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2112
TEXTE ET MUSIQUE:
DICK ANNEGARN
MISE EN SCÈNE:
STÉFAN SPEEKENBRINK
«L’espèce d’oppression dont les peuples
démocratiques sont menacés ne ressemblera
à rien de ce qui l’a précédée dans le monde.»
A. de Tocqueville
La démocratie en Amérique
Réalité en quête de fiction
Dick Annegarn est auteur-compositeur. Son théâtre
est un clairon: ses mots se soufflent, se scandent ou se
chantent. Le théâtre qu’il conçoit est profond et charnel.
Emprunt des questionnements sur notre société et attentif
aux sons des mots, au rythme des paroles.
Il a écrit 2112 comme un poème épique, il est sorti du format
chanson pour se pencher vers l’avenir. Le comprendre au
travers de personnages, de situations.
Comme Tocqueville au XIX ème siècle, Dick Annegarn
parle au futur d’un présent en faillite. Il est ici acerbe dans
la fiction. Il rend compte des paradoxes auxquels nous
participons quotidiennement, il s’immisce dans nos failles,
en écarte les bords en refusant tout manichéisme.
Il pousse la pensée écologique dans ses retranchements les
plus noirs, celle d’un fascisme d’autant plus fécond qu’il
répond au «bien de l’humanité». Tuer tout ce qui nuit à la
bonne santé de la planète : belle pensée unique. Depuis
longtemps dans la société qu’il décrit, l’ignorance c’est la
force1.
Avec 2112, Dick Annegarn a créé un futur aux accents
fantasques. Improbable peut-être, délectable sûrement.
Il propose un texte rude et embryonnaire, qui pointe
clairement les conflits mais laisse une grande part à la
création quant à sa mise en forme. C’est par la sensation, le
rythme qu’il nous entraîne vers le futur.
«Ecrire ce qui est ou écrire ce qui vient? Caresser
la surface des événements, tracer une cartographie de
leur écorce ou au contraire, casser la bogue, extraire le
noyau, la semence des temps futurs? Vieux dilemme
qui oppose le travail des politologues et celui, plus
trouble mais d’une incomparable fécondité, de tous
ceux – romanciers, cinéastes, auteurs de BD – qui ont
l’audace de s’attaquer aux temps à venir.
Si l’on s’en tient à la méthode, il est certain que
seuls les observateurs scientifiques de la politique
et de l’histoire peuvent prétendre à la rigueur et, en
conséquence à la crédibilité.
[…]
Pourtant la fiction qui se revendique ouvertement
comme mensonge est, au contraire, une des formes
de la vérité. Cette vérité ne se reconnaît pas par sa
forme mais par un “son” que l’oreille humaine
peut distinguer. Un roman “sonne” juste - ou pas
– et conduit à une plus haute compréhension de la
profondeur des situations et des acteurs2.”
2112 est constitué de trois parties dans lesquelles
ni les thèmes ni les personnages ne sont identiques. Seule,
dans ce tryptique, la trame relie chaque partie: à une force
vient se heurter une contre force engendrant un conflit qui
ne trouvera sa résolution qu’avec la création d’une troisième
voix. Cette troisième voix n’est pas un compromis mais une
proposition nouvelle née de la compréhension profonde de
ce qu’est l’autre.
Dick Annegarn confronte des univers considérés comme
opposés. Il en décrit les peurs, s’immisce dans les failles de
ses personnages. Il passe lui-même par la compréhension des
deux forces en question et en vient à dégager des similitudes
qui questionnent l’aspect manichéen de notre pensée
occidentale.
Le cadre de référence est une dictature écologique,
la biocratie, dont toute technologie est bannie. On porte du
lin, on boit de l’eau de source, tout n’est qu’équilibre et
considération. Cette biocratie soigne. Elle soigne tout ce qui
vit et chasse et tout ce qui tue. Ce tout-bio dépend des ficelles
numériques contrôlées par les biocrates. La biocratie est une
démocratie résolument dirigée vers une pensée unique: ne pas
nuire. Et dans cette nouvelle forme de fascisme écologique,
la répression est invisible. Tout est induit avec amour et
acceptation. L’opposition ne peut exister. Les personnes
récalcitrantes à cette soft-idéologie sont rééduquées en
douceur, avant même de pouvoir imaginer quelconque
opposition.
2112 est un triptyque dans lequel trois thématiques
sont développées: L’expulsion du territoire national dans
France-Asile. L’instrumentalisation de la religion dans
les Hiérodules et l’écologisme forcené dans Diacrise.
On s’interroge sur l’évolution du statut de l’étranger, de
la prostituée et du rebelle face aux fonctionnaires (euxmêmes étrangers), aux religieuses (en lutte avec Dieu) et aux
biocrates (attirés par les outils technologiques).
ORWEL, Georges, 1984, traduit de l’anglais par Amélie Audiberti,
Gallimard, Paris, 1984, p.285.
2
RUFIN, Jean-Christophe, Réalité en quête de fiction, in: Le monde
Diplomatique, septembre 2004, p.28.
1
Les trois parties
FRANCE-ASILE est la confrontation de deux hommes
du même continent, placés d’un coté et de l’autre de la
barrière. Chhaya Prak, fonctionnaire silencieux, travaille
pour la Police de l’Air et des frontières (P.A.F.). Albin Van
Thieu passe devant son guichet avant d’être expulsé du
territoire. Il est français de culture et gouailleur de surcroît.
Albin se défend de l’injustice de l’état biocratique:
J’étais Français de lait
Et fier de l’être
J’appréciais ces petites lettres
Ces cédilles
Ces accents circonflexes
Articles complexes
Concaves convexes
Conserver papiers gras
Sable morve
Mort au rats
J’ai dû tout répertorier
A travers mes promenades
Allées venus
D’éternels trottoirs
J’ai fais du sport
J’en suis pas mort
Je fais du vélo
Plus vite plus beau
J’ai été élevé
Dans une école
Y allais matin
Bouses vides
Fesses molles
Et le soir
J’en avais plein
La tête
Bon en maths
Beau en mèche
La mèche?
Rebelle
Je m’appelle
Albin Van Thieu *
Chhaya Prak le prend en sympathie, cela retarde
son départ. Cependant après trois jours ils se font tous
deux éconduire au Vietnam. Chhaya Prak est d’origine
cambodgienne, il espérait pouvoir échapper à l’expulsion en
respectant les ordres des biocrates. Ils se retrouvent dans le
même avion affrété par la P.A.F. en partance pour l’Asie,
dont ils ne connaissent rien.
*2112, première partie France-Asile, scène 1, pp. 2-3.
Albin dans son camp de réfugiés commence à
divaguer et les cauchemars deviennent réalité. Il imagine
un Chhaya Prak sous la forme d’un demi-dieu qui prendrait
le contrôle des êtres vivants. De ce délire Albin en retire
une volonté féroce: prendre le pouvoir sur cet adversaire
fantasmé. Il en perd son humanité, s’improvise proxénète.
S’inspire de la violence ressentie lors de son expulsion du
territoire français pour devenir tortionnaire.
Trois années plus tard, Albin est devenu très riche, ce
qui lui permet de quitter le Vietnam. Avant son départ pour la
France il retrouve un Chhaya Prak totalement déliquescent.
Il ne le reconnaît pas.
L’action des HIÉRODULES se situe dans un des
derniers couvent en activité, déserté par les fidèles. Mais trois
nonnes se jouent et se rejouent frénétiquement ce qu’elles
croient être un culte catholique. Elles ritualisent de vagues
restes de pratiques religieuses: se baptisent à tour de rôle,
vénèrent un crucifix dont il ne reste qu’un bras et s’imaginent
en communion avec Jésus enterré au Cachemire.
Simone arrive en grande pompe. C’est une
prostituée en fin de carrière qui veut recycler ce monastère
en haut lieu de plaisirs. La justification vient d’une tradition
où des prêtresse sumériennes, les Hiérodules, faisaient
l’amour aux fidèles. Les sœurs prennent rapidement plaisir à
respecter les consignes de Simone et servent le sexe comme
elle transcendent leur Dieu estropié. Simone prend peur face
à de telles lubricités et se questionne sur l’intérêt que peut
avoir le sexe en dehors des questions éthiques. Elle conclut
qu’une prise en considération à la fois du plaisir charnel et
du plaisir spirituel toucherait aux fondements de ce qu’est
l’amour. Simone en vient à comparer la recherche du plaisir
par le point G, au point de convergence cosmique, le point
Oméga:
bon, les sœurs culte
celles qui restent
ce soir
je veux du leste
il faut renouer avec la théologie
il nous faut des colloques
des séminaires, de la réflexion
serions-nous comme des algues
parmi les poissons
non ?
salamandres, oiseaux,
mammifères, prédateurs, prédicateurs
l’univers est convergence
l’évolution une montée vers la conscience
dans l’étoffe de la proximité naissent les
tangentes
nos âmes s’en élèvent non point isolément
le Christ est un axe de souffrance et de
délivrance
qui passe obligatoirement par la terre et
l’homme
l’homme est irremplaçable
unissons corps et esprit
en plus du point d’arrêt
le point g
et son corollaire
le point oméga*
DIACRISE, oppose un émissaire de la biocratie à
l’un des derniers retors à ce régime écologique et autoritaire.
Le suppôt des biocrates prône le biologisme démocratique,
tandis que l’autre cherche le plaisir immédiat par des artifices
technologiques. Le fonctionnaire a le devoir de ramener cette
brebis égarée à la raison en douceur. La force numérique
est du coté de la biocratie. Le miroir tendu par le rebelle
amène le fonctionnaire à suivre ses instincts. Une assemblée
exceptionnelle du gouvernement de 2112 se met en place
pour ramener le fonctionnaire à la raison. Celui-ci persiste
dans sa quête de plaisir immédiat et donne raison au rebelle.
Il s’exclut ainsi de l’état totalitaire, se métamorphosant en un
redoutable colérique. Les deux protagonistes se retrouvent
dans une communion d’esprit et se mettent en quête d’une
troisième voix. De cette Diacrise (crise à deux), va naître
une nouvelle conception de ce que peut être l’humain de
2112, ni mouton ni rebelle, obéissant à la fois à ses pulsions
et respectant l’écosystème.
La liberté?
Sa cage est pire qu’une vraie.
Son air est vicié.
On n’y respire pas.
On y aer-o-bie
dans la polytopie**
*2112, deuxième partie Les Hiérodules, scène 5, p.19.
**2112, troisième partie Diacrise, scène 2, p.25.
Note de l’auteur
Mon point de départ a été la rencontre avec un
jeune homme déchiré entre sa culture d’origine et son pays
d’accueil.
Né en France de parents vietnamiens, ses repères et sa manière
de penser sont français. S’intégrer a toujours été au centre de
son éducation. Il est quand même perçu comme étranger par
ses voisins. Cependant les lois sur l’immigration ont pris une
telle tournure qu’il a été rejeté de sa France natale, éconduit
au Vietnam dont il ne connaît ni langue ni coutumes.
De là j’ai imaginé ce que pourrait être l’avenir, dans
une société qui exclut ceux qui n’ont de désir que celui d’une
nouvelle communauté. J’ai donné une date à cet avenir: 2112.
Le monde de 2112 est une blessure. J’ai décliné deux thèmes
qui constituent les fondements de nos sociétés occidentales :
la religion et la politique.
France-Asile a été complétée par Les Hiérodules
et Diacrise. Ainsi 2112 est aujourd’hui un triptyque. C’est
une pièce d’anticipation à partir des données politiques et
sociales actuelles. Chacun des trois actes est construit de
manière semblable: deux forces se confrontent autour de
lois d’exception instaurées par le gouvernement en place.
Les deux forces ne sont jamais totalement opposées. Il existe
toujours en l’une les fondements de l’autre et vice versa.
Je me refuse aux clichés. Une religieuse n’est pas
forcément moins femme qu’une prostituée. Les déviances
d’un système ne sont pas forcément nichées chez l’homme
déviant.
La société est schizophrénique, elle propose généralement
deux directions opposés alors que l’être humain est en soi
plus complexe. L’écriture théâtrale m’a permis de développer
le dédoublement de valeurs apparemment monolithiques.
Je cherche dans l’écriture une chimie. Il faut qu’il
y ait une zone de probabilité de rencontrer tel ou tel ion. Ce
n’est pas seulement dans la rime, ni par la métrique, c’est
une mise en bouche avec ses couleurs, ses sons propres.
Une chanson, c’est plus qu’une somme de paroles et de
musique. C’est une solution imaginaire. Il faut qu’elle excite
l’imagination. Le théâtre est aussi une chimie entre signifiant
et signifié entre compréhension sensuelle et intellectuelle
Je suis volontairement étranger au français car j’aime
en découvrir constamment la résonance. Dans mes chansons
je cherche à faire de chaque syllabe un mot, de chaque mot
une phrase, chaque phrase une strophe. Désarticulation
plutôt qu’articulation. Dans 2112 j’ai pris ce même plaisir à
construire et déconstruire le langage des personnages.
Ce qui dynamise le spectacle vivant est le verve
populaire. Elle se trouve du coté des moussems berbères, du
théâtre musical, des numéros de foire, des fêtes paysannes
hongroises, des rhapsodies, des joutes. J’aime le théâtre
quand il est vécu comme élément constitutif de la vie.
Le metteur en scène Stéfan Speekenbrink m’a rejoint dans
cette quête. Une alternative aux ordres établis. Il connaît le
théâtre d’institution, les auteurs de références, la composition
dramatique. Comme moi il propose de transformer le théâtre
de l’intérieur. Redécouvrir à chaque instant comment il peut
être proche de ses origines festives et musicales. Il cherche
à donner corps, souffle et rythme aux textes qu’il travaille,
retrouver le chœur et ses ressources dramatiques.
Il m’a proposé d’écrire une nouvelle version
de 2112 (la première datant de 1994). A présent le poème
épique devient plus dramatique. Les conflits sont plus précis
et les personnages construits. D’autre part la partie musicale
prendra une place importante sous forme de chants a capella.
J’interviendrai dans cette nouvelle création en tant que
compositeur pour ces voix chantées.
La rencontre s’annonce fertile. A la limite entre
théâtre et musique – sans frontières.
Dick Annegarn
Note de mise en scène
2112 est la première pièce de théâtre écrite par Dick
Annegarn.
Les craintes qu’il peut éprouver face à l’avenir de l’humanité
l’ont amené au théâtre. Il y trouve plus que dans le format
chanson, le lieu pour développer ses idées. Il interroge la
réalité/le présent à partir d’éléments imaginaires du futur.
L’anticipation lui permet de creuser dans ce présent, d’en
stigmatiser les errances.
2112 met effectivement le doigt sur les dysfonctionnements
de nos sociétés occidentales mais propose une forme ludique
et poétique en réponse. Le théâtre ne doit pas être uniquement
le lieu de la critique : il se doit de proposer une forme. Ici, la
parole en chœur est une sorte d’idéalisation de la société se
retrouvant dans une communauté. Comme la musique n’a pas
d’appartenance, on ne peut se la disputer, elle rassemble.
Le mot religion vient du latin: religare, relier, mais depuis
longtemps elle ne relie plus les hommes entre eux. La
musique par contre conserve cette capacité d’unir dans une
communion d’esprit. Elle tisse des liens en dehors de toute
croyance, c’est une sorte de religion sociale.
Depuis toujours je recherche la musicalité dans le théâtre.
Je sens que celle-ci possède une capacité d’évocation plus
grande que le langage. La musique donne à voir des mondes,
le théâtre donne à entendre des histoires. La musique pousse
dans des retranchements intimes dans la mesure où elle
donne à chacun le loisir de s’évader. Le théâtre quant à lui est
plus didactique, il faut souvent passer par la compréhension
pour prendre du plaisir.
Le théâtre musical réunit signifiant et signifié : un monde
s’ouvre et des histoires s’y déroulent. 2112 est à la fois un
texte rythmé, musical ainsi qu’un récit construit.
J’écoute les chansons de Dick Annegarn depuis plus de 15
ans. J’ai toujours ressenti une proximité de point de vue, sans
pour autant savoir pourquoi. La voix chantée exprime bien
plus que les mots qu’elle prononce. Elle exprime l’invisible
et par le truchement de l’identification peut nous entraîner
du coté du rêve, non seulement individuel mais collectif
lorsqu’elle devient spectacle. L’art, comme la magie, est
l’intermédiaire entre l’imagination et la réalité.
Ses textes sont comme des portes ouvertes. Ses personnages :
un bébé éléphant, Ubu, ou plus récemment trois petits
cochons, sont des archétypes, ils possèdent une capacité
d’évocation qui dépasse leur sens premier, faussement naïf.
Ma joie à été grande de découvrir la première version de
2112 dans la mesure ou je me trouvais face à un objet théâtral
assez rare: les mots se répondaient les uns aux autres, sans
ponctuation, sans didascalies ni même indications sur les
personnages, proche en cela de ses chansons mais unique
dans ce qu’il y exprime. Dick Annegarn est un ami du
verbe3 , son écriture n’est pas celle d’un auteur de théâtre à
proprement parler mais s’apparente de la conception postdramatique4.
2112 est un texte à scander, mâcher, déglutir, souffler,
chanter... le plaisir vient en le lisant à haute voix; on en sent
le rythme et il devient ludique. On veut jouer avec les mots
mis bout à bout. C’est par ce biais que je veux aborder son
écriture. Utiliser ces mots comme une matière avec laquelle
on peut ouvrir les vannes de l’imaginaire. Créer une partition
sonore dans un premier temps, un chœur à quatre voix mêlé
d’instruments de récupération pour ensuite concevoir une
partition corporelle.
Pour pénétrer l’univers de Dick Annegarn, nous utiliserons
l’art de la rhapsodie, technique antique qui consiste à réciter
et chanter des poèmes épiques. Trouver comment les mots
écrits peuvent se transformer en une partition, comment le
rythme est inhérent à l’écriture, et comment à partir de ces
mots rythmés peut naître un vocabulaire commun permettant
l’élaboration de situations dramatiques.
Il n’y aura pas de coulisses, les acteurs se maquillent et se
changent à vue. Le public fera partie intégrante du spectacle
dans la mesure ou des gradins seront installés tout autour de
la scène.
Sur le plateau, sera utilisé tout un attirail d’objets de
récupération devenus objets-mémoire, abandonnés, sans
identité. Ces objets serviront à la recherche sonore et seront
au service de l’imagination des acteurs.
Les personnages passeront d’un comédien à l’autre, dans des
joutes verbales. Aux situations induites dans 2112 viendront
se joindre un jeu entre les acteurs élaboré lors des répétitions.
Ils se joueront ainsi des personnages comme les chanteurs
le font, passant d’un couplet chanté à un autre habité de
sentiments extérieurs à eux-mêmes. Les comédiens à qui j’ai
proposé le projet pratiquent la musique et/ou le chant.
Dick Annegarn déconstruit le sens des mots en extirpant ce
qu’ils ont de sonore. Nous allons déconstruire les gestes du
quotidien pour qu’ils deviennent poétiques. Déstructurer
un mouvement habituellement lié pour en nommer des
sous-parties qui peuvent devenir ainsi des signes visuels et
sonores. Comme des onomatopées, ou des sons projetés ils
seront à la base d’un langage imaginaire pouvant porter les
actions dramatiques.
Pour France-Asile, par exemple nous partirons de
l’observation de la gestuelle des guichetiers de la police de
l’air et des frontière (PAF) pour en retenir les attitudes les
plus significatives et pour en constituer un vocabulaire visuel
ludique.
De même dans Les Hierodules avec le rituel des trois nonnes
nous trouverons des mouvements symptomatiques présents
dans la religion catholique.
A partir de la partition sonore élaborée dans un premier temps
(premier mois de répétition) nous joindrons une partition
corporelle et propre à chaque comédien. Les gestes comme
des motifs musicaux permettront de créer une communication
entre eux.
D’autre part nous élaborerons des improvisations à partir de
la représentation de l’état biocratique exprimé dans Diacrise.
Ces improvisations visuelles et sonores permettront, avec le
même procédé de partition corporelle, de créer une unité au
spectacle et d’en relier les deux autres parties.
Ce serait par exemple des mouvements structurés dans
l’espace d’un groupe formé de biocrates face au rebelle qui se
refuse à tout conformisme. L’un des biocrates se trouve attiré
par son attitude. S’ensuit plusieurs mouvements d’humeur :
un rejet de la part du rebelle, de même de la part des biocrates
qui se sentent dénigrés puis une attirance mutuelle entre le
rebelle et le biocrate devenu solitaire créant ainsi à eux deux
un nouveau mouvement, une nouvelle voix mêlant plaisir
technologique et respect de la nature. Les autres biocrates
vont petit à petit suivre le mouvement, le dernier à ne pas
vouloir suivre cette nouvelle voix va devenir rebelle. Ces
différentes actions peuvent constituer une trame à intégrer
en sous-partie entre France-Asile et Les Hierodules.
L’avenir selon Dick Annegarn se démarque des visions
proposées par les auteurs de science fiction.
Donner une représentation scénique de cet avenir en utilisant
les moyens techniques serait une erreur. Je préfère rester
au présent et chercher/expérimenter avec le plateau ce qu’il
pourrait être. Jouer avec le futur plutôt que de le représenter.
Trouver à travers le texte ce en quoi la réalité offre déjà de
fiction.
Le théâtre doit être un lieu où l’on n’est pas contraint de
concevoir une vision du monde réaliste mais où l’on a
le devoir de s’en amuser. L’amusement est critique et
constructif. Le rire d’ailleurs est une ouverture qui permet de
goûter ce en quoi le réel est amer.
La mise en scène de 2112 sera tout à la fois percutante et
colorée.
Stéfan Speekenbrink
Dick Annegarn organise depuis quelques années un festival intitulé Les
amis du verbe ou se rencontre auteurs, chanteurs et musiciens.
4
Pour reprendre ici le titre de l’ouvrage parut à l’Arche en 2002, Le
Théâtre Post-dramatique de Hans-Thies Lehmann.
3
L’équipe
Dick Annegarn
Auteur, compositeur, interprète. Il mène depuis le début des
années 70 une carrière francophone sans compromis. Aux
flonflons du showbiz, il a longtemps préféré l’exil volontaire
et la liberté artistique.
Son premier album Sacré Géranium date de 1973, il renferme
certains de ses plus grands titres dont Ubu, Bébé éléphant et
surtout Bruxelles.
En mars 1974, il monte en vedette sur la scène de l’Olympia,
concert qui marque sa reconnaissance rapide au sein de la
profession.
Son deuxième album Je te vois sort en janvier 75, suivi de
près d’un troisième Mireille.
Il décide ensuite de quitter le monde de la chanson en réaction
au conformisme et à l’hypocrisie de ce milieu dont il s’est
toujours senti étranger.
Il va s’intéresser de très près à la vie associative de la banlieue
parisienne et de Lille. En profite également pour voyager.
Au niveau musical, Dick Annegarn fait quelques apparitions
au cours des années 80. En 1981, il sort l’album Citoyen. En
1984, il publie 140 BXL, suivi en 85 de Frères, un de ses plus
beaux albums, arrangé par l’accordéoniste Richard Galliano.
Cette année-là, il est l’invité du festival du Printemps de
Bourges en avril. En novembre 86, il monte sur la scène du
Zénith.
Il est aussi un homme de théâtre et aime allier la chanson à
la comédie comme dans son spectacle qu’il crée en 1987,
Un Belge imaginaire. Quelques années plus tard il écrira la
première version de 2112.
En novembre 97, sort l’album Approche-toi qui marque son
retour médiatique. Il signe chez WEA et fait partie du Label
Tôt ou Tard.
Son album récemment sorti Plouc confirme sa participation
active au renouveau de la chanson française.
Stéfan Speekenbrink
Metteur en scène, formé aux techniques de Jacques Lecoq,
il suit également l’enseignement de l’université paris VIII
en art du spectacle et se forme à la mise en scène à l’INSAS
(Institut National Supérieur des Arts du Spectacle). Son
intérêt pour le travail corporel l’amène aussi à effectuer des
stages sur les travaux de Grotowsky, Decroux et Barba.
Comédien, il joue notamment pour Claude Buchvald, Ulysse
Maj, Jean-Luc Mathevet et Hauke Lanz.
Metteur en scène, il travaille sur Sainte Jeanne des Abattoirs
de Bertolt Brecht, Un rat qui passe d’Agota Kristof, Les
Enfantastiques de Yak Rivais, Gang de Philippe Minyana.
Il dirige depuis 7 ans la compagnie l’@spiral et est cofondateur de La compagnie TNT.
Dominique Grosjean
Comédienne, diplômée de l’INSAS. Se forme par ailleurs
à différentes méthodes de la pratique vocale : la technique
Feldenkrais avec François Combeau, la pédagogie de la
voix en Allemagne avec Ince Reese et Rosa Speckman, ainsi
qu’au Etats-Unis avec Kristin Linklater et le chant classique
avec Pavee Daloze.
Depuis 1980 elle est professeur de formation vocale à
l’INSAS et travaille comme comédienne notamment sous
la direction de Martine Wijkaert, Ingrid von Wantoch Rekowski, Richard Kalisz et Luc Fonteyn.
Elle est co-fondatrice du Créa Théâtre à Bruxelles, réalise
de nombreuse adaptations et mises en onde radiophonique
pour la radio belge, collabore régulièrement avec le Théâtre
Européen de Musique Vivante ainsi qu’avec T&M (Théâtre
et Musique).
Marie Jacquet
Comédienne, diplômée de l’INSAS. Suit une formation corporelle pendant quatre années sous la direction d’Eric Mat
(Les baladins du miroir de Belgique) et son intérêt pour le
chant l’amène à effectuer des stages avec Maurice Sévenant
(Théâtre-Parole de Bretagne).
Elle joue pour la compagnie des Bonimenteurs, sous la direction de Dominique Séron et sous celle de Gaspar Leclère.
Elle assiste ce dernier dans un spectacle intitulé 1914, le
grand cabaret. Elle met en scène le groupe L’Orchestre du
Mouvement Perpétuel, vainqueur de la biennale de la chanson française 2004.
Elle a joué sous la direction de Stéfan Speekenbrink dans le
cadre de son projet Sainte Jeanne des Abattoirs.
Nicolas Sanchez
Comédien, formé à l’INSAS, aux cours Florent ainsi qu’au
conservatoire du XIXème à Paris. Se forme également au
chant au conservatoire du XIIIème et à la danse, contemporaine avec Jo Lacrosse et classique avec Bénédicto Cieza au
studio Alcazar.
Il joue notamment dans Le Précepteur de Brecht. Participe
à la compagnie Prospero avec laquelle il créé un spectacle
de commedia dell’arte et une création collective dansée et
chantée. Il danse également sous la direction de Dietlind
Neuhaus (dans Triebgut) et sous celle de Stéfan Speekenbrink dans une petite forme intitulée Le Stratif.
Il joue également le rôle de Mauler dans Sainte Jeanne des
Abattoirs.
François frapier
Comédien formé par Jean Chevrier et à l’école Jacques
Lecoq.
Il a joué avec des personnalités aussi diverses que : Philippe
Adrien, Jean Marie Villégier au Théâtre National de
Belgique, Michel Dubois, Philippe Berling, Mort Shuman,
Philippe Van Kessel, Alain Mollot du théâtre de la Jacquerie
dont il est co-fondateur, Jean Pierre Chabrol, Thierry Atlan,
Bernard Djaoui, Le NADA théâtre, Guillaume Dujardin au
Centre Dramatique National de Besançon, etc.
Il a tourné dernièrement dans Ma Meilleure Amie avec Anouk
Grinberg réalisé par Elisabeth Rappeneau.
Récemment il a joué Dans les villes écrit et mis en scène
par Susana Lastréto au Théâtre 14 de Paris ; Le banquet de
l’évolution au Théâtre du Diamant Noir à Poitiers ; Vertiges
de Maupassant pour sa compagnie Les Rendez-vous de
Galatée ; Allers retours de Von Horvath mis en scène par
Philippe Van Kessel au théâtre National et La Chambre
noire de François Clairenval avec mise en scène d’Olivier
Coyette.
contact
Stéfan Speekenbrink
98, rue du Collège
1050 Bruxelles
Belgique
tel: 00 32 (0)2 640 76 11
[email protected]

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