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SOMMAIRE
6
DOSSIER
caissons hyperbares
Une solide réputation forgée
par un demi-siècle d’hyperbarie
10
INTERVIEW
Dr. Alain Barthélémy
La médecine hyperbare a encore
de beaux jours devant elle
12
voyage
polynésie, la constellation
française du paradis
4&14
NEWS
Directeur de la publication : Michèle Fructus
Rédacteur en chef : Frédéric Gauch
Rédacteur : Jean Madeleine
Photographies : Comex, Alain Tocco, Alexis Rosenfeld, Michel Plutarque, La Provence, xdr.
Ce magazine a été conçu et réalisé par MAYA press
www.mayapress.net - Tél. : 0811 651 605
ÉDITO
En plongée,
on ne badine pas
avec la sécurité
L
es beaux jours revenus, on retrouve l’envie de mettre le nez sous l’eau et de
regarder vivre le monde sous-marin. C’est toujours un émerveillement pour celles
et ceux qui pratiquent cette activité, même si plonger semble presque devenu
un acte banal, un loisir comme un autre. La véritable histoire de la plongée
autonome a pourtant débuté il y a moins de 70 ans entre Bandol et Sanary, avec la mise au
point du premier détendeur par Jacques-Yves Cousteau et Emile Gagnan. Ce pas décisif
dans la conquête des profondeurs a permis à des dizaines, des centaines, puis des milliers
d’aventuriers d’accéder à cet autre monde terrestre, si différent et toujours si fascinant. Les
progrès dans la connaissance de la physiologie de l’immersion et ceux accomplis dans le
domaine technique, avec l’apparition de matériels de plus en plus sophistiqués, mais aussi
de plus en plus simples à utiliser, ont ensuite offert au grand
public la possibilité de descendre toujours plus profond, de
multiplier les expériences visuelles et sensorielles dans l’élément
liquide, au contact de la vie animale et végétale qui s’y épanouit.
Ceux qui ont eu la chance de vivre ces instants magiques
et d’y avoir pris goût doivent cependant toujours garder en
mémoire que la mer reste un milieu inadapté à l’homme. Et
aussi fiables et performants soient-ils, les matériels d’aujourd’hui
ne permettent toujours pas de s’affranchir complètement des
risques que comporte la pratique de la plongée. Des risques que
la Comex étudie depuis près de 50 ans dans ses laboratoires
et sur toutes les mers du monde, apportant une contribution
majeure à la compréhension des phénomènes mécaniques
et physiologiques liés à la haute pression. Dès ses premières
années d’existence, l’entreprise a ainsi développé des caissons
hyperbares pour traiter les accidents de plongée et diminuer
de façon très significative les risques de séquelles graves ou de
Henri Germain DELAUZE
décès auxquels s’exposent les plongeurs. Avec le temps et le
Président Directeur Général
développement des technologies, les médecins et ingénieurs de
la Comex ont de mieux en mieux cerné l’impact de la plongée
sur le corps humain. Ils ont pu définir des normes, des règles et des procédures pour une
pratique sécurisée, mais il restera toujours l’imprudence, la fatigue mal évaluée, la panne
technique ou les réactions individuelles inappropriées comme facteurs d’incertitude.
Pensez-y au moment d’enfiler votre combinaison et de vous mettre à l’eau.
3
NEWSNEWSNEWSNEWSNEWSNE
La Marine Nationale
teste les absorbeurs de CO²
La Marine Nationale a contracté en 2007 un
marché avec la Comex pour l’utilisation de l’une
des sphères de son simulateur 800 mètres. L’objectif des campagnes d’essais conduites sur cet
équipement à vocation scientifique est d’évaluer
avec précision les performances de plusieurs
produits d’absorption de CO² en caisson hyperbare. Le but de ces recherches est d’améliorer les
conditions de survie à bord des sous-marins en
situation extrême. Après une première campagne courant 2007, de nouveaux
essais se sont déroulés en juin 2010. Il s’agissait de comparer plusieurs échantillons d’une même chaux sodée tirée de sacs de stockage différents. Chaque
campagne d’essais s’étalait sur sept jours consécutifs, et a fait l’objet d’un protocole de surveillance très rigoureux, avec analyse en continu du fonctionnement de la sphère hyperbare et relevé de mesures 24h/24 à partir du pupitre de
commande de l’installation. Les résultats seront ensuite analysés par les experts
associés à cette campagne.
La modernisation du caisson hyperbare
de l’hôpital de Papeete en bonne voie
Le travail sur le caisson
hyperbare fabriqué par
la Comex pour le Centre
hospitalier de Papeete, en
Polynésie française, se poursuit sans aucune difficulté
majeure. Après avoir déménagé la chambre hyperbare
vers le nouvel hôpital de
Taaone, en début d’année,
l’équipe de la Comex a mené
à bien la deuxième phase
du chantier, qui prévoyait
le remontage et la modernisation de l’installation.
Au cours de cette opération,
l’ensemble des circuits d’air,
4
de mélanges respiratoires et
d’eau a été refait à neuf. Ils
intègrent désormais de nouveaux organes, notamment
des vannes de régulation
proportionnelle ultra précises. A l’intérieur des compartiments, une remise à
niveau a également été effectuée avec l’intégration de
bandeaux inox équipés de
rampes d’éclairage à LED,
de nouvelles buses d’aspersion d’eau et de postes de
communication. Un pupitre
de commande de nouvelle
génération a par ailleurs été
installé pour une meilleure
exploitation de l’installation.
Il a été conçu en respectant
les normes d’ergonomie et
en intégrant un système de
contrôle de commande de
haute technologie. En attendant l’ouverture au public
de l’hôpital de Taaone,
prévue dans le courant du
dernier trimestre 2010, la
troisième phase de travaux
permettra d’intégrer un
système audio/vidéo à l’intérieur de chaque chambre
pour améliorer encore le
confort des patients.
Requalification
des caissons
hyperbares
de la Marine
Nationale
Dans le cadre de son contrat avec
la Marine Nationale pour le maintien en condition opérationnelle
des caissons de recompression
pour plongeurs, des opérations
de requalification réglementaires et de modernisation ont été
conduites par la Comex sur cinq
ensembles multiplaces, dont quatre embarqués sur des bâtiments
de la flotte militaire française.
Chaque caisson a fait l’objet d’un
chantier spécifique in situ, à
Marseille, Toulon, Saint Mandrier,
Cherbourg et Concarneau. Pour
mener à bien ces opérations, les
équipes de la Comex ont démonté les équipements intérieurs
et extérieurs des ensembles hyperbares, avant de débarquer les
caissons hyperbares pour réaliser
l’épreuve hydraulique règlementaire en présence d’un expert habilité d’un organisme de contrôle.
Une fois cette étape franchie, les
quatre caissons concernés ont
été réembarqués, puis remontés
et reconditionnés. Tous sont à
nouveau opérationnels depuis
quelques semaines.
Les secrets des abysses révélés
Les océans couvrent 70 % de la surface du globe mais restent les
plus mal connus des écosystèmes terrestres. Surtout les grandes
profondeurs, où des espèces étranges de poissons et de crustacés
côtoient les reliefs les plus tourmentés et les récifs coralliens les
plus incroyables, près de sources d’eau chaude et de volcans en
éruption permanente dont on ne soupçonne même pas l’existence depuis la surface. Fondamental pour l’équilibre de la planète, ce monde caché est aujourd’hui menacé par les activités humaines aussi sûrement que les espaces naturels terrestres. C’est
tout le propos de Secrets des Abysses, un livre magnifique signé
Christine Causse et Philippe Valette, aux éditions Fleurus Jeunesse. Vendu avec un DVD du film documentaire Au royaume des
cachalots, tourné par David Allen pour la BBC, cet ouvrage ravira
le jeune public et les générations suivantes en quête de connaissances nouvelles sur la vie à grande profondeur. Biologiste et
spécialiste de l’environnement marin, Christine Causse a travaillé
avec l’équipe Cousteau et l’association américaine Ocean Futures.
Elle collabore aujourd’hui avec Nausicaa, le Centre national de la
mer dirigé par son
co-auteur, Philippe
Valette, animateur
du réseau Océan
mondial, qui a
pour objectif de
parvenir à une
gestion cohérente
des océans. Déjà
auteur, avec JeanMichel Cousteau,
du fameux Atlas
de l’Océan mondial,
Philippe Valette dirige également le Festival mondial de l’image
sous-marine désormais organisé à Marseille.
I Secrets des abysses, de Christine Causse et Philippe Valette. 80 pages, 15,95 €
avec le DVD « Au royaume des cachalots » - aux éditions Fleurus jeunesse
Une deuxième vie
pour le sous-marin Saga
Presque vingt ans après une fin de carrière prématurée, le
Saga devrait enfin revoir le jour. Un ambitieux projet de la
ville de Marseille, rendu public récemment par l’élu délégué
à la Mer, Didier Réault, en ferait la pièce la plus spectaculaire
d’un vaste ensemble dédié à la plongée, à l’océanographie et à
l’archéologie sous-marine, sur les lieux mêmes où l’engin repose
depuis sa construction par la Comex, dans les années 80. A
l’abri dans son hangar de l’Estaque, sur le domaine du port
de Marseille, il devrait être exposé au public après un léger
toilettage. Soigneusement entretenu par les anciens de l’entreprise qui avaient participé à l’aventure, le Saga reste le premier
sous-marin industriel jamais construit et capable d’intervenir
sur chantier avec plongeurs et ROV jusqu’à 600 m de fond en
totale autonomie vis-à-vis de la surface. Fruit d’une collaboration entre la Comex et l’Institut français pour la recherche et
l’exploitation de la mer (Ifremer), il était basé sur la coque du
projet Argyronète, conçu mais jamais réalisé par le commandant
Jacques-Yves Cousteau. Long de 28 m pour un déplacement
de 550 tonnes en plongée, il emmenait six membres d’équipage
et pouvait accueillir de 4 à 6 scaphandriers en saturation dans
son compartiment hyperbare. En mai 1990, il avait battu le
record de profondeur d’intervention depuis un sous-marin, en
relâchant un plongeur à - 317 m. Entre autres innovations, le
Saga était aussi capable de parcourir 150 milles en immersion
autonome et de rester jusqu’à un maximum de trois semaines
sans refaire surface. Testé avec succès trois années durant, son
développement et son exploitation ont cessé au début des
années 90. Convoité depuis longtemps par la Cité de la Mer
de Cherbourg, où il aurait rejoint la vaste collection d’engins
Comex déjà exposée dans les salles de l’ancienne gare maritime transatlantique, le gros sous-marin jaune n’a jamais pu
y être transporté. Propriété de la ville de Marseille depuis sa
cession pour l’euro symbolique, il restera finalement dans la
ville où il a vu le jour.
5
DOSSIER caissons hyperbares
une solide réputation forgée par
un demi-siècle d’hyperbarie
Depuis les balbutiements de la plongée industrielle profonde, l’entreprise a acquis une
expérience unique et un savoir-faire incomparable dans la maîtrise technologique des
caissons hyperbares.
DOSSIER caissons hyperbares
C
oncevoir des caissons hyperbares, les construire,
les équiper puis les exploiter, c’est le métier de base
de la Comex, les fondements de son histoire. Dès
l’origine, l’entreprise a en effet imaginé que l’on pouvait
s’affranchir d’une partie des contraintes liées à la profondeur en utilisant de tels engins pour maintenir les hommes
à une pression donnée aussi longtemps que nécessaire.
Les plongeurs amateurs qui pratiquent cette activité le
savent tous : plus on descend profond, moins on respire
longtemps avec la même quantité d’air stockée dans les
bouteilles et plus le temps passé aux paliers de décompression s’allonge. En recréant artificiellement dans un
caisson étanche les conditions de pression rencontrées
jusqu’à plusieurs centaines de mètres de profondeur, la
Comex a résolu l’équation qui empêchait jusque là d’imaginer un chantier sous-marin avec intervention humaine à
plus de 20 mètres dans des conditions économiquement
8
soutenables. Avec la mise en saturation des plongeurs en
caisson hyperbare, on s’affranchit notamment d’une part
très significative des contraintes de temps imposées par la
profondeur. Temps de travail, temps perdu en paliers de
décompression… le premier s’allonge très sensiblement,
“
Depuis 1974,
la Comex a construit plus
de 130 unités hyperbares
”
le second diminue considérablement avec cette technique
révolutionnaire dont les grands principes ont été définis
dans les ateliers de la Comex. Les technologies hyperbares
développées dans ses ateliers de Marseille ont permis à la
Comex d’atteindre un niveau d’expertise incomparable en
Des problèmes spécifiques
à la haute pression
Le développement de l’oxygénothérapie hyperbare en milieu hospitalier a offert à la Comex
l’opportunité de relever plusieurs défis techniques pour adapter son savoir-faire industriel
aux nécessités d’un usage médical des caissons. Outre les aspects de confort et de sécurité
pour les patients et les équipes médicales, les ingénieurs de la Comex ont eu à résoudre
des problèmes inédits, comme l’adaptation du matériel de réanimation à l’hyperbarie.
Normalement destinés à fonctionner à la pression atmosphérique, ces équipements –
et notamment les respirateurs et les systèmes de monitoring – ont dû être modifiés pour
continuer de fonctionner de manière fiable une fois soumis à la pression du caisson.
terme de conception, de construction et d’entretien des
caissons hyperbares. Elles ont été utilisées en premier lieu
pour conduire ses plongeurs dans les meilleures conditions
de sécurité sur les chantiers profonds qu’assurait l’entreprise au fil du temps pour l’industrie pétrolière offshore,
le génie civil, la défense, l’archéologie... Et ce, au point de
rapidement intéresser de très nombreuses entreprises et
institutions dans les secteurs de l’industrie, de la défense,
de la recherche scientifique ou de la santé. Depuis 1974,
la Comex a ainsi construit plus de 130 unités hyperbares,
qu’elle a installées aux quatre coins du globe, qu’il s’agisse
d’ensembles destinés à accueillir des plongeurs, civils ou
militaires, des patients, des chercheurs, des ingénieurs...
Au total, 83 chambres hyperbares à vocation thérapeutique
pour les hôpitaux, 34 ensembles de plongée en saturation
installés sur des bateaux supports, dont 8 pour les propres besoins de la Comex et une dizaine assemblés sous
licence, ainsi que 8 centres d’essais hyperbares destinés à
la recherche et à la simulation en plongée profonde. Ces
installations sont toujours opérationnelles en France, au
Canada, en Russie, en Inde, au Vietnam, à Singapour, au
Panama, en Belgique, au Portugal, en Argentine, en Tunisie,
en Turquie, dans les Emirats Arabes Unis, à Koweit, en
Hongrie, en Algérie, en Malaisie, à Taïwan, au Maroc, en
Egypte, en Indonésie, en Chine, au Japon, aux Pays-Bas,
en Suède, en Angleterre, en Roumanie, en Norvège, en
Allemagne, en Corée du Sud… sans compter les 23 sousmarins et cloches d’observation construites depuis les
balbutiements de l’entreprise. Pionnière de la plongée
industrielle profonde, la Comex n’a jamais cessé de faire
évoluer ses connaissances et les technologies utilisées
dans le domaine de la haute pression, notamment à partir de son Centre d’essais hyperbares (CEH) de Marseille
où des scientifiques comme Xavier Fructus ou Bernard
Gardette et des ingénieurs comme Claude Gortan, ont
posé l’essentiel des principes techniques et physiologiques, élaboré les tables de références et défini les mélanges
gazeux toujours utilisés en plongée profonde. Pour en
arriver là, des dizaines d’expériences et de campagnes
d’essais, dans les caissons du CEH ou en pleine mer, ont
Tables made
in Comex
Parmi les nombreux apports majeurs de la Comex à la
plongée, la panoplie des tables thérapeutiques Cx
(Cx-12, Cx-18, Cx-30…etc) continue de faire référence
pour le traitement des accidents de plongée, mais aussi
pour beaucoup de protocoles thérapeutiques en caisson
hyperbare hospitalier. Elles ont été définies par les équipes
médicales et scientifiques qui ont travaillé depuis la
fondation de l’entreprise à l’étude des effets physiologiques
de la haute pression et des mélanges gazeux respiratoires
les plus sophistiqués mis au point pour permettre à l’homme
d’atteindre des profondeurs a priori inaccessibles.
amené les plongeurs de la Comex jusqu’à 530 mètres
en pleine mer lors de l’opération Hydra 8 en 1988 et
jusqu’à 701 mètres, lors de l’opération Hydra 10, en 1992
à Marseille. Théo Mavrostomos, l’auteur de cette plongée
record, reste, 18 ans après, l’homme le plus profond du
monde en caisson hyperbare. Entamées au milieu des
années 60, ces campagnes expérimentales ont été conduites
par les équipes de la Comex, le plus souvent en association
avec de grandes institutions nationales et internationales
à vocation scientifique ou de défense comme le CNRS,
l’INSERM, l’Ifremer, le Cephismer, l’IMNSSA, l’Agence
spatiale européenne (ESA), le CNES, l’US Navy, la Marine
suédoise, le SINTEF norvégien...
Sur les bases de cette expérience incomparable, la
Comex a réalisé ces dernières années plusieurs ensembles hyperbares destinés à une utilisation médicale en
milieu hospitalier. Et elle continue de faire évoluer ses
technologies et son savoir-faire dans tous les domaines
où sa compétence et sa réactivité sont depuis longtemps
reconnues à travers le monde.
9
DOSSIER caissons hyperbares interview
La médecine hyperbare
a encore de beaux jours devant elle
Le Professeur Alain Barthélémy dirige le service de médecine hyperbare du Centre
hospitalier universitaire Sainte-Marguerite, à Marseille. Trois caissons mis au point et
construits par la Comex y ont été installés en 2004, à la suite du déménagement du
premier service de médecine hyperbare de l’hôpital Salvator. Plusieurs milliers de patients
y subissent chaque année des séances de soins pour des maladies auxquelles la haute
pression offre une meilleure réponse thérapeutique. Entretien avec l’un des meilleurs
spécialistes de l’hyperbarie médicale actuellement en exercice.
Peu de gens connaissent les champs d’application de la
médecine hyperbare, si ce n’est le traitement des accidents de plongée. Pour quels autres types de problèmes
médicaux est-elle pertinente ?
La première, c’est la lutte contre les infections graves, les gangrènes
gazeuses, les infections anaérobie (dont les germes ne survivent
pas au contact de l’air, ndlr) On a ensuite utilisé l’hyperbarie
pour la chirurgie vasculaire. Elle a permis des interventions sans
circulation extra-corporelle, à une époque où ce système n’était pas
encore au point. Ici, à Marseille, où est née la plongée en scaphandre autonome, nous nous sommes concentrés sur le traitement
des pathologies du plongeur. Dans le nord de la France, c’est en
revanche autour du traitement des intoxications aux oxydes de
10
carbone que nos confrères ont axé l’essentiel de leurs travaux. Les
spécificités locales ont donc joué un grand rôle dans le développement de la médecine hyperbare
De quelles façons, selon quels principes l’hyperbarie agitelle sur l’être humain ?
Quand on respire l’air ambiant à la pression atmosphérique, les
poumons absorbent l’oxygène qui est ensuite transporté vers les
organes par la circulation. Il est présent dans le sang sous deux
formes : lié à l’hémoglobine, pour environ 98 % du total de l’oxygène transporté, ou dissous pour 1,5 à 2 %. Si on respire à une
pression supérieure, l’hémoglobine ne transportera pas beaucoup
plus d’oxygène. La fraction dissoute, en revanche, augmente sen-
Au Centre hospitalier universitaire Sainte-Marguerite, à
Marseille, le Professeur Alain Barthélémy, chef du service de
médecine hyperbare, exploite deux chambres thérapeutiques
construites par la Comex en 2004.
Quel a été, selon vous, l’apport de la Comex dans les
connaissances des phénomènes auxquels sont soumis
les plongeurs en profondeur ?
siblement avec la pression et produit un certain nombre d’effets
bénéfiques pour l’organisme.
Lesquels ?
A partir d’une certaine concentration, l’oxygène dissous dans le
sang devient toxique pour les bactéries, ce qui a permis de traiter
efficacement toute une série d’infection aérobies et anaérobies,
notamment les gangrènes gazeuses, dont certaines excessivement
difficiles à juguler avec les traitements antibiotiques classiques.
L’oxygénothérapie hyperbare est également très utile dans le traitement des infections du pied chez le diabétique, qui guérissent très
difficilement, et dans la cicatrisation des lésions compliquées.
Pourrait-elle remplacer les antibiotiques dans le traitement
des infections ?
Surtout pas. C’est un traitement complémentaire important, mais
on ne peut en aucun cas le substituer à une antibiothérapie.
C’est l’association des deux qui permet d’obtenir de très bons
résultats.
L’hyperbarie est-elle utile pour d’autres maladies ?
Oui. Elle est de plus en plus utilisée pour traiter les lésions d’irradiations provoquées par la radiothérapie cancéreuse sur les organes
voisins de la tumeur, en prévention et en curatif. L’ oxygène à haute
pression permet notamment d’accélérer le processus de genèse
des vaisseaux et donc de favoriser la cicatrisation des tissus
Quelles sont les voies de recherches actuellement
explorées ?
Elles sont très nombreuses. En particulier dans le domaine de
la plongée, où il nous reste encore à bien comprendre certains
aspects de la physio-pathologie de l’accident de décompression.
Il y a également des travaux autour du traitement des accidents
vasculaires cérébraux ou des infarctus en phase aiguë, avec des
pistes prometteuses. Et il y en a encore beaucoup d’autres. Je pense
par exemple au temps de cicatrisation des lésions musculaires
chez le sportif de haut niveau, pour lequel un programme de
recherches est en phase de lancement. La médecine hyperbare a
encore de beaux jours devant elle.
Considérable. Ils ont été pionniers dans la plongée professionnelle
et, à ce titre, les travaux et expérimentations des équipes médicales
de l’entreprise – je pense notamment aux docteurs Xavier Fructus
et Bernard Gardette – ont permis de faire progresser la connaissance à pas de géant, surtout dans le domaine de la saturation, où
la Comex a défriché le terrain. Les retombées de ces recherches
ont d’ailleurs largement profité aux équipes de chercheurs plus
axées sur les domaines purement médicaux.
“
Les caissons de la
Comex sont de mieux
en mieux adaptés à une
utilisation thérapeutique
”
Vous utilisez des caissons Comex depuis longtemps déjà.
L’expérience de l’entreprise dans le domaine de la plongée
industrielle a-t-elle compté dans ce choix ?
C’est indéniablement une garantie pour nous. Garantie d’avoir
un matériel qui fonctionne correctement, même en utilisation
intensive, et garantie de fiabilité sur la durée, avec des équipes de
maintenance réactives et très qualifiées. D’autant que les caissons
les plus récents de la Comex sont de mieux en mieux adaptés à
une utilisation thérapeutique, en termes d’ergonomie, de confort
et de design. La technologie, elle, a toujours été au top niveau.
Depuis combien de temps utilise-t-on l’hyperbarie en
médecine ?
Les tout premiers travaux sur l’utilisation de l’oxygène sous pression en médecine remontent au XIXe siècle, mais l’utilisation de
l’oxygénothérapie à des fins médicales telle que nous la pratiquons
date des années 50/60. C’est un médecin hollandais, le Dr. Ite
Boerema, qui en a été le précurseur. En France, c’est notamment
Philippe Ohresser, dont le service que je dirige porte le nom,
qui a été parmi les pionniers, en construisant le premier centre
de médecine hyperbare à Marseille. Il en existe aujourd’hui des
dizaines, répartis aux quatre coins de la planète.
11
VOYAGE
Polynésie
La constellation française
du paradis
Eclatés sur plusieurs centaines de kilomètres dans le Pacifique,
les cinq archipels de la Polynésie française offrent une variété
sidérante de paysages terrestres et sous-marins. Ce n’est pas
pour rien que Tahiti représente, dans l’inconscient collectif,
l’image même de l’Eden sur terre.
C
’est un petit bout de France
éclaté en un chapelet d’îles au
milieu de l’océan Pacifique.
Objet de tous les fantasmes des
voyageurs depuis des décennies,
la Polynésie française représente,
pour une majorité d’occidentaux habitués
à la grisaille et aux froidures des climats
tempérés, l’image la plus aboutie du paradis sur terre. Découvertes au XVIe siècle par
Magellan, les premières îles de cette constellation ont conservé au fil du temps leur charme
incomparable, avec un développement maîtrisé du tourisme et de l’urbanisation sur la
plupart d’entre elles. Evangélisées, puis colonisées par les Anglais et les Français à partir
du XVIIIe siècle, les îles de Polynésie sont
passées sous protectorat français au milieu
du XIXe, mais ont longtemps conservé une
forme d’autonomie vis-à-vis de la lointaine
métropole. Depuis la dynastie des Pomaré,
une royauté locale instaurée au XVIIIe avec
l’aide des européens, jusqu’au statut actuel de
« pays d’Outre-mer », qui laisse aux polynésiens l’essentiel des pouvoirs de décision sur
l’administration de l’archipel, ce pays entre
mer et ciel n’a jamais vraiment oublié son
identité, sa culture et sa mentalité durant
la période de colonisation et la domination
des Etablissements français d’Océanie, de
1890 à 1977. C’est d’ailleurs à cette date que
la Polynésie française a obtenu un premier
statut d’autonomie politique, renforcé à deux
reprises, en 1984 et 2004.
Réparties en cinq archipels – La Société, les
Tuamotu, les Gambier, les Marquises et les
Australes –, les 118 îles de Polynésie française
sont d’origine volcanique ou corallienne. Elles
portent des noms à faire rêver le plus blasé
des voyageurs : Tahiti, Moorea, Bora-Bora,
Rangiroa, Huahine,
Nuku Hiva, Hiva ‘Oa,
Manihi, Fakarava... Il
est vrai que les paysages
sont à l’unisson de ces
appellations poétiques.
Les eaux de ses lagons
de légende comptent
parmi les plus limpides
au monde. La biodiversité marine y est réellement sidérante, avec
des cohortes de poissons, des plantes et des
coraux aux formes et aux couleurs recherchées par tous les amateurs de belles images
sous-marines. Dans les coins les plus réputés
de cette région immense, il suffit de mettre le
nez sous l’eau et c’est grand spectacle garanti
d’un coin à l’autre du champ de vision. Les
plongeurs du monde entier y affluent depuis
des décennies pour éprouver cette sensation
unique d’évoluer en toute liberté dans le plus
vaste et le plus bel aquarium de la planète.
Une activité phare du tourisme polynésien
très bien prise en compte sur le plan médical,
avec des équipes compétentes et un caisson
hyperbare Comex.
Le tourisme est pratiqué avec le même bonheur au dessus de la surface, où les panoramas
ne sont pas moins grandioses. La distance
entre les archipels et leur nature différente
offrent une exceptionnelle variété de climats,
de ciels, de couleurs et d’atmosphères, de la
“
douceur presque irréelle des plages de BoraBora jusqu’à la sauvagerie des Marquises, où
les falaises luttent sans répit contre les vagues
amples du Pacifique. Très tôt idéalisées par
La Polynésie française
représente l’image la plus
aboutie du paradis sur terre
”
les récits de Bougainville, de Cook et des
premiers missionnaires, puis mythifiées par
la révolte du Bounty, le cinéma et les films
sous-marins, les îles polynésiennes n’ont pas
perdu grand-chose de leur séduction, même
si le boom économique des années 60/70,
avec l’installation des centres d’essais nucléaires sur Hao et Mururoa, et le développement
du tourisme, ont fragilisé des écosystèmes
longtemps préservés de la pollution et des
apports extérieurs indésirables par l’immensité de l’océan. Le traitement des eaux usées,
les espèces animales et végétales invasives, la
pression sur les habitats naturels, la surconsommation d’eau douce, la multiplication des
navires à moteur... menacent désormais ce
joyau national à l’autre bout du monde. Alors
si vous y allez, prenez le maximum de plaisir,
offrez vous tous les spectacles d’une nature
époustouflante, mais n’y laissez aucune trace
de votre passage. Le paradis du Pacifique ne
s’en portera que mieux.
13
NEWSNEWSNEWSNEWSNEWSNE
Henri Germain Delauze sous les feux de la rampe
Le président fondateur de la Comex est, tout l’été à l’affiche de l’Art d’entreprendre, une manifestation imaginée
par la Chambre de commerce et d’industrie Marseille
Provence pour rendre hommage aux chefs d’entreprises
de son territoire qui ont su utiliser leur intuition pour
capitaliser sur le génie humain et en faire une activité économique de première importance. Après Paul Ricard, dont
on commémorait en 2009 le centenaire de la naissance et
qui a popularisé le pastis de Marseille aux quatre coins
du monde, c’est donc à Henri Germain Delauze, pionnier
de la plongée industrielle profonde, que la CCI Marseille
Provence a choisi de consacrer le deuxième volet de l’Art
d’entreprendre, qui se tiendra jusqu’au 27 août 2010,
au Palais de la Bourse de Marseille. Un parcours visuel
original, composé avec deux artistes contemporains,
Stephan Muntaner et Pierre-Gilles Chaussonnet, permet
au visiteur de découvrir les machines et l’univers de la
découverte et de l’exploration qui ont baigné la carrière
d’Henri Germain Delauze, dont on peut apprécier les
multiples facettes tout au long de cette exposition.
A l’automne, le président fondateur de la Comex sera
une nouvelle fois à l’honneur, dans l’atrium du Conseil
général des Bouches-du-Rhône cette fois, à l’occasion
d’une grande exposition consacrée à la conquête des
grandes profondeurs, un an après celle qui retraçait
les principales étapes de l’aventure spatiale. Un événement dont nous aurons l’occasion de reparler dans
notre prochain numéro.
La Légion d’Honneur pour Michèle Fructus
14
Michèle Fructus, Directeur Général
La Bastide, siège social de la Comex,
d’honneur à tous les comexiens, qui,
de la Comex, a reçu le 4 juin dernier
boulevard des Océans à Marseille.
au fil du temps, ont mis leur intelli-
les insignes de chevalier de la Légion
C’est Dominique Bussereau,
gence, leur engagement, leur esprit
d’honneur. Cette médaille lui a été
Secrétaire d’Etat aux Transports, qui
d’équipe et leur formidable enthou-
remise par son père, Henri Germain
l’avait proposée pour cette décora-
siasme, au service de l’entreprise. Sa
Delauze, Président fondateur de
tion. Très émue par les marques de
réussite est avant tout la leur, comme
l’entreprise, lors d’une cérémonie
sympathie reçues à cette occasion,
la récompense qui honore celle qui la
très souriante sous les platanes de
Michèle Fructus a dédié sa Légion
dirige aujourd’hui.
Le Protée refait surface dans La Provence
Découvert par la Comex en 1995 au
large de Cassidaigne, entre Marseille
et Toulon, le sous-marin Protée figure
parmi les histoires sélectionnées par le
grand quotidien régional La Provence
pour son supplément consacré à la
Résistance et à la Libération du sud de
la France, entre 1942 et 1944. Après
avoir échappé aux deux catastrophes
qui ont décimé la Marine Nationale
durant la deuxième Guerre mondiale,
en l’occurrence le bombardement
des navires français par les Anglais
à Mers-el-Kébir et le sabordage de la
flotte en rade de Toulon, le Protée
avait vaillamment servi la cause de
la résistance, en amenant ou exfiltrant des agents alliés jusque sur les
côtes françaises, notamment dans les
calanques de Marseille. Pris en chasse
et coulé à la suite d’une de ces opérations, ce sous-marin construit dans
les années 30 avait disparu corps et
biens, sans que l’on sache exacte-
ment dans quelle zone. Localisé par
la Comex lors d’une opération de survey au sonar, le submersible reposait
à un peu plus de 100 mètres sous la
surface de l’eau. A la demande de ses
enfants, l’urne contenant les cendres
de la veuve du capitaine du Protée
a été relâchée à l’intérieur du sousmarin lors d’une opération conduite
par Henri Germain Delauze et ses
hommes, en hommage à ces héros
de la Marine Nationale.
Dans les profondeurs du détroit de Messine
Le film du documentariste allemand Sigurd Tesche consacré
aux fonds sous-marins du détroit de Messine, entre la Sicile et
la Calabre, est prêt à être diffusé. Tourné durant l’été 2009 à
partir du Minibex, l’un des deux navires océanographiques de
la Comex, ce documentaire met en scène une jeune journaliste
qui découvre, bouteilles et combinaison de plongée sur le dos,
l’incroyable activité sous-marine de cette région, marquée par
des courants très forts et un volcanisme actif particulièrement
spectaculaire. Destiné à la télévision, ce film devrait être diffusé
prochainement sur la chaîne culturelle franco-allemande Arte.
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