La procédure du droit de préemption
Transcription
La procédure du droit de préemption
Pages Fiches techniques C+_Mise en page 1 05/03/13 06:24 Page57 LES FICHES TECHNIQUES URBANISME DU JOURNAL DES MAIRES La procédure du droit de préemption Le droit de préemption permet à une collectivité territoriale d’acquérir en priorité un bien immobilier mis en vente par un particulier ou une entreprise, dans le but de réaliser des opérations d’aménagement urbain. 1. LES CONDITIONS D’EXERCICE DU DROIT DE PRÉEMPTION Préalablement, la commune doit instituer, par une délibération, un droit de préemption définissant les zones à préempter pour sa localité. En effet, ce droit doit être exercé en vue de la réalisation d’opérations d’aménagement urbain d’intérêt général (création d’équipements collectifs, lutte contre l’insalubrité, renouvellement urbain...). Le droit de préemption peut être exercé sur les terrains de toute nature mais aussi sur les bâtiments tels que les appartements, les maisons individuelles, les commerces, etc. La délibération instituant un droit de préemption doit faire l’objet d’un affichage en mairie pendant une durée d’un mois, et d’une insertion dans des journaux diffusés dans le département. Enfin, si le droit de préemption est généralement exercé par la commune, il peut néanmoins être délégué à l’Etat, à un établissement public ou à une société d’économie mixte. Ainsi, le conseil municipal peut déléguer sa compétence au maire, en application du 15° de l’article L. 2122-22 du Code général des collectivités territoriales. Il revient donc au conseil municipal de décider du contenu de la délégation qu’il consent au maire, et ce avec une précision dite « suffisante », comme le précise la jurisprudence du Conseil d’Etat. 2. LA RÉALISATION DE L’OPÉRATION DE PRÉEMPTION A. Le préalable : la déclaration d’intention d’aliéner (DIA) Le plus souvent, le vendeur va ainsi adresser sa déclaration d’intention d’aliéner à la commune après avoir défini les conditions de la vente avec un autre acquéreur potentiel. La conclusion d’un compromis de vente peut être réalisée mais, sous la condition suspensive du non-exercice du droit de préemption par la commune. Cette déclaration doit être faite au moyen d’un formulaire Cerfa accompagné des pièces justificatives. En pratique, cette démarche est réalisée par le mandataire du vendeur (notaire ou agent immobilier). B. La décision de préempter ou non le bien Dès réception de la déclaration d’intention d’aliéner, la commune doit faire appel au service des Domaines afin qu’il évalue le prix du bien à préempter en fonction des prix du marché et des transactions récemment effectuées. Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l’avis du service des Domaines sur le prix de l’immeuble dont il envisage de faire l’acquisition dans les conditions fixées par l’article R. 213-21 du Code de l’urbanisme. L’avis du service des Domaines doit être formulé dans un délai d’un mois à compter de la date de réception de la demande d’avis. Passé ce délai, il peut être procédé librement à l’acquisition. Il convient de noter en la matière que la commune n’est pas tenue de se rallier au prix proposé par le service des domaines. Cependant, si elle décide d’un prix d’achat supérieur, la délibération devra être motivée. La décision de préemption doit mentionner l’objet pour lequel le droit est exercé en visant une des actions ou opérations d’aménagement et en détaillant le projet poursuivi. Aussi, le bénéficiaire du droit de préemption dispose d’un délai de deux mois pour prendre sa décision à compter de la réception de la DIA (art. L. 213-2, R. 213-8 et R. 213-9). Pour que la décision de préemption soit valable, il est nécessaire de le faire avant l’expiration du délai mais également qu’elle soit reçue avant cette expiration. Enfin, cette décision doit être transmise en préfecture pour devenir exécutoire avant l’expiration du délai. L’article R. 213-8 du Code de l’urbanisme prévoit trois cas possibles : la commune renonce expressément ou tacitement à l’exercice de son droit de préemption. Dans ce cas, la renonciation est définitive. Le vendeur peut alors vendre son bien à l’acquéreur de son choix ; la commune décide d’acquérir le bien aux conditions et prix fixés dans la DIA. La vente est alors considérée comme définitive et le paiement du prix doit intervenir dans les six mois (art. L. 213-14) ; la commune offre d’acquérir le bien à un prix qu’elle a fixé. En cas de maintien du prix, la commune peut soit renoncer soit saisir le juge de l’expropriation. La commune dispose d’un délai de quinze jours à compter de la réception de la réponse du propriétaire pour saisir le juge de l’expropriation. A défaut, la commune sera réputée avoir renoncé à exercer son droit de préemption (art. R. 213-11). Si la commune juge le prix trop élevé, elle doit notifier sa contre-proposition au propriétaire et l’informer qu’à défaut d’acceptation, il sera demandé une fixation judiciaire du prix au juge de l’expropriation (art. R. 213-8). Dans ce cas, elle dispose d’un délai de deux mois pour proposer un autre prix au vendeur par lettre recommandée avec avis de réception. Le vendeur dispose à son tour d’un délai de deux mois suivant réception de l’offre pour notifier à la commune (art. R. 213-10) : www.journaldesmaires.com mars 2013 Journal des Maires 57 Pages Fiches techniques C+_Mise en page 1 05/03/13 06:24 Page58 LES FICHES TECHNIQUES DU JOURNAL DES MAIRES La procédure du droit de préemption Son acceptation de l’offre et sa décision de vendre au prix proposé par la commune. Il s’agit bien sûr de l’hypothèse la plus simple, suivie de quelques formalités que sont la passation d’un acte authentique à faire établir dans les 3 mois suivant l’acceptation du vendeur (art. R. 213-12 alinéa 1) et le paiement de la transaction réalisé dans les six mois suivant acception par le vendeur de la contre-proposition (art. L. 213-14). Sa renonciation à vendre son bien. Dans ce cas, la procédure s’interrompt dès que le bien est retiré de la vente. Pour autant, celui-ci reste soumis au droit de préemption. Aussi, lorsque le propriétaire souhaitera à nouveau le mettre en vente, il devra se soumettre à la procédure en envoyant une nouvelle DIA. Son intention de maintenir le prix et son accord sur saisine du juge (art. R. 213-10). Il est à préciser ici que le silence du propriétaire dans les deux mois vaut renonciation à la vente. A ce point de la procédure, l’on rentre dans le cas de figure le plus défavorable aux deux parties puisqu’il s’agit de saisir le juge de l’expropriation pour la fixation judiciaire du prix (cf. ci-dessous). En cas de procédure, donc, en cas de désaccord sur le prix, la compétence revient au juge de l’expropriation qui intervient pour fixer le montant de la transaction en vertu de l’article L. 213-4. Le juge est saisi dans les quinze jours suivant réception de la réponse du vendeur, par lettre recommandée adressée au secrétariat du tribunal de grande instance accompagnée du mémoire introductif d’instance en double exemplaire. Si le délai de quinze jours n’est pas respecté, la commune est réputée renoncer à exercer son droit. Enfin, une somme correspondant à 15 % de l’évaluation faite par le directeur des services fiscaux doit être consignée. L’acte de saisine du juge et l’évaluation du bien constituent les pièces justifiant la consignation (art. L. 213-4-1). Une fois le prix définitivement fixé par le juge, les parties disposent d’un délai de deux mois pour accepter le prix ou renoncer à la transaction (art. L. 213-7). Mais, en cas de désaccord sur le prix, le propriétaire du bien peut encore retirer celui-ci de la vente en cours de procédure (art. L. 213-7). En effet, la jurisprudence a précisé que tant que le titulaire du droit de préemption n’a pas accepté le prix proposé, le propriétaire peut renoncer à son intention d’aliéner. Enfin, lorsque les parties sont parvenues à un accord sur le prix, la commune dispose d’un délai de six mois à compter de la signature de l’acte notarié pour régler le paiement de la vente. Dès lors, le propriétaire est tenu d’en informer le locataire par lettre recommandée avec avis de réception. Le locataire peut à tout moment déclarer à la commune 58 www.journaldesmaires.com mars 2013 Journal des Maires son intention de résilier le bail. La commune est alors tenue de lui verser les indemnités auxquelles il peut prétendre, notamment celles qui peuvent lui être dues à raison des améliorations qu’il a apportées au logement. Une décision, instituant un droit de préemption, peut faire l’objet d’une demande d’annulation, notamment lorsque la décision de préemption est insuffisamment motivée par la commune. La demande d’annulation doit être présentée devant le tribunal administratif dans un délai de deux mois à compter de l’affichage de la décision en mairie. De même, l’éventuel acquéreur écarté peut demander l’annulation de la décision de préemption dès lors qu’il est titulaire d’un compromis de vente. La principale conséquence de l’annulation d’une décision de préemption est que la commune est considérée comme n’ayant jamais décidé de préempter. La commune peut être condamnée à verser des dommages et intérêts au propriétaire pour réparer le préjudice subi en raison du fait qu’il n’a pu disposer de la somme qu’il aurait pu obtenir de la vente pendant la période courant de la décision illégale de préemption à la date de retrait de cette décision. 3. LA REMISE EN CAUSE DU BIEN PRÉEMPTÉ La commune doit se conformer au motif invoqué dans sa décision de préemption et affecter le bien à l’objet cité. Mais l’ancien propriétaire et l’acquéreur évincé ont un droit de regard sur l’utilisation qui est faite par la commune du bien préempté. Si l’ancien propriétaire ou l’acquéreur évincé constatent que le bien acquis depuis moins de cinq ans a été utilisé à d’autres fins que celles indiquées lors de la décision de préemption, ils peuvent faire valoir leur droit de rétrocession, c’est-à-dire demander à la commune de leur céder à nouveau le bien. Cette demande de rétrocession est également possible lorsque la commune n’a pas versé le prix de la vente dans le délai de six mois à compter de la signature de l’acte notarié. L’offre de rétrocession doit préciser le prix de vente proposé et être notifiée en priorité à l’ancien propriétaire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. L’ancien propriétaire dispose d’un délai de deux mois pour faire connaître sa décision d’acceptation, de renoncement ou de rachat du bien. A défaut d’accord amiable dans les deux mois, l’une des parties peut saisir le juge. Florence Idoine RÉFÉRENCES JURIDIQUES Articles à consulter du Code de l’urbanisme : L. 213-1 et suivants, L. 311-3, R. 213-1 à R. 213-19.