d’évoluer pour s’attaquer aux menaces nouvelles et multiformes auxquelles font face la faune et la flore sauvages de la planète ? Planète Conservation 3/2002 USFWS/JOHN ET KAREN HOLLINGSWORTH Inspectrice du US Fish and Wildlife Service examinant des produits saisis de la faune sauvage. La seule réponse ; c’est un oui catégorique ! Mais il faut comprendre le chemin construit par la CITES depuis 29 ans afin de mieux voir le chemin qu’elle emprunte aujourd’hui ou la direction que nous souhaiterions qu’elle prenne dans le nouveau millénaire. Un malentendu Penser que la CITES réglemente uniquement le commerce des espèces menacées d’extinction est un malentendu. Les espèces inscrites aux Annexes II et III de la CITES ne sont pas menacées d’extinction mais pourraient le devenir si leur commerce international n’était pas réglementé. En conséquence, la CITES réglemente le commerce des espèces importantes pour la conservation. L’expression « menacées d’extinction » est bien inscrite dans le titre du traité : c’est la source du malentendu. D’un point de vue pratique, il ne serait pas opportun de changer le nom de la Convention mais ce nom est un des grands obstacles sur lesquels achoppe la communauté du commerce – il est difficile aux commerçants d’adopter la CITES en tant qu’instrument de marketing pour certifier que les spécimens de l’Annexe II dont ils font le commerce ont été prélevés de manière durable. Et c’est là l’un des plus grands défis pour la CITES dans les années qui viennent : à savoir comment obtenir l’appui de la communauté du commerce pour faire en sorte que les espèces CITES soumises à un commerce important soient gérées de manière durable. La durabilité est-elle l’affaire de la CITES ? La question de la durabilité a une histoire mouvementée à la CITES. Étant donné que l’expression « utilisation durable » n’est pas mentionnée dans le texte de la Convention, certains prétendent qu’à l’inverse des conventions de Rio, comme la Convention sur la diversité biologique, la CITES n’a jamais été conçue comme un instrument de l’utilisation durable. Je ne suis pas d’accord. Planète Conservation 3/2002 Il faut se rappeler que la CITES est née bien avant le concept de développement durable. L’Article IV de la Convention prévoit que l’exportation de tout spécimen d’une espèce inscrite à l’Annexe II ne pourra avoir lieu que lorsque l’autorité scientifique de l’État d’exportation aura émis l’avis que cette exportation « ne nuit pas à la survie de l’espèce » (voir page 4). Cette phrase exprime l’essence du concept de l’utilisation durable et que la CITES a appliqué bien avant que l’idée même de durabilité ne soit conçue. Jusqu’à présent, la Convention n’a pas réussi à promouvoir efficacement ce principe mais je suis convaincu que l’importance de cette idée deviendra l’une de ses forces principales dans les années à venir. La plupart des quelque 30000 espèces dont le commerce est réglementé par la CITES sont inscrites à l’Annexe II et c’est ce facteur qui fait de la CITES un instrument efficace du développement durable. L’Article IV est une pierre angulaire de la Convention. Appliquées correctement par le pays exportateur, les dispositions de l’Article IV de la CITES se résument, tout simplement, à une certification de la durabilité ! De nouvelles forces Quelles seront les autres forces que développera la CITES dans le nouveau millénaire? Je vois des progrès évidents : Fort heureusement, la distinction historique entre les animaux et les plantes dans la Convention est en train de disparaître. Bien qu’ils soient traités séparément dans différentes résolutions et décisions de la CITES, il n’y a aucune raison pratique, par exemple, de traiter séparément les « animaux élevés en captivité » et les « plantes reproduites artificiellement ». Cette pratique est inutilement redondante et ne fait que perpétuer le mythe qui veut qu’il s’agisse d’entités biologiques totalement différentes nécessitant des procédures séparées ou biologiquement différentes à la CITES. Heureusement, ce stéréotype a été rejeté dans les nouveaux critères 33 RÉFLEXION SUR L’AVENIR La Convention a le pouvoir de sanctionner une application inefficace et c’est une de ses grandes forces. Avec la mise en place des nouveaux Comités scientifique et technique, il y aura une nouvelle synergie à la Convention entre la politique et la science, ce qui est fondamental pour garantir une gestion efficace des ressources naturelles. L’intégration de la science et des mesures d’application a déjà commencé et la tendance se renforcera à mesure que progressera et mûrira le programme de la Convention pour le développement durable. La force actuelle du processus d’Étude du commerce important sera encore consolidée dans le nouveau millénaire. Des innovations telles que la mise en place d’études nationales (comme c’est le cas depuis Quelques instruments économiques en mesure de promouvoir la conservation des espèces de l’Annexe I Attribution de droits de propriété et d’usage bien définis. Les braconniers qui prélèvent des espèces inscrites à l’Annexe I dans des conditions d’accès ouvert à tous peuvent gagner beaucoup d’argent avec un investissement minimum. La marge de profit peut être si élevée que l’effort consenti pour échapper aux contrôles de lutte contre la fraude est négligeable. L’attribution de droits de propriété peut aider à optimiser les efforts d’application en incitant les propriétaires des ressources (c’est-à-dire les communautés locales ou le secteur privé) à protéger « leurs » ressources. Toutefois, si elles sont discriminatoires et mal conçues, les incitations pourraient avoir des incidences négatives sur l’accès au marché ou réduire le bien-être économique. Utilisation de populations sauvages gérées. Il s’agit peut-être là de l’approche la plus chargée de promesses pour la conservation in situ d’espèces inscrites à l’Annexe I à condition qu’elle s’accompagne d’une gestion améliorée pour la conservation. Le revenu pour la conservation pourrait être généré par la vente à des fins non commerciales de droits d’élevage ou de droits de chasse. Toutefois, les avantages pour les populations locales dépendraient de la possibilité d’ouvrir des avenues pour les transactions à des fins non commerciales. Écotourisme. Pour que l’écotourisme réussisse, les gouvernements doivent trouver des moyens de consacrer le revenu du tourisme aux programmes de conservation des espèces sauvages et au bien-être des communautés locales par la création d’emplois, par des droits de compensation et des programmes de services sociaux. Actuellement, une grande partie du revenu reste dans les mains de l’agent de tourisme, en dehors du pays. Élevage en captivité. La plupart de ces établissements se trouvent dans les pays consommateurs et rarement dans les pays de l’aire de répartition. Afin de contribuer davantage à la conservation in situ, il faut que les populations locales des États de l’aire de répartition y participent. Juan Carlos Vasquez, juriste chargé de la politique commerciale, législation et respect de la Convention, Secrétariat CITES. 34 UICN/WENDY STRAHM d’inscription qui appliquent une approche scientifique unifiée aux ressources biologiques de la planète. J’ai la conviction que nous verrons bientôt une fusion du Comité pour les animaux et du Comité pour les plantes qui deviendront un Comité scientifique CITES unifié, chargé de fournir des avis scientifiques objectifs aux Parties à la CITES. Pour compléter cette nouvelle approche, la mise en œuvre de la CITES devrait être coordonnée dans le cadre d’un nouveau Comité technique CITES dont la mission serait d’aider les Parties pour les questions d’application et de respect qui sont aujourd’hui, à tort, confiées aux Comités pour les animaux et pour les plantes. Les restrictions au commerce peuvent encourager l’élevage en captivité ex situ mais n’apportent pas d’avantages aux États de l’aire de répartition tandis que les dispositions de la CITES sur l’élevage en ranch encouragent la conservation in situ. Photo : espèces de cactus nord-américaines cultivées en pépinière aux îles Canaries, en vente dans un magasin hors taxe de Gran Canaria. peu pour Madagascar), et les programmes régionaux très réussis – comme pour les esturgeons de la mer Caspienne (voir page 25) – ont montré à quel point des questions de conservation fondamentales peuvent être traitées efficacement par la CITES. Naturellement, ces approches novatrices seront plus largement appliquées par la Convention lorsque leur succès sera plus largement apprécié. Les dispositions de la CITES concernant l’élevage en ranch seront reconnues comme l’une des mesures les plus originales visant à améliorer la conservation in situ des espèces inscrites à la CITES. Le problème est que l’élevage en ranch n’est vu par la CITES que comme une mesure permettant de faciliter le transfert d’une espèce animale de l’Annexe I à l’Annexe II alors qu’il pourrait, en fait, devenir un système de gestion durable des espèces qui sont déjà à l’Annexe II. Les dispositions relatives à l’élevage en ranch sont applicables aux plantes et comme le rôle des spécimens reproduits artificiellement pour la conservation est limité, les Parties à la CITES devraient être encouragées à établir des programmes efficaces d’élevage en ranch pour garantir le développement durable des ressources biologiques qu’elles gèrent. Un avenir vert La CITES ne remplira son programme pour le développement durable que lorsqu’elle réussira à intégrer totalement ses initiatives originales de biocommerce avec les objectifs louables de la conservation durable, du développement économique et du bien-être social. C’est la voie qui s’ouvre à la CITES dans le nouveau millénaire. C’est la voie que tous les accords multilatéraux sur l’environnement tentent de prendre. J’aimerais croire que la CITES sera le premier à y parvenir ! « I see trees of green… » Jim Armstrong est Secrétaire général adjoint, Secrétariat CITES. Planète Conservation 3/2002 RÉFLEXION SUR L’AVENIR Entre le cœur et la raison Achim Steiner WWF-CANON/MARTIN HARVEY Tandis que beaucoup d’entre nous revenaient fourbus et contents de Johannesburg, une petite équipe du personnel de l’UICN et de TRAFFIC et des experts bénévoles se pressaient pour respecter un délai important. Les Analyses des propositions d’amendement aux annexes de la CITES devaient être prêtes pour la 12e session de la Conférence des Parties à la CITES. Le résultat de leurs efforts nous a fait réaliser que pendant que nous cherchions à influencer le débat dans un sommet international, la tâche minutieuse et cruciale de l’Union, sur laquelle notre réputation est assise, se poursuivait comme toujours. Les Analyses sont l’un des services les plus importants que l’UICN rend à la communauté de l’environnement : la fourniture d’évaluations objectives, scientifiquement rigoureuses et fiables de l’état des ressources naturelles pour sous-tendre des décisions importantes prises par la communauté de la conservation. Le travail d’évaluation de l’UICN ne laisse rien au hasard, ni les espèces, ni les écosystèmes, Ces rhinocéros noirs Diceros bicornis sont gardés 24 heures sur 24 par des gardes armés qui ni les politiques des autorités qui sont char- les protègent des braconniers. La conservation de la faune sauvage se justifie sur le plan écologique, économique et éthique. gées de leur protection et de leur gestion. Un autre exemple qui vient rapidement à l’esprit est notre engagés, même si c’est à contrecœur, à réduire l’érosion évaluation annuelle des propositions d’inscription de de la diversité biologique. « Le terrain d’entente » c’est biens du patrimoine mondial présentées à l’UNESCO. là où l’UICN travaille, là où la conservation de la diverC’est un service que l’Union est fière de proposer. sité biologique se trouve. C’est, en fin de compte, notre Certains de nos détracteurs, toutefois, pourraient y voir raison d’être. la preuve de la « double personnalité » de l’UICN : d’un Les Parties à la CITES qui se retrouveront à Santiago côté, l’autorité analytique et de l’autre, la défense passionen novembre, se livreront elles aussi à leur gymnastique née de la conservation de la biodiversité reprise en écho traditionnelle qui consiste à trouver un équilibre entre des par le bénévolat généreux de nos réseaux d’experts et les intérêts concurrents. Mais la CITES change, comme on le campagnes infatigables de beaucoup de nos membres. voit tout au long des articles qui précèdent. Son influence Mais je répondrais qu’il n’y a pas de coupure au milieu s’élargit, son champ d’action et ses activités sont en expande l’Union, et que nous ne sommes non plus à cheval sur sion. Toutes les conventions de la conservation sont une clôture entre deux mondes. En fait, nous sommes une placées devant le même enjeu, à savoir abandonner l’obpasserelle entre le cœur et la raison de la conservation. jectif étroit qui leur a été assigné en un temps où les politiques de l’environnement étaient bien différentes. Trouver un terrain d’entente Si la CITES est à la croisée des chemins, elle n’est pas Pour en revenir à la CITES : notre analyse sans complaitoute seule. Tandis que nous nous acheminons vers de sance des mérites des propositions ne dément en rien nouvelles négociations critiques sur la libéralisation du notre souci de sauver des espèces, qu’elles soient menacommerce dans le cadre de l’agenda de Doha, les spéciacées ou non par le commerce. listes de l’environnement, avec les activistes du déveMais pour sauver des espèces, les bonnes intentions loppement social, sont prêts à jouer un rôle plus actif à et les convictions ferventes ne suffisent pas; il faut toutes la table des négociations internationales. les facultés de raisonnement clair, toutes les connaisLa conservation est placée devant le défi d’élaborer sances solides et toutes les données fiables que nous des réponses stratégiques et des propositions de fond sommes en mesure de réunir. pour le débat mondial sur le commerce. La CITES était Un des rôles les plus importants de l’Union est celui de à l’origine une idée, elle est devenue une convention courtier honnête entre ceux dont les activités pourraient mondiale avec 160 Parties signataires. Nous avons besoin menacer la nature – pour le profit ou pour la subsistance – de la même créativité et de la même ambition si nous et ceux dont le principal souci est la crise mondiale de l’exvoulons marquer de notre empreinte le commerce et le tinction sans précédent à laquelle nous devons faire face. développement durable de l’avenir. À Johannesburg, les grands de ce monde se sont engagés à établir des partenariats dont l’une des clés est le terrain d’entente qu’il faudra trouver. Ils se sont aussi Achim Steiner est Directeur général de l’UICN. Planète Conservation 3/2002 35 PUBLICATIONS Guide CITES Le Guide CITES a pour objectif de fournir aux Parties à la CITES, entre autres, les principaux textes d’application de la CITES en un seul ouvrage de référence. Il comprend le texte de la Convention, les annexes, les modèles de permis d’exportation/importation et de certificats de réexportation et les résolutions et décisions de la 11e session de la Conférence des Parties. ISBN 2-88323-009-9,2001; 295 x 210 mm, 304 p. £25, USD 37,50. Bons de commande : français no. B1102 ; anglais no. B1100 ; espagnol no. B1101 The Evolution of CITES, 6e édition, 2001 Willem Wijnstekers Cette publication décrit l’évolution de la CITES. Elle commence par les fondamentaux et guide le lecteur à travers la structure complexe. Les dispositions de la Convention sont clairement mises en évidence et les nombreuses résolutions et décisions sont expliquées. 2001 ; 240 x 160 mm, 492 p., photographies couleur ; £20, USD 30 ; bon de commande no B1130 Liste CITES des espèces Compilée par le Centre mondial de surveillance continue de la conservation de la nature du PNUE. Cet ouvrage contient des listes alphabétiques des espèces de la faune et de la flore inscrites aux Annexes I, II et III de la CITES afin d’aider les organes de gestion et les autorités scientifiques, les agents des douanes et tous ceux qui participent à la mise en œuvre et à l’application de la Convention. La liste ne fournit pas seulement les noms scientifiques mais aussi les noms communs en anglais, espagnol et français. ISBN 1-899628-17-7, 2001 ; 295 x 210 mm, 335 p. £28, USD 42. Bon de commande no B576. Édition trilingue (A/E/F) Manuels d’identification Ces manuels sont des instruments utiles pour les organes de gestion et les autorités scientifiques, les agents des douanes et tous ceux qui sont concernés par la mise en œuvre et l’application de la CITES. Avec des dessins (noir et blanc), des cartes et des descriptions concises. Flora : £67, USD 100 (1 classeur). Bons de commande : français no. B577; anglais no. B579; espagnol : no. B578. Fauna : français : £360, USD 540 (6 classeurs), bon de commande no B410 ; anglais £459, USD 825 (8 classeurs), Bon de commande no. B289 The Birds of CITES and How to Identify Them Johannes Erritzoe ; illustré par Helga Boullet Erritzoe et l’auteur. À travers des peintures en couleur et des descriptions concises, ce guide richement illustré permet d’identifier tous les oiseaux qui se trouvent dans les annexes CITES. ISBN 0-7-188-289-1-5, 1993 ; 300 x 210 mm, 201 p. £25, USD 37,50 ; bon de commande no B286 CITES Guide to Plants in Trade Compilé par Sabina Knees et Mike Read, sous la direction de Brian Mathew. À travers des photographies et des descriptions générales, ce guide vise à aider les agents des douanes et tous ceux qui participent au contrôle du commerce des plantes à identifier un certain nombre de plantes et à renforcer la sensibilisation du grand public en attirant l’attention sur les espèces en danger. 1994 ; 295 x 210 mm, 216 p. ; £31, USD 46,50 ; bon de commande B273 Nouveau catalogue http://www.iucn.org/bookstore Le Service des publications de l’UICN distribue les publications CITES. Consultez http://www.iucn.org/bookstore/CITESpublications-index.htm 36 Le nouveau catalogue des publications de l’UICN est disponible à l’adresse : books@iucn. org Planète Conservation 3/2002