Commerce des espèces

Transcription

Commerce des espèces
Bulletin UICN
Numéro
3
2002
Planète
Conservation
Commerce des espèces
La CITES dans le nouveau millénaire
SOMMAIRE
Commerce des espèces
La CITES dans le nouveau millénaire
PETER PAUL VAN DIJK
Réflexion sur l’avenir
17 Plantes médicinales : c’est le
docteur qui l’a prescrit ! Uwe Shippmann
30 Choisir la meilleure voie Steven Broad
18 De l’étal à la poêle, les mollusques
valent de l’or Mary Seddon
Pourquoi la CITES ?
3 « Magna Carta » des espèces sauvages
Yolanda Kakabadse
19 La viande de brousse : recette pour
l’extinction Rob Barnett
Une publication de
l’UICN-Union mondiale pour la nature
rue Mauverney, 28
CH-1196 Gland, Suisse
Téléphone : +41(22) 999 0001
Télécopieur : +41(22) 999 0002
Site Web : http://www.iucn.org
Rédactrice en chef : Nikki Meith
Rédacteur adjoint : Peter Hulm
La CITES en marche
Espèces sauvages et
moyens d’existence
14 Économies rurales : revenu en
espèces Teresa Mulliken
WWF-CANON/HARTMUT JUNGIUS
22 La pêche : trouver le bon équilibre
Kevern Cochrane
23 Vu de Madagascar Claudine
Ramiarison et Andrew Cooke
25 Les esturgeons sont de retour
Caroline Raymakers
26 Des mâles enceints créent un
précédent à la CITES Amanda Vincent
27 Une bonne gestion fait de bons
voisins Malan Lindeque
28 Groupements régionaux :
l’expérience de l’UE Christoph Bail
29 Amérique centrale : parler d’une
seule voix Mauricio Castro Salazar
Couverture, au centre : un devin zoulou (isangoma) récolte des tubercules à propriétés médicinales dans une prairie de montagne du KwaZulu Natal, en Afrique du Sud (A.B. Cunningham).
Bandeaux, à gauche de haut en bas: plumes d’ara rouge (WWF-Canon/Anthony B. Rath),
crocodile cubain (WWF-Canon/Michel Roggo), escargot arboricole peint (WWF-Canon/Michel
Roggo), Apollon (WWF-Canon/Hartmut Jungius), cactus non identifié (WWF-Canon/Anthony
B. Rath). À droite de haut en bas: écorce de pin du Chili (WWF-Canon/Edward Parker), corail
dur (WWF-Canon/Sylvia Earl), caméléon de Johnston (WWF-Canon/Martin Harvey), Adonis
vernalis (UICN/Wendy Strahm), éléphant d’Afrique (WWF-Canon/Martin Harvey).
2
Ce spécial CITES a été produit
en partenariat avec
Ressources marines au menu
Perspectives régionales
WWF-CANON/MARTIN HARVEY
35 Entre le cœur et la raison Achim
Steiner
Planète Conservation
7 On ne s’ennuie jamais ! Entretien avec
Willem Wijnstekers, Secrétaire général de la
CITES
13 Les registres du WCMC-PNUE
Gerardo Fragoso
32 L’avenir de la CITES : opinion
personnelle Jim Armstrong
(anciennement Bulletin de l’UICN)
6 Guide de la CITES Alison Rosser et
Sarah Ferris
11 La CSE et la CITES : évolution et
adaptation David Brackett
31 Le suivi du commerce au 21e siècle
Stephen V. Nash
20 Chacun sa chèvre : la chasse au
trophée des ongulés de montagne
Marco Festa Bianchet
4 Croissance et adaptation d’une
convention David Brackett
9 Aiguiser les crocs de la CITES Tomme
Rosanne Young
EDWARD G. LINES/SHEDD AQUARIUM
16 Dans la soupe : la crise des tortues
d’Asie Peter Paul van Dijk
17 Asie de l’Est : une lueur d’espoir
Craig Kirkpatrick
USFWS/J&K HOLLINGSWORTH
WWF/KLEIN & HUBERT
Rédactrices adjointes
Alison Rosser et Maija Sirola
Direction d’édition : Elaine Shaughnessy
Secrétariat d’édition : Deborah Murith
Édition française : Danièle Devitre
© 2002 Union internationale pour
la conservation de la nature
et de ses ressources
Volume 33, N°3, 2002
ISSN:1027-0973
Maquette couverture : L’IV COM Sàrl
Maquette/Mise en page : Maximedia Ltd.
Produit par :
la Division des publications de l’UICN,
Gland, Suisse et Cambridge, R.-U.
Imprimé par : Sadag Imprimerie
Les opinions exprimées dans cette
publication ne reflètent pas nécessairement
celles de l’UICN ou de ses membres.
Souscription annuelle:
(3 numéros par an)
USD 45 (non-membres)
envoi par avion compris
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Planète Conservation 3/2002
Pourquoi
la CITES ?
WWF-CANON/MARTIN HARVEY
Depuis près de trente ans, la Convention sur le commerce
international des espèces de faune et de flore sauvages
menacées d’extinction réglemente le commerce d’espèces dont
l’état est préoccupant, qu’il s’agisse de serpents, papillons,
cactus, hippocampes, escargots, araignées, ou encore
d’éléphants, rhinocéros et tigres plus familiers dont la survie est
menacée par le commerce international.
Le python Morelia viridis, une espèce arboricole des forêts
pluviales d’Australie, a été inscrit à l’Annexe II de la CITES
en 1977.
À maints égards, le traité a obtenu de grandes réussites : il
est parmi les accords sur la conservation qui comptent le plus
de Parties : 160 à ce jour. Sous sa protection, les populations
d’espèces comme la vigogne, le crocodile du Nil et le rhinocéros
blanc ont augmenté.
Mais le monde a beaucoup changé depuis que la CITES a été
adoptée et la Convention continue d’évoluer pour tenir le
rythme. La 12e session de la Conférence des Parties (CdP) qui
aura lieu à Santiago du Chili (3 au 15 novembre 2002) offre
l’occasion de réfléchir au passé, au présent et à l’avenir de la
CITES à travers les yeux de son personnel, de ceux qui sont
chargés de l’appliquer et de ses partenaires en conservation.
« Magna Carta » des espèces sauvages
Yolanda Kakabadse
L’Union se considère comme l’un des plus proches partenaires de la CITES. Une bonne partie de notre travail – notamment
dans le domaine de la conservation des espèces – est directement ou indirectement liée à sa mise en œuvre quotidienne.
L’idée de la CITES est née en 1963, à l’Assemblée générale
de l’UICN de Nairobi. Les membres de l’UICN, préoccupés par
les dommages que l’exploitation pour le commerce international causait aux espèces sauvages, appelèrent de leurs vœux
une « convention internationale sur la réglementation des
exportations, du transport et de l’importation d’espèces rares
ou menacées de la faune sauvage ou de leurs peaux et
trophées ».
Le restant de la décennie, l’équipe juridique de l’UICN, sous
la direction de Wolfgang et Françoise Burhenne, prépara des
projets successifs qui furent communiqués aux gouvernements
et aux organisations non gouvernementales.
Un autre aspect du travail de l’UICN à l’époque, les livres
rouges (Red Data Books), eut une influence sur le processus :
les avant-projets du traité s’appuyaient sur l’idée que le
commerce des espèces sauvages serait contrôlé sur la base de
listes d’espèces menacées dressées et régulièrement mises à
jour par des experts. Toutefois, quelques grands exportateurs
de faune sauvage – principalement des pays en développement
mais aussi les États-Unis – objectèrent, déclarant que chaque
Planète Conservation 3/2002
État devait avoir sa propre liste. Un compromis fut trouvé et
présenté à la conférence plénipotentiaire de 1973, organisée
au Pentagone, à Washington, États-Unis.
La « Convention de Washington », fruit de cette conférence,
fut signée par 80 pays le 3 mars 1973 et baptisée « Magna Carta
de la faune sauvage ». Entrée en vigueur le 1er juillet 1975, elle
compte aujourd’hui près de 160 Parties contractantes et continue de grandir.
Le PNUE, créé à la Conférence de Stockholm de 1972, chargea l’UICN de fournir les services et les locaux du secrétariat
jusqu’en 1984, date à laquelle il prit la relève.
Aujourd’hui, l’Union joue un rôle plus scientifique que juridique auprès de la CITES mais tire toujours fierté de sa contribution à la naissance de la Convention.
Ce numéro spécial de Planète Conservation s’intéresse au
fonctionnement actuel de la CITES et discute de moyens de
l’améliorer. Nous y verrons la preuve, une fois encore, que la
CITES, la Convention sur la diversité biologique, le Programme
de l’UICN et les programmes de ses Commissions, ainsi que
les principaux agents internationaux de la conservation de l’environnement commencent à se rassembler pour faire cause
commune, sur des fondements communs et à la poursuite d’objectifs communs.
Yolanda Kakabadse est Présidente de l’UICN.
3
POURQUOI LA CITES ?
Croissance et adaptation d’une convention
David Brackett
sorte que toute exploitation commerciale des espèces
sauvages soit durable.
Du plus grand mammifère vivant, la baleine bleue, au
papillon délicat, des orchidées les plus rares de la
planète à l’acajou majestueux, la CITES réglemente le
commerce d’une grande diversité d’espèces. Toutes
ont un point commun – la communauté internationale a décidé de coopérer pour faire en sorte que le
commerce ne porte pas préjudice à leur survie.
Du haut de ses 27 ans, la CITES est un des accords
multilatéraux de l’environnement les plus anciens et,
on peut le dire, un de ceux qui ont le mieux réussi.
Rédigée bien longtemps avant que les idées contemporaines de gouvernance internationale et de propriété
des ressources ne soient en vogue, la CITES était néanmoins très en avance sur son temps.
Le préambule énonce comme principe que tous les
gouvernements nationaux ont des droits souverains
et des responsabilités sur leurs espèces sauvages et
que la coopération internationale est essentielle si l’on
veut que le commerce international soit géré efficacement. Outre qu’ils appréciaient la beauté des espèces sauvages, les rédacteurs reconnaissaient aussi leur
valeur croissante. Et le plus important peut-être, en
ces temps d’éveil des consciences à la conservation,
alors que le développement durable et le partage des
avantages sont des piliers de la Convention sur la diversité biologique, l’objectif de la CITES est de faire en
Droit contraignant ou non contraignant
Les espèces peuvent être inscrites aux trois annexes
de la Convention qui leur accordent différents niveaux
de protection contre le commerce (voir p. 6). Ces
annexes sont modifiées à l’occasion des sessions biennales de la Conférence des Parties et donnent lieu aux
décisions fondamentales car elles relèvent du « droit
contraignant ».
Outre les amendements, la CdP discute aussi de
modifications à porter à ses résolutions et décisions
mais, celles-ci relèvent du « droit non contraignant »
et les pays peuvent exercer quelque discrétion dans
l’application.
La CITES a une très large couverture mondiale, avec
160 Parties au dernier recensement. Avec une représentation régionale aux comités, la Convention peut
s’appuyer sur un large éventail d’opinions sur les
meilleurs moyens de réglementer l’exploitation pour
le commerce international afin d’éviter que celui-ci
menace les espèces. Les Parties ont ouvertement
reconnu les avantages du commerce en 1984 et cette
approche sous-tend nombre de programmes d’utilisation durable que la Convention aide à réglementer.
WWF-CANON/ROGER LEGUEN
Avis de commerce non préjudiciable
Résultats mitigés
L’ara de Spix Cyanopsitta spixii a été déclaré éteint à l’état sauvage en
1999. Il était pourtant intégralement protégé par la CITES depuis 1975. Dans
cette période, plus de 60 oiseaux ont été élevés en captivité avec succès
sous la supervision de la CITES. Le tigre s’approche de l’extinction malgré
des résolutions successives priant les Parties de prendre des mesures. Le
braconnage des rhinocéros est resté élevé pendant dix ans après que toutes
les espèces aient été inscrites à l’Annexe I mais, depuis 8 à 10 ans,
l’inscription à l’Annexe I conjuguée à des investissements dans de petits
sanctuaires de rhinocéros ont empêché la résurgence de taux élevés de
braconnage. Les populations de rhinocéros blancs ont beaucoup augmenté.
4
Selon la Convention, le commerce d’espèces de l’Annexe II (voir p. 6) ne doit pas nuire aux espèces (voir
encadré, p. 5) mais, au fil des ans, certaines Parties ont
eu fort à faire pour respecter cette obligation. Un
examen du commerce des espèces de l’Annexe II a
donc été institué pour aider les Parties à gérer le
commerce de manière durable. L’Étude du commerce
important (voir encadré, p. 5) permet aux Comités pour
les plantes et pour les animaux de mettre en lumière
les problèmes particuliers que rencontre telle ou telle
Partie qui tente de déterminer si le commerce est durable et de lui présenter des recommandations ciblées.
Les Comités peuvent recommander, par exemple, une
interdiction limitée du commerce ou une restriction
du volume du commerce et ces recommandations
peuvent aider une Partie à faire en sorte que son
commerce d’un taxon particulier soit durable.
Conséquences imprévues
La possibilité de recourir à des restrictions du
commerce est une des forces de la CITES car elle lui
donne les moyens de faire appliquer les textes.
Cependant, certaines restrictions au commerce ont
eu des conséquences imprévues, soit par exemple, que
le commerce se soit tourné vers un taxon ou vers des
spécimens d’un autre État de l’aire de répartition, soit
encore que les restrictions aient encouragé l’élevage
en captivité/la reproduction artificielle ex situ sans
aucun avantage pour les États de l’aire de répartition.
Après dix ans de fonctionnement, un examen de l’efficacité du processus pourrait aider à renforcer celuici pour qu’il aide encore plus les Parties à remplir leurs
obligations.
Planète Conservation 3/2002
POURQUOI LA CITES ?
Quelques succès
WWF-CANON/MARTIN HARVEY
Les résultats de l’inscription à l’Annexe I ont été mitigés pour plusieurs espèces, et lorsque la demande est
élevée, l’inscription à l’Annexe I ne suffit peut-être pas
pour faire cesser la tendance à l’appauvrissement des
populations. En général, toutefois, on ne peut que se
demander ce qui serait arrivé s’il n’y avait pas eu la CITES.
Un des grands inconvénients de l’Annexe I c’est que
lorsqu’une espèce y est inscrite, il n’existe pas de procédure, relevant de la Convention, pour étudier la gestion
de l’espèce en question. Il est présumé que l’état d’une
espèce protégée contre le commerce international
s’améliore ou, au pire, reste stable. Mais beaucoup
d’espèces, même lorsqu’elles ne sont pas touchées par
un commerce international illicite, sont utilisées au
niveau national à des fins alimentaires, comme sources de produits pour la médecine, etc. de sorte que
leur déclin peut se poursuivre.
La gestion en collaboration
Sous la protection de la CITES, les rhinocéros blancs Ceratotherium simum
sont passés de quelques centaines d’individus à plus de 10 000.
WWF/FRÉDY MERCAY
Depuis quelques années, la CITES encourage la gestion
en collaboration, par exemple dans le cadre des Dialogues sur l’éléphant et la tortue imbriquée (voir encadré) qui réunissent les États de l’aire de répartition
pour discuter du commerce d’un taxon particulier. Un
deuxième exemple de gestion en collaboration est
apparu à la suite d’une Étude du commerce important : les États producteurs de caviar de la mer
Caspienne se sont engagés à établir un plan de gestion
conjoint pour leurs ressources partagées (voir p. 25).
Le troisième exemple est l’organisation d’ateliers
sur des espèces qui ne sont pas encore inscrites aux
annexes, mais dont l’état inquiète les Parties à la CITES.
Ce sont des espèces aussi diverses que les salanganes
dont les nids servent à confectionner la soupe de nids
d’hirondelles, les requins, les hippocampes, les tortues
d’Asie et les animaux chassés pour le commerce de la
viande de brousse.
Ainsi, la CITES évolue pour répondre aux besoins
du 21e siècle en matière de gestion en collaboration
au niveau des écosystèmes et s’attaque à la question
de la durabilité plus activement que jamais.
Le commerce international des lémurs est strictement
réglementé par la CITES. Aujourd’hui, ils sont relativement
à l’abri des chasseurs mais le déboisement reste une
menace grave. Photo : le sifaka de Verreaux Propithecus
verreauxi dans la Réserve malgache de Berenty.
David Brackett est Président de la Commission UICN
de la sauvegarde des espèces.
Avant que des permis d’exportation puissent être délivrés pour des espèces
de l’Annexe II, les autorités scientifiques de la CITES doivent rendre un avis
de commerce non préjudiciable. Ainsi, elles s’assurent que le commerce
de spécimens ne nuit pas à la survie des espèces concernées et, en
conséquence, qu’il est durable.
Pour les pays qui partagent l’aire de répartition d’une espèce, les Dialogues
servent de forum où ils peuvent échanger des vues à l’abri de pressions
extérieures. Grâce à la participation étroite de personnel de la CSE/UICN,
de groupes de spécialistes et de TRAFFIC, les dialogues étudient les
informations les plus récentes sur des problèmes clés, permettent de trouver
des compromis et des consensus et de communiquer clairement les résultats
aux Parties à la CITES.
Planète Conservation 3/2002
WWF-CANON/MARTIN HARVEY
L’Étude du commerce important est une étude technique précise des
espèces de l’Annexe II pour lesquelles le niveau du commerce pourrait être
un problème. L’étude porte sur l’état de conservation, la gestion et les
menaces ; le suivi du commerce et l’établissement de rapports ; et les
incidences de la mise en œuvre de la CITES. Elle est suivie par l’élaboration
de recommandations sur les moyens de remédier aux problèmes.
Avant que les perce-neige Galanthus spp. soient inscrits, en
1989, il y avait un commerce non durable important.
Aujourd’hui, le suivi et les règlements se sont bien améliorés,
en particulier dans le principal pays source, la Turquie.
Photo : Galanthus elwesii des monts Taurus, en Turquie.
5
POURQUOI LA CITES ?
Guide de la CITES
Alison Rosser et Sarah Ferris
La CITES est administrée par un Secrétariat basé à Genève, en Suisse, qui coordonne les travaux de la Convention
en servant les Parties et en jouant un rôle consultatif. Le personnel remplit les tâches qui découlent du texte de
la CITES et qui lui sont confiées par les décisions et résolutions de la Conférence des Parties. Il y trois comités
techniques :
➤ Le Comité pour les plantes et le Comité pour les animaux traitent les questions scientifiques qui leur sont
référées par la CdP et le Comité permanent.
➤ Le Comité de la nomenclature prend des décisions concernant la taxonomie CITES.
Dispositions nationales
Au niveau de chaque Partie, la CITES est administrée par un organe de gestion national chargé de délivrer des
permis et des certificats et de veiller au respect des dispositions de la Convention. Une autorité scientifique
nationale, dans chaque pays, conseille l’organe de gestion sur des questions techniques relatives à la durabilité
du commerce d’espèces particulières.
Les annexes
Les trois annexes de la Convention sont au cœur du système CITES :
elles énumèrent les espèces protégées.
WWF/KLEIN & HUBERT
Les espèces inscrites à l’Annexe I sont menacées d’extinction et toute
transaction internationale à des fins commerciales, concernant ces espèces, est interdite. Les spécimens élevés en captivité ou reproduits artificiellement et les objets personnels peuvent bénéficier de dérogations
particulières.
Les cycas sont un groupe ancien de plantes à graines.
Autrefois abondants, ils sont aujourd’hui inscrits aux annexes
CITES. Photo : un cycas en fleur, Territoires du Nord, Australie.
Les espèces inscrites à l’Annexe II ne sont pas nécessairement menacées d’extinction mais pourraient le devenir si elles n’étaient pas soumises à une réglementation et à un suivi rigoureux. L’Annexe II comprend
la majorité des espèces inscrites et permet de garantir la durabilité du
commerce de ces espèces : avant que le commerce puisse être approuvé
par l’organe de gestion du pays exportateur, l’autorité scientifique doit
déterminer qu’il ne portera pas préjudice à la survie de l’espèce (« avis
de commerce non préjudiciable » : voir p. 5).
Les espèces inscrites à l’Annexe III sont celles que les pays souhaitent
protéger mais, pour surveiller le commerce, ils ont besoin du concours
des autres Parties à la CITES. L’inscription de l’acajou, en 1998, a montré
que l’Annexe III peut être utile au suivi du commerce, à condition que
les Parties respectent ses dispositions.
Les sessions de la Conférence des Parties (CdP)
Le but de la CdP est multiple :
➤ amender les annexes de la Convention ;
➤ examiner la mise en œuvre de la Convention ; et
➤ examiner tous les rapports ou recommandations du Secrétariat ou d’une Partie.
Les sessions de la CdP ont lieu environ tous les deux ans et demi, durant dix jours ouvrables et la 12e session de
la CdP aura lieu au Chili en novembre 2002. Les observateurs comprennent des organisations intergouvernementales, des institutions des Nations Unies, des représentants d’autres accords internationaux, des organisations non gouvernementales et des pays qui ne sont pas encore Parties à la Convention.
Avant d’être traitées par les Parties, la plupart des questions sont d’abord étudiées par des comités. Le Comité I
traite de toutes les propositions d’amendement et d’autres questions d’ordre biologique. Le Comité II traite plus
particulièrement de questions relatives à la mise en œuvre et à la lutte contre la fraude.
Les amendements aux annexes peuvent concerner l’inscription ou la suppression d’espèces des annexes ou
le transfert d’espèces entre les annexes. Les propositions d’amendement peuvent elles-mêmes être amendées
durant la CdP afin d’éclaircir l’intention ou pour en limiter le champ d’action. Les pouvoirs des Parties doivent être
acceptés afin que leur vote puisse être compté et une majorité des deux tiers des Parties votantes est nécessaire.
Le vote peut avoir lieu à main levée, par appel nominal ou au scrutin secret.
Une résolution de la CdP fournit essentiellement des orientations sur l’interprétation du texte de la Convention et vise à améliorer et renforcer la Convention. Généralement, les résolutions durent longtemps ou sont permanentes. Il y a actuellement 77 résolutions en vigueur. Une décision tend à être de durée plus brève et reflète les
programmes de travail des différents comités ou des Parties entre les sessions de la CdP.
Alison Rosser, est Responsable du Programme CSE/UICN sur le commerce des espèces sauvages et
Sarah Ferris est stagiaire au Programme CSE/UICN sur le commerce des espèces sauvages.
6
Planète Conservation 3/2002
POURQUOI LA CITES ?
On ne s’ennuie jamais !
Entretien avec Willem Wijnstekers,
Secrétaire général de la CITES
Willem Wijnstekers : Ce qui m’a toujours surpris, c’est
la faculté d’adaptation de la CITES aux changements
dans la pensée de la conservation et dans les besoins
de conservation des espèces et aux structures nouvelles du commerce pour ne citer que quelques exemples, depuis qu’elle a été signée, il y a près de 30 ans.
Pour ce qui est de ses réussites, je choisirais la
Convention elle-même : la CITES est le cadre international juridique qu’il faudrait aujourd’hui inventer
s’il n’existait pas. Les nombreux pays consommateurs
d’espèces sauvages auraient pris les mesures les plus
disparates pour limiter les importations et je vous
laisse imaginer la quantité de questions commerciales bilatérales supplémentaires que devrait résoudre
l’Organisation mondiale du commerce.
La CITES offre une plate-forme à ses 160 Parties qui
peuvent arrêter, démocratiquement, les mesures internationales applicables au commerce. À cet égard, elle
a été extrêmement productive et efficace. Il y a, chaque
année, quelque chose comme 500 000 transactions
commerciales soumises aux dispositions de la CITES.
Celles-ci établissent les obligations, conditions et
procédures normalisées du commerce international
dans l’intérêt de la conservation et de pas moins de
5000 espèces d’animaux et quelque 25 000 plantes.
Comment ont évolué les relations entre TRAFFIC,
l’UICN, la CSE et la CITES au fil des ans ?
Depuis les tous premiers jours de la CITES, l’UICN, sa
Commission de la sauvegarde des espèces et TRAFFIC
ont, été ses plus proches partenaires. Au fil des ans,
nos relations se sont renforcées et ont mûri. Il est très
important, pour un accord tel que la CITES, de pouvoir
compter sur des travaux de recherche et des avis scientifiques objectifs.
Qu’y a-t-il de plus passionnant dans l’histoire de la
Convention ?
Tout d’abord, le nombre croissant de Parties qui sont
en interaction continue, dans l’intérêt de la conservation de tant d’animaux et de tant d’espèces de plantes.
Naturellement, ces interactions sont à leur comble
durant les deux semaines où la Conférence des Parties
(CdP) est en session comme ce sera le cas à Santiago
du Chili, du 3 au 15 novembre 2002. Et croyez-moi, ces
réunions sont passionnantes. J’ai assisté à un certain
nombre de réunions internationales barbantes depuis
25 ans mais à la CdP de la CITES, on ne s’ennuie jamais!
Autre chose passionnante : l’intérêt extraordinaire
de la société civile et la participation très active des
organisations non gouvernementales du monde entier,
Planète Conservation 3/2002
WWF-CANON/JUAN PRATGINESTOS
Question : Quelle est la caractéristique particulière
de la Convention et quelles ont été ses plus
grandes réussites ?
Les dispositions sur l’élevage en ranch des crocodiliens sont considérées
comme un des grands succès de la Convention. Photo : des chercheurs
mesurent un crocodile dans une ferme du Venezuela.
des horizons les plus divers qui soient. Il est surprenant que, malgré d’immenses divergences d’opinion
entre les pays et entre les ONG et, malgré des débats
parfois houleux et émotionnels, il y ait toujours une
ambiance formidable aux réunions de la CITES.
Beaucoup de décisions de la CITES sont passionnantes en raison de leurs incidences directes sur les
politiques de la conservation et du commerce : l’interdiction du commerce de produits provenant des
espèces sauvages, les restrictions du commerce international dans le cadre de systèmes de quotas ou –
malheureusement ce qui est moins fréquent – la levée
de ces restrictions parce que l’état de conservation
d’une espèce s’est beaucoup amélioré.
Quelles sont les espèces qui auraient disparu et qui
survivent aujourd’hui grâce à la CITES ?
C’est très difficile à dire, parce que la CITES n’est
qu’une pièce du puzzle – parfois petite, parfois grande
– car elle ne traite que les aspects du commerce international. Elle est de peu d’utilité pour les espèces qui
ne sont pas menacées par le commerce mais qui le
sont, par exemple, par la disparition de leur habitat.
Il y a tant de facteurs qui influencent la conservation des espèces qu’aucune organisation ne peut s’approprier le succès ou être blâmée pour l’échec. Mais il
est certainement vrai que pour les espèces qui sont
soumises à des volumes considérables de commerce
international licite et/ou illicite, la CITES est bénéfique
et, bien souvent, l’instrument de leur conservation.
Quand la CITES n’a-t-elle pas tenu ses promesses
et qu’y faire ?
Je ne crois pas que la CITES ait jamais fait de promesses. C’est un instrument comme n’importe quel autre
et on ne devient pas champion de tennis parce qu’on
s’achète une bonne raquette.
Ce que je trouve décevant, cependant, c’est l’absence
d’engagement politique de nombreux pays qui sont
7
POURQUOI LA CITES ?
l’esturgeon et la réduction du commerce illicite du
caviar. Cela montre clairement que la CITES peut avoir
un effet positif et j’espère que ce succès apaisera les
soupçons et les doutes de tous ceux qui participent à
de telles activités commerciales à grande échelle.
WWF-CANON/ANDRE BARTSCHI
Qu’est-ce qui vous a surpris dans la CITES ?
www.cites.org
À l’horizon de la CITES se profile la question de son application au commerce
international d’espèces de grande valeur économique comme les bois tropicaux.
Photo : camp d’exploitation dans une forêt d’acajous à la frontière du Pérou et de
la Bolivie.
8
Parties à la CITES. En conséquence, les administrations
ne peuvent utiliser correctement l’instrument qui leur
est offert au moment de l’adhésion à la CITES. Les
ressources humaines et financières sont insuffisantes
et cela pas seulement dans les pays en développement,
avec les incidences négatives que l’on peut imaginer
sur le processus législatif et la capacité de mettre en
œuvre et d’appliquer les dispositions de la Convention,
tant du point de vue technique que scientifique.
Le problème qui en découle directement, c’est la
pénurie de ressources financières qui pourraient
permettre au Secrétariat de la CITES, avec des partenaires tels que l’UICN et TRAFFIC, de mener à bien
les nombreuses tâches confiées par les Parties pour
lesquelles il faut trouver un financement extérieur
aléatoire parce que le budget de la Convention ne suffit
pas. Cela crée de fausses attentes et des déceptions
dans les pays en développement, en particulier.
Quelles sont les questions brûlantes auxquelles la
CITES fait face aujourd’hui ?
Le nombre et la forme des questions brûlantes diffèrent énormément au fil des ans. Les plus célèbres et
les plus anciennes viennent tout d’abord à l’esprit : les
rhinocéros, les éléphants, les cétacés, les tortues marines, les tigres et les esturgeons. Ces questions, ainsi
que d’autres, sont très différentes de celles qui ont
conduit l’Assemblée générale de l’UICN, en 1963, à
demander l’adoption d’une convention internationale sur le commerce d’espèces rares ou menacées ou
de leurs peaux et trophées.
Ce que l’on n’a pas encore résolu ou insuffisamment résolu, c’est comment utiliser la CITES pour
réglementer le commerce international d’espèces de
grande valeur économique – par exemple les bois
tropicaux et les ressources halieutiques commerciales. Dans ce dernier cas, je suis heureux que nous ayons
fait de grands progrès concernant la conservation de
Ce qui me surprend est que, quelle que soit la situation
du commerce international des plantes ou des animaux
sauvages, la CITES a toujours trouvé des remèdes
pratiques. Mais ce qui me surprend le plus – à la lumière
de ce j’ai déjà dit concernant la nécessité de renforcer
l’engagement politique – c’est le dévouement de tant de
gens, dans le monde entier, qui participent à la protection des espèces sauvages dans des circonstances très
difficiles et souvent dangereuses.
Qu’est-ce qui vous semble le plus difficile dans
l’application de la Convention ?
Sans doute le fait d’avoir à déterminer le moment où
un certain niveau de commerce international a des
incidences défavorables sur la conservation d’une
espèce. Pour beaucoup d’espèces, il y a une absence
grave de données scientifiques et c’est à cet égard que
la CITES dépend le plus de partenaires tels que l’UICN.
Que voyez-vous dans votre boule de cristal ? Où en
sera la CITES dans dix ans ?
Dans dix ans, la CITES aura sans doute réuni tous les
pays de la terre et n’aura rien perdu de sa pertinence
pour la conservation des espèces. Une fois encore, la
CITES est très souple et très adaptable aux nouveaux
problèmes et elle saura très certainement résoudre les
problèmes à venir. Le développement permanent des
technologies électroniques et multimédias est sans
doute très prometteur pour nous du point de vue de
la simplification des systèmes de contrôle CITES basés
sur des permis.
Il y a deux ans, les Parties à la CITES ont adopté une
vision stratégique jusqu’en 2005 et j’espère que la
plupart des objectifs auront été atteints d’ici là ou du
moins d’ici dix ans. Pour cela, il faudra cependant
davantage de ressources que celles qui sont actuellement mises à disposition tant au niveau national qu’international.
Si l’on vous accordait un seul vœu pour l’avenir de
la CITES, quel serait-il ?
Le commerce international n’est peut-être qu’un
élément sur une longue liste de problèmes de l’environnement auxquels les pays et la communauté internationale sont confrontés, mais si je pouvais faire un
seul vœu, ce serait que la CITES obtienne enfin la
grande priorité qu’elle mérite. ❏
Contactez la CITES
Consultez http://www.cites.org ou écrivez au :
Secrétariat CITES
15 chemin des Anémones, 1219 Châtelaine
Genève, Suisse
Planète Conservation 3/2002
La CITES
WWF/ROB WEBSTER
en marche
Défenses d’éléphants et cornes de rhinocéros confisquées à la douane de
l’aéroport de Schiphol, Amsterdam.
En 25 ans, la CITES a connu de réelles
réussites dans sa maîtrise d’un catalyseur
essentiel de la destruction des espèces : le
commerce international des espèces
sauvages, de leurs parties et produits. Ce
succès est, dans une large mesure, enraciné
dans des activités de suivi, d’application et de
surveillance rigoureuses et efficaces à tous les
niveaux. Le prochain quart de siècle,
cependant, offre de nouveaux enjeux,
notamment en ce qui concerne l’application.
Le présent article examine certaines des
réussites d’application de la CITES à ce jour,
ainsi que la nature des défis futurs.
Aiguiser les crocs de la CITES
Tomme Rosanne Young
La CITES, c’est une « arme à double tranchant » contre
le commerce illicite ou destructeur des espèces sauvages. Elle exerce son contrôle sur le commerce lorsque le
spécimen ou le produit quitte le pays d’origine et lorsqu’il arrive à sa destination intermédiaire ou finale.
En pratique, c’est une des clés du succès de la CITES.
Très peu de temps après l’entrée en vigueur de la
Convention, plusieurs grands pays importateurs ont
instauré des mesures de contrôle strictes sur les importations. Leur action a eu un effet immédiat sur le volume
du commerce même si de nombreux pays exportateurs
ont été beaucoup plus lents à mettre en œuvre la
Convention.
L’autre clé de l’efficacité de la CITES tient à sa Conférence des Parties (CdP) qui n’a pas seulement constamment révisé les listes d’espèces et les procédures mais
qui s’est posée en gardien du processus de la Convention, censurant les Parties qui ne respectent pas leurs
obligations. Le commerce d’espèces inscrites à la CITES
avec ces Parties peut être limité et pire encore, la réputation des Parties en question auprès des écotouristes
et des donateurs, entre autres, peut être entachée. La
censure en tant qu’instrument primaire, parfois décrié,
de l’application de la CITES, s’est révélée très importante.
La CITES a été adoptée dans l’urgence, en 1973. En
effet, l’heure était grave pour de nombreuses espèces
rares, importantes et précieuses. Trois décennies plus
tard, cependant, la Convention doit évoluer et traiter les
questions permanentes, non urgentes mais néanmoins
importantes de l’époque – pour ne pas faillir à son potentiel de convention « du développement durable ». Les
voix qui demandent cette évolution s’élèvent tant de l’intérieur que de l’extérieur.
Planète Conservation 3/2002
L’explosion des listes
Avec plus de 30 000 espèces de plantes et d’animaux
inscrites à l’Annexe I et à l’Annexe II, chaque pays doit
déployer d’immenses efforts d’application de la Convention. Il est déjà difficile de former le personnel à reconnaître s’il s’agit d’une espèce inscrite aux annexes, lorsque
les spécimens sont entiers, mais lorsque le commerce
international concerne « une partie, ou un produit » d’un
spécimen, le travail d’identification est encore plus
complexe et difficile.
Le commerce se poursuit cependant et peut être fortement désavantagé par les délais. Il est clair que le personnel chargé de l’application de la Convention doit avoir
accès à des experts, à des bases de données, à des techniques et à de l’équipement d’identification, ainsi qu’à
une formation aux différents processus et systèmes de
permis CITES.
Le commerce contrôlé
Plus de 90 % des espèces CITES sont inscrites à l’Annexe II et en conséquence, l’objectif de la CITES est de
plus en plus le commerce durable et contrôlé plutôt que
l’interdiction du commerce.
Il est toujours plus compliqué et plus coûteux (tant
du point de vue humain que financier) de « contrôler »
quelque chose que de l’interdire. Le personnel de lutte
contre la fraude, dans les pays importateurs doit évaluer
la légitimité des permis d’exportation qui lui sont présentés ainsi que les facteurs relatifs à la délivrance du permis.
Chaque Partie doit maintenir une vigilance constante
sur le nombre et l’état des espèces ainsi que sur les divers
effets secondaires du commerce des espèces afin de
pouvoir fixer et mettre en œuvre efficacement les quotas
internationaux.
9
DON MERTON
LA CITES EN MARCHE
Tente nomade mongolienne (dite « ger ») au Musée d’Oulan-Bator, couverte par
plus de 100 peaux de léopards des neiges. Les peaux ne sont plus utilisées à
cette fin mais la chasse illicite reste un facteur important contribuant à l’état
critique de cette espèce indigène, parmi d’autres.
Rare et recherché
Ce qui est rare est recherché : c’est là un défi majeur pour
la CITES, qu’il s’agisse de la chasse aux trophées d’espèces menacées d’extinction dans la nature ou du prélèvement de produits désirables parce qu’ils sont
considérés comme rares.
Dans le dernier cas, on peut citer l’ivoire et l’écaille
de tortue recherchés, à l’origine, pour leur plasticité,
parce qu’il est facile de les sculpter. Peu de substances
peuvent en effet être travaillées avec art et posséder
néanmoins la dureté, la couleur et la résistance de l’ivoire.
On peut aussi sculpter et mouler l’écaille de tortue pour
en faire des articles de valeur (objets décoratifs ou de
toilette, etc.). Toutefois, les progrès ont éliminé cette
valeur et les plastiques modernes sont devenus les principaux concurrents de l’écaille de tortue. Aujourd’hui,
la demande de l’ivoire et de l’écaille de tortue semble
être exclusivement motivée par la rareté.
Les principes économiques nous enseignent que plus
il est difficile de satisfaire une demande, plus le prix est
élevé. Lorsque l’approvisionnement est contrôlé ou
limité, le prix continue de grimper en spirale tant que la
demande est supérieure à l’offre. Et c’est là que se trouve,
en germe, l’un des problèmes les plus difficiles à résoudre pour la CITES.
La nouvelle criminalité
On assiste, depuis quelques années, à un phénomène
nouveau et inquiétant – des braconniers et des criminels qui s’intéressaient autrefois à la drogue et au vol
d’objets d’art sont en train de s’intéresser au commerce
des animaux et des plantes inscrits à la CITES. La valeur
de ces biens sur le marché noir est parfois stupéfiante ;
et même lorsque ce n’est pas le cas, les profits en jeu
peuvent être énormes.
Le système de permis
L’inscription à l’Annexe II n’interdit pas le commerce international
de spécimens d’une espèce mais pour pratiquer ce commerce,
l’exportateur doit obtenir un permis délivré par le gouvernement
qui certifie que les spécimens ont été obtenus légalement et que
leur exportation ne nuira pas à la survie des espèces concernées.
10
Le facteur sournois qui incite les criminels à s’intéresser au commerce des espèces est que les sanctions
sont souvent dérisoires. Lors d’une évaluation récente
et non systématique des violations de la CITES aux ÉtatsUnis, il est apparu que le nombre d’arrestations de récidivistes transportant des quantités commerciales de
spécimens (dans certains cas des centaines d’amphibiens ou d’oiseaux vivants ou naturalisés) augmente.
Un petit pourcentage seulement de ces délinquants
sont emprisonnés et les pénalités financières infligées
sont généralement inférieures à la valeur des spécimens
concernés. En comparaison avec le délit, la sanction est
presque risible.
La croissance de la demande de produits d’espèces
sauvages contribue à l’augmentation en spirale de leur
valeur de sorte que de nombreux contrebandiers peuvent
s’offrir des moyens technologiques qui ne sont pas à la
portée de ceux qui luttent contre les délits relatifs aux
espèces sauvages.
Chercher des réponses
À long terme, les réponses aux nouveaux défis que doit
relever la CITES ne seront pas simples. Il ne suffira pas
de renforcer le contrôle du transport des espèces et de
durcir les sanctions. Les juges les plus volontaires et les
plus indépendants imposeront rarement des sanctions
sévères même si la loi les y autorise, à moins que la
majorité des citoyens locaux et respectueux de la loi
estiment que le délit « mérite » ces sanctions. Il faut
donner la priorité à la mise au point de moyens plus
efficaces d’influencer l’opinion publique, tant pour infléchir la demande que pour soutenir l’application de sanctions proportionnées, notamment dans les pays
importateurs.
Aiguiser les deux tranchants
Et en fin de compte, il faudra plus que cela. Il faudra
aiguiser les deux tranchants de l’arme de la CITES. Sur
le front des exportations, les processus de la Convention
font déjà une place plus importante à l’utilisation durable des espèces de l’Annexe II en tant que ressources
nationales. Lorsque des marchés licites auront trouvé
des niveaux rationnels, l’inflation en spirale causée par
une demande non satisfaite pourrait se stabiliser et
certaines incitations au commerce criminel pourraient
être éliminées au moins pour ramener celui-ci dans des
proportions contrôlables.
Ces efforts complètent et sont complétés par la
reconnaissance par la CITES des relations entre l’inscription des espèces et la conservation des espèces non
inscrites et de leur habitat (par exemple dans le cadre
des critères d’inscription et de l’Étude du commerce
important).
Au-delà, on peut replacer la CITES dans le contexte
de nombreuses conventions mondiales et régionales qui
portent sur les habitats et les espèces. Ensemble, elles
permettront de créer un marché mondial rationnel pour
les produits des espèces sauvages – et donneront à la
CITES la place qu’il lui revient en tant que principale
« convention de l’utilisation durable ».
Tomme Rosanne Young est Conseillère juridique
principale au Centre UICN du droit de l’environnement.
Planète Conservation 3/2002
LA CITES EN MARCHE
La CSE et la CITES : évolution et adaptation
David Brackett
Avis expert
De nombreux experts des groupes de spécialistes assistent aux sessions de la CdP à laquelle ils apportent leur
avis et leurs connaissances spécialisées, soit au sein de la
délégation de l’UICN, soit, souvent, dans les délégations
de Parties à la Convention. Au fil des ans, on a pu y rencontrer Peter Jackson, ancien Président du Groupe de spécialistes des félins, très actif dans les négociations de la CITES
sur le tigre et Holly Dublin, du Groupe de spécialistes des
éléphants d’Afrique qui a donné sa rigueur scientifique
aux Dialogues CITES sur l’éléphant d’Afrique. Et qui pourrait oublier la présence imposante de Harry Messel ? et
l’approche originale de son groupe en matière de conservation des crocodiliens ? défendue inlassablement par
Perran Ross, le Responsable exécutif du Groupe; ou le rôle
de Jack Musick et Sarah Fowler qui ont placé les requins
sur l’écran radar de la CITES ? l’insistance de Graeme
Webb et Jon Hutton qui voulaient que la CITES aborde la
question de la conservation et du développement durable ? Le Groupe de spécialistes des plantes médicinales,
bien qu’il soit relativement nouveau venu, n’est pas passé
inaperçu grâce à la personnalité de son premier président, Uwe Schippmann. Quant à Bertrand von Arx, Président du Groupe de spécialistes des plantes carnivores et
Vice-président du Comité pour les plantes, il est l’incarnation des relations étroites établies entre la CSE et la
CITES à travers de nombreux membres de la CSE.
Les nouveaux critères
En 1994, dans le cadre des efforts déployés par la CSE
pour inscrire la science dans le processus décisionnel
Planète Conservation 3/2002
de la CITES, des membres de la CSE appartenant à divers
groupes de spécialistes, conduits par Simon Stuart et
Georgina Mace, ont commencé à rédiger des critères
objectifs et transparents d’inscription des espèces aux
annexes de la CITES. Les Parties ont fini par adopter des
critères qui n’étaient que vaguement fondés sur les avis
de l’UICN, mais un pas décisif fut ainsi fait vers l’adoption de décisions plus rigoureuses. Ces critères devraient
être révisés à la CdP12. Il importe que les Parties tiennent compte des incidences d’autres changements sur
toute la gamme des espèces
qui devront être évaluées.
En 1998, reconnaissant
l’importance de rendre des
avis de commerce non
préjudiciable (voir p. 5), le
Programme sur le commerce des espèces sauvages, en collaboration avec
le Secrétariat CITES, a réuni
des experts de la CSE et du
personnel des autorités
scientifiques de plusieurs
Parties pour un atelier
destiné à mettre au point
des orientations sur les
UICN/WENDY STRAHM
Avis de commerce
non préjudiciable
Des stars de la conservation des espèces :
(ci-dessus) Bertrand von Arx, Président du Groupe
CSE/UICN de spécialistes des plantes carnivores
et (ci-dessous) Holly Dublin, Présidente du Groupe
de spécialistes de l’éléphant d’Afrique avec un
spécialiste kényen des éléphants, M. Kennedy.
WWF-CANON/JOHN E. NEWBY
La Commission de la sauvegarde des espèces (CSE) de
l’UICN a contribué au succès de la CITES depuis les
premiers pas de la Convention en lui apportant des informations sur l’état des espèces inscrites aux annexes ou
menacées par le commerce international.
En 1987 ont été publiées les premières évaluations
des propositions d’amendement qui sont aujourd’hui
connues sont le nom d’Analyses de l’UICN. Elles sont
rédigées par le Programme CSE/UICN sur le commerce
des espèces sauvages (voir ci-dessous) qui rassemble
les connaissances d’experts de la CSE, entre autres, pour
la biologie et du Réseau TRAFFIC (voir encadré, p. 12)
pour les aspects relatifs au commerce.
Le Groupe de spécialistes du commerce (GSC) devenu
depuis Programme sur le commerce des espèces sauvages, a mis en route ce processus d’examen en 1987 pour
la CdP6. Une étude indépendante des Analyses, après la
CdP11, a conclu que les Parties y sont très attachées. La
crédibilité des Analyses repose, en particulier, sur la réputation d’objectivité de l’UICN et de TRAFFIC.
En réponse aux demandes des Parties, le Programme
sur le commerce des espèces sauvages continue de
mettre à jour et de publier La CITES : un instrument pour
la conservation, qui offre des orientations sur le processus d’inscription des espèces aux annexes et qui en est,
aujourd’hui, à sa 7e édition.
Programme sur le commerce des espèces sauvages
Le Programme CSE/UICN sur le commerce des espèces sauvages a été
créé il y a plus de 12 ans pour renforcer la contribution scientifique de la
CSE à la CITES. Depuis quelques années, ses perspectives se sont élargies
afin de traiter une large gamme de questions relatives au commerce.
Le Programme travaille avec des Groupes de spécialistes de la CSE
afin d’identifier les espèces menacées par le commerce et de recommander
des mesures d’atténuation. Cette information est relayée aux décideurs
de la communauté internationale de la conservation.
Le Programme travaille en collaboration avec son partenaire, le Réseau
TRAFFIC.
11
Sommaire
WWF-ROB WEBSTER
TRAFFIC
Un responsable TRAFFIC inspecte des articles confisqués à Amsterdam.
moyens de rendre ces avis. La liste de référence qui en
est résultée est actuellement mise à l’essai dans le cadre
d’un plan de formation élaboré par le Secrétariat de la
CITES.
Changer les priorités
La CITES a besoin de changer pour s’adapter au 21e siècle.
Il faudrait s’intéresser de plus près aux incidences des règlements du commerce sur les moyens de subsistance des
populations et aux conséquences des barrières commerciales imposées au commerce du Sud vers le Nord.
Malheureusement, l’application des règlements est
souvent le dernier des soucis de nombreux pays. Dans ces
circonstances, il est peut-être temps d’évaluer les incidences de différents processus CITES et d’explorer l’utilisation
d’incitations comme moyen plus créatif d’aller de l’avant.
Ceci dit, une bonne partie des forces de la CITES réside
dans l’aptitude collective des Parties à améliorer la gestion,
soit par la collaboration régionale à la gestion de ressources partagées telles que les populations d’esturgeons de
la Caspienne, soit par la gestion nationale en imposant
des restrictions commerciales lorsque c’est nécessaire.
En collaborant avec la Convention sur la diversité biologique (CDB), la CITES peut commencer à favoriser une
approche plus globale pour garantir que le commerce
international ne nuise pas à la survie des espèces. L’adoption récente par la CDB de la Stratégie mondiale pour les
plantes reconnaît le rôle de la CITES à cet égard.
TRAFFIC est le Programme de suivi du commerce
des espèces sauvages du WWF-Fonds mondial pour
la nature et de l’UICN. Sa mission consiste à faire
en sorte que le commerce des plantes et des
animaux sauvages ne constitue pas une menace
pour la conservation de la nature.
TRAFFIC a été fondé vers le milieu des années
1970 afin de rassembler et d’analyser les données
sur le commerce des espèces sauvages, de détecter
le commerce illicite et de contribuer à la mise en
œuvre de la CITES. John A. Burton, son premier
président, a joué un rôle fondamental en préparant
les fondations de l’organisation, organisant les
appels de fonds et recrutant le personnel. Depuis
lors, TRAFFIC a élargi son rôle vis-à-vis du
commerce des espèces sauvages, s’intéressant à
de grands secteurs commerciaux comme la pêche
et le commerce du bois ainsi qu’à une vaste gamme
de problèmes régionaux et locaux.
En un quart de siècle, TRAFFIC, qui avait au
départ un seul bureau, s’est déployé en un réseau
mondial de 22 bureaux répartis en huit programmes
régionaux, dans le monde entier.
La CSE reconnaît officiellement TRAFFIC comme
la première source d’expertise sur le commerce et
TRAFFIC reconnaît la CSE comme la première source
d’expertise sur l’état biologique des espèces dans
le commerce. En associant les données produites
par les deux organisations, l’impact du commerce
sur les espèces sauvages peut être évalué.
Pour en savoir plus sur l’histoire du Réseau TRAFFIC,
consultez http://www.traffic.org/25/network1.htm
À commander à l’UICN :
Les données « du jour »
La CSE de l’UICN entre dans une nouvelle ère, avec l’élaboration de son Service d’information sur les espèces, un
système électronique de gestion de l’information qui aidera
les groupes de spécialistes à rassembler et diffuser les informations « du jour ». En collaboration avec TRAFFIC, nous
cherchons à mettre au point un module sur le commerce
pour compléter l’information sur l’état biologique.
Avec ces outils scientifiques, la CSE peut continuer
de contribuer aux efforts déployés par la CITES pour
évaluer l’efficacité de ses procédures de suivi et de lutte
contre la fraude.
David Brackett est Président de la Commission de la
sauvegarde des espèces de l’UICN.
Consultez http://www.iucn.org/themes/ssc/
12
La 2e édition de Crocodiles. Status Survey and Conservation Action Plan (1998) est à commander au World
Conservation Bookstore.
La CITES : un instrument pour la conservation,
préparé par Alison Rosser, Mandy Haywood et Donna
Harris, est un guide sur la procédure d’inscription
d’espèces aux annexes. La 7e édition (2001) est à
commander au World Conservation Bookstore.
Pour une liste intégrale des plans d’action CSE/UICN et
des informations sur la Liste rouge de l’UICN des espèces
menacées, consultez http://www.iucn.org/themes/ssc/
Planète Conservation 3/2002
LA CITES EN MARCHE
Les registres du WCMC-PNUE
Le Centre mondial de surveillance continue de la
conservation de la nature du PNUE (WCMC-PNUE)
a plus de 25 ans d’expérience en matière de suivi du
commerce des espèces sauvages en danger.
Selon un accord avec le Secrétariat CITES, le Centre
tient les registres du commerce des espèces inscrites à la
CITES, déclaré par les Parties dans leurs rapports annuels.
Le Centre reçoit aussi des copies de permis d’exportation envoyés au Secrétariat CITES pour vérification.
La base de données informatisée qui en résulte est
unique et contient actuellement plus de 4,7 millions
de données sur le commerce des espèces sauvages et
de leurs produits.
Les premières données datent de 1975 : elles provenaient de 148 déclarations de commerce, à peine. Elles
sont mises à jour dès que de nouveaux rapports
annuels sont disponibles. Depuis 1986, il y a plus de
200 000 déclarations de commerce chaque année.
Outre les données du commerce elles-mêmes, la base
de données comprend quelque 40 000 noms et synonymes scientifiques.
Le WCMC-PNUE réalise en outre des analyses des
données pour les comités techniques CITES et pour
les pays qui préparent des propositions d’amendement aux annexes de la CITES. Il travaille aussi beaucoup pour la Commission européenne, notamment
pour fournir des rapports à ses groupes d’étude
scientifique.
Données sur les espèces
Le WCMC-PNUE tient également une base de données
plus générales sur la conservation des espèces qui
contient des informations sur les espèces inscrites à
la CITES ainsi qu’à d’autres instruments internationaux et dont une partie recoupe la Liste rouge de
l’UICN des espèces menacées (voir www. redlist. org).
Grâce à cette base de données, le Centre fournit un
appui au Comité de la nomenclature de la CITES et
produit une liste à jour des espèces CITES ainsi qu’une
histoire annotée des annexes de la CITES après chaque
session de la Conférence des Parties.
Approche par écosystème
De plus en plus, les Parties à la CITES reconnaissent
la nécessité d’échanger des données avec les pays
voisins afin de gérer correctement des ressources
communes. Un exemple récent de la nécessité d’adopter une approche par écosystème pour le suivi des espèces a émergé des discussions, à la CdP11, concernant
la tortue imbriquée Eretmochelys imbricata dans la
région des Grandes Antilles.
Le WCMC-PNUE s’est vu ultérieurement confier le
soin de créer un organe d’échange des données (Data
Sharing Facility) pour aider au suivi des populations
de tortues dans la région. Cet organe rassemble
Planète Conservation 3/2002
PETER PAUL VAN DIJK
Gerardo Fragoso
Cet envoi d’environ 700 tortues des rizières Malayemys subtrijuga a été confisqué
le 15 mars 2000 à Ninh Binh, au Viet Nam, en route vers le Viet Nam septentrional
et, probablement, vers les marchés alimentaires du sud de la Chine. Les données
concernant ce genre de saisies sont tenues dans la base de données du WCMCPNUE sur le commerce.
aujourd’hui plus de 70 organisations spécialisées qui
produisent la base de données en ligne.
Le WCMC-PNUE met en œuvre plusieurs autres
initiatives de cette nature concernant la CITES, en
collaboration avec d’autres membres de la famille du
PNUE. Il s’agit de l’Atlas numérique mondial des
mammifères marins, de l’Atlas des grands singes et du
Système de cartographie interactive des tortues marines pour l’océan Indien et le Pacifique Sud.
Gerardo Fragoso est Chef du Programme pour les
espèces au WCMC-PNUE.
Consultez :http://www.unep-wcmc.org/
Suivi des éléphants : MIKE et ETIS
Avec la polarisation du débat sur les éléphants, il était crucial que les
décisions de la CITES s’appuient sur les meilleures informations possibles.
MIKE (Suivi de la chasse illicite à l’éléphant) et ETIS (Système
d’information sur le commerce des éléphants) sont des instruments de
suivi dont la CITES se sert pour évaluer les politiques de commerce des
produits de l’éléphant.
MIKE représente un jalon dans la conservation des espèces : pour
la première fois, des échantillons de populations représentatives seront
suivis dans toute l’aire de répartition de l’espèce dans le cadre d’une
collaboration entre les États de l’aire de répartition concernés.
Ces systèmes sont issus de la 10e session de la Conférence des
Parties et sont des systèmes experts qui fournissent des informations
aux Parties sur les activités illicites relatives aux éléphants.
Consultez http ://www.cites.org/eng/programme/mike_etis.shtml
13
Espèces sauvages
et
MOYENS D’EXISTENCE
Le commerce des espèces sauvages concerne aussi bien les animaux vivants et les plantes qu’une foule de
produits dérivés : aliments, bois, articles en cuir, instruments de musique, souvenirs ou remèdes, par exemple.
Le commerce, conjugué à des facteurs tels que la perte d’habitat, peut conduire des espèces au bord de
l’extinction et détruire les ressources précieuses dont dépend la subsistance d’innombrables êtres humains.
Économies rurales : revenu en espèces
Teresa Mulliken
Dans les pays en développement, de nombreux ménages ruraux dépendent des ressources de la faune et de
la flore sauvages pour leur subsistance et comme
source de revenu en espèces. La majeure partie des
animaux et des plantes sauvages exploités sont vendus
dans le pays d’origine. Les marchés, des petits villages aux grands centres urbains, regorgent de produits
d’origine sauvage : fruits, miel, viande de brousse et
poissons, plantes médicinales, paniers, meubles et
matériaux de construction, bois de feu et dans certains
cas, animaux vivants. Mais une bonne partie des
produits d’espèces telles que l’éléphant d’Afrique Loxodonta africana et l’aloès d’Afrique du Sud Aloe ferox,
inscrites à la CITES est destinée aux marchés étrangers.
Commerce et contrôle du commerce :
le facteur humain
La CITES a été créée avec une mission claire : protéger les
espèces sauvages contre la surexploitation par le
commerce international. Personne ne s’est vraiment
demandé quelle serait l’incidence des contrôles CITES
sur la vie de ceux qui dépendent du commerce d’espèces
inscrites à la CITES. Le rapport Making a Killing or Making
a Living : Wildlife Trade, Trade Controls and Rural Livelihoods de l’Institut International pour l’environnement et
le développement (IIED) et de TRAFFIC examine la question à travers une étude de la littérature et une étude de
cas dans les monts Usambara de l’Est, en Tanzanie.
L’étude a conclu que s’il contribue énormément à la
subsistance rurale, le commerce international des espèces sauvages est mal documenté. L’information sur le
commerce des espèces inscrites à la CITES est un peu
meilleure, sauf en ce qui concerne les avantages économiques pour les communautés rurales. Néanmoins, on
peut tirer certaines conclusions préliminaires sur le
commerce, les contrôles du commerce et la subsistance
en milieu rural.
WWF-CANON/MICHEL GUNTHER
Le commerce des espèces sauvages
Selon la base de données du WCMC-PNUE sur le commerce,
19 millions de bulbes ont été exportés de Turquie en 1999.
14
Le commerce international des espèces sauvages, licite
et illicite, est une activité commerciale majeure. On estime
qu’il vaut au minimum 10 à 20 milliards de dollars par an
et qu’il concerne des millions de plantes et d’animaux
chaque année. Selon la base de données de la CITES sur
le commerce que tient le WCMC-PNUE, 19 millions de
bulbes ont été exportés de Turquie et 360000 bâtons de
pluie du Chili et du Pérou en 1999. Entre 1995 et 1999, le
commerce international licite des espèces inscrites à la
CITES a porté sur plus de 250 000 oiseaux vivants
(Annexe II) et 1250000 oiseaux vivants (Annexe III), 640000
reptiles vivants, environ 3 millions de peaux de reptiles,
150000 fourrures, près de 300 tonnes de caviar, plus d’un
million de morceaux de corail et 21000 trophées de chasse.
(Source : Commission européenne, DG Environnement)
Planète Conservation 3/2002
Teresa Mulliken est Coordonnatrice pour la recherche
et les politiques pour TRAFFIC.
Consultez http://www.traffic.org
Making a Killing or Making
a Living : Wildlife Trade,
Trade Controls and Rural
Livelihoods examine les
incidences de la CITES et
d’autres contrôles du
commerce sur la
subsistance en milieu
rural. C’est le fruit d’un
projet réalisé par l’Institut
international du
développement durable
(IIED) et TRAFFIC, financé
par le Département
britannique du
développement
international (DFID).
Planète Conservation 3/2002
RBG KEW/C. GREY-WILSON
La CITES fait de plus en plus porter son attention sur les
questions de développement ; elle peut, et devrait, être
un instrument puissant pour aider les peuples et les
gouvernements à réaliser à la fois des objectifs de développement et de conservation. La « communauté CITES »,
l’industrie et les consommateurs devront mieux apprécier l’importance du commerce des espèces sauvages
pour la subsistance en milieu rural. En outre, les processus décisionnels CITES devront évoluer pour tenir compte
aussi bien des données socio-économiques que biologiques et des enseignements tirés de projets de gestion
de la faune sauvage et de développement des produits
forestiers non ligneux à l’échelle communautaire. Pour
cela, il faudra améliorer les partenariats avec la « communauté du développement » et nouer de meilleurs liens
avec la Convention sur la diversité biologique.
Des millions d’orchidées
sont importées chaque
année aux États-Unis et
en Europe. À droite :
Cypripedium flavum de
Betahei, en Chine.
Ci-dessous : serre
d’orchidées à Jersey,
Royaume-Uni.
UICN/WENDY STRAHM
Un outil de développement
WWF/UNEP/TOPHAM/RICARDO BELIEL
Les populations rurales pauvres continuent de tirer
un revenu de l’exportation de spécimens sauvages tels
qu’Aloe ferox d’Afrique du Sud. Dans certains cas, des
contrôles CITES stricts sur le commerce peuvent avoir
des incidences majeures sur le revenu rural avec peu
d’avantages pour la conservation, comme cela semble
le cas pour l’inscription à l’Annexe I du cacatoès de
Goffin Cacatua goffini.
Dans d’autres cas, comme pour la vigogne Vicugna
vicugna, la CITES peut aider à ramener le commerce à
un niveau durable, favorable à la conservation et à la
subsistance.
Toutefois, la CITES ne travaille pas en solo. Les limites imposées, au niveau national, à l’accès aux ressources et aux marchés ont souvent une influence plus
grande sur le commerce et les flux d’avantages, tout
comme les déplacements de marchés. Ces facteurs sont
souvent influencés par les débats et les décisions de la
CITES comme dans le cas de l’éléphant d’Afrique.
On observe une expansion de l’élevage en captivité
et de la reproduction artificielle de nombreuses espèces sauvages, y compris des espèces destinées au
commerce des animaux de compagnie, ou de plantes
médicinales ou ornementales. Il est probable que le
revenu des cueilleurs et chasseurs ruraux, qui sont
souvent les membres les plus pauvres de leur communauté, en est réduit.
Sur la même branche :
un ara chloroptère Ara
chloroptrus et un
saïmiri écureuil Saimiri
sciureus au Brésil. Les
importations de
l’Union européenne
s’élèvent à 65 % du
commerce mondial
des oiseaux vivants et
30 % du commerce
mondial des primates.
Principaux consommateurs
Les États-Unis sont le principal consommateur mondial de produits de la
faune sauvage. Chaque année, ils importent jusqu’à 10 000 primates,
plusieurs millions d’orchidées, 250 000 oiseaux vivants, 2 millions de reptiles
et 200 millions de poissons tropicaux, de même que des millions de produits
d’espèces sauvages transformés en vêtements, bijoux et produits
médicinaux. (Source : Wildlife for sale, WWF-US, 2000)
L’Union européenne est le deuxième marché principal des espèces
inscrites à la CITES, estimé au tiers du marché mondial. Ces dernières
années, les importations légales dans l’UE d’espèces inscrites à la CITES
sont estimées, chaque année, à environ 7000 primates (30 % du commerce
mondial), 850 000 oiseaux vivants (65 % du commerce mondial), 55 000
reptiles vivants (15 % du commerce mondial) et 800 000 plantes (75 % du
commerce mondial), 150 tonnes de caviar (50 % du commerce mondial).
(Source : Commission européenne, DG Environnement)
15
ESPÈCES SAUVAGES ET MOYENS D’EXISTENCE
Dans la soupe : la crise des tortues d’Asie
Peter Paul van Dijk
En avril 2000, les Parties à la CITES ont inscrit les dix
espèces de tortues du genre Cuora à l’Annexe II afin de
ramener le commerce de l’un des groupes de tortues les
plus clairement surexploités dans des limites durables.
En outre, plusieurs pays, dont la République populaire
de Chine, le Viet Nam et le Cambodge ont considérablement renforcé la protection et les contrôles du
commerce. L’élevage en ferme d’une espèce particulière, à carapace molle, Pelodiscus sinensis, répond de
manière satisfaisante à la demande du marché de viande
de tortue. Cette source fiable de tortues produites de
manière durable semble avoir réduit les pressions d’exploitation sur les dernières populations sauvages de
l’espèce ainsi que sur d’autres espèces de tortues d’eau
douce.
L’union fait la force
Trouver des solutions
Nombreux sont ceux, particuliers et organisations, qui
luttent de concert contre la crise des tortues d’Asie. En
décembre 1999, un atelier important a tenté de définir
la portée et l’ampleur des problèmes tandis qu’un autre,
en janvier 2001, a organisé des efforts isolés d’élevage
en captivité d’espèces menacées pour préparer une stratégie globale à laquelle participent des États de l’aire de
répartition et des bénévoles du monde entier.
Prouvant qu’elle sont préoccupées par le sort des tortues
d’Asie, même si la plupart des espèces ne sont pas inscrites aux annexes de la CITES, les Parties ont donné on ne
peut plus clairement instruction au Secrétariat CITES
d’organiser un atelier pour trouver les moyens de résoudre cette crise. L’atelier, qui a eu lieu à Kunming, Chine,
en mars 2002, a rassemblé les représentants des gouvernements de 12 pays et régions d’Asie.
Les participants ont abordé de nombreuses questions
et envisagé diverses mesures pour aider à résoudre la
crise : élevage en ferme des tortues, obligation de rendre
des avis de commerce non préjudiciable pour les espèces dont le commerce est réglementé par la CITES,
amélioration de la réglementation du commerce par
l’inscription de nouvelles espèces aux annexes de la
CITES, renforcement de la législation nationale et de son
application, solutions pour régler le sort des animaux
confisqués et sensibilisation accrue des autorités, des
commerçants, des consommateurs et autres acteurs.
Résultat de cet atelier, 12 propositions d’inscription de
genres et d’espèces de tortues d’eau douce d’Asie ont été
soumises au Secrétariat CITES et seront débattues à la
prochaine session de la Conférence des Parties.
Garantir la survie, dans la nature, des tortues terrestres et des tortues d’eau douce d’Asie reste un immense
défi mais les progrès accomplis depuis quelques années
sont impressionnants et très encourageants.
PETER PAUL VAN DIJK
Parmi les nombreux problèmes de conservation
auxquels l’Asie fait face, la crise des tortues ressort particulièrement par sa gravité.
Depuis dix ans, les impacts sur l’habitat ont été
rejoints par une autre menace, plus grave encore pour
la survie des tortues terrestres et des tortues d’eau douce
d’Asie : la demande massive pour la consommation en
Asie de l’Est. Dans plusieurs pays, le prélèvement intense
de tortues de toutes tailles a appauvri les populations
exploitées avant de se porter sur d’autres populations,
ailleurs, qui ont, à leur tour, été appauvries. Soixantesept espèces – plus des deux tiers des 90 espèces de
tortues terrestres et tortues d’eau douce d’Asie – sont
aujourd’hui considérées menacées d’extinction et inscrites à la Liste rouge de l’UICN.
En 2000, les 10 espèces de tortues-boîtes d’Asie, y compris Cuora galbifrons
(illustrée ici) ont été inscrites à l’Annexe II.
Peter Paul van Dijk est vice-président du Groupe
CSE/UICN de spécialistes des tortues terrestres et des
tortues d’eau douce. Consultez www.chelonian.org
PETER PAUL VAN DIJK
À commander à TRAFFIC
Des carapaces de tortues massacrées sont cassées et vendues
pour servir d’ingrédient dans les préparations de remèdes
orientaux traditionnels au marché de Guangzhou, en Chine.
16
Asian Turtle Trade : Proceedings of a Workshop on
Conservation and Trade of Freshwater Turtles and
Tortoises in Asia. Chelonian Research Monographs
Number 2. Sous la direction de Peter Paul van Dijk,
Bryan L. Stuart et Anders G.J. Rhodin. Chelonian
Research Foundation. 2000.
http://www.trafic.org/publications/pubs_tea.html
Planète Conservation 3/2002
ESPÈCES SAUVAGES ET MOYENS D’EXISTENCE
Plantes médicinales : c’est le docteur qui l’a prescrit !
Depuis deux décennies, l’intérêt porté aux
remèdes à base de plantes, à l’échelon
mondial, a augmenté mais il n’y a pas longtemps que la CITES s’est ouverte à la question
de la surexploitation des plantes médicinales.
À ses débuts, la CITES ne prêtait intérêt
qu’aux plantes des groupes ornementaux
tels que les orchidées et les cactus alors que
les enjeux du commerce international font
intervenir des collectionneurs sans scrupules qui cherchent à s’approprier des
nouveautés ou les derniers spécimens de
populations en voie d’extinction.
Dans les années 1990, l’attention s’est
reportée sur les questions du commerce de
matières premières – essentiellement le bois
mais aussi les plantes médicinales. La
plupart des 17 espèces de plantes médicinales aujourd’hui inscrites aux annexes de
la CITES y ont fait leur entrée après 1989.
Depuis sa création en 1994, le Groupe de
spécialistes des plantes médicinales (GSPM)
a nourri des connaissances de ses membres,
disséminés dans le monde entier, le proces- À la CdP11, Adonis vernalis a été inscrite à l’Annexe II. Originaire d’Europe et de Sibérie, cette jolie
sus d’inscription aux annexes de la CITES plante herbacée à fleurs est utilisée en homéopathie et dans la médecine traditionnelle. Elle est
menacée dans beaucoup de pays d’Europe en raison du prélèvement et de la perte de l’habitat.
qui commence avant chaque session de la
Conférence des Parties.
Un des objectifs principaux du GSPM est d’établir
l’utilisation durable et à long terme des ressources de
plantes médicinales. À l’exception de Saussurea costus,
qui est inscrite à l’Annexe I, toutes les espèces de planCraig Kirkpatrick
tes médicinales CITES sont à l’Annexe II. En bref, il est
Les gens cesseront d’utiliser des remèdes à base d’espèpossible de faire le commerce de plantes d’origine
ces en danger lorsqu’on leur donnera des produits de
sauvage mais celui-ci doit être soigneusement contrôlé
substitution aussi efficaces. Ce message clair est la conclupar les autorités CITES et les envois doivent être accomsion d’une enquête menées par TRAFFIC en 2001, auprès
pagnés de la documentation requise.
de médecins traditionnels coréens qui prescrivent encore
Inscrire une espèce à l’Annexe II ne suffit pas pour
des espèces en danger parce qu’ils ne connaissent pas de
améliorer la situation s’il n’y a pas d’application
produits de substitution. Cependant, s’ils avaient des
correspondante des mesures. Le processus CITES
produits de substitution à l’efficacité prouvée, la plupart
d’« Étude du commerce important » est conçu pour déterd’entre eux n’hésiteraient pas à les prescrire.
miner les lacunes et les insuffisances et rendre la CITES
Une autre lueur d’espoir jaillit de l’étude de TRAFFIC
plus efficace. L’Autorité scientifique CITES de l’AllemaAttitudes of Hong Kong Chinese Toward Wildlife Consergne a conduit, de 1996 à 1999, une étude intersectorielle
vation and the Use of Wildlife as Medicine and Food. La
pour examiner soigneusement toutes les plantes médiplupart des gens cesseront de consommer des remèdes
cinales CITES. De nombreux membres du GSPM ont
traditionnels si cela menace une espèce d’extinction.
apporté des données et des évaluations à ce processus.
Beaucoup de consommateurs ignorent que des lois interUwe Schippmann est chef de l’Autorité scientifique
disent d’utiliser des espèces en danger telles que les tigres
CITES pour les plantes, Bundesamt für Naturschutz,
et les rhinocéros. Si on leur dit que c’est contraire à la loi,
Bonn, Allemagne.
ils arrêteront de le faire.
Pour obtenir The CITES Medicinal Plants Significant
L’étude de TRAFFIC ouvre des avenues claires pour
Trade Study, contactez Natalie. Hofbauer@bfn. de
l’action en matière de conservation. La recherche est
également nécessaire pour prouver l’efficacité de
À commander à l’UICN : Medicinal Plant
produits de substitution pour les remèdes qui contienConservation Bibliography, publié par le GSPM,
nent des espèces en danger. TRAFFIC Asie de l’Est
rassemble des informations sur la répartition, la
travaille à la conservation des remèdes traditionnels par
biologie, l’état des populations, le niveau de
l’éducation et des travaux de recherche de ce type.
prélèvement et de commerce et la gestion des taxons
de plantes médicinales. Le volume 1 concerne les
Craig Kirkpatrick est Directeur régional,
années 1990 à 1996, le volume 2, 1997 à 2000.
TRAFFIC Asie de l’Est.
lueur
d’espoir
Asie de l’Est : une
lueur
d’espoir
Planète Conservation 3/2002
17
UICN/WENDY STRAHM
Uwe Schippmann
ESPÈCES SAUVAGES ET MOYENS D’EXISTENCE
De l’étal à la poêle,
les mollusques valent de l’or
Mary Seddon
Les mollusques sont le deuxième groupe animal par la
diversité avec 135 000 espèces estimées dans le monde.
Les plus exploités sont les bivalves (d’eau douce et
marins), les gastéropodes (essentiellement marins) et les
céphalopodes (calmars, poulpes et seiches). Le taux d’exploitation est élevé et les profits parfois considérables.
La CITES est un excellent outil de suivi et de réglementation de l’industrie des mollusques et des coquillages qui pourrait, faute de cela, surexploiter la ressource.
Toutefois, les espèces inscrites ont essentiellement été
proposées dans les premières décennies de la CITES.
Clams et strombes
WWF-CANON/MEG GAWLER
Neuf espèces de clams (famille Tridacnidae) ont été
inscrites à l’Annexe II de la CITES en 1983 et 1985.
Certaines ont une aire de répartition limitée et sont plus
menacées que d’autres. Les menaces principales
proviennent de l’exploitation non contrôlée qui a déjà
provoqué des extinctions localisées dans certains pays.
Les clams sont essentiellement commercialisés pour
l’alimentation et les principales exportations sont destinées à l’Asie de l’Est. Dans beaucoup de pays, la coquille
est utilisée dans les arts décoratifs et dans le commerce
des aquariums. Une partie de ce commerce est illicite,
l’obligation d’obtenir des licences d’importation et d’exportation étant largement ignorée.
En outre, plus de 60 000 animaux vivants sont
commercialisés au niveau international chaque année
et en 1997, plus de 70 % étaient destinés aux États-Unis.
Comme il existe maintenant des programmes d’élevage
ex situ efficaces, une plus grande proportion des clams
importés sont aujourd’hui élevés en captivité.
Le strombe géant Strombus gigas, très recherché pour
sa chair succulente, a été inscrit à l’Annexe II de la CITES
en 1992. Il a depuis fait l’objet d’un examen dans le cadre
La vente de coquillages aux touristes est une menace
grave pour les ressources marines de Madagascar.
de l’Étude du commerce important, en 1992 et 2001 (voir
page 5). Dans la deuxième partie des années 1990, ce
strombe des Caraïbes était une des espèces CITES les
plus commercialisées avec un commerce annuel de
50 millions d’individus au moins représentant une valeur
de USD 60 millions, essentiellement vers les États-Unis
et l’Union européenne. La coquille est aussi utilisée dans
les arts décoratifs mais l’étiquetage indique souvent que
celle-ci est un sous-produit d’une pêche durable.
Pour améliorer la gestion de la pêche, il faudrait
instaurer davantage d’uniformité entre les pratiques de
gestion (par ex., périodes de fermeture) créer en concertation des « zones interdites à la pêche » et exercer un
meilleur suivi des populations.
WWF-CANON/JURGEN FREUND
Moules en demande
Conchyliculture de clams Tridacna spp. aux Palaos, Micronésie.
18
Aux États-Unis, dans les dernières années du 19e siècle
et au début du 20e siècle, la manufacture de boutons de
nacre était une industrie d’eau douce florissante –
jusqu’à l’apparition des boutons de plastique dans les
années 1940. Aujourd’hui, les coquillages exploités sur
le plan commercial sont exportés vers l’Asie pour la
production de grains de nacre que l’on insère dans le
manteau d’autres mollusques pour produire des perles.
La demande japonaise de coquilles de moules américaines de grande qualité est élevée et les exportations
Planète Conservation 3/2002
ESPÈCES SAUVAGES ET MOYENS D’EXISTENCE
ont atteint plus de 9000 tonnes en 1991pour se stabiliser aujourd’hui à environ 4500 tonnes. Résultat de cette
exploitation, 29 mollusques d’eau douce ont été inscrits
à l’Annexe I ou à l’Annexe II de la CITES.
Étendre la cape de protection de la CITES
Beaucoup d’industries d’Asie et de la région indo-pacifique utilisent des coquillages pour fabriquer des objets
d’ornement et des boutons et pour produire des perles.
Dans certains pays, des lois réglementent les taux de
capture et le commerce d’exportation. Mais on constate
un déclin des captures d’espèces telles que Turbinella
spp., Placuna spp. et Haliotus spp.
Des taxons tels que Nautilius sont aussi recherchés,
depuis quelque temps, pour le commerce des aquariums. Ces espèces se reproduisant lentement, le taux
de prélèvement dans certains pays commence à inquiéter. De même, il y a eu peu d’évaluations du commerce,
pourtant important, d’espèces de céphalopodes plus
répandues.
Dans certaines régions, on broie les coquilles pour
fabriquer des parfums et de l’encens. Les industries
pharmaceutiques utilisent aussi les mollusques pour
extraire des teintures bioluminescentes et fabriquer des
antibiotiques. Souvent, on ignore le volume et le type
de coquilles utilisées à ces fins ainsi que pour la médecine traditionnelle.
Il faudra beaucoup travailler pour évaluer les espèces qui pourraient être affectées par le commerce, ainsi
que par la pêche et le prélèvement à échelle commerciale qui augmentent depuis quelques décennies. Nous
avons besoin de mécanismes encore plus efficaces pour
protéger les mollusques commercialisés et empêcher
qu’ils ne soient menacés : l’inscription à la CITES devrait
en faire partie.
Mary Seddon est coprésidente du Groupe de spécialistes
CSE/UICN des mollusques et Directrice du Mollusca
National Museum of Wales. Consultez
http://bama.ua.edu/~clydeard/IUCN-SSC_html/index.htm
La viande de brousse : recette pour l’extinction
Le continent africain est en proie à une crise grave causée
par la demande croissante de viande d’animaux sauvages pour une population humaine en augmentation constante. On sait déjà qu’en Afrique de l’Ouest et en Afrique
centrale l’utilisation pour la subsistance et le commerce
alimentaire mettent en péril de nombreuses populations
d’espèces menacées d’antilopes et de primates.
Les travaux de recherche montrent que la faune
sauvage, considérée traditionnellement comme un
supplément alimentaire, est devenue élément principal de la subsistance et monnaie d’échange légale en
Afrique de l’Est et en Afrique australe. En outre, il devient
de plus en plus clair que cette crise n’est pas réservée à
l’Afrique mais qu’elle touche aussi des régions telles que
l’Amérique du Sud, l’Asie de l’Est et l’Asie du Sud-Est.
Dans le monde entier, à l’intérieur et à l’extérieur des
aires protégées, des populations d’espèces sauvages sont
de plus en plus ciblées par une chasse illicite pour la
consommation et le commerce de la « viande de brousse ».
On estime que la viande de brousse constitue désormais
l’un des principaux facteurs menaçant les populations
d’espèces sauvages de nombreuses régions du monde.
Dans le bassin du Congo, en Afrique centrale, ce
commerce s’élève à 2,5 millions de tonnes de viande par
année tandis que dans les pays d’Afrique de l’Ouest tels
que le Ghana, il porte sur environ 385 000 tonnes par an
– apportant une contribution importante au produit intérieur brut des pays concernés. En Afrique australe, au
Mozambique, le commerce de la viande de brousse dans
la capitale, Maputo, s’élève à environ 604 tonnes par an.
En Asie du Sud-Est, le commerce de viande de tortues
d’eau douce (voir page 16), de reptiles et de pangolins
atteint également des niveaux alarmants tout comme le
commerce de la viande de pécaris, en Amérique du Sud.
Il s’ensuit que la viande de brousse est une priorité pour
la communauté de la conservation ainsi que pour tous
ceux qui s’intéressent au développement rural et à la sécurité alimentaire. Sans viande de brousse, le bien-être de
Planète Conservation 3/2002
WWF-CANON/SANDRA MBANEFO OBIAGO
Rob Barnett
La viande de brousse trouve sa place parmi d’autres produits naturels sur un
marché de la ville de Benin au Nigéria.
vastes secteurs de la société est en péril. Toutefois, les
efforts déployés pour trouver une solution sociale sont
nécessairement de longue haleine tandis que l’ampleur
du problème actuel nécessite des mesures immédiates.
Solutions pratiques
Après une période de collecte de données de base sur
les dynamiques de l’utilisation de la viande de brousse,
TRAFFIC – qui assure, pour le WWF et l’UICN, le suivi
du commerce des espèces sauvages – cherche à obtenir l’application de solutions pratiques à ces problèmes à court et à long terme.
Un projet financé par le WWF-Pays-Bas, actuellement en cours en Afrique de l’Est, tente d’enrayer la
disparition rapide d’espèces menacées dans cette région.
19
WWF-CANON/MARTIN HARVEY
ESPÈCES SAUVAGES ET SUBSISTANCE
conservation et tous ceux qui s’intéressent aux questions de développement rural et de sécurité alimentaire devront redoubler d’efforts. Les propriétaires, et
tous ceux qui ont des droits sur les terres communales, doivent tirer des avantages tangibles de la gestion
durable de la viande de brousse.
La faune sauvage ne jouera réellement un rôle durable dans le développement communautaire, garantissant ainsi sa propre survie, que lorsque les propriétaires
et autres acteurs obtiendront de véritables avantages.
Rob Barnett est Responsable principal de programme
à TRAFFIC Afrique australe/de l’Est.
Avantages tangibles : dans le Parc national des Virungas, République
démocratique du Congo, des touristes se rassemblent autour de gorilles de
montagne Gorilla beringei beringei de plus en plus menacés par le commerce
de la viande de brousse.
Il vise à renforcer les capacités des autorités chargées de
la faune sauvage pour qu’elles puissent identifier des
échantillons de viande au niveau de l’espèce et à permettre ainsi une application plus efficace de la législation nationale relative à la faune sauvage et des règlements CITES.
Un autre objectif, non moins important, de TRAFFIC
est de confronter certains des facteurs sociaux les plus
fondamentaux qui ont provoqué la crise de la viande de
brousse. Les travaux de TRAFFIC, passés et en cours, sur
les dynamiques du commerce illicite de la viande de
brousse ont amené à conclure que les solutions doivent
comprendre une approche communautaire pour résoudre le problème de la demande sociale fondamentale de
viande de brousse par les populations urbaines et rurales pauvres. Cette approche s’appuiera probablement
sur le remplacement des ressources de viande de brousse
illicites par des sources légales de viande de gibier.
On a commencé à traiter en pratique le problème
de la viande de brousse mais la communauté de la
À commander à l’UICN : Links between biodiversity conservation, livelihoods and food security : the sustainable use of
wild species for meat, publication conjointe de la CSE/UICN,
la FAO et TRAFFIC. Voir http://www.iucn.org/bookstore
À commander à TRAFFIC : Food for Thought : The Utilization of Wild Meat in Eastern and Southern Africa. Sous la
direction de Rob Barnett, TRAFFIC Afrique australe/de l’Est.
2000. Voir http://www.traffic.org/publications/pubs_tesa.html
Chacun sa chèvre :
la chasse au trophée des ongulés de montagne
Marco Festa Bianchet
L’homme a toujours éprouvé un sentiment d’admiration respectueuse pour les moutons et les chèvres
sauvages – les caprinés – parce qu’ils vivent dans des
milieux de montagne inhospitaliers, spectaculaires et
souvent éloignés de tout. L’isolement géographique a
dicté l’évolution de plusieurs sous-espèces distinctes.
Dans bien des régions, les caprinés sauvages sont menacés par le surpâturage du bétail domestique, par des
maladies exotiques, par la destruction de l’habitat et
par la chasse illicite. Plusieurs espèces sont protégées
contre les effets du commerce international par leur
inscription à l’Annexe I ou à l’Annexe II de la CITES
mais une nouvelle approche de la conservation, faisant
appel à la chasse au trophée, semble donner de bons
résultats dans certaines régions.
Les caprinés sont des animaux majestueux et se
rendre dans leur habitat est un défi physique. Ils sont
20
très recherchés par les chasseurs de trophées qui payent
une chasse entre USD8000 et 40 000. Les mâles adultes
sont la cible principale de ce commerce important et
en expansion (le « commerce » au sens de la CITES est
le déplacement d’un bien de part et d’autre de frontières internationales). Certes, les chasseurs de trophées
internationaux franchissent des frontières avec la tête
et la peau des animaux abattus, mais ce qu’ils achètent,
en réalité, c’est la possibilité de chasser des animaux
vivant dans leur habitat naturel.
Pour que les cornes des mâles adultes atteignent une
« taille de trophée », il faut aux populations un bon habitat relativement à l’abri du braconnage. En conséquence, le Groupe CSE/UICN de spécialistes des
caprinés (GSC) s’intéresse depuis longtemps à la mise
en place de partenariats avec des groupes de chasseurs
pour faire en sorte que la chasse au trophée contribue
Planète Conservation 3/2002
DAVID SHACKLETON
à la conservation. Le suivi des populations
et l’identification des espèces sont vitaux
pour tout régime de gestion qui vise à
garantir la survie à long terme d’une population, de sorte que le GSC collabore avec
différents partenaires pour mettre sur pied
une base de connaissances appropriée.
Les membres du GSC participent à des
travaux de terrain et de recherche dans
plusieurs pays d’Asie centrale, contribuant
à la collecte de données sur l’état des espèces pour remplir les obligations d’avis de
commerce non préjudiciable de la CITES.
Par exemple, Bill Wall et Andrey Subbotin,
soutenus par la Fondation du Safari Club
International qui comprend le Conseil
international de la chasse, ont aidé à financer une étude de l’argali Ovis ammon en
Mongolie et donnent des conseils à ce pays
sur la préparation d’une stratégie de
gestion à l’échelle nationale.
En février 2002, en coopération avec le
Programme pour la biodiversité du WWF- La chasse au trophée qui cible le markhor Capra falconeri est extrêmement lucrative et
Asie centrale, ils ont étudié l’argali dans le avantageuse pour les populations locales auxquelles elle apporte une incitation à protéger
Pamir, au Tadjikistan. En avril, conjointe- l’habitat et un revenu suffisant pour engager une soixantaine de gardes. Pour cette raison,
l’exportation d’un petit nombre de trophées est autorisée dans la région du Torghar, au Pakistan,
ment avec le Secrétariat CITES, le US Fish malgré l’inscription de l’espèce à l’Annexe I.
and Wildlife Service et TRAFFIC, ils ont
organisé un atelier à Bishkek, Kirghizistan, afin d’exoù le revenu de la chasse au trophée du markhor Capra
pliquer les règlements internationaux tels que la CITES
falconeri et de l’urial Ovis vignei a permis d’engager,
et d’encourager la mise en œuvre de programmes de
localement, 60 gardiens de la faune sauvage. Le revenu
chasse pour la conservation au Tadjikistan, au Kirghide la chasse joue un rôle clé dans la réduction de l’imzistan, au Kazakhstan, en Russie, en Mongolie, en
pact du pâturage du bétail sur l’habitat de la faune
Ouzbékistan et au Turkménistan.
sauvage. Les populations des deux espèces ont beauLe pour et le contre de la chasse au trophée
coup augmenté depuis la mise en œuvre du programme
De toute évidence, une identification fiable des espèqui bénéficie d’un appui solide de la population locale
ces est vitale pour l’application de la CITES. L’identifiet le GSC a soutenu l’exportation annuelle d’un maxication des espèces est un obstacle à la conservation des
mum de six trophées de markhor, espèce
caprinés, en particulier en Asie parce que les experts
inscrite à l’Annexe I de la CITES.
ne sont pas d’accord sur la taxonomie et que rares sont
Dans d’autres cas, cependant, il n’est
ceux qui peuvent identifier les sous-espèces. Le GSC a
pas certain que les fonds de la chasse au
donc tenu un atelier sur la taxonomie des caprinés à
trophée servent à la conservation. La
Ankara, Turquie, en 2000.
chasse au trophée des ongulés de montaLa chasse au trophée peut-elle favoriser la consergne est source d’importants revenus. Si
vation des ongulés de montagne? Il y a eu quelques réuselle est bien réglementée, elle est durable
sites, par exemple dans la région du Torghar, au Pakistan
parce qu’elle ne concerne que les mâles
adultes. La clé, pour la conservation,
consiste à faire en sorte que le revenu des
programmes de chasse apporte des avantages de conservation tangibles au niveau
local. La coopération permanente entre
le GSC de l’UICN, les groupes de chasseurs, différents paliers de gouvernements
et les organismes de conservation inter- Wild Sheep and Goats and their
Relatives (1997) est à commander
nationaux est cruciale pour garantir l’ave- au World Conservation Bookstore.
nir des ongulés de montagne.
Un gardien surveille la passe du Khyber.
Planète Conservation 3/2002
Marco Festa Bianchet est Président du Groupe
de spécialistes CSE/UICN des caprinés et
Chercheur au Département de biologie,
Université de Sherbrooke, au Québec, Canada.
Pour le rapport sur l’Atelier relatif à la taxonomie voir
http://callisto.si.usherb.ca:8080/caprinae/taxo.htm
21
PAIND KHAN
ESPÈCES SAUVAGES ET MOYENS D’EXISTENCE
Sommaire
Ressources marines
AU MENU
Le commerce mondial menace toutes les espèces marines car la surexploitation
se conjugue aux changements climatiques et à la destruction des habitats pour
épuiser des ressources essentielles. Selon la FAO, environ 75 % des populations
de poissons sont totalement exploitées ou surexploitées. En conséquence, lors
du récent Sommet de la Terre de Johannesburg, la communauté mondiale s’est
engagée à restaurer les pêcheries de manière qu’elles retrouvent leur rendement
maximal durable d’ici à 2015. Des requins aux esturgeons, en passant par les
hippocampes, les espèces marines grimpent à l’ordre du jour international.
La pêche : trouver le bon équilibre
WWF-CANON/JURGEN FREUND
Kevern Cochrane
Ailerons de requins séchant pour être mis sur le marché aux Philippines.
Plan requins de la FAO : de bonnes intentions, peu de progrès
Les technologies de pêche modernes et l’amélioration de l’accès aux
marchés mondiaux sont les deux facteurs qui ont présidé à l’augmentation de l’effort de pêche et des captures de requins et de raies. Plus
de 100 pays déclarent des débarquements de requins à la FAO chaque
année et 18 déclarent des débarquements de plus de 10 000 tonnes
par an.
Consciente de l’importance de la coopération internationale pour
gérer la pêche au requin, la FAO a adopté, en février 1999, le Plan d’action international pour la conservation et la gestion des requins qui avait
été approuvé par son Comité des pêches.
Aujourd’hui, plus de trois ans après, seuls 29 États ont signalé
quelques progrès dans la mise en œuvre du Plan. Parmi eux, cinq seulement ont préparé, pour consultation publique et évaluation, des rapports
d’évaluation des requins ou des plans d’action nationaux. Il ressort,
après examen, qu’aucun des plans ne satisfait aux normes recommandées par la FAO.
- Alison Rosser
Voir http://www.fao.org/fi/ipa/manage1.asp.
22
À de rares exceptions près, la CITES n’a encore eu
que peu d’effet sur la pêche commerciale mondiale.
Certains signes montrent toutefois que cela pourrait changer et certains pays membres de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et
l’agriculture (FAO) s’inquiètent, craignant que les
critères d’inscription CITES ne conviennent pas à
des ressources de la pêche exploitées et gérées. Ces
pays ont fait part de leurs craintes lors d’une réunion
du Sous-comité sur le commerce du poisson du
Comité des pêches (COFI) de la FAO à Bremen, Allemagne, en juin 1998.
C’est ainsi qu’a été lancée une étude scientifique
longue et fructueuse de la FAO sur les critères CITES
et la procédure d’inscription applicables à des espèces aquatiques exploitées au niveau commercial.
Opinions divergentes
Malgré les progrès, les membres de la FAO ne
parviennent pas à s’accorder sur le rôle et les fonctions de la CITES vis-à-vis des espèces aquatiques
exploitables au niveau commercial. Certains pays
émettent des réserves, estimant que la FAO et les
organisations régionales de gestion des pêcheries
sont les organes internationaux compétents pour la
pêche et sa gestion.
D’autres cependant estiment que la CITES a un
rôle utile à jouer dans la gestion des pêcheries et
complète, sans la remplacer, la gestion traditionnelle
de la pêche.
Ces dissensions sont le reflet des disparités observées au niveau national et le processus de la FAO a
mis en lumière la nécessité, dans de nombreux pays,
d’améliorer la communication entre les organes
chargés de la pêche et ceux qui sont responsables
des questions relatives à la CITES.
Appel au changement
En 2002, le sous-comité du COFI a décidé qu’il
fallait remanier les critères CITES et le processus
Planète Conservation 3/2002
RESSOURCES MARINES AU MENU
ANDREW COOKE
d’évaluation pour que la Convention joue un rôle constructif dans la conservation des espèces aquatiques
en danger soumises à une exploitation commerciale.
La FAO a adressé à la CITES une série de recommandations générales, notamment 1) les meilleures
informations scientifiques doivent servir à évaluer
toute inscription ou suppression d’une population, 2)
chaque proposition doit être évaluée au cas par cas
dans le cadre d’un processus scientifique renforcé et
3) les organes nationaux et régionaux responsables de
la pêche doivent participer davantage à l’élaboration
et à l’évaluation des propositions. Des recommandations plus précises concernent les critères eux-mêmes.
Les membres de la FAO prévoient également d’étudier les incidences des inscriptions à la CITES, notamment en ce qui concerne la clause de ressemblance
(selon laquelle des espèces sont inscrites à l’Annexe II
lorsque des spécimens faisant l’objet de commerce
ressemblent à des spécimens d’espèces inscrites pour
des raisons de conservation) ; l’inscription scindée
(inscription à plus d’une annexe) ; les espèces inscrites produites par aquaculture ; et les incidences administratives et socio-économiques de l’inscription et
de la suppression des annexes.
Madagascar est riche en ressources marines dont certaines sont exploitées tant
pour la consommation locale que pour le commerce international. Photo : la pêche
du jour débarquée à Anakao près de Toliara, dans le sud-ouest de Madagascar.
Vu de Madagascar
Claudine Ramiarison et Andrew Cooke
Madagascar est dotée de ressources marines parmi les
plus riches et les plus diverses de l’océan Indien occidental. Dugongs, dauphins, tortues marines, thons,
requins, poissons-scies, concombres de mer, crevettes,
langoustes et gastéropodes sont parmi les nombreuses
espèces de grande valeur exploitées pour la consommation locale ou le commerce international.
Cette exploitation revêt une importance considérable pour la subsistance des communautés côtières et
elle est réglementée par une mosaïque de mesures traditionnelles, législatives et internationales rarement appliquées en pratique.
Depuis que Madagascar a ratifié la CITES, en 1975,
elle a eu toutes les peines à instaurer une gestion durable du commerce international, en particulier des reptiles. En conséquence, une ordonnance ministérielle a
récemment été promulguée pour suspendre le
commerce transfrontière d’espèces inscrites à la CITES.
Toutefois, les systèmes mis en place pour la gestion
communautaire des ressources naturelles pourraient
aider à gérer l’exploitation des ressources au niveau local.
La route est encore longue
De toute évidence, la route est encore longue jusqu’à
ce que les membres de la FAO s’accordent sur le rôle
et le mécanisme appropriés de la CITES vis-à-vis des
espèces aquatiques exploitées au niveau commercial.
Néanmoins, de grands progrès ont été
accomplis. Le processus engagé par la FAO a eu le
mérite de mieux faire connaître la CITES aux organes
responsables des pêches et de bonnes relations de
travail ont été instaurées entre les deux Secrétariats.
Kevern Cochrane est Responsable principal des
ressources de la pêche, Service des ressources
marines (FIRM), FAO. Voir http://www.fao.org/
WWF/MAURI RAUTKARI
Structures de l’exploitation
Certaines espèces marines sont inscrites dans diverses
annexes, par exemple le strombe géant, les coraux durs et
les clams mais on continue de débattre de la question de
savoir s’il faut ou non inscrire les poissons marins. Photo :
coraux durs et mous en vente à Limbe, Cameroun.
Planète Conservation 3/2002
À Madagascar, il y a essentiellement deux types de pêche.
La pêche industrielle est pratiquée par des navires qui
ciblent, au large, les thons, les marlins et les requins (captures accidentelles) et, près des côtes, les crevettes Pénéidés.
La pêche traditionnelle est pratiquée à partir de
canots creusés dans des troncs d’arbres. Elle cible pratiquement toutes les ressources comestibles ou commercialisables, y compris les mammifères marins, les œufs
d’oiseaux, les tortues marines, les poissons, les requins
et les raies, les échinodermes, les mollusques, les crustacés et les algues. Les ressources non comestibles telles
que les poissons d’aquarium, les coraux et les éponges
sont parfois prélevés. En outre, une pêche semi-industrielle au concombre de mer est en train de prendre son
essor et fait un usage illicite d’équipements de plongée
sous-marine pour atteindre les espèces du fond.
23
WWF-CANON/Y.-J. REY-MILLET
La gestion locale ne peut empêcher l’exploitation interne d’espèces inscrites à
l’Annexe I de la CITES comme les tortues vertes Chelonia mydas (illustrée), les
dauphins et les dugongs qui sont importantes, localement, pour l’alimentation
plutôt que pour le commerce.
Les espèces protégées au niveau national et inscrites à
la CITES telles que les dauphins, les dugongs et les tortues
marines n’y échappent pas. Toutes sont, dans une certaine
mesure, chassées pour la viande, qui est vendue ou échangée localement, tandis que dans les centres touristiques,
on vend encore ouvertement les carapaces de tortues.
Plusieurs espèces marines non protégées et non
inscrites à la CITES qui ont beaucoup de valeur sont
chassées de manière intensive. Parmi celles-ci, des populations de requins seraient localement en déclin et l’on
observe une baisse des exportations d’ailerons depuis
1992. Les exportations de concombres de mer ont
augmenté entre 1991 et 1994 mais connaissent depuis
un déclin tout comme les prélèvements de langoustes.
Le commerce de coquillages ornementaux est important mais le suivi est insuffisant.
Participation des communautés
En réaction à ces problèmes, Madagascar pilote actuellement plusieurs formes de gestion communautaire des
ressources marines.
Près d’Anakao, du grand récif de Toliara et de Tolagnaro des communautés travaillent en consultation avec
les autorités locales, le ministère de la Pêche et les agents
de tourisme locaux afin de limiter le prélèvement excessif et de réduire les conflits. Les stratégies comprennent
la mise en place de zones interdites à la pêche et des
restrictions sur l’équipement de pêche ainsi que le réinvestissement du revenu du tourisme dans des projets de
conservation et des projets sociaux. Les ressources peu
mobiles telles que les concombres de mer, les langoustes et les coquillages ornementaux sont les plus sensibles
à ces systèmes de gestion. Les ressources mobiles, telles
que le requin, posent plus de problèmes !
Il faut une approche intégrée
Premièrement, la gestion locale ne peut pas empêcher l’exploitation, à l’échelle nationale, des espèces
inscrites à l’Annexe I de la CITES lorsque l’utilisation
principale est l’alimentation (tortues, dauphins,
dugongs) et non le commerce.
Deuxièmement, la CITES ne fournit pas de mesures
de contrôle des espèces non inscrites qui sont fortement
exploitées et importantes pour le commerce (concombres de mer, requins et langoustes) tandis que la gestion
locale présente des possibilités d’exploitation rationnelle.
Il s’ensuit qu’il faut intégrer les contrôles internationaux du commerce et la gestion locale en un système
intégré, si l’on veut agir sur la gestion mais aussi sur tout
le cheminement d’un produit entre le prélèvement et
l’utilisateur final.
Valeur ajoutée
Actuellement, les programmes pilotes de gestion des
reptiles cherchent à intégrer les communautés locales
en tant que partenaires dans le commerce des espèces
afin d’ajouter de la valeur aux prélèvements. Cela devrait
contribuer à améliorer la gestion des ressources.
Le nouveau Groupe de spécialistes de l’utilisation
durable de l’océan Indien occidental et le nouveau
Groupe des requins de Madagascar (lié au Groupe
CSE/UICN de spécialistes des requins) cherchent désormais à renforcer la collaboration entre le gouvernement
de Madagascar et les communautés pour mettre en
œuvre ces nouvelles approches.
Claudine Ramiarison est Directrice exécutive de
SAGE (Services d’appui à la gestion de
l’environnement) et Présidente du Groupe de
spécialistes de l’utilisation durable de l’océan Indien
occidental, Antananarivo, Madagascar.
Andrew Cooke est Directeur de RESOLVE Consulting
(Services consultatifs sur le droit et la gestion des
ressources naturelles), Antananarivo, Madagascar.
Consultez http://www.iucn.org/themes/ssc/
susg/susgs/woii.html
À commander à l’UICN
Elasmobranch
Biodiversity, Conservation
and Management.
Procès-verbaux du
Séminaire International et
Atelier, Sabah, Malaisie,
juillet 1997.
Document occasionnel de
la Commission UICN de la
sauvegarde des espèces
No.25.
TRAFFIC en ligne
Des versions à jour des Plans d’action pour les requins
et pour les cétacés seront bientôt disponibles au
World Conservation Bookstore. Autres plans d’action
relatifs à des espèces marines inscrites à la CITES :
Mediterranean Island Plants (1996) ; Tortoises and
Freshwater Turtles (1989) ; Otters (1990) ; Seals, Fur
Seals, Sea Lions, and Walrus (1993).
Pour une liste de publications TRAFFIC sur les pêcheries et le commerce des
requins, voir http://www.traffic.org/publications/pubs_sharks.html
À commander à TRAFFIC Europe :
Le cas de Madagascar illustre l’écart entre la gestion du
commerce international au moyen de la CITES et la
gestion au niveau national des ressources marines.
Pour des informations sur les pêcheries marines à la CdP12, voir http ://www.
traffic.org/cop12/resources.html
24
Review of Trade in Live Corals from Indonesia
par Caroline Raymakers. 2001.
Planète Conservation 3/2002
TRAFFIC/CAROLINE RAYMAKERS
Les esturgeons sont de retour
Caroline Raymakers
Il faut aller plus loin
Les progrès accomplis par les États de l’aire de répartition de l’esturgeon sont les fondations sur lesquelles construire de nouvelles avancées. Il reste à mettre au point
des méthodes normalisées d’évaluation des populations
et à évaluer l’efficacité des programmes de repeuplement.
En outre, le contrôle réel des marchés intérieurs de
caviar et de viande d’esturgeon est variable mais doit
être renforcé par des inventaires des marchés et l’élaboration en coopération d’unités anti-braconnage
Planète Conservation 3/2002
Les pays de l’Union européenne à eux seuls importent environ 150
tonnes de caviar par an. Ici : caviar en vente à Astrakhan, Russie.
transfrontières. Des échantillons de référence des tissus
de toutes les espèces d’esturgeons doivent être rassemblés pour évaluer la légalité des exportations. Il faudra
enfin travailler encore au système universel d’étiquetage du caviar pour tenir compte des réexportations et
de la production locale.
Les choses se sont récemment beaucoup améliorées
pour l’esturgeon, depuis que la Russie a pris l’engagement
de réglementer son marché intérieur de façon que seuls
les produits d’origine légale puissent être commercialisés.
Caroline Raymakers est Directrice régionale
pour TRAFFIC Europe.
WWF-CANON/HARTMUT JUNGIUS
Les 27 espèces d’esturgeons – c’est-à-dire l’ordre entier
des Acipensériformes – ont été inscrites aux annexes de
la CITES en juin 1997. L’entrée en vigueur de l’inscription ne s’est faite qu’en avril 1998.
Beaucoup de ces poissons remarquables peuvent
vivre plus de 100 ans. Certains atteignent deux mètres
de long et pèsent jusqu’à une tonne. Limités à l’hémisphère nord, on les trouve surtout dans la mer
Caspienne et la mer Noire mais aussi aux États-Unis, en
Europe, en Sibérie, en Chine et en Asie centrale.
Considéré comme l’une des ressources de faune
sauvage les plus précieuses du monde, l’esturgeon est
renommé sur les marchés mondiaux pour ses œufs – le
caviar – qui, selon l’espèce, peuvent atteindre USD 6000
le kilo. Le rare béluga est le plus grand esturgeon et
produit le caviar le plus recherché.
L’intensité de la pêche et des pressions du commerce
a conduit les Parties à inscrire toutes les espèces soit à
l’Annexe I, soit à l’Annexe II et à entamer une Étude du
commerce important pour les 23 espèces inscrites à
l’Annexe II.
D’après les résultats de cette étude, réalisée par
TRAFFIC et l’UICN, le Comité pour les animaux de la
CITES a conclu que les avis de commerce non préjudiciable n’étaient pas correctement rendus pour plusieurs
espèces des 11 États de l’aire de répartition. De longues
listes d’actions spécifiques, assorties de délais stricts,
ont été recommandées, en particulier à quatre des États
de l’aire de répartition de la mer Caspienne.
Entre-temps, le Programme pour l’environnement de
la mer Caspienne (PEC) a préparé, en 2001, une expédition de recherche conjointe sur les pêcheries de la
Caspienne pour évaluer l’état des populations. Les scientifiques de quatre pays de la Caspienne ont participé à
cette expédition avec des experts internationaux des techniques d’échosondage. Les partenaires du PEC, en cette
occasion, étaient le Programme des Nations Unies pour le
développement avec un financement du Fonds pour l’environnement mondial (FEM) et du Programme TACIS de
l’Union européenne (Assistance technique aux pays de la
CEI – Communauté des États indépendants). Ces travaux
ont permis de démontrer la mesure dans laquelle la CITES
et le PEC se complètent efficacement l’un l’autre.
Pour finir, l’Étude du commerce important a abouti
à l’« Accord de Paris » adopté par les États de l’aire de
répartition de la mer Caspienne à l’occasion de la 45e
session du Comité permanent, dans le but de progresser vers la cogestion des ressources conjointes.
Les États de l’aire de répartition de la Caspienne reproduisent l’esturgeon avec
succès tant pour le marché que pour reconstituer les populations. Photo : jeune
Acipenser sturio dans une station de reproduction en Géorgie.
Groupe de spécialistes des esturgeons
Le Groupe CSE/UICN de spécialistes des esturgeons s’efforce de
renforcer la collaboration scientifique, de lutter contre le braconnage et
le commerce illicite, d’améliorer les conditions socio-économiques des
gens qui vivent dans les régions où l’on trouve des esturgeons ; et
d’améliorer la coopération régionale et internationale par des accords
concernant le fleuve Amour, la mer Noire, la mer d’Azov et la mer
Caspienne. Au début de 2001, il a réuni, à Moscou, plus de 40 experts
et marchands de caviar de 11 pays pour identifier les priorités et les
mesures à prendre pour conserver les esturgeons.
L’Association internationale des importateurs de caviar a récemment
versé une subvention de USD10 000 pour les travaux du Groupe.
À commander à l’UICN : Sturgeons of the Caspian Sea and the
international trade in caviar par T. de Meulenaer et Caroline Raymakers.
25
AMANDA VINCENT
Produits d’hippocampes sur un marché de Hong Kong. Les hippocampes font l’objet d’un débat
inhabituel à la CITES car le taxon n’est inscrit sur aucune des annexes.
Project Seahorse est une équipe de
conservation des ressources marines qui associe la recherche et la
gestion tout en coopérant avec différents acteurs communautaires du
monde entier. L’hippocampe est un
merveilleux porte-drapeau pour les
animaux gravement menacés par la
surexploitation, les captures accidentelles et la perte de l’habitat.
Consultez :www.projectseahorse.org
Des mâles enceints créent un précédent à la CITES
Amanda Vincent
EDWARD G. LINES/SHEDD AQUARIUM
Les hippocampes et autres syngnathidés – aiguilles et
dragons des mers – sont des animaux hors du commun :
les mâles élèvent seuls leurs petits sur leur corps ou à
l’intérieur de leur corps. Il n’est donc peut-être pas
surprenant que ce soit ces animaux étranges qui aient
conduit la CITES à réfléchir de manière créative aux
meilleurs moyens d’agir contre la surexploitation.
Beaucoup de syngnathidés font l’objet d’un
commerce important pour la médecine traditionnelle,
la préparation d’aliments toniques, le commerce d’objets d’ornement et de curiosité, au point que de
nombreuses populations sauvages ont été décimées.
Pour des milliers de pêcheurs de subsistance, ce sont
des ressources importantes et pour des millions d’autres personnes, d’importantes sources de médicaments.
L’approche adoptée par la CITES pour traiter le
commerce de ces poissons est très
originale car elle a encouragé un engagement envers la conservation avant
même de débattre d’une proposition
d’inscription. L’Australie et les ÉtatsUnis avaient envisagé de proposer un
contrôle du commerce à la 11e session
de la Conférence des Parties, en 2000,
mais ont finalement décidé que ce
serait prématuré et susceptible de faire
plus de mal que de bien. À la place, ils
ont présenté un document de travail
pour promouvoir une action.
Leur prudence a été récompensée
par la décision unanime des Parties de
prendre des mesures en faveur des
syngnathidés – un consensus inhabituel pour un poisson marin. Depuis, le
Hippocampus kuda est classé
Comité pour les animaux a été fort
Vulnérable dans la Liste rouge de
affairé, rassemblant les données sur le
l’UICN des espèces menacées mais
commerce et les informations sur la
son statut est en train d’être réévalué.
26
gestion fournies par les Parties, facilitant un atelier technique en mai 2002 et préparant un document de travail
qui sera examiné à la 12e session de la CdP.
Le processus consultatif de la CITES a mis en lumière
de nouvelles preuves que le commerce des hippocampes et les problèmes de conservation associés ont pris
une ampleur suffisante pour mériter une intervention
des gouvernements. Il est également devenu clair que
de nombreux acteurs demandent des directives de
gestion pour la pêche à l’hippocampe mais pas nécessairement par l’intermédiaire de la CITES.
Après avoir envisagé toutes les options possibles, l’Atelier technique de la CITES sur les hippocampes et autres
syngnathidés et le Comité pour les animaux de la CITES
ont recommandé – comme contribution partielle à la
conservation – une inscription à l’Annexe II de tous les
hippocampes, soutenant par-là même une proposition
à cet effet présentée par les États-Unis d’Amérique.
Avoir retardé la proposition d’inscription à l’Annexe II
jusqu’à la 12e session de la Conférence des Parties a
permis d’engager un dialogue important sur les hippocampes et espèces apparentées. De tels débats devraient
aider à promouvoir un engagement international collectif envers la gestion de ce commerce. Et, signe d’espoir,
l’Association des marchands de produits médicinaux
chinois de Hong Kong a aidé à financer l’Atelier technique
de la CITES et a demandé à ses membres d’adopter des
mesures de conservation pour les syngnathidés bien que
l’Association se méfie encore de l’inscription à l’Annexe II.
Amanda Vincent est titulaire de la Chaire de
recherche canadienne en conservation marine
au Fisheries Centre, Université de
Colombie-Britannique, Vancouver, Canada. Elle est
également Directrice de Project Seahorse
et Présidente du Groupe de travail sur les
syngnathidés du Comité CITES pour les animaux.
Planète Conservation 3/2002
PERSPECTIVES RÉGIONALES
Perspectives
RÉGIONALES
Que le sujet soit la conservation des récifs coralliens,
l’extinction des grands singes, le commerce illicite ou les
changements climatiques, les conventions sur l’environnement
commencent à trouver de plus en plus de points de communs
dans leurs intérêts, leurs activités et leurs sources d’appui.
C’est vrai au niveau mondial et au niveau local. La CITES,
comme les autres traités mondiaux de l’environnement, adopte
nécessairement une approche élargie qui est tout
particulièrement visible dans les efforts qu’elle consent pour
promouvoir l’harmonisation, la normalisation et la
communication au niveau régional.
Une bonne gestion fait de bons voisins
Malan Lindeque
Les approches régionales – sensées mais rares
Du point de vue de l’environnement, harmoniser les
politiques de conservation et les régimes de gestion des
espèces partagées par plusieurs pays tombe sous le sens.
Il existe aujourd’hui plusieurs accords bilatéraux et
multilatéraux de conservation et de gestion des ressources marines, notamment ceux qui ont été élaborés sous
les auspices de la Convention sur les espèces migratrices (CMS). Ces approches régionales ont généralement
en commun un cadre juridique et des dispositions institutionnelles, des consultations régulières, le financement, le suivi et le respect des obligations. La CITES ne
comprend pas seulement tous ces éléments mais
dispose d’une force supplémentaire incarnée par des
mesures telles que des sanctions commerciales pour
garantir un meilleur respect de ses dispositions.
Malgré les avantages apparents de la CITES du point
de vue de la gestion du commerce et de l’exploitation
de populations partagées, la gestion régionale est encore
peu fréquente sous l’égide de la Convention. Une exception remarquable cependant est l’accord signé entre
plusieurs pays d’Amérique du Sud en ce qui concerne
la conservation de la vigogne (Convenio para la Conservación y Manejo de la Vicuña).
Les cas sont, malheureusement, beaucoup plus
nombreux où des espèces inscrites à la CITES sont
soumises à des politiques de conservation et de gestion
nationales éventuellement en contradiction et parfois
Planète Conservation 3/2002
WWF-CANON/HARTMUT JUNGIUS
Une bonne partie du commerce international des espèces inscrites à la CITES concerne des populations
présentes de part et d’autre de frontières nationales. Et
pourtant, la CITES a toujours été administrée au niveau
national.
Naturellement, les espèces sauvages ne connaissent
pas les frontières géopolitiques. Il semble donc logique,
dans le cas de populations partagées, que l’application
de la CITES puisse être plus avantageuse au niveau régional qu’au niveau national. Sans compter que l’on peut
ainsi mettre plus efficacement à profit des ressources
humaines et financières limitées, conjuguer les savoirfaire scientifiques et socio-économiques dans l’intérêt
de décisions plus informées sur l’utilisation possible des
espèces concernées et élaborer des politiques de gestion
régionales adaptées aux caractéristiques écologiques et
biologiques des ressources.
Rare exemple de gestion régionale de populations partagées : l’accord entre
plusieurs pays d’Amérique du Sud pour gérer le commerce et l’exploitation de la
vigogne Vicugna vicugna.
clairement incompatibles dans les différents pays où
elles se trouvent. En conséquence, un des plus grands
défis, pour la CITES, consiste à élaborer des mécanismes efficaces garantissant la collaboration entre les pays
qui commercialisent des produits d’espèces sauvages
dont ils partagent des populations.
Oublier le charisme
À la CITES, certains des débats les plus épineux portent
sur les populations partagées de ces espèces dites
« charismatiques » comme les éléphants, les baleines et
les tortues marines pour lesquelles les attentes diffèrent
quant aux moyens les plus efficaces d’assurer la conservation et la gestion. La Convention ne peut pas nécessairement contribuer à la mise en place de régimes de
gestion harmonisés pour ces espèces, en particulier lorsqu’elles sont largement distribuées dans un grand
nombre de pays.
Cependant, en instituant le processus des Dialogues
(voir encadré, page 5), la Convention a permis d’améliorer la connaissance de questions de conservation à
la fois mondiales et locales et a encouragé des décisions
de gestion régionales, adoptées en coopération, pour
des ressources partagées. Des Dialogues ont eu lieu entre
les États de l’aire de répartition de l’éléphant d’Afrique
27
WWF-CANON/MARTIN HARVEY
L’éléphant d’Afrique Loxodonta africana a bénéficié d’un processus de Dialogue
entre les États de l’aire de répartition.
WWF-CANON/MICHEL GUNTHER
Loxondota africana et plus récemment,
entre les États de l’aire de répartition de
la tortue imbriquée Eretmochelys imbricata, dans les Grandes Antilles. Toutefois, ces dialogues n’ont pas encore
abouti à la négociation d’accords régionaux à long terme.
L’Étude du commerce important
(voir encadré page 5) est un exemple
différent du rôle que la CITES peut jouer
dans la promotion d’une coopération
régionale plus efficace. À l’issue de ce
processus, si l’on juge que le niveau du
commerce risque de mettre en péril la
survie de l’espèce, les comités techniques ou le Comité permanent
peuvent faire des recommandations
La gestion régionale n’a pas encore
pour améliorer l’application de la CITES
réussi à protéger le perroquet jaco
dans l’État de l’aire de répartition
mais le processus d’étude du
concerné. En cas de non-respect, le
commerce important devrait aider.
Comité permanent peut même recommander une suspension du commerce. Celle-ci est une
incitation forte qui encourage les Parties contractantes
à prendre des mesures correctives et, aussi surprenant
que cela puisse paraître, en cette époque d’opposition
à des mécanismes internationaux contraignants, les
Parties à la CITES n’ont cessé de soutenir et de renforcer le processus d’Étude du commerce important.
Une approche globale
Avant que son potentiel pour l’amélioration de la gestion
régionale ne soit reconnu, le processus d’Étude du
commerce important n’avait pas particulièrement bien
réussi à améliorer la gestion de populations d’espèces
partagées telles que le perroquet jaco Psittacus erithacus ou le strombe géant Strombus gigas. Pour y remédier, le processus d’Étude du commerce important
devrait se concentrer sur la promotion d’incitations pour
encourager des accords institutionnels communs ; pour
entreprendre des études scientifiques communes
comprenant une évaluation, un suivi et un échange d’information ; pour décider conjointement du niveau de
prélèvement et d’exploitation ; et pour collaborer à l’élaboration de contrôles et au respect de la CITES. Tout
28
cela devrait, de préférence, être inscrit dans des accords
à long terme entre les pays concernés.
Les recommandations récentes des comités sur la
conservation de l’esturgeon et la gestion du commerce
des pêcheries de la mer Noire, du fleuve Amour et de la
mer Caspienne sont un exemple de cette approche
régionale plus globale. Dans le cas des populations d’esturgeons de la Caspienne, le Comité permanent a facilité un pacte sans précédent (l’Accord de Paris). Cet
accord comprend un programme d’action détaillé à
exécuter par les États de l’aire de répartition de l’esturgeon de la mer Caspienne en matière d’évaluation de
l’état, fixation des quotas, suivi, application des lois,
réglementation du commerce, reconstitution des populations, marquage des spécimens faisant l’objet de
commerce, identification génétique des populations,
production ex situ, etc.
Dans le cadre de cet accord, la communication régionale s’est nettement améliorée, la coopération et la prise
de décision ont gagné en transparence et il semble
même que les organes de gestion CITES aient amélioré
leur collaboration avec d’autres secteurs du gouvernement. Il faut souhaiter qu’une approche semblable
puisse un jour être appliquée à des espèces telles que le
strombe dans la région des Caraïbes, le perroquet jaco
et autres espèces de psittacidés en Afrique de l’Ouest et
Afrique centrale, le saïga Saïga tatarica en Asie centrale,
pour établir des systèmes de gestion harmonisés comme
base du commerce international.
Malan Lindeque est Chef de l’Unité
« appui scientifique », Secrétariat CITES.
Groupements régionaux :
l’expérience de l’UE
Christoph Bail
La plupart des accords internationaux sur l’environnement contiennent des dispositions qui permettent à des
organisations d’intégration économique régionale telles
que la Communauté européenne de devenir parties à
part entière à ces accords. La Communauté est partie à
environ 40 accords multilatéraux sur l’environnement, y
compris la Convention sur la diversité biologique (CDB).
Toutefois, lorsque la CITES est entrée en vigueur en
1973, ce cas de figure n’était pas envisagé.
L’un des principaux marchés mondiaux pour les espèces sauvages, l’Union européenne assume cependant
ses responsabilités en matière de commerce durable des
produits des espèces sauvages. Elle a mis en œuvre la
Convention dans chacun des États membres depuis
1984, alors même que tous les États membres n’étaient
pas Parties à la CITES. Avec la ratification de l’Irlande,
cette année, tous les États membres de l’Union sont
désormais Parties à la CITES.
Plus sévères que la CITES
La législation de l’Union européenne comprend des
dispositions qui sont encore plus sévères que celles de la
CITES et qui ont influencé l’évolution de la Convention.
Planète Conservation 3/2002
Le processus d’Étude du commerce important (voir p. 5),
par exemple, s’appuyait sur la législation de l’UE.
En 1983, à la 4e session de la CdP de la CITES à Gaborone, au Botswana, la Convention a été amendée pour
permettre l’adhésion d’organisations d’intégration
économique régionale mais pour que l’amendement
entre en vigueur, 54 Parties doivent le ratifier et à ce jour
40 seulement l’ont fait.
L’adhésion de la Communauté européenne à la CITES
serait un avantage pour la Convention car elle apporterait
une responsabilisation plus grande, un meilleur accès et
des avantages financiers. Les États membres de l’UE versent
déjà 35 % du total des contributions annuelles. La Commission européenne finance des projets tels que MIKE (voir
p. 13) et le dialogue sur la tortue imbriquée. Le statut de
Partie serait une base plus solide pour ces dépenses.
La Communauté européenne est fermement décidée à obtenir son statut de membre de la CITES car elle
est convaincue que la conservation de la nature en sera
le principal bénéficiaire et souhaite devenir Partie dès
que possible.
Christoph Bail est Chef de l’Unité E3 « Développement
et Environnement ; Méditerranée », Direction générale
de l’environnement, Commission européenne.
WWF-CANON/JUAN PRATGINESTOS
PERSPECTIVES RÉGIONALES
La Commission européenne a aidé à financer le Dialogue CITES sur la tortue
imbriquée dans la région des Grandes Antilles et soutient des projets tels que
MIKE (voir page 13). En devenant Partie, elle pourrait mieux justifier ses dépenses.
Photo : tortue imbriquée Eretmochelys imbricata à Praia do Forte, Bahia, Brésil.
Amérique centrale : parler d’une seule voix
Mauricio Castro Salazar
L’Amérique centrale est une région « méga-diverse » où
l’on trouve environ 7 % de toute la diversité biologique
de la planète dans une région qui ne couvre même pas
1 % des terres émergées de cette même planète. Une
région possédant une diversité biologique aussi extraordinaire doit être préparée à la conserver, à la comprendre et à l’utiliser rationnellement comme s’y sont
engagés les sept chefs d’État qui ont signé la Alianza
Centroamericana para el Desarrollo Sostenible (ALIDES),
en 1994.
L’Amérique centrale est un exemple de la volonté de
faire face aux enjeux du nouveau millénaire. Au moment
même où cette région négociait la paix, après une
période de conflits militaires qui a culminé avec le Plan
de paix d’Esquipulas, elle discutait des moyens de gérer
ses écosystèmes et d’harmoniser les politiques et les
législations de l’environnement des différents pays. C’est
ainsi qu’est née, en 1989, la Comisión Centroamericana
de Ambiente y Desarrollo (CCAD) dans le but d’instaurer un programme d’intégration du développement
durable dans la région.
Trouver le consensus
Les sept pays d’Amérique centrale sont de plus en plus
déterminés à parler d’une seule voix et à présenter une
position unifiée dans le concert des nations. Par décision unanime du Conseil des ministres, la position de
l’Amérique centrale doit être forgée par consensus et en
collaboration avec la société civile centro-américaine,
rassemblée dans le forum permanent de la société civile
de la CCAD.
Cette voix est celle du Président pro tempore, un
poste dont le titulaire change tous les six mois, selon
Planète Conservation 3/2002
une rotation géographique, en même temps que celui
de Président du Sistema para la integración Centroamericana.
Récemment, la CCAD et l’UICN, par le truchement
de son Programme pour le droit de l’environnement et
du Bureau régional pour la Méso-Amérique, ont signé
un accord de renforcement de certains des comités techniques de la CCAD ; le Comité CITES sera parmi ceux
qui bénéficieront de cet accord. Le but est de maintenir
les membres du comité (un par pays plus deux représentants de la société civile) informés en permanence
des affaires de la Convention ainsi que des types et
tendances des positions adoptées pour les sessions de
la Conférence des Parties.
Après quelques séances de travail longues et intenses, l’Amérique centrale est en train de donner effet à
un permis régional unifié pour le commerce d’espèces
autorisées et a récemment conclu des études d’inventaire des forêts d’acajous et des colonies de tortues.
Richesse et responsabilité
La richesse de l’Amérique centrale réside dans sa diversité et dans le grand nombre d’espèces de plantes et
d’animaux endémiques qu’elle possède. Conscients de
la responsabilité que cela représente, les États d’Amérique centrale se sont engagés à prendre des mesures
fermes d’application de la CITES.
La prochaine CdP de la CITES sera, pour l’Amérique
centrale, une nouvelle occasion de parler au monde
d’une seule voix, cette fois-ci avec les conseils de l’UICN.
Mauricio Castro Salazar est Secrétaire exécutif de la
Comisión Centroamericana de Ambiente y Desarrollo.
29
Réflexion
sur
La CITES est considérée comme une convention
efficace. On parle cependant beaucoup de
changements et d’améliorations, peut-être parce
qu’une des forces de la Convention est sa faculté
d’adaptation. Mais change-t-elle assez vite
pour rester en contact avec la réalité en cette
époque de transformations sociales et
environnementales accélérées ?
l’avenir
Choisir la meilleure voie
Steven Broad
toute une gamme de mesures complémentaires adoptées au moyen de résolutions et de décisions.
Parmi les remèdes multilatéraux apportés aux problèmes de conservation des espèces sauvages, la CITES est
souvent considérée comme très efficace, son incidence
n’étant limitée que par la volonté des pays membres de
mettre en œuvre et d’appliquer ses dispositions.
Ses détracteurs, en revanche, prétendent que les dispositions et les méthodes de la CITES s’appuient sur des
hypothèses relatives aux menaces pour la conservation
et aux motivations pour le changement erronées et
démodées et qu’elle est, au mieux, inefficace et exacerbe
parfois même les problèmes qu’elle prétend résoudre.
Il peut y avoir du vrai dans les deux points de vue. Les
forces de la CITES tiennent au fait que presque tous les
États en sont membres, à son objectif précis et à la
volonté des Parties de prendre des décisions qui les lient,
aux connaissances accumulées depuis plus de 25 ans
de pratique, et au fait qu’elle ne rejette pas les opinions
et l’aide de la société civile (à la différence de tant d’autres forums multilatéraux). Elles tiennent aussi au rôle
énergique que joue son Secrétariat, à sa résilience apparente dans un climat politique où les barrières non tarifaires au commerce (aussi justifiées soient-elles) sont
généralement vues d’un mauvais œil et à la volonté des
Parties de toujours améliorer la panoplie d’outils réglementaires plutôt rudimentaires de la Convention par
Quelques faiblesses
Les faiblesses de la CITES se trouvent :
➤ dans la perspective étroite du processus décisionnel
(les menaces générales pesant sur la conservation et
les dynamiques socio-économiques recevant généralement peu d’attention) ;
➤ dans son échec à internaliser le suivi et l’évaluation
des effets de ses mesures commerciales ;
➤ dans l’absence de mécanismes financiers pour investir dans la mise en œuvre et l’application ;
➤ dans la quantité peu ordinaire de temps que les
Parties passent à discuter d’une petite minorité
d’espèces (la plupart d’entre elles étant de grands
mammifères gris) ;
➤ dans les limites inévitables du texte de la Convention
écrit il y a 30 ans, dans la réticence des Parties à appliquer des mesures réglementaires qui ont fait leurs
preuves au secteur commercial des ressources naturelles telles que la pêche et le bois ; et
➤ dans son isolement par rapport à d’autres institutions
multilatérales qui, souvent, jouent un rôle important
dans l’utilisation durable de la diversité biologique.
WWF-CANON/HARTMUT JUNGIUS
Aller de l’avant
Et nous ? La CITES est parfois critiquée pour passer trop de temps à discuter des
« grands mammifères gris » et pas assez des espèces plus petites et moins
populaires. Ici : l’apollon Parnassius apollo (Annexe II) du Caucase oriental,
Géorgie.
30
Comment donc aller de l’avant ? En continuant à presser
la CITES telle qu’elle est aujourd’hui pour en tirer les
meilleurs résultats possibles ? En jetant la CITES à la
corbeille et en rédigeant un nouveau traité sur le
commerce des espèces sauvages ? En faisant de la CITES
un protocole de la Convention sur la diversité biologique
et en la relaçant, en conséquence, dans le contexte plus
général de la conservation et du développement durable?
Aucune de ces voies n’est à préférer. La première
semble sûre mais n’offre aucun remède clair aux
nombreuses faiblesses mentionnées plus haut ; les deux
autres pourraient rencontrer des obstacles insurmontables issus du processus de réécriture. Le dernier amendement, relativement mineur, apporté au texte de la
CITES en 1983 n’est toujours pas en vigueur, près de 20
ans plus tard, trop peu de Parties l’ayant ratifié.
Quelle que soit la voie choisie – elle pourrait d’ailleurs
comprendre des éléments des trois options – il est urgent
que les gouvernements rationalisent l’approche à la
conservation et au développement durable qu’ils poursuivent dans différents forums multilatéraux. Il ne s’agit
Planète Conservation 3/2002
RÉFLEXION SUR L’AVENIR
pas de juger quelle institution est plus importante ou
travaille mieux. Les problèmes de conservation fondamentaux qui ont conduit à l’adoption de la CITES et
beaucoup de ses dispositions réglementaires spécifiques
sont aussi importants aujourd’hui qu’au début des
années 1970 lorsque la Convention est née.
Cependant, pour réussir à long terme, la coopération, l’énergie et l’ambition démontrées dans le forum
de la CITES doivent s’appliquer, à l’avenir, dans un milieu
de travail où est reconnue la place de la surexploitation,
parmi d’autres causes générales de disparition de la
diversité biologique, où sont appliquées des méthodes
réglementaires adaptatives dans le contexte d’autres
stratégies de conservation, où des stratégies avisées en
matière de conservation et d’économie ne sont pas
entravées par la peur du conflit avec l’OMC et où les
décisions reflètent des objectifs de développement durable plus généraux ainsi que les facteurs socio-économiques qui, inévitablement, déterminent leur efficacité.
Steven Broad est Directeur exécutif
de TRAFFIC International.
Le suivi du commerce au 21e siècle
Pour le fonctionnaire gouvernemental stressé qui cherche à déterminer la taxonomie de la dernière espèce
proposée pour l’exportation et pour le fonctionnaire des
douanes tout aussi stressé qui réceptionne l’espèce à sa
destination finale, le suivi du commerce CITES est un défi.
Et pourtant ce processus est l’essence même de la
CITES car il aide les Parties à évaluer la légalité et la durabilité du commerce des spécimens.
Depuis que la Convention est entrée en vigueur, il y
a 27 ans, plus de cinq millions de déclarations ont été
versées dans la base de données de la CITES sur le
commerce, fournies par des rapports nationaux laborieusement établis à partir de certificats de papier (voir
page 13). Le commerce déclaré à la CITES continue
d’augmenter à mesure que de nouvelles espèces sont
inscrites aux annexes et pourrait bientôt monter d’un
cran si des espèces de poissons marins d’importance
commerciale sont inscrites.
Le volume croissant du commerce d’un nombre de
plus en plus grand d’espèces impose un fardeau énorme
en matière de collecte de données tandis que la ponctualité et la précision limitées des données commerciales entravent le processus décisionnel.
Instrument décisionnel
Ces données commerciales ne constituent pas simplement un relevé historique, elles sont un outil important
qui oriente la politique de la conservation et du
commerce des espèces sauvages et aide à formuler des
décisions relatives à la gestion des ressources.
Rassembler les rapports avec célérité et exactitude et
mettre les données qui en résultent dans les mains des
décideurs politiques et des gestionnaires des ressources
sont des priorités pour la CITES. Heureusement, le succès
et l’omniprésence d’Internet au 21e siècle nous donnent
la possibilité de le faire.
Cependant un système de suivi est aussi bon que l’information sur laquelle il repose. Construire la capacité technique du suivi du commerce va de pair avec l’amélioration
des processus décisionnels qui régissent le commerce.
Inutile de rassembler à temps des informations inexactes!
Alors, comment améliorer nos performances ?
Plus vite, plus juste, plus malin
La réponse tient peut-être dans la modification des
moyens de publication et de traitement des documents.
Planète Conservation 3/2002
CITES/GER VAN VLIET
Stephen V. Nash
Des plantes dans une pépinière proche de Rio de Janeiro sont préparées pour
l’envoi. Il est difficile d’obtenir des statistiques commerciales précises : il faut pour
cela des procédures normalisées et une bonne connaissance de la taxonomie.
Des données relatives aux permis, saisies dans une base de
données électronique commune avant qu’un permis soit
émis ou au moment de l’émission, pourraient fournir des
informations plus ponctuelles sur le commerce autorisé.
Cette base de données centrale sur les permis pourrait aussi permettre d’émettre des documents directement par Internet. Cela contribuerait en outre à
normaliser les formulaires et le contenu et à éviter des
erreurs typographiques.
Certes, l’idée d’une base de données centrale soulève
des problèmes de sécurité, de confidentialité et de souveraineté mais l’idée n’exige pas plus de technologie que
le commerce électronique ou les opérations bancaires
en ligne qui sont tous deux de plus en plus communs.
Ce système fournirait des données d’après les documents émis. Toutefois, il se peut que, pour différentes
raisons, le nombre de spécimens et les quantités commercialisées soient inférieurs aux nombres et quantités portés
sur l’autorisation d’origine. Il sera donc nécessaire de
rassembler des informations sur le commerce réel luimême, sur les exportations et sur les importations.
31
RÉFLEXION SUR L’AVENIR
La « capture » électronique directe des données et leur
centralisation pourraient aussi éliminer la nécessité de
préparer des rapports annuels distincts ce qui aiderait à
soulager le fardeau croissant des obligations de rapports
dans le cadre d’un nombre croissant de traités et d’engagements internationaux. Cela pourrait aussi réduire
ou éliminer la nécessité du marquage ou de l’étiquetage
ou de la certification supplémentaire.
L’avenir des permis ?
On pourrait, par exemple transformer les données
des documents en codes barres lisibles à la machine, un
système déjà largement utilisé (par exemple pour le suivi
à l’échelle du globe des envois des entreprises commerciales de messagerie). Les données pourraient être
rassemblées sous forme électronique, à la sortie et à l’entrée, par les autorités douanières avec un équipement,
un logiciel et une formation relativement minimes, puis
transmises à une base de données centrale.
Nouvelles possibilités
Ces idées étaient inimaginables lorsque la CITES est
entrée en vigueur en 1975 mais tout a changé depuis.
Avec l’émergence d’Internet, la possibilité de coordonner l’émission de documents à l’échelle mondiale et de
fournir un accès exact, ponctuel et facile aux données
commerciales n’est pas si loin.
Vingt-sept ans de mise en œuvre de la CITES ont
démontré qu’un système de permis pour réglementer
le commerce des ressources sauvages est une approche
avisée qui permet une application cohérente et équitable. Voilà pourquoi la CITES, au 21e siècle, doit et peut
ajouter à son arc la corde du suivi amélioré du
commerce.
Image d’ensemble
Le résultat final serait une information mondiale à jour
sur le commerce potentiel et réel, mise à la disposition
des décideurs politiques et des gestionnaires des ressources. Ce serait tout particulièrement utile pour gérer des
ressources partagées entre plusieurs pays car il serait
possible de voir et d’analyser l’image d’ensemble avant
de prendre des décisions au niveau national.
Stephen V. Nash est Chef de l’Unité « renforcement
des capacités », Secrétariat CITES.
L’avenir de la CITES : opinion personnelle
Jim Armstrong
WWF-CANON/EDWARD PARKER
C’est en 1994 que l’on m’a interrogé pour la première
fois sur l’avenir de la CITES. La BBC interviewait des
participants à la CdP9, à Fort Lauderdale, juste après la
décision mémorable d’adopter de nouveaux critères
d’inscription des espèces aux annexes de la CITES.
Marché de plantes médicinales à Sao Paulo, Brésil : toutes les plantes médicinales
CITES ont été examinées par l’Autorité scientifique allemande entre 1996 et 1999 (voir
page 17). Grâce à ce processus d’examen rigoureux, associé aux nouveaux critères,
les décisions de la CITES sont désormais fermement ancrées dans la science.
32
J’étais, à l’époque, membre de la délégation australienne et Président du Comité pour les plantes de la
CITES. J’avais présidé le Groupe de travail sur les critères qui avait réussi à forger les détails de la résolution
Conf. 9.24, adoptée par les Parties. Beaucoup de participants avaient la certitude que la nouvelle résolution
sur les critères avait fort peu de chance d’être adoptée :
l’appui unanime à la proposition remaniée fut donc
une véritable surprise. J’ai réalisé à ce moment-là que
la CITES était majeure et qu’elle pouvait enfin prendre
des décisions efficaces fermement ancrées dans la
science.
D’humeur joyeuse, tandis que les hauts parleurs diffusaient « I see trees of green… » chanté par mon homonyme, Louis Armstrong, je me suis lancé dans une
apologie de la CITES. J’ai même suggéré que c’était le
plus efficace de tous les instruments internationaux de
l’environnement œuvrant pour conserver les ressources biologiques de la planète. L’avenir de la CITES repose
sur sa faculté d’évoluer pour lutter contre les menaces,
toujours nouvelles, qui pèsent sur ces ressources.
Quelques années plus tard, en 1996, j’entrais au Secrétariat de la CITES. Certes, je vois aujourd’hui la Convention d’un point de vue totalement différent mais mon
enthousiasme n’a jamais faibli.
Mais la CITES a-t-elle un avenir dans le nouveau
millénaire ? Peut-elle continuer d’évoluer pour s’attaquer aux menaces nouvelles et multiformes auxquelles
font face la faune et la flore sauvages de la planète ?
Planète Conservation 3/2002
USFWS/JOHN ET KAREN HOLLINGSWORTH
Inspectrice du US Fish and Wildlife Service examinant des produits saisis de la faune sauvage.
La seule réponse ; c’est un oui catégorique ! Mais il
faut comprendre le chemin construit par la CITES depuis
29 ans afin de mieux voir le chemin qu’elle emprunte
aujourd’hui ou la direction que nous souhaiterions
qu’elle prenne dans le nouveau millénaire.
Un malentendu
Penser que la CITES réglemente uniquement le commerce
des espèces menacées d’extinction est un malentendu. Les
espèces inscrites aux Annexes II et III de la CITES ne sont
pas menacées d’extinction mais pourraient le devenir si
leur commerce international n’était pas réglementé. En
conséquence, la CITES réglemente le commerce des espèces importantes pour la conservation.
L’expression « menacées d’extinction » est bien
inscrite dans le titre du traité : c’est la source du malentendu. D’un point de vue pratique, il ne serait pas opportun de changer le nom de la Convention mais ce nom
est un des grands obstacles sur lesquels achoppe la
communauté du commerce – il est difficile aux commerçants d’adopter la CITES en tant qu’instrument de
marketing pour certifier que les spécimens de l’Annexe II
dont ils font le commerce ont été prélevés de manière
durable.
Et c’est là l’un des plus grands défis pour la CITES
dans les années qui viennent : à savoir comment obtenir l’appui de la communauté du commerce pour faire
en sorte que les espèces CITES soumises à un commerce
important soient gérées de manière durable.
La durabilité est-elle l’affaire de la CITES ?
La question de la durabilité a une histoire mouvementée à la CITES. Étant donné que l’expression « utilisation durable » n’est pas mentionnée dans le texte de la
Convention, certains prétendent qu’à l’inverse des
conventions de Rio, comme la Convention sur la diversité biologique, la CITES n’a jamais été conçue comme
un instrument de l’utilisation durable.
Je ne suis pas d’accord.
Planète Conservation 3/2002
Il faut se rappeler que la CITES est née bien avant le
concept de développement durable. L’Article IV de la
Convention prévoit que l’exportation de tout spécimen
d’une espèce inscrite à l’Annexe II ne pourra avoir lieu
que lorsque l’autorité scientifique de l’État d’exportation aura émis l’avis que cette exportation « ne nuit pas
à la survie de l’espèce » (voir page 4).
Cette phrase exprime l’essence du concept de l’utilisation durable et que la CITES a appliqué bien avant
que l’idée même de durabilité ne soit conçue.
Jusqu’à présent, la Convention n’a pas réussi à
promouvoir efficacement ce principe mais je suis
convaincu que l’importance de cette idée deviendra
l’une de ses forces principales dans les années à venir.
La plupart des quelque 30000 espèces dont le commerce
est réglementé par la CITES sont inscrites à l’Annexe II
et c’est ce facteur qui fait de la CITES un instrument efficace du développement durable. L’Article IV est une
pierre angulaire de la Convention. Appliquées correctement par le pays exportateur, les dispositions de l’Article IV de la CITES se résument, tout simplement, à une
certification de la durabilité !
De nouvelles forces
Quelles seront les autres forces que développera la CITES
dans le nouveau millénaire? Je vois des progrès évidents :
Fort heureusement, la distinction historique entre les
animaux et les plantes dans la Convention est en train
de disparaître. Bien qu’ils soient traités séparément dans
différentes résolutions et décisions de la CITES, il n’y a
aucune raison pratique, par exemple, de traiter séparément les « animaux élevés en captivité » et les « plantes
reproduites artificiellement ». Cette pratique est inutilement redondante et ne fait que perpétuer le mythe qui
veut qu’il s’agisse d’entités biologiques totalement différentes nécessitant des procédures séparées ou biologiquement différentes à la CITES. Heureusement, ce
stéréotype a été rejeté dans les nouveaux critères
33
RÉFLEXION SUR L’AVENIR
La Convention a le pouvoir de sanctionner une application inefficace et c’est une de ses grandes forces. Avec
la mise en place des nouveaux Comités scientifique et technique, il y aura une nouvelle synergie à la Convention entre
la politique et la science, ce qui est fondamental pour
garantir une gestion efficace des ressources naturelles.
L’intégration de la science et des mesures d’application a déjà commencé et la tendance se renforcera à
mesure que progressera et mûrira le programme de la
Convention pour le développement durable.
La force actuelle du processus d’Étude du
commerce important sera encore consolidée dans le
nouveau millénaire. Des innovations telles que la mise
en place d’études nationales (comme c’est le cas depuis
Quelques instruments économiques en mesure de
promouvoir la conservation des espèces de l’Annexe I
Attribution de droits de propriété et d’usage bien définis. Les
braconniers qui prélèvent des espèces inscrites à l’Annexe I dans des
conditions d’accès ouvert à tous peuvent gagner beaucoup d’argent
avec un investissement minimum. La marge de profit peut être si élevée
que l’effort consenti pour échapper aux contrôles de lutte contre la fraude
est négligeable. L’attribution de droits de propriété peut aider à optimiser les efforts d’application en incitant les propriétaires des ressources
(c’est-à-dire les communautés locales ou le secteur privé) à protéger
« leurs » ressources. Toutefois, si elles sont discriminatoires et mal
conçues, les incitations pourraient avoir des incidences négatives sur
l’accès au marché ou réduire le bien-être économique.
Utilisation de populations sauvages gérées. Il s’agit peut-être là de
l’approche la plus chargée de promesses pour la conservation in situ
d’espèces inscrites à l’Annexe I à condition qu’elle s’accompagne d’une
gestion améliorée pour la conservation. Le revenu pour la conservation
pourrait être généré par la vente à des fins non commerciales de droits
d’élevage ou de droits de chasse. Toutefois, les avantages pour les populations locales dépendraient de la possibilité d’ouvrir des avenues pour
les transactions à des fins non commerciales.
Écotourisme. Pour que l’écotourisme réussisse, les gouvernements
doivent trouver des moyens de consacrer le revenu du tourisme aux
programmes de conservation des espèces sauvages et au bien-être des
communautés locales par la création d’emplois, par des droits de
compensation et des programmes de services sociaux. Actuellement,
une grande partie du revenu reste dans les mains de l’agent de tourisme,
en dehors du pays.
Élevage en captivité. La plupart de ces établissements se trouvent dans
les pays consommateurs et rarement dans les pays de l’aire de répartition. Afin de contribuer davantage à la conservation in situ, il faut que les
populations locales des États de l’aire de répartition y participent.
Juan Carlos Vasquez, juriste chargé de la politique commerciale,
législation et respect de la Convention, Secrétariat CITES.
34
UICN/WENDY STRAHM
d’inscription qui appliquent une approche scientifique
unifiée aux ressources biologiques de la planète.
J’ai la conviction que nous verrons bientôt une fusion
du Comité pour les animaux et du Comité pour les plantes qui deviendront un Comité scientifique CITES unifié,
chargé de fournir des avis scientifiques objectifs aux Parties
à la CITES. Pour compléter cette nouvelle approche, la
mise en œuvre de la CITES devrait être coordonnée dans
le cadre d’un nouveau Comité technique CITES dont la
mission serait d’aider les Parties pour les questions d’application et de respect qui sont aujourd’hui, à tort, confiées
aux Comités pour les animaux et pour les plantes.
Les restrictions au commerce peuvent encourager l’élevage
en captivité ex situ mais n’apportent pas d’avantages aux
États de l’aire de répartition tandis que les dispositions de
la CITES sur l’élevage en ranch encouragent la conservation
in situ. Photo : espèces de cactus nord-américaines
cultivées en pépinière aux îles Canaries, en vente dans un
magasin hors taxe de Gran Canaria.
peu pour Madagascar), et les programmes régionaux
très réussis – comme pour les esturgeons de la mer
Caspienne (voir page 25) – ont montré à quel point des
questions de conservation fondamentales peuvent être
traitées efficacement par la CITES.
Naturellement, ces approches novatrices seront plus
largement appliquées par la Convention lorsque leur
succès sera plus largement apprécié.
Les dispositions de la CITES concernant l’élevage
en ranch seront reconnues comme l’une des mesures
les plus originales visant à améliorer la conservation in
situ des espèces inscrites à la CITES. Le problème est
que l’élevage en ranch n’est vu par la CITES que comme
une mesure permettant de faciliter le transfert d’une
espèce animale de l’Annexe I à l’Annexe II alors qu’il
pourrait, en fait, devenir un système de gestion durable
des espèces qui sont déjà à l’Annexe II.
Les dispositions relatives à l’élevage en ranch sont
applicables aux plantes et comme le rôle des spécimens
reproduits artificiellement pour la conservation est
limité, les Parties à la CITES devraient être encouragées
à établir des programmes efficaces d’élevage en ranch
pour garantir le développement durable des ressources
biologiques qu’elles gèrent.
Un avenir vert
La CITES ne remplira son programme pour le développement durable que lorsqu’elle réussira à intégrer totalement ses initiatives originales de biocommerce avec
les objectifs louables de la conservation durable, du
développement économique et du bien-être social.
C’est la voie qui s’ouvre à la CITES dans le
nouveau millénaire. C’est la voie que tous les accords multilatéraux sur l’environnement tentent de prendre. J’aimerais croire que la CITES sera le premier à y parvenir !
« I see trees of green… »
Jim Armstrong est Secrétaire général adjoint,
Secrétariat CITES.
Planète Conservation 3/2002
RÉFLEXION SUR L’AVENIR
Entre le cœur et la raison
Achim Steiner
WWF-CANON/MARTIN HARVEY
Tandis que beaucoup d’entre nous revenaient
fourbus et contents de Johannesburg, une
petite équipe du personnel de l’UICN et de
TRAFFIC et des experts bénévoles se pressaient pour respecter un délai important. Les
Analyses des propositions d’amendement aux
annexes de la CITES devaient être prêtes pour
la 12e session de la Conférence des Parties à
la CITES.
Le résultat de leurs efforts nous a fait réaliser que pendant que nous cherchions à
influencer le débat dans un sommet international, la tâche minutieuse et cruciale de
l’Union, sur laquelle notre réputation est
assise, se poursuivait comme toujours.
Les Analyses sont l’un des services les plus
importants que l’UICN rend à la communauté
de l’environnement : la fourniture d’évaluations objectives, scientifiquement rigoureuses et fiables de l’état des ressources naturelles
pour sous-tendre des décisions importantes
prises par la communauté de la conservation.
Le travail d’évaluation de l’UICN ne laisse rien
au hasard, ni les espèces, ni les écosystèmes, Ces rhinocéros noirs Diceros bicornis sont gardés 24 heures sur 24 par des gardes armés qui
ni les politiques des autorités qui sont char- les protègent des braconniers. La conservation de la faune sauvage se justifie sur le plan
écologique, économique et éthique.
gées de leur protection et de leur gestion. Un
autre exemple qui vient rapidement à l’esprit est notre
engagés, même si c’est à contrecœur, à réduire l’érosion
évaluation annuelle des propositions d’inscription de
de la diversité biologique. « Le terrain d’entente » c’est
biens du patrimoine mondial présentées à l’UNESCO.
là où l’UICN travaille, là où la conservation de la diverC’est un service que l’Union est fière de proposer.
sité biologique se trouve. C’est, en fin de compte, notre
Certains de nos détracteurs, toutefois, pourraient y voir
raison d’être.
la preuve de la « double personnalité » de l’UICN : d’un
Les Parties à la CITES qui se retrouveront à Santiago
côté, l’autorité analytique et de l’autre, la défense passionen novembre, se livreront elles aussi à leur gymnastique
née de la conservation de la biodiversité reprise en écho
traditionnelle qui consiste à trouver un équilibre entre des
par le bénévolat généreux de nos réseaux d’experts et les
intérêts concurrents. Mais la CITES change, comme on le
campagnes infatigables de beaucoup de nos membres.
voit tout au long des articles qui précèdent. Son influence
Mais je répondrais qu’il n’y a pas de coupure au milieu
s’élargit, son champ d’action et ses activités sont en expande l’Union, et que nous ne sommes non plus à cheval sur
sion. Toutes les conventions de la conservation sont
une clôture entre deux mondes. En fait, nous sommes une
placées devant le même enjeu, à savoir abandonner l’obpasserelle entre le cœur et la raison de la conservation.
jectif étroit qui leur a été assigné en un temps où les politiques de l’environnement étaient bien différentes.
Trouver un terrain d’entente
Si la CITES est à la croisée des chemins, elle n’est pas
Pour en revenir à la CITES : notre analyse sans complaitoute seule. Tandis que nous nous acheminons vers de
sance des mérites des propositions ne dément en rien
nouvelles négociations critiques sur la libéralisation du
notre souci de sauver des espèces, qu’elles soient menacommerce dans le cadre de l’agenda de Doha, les spéciacées ou non par le commerce.
listes de l’environnement, avec les activistes du déveMais pour sauver des espèces, les bonnes intentions
loppement social, sont prêts à jouer un rôle plus actif à
et les convictions ferventes ne suffisent pas; il faut toutes
la table des négociations internationales.
les facultés de raisonnement clair, toutes les connaisLa conservation est placée devant le défi d’élaborer
sances solides et toutes les données fiables que nous
des réponses stratégiques et des propositions de fond
sommes en mesure de réunir.
pour le débat mondial sur le commerce. La CITES était
Un des rôles les plus importants de l’Union est celui de
à l’origine une idée, elle est devenue une convention
courtier honnête entre ceux dont les activités pourraient
mondiale avec 160 Parties signataires. Nous avons besoin
menacer la nature – pour le profit ou pour la subsistance –
de la même créativité et de la même ambition si nous
et ceux dont le principal souci est la crise mondiale de l’exvoulons marquer de notre empreinte le commerce et le
tinction sans précédent à laquelle nous devons faire face.
développement durable de l’avenir.
À Johannesburg, les grands de ce monde se sont engagés à établir des partenariats dont l’une des clés est le
terrain d’entente qu’il faudra trouver. Ils se sont aussi
Achim Steiner est Directeur général de l’UICN.
Planète Conservation 3/2002
35
PUBLICATIONS
Guide CITES
Le Guide CITES a pour objectif de fournir aux Parties
à la CITES, entre autres, les principaux textes d’application de la CITES en un seul ouvrage de référence. Il
comprend le texte de la Convention, les annexes, les
modèles de permis d’exportation/importation et de
certificats de réexportation et les résolutions et décisions de la 11e session de la Conférence des Parties.
ISBN 2-88323-009-9,2001; 295 x 210 mm, 304 p. £25,
USD 37,50. Bons de commande : français no. B1102 ;
anglais no. B1100 ; espagnol no. B1101
The Evolution of CITES,
6e édition, 2001
Willem Wijnstekers
Cette publication décrit l’évolution de la
CITES. Elle commence par les fondamentaux et guide le lecteur à travers la structure complexe. Les dispositions de la
Convention sont clairement mises en
évidence et les nombreuses résolutions et
décisions sont expliquées.
2001 ; 240 x 160 mm, 492 p., photographies couleur ; £20, USD 30 ; bon de
commande no B1130
Liste CITES des espèces
Compilée par le Centre mondial de
surveillance continue de la conservation
de la nature du PNUE.
Cet ouvrage contient des listes alphabétiques des
espèces de la faune et de la flore inscrites aux Annexes I,
II et III de la CITES afin d’aider les organes de gestion
et les autorités scientifiques, les agents des douanes et
tous ceux qui participent à la mise en œuvre et à l’application de la Convention. La liste ne fournit pas seulement les noms scientifiques mais aussi les noms
communs en anglais, espagnol et français.
ISBN 1-899628-17-7, 2001 ; 295 x 210 mm, 335
p. £28, USD 42. Bon de commande no B576. Édition
trilingue (A/E/F)
Manuels d’identification
Ces manuels sont des instruments utiles pour les organes de gestion et les autorités scientifiques, les agents
des douanes et tous ceux qui sont concernés par la mise
en œuvre et l’application de la CITES. Avec des dessins
(noir et blanc), des cartes et des descriptions concises.
Flora : £67, USD 100 (1 classeur). Bons de commande :
français no. B577; anglais no. B579; espagnol : no. B578.
Fauna : français : £360, USD 540 (6 classeurs), bon de
commande no B410 ; anglais £459, USD 825 (8 classeurs), Bon de commande no. B289
The Birds of CITES and How to Identify Them
Johannes Erritzoe ; illustré par Helga Boullet Erritzoe
et l’auteur.
À travers des peintures en couleur et des descriptions concises, ce guide richement illustré permet
d’identifier tous les oiseaux qui se trouvent dans les
annexes CITES.
ISBN 0-7-188-289-1-5, 1993 ; 300 x 210 mm, 201
p. £25, USD 37,50 ; bon de commande no B286
CITES Guide to Plants in Trade
Compilé par Sabina Knees et Mike Read, sous la direction de Brian Mathew.
À travers des photographies et des descriptions
générales, ce guide vise à aider les agents des douanes et tous ceux qui participent au contrôle du
commerce des plantes à identifier un certain nombre
de plantes et à renforcer la sensibilisation du grand
public en attirant l’attention sur les espèces en danger.
1994 ; 295 x 210 mm, 216 p. ; £31, USD 46,50 ; bon
de commande B273
Nouveau catalogue
http://www.iucn.org/bookstore
Le Service des publications de l’UICN
distribue les publications CITES.
Consultez
http://www.iucn.org/bookstore/CITESpublications-index.htm
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Le nouveau catalogue des publications de l’UICN est
disponible à l’adresse : books@iucn. org
Planète Conservation 3/2002

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