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SOMMAIRE 6 DOSSIER caissons hyperbares Une solide réputation forgée par un demi-siècle d’hyperbarie 10 INTERVIEW Dr. Alain Barthélémy La médecine hyperbare a encore de beaux jours devant elle 12 voyage polynésie, la constellation française du paradis 4&14 NEWS Directeur de la publication : Michèle Fructus Rédacteur en chef : Frédéric Gauch Rédacteur : Jean Madeleine Photographies : Comex, Alain Tocco, Alexis Rosenfeld, Michel Plutarque, La Provence, xdr. Ce magazine a été conçu et réalisé par MAYA press www.mayapress.net - Tél. : 0811 651 605 ÉDITO En plongée, on ne badine pas avec la sécurité L es beaux jours revenus, on retrouve l’envie de mettre le nez sous l’eau et de regarder vivre le monde sous-marin. C’est toujours un émerveillement pour celles et ceux qui pratiquent cette activité, même si plonger semble presque devenu un acte banal, un loisir comme un autre. La véritable histoire de la plongée autonome a pourtant débuté il y a moins de 70 ans entre Bandol et Sanary, avec la mise au point du premier détendeur par Jacques-Yves Cousteau et Emile Gagnan. Ce pas décisif dans la conquête des profondeurs a permis à des dizaines, des centaines, puis des milliers d’aventuriers d’accéder à cet autre monde terrestre, si différent et toujours si fascinant. Les progrès dans la connaissance de la physiologie de l’immersion et ceux accomplis dans le domaine technique, avec l’apparition de matériels de plus en plus sophistiqués, mais aussi de plus en plus simples à utiliser, ont ensuite offert au grand public la possibilité de descendre toujours plus profond, de multiplier les expériences visuelles et sensorielles dans l’élément liquide, au contact de la vie animale et végétale qui s’y épanouit. Ceux qui ont eu la chance de vivre ces instants magiques et d’y avoir pris goût doivent cependant toujours garder en mémoire que la mer reste un milieu inadapté à l’homme. Et aussi fiables et performants soient-ils, les matériels d’aujourd’hui ne permettent toujours pas de s’affranchir complètement des risques que comporte la pratique de la plongée. Des risques que la Comex étudie depuis près de 50 ans dans ses laboratoires et sur toutes les mers du monde, apportant une contribution majeure à la compréhension des phénomènes mécaniques et physiologiques liés à la haute pression. Dès ses premières années d’existence, l’entreprise a ainsi développé des caissons hyperbares pour traiter les accidents de plongée et diminuer de façon très significative les risques de séquelles graves ou de Henri Germain DELAUZE décès auxquels s’exposent les plongeurs. Avec le temps et le Président Directeur Général développement des technologies, les médecins et ingénieurs de la Comex ont de mieux en mieux cerné l’impact de la plongée sur le corps humain. Ils ont pu définir des normes, des règles et des procédures pour une pratique sécurisée, mais il restera toujours l’imprudence, la fatigue mal évaluée, la panne technique ou les réactions individuelles inappropriées comme facteurs d’incertitude. Pensez-y au moment d’enfiler votre combinaison et de vous mettre à l’eau. 3 NEWSNEWSNEWSNEWSNEWSNE La Marine Nationale teste les absorbeurs de CO² La Marine Nationale a contracté en 2007 un marché avec la Comex pour l’utilisation de l’une des sphères de son simulateur 800 mètres. L’objectif des campagnes d’essais conduites sur cet équipement à vocation scientifique est d’évaluer avec précision les performances de plusieurs produits d’absorption de CO² en caisson hyperbare. Le but de ces recherches est d’améliorer les conditions de survie à bord des sous-marins en situation extrême. Après une première campagne courant 2007, de nouveaux essais se sont déroulés en juin 2010. Il s’agissait de comparer plusieurs échantillons d’une même chaux sodée tirée de sacs de stockage différents. Chaque campagne d’essais s’étalait sur sept jours consécutifs, et a fait l’objet d’un protocole de surveillance très rigoureux, avec analyse en continu du fonctionnement de la sphère hyperbare et relevé de mesures 24h/24 à partir du pupitre de commande de l’installation. Les résultats seront ensuite analysés par les experts associés à cette campagne. La modernisation du caisson hyperbare de l’hôpital de Papeete en bonne voie Le travail sur le caisson hyperbare fabriqué par la Comex pour le Centre hospitalier de Papeete, en Polynésie française, se poursuit sans aucune difficulté majeure. Après avoir déménagé la chambre hyperbare vers le nouvel hôpital de Taaone, en début d’année, l’équipe de la Comex a mené à bien la deuxième phase du chantier, qui prévoyait le remontage et la modernisation de l’installation. Au cours de cette opération, l’ensemble des circuits d’air, 4 de mélanges respiratoires et d’eau a été refait à neuf. Ils intègrent désormais de nouveaux organes, notamment des vannes de régulation proportionnelle ultra précises. A l’intérieur des compartiments, une remise à niveau a également été effectuée avec l’intégration de bandeaux inox équipés de rampes d’éclairage à LED, de nouvelles buses d’aspersion d’eau et de postes de communication. Un pupitre de commande de nouvelle génération a par ailleurs été installé pour une meilleure exploitation de l’installation. Il a été conçu en respectant les normes d’ergonomie et en intégrant un système de contrôle de commande de haute technologie. En attendant l’ouverture au public de l’hôpital de Taaone, prévue dans le courant du dernier trimestre 2010, la troisième phase de travaux permettra d’intégrer un système audio/vidéo à l’intérieur de chaque chambre pour améliorer encore le confort des patients. Requalification des caissons hyperbares de la Marine Nationale Dans le cadre de son contrat avec la Marine Nationale pour le maintien en condition opérationnelle des caissons de recompression pour plongeurs, des opérations de requalification réglementaires et de modernisation ont été conduites par la Comex sur cinq ensembles multiplaces, dont quatre embarqués sur des bâtiments de la flotte militaire française. Chaque caisson a fait l’objet d’un chantier spécifique in situ, à Marseille, Toulon, Saint Mandrier, Cherbourg et Concarneau. Pour mener à bien ces opérations, les équipes de la Comex ont démonté les équipements intérieurs et extérieurs des ensembles hyperbares, avant de débarquer les caissons hyperbares pour réaliser l’épreuve hydraulique règlementaire en présence d’un expert habilité d’un organisme de contrôle. Une fois cette étape franchie, les quatre caissons concernés ont été réembarqués, puis remontés et reconditionnés. Tous sont à nouveau opérationnels depuis quelques semaines. Les secrets des abysses révélés Les océans couvrent 70 % de la surface du globe mais restent les plus mal connus des écosystèmes terrestres. Surtout les grandes profondeurs, où des espèces étranges de poissons et de crustacés côtoient les reliefs les plus tourmentés et les récifs coralliens les plus incroyables, près de sources d’eau chaude et de volcans en éruption permanente dont on ne soupçonne même pas l’existence depuis la surface. Fondamental pour l’équilibre de la planète, ce monde caché est aujourd’hui menacé par les activités humaines aussi sûrement que les espaces naturels terrestres. C’est tout le propos de Secrets des Abysses, un livre magnifique signé Christine Causse et Philippe Valette, aux éditions Fleurus Jeunesse. Vendu avec un DVD du film documentaire Au royaume des cachalots, tourné par David Allen pour la BBC, cet ouvrage ravira le jeune public et les générations suivantes en quête de connaissances nouvelles sur la vie à grande profondeur. Biologiste et spécialiste de l’environnement marin, Christine Causse a travaillé avec l’équipe Cousteau et l’association américaine Ocean Futures. Elle collabore aujourd’hui avec Nausicaa, le Centre national de la mer dirigé par son co-auteur, Philippe Valette, animateur du réseau Océan mondial, qui a pour objectif de parvenir à une gestion cohérente des océans. Déjà auteur, avec JeanMichel Cousteau, du fameux Atlas de l’Océan mondial, Philippe Valette dirige également le Festival mondial de l’image sous-marine désormais organisé à Marseille. I Secrets des abysses, de Christine Causse et Philippe Valette. 80 pages, 15,95 € avec le DVD « Au royaume des cachalots » - aux éditions Fleurus jeunesse Une deuxième vie pour le sous-marin Saga Presque vingt ans après une fin de carrière prématurée, le Saga devrait enfin revoir le jour. Un ambitieux projet de la ville de Marseille, rendu public récemment par l’élu délégué à la Mer, Didier Réault, en ferait la pièce la plus spectaculaire d’un vaste ensemble dédié à la plongée, à l’océanographie et à l’archéologie sous-marine, sur les lieux mêmes où l’engin repose depuis sa construction par la Comex, dans les années 80. A l’abri dans son hangar de l’Estaque, sur le domaine du port de Marseille, il devrait être exposé au public après un léger toilettage. Soigneusement entretenu par les anciens de l’entreprise qui avaient participé à l’aventure, le Saga reste le premier sous-marin industriel jamais construit et capable d’intervenir sur chantier avec plongeurs et ROV jusqu’à 600 m de fond en totale autonomie vis-à-vis de la surface. Fruit d’une collaboration entre la Comex et l’Institut français pour la recherche et l’exploitation de la mer (Ifremer), il était basé sur la coque du projet Argyronète, conçu mais jamais réalisé par le commandant Jacques-Yves Cousteau. Long de 28 m pour un déplacement de 550 tonnes en plongée, il emmenait six membres d’équipage et pouvait accueillir de 4 à 6 scaphandriers en saturation dans son compartiment hyperbare. En mai 1990, il avait battu le record de profondeur d’intervention depuis un sous-marin, en relâchant un plongeur à - 317 m. Entre autres innovations, le Saga était aussi capable de parcourir 150 milles en immersion autonome et de rester jusqu’à un maximum de trois semaines sans refaire surface. Testé avec succès trois années durant, son développement et son exploitation ont cessé au début des années 90. Convoité depuis longtemps par la Cité de la Mer de Cherbourg, où il aurait rejoint la vaste collection d’engins Comex déjà exposée dans les salles de l’ancienne gare maritime transatlantique, le gros sous-marin jaune n’a jamais pu y être transporté. Propriété de la ville de Marseille depuis sa cession pour l’euro symbolique, il restera finalement dans la ville où il a vu le jour. 5 DOSSIER caissons hyperbares une solide réputation forgée par un demi-siècle d’hyperbarie Depuis les balbutiements de la plongée industrielle profonde, l’entreprise a acquis une expérience unique et un savoir-faire incomparable dans la maîtrise technologique des caissons hyperbares. DOSSIER caissons hyperbares C oncevoir des caissons hyperbares, les construire, les équiper puis les exploiter, c’est le métier de base de la Comex, les fondements de son histoire. Dès l’origine, l’entreprise a en effet imaginé que l’on pouvait s’affranchir d’une partie des contraintes liées à la profondeur en utilisant de tels engins pour maintenir les hommes à une pression donnée aussi longtemps que nécessaire. Les plongeurs amateurs qui pratiquent cette activité le savent tous : plus on descend profond, moins on respire longtemps avec la même quantité d’air stockée dans les bouteilles et plus le temps passé aux paliers de décompression s’allonge. En recréant artificiellement dans un caisson étanche les conditions de pression rencontrées jusqu’à plusieurs centaines de mètres de profondeur, la Comex a résolu l’équation qui empêchait jusque là d’imaginer un chantier sous-marin avec intervention humaine à plus de 20 mètres dans des conditions économiquement 8 soutenables. Avec la mise en saturation des plongeurs en caisson hyperbare, on s’affranchit notamment d’une part très significative des contraintes de temps imposées par la profondeur. Temps de travail, temps perdu en paliers de décompression… le premier s’allonge très sensiblement, “ Depuis 1974, la Comex a construit plus de 130 unités hyperbares ” le second diminue considérablement avec cette technique révolutionnaire dont les grands principes ont été définis dans les ateliers de la Comex. Les technologies hyperbares développées dans ses ateliers de Marseille ont permis à la Comex d’atteindre un niveau d’expertise incomparable en Des problèmes spécifiques à la haute pression Le développement de l’oxygénothérapie hyperbare en milieu hospitalier a offert à la Comex l’opportunité de relever plusieurs défis techniques pour adapter son savoir-faire industriel aux nécessités d’un usage médical des caissons. Outre les aspects de confort et de sécurité pour les patients et les équipes médicales, les ingénieurs de la Comex ont eu à résoudre des problèmes inédits, comme l’adaptation du matériel de réanimation à l’hyperbarie. Normalement destinés à fonctionner à la pression atmosphérique, ces équipements – et notamment les respirateurs et les systèmes de monitoring – ont dû être modifiés pour continuer de fonctionner de manière fiable une fois soumis à la pression du caisson. terme de conception, de construction et d’entretien des caissons hyperbares. Elles ont été utilisées en premier lieu pour conduire ses plongeurs dans les meilleures conditions de sécurité sur les chantiers profonds qu’assurait l’entreprise au fil du temps pour l’industrie pétrolière offshore, le génie civil, la défense, l’archéologie... Et ce, au point de rapidement intéresser de très nombreuses entreprises et institutions dans les secteurs de l’industrie, de la défense, de la recherche scientifique ou de la santé. Depuis 1974, la Comex a ainsi construit plus de 130 unités hyperbares, qu’elle a installées aux quatre coins du globe, qu’il s’agisse d’ensembles destinés à accueillir des plongeurs, civils ou militaires, des patients, des chercheurs, des ingénieurs... Au total, 83 chambres hyperbares à vocation thérapeutique pour les hôpitaux, 34 ensembles de plongée en saturation installés sur des bateaux supports, dont 8 pour les propres besoins de la Comex et une dizaine assemblés sous licence, ainsi que 8 centres d’essais hyperbares destinés à la recherche et à la simulation en plongée profonde. Ces installations sont toujours opérationnelles en France, au Canada, en Russie, en Inde, au Vietnam, à Singapour, au Panama, en Belgique, au Portugal, en Argentine, en Tunisie, en Turquie, dans les Emirats Arabes Unis, à Koweit, en Hongrie, en Algérie, en Malaisie, à Taïwan, au Maroc, en Egypte, en Indonésie, en Chine, au Japon, aux Pays-Bas, en Suède, en Angleterre, en Roumanie, en Norvège, en Allemagne, en Corée du Sud… sans compter les 23 sousmarins et cloches d’observation construites depuis les balbutiements de l’entreprise. Pionnière de la plongée industrielle profonde, la Comex n’a jamais cessé de faire évoluer ses connaissances et les technologies utilisées dans le domaine de la haute pression, notamment à partir de son Centre d’essais hyperbares (CEH) de Marseille où des scientifiques comme Xavier Fructus ou Bernard Gardette et des ingénieurs comme Claude Gortan, ont posé l’essentiel des principes techniques et physiologiques, élaboré les tables de références et défini les mélanges gazeux toujours utilisés en plongée profonde. Pour en arriver là, des dizaines d’expériences et de campagnes d’essais, dans les caissons du CEH ou en pleine mer, ont Tables made in Comex Parmi les nombreux apports majeurs de la Comex à la plongée, la panoplie des tables thérapeutiques Cx (Cx-12, Cx-18, Cx-30…etc) continue de faire référence pour le traitement des accidents de plongée, mais aussi pour beaucoup de protocoles thérapeutiques en caisson hyperbare hospitalier. Elles ont été définies par les équipes médicales et scientifiques qui ont travaillé depuis la fondation de l’entreprise à l’étude des effets physiologiques de la haute pression et des mélanges gazeux respiratoires les plus sophistiqués mis au point pour permettre à l’homme d’atteindre des profondeurs a priori inaccessibles. amené les plongeurs de la Comex jusqu’à 530 mètres en pleine mer lors de l’opération Hydra 8 en 1988 et jusqu’à 701 mètres, lors de l’opération Hydra 10, en 1992 à Marseille. Théo Mavrostomos, l’auteur de cette plongée record, reste, 18 ans après, l’homme le plus profond du monde en caisson hyperbare. Entamées au milieu des années 60, ces campagnes expérimentales ont été conduites par les équipes de la Comex, le plus souvent en association avec de grandes institutions nationales et internationales à vocation scientifique ou de défense comme le CNRS, l’INSERM, l’Ifremer, le Cephismer, l’IMNSSA, l’Agence spatiale européenne (ESA), le CNES, l’US Navy, la Marine suédoise, le SINTEF norvégien... Sur les bases de cette expérience incomparable, la Comex a réalisé ces dernières années plusieurs ensembles hyperbares destinés à une utilisation médicale en milieu hospitalier. Et elle continue de faire évoluer ses technologies et son savoir-faire dans tous les domaines où sa compétence et sa réactivité sont depuis longtemps reconnues à travers le monde. 9 DOSSIER caissons hyperbares interview La médecine hyperbare a encore de beaux jours devant elle Le Professeur Alain Barthélémy dirige le service de médecine hyperbare du Centre hospitalier universitaire Sainte-Marguerite, à Marseille. Trois caissons mis au point et construits par la Comex y ont été installés en 2004, à la suite du déménagement du premier service de médecine hyperbare de l’hôpital Salvator. Plusieurs milliers de patients y subissent chaque année des séances de soins pour des maladies auxquelles la haute pression offre une meilleure réponse thérapeutique. Entretien avec l’un des meilleurs spécialistes de l’hyperbarie médicale actuellement en exercice. Peu de gens connaissent les champs d’application de la médecine hyperbare, si ce n’est le traitement des accidents de plongée. Pour quels autres types de problèmes médicaux est-elle pertinente ? La première, c’est la lutte contre les infections graves, les gangrènes gazeuses, les infections anaérobie (dont les germes ne survivent pas au contact de l’air, ndlr) On a ensuite utilisé l’hyperbarie pour la chirurgie vasculaire. Elle a permis des interventions sans circulation extra-corporelle, à une époque où ce système n’était pas encore au point. Ici, à Marseille, où est née la plongée en scaphandre autonome, nous nous sommes concentrés sur le traitement des pathologies du plongeur. Dans le nord de la France, c’est en revanche autour du traitement des intoxications aux oxydes de 10 carbone que nos confrères ont axé l’essentiel de leurs travaux. Les spécificités locales ont donc joué un grand rôle dans le développement de la médecine hyperbare De quelles façons, selon quels principes l’hyperbarie agitelle sur l’être humain ? Quand on respire l’air ambiant à la pression atmosphérique, les poumons absorbent l’oxygène qui est ensuite transporté vers les organes par la circulation. Il est présent dans le sang sous deux formes : lié à l’hémoglobine, pour environ 98 % du total de l’oxygène transporté, ou dissous pour 1,5 à 2 %. Si on respire à une pression supérieure, l’hémoglobine ne transportera pas beaucoup plus d’oxygène. La fraction dissoute, en revanche, augmente sen- Au Centre hospitalier universitaire Sainte-Marguerite, à Marseille, le Professeur Alain Barthélémy, chef du service de médecine hyperbare, exploite deux chambres thérapeutiques construites par la Comex en 2004. Quel a été, selon vous, l’apport de la Comex dans les connaissances des phénomènes auxquels sont soumis les plongeurs en profondeur ? siblement avec la pression et produit un certain nombre d’effets bénéfiques pour l’organisme. Lesquels ? A partir d’une certaine concentration, l’oxygène dissous dans le sang devient toxique pour les bactéries, ce qui a permis de traiter efficacement toute une série d’infection aérobies et anaérobies, notamment les gangrènes gazeuses, dont certaines excessivement difficiles à juguler avec les traitements antibiotiques classiques. L’oxygénothérapie hyperbare est également très utile dans le traitement des infections du pied chez le diabétique, qui guérissent très difficilement, et dans la cicatrisation des lésions compliquées. Pourrait-elle remplacer les antibiotiques dans le traitement des infections ? Surtout pas. C’est un traitement complémentaire important, mais on ne peut en aucun cas le substituer à une antibiothérapie. C’est l’association des deux qui permet d’obtenir de très bons résultats. L’hyperbarie est-elle utile pour d’autres maladies ? Oui. Elle est de plus en plus utilisée pour traiter les lésions d’irradiations provoquées par la radiothérapie cancéreuse sur les organes voisins de la tumeur, en prévention et en curatif. L’ oxygène à haute pression permet notamment d’accélérer le processus de genèse des vaisseaux et donc de favoriser la cicatrisation des tissus Quelles sont les voies de recherches actuellement explorées ? Elles sont très nombreuses. En particulier dans le domaine de la plongée, où il nous reste encore à bien comprendre certains aspects de la physio-pathologie de l’accident de décompression. Il y a également des travaux autour du traitement des accidents vasculaires cérébraux ou des infarctus en phase aiguë, avec des pistes prometteuses. Et il y en a encore beaucoup d’autres. Je pense par exemple au temps de cicatrisation des lésions musculaires chez le sportif de haut niveau, pour lequel un programme de recherches est en phase de lancement. La médecine hyperbare a encore de beaux jours devant elle. Considérable. Ils ont été pionniers dans la plongée professionnelle et, à ce titre, les travaux et expérimentations des équipes médicales de l’entreprise – je pense notamment aux docteurs Xavier Fructus et Bernard Gardette – ont permis de faire progresser la connaissance à pas de géant, surtout dans le domaine de la saturation, où la Comex a défriché le terrain. Les retombées de ces recherches ont d’ailleurs largement profité aux équipes de chercheurs plus axées sur les domaines purement médicaux. “ Les caissons de la Comex sont de mieux en mieux adaptés à une utilisation thérapeutique ” Vous utilisez des caissons Comex depuis longtemps déjà. L’expérience de l’entreprise dans le domaine de la plongée industrielle a-t-elle compté dans ce choix ? C’est indéniablement une garantie pour nous. Garantie d’avoir un matériel qui fonctionne correctement, même en utilisation intensive, et garantie de fiabilité sur la durée, avec des équipes de maintenance réactives et très qualifiées. D’autant que les caissons les plus récents de la Comex sont de mieux en mieux adaptés à une utilisation thérapeutique, en termes d’ergonomie, de confort et de design. La technologie, elle, a toujours été au top niveau. Depuis combien de temps utilise-t-on l’hyperbarie en médecine ? Les tout premiers travaux sur l’utilisation de l’oxygène sous pression en médecine remontent au XIXe siècle, mais l’utilisation de l’oxygénothérapie à des fins médicales telle que nous la pratiquons date des années 50/60. C’est un médecin hollandais, le Dr. Ite Boerema, qui en a été le précurseur. En France, c’est notamment Philippe Ohresser, dont le service que je dirige porte le nom, qui a été parmi les pionniers, en construisant le premier centre de médecine hyperbare à Marseille. Il en existe aujourd’hui des dizaines, répartis aux quatre coins de la planète. 11 VOYAGE Polynésie La constellation française du paradis Eclatés sur plusieurs centaines de kilomètres dans le Pacifique, les cinq archipels de la Polynésie française offrent une variété sidérante de paysages terrestres et sous-marins. Ce n’est pas pour rien que Tahiti représente, dans l’inconscient collectif, l’image même de l’Eden sur terre. C ’est un petit bout de France éclaté en un chapelet d’îles au milieu de l’océan Pacifique. Objet de tous les fantasmes des voyageurs depuis des décennies, la Polynésie française représente, pour une majorité d’occidentaux habitués à la grisaille et aux froidures des climats tempérés, l’image la plus aboutie du paradis sur terre. Découvertes au XVIe siècle par Magellan, les premières îles de cette constellation ont conservé au fil du temps leur charme incomparable, avec un développement maîtrisé du tourisme et de l’urbanisation sur la plupart d’entre elles. Evangélisées, puis colonisées par les Anglais et les Français à partir du XVIIIe siècle, les îles de Polynésie sont passées sous protectorat français au milieu du XIXe, mais ont longtemps conservé une forme d’autonomie vis-à-vis de la lointaine métropole. Depuis la dynastie des Pomaré, une royauté locale instaurée au XVIIIe avec l’aide des européens, jusqu’au statut actuel de « pays d’Outre-mer », qui laisse aux polynésiens l’essentiel des pouvoirs de décision sur l’administration de l’archipel, ce pays entre mer et ciel n’a jamais vraiment oublié son identité, sa culture et sa mentalité durant la période de colonisation et la domination des Etablissements français d’Océanie, de 1890 à 1977. C’est d’ailleurs à cette date que la Polynésie française a obtenu un premier statut d’autonomie politique, renforcé à deux reprises, en 1984 et 2004. Réparties en cinq archipels – La Société, les Tuamotu, les Gambier, les Marquises et les Australes –, les 118 îles de Polynésie française sont d’origine volcanique ou corallienne. Elles portent des noms à faire rêver le plus blasé des voyageurs : Tahiti, Moorea, Bora-Bora, Rangiroa, Huahine, Nuku Hiva, Hiva ‘Oa, Manihi, Fakarava... Il est vrai que les paysages sont à l’unisson de ces appellations poétiques. Les eaux de ses lagons de légende comptent parmi les plus limpides au monde. La biodiversité marine y est réellement sidérante, avec des cohortes de poissons, des plantes et des coraux aux formes et aux couleurs recherchées par tous les amateurs de belles images sous-marines. Dans les coins les plus réputés de cette région immense, il suffit de mettre le nez sous l’eau et c’est grand spectacle garanti d’un coin à l’autre du champ de vision. Les plongeurs du monde entier y affluent depuis des décennies pour éprouver cette sensation unique d’évoluer en toute liberté dans le plus vaste et le plus bel aquarium de la planète. Une activité phare du tourisme polynésien très bien prise en compte sur le plan médical, avec des équipes compétentes et un caisson hyperbare Comex. Le tourisme est pratiqué avec le même bonheur au dessus de la surface, où les panoramas ne sont pas moins grandioses. La distance entre les archipels et leur nature différente offrent une exceptionnelle variété de climats, de ciels, de couleurs et d’atmosphères, de la “ douceur presque irréelle des plages de BoraBora jusqu’à la sauvagerie des Marquises, où les falaises luttent sans répit contre les vagues amples du Pacifique. Très tôt idéalisées par La Polynésie française représente l’image la plus aboutie du paradis sur terre ” les récits de Bougainville, de Cook et des premiers missionnaires, puis mythifiées par la révolte du Bounty, le cinéma et les films sous-marins, les îles polynésiennes n’ont pas perdu grand-chose de leur séduction, même si le boom économique des années 60/70, avec l’installation des centres d’essais nucléaires sur Hao et Mururoa, et le développement du tourisme, ont fragilisé des écosystèmes longtemps préservés de la pollution et des apports extérieurs indésirables par l’immensité de l’océan. Le traitement des eaux usées, les espèces animales et végétales invasives, la pression sur les habitats naturels, la surconsommation d’eau douce, la multiplication des navires à moteur... menacent désormais ce joyau national à l’autre bout du monde. Alors si vous y allez, prenez le maximum de plaisir, offrez vous tous les spectacles d’une nature époustouflante, mais n’y laissez aucune trace de votre passage. Le paradis du Pacifique ne s’en portera que mieux. 13 NEWSNEWSNEWSNEWSNEWSNE Henri Germain Delauze sous les feux de la rampe Le président fondateur de la Comex est, tout l’été à l’affiche de l’Art d’entreprendre, une manifestation imaginée par la Chambre de commerce et d’industrie Marseille Provence pour rendre hommage aux chefs d’entreprises de son territoire qui ont su utiliser leur intuition pour capitaliser sur le génie humain et en faire une activité économique de première importance. Après Paul Ricard, dont on commémorait en 2009 le centenaire de la naissance et qui a popularisé le pastis de Marseille aux quatre coins du monde, c’est donc à Henri Germain Delauze, pionnier de la plongée industrielle profonde, que la CCI Marseille Provence a choisi de consacrer le deuxième volet de l’Art d’entreprendre, qui se tiendra jusqu’au 27 août 2010, au Palais de la Bourse de Marseille. Un parcours visuel original, composé avec deux artistes contemporains, Stephan Muntaner et Pierre-Gilles Chaussonnet, permet au visiteur de découvrir les machines et l’univers de la découverte et de l’exploration qui ont baigné la carrière d’Henri Germain Delauze, dont on peut apprécier les multiples facettes tout au long de cette exposition. A l’automne, le président fondateur de la Comex sera une nouvelle fois à l’honneur, dans l’atrium du Conseil général des Bouches-du-Rhône cette fois, à l’occasion d’une grande exposition consacrée à la conquête des grandes profondeurs, un an après celle qui retraçait les principales étapes de l’aventure spatiale. Un événement dont nous aurons l’occasion de reparler dans notre prochain numéro. La Légion d’Honneur pour Michèle Fructus 14 Michèle Fructus, Directeur Général La Bastide, siège social de la Comex, d’honneur à tous les comexiens, qui, de la Comex, a reçu le 4 juin dernier boulevard des Océans à Marseille. au fil du temps, ont mis leur intelli- les insignes de chevalier de la Légion C’est Dominique Bussereau, gence, leur engagement, leur esprit d’honneur. Cette médaille lui a été Secrétaire d’Etat aux Transports, qui d’équipe et leur formidable enthou- remise par son père, Henri Germain l’avait proposée pour cette décora- siasme, au service de l’entreprise. Sa Delauze, Président fondateur de tion. Très émue par les marques de réussite est avant tout la leur, comme l’entreprise, lors d’une cérémonie sympathie reçues à cette occasion, la récompense qui honore celle qui la très souriante sous les platanes de Michèle Fructus a dédié sa Légion dirige aujourd’hui. Le Protée refait surface dans La Provence Découvert par la Comex en 1995 au large de Cassidaigne, entre Marseille et Toulon, le sous-marin Protée figure parmi les histoires sélectionnées par le grand quotidien régional La Provence pour son supplément consacré à la Résistance et à la Libération du sud de la France, entre 1942 et 1944. Après avoir échappé aux deux catastrophes qui ont décimé la Marine Nationale durant la deuxième Guerre mondiale, en l’occurrence le bombardement des navires français par les Anglais à Mers-el-Kébir et le sabordage de la flotte en rade de Toulon, le Protée avait vaillamment servi la cause de la résistance, en amenant ou exfiltrant des agents alliés jusque sur les côtes françaises, notamment dans les calanques de Marseille. Pris en chasse et coulé à la suite d’une de ces opérations, ce sous-marin construit dans les années 30 avait disparu corps et biens, sans que l’on sache exacte- ment dans quelle zone. Localisé par la Comex lors d’une opération de survey au sonar, le submersible reposait à un peu plus de 100 mètres sous la surface de l’eau. A la demande de ses enfants, l’urne contenant les cendres de la veuve du capitaine du Protée a été relâchée à l’intérieur du sousmarin lors d’une opération conduite par Henri Germain Delauze et ses hommes, en hommage à ces héros de la Marine Nationale. Dans les profondeurs du détroit de Messine Le film du documentariste allemand Sigurd Tesche consacré aux fonds sous-marins du détroit de Messine, entre la Sicile et la Calabre, est prêt à être diffusé. Tourné durant l’été 2009 à partir du Minibex, l’un des deux navires océanographiques de la Comex, ce documentaire met en scène une jeune journaliste qui découvre, bouteilles et combinaison de plongée sur le dos, l’incroyable activité sous-marine de cette région, marquée par des courants très forts et un volcanisme actif particulièrement spectaculaire. Destiné à la télévision, ce film devrait être diffusé prochainement sur la chaîne culturelle franco-allemande Arte. 15