FEMMES ET ALCOOL EN BRETAGNE : UNE HISTOIRE
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FEMMES ET ALCOOL EN BRETAGNE : UNE HISTOIRE
FEMMES ET ALCOOL EN BRETAGNE : UNE HISTOIRE PARTICULIERE ? Thierry Fillaut Professeur d’histoire contemporaine Laboratoire d'études et de recherche en sociologie (Labers, EA 3149, Equipe Lorient) Université de Bretagne Sud, 4 rue Jean Zay, BP 92116, 56321 Lorient Cedex « Nulle part au monde, on ne compte plus d'ivrognes de l'un ou de l'autre sexe qu'en Bretagne1 ». Pour qui étudie les manières de boire féminines en France aujourd'hui, et est donc amené à constater que les jeunes Bretonnes ont un penchant pour les ivresses répétées et régulières plus affirmé que leurs homologues des autres régions françaises, le verdict prononcé dans les années 1860 par l’archéologue et historien breton Armand du Châtellier ne peut manquer de retenir l’attention. Les femmes en Bretagne seraient-elles à la hauteur de la réputation faite à leurs conjoints, frères ou pères depuis des générations ? Partageraient-elles avec eux depuis toujours ce « vice de l'ivrognerie » que d'aucuns continuent parfois encore de dénoncer ? Il faut évidemment se garder de tels raccourcis. En Bretagne comme ailleurs, l’histoire du boire féminin et du rapport des femmes à l’alcool s’apprécie à l’aune d’un paradigme simple : boire de l’alcool est une histoire d’hommes. Concernant les pratiques des femmes, notamment leurs excès, les données manquent jusqu’à une période fort récente et la connaissance du boire féminin est d’abord affaire de représentation. C’est en effet par le truchement des discours produits par les contemporains sous forme de textes, d’images ou d’audiovisuel, plus rarement de chiffres, que l’on appréhende les rapports des femmes à l’alcool. Or ces représentations, partielles et partiales, sous-tendent des normes, un statut assigné à la femme, dont on peut penser qu’il explique, au moins pour partie, les particularités du boire féminin et ses évolutions. Une affaire de représentation D’une fâcheuse réputation… Les débuts de la Troisième République sont un bon exemple de mise en discours et en image du boire féminin. Alors que la grande peur de l’alcoolisme gagne les élites et que se multiplient les cris d’alarme concernant la dépopulation et la dégénérescence que la consommation croissante d’alcool est accusée entraîner, l’attention portée à l’alcoolisation féminine grandit chez les médecins, en particulier les aliénistes. Les lettres et les arts s’emparent également du sujet : c’est Gervaise dans L’Assommoir d’Émile Zola (1877) ; ce sont les buveuses d’absinthe que peignent entre autres Edgar Degas (Dans un café, dit aussi l'absinthe 1873), et Pablo Picasso (La buveuse d’absinthe, 1901) ou que grave Albert Bertrand (Buveuse d’absinthe au café de la Nouvelle Athènes, 1896). Quant à la chanteuse de caféconcert, Yvette Guilbert, elle connaît la gloire dans les années 1890 avec entre autres une chanson au titre explicite : la soûlarde. Au même moment, les regards se tournent vers la Bretagne, région jugée comme plus fortement alcoolisée que les autres, moins en raison des quantités consommées que des manières de boire caractéristiques des paysans bas-bretons (ivresse publique, préférence pour les alcools forts). Médecins, fonctionnaires et autres notables s’offusquent alors volontiers de l’attitude des femmes des milieux populaires qui n’hésiteraient pas, tout comme les hommes, à boire plus que de raison et à s’enivrer en public. Le biologiste Albert Dastre résume l’impression qui prévaut dans La Réforme sociale en 1874 : si « dans certaines régions de France..., bien des ménagères qui n'oseraient aller au cabaret vont boire chez l'épicier », donc en cachette, « dans certaines parties de la Bretagne » en revanche, « ce scrupule n'existe pas » et il n'est pas rare en conséquence, « à la suite des foires et des kermesses, de trouver sur le bord des chemins et des sentiers, des hommes et des femmes qui sont 1 Armand du Châtellier, « De l’agriculture et des classes agricoles de la Bretagne », Séances et travaux de l'Académie des Sciences Morales et Politiques, comptes rendus, 1863, t. 13, p. 168. tombés là ivres-morts2 ». C’est également l’avis du Dr Pierre Jousset selon lequel « dans le Morbihan et la Cornouaille, les femmes s'alcoolisent comme les hommes », notamment dans les campagnes où elles « s'enivrent les jours de marché, dans les auberges où elles entrent sans aucune espèce de honte3 ». Pour Léon Thomeuf, qui est en charge du service des femmes et de la maternité de l’hôpital de Lorient dans les années 1880, il n’y a point de doute possible : « dans nos régions maritimes, la passion des liqueurs fortes se rencontre également dans les deux sexes, et elle fait tous les jours de regrettables progrès.4 » Le sous-préfet de Quimperlé n’est pas loin de penser de même : « Comme la mendicité, l’ivrognerie est une des plaies de la Bretagne ; dans les foires, marchés et pardons, tous les Bretons en général sont ivres, sans tenir compte des femmes qui s’adonnent à ce vice5 ». Le roman donne également à voir ces mauvais penchants. Dès les premières pages de Mon frère Yves, publié en 1883, Pierre Loti évoque l’ivrognerie ambiante d’un dimanche soir de décembre à Brest : à côté des « matelots ivres qui chantaient, des soldats qui trébuchaient » et des ouvriers « allant de travers », marchent aussi « des femmes en petit châle de mérinos et en coiffe pointue de mousseline […] le regard allumé, les pommettes rouges, avec une odeur d'eau-de-vie » ainsi que « des vieux et des vieilles à l'ivresse sale, qui étaient tombés et qu'on avait ramassés, et qui s'en allaient devant eux le dos plein de boue ». Ailleurs, il brosse un portrait peu flatteur de ces femmes de marins qui viennent toucher la délègue, la solde de leurs maris, et vont immédiatement la dépenser en alcool : face à la caisse des gens de mer, il y a le cabaret tenu par madame Pétavin, à la mère de famille, qu’à Brest on « appelle : le Cabaret de la délègue » : au fil de la journée, celui-ci « se remplit. À la porte, les parapluies se ferment, les vieux waterproofs se secouent ; toutes ces dames entrent, les litres circulent6 ». Rares sont en revanche les images de femmes en état d’ivresse. De ce point de vue, le tableau d’une femme saoule attablée à Clohars-Carnoët devant un verre de cidre renversé, peint par Jean PégotOgier, un artiste inspiré par cette Bretagne sud où il passe une grande partie de son temps depuis son enfance, est exceptionnel. En effet, si la photographie et la peinture, relayées auprès du grand public par la carte postale, laissent entrevoir des femmes en train de consommer ou en situation de le faire, celles-ci sont toujours dans la retenue, à la différence des hommes qui brandissent verres et bouteilles. La dénonciation est, il est vrai, parfois insidieuse. Par exemple avec cette carte humoristique de la collection La Bretagne diffusée par l’éditeur nantais Artaud et Nozais, où l’on voit une petite Bretonne au faciès de « dégénérée alcoolique » répondre abruptement à la « Dame Touriste » croisant cette « jolie […] petite blonde » en train de garder les vaches : « Tu payes une bolée, Madame ? » Comment pourrait-on alors douter qu’en Bretagne, et tout particulièrement en Basse-Bretagne, le penchant pour l’alcool concerne « les femmes presque autant que les hommes » quand, selon certains, « il est bien rare de voir le dimanche la fermière revenant de la messe rentrer au logis sans un panier rempli de la provision d’alcool, eau-de-vie, vulnéraire ou absinthe pour la semaine7 » ou que, selon d’autres, « les jours de fêtes et de complète liberté, les commères, qui ont toute la semaine peiné aux travaux des champs, ou ont été entièrement prises par les soins de la ferme, organisent de ces petites beuveries amicales qu’assaisonne toujours une misérable eau-de-vie. Elles en sortent complètement ivres8 ». Albert Dastre, « L'alcoolisme et l’absinthisme », La Réforme sociale, 1874, 2, p. 470. Pierr. Jousset, « De l'alcoolisme particulièrement en Bretagne », La Réforme sociale, 1891, p. 526. 4 Léon Thomeuf, « De l’alcoolisme chez la femme, particulièrement en Bretagne », L’Art médical, 1889, p. 326 et passim. 5 Archives départementales du Finistère, 4 M 310 – Débits de boissons, hôtels, meublés, alcoolisme : statistiques, enquêtes 1871-1917. 6 Pierre Loti, Mon frère Yves, Paris, Calmann Lévy, 1883, p. 7 et passim. 7 Léon Renault, La tuberculose chez les Bretons (étude étiologique), Thèse médecine Paris, 1899, n° 523. 8 Eugène Martin, Villages et fermes dans le département du Finistère, Thèse médecine Bordeaux, 1913, n° 44, p. 16. 2 3 … l’autre Quasiment un siècle plus tard, autour des années 1970, l’alcoolisme féminin fait de nouveau la une. Il progresserait même en grand pas. En 1978, Le Généraliste rapporte que « depuis 20 ans, la proportion de femmes chez les alcooliques s’est multipliée par 5 et sur les 4 millions de buveurs excessifs, il y aurait 25 % de femmes soit 1 500 000 de toutes origines et de toutes classes sociales ». En décembre 1980, Jacques Barrot, alors ministre de la Santé, reprend à son compte ces données lors d’une conférence de presse : « un éthylique sur quatre est une femme, au lieu de un sur vingt il y a vingt ans ». Même son de cloche dans un dossier du Comité national de défense contre l’alcoolisme : « près d’un million de Françaises sont concernées par la maladie alcoolique. Il y a 20 ans, on comptait une femme alcoolique pour 12 hommes ; aujourd’hui, le rapport est passé à 4, voire 5 pour 12 (aux ÉtatsUnis, la proportion serait aujourd’hui de 50 %)9 ». Le succès du roman autobiographique de Laure Charpentier, Toute honte bue, publié chez Denoël en 1981, dans lequel elle relate sa descente aux enfers, conforte, auprès du grand public, l’idée que l’alcoolisme féminin se fait davantage menaçant. Le phénomène semble alors d’autant plus inquiétant que « l’alcoolisme féminin est plus grave que celui de l’homme » explique par exemple le Dr Haas, expert auprès du Haut comité d’étude et d’information sur l’alcoolisme, selon lequel « il faut être très vigilant et faire un grand effort d’information et de prévention car la libéralisation de la femme paraît entraîner, par son changement de mode de vie, une augmentation de sa consommation d’alcool et sur un mode différent10 ». L’alcoolisme féminin présente en effet des caractéristiques particulières : « il est motivé souvent par des problèmes psychonévrotiques de type dépressif. C’est généralement une alcoolisation solitaire à l’aide de boissons à haut degré d’alcool. C’est aussi un alcoolisme clandestin11… » Et si « les femmes, pour des raisons biologiques et psychologiques, sont plus fragiles devant l’alcool que les hommes », leur alcoolisation est également source de dangers différents : les femmes alcooliques « présentent plus de risques que les autres femmes d’avoir des enfants mort-nés et leurs enfants vivants peuvent présenter des troubles psychomoteurs irréversibles12… » En Bretagne, y a-t-il lieu de s’inquiéter ? Certainement, car le penchant prononcé des Bretonnes pour l’alcool demeure une réalité aux dires de divers médecins. Mais cette réalité semble moins palpable. Comme ailleurs, l'alcoolisation féminine est désormais davantage cachée, davantage honteuse. « Le plus souvent, écrit M.-Y. Nicolas, elles boivent seules ; si elles boivent en société, ce n'est pas au “bistrotˮ ; chez elles, elles ont invité quelques amies à prendre un “ caféˮ dans l'après-midi. Ainsi, l'alcoolisme chez la femme ne... paraît pas présenter cet aspect collectif qui, chez l'homme, le caractérise13 ». La raison en est simple comme l'explique Jacques Le Gall : « faisant preuve d'une certaine tolérance à l'égard de l'homme alcoolique, la société juge mal la femme qui boit et tous les milieux la condamnent » ; aussi, « les buveuses elles-mêmes partagent les vues conformistes du public à leur égard et adoptent une conduite toxicophilique en rapport avec les conventions sociales : elles essaient de cacher au maximum cette chose honteuse, une femme qui boit14 ». De fait, dans les années 50 et 60, comme le dira Lucien (né en 1931, ancien conducteur d’engins), un aîné lorientais interrogé par des étudiants sur le boire du temps de sa jeunesse, « entre hommes et femmes, il y avait plus de différences que maintenant. On disait qu'une femme qui buvait, c'était point fin ». Un propos confirmé Citations diverses rapportées dans l’étude intitulée Des facteurs socio-culturels de l’alcoolisme féminin réalisée par Bretagne, Alcool et santé, pour le compte du Comité régional de promotion de la santé, Rennes, dactylographié, 1984. 10 R. M. Haas, « Quelques particularités de l’alcoolisme féminin », Notes et études documentaires, 1977, n° 4396-4398, p. 53. 11 Jean Zourbas, , « L’alcoolisme en France. Quelques notions générales d’épidémiologie et de prévention », L’Ouest médical, 1978, 31-20, p. 1256. 12 Jean Bernard (président), L’alcoolisme. Rapport présenté au Président de la République, Paris, La documentation française, 1980, p. R20. 13 M.-Y. Nicolas, Considérations sur l’alcoolisme féminin à partir de cas observés dans un service de l’hôpital psychiatrique du Morbihan (1955-1960), Thèse médecine Rennes, 1960. 14 Jacques Le Gall, L’alcoolisme de la femme jeune dans le Morbihan : essai d’étude sociologique et caractérologiques, déductions thérapeutiques, Thèse médecine Rennes, 1965. 9 par Marcelle (née en 1929, ancienne couturière) : « les femmes qui buvaient étaient considérées comme des femmes de mauvaise vie15 ». Ceci étant, en Bretagne, la représentation du rapport qu’entretiennent les femmes avec l’alcool prend une autre dimension dans les années 1980. C’est en effet moins leur propre consommation qui interpelle certains observateurs que le rôle qu’elles pourraient jouer, en tant que mères ou épouses, visà-vis de l’alcoolisation de leurs fils ou conjoints. La surmortalité des hommes par alcoolisme et suicide dans la région trouverait son origine dans une prépondérance « de l’image de la mère le plus souvent au détriment de celle du père […] entraînant la dévalorisation de l’homme acculturé16 ». Bref, pour reprendre le titre provocateur d’un article paru dans Le Télégramme le 27 avril 1977 sous la plume de Claude Yvon : « selon l’ethnopsychiatrie, en Bretagne, les hommes boivent parce que les femmes portent la culotte ». D’un côté donc, la femme fragile qui devient alcoolique en raison de problèmes psychonévrotiques, de l’autre la femme forte qui pousse à boire son fils ou son mari pour asseoir son pouvoir dans la maisonnée : voilà des représentations qui méritent, on s’en doute, quelques vérifications. Tout comme au siècle précédent « les reproches faits aux femmes de boire », que certains trouvaient bien excessifs tel Mathurin Leissen qui les estimait « absolument dénués de fondement17 ». Un problème de chiffres Un enjeu pour l’historien D’emblée, il convient d’insister sur la difficulté pour l’historien d’appréhender d’un point de vue quantitatif le boire féminin sur la longue durée à l’échelon local. Les données manquent et celles que l’on peut réunir doivent être soumises à une critique sévère tant leurs modalités d’élaboration peuvent parfois soulever des problèmes. Traditionnellement, on peut mesurer l’alcoolisation au long cours de la population à partir de trois grands types de sources statistiques : les premières concernent le marché des boissons (production et consommation) établies notamment à partir des sources fiscales pour ce qui concerne la consommation ; les deuxièmes, fournies par la police et la justice, ont trait aux excès et à leurs conséquences en matière de trouble à l’ordre public (ivresse publique, crimes et délits commis sous l’empire d’un état alcoolique, dont la conduite automobile pour les dernières décennies) ; les troisièmes, d’origine médicale, concernent la morbidité (admission en hôpital général ou psychiatrique par exemple) et la mortalité d’origine alcoolique (alcoolisme et psychoses alcooliques d’un côté et cirrhoses de l’autre jusqu’à une époque récente). Un tel énoncé laisse espérer une débauche de données et pour l’historien un matériau aisément exploitable. Or, il n’en est rien. Certes, des données existent, parfois en grand nombre ; certes existent des outils incomparables comme les Annuaires statistiques de la France, les Comptes de la Justice criminelle ou les statistiques des causes de décès pour les compiler. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Les données relatives au marché des boissons, établies à des fins économiques et/ou fiscales n’avaient guère de raison de l’être par sexe ou par âge ; si l’on dispose de ces informations, c’est de manière ponctuelle (enquêtes, sondages), en réponse à un besoin spécifique (études de marché…). Pendant longtemps, les données de justice et de police n’ont pas davantage distingué le sexe et l’âge, du moins en ce qui concerne l’ivresse publique. Quant aux statistiques des causes de décès, dont il convient de rappeler les aléas (changements de nomenclatures au fil du siècle, taux élevés de causes 15 M. Bailly, A.-M. Durand-Belliard, M. Legeay, A. Mahé, A. Mousset, E. Nedellec, E. Queffeleant, Souvenirs, souvenirs ! Quand les seniors faisaient la fête : réminiscences et représentations du boire dans les années 50 et 60, Mémoire M2 Management des organisations sanitaires et sociales, Université de Bretagne Sud, 2010. 16 « Matriarcat et alcoolisme en Bretagne », Alcool ou santé, 1985, n° 1, p. 23. 17 Mathurin Leissen, Hygiène des campagnes bretonnes et particulièrement morbihannaises, Thèse médecine Paris, 1892, n° 233. inconnues ou mal définies…), elles ne sont souvent pas plus détaillées. Bref, étudier les statistiques relatives à l’alcoolisation des populations sous l’angle de l’âge et du sexe demeure longtemps, sinon impossible, du moins fort difficile. Il va sans dire que les difficultés rencontrées au niveau national sont multipliées quand il s’agit de s’intéresser au niveau local ou régional. Quand bien même les données par sexe existent au niveau national, on ne les trouve guère au local alors qu’elles ont nécessairement été fournies : seulement, les états initiaux ont été rarement conservés, ou parfois seulement sous forme d’échantillonnage dans les archives départementales ou communales. Alors, qu’en est-il de l’alcoolisation des femmes en Bretagne et de son évolution depuis un peu plus d’un siècle ? De quelques grandes tendances Le premier constat, que l’on est amené à faire quand on regarde les chiffres de toute nature relatifs à l’alcoolisation des femmes en Bretagne n’est guère singulier : les femmes boivent moins et sont moins concernées par l’alcoolisme que les hommes. Dès la fin du XIXe siècle, cet écart transparaît au travers des admissions dans les asiles : à l’asile St-Méen de Rennes, un examen rétrospectif des dossiers d’admission effectué par le Dr Sizaret sur les années 1897 à 1907, donne 115 hommes qui avaient l’alcool comme facteur principal ou au nombre des facteurs de leur état d’aliénation pour 53 femmes ; en 1911, le taux d’admission pour folie alcoolique atteint 26,5 % chez les hommes contre 6,4 % chez les femmes. Un siècle plus tard, les données de mortalité et de morbidité réunies par l’Observatoire régional de santé sont tout aussi explicites : en 2000 par exemple, on enregistrait quatre fois plus de décès liés à une consommation excessive d’alcool (cirrhose, psychose, cancers des voies aérodigestives supérieures) chez les hommes que chez les femmes. Le second constat n’étonnera pas davantage. Dans une région qui fait figure de suralcoolisée depuis la fin du XIXe siècle, voire de championne de l’alcoolisme des années 1950 à 1980, il paraît logique que les problèmes d’alcool y concernent plus de femmes que la moyenne (cf. document 1). En 1966 par exemple, la mortalité par alcoolisme et cirrhose est en moyenne deux fois plus importante en Bretagne qu’en France ; dans le Morbihan, c’est même trois fois. La mortalité féminine par alcoolisme en France en 1952-1954 (taux brut de mortalité par alcoolisme et cirrhose pour 100 000 femmes) Source : A.M.P.S., février 1957, n° 158, p. XIX. Carte réalisée avec le logiciel Coucoucarto (Philippe Waniez, université de Bordeaux) C’est lorsque l’on compare dans le temps ces deux indicateurs (écart entre les deux sexes, surmortalité féminine bretonne) que l’on est amené à relever quelques éléments particuliers : dans les années 1950 et 1960, le taux comparatif de mortalité par alcoolisme et cirrhose des femmes en Bretagne était deux fois plus élevé que celui de l’ensemble des Françaises ; ensuite, il chute considérablement et nettement plus qu’en moyenne nationale (cf. document 2). En base 100, la surmortalité par alcoolisme des femmes en Bretagne par rapport à la moyenne nationale passe ainsi de 200 en 1954 à 150 en 1975 puis 121 en 1998. Cette tendance est particulièrement notable dans les années 1980. En 1980-1982, les taux de mortalité par alcoolisme et cirrhose s’élevaient respectivement à 24,8 pour 100 000 femmes en Bretagne contre 17,5 en France métropolitaine ; en 1990-1992, à 13,8 contre 10,8 ; en 2000-2002, respectivement à 11,6 et 9,1. Jusque dans les années 1960, l’écart de mortalité entre hommes et femmes semble plus faible en Bretagne qu’il ne l’est en moyenne en France. Puis le différentiel entre les deux sexes se creuse nettement au point de devenir supérieur à ce qu’il est en moyenne en France à la fin du siècle. L’indice de surmortalité masculine, calculé à partir des taux comparatifs de mortalité par alcoolisme et cirrhose, passe ainsi de 192 en 1953-1955 à 251 en 1967-1969 puis 321 en 1981-1983 et 353 en 1993-1997 (en France, l’indice de surmortalité masculine passe de 200 en 1954 à 296 en 1995). Evolution de la mortalité féminine par alcoolisme et cirrhose en Bretagne et en France de 1954 à 1982 Nota : taux comparatif pour 100 000 femmes ; moyenne triennale (1953-1955 ; 1961-1963…) Source : ORSB, La sante en Bretagne, Éditions de l’ENSP, 1989. Ainsi, suralcoolisation mise à part, l’évolution générale de l’alcoolisme féminin est conforme en Bretagne aux tendances observées en moyenne en France : l’alcoolisme féminin progresse dans la première moitié du XXe siècle, se stabilise dans les années 1960 et décroche notablement à partir des années 1970. Mais certains faits semblent plus singuliers. D’abord, des chiffres se dégage l’impression d’une alcoolisation davantage partagée entre hommes et femmes en Bretagne jusqu’au milieu du XXe siècle. De fait, c’est à partir des générations nées dans les années 1930 que semble s’amorcer la baisse de la mortalité imputable à l’alcoolisme. Ensuite, la répartition géographique n’est pas uniforme : on peut opposer zones rurales et zones urbaines, et tout particulièrement les campagnes où la production cidricole (et d’eau-de-vie au travers du privilège des bouilleurs de cru) était traditionnellement importante. Il est intéressant de noter que les zones de surmortalité féminine étaient dans les années 1970 principalement des zones rurales vieillissantes avec des traits en commun tirées du passé (régions fécondes, terres d’émigration). Le fait que c’est en Ille-et-Vilaine que le décrochage s’est produit en premier semblerait confirmer ce type d’analyse. Une question de genre Le poids des normes Au fil du siècle, le regard porté par les contemporains sur le boire des femmes, et sur l’alcoolisme féminin en particulier, n’est pas neutre. Les fins poursuivies par ces témoins qui sont d’ailleurs rarement des femmes, surtout quand on remonte dans le temps, ne sont pas seulement sanitaires : le personnage de la femme alcoolique qu’ils dénoncent participe à l’affirmation d’un modèle idéal, celui de la bonne mère et de la bonne épouse, à laquelle chaque femme devrait, de leur point de vue, se conformer. Qu’importe la relativité des chiffres, qu’importe les excès de langage, le message à inculquer est simple, c’est celui d’une de ces maximes proposées aux écoles élémentaires et cours d’adultes pour faire la leçon d’antialcoolisme autour des années 1900 : « la femme qui s’enivre est la honte de son sexe ». La suite coule de source, comme le suggère un sujet de rédaction : « une mère de famille s’est adonnée à l’ivrognerie. Décrivez l’aspect de l’intérieur du foyer domestique. Vie lamentable du mari et des enfants18. » Ce modèle social dominant de la bonne épouse et de la bonne mère transparaît explicitement durant toute la première moitié du XXe siècle, sinon au-delà, au travers des mises en accusation par les antialcooliques du rôle perturbateur de l’alcool dans la famille mais aussi plus largement dans la rubrique faits divers de la presse locale. Ces mises en accusation reposent sur une opposition classique : femme victime/femme coupable. Dans le rapport à l’alcool, la femme fait d’abord figure de victime, au même titre que les enfants, de l’alcoolisme de l’époux et du père. À la Belle Époque, la représentation de l’épouse assistant impuissante à la déchéance de son conjoint duquel elle dépend juridiquement et socialement est monnaie courante : par le texte et l’image, la Ligue nationale contre l’alcoolisme s’en fait une ardente propagatrice, l’école un relais au travers par exemple de cette série de 12 images publiée par la Librairie Delagrave relatant l’histoire de Jean-Louis, menuisier modèle qui sombre peu à peu dans l’alcoolisme et entraîne sa femme et ses enfants dans sa chute fatale. Elle se décline localement. C’est par exemple Jos Gwennig qui, dans une de ses illustrations pour le livre de l’abbé Desportes Ma Bretagne publié en 1914, nous montre une paysanne bretonne, enfants dans ses bras et ses jupes, qui, du pas de la porte, observe son mari ivre mort au milieu de la pièce. Un demi-siècle plus tard, des messages de prévention déclinent le même message. « Dans le foyer où l’alcool est roi… l’homme est une brute, la femme une martyre, les enfants des victimes », rappelle en 1952 une affiche de Robert Rigot pour le Comité national de défense contre l’alcoolisme. À l’opposé, il y a la femme coupable qui, pour sa part, fait souvent la une de la presse régionale : les faits divers mettant en scène des femmes notoirement connues pour s’adonner à la boisson ou commettant leurs crimes ou délits sous l’empire de l’alcool foisonnent en effet. L’Ouest-Éclair en regorge. Sans multiplier les exemples, on peut citer le cas d’Élisa Le Mantes, veuve Bédasse, une récidiviste de l'ivrognerie déjà condamnée 15 fois pour les mêmes faits qui est ramassée complètement ivre rue de Lorient à Rennes en 1923 ; celui de la femme Guillot, une journalière de Bourg-desComptes (35), dont le quotidien nous apprend en 1929 qu’elle a la boisson méchante, qu’elle traite mal ses enfants et vit en continuelle dispute avec ses voisins ; ou bien encore celui de Marie Dantec, une mère indigne de Brest dont le bébé de 8 mois, laissé sans soins, sera confié en 1937 aux services de l’assistance publique où se trouvaient déjà ses trois aînés. Plus sordide est le cas de la veuve Huet, une ivrognesse notoire, qui étrangle sa logeuse en novembre 1914 à Troguéry (22) et sera condamnée aux travaux forcés à perpétuité pour ce crime ; ou, en 1927, celui de la femme Rialland de Bain-deBretagne (35) qui égorge ses deux enfants avant de tenter de se suicider. Surtout, l’on glisse subrepticement du statut de victime au statut de coupable. Par exemple en s’interrogeant sur la part de responsabilité qu’a dans son malheur la femme victime : n’est-ce pas par négligence de son rôle d’épouse et de mère, parce qu’elle ne met pas tous les atouts qu’elle a à sa disposition pour retenir son époux au foyer et le détourner du débit de boissons, que cette femme est devenue une victime ? Pire, n’aurait-elle pas trouvé quelque intérêt à l’alcoolisation de son conjoint ou de ses enfants à l’instar de ces mères castratrices désignées par certains comme facteur possible de l’alcoolisme masculin en Basse-Bretagne : c’est la question que posait déjà indirectement à ses lectrices en 1901 La Source, le bulletin de l'Union française des femmes pour la tempérance, à propos d’une terrible rechute d’un alcoolisé à cause de sa femme. Bref, victime ou coupable, la femme décrite ne répond pas au modèle attendu, surtout à la fin du XIXe et dans la première moitié du XXe où la préoccupation démographique est majeure. Il faut à la fois accroître la population en limitant la mortalité infantile ; il faut également améliorer « la race » en luttant contre la dégénérescence dont l’alcool est une des principales causes. Pour ce faire, la réponse 18 A. Lemoine et Villette, Contre l’alcoolisme. Recueil de devoirs préparés pour chaque semaine, Paris, F. Nathan, 1902, 90 p. passe par l’éducation des filles et des femmes à ce qu’on attend d’elles : être de bonnes mères et de bonnes épouses, être des modèles de tempérance pour en faire les pivots de la cellule familiale. Le rôle des entrepreneurs de morale Pour normaliser le boire féminin, ou pour le moins le réguler, divers moyens sont employés au fil du siècle. L’on ne peut pas par exemple négliger le rôle que joueront les mesures administratives relatives à la police des débits de boissons ou bien encore à la protection maternelle et infantile, impulsées souvent par l’État central dont le pouvoir, longtemps balbutiant en ce qui concerne la santé, croît à mesure qu’avance le siècle. L’un des premiers soucis sera d’écarter les femmes des débits de boissons en jetant l’opprobre sur celles qui s’y trouvent. L’argument pour ce faire sera autant moral que sanitaire : la lutte contre la prostitution et le spectre de la syphilis justifieront ainsi divers arrêtés municipaux qui, en interdisant aux employées des débits de s’asseoir près des clients ou en les soumettant à un contrôle médical, les assimilent potentiellement à des femmes de mauvaise vie quand, ainsi que le souligneront en 1886 des commerçants de Morlaix dans une pétition contre un arrêté instaurant une telle mesure, beaucoup de ces employées sont leurs propres épouses ou enfants et que de nombreuses autres, « d’honnêtes filles désireuses de gagner honorablement leur vie », ne sauraient être ravalées au rang de « filles publiques soumises aux visites régulières du dispensaire19 ». Plus tard, pendant la Première Guerre mondiale, un autre combat s’engage contre les épouses des mobilisés accusées de dilapider en alcool les allocations qu’elles reçoivent pour leurs familles nécessiteuses. Par circulaire du 24 mars 1915, le ministre de l’Intérieur demande aux préfets d’être vigilants et, si besoin, de retirer les allocations, lorsque les mères fréquentent habituellement les débits de boissons et achètent de l’alcool. Dès le mois d’août suivant, plusieurs dizaines de retraits définitifs ou temporaires auront été prononcées dans le Morbihan. Avec cette mesure qui favorisa, on s’en doute, la délation, on glisse de la femme de mauvaise vie à la mauvaise mère, qui devient alors la cible principale des actions de prévention. Toutes les mères et futures mères sont concernées, pas seulement les buveuses. Leur devoir est clair : protéger la « graine », pour reprendre une expression de la Belle Époque, du risque de la dégénérescence hier, du syndrome d’alcoolisation fœtale aujourd’hui ; rompre la chaîne de l’alcoolisation familiale en tenant ses enfants éloignés de l’alcool. Ainsi, près d’un siècle avant que la Haute autorité de santé recommande en avril 2005 que « toute femme enceinte ou désirant le devenir doit être informée des dangers d’une consommation, même modérée, d’alcool », une circulaire du ministre de l’Intérieur du 6 juillet 1914 relative aux instructions d’hygiène à remettre aux femmes bénéficiant de la loi sur l’assistance aux femmes en couches préconisait déjà que « toute femme qui ne veut pas faire de mal à son enfant doit s'abstenir de liqueurs alcooliques ». à la fin des années 1950, diverses affiches du Comité national de défense contre l’alcoolisme résument l’injonction adressée aux mères : « Futures mamans attention ! L’alcool (sous quelque forme que ce soit) est un poison pour l’enfant que vous attendez ! » ; « Je pousse bien parce que je ne bois jamais ni vin, ni bière, ni cidre ». Au même moment en Ille-et-Vilaine, le Conseil général fait ajouter un encart à ce sujet dans le carnet de santé remis à la naissance20. Sur place, les normes du bien boire (tempérance, sobriété) ont trouvé d’ardents promoteurs et défenseurs pour lesquels les modes de consommation et l’alcoolisme des Bretons sont devenus l’archétype des maux à combattre afin de faire entrer la région dans la modernité, ou parfois à l’inverse au début du XXe siècle pour l’en protéger. Pour ces « entrepreneurs de morale », au rang desquels figurent notamment le haut clergé, prompt à gouverner les âmes et les corps par leurs mandements jusqu’aux années 1960, et nombre d’organes de la presse régionale ainsi que de médecins, particulièrement des aliénistes, les femmes sont devenues une cible de choix, soit pour les 19 20 Archives départementales du Finistère, 4 M 308 – Débits de boissons, alcoolisme : instructions, correspondances (1864-1832). Cf. Thierry Fillaut, « Futures mamans, attention ! Les conseils donnés aux futures et jeunes mères en matière de consommation d’alcool en France (fin XIXe - fin XXe siècle) », Le Temps des médias, 2014 [à paraître]. dissuader de boire de l’alcool, soit pour prendre appui sur elles pour mener à bien leurs actions et diffuser leurs leçons. Les femmes elles-mêmes sont convoquées pour agir. C’est ce que fait la Croix-Blanche dans le Finistère : femmes et enfants, recrutés par centaines, sont chargés de devenir le fer de lance du combat lancé, à des fins autant politiques qu’antialcooliques, par l’Église catholique après la loi de séparation de 1905. Plus largement, qu’elles soient bénévoles ou professionnelles, issues des classes supérieures, telle par exemple la Comtesse de Keranflech-Kernezne qui fait des causeries et délivre ses conseils aux mères de famille, ou des classes moyennes et populaires dans lesquelles se recruteront les soignantes non médicales, les travailleurs sociales et les enseignantes, elles seront nombreuses à le faire et ne manqueront pas de moyens pour inculquer le modèle à suivre. Par exemple : - les leçons de morale et les cours d’enseignement ménager dispensés dans les écoles de filles par les institutrices, dans le public comme dans le privé ; - les conseils donnés par les infirmières, sages-femmes, puéricultrices ou encore assistantes sociales aux futures et jeunes mères en application des multiples textes réglementaires relatifs à la protection de la petite enfance. Quel fut l’impact de cette contrainte sociale ? On peut penser qu’elle a participé à culpabiliser les femmes. Dès lors, en public pour faire bonne figure, le boire féminin se devait d’être « raisonné », conforme à l’image que la société attendait de la femme jeune et adulte (le regard porté sur le boire des femmes âgées paraît moins ségrégatif) : les femmes buvaient donc du « doux » ou des alcools considérés comme tels (les fameux « vins cuits » en apéritifs par exemple), s’alcoolisaient moins ostensiblement (quand elles entrent dans les cafés, dénoncent régulièrement les auteurs de la première moitié du siècle, c’est par la « porte dérobée » des épiceries-buvettes très communes dans les campagnes bretonnes) et à l’écart des hommes. Ce qui soit dit en passant n’empêchait pas quelques rituels bien établis entre voisines à l’heure du café, comme les cerises à l’eau-de-vie, « roupettes à queue » en Ille-Vilaine ou « bonbons kredans » en pays de Lorient, terme qui fait allusion à l’armoire (kredans en breton) où était rangé à l’abri des regards le bocal de fruits à l’eau-de-vie. Dans ce contexte, les changements observés à partir des années 70 sont à mettre en relation avec les profonds bouleversements économiques et sociaux qu’a connus la Bretagne et auxquels les femmes ont pris une part active, bien que peu mise en avant. C’est « l’émancipation d’un monde » qui, en trois décennies, a comblé ses retards par rapport à la moyenne nationale pour entrer de plain-pied dans la société de consommation. Terre d’émigration, la région devient terre d’immigration avec un solde migratoire positif à partir de 1965. De rurale et agricole au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (le taux d’urbanisation n’est que de 34 % en 1954), elle devient urbaine et tertiaire (en 1982, le taux d’urbanisation atteint 58 % et le tertiaire y occupe plus de la moitié de la population active). Ils sont également à mettre en relation avec l’évolution du statut social des femmes. La scolarisation progresse, l’encadrement social du clergé régresse. Enfin, à cela s’ajoute un taux d’activité chez les femmes de 25 à 60 ans supérieur à la moyenne nationale depuis 1960. Parmi les signes qui traduisent cette évolution du statut des femmes, il est en un emblématique : « autrefois très féconde, la Bretagne se rapproche aujourd’hui du profil national tant par le niveau de fécondité que par la tendance à une maternité plus tardive21 ». Pour conclure S’il fallait résumer rapidement un siècle d’alcoolisation des femmes en Bretagne, sans doute conviendrait-il d’insister sur le fait que l’évolution de l’alcoolisation féminine dans la région est conforme à ce qu’elle est par ailleurs mais avec un renversement de tendance plus important à partir des années 1960. Surtout, l’exemple breton illustre le poids des représentations sur la normalisation des manières de boire des femmes. Dans les politiques de prévention, les femmes, plus encore que les 21 Insee Bretagne, « La fécondité en Bretagne depuis un demi-siècle : une convergence des comportements sous l'effet des évolutions sociétales », Octant Analyses, janvier 2013, n° 41. hommes qui pourtant constituent l’essentiel des consommateurs excessifs, semblent sous contrainte : à leur égard, parce que la fonction maternelle est sans cesse au centre des préoccupations, la tolérance des mésusages de l’alcool est moindre. De fait, le discours sur l’alcoolisation féminine n’est pas une réponse univoque à un problème de santé ; c’est tout autant l’expression d’une conception masculine de la place dévolue aux femmes à un moment donné. Références bibliographiques Croix Alain et Douard Christel (dir.), Femmes de Bretagne. Images et histoire, Rennes, Apogée-PUR, 1998, 175 p. Fillaut Thierry, Les Bretons et l'alcool (XIXe-XXe siècle), Rennes, éditions de l'ENSP, 1991, 352 p. Geslin Claude, Gourlay Patrick, Monnier Jean-Jacques, Le Coadic Ronan, Denis Michel., Histoire d'un siècle Bretagne 1901-2000 - L'émancipation d'un monde, Skol Vreizh, 2010, 399 p Guillou Anne, Pour en finir avec le matriarcat breton, Essai sur la condition féminine, Morlaix, Skol Vreizh, 2007, 174 p. Documents