les personnes morales de droit public
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les personnes morales de droit public
CHAPITRE 5 La personnalité morale La personnalité morale est un procédé technique faisant accéder à la vie juridique des communautés d’intérêts. Son utilité est notamment de distinguer les personnes morales des personnes physiques chargées d’activités de même nature et d’attribuer à une collectivité ou un groupement des droits et des obligations. Les personnes morales chargées de l’activité administrative sont de droit public ou de droit privé, distinction d’importance car les biens et deniers des personnes publiques sont insusceptibles de faire l’objet des voies d’exécution. Ces personnes peuvent, lorsqu’elles sont dotées d’un comptable public, recouvrer leurs créances par la technique de l’état exécutoire et se prévaloir de la prescription quadriennale. Leurs agents peuvent être des agents publics, leurs biens relever du régime de la domanialité publique et les travaux immobiliers effectués pour leur compte être des travaux publics. Les personnes morales sont responsables pénalement... des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. Cette responsabilité, sauf en ce qui concerne les établissements publics, ne peut être mise en jeu que de façon restrictive. 1 • LES PERSONNES MORALES DE DROIT PUBLIC Les personnes publiques sont toujours des personnes morales. Certaines personnes physiques relevant du droit public peuvent être qualifiées d’autorités administratives (ministres, préfets, maires, assemblées délibérantes...) mais jamais de personnes publiques. Les agents publics prennent les mesures d’exécution des décisions prises par les autorités publiques et ne disposent que d’attributions. Les personnes publiques se caractérisent par la détention de prérogatives de puissance publique et leur soumission aux sujétions correspondantes. Elles englobent des individus sans leur consentement. A - Les groupements de personnes physiques dotés de la personnalité morale de droit public Une personne morale est créée afin de devenir propriétaire d’un patrimoine et d’accomplir les actes juridiques nécessaires à un groupe d’individus pour atteindre certains buts d’intérêt commun. Les collectivités territoriales et les établissements publics répondent à cette préoccupation. 70 MÉMENTOS LMD – DROIT ADMINISTRATIF 1) Les collectivités territoriales Ce sont l’État, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d’outremer, les départements et les communes. Les collectivités territoriales se définissent par un territoire et la généralité de leurs fonctions. Elles personnifient des intérêts généraux dans un cadre territorial donné. La communauté des personnes physiques dotée de la personnalité morale correspond à l’ensemble des individus vivant sur ce territoire. La vocation des collectivités territoriales est de gérer l’ensemble des besoins collectifs des habitants de la circonscription, grâce à une organisation, des biens, un personnel et des ressources affectées à des services publics. Leur spécialité n’est pas définie, malgré une certaine répartition des compétences entre elles. Le principe de généralité des compétences se combine avec la spécialité géographique ou la notion d’affaires locales. Seul l’État a une vocation réellement générale. Pour déterminer si une matière relève de la compétence d’une collectivité, il faut analyser les textes législatifs puis la jurisprudence. Des lois précisent la répartition des compétences entre catégories de collectivités territoriales, limitant, le principe de généralité de la vocation des collectivités territoriales. L’État, collectivité territoriale supérieure, personnifie la communauté nationale. L’État français est unitaire, tous les individus placés sous sa souveraineté obéissent à une même autorité et sont régis par les mêmes lois. L’article 72 de la Constitution fixe la liste des collectivités territoriales de façon limitative et précise que toute autre collectivité est créée par la loi... Il pose en partie leur statut : dans les conditions prévues par la loi, les collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. La fixation des règles concernant le régime électoral de leurs assemblées et les principes fondamentaux de leur libre administration..., de leurs compétences et de leurs ressources relève de la loi (art. 34, Const.). 2) Les établissements publics Personnes administratives spéciales (de Laubadère), appelées à satisfaire des intérêts spéciaux non locaux, les établissements publics constituaient à l’origine un procédé efficace de gestion décentralisée d’un service public (hôpital, caisse des musées nationaux) ou de protection juridique de certains intérêts corporatifs (association syndicale autorisée de propriétaires, chambre de commerce). La personnalité morale est conférée à une communauté d’intérêts, dont les membres participent à la désignation des organes dirigeants de l’établissement public. S’en rapprochent les ordres professionnels, les établissements publics territoriaux et les groupements d’intérêt public, qui permettent de gérer des affaires d’intérêt commun à des personnes publiques et à des personnes privées. Tous ces établissements publics ont une spécialité fonctionnelle, parfois largement entendue. On distingue les établissements administratifs (universités, hôpitaux...) des établissements industriels et commerciaux (Monnaies de Paris, SNCF...). Normalement, la qualification doit être en relation avec le caractère de l’activité exercée. Néanmoins, la qualification donnée à un établissement ne lui interdit pas d’exercer des activités de caractère différent (établissements publics à double visage exerçant des activités CHAPITRE 5 – La personnalité morale 71 administratives et des activités industrielles et commerciales : chambres de commerce et d’industrie, Office national des forêts, Voies navigables de France, ports autonomes1. B - Les patrimoines publics dotés de la personnalité morale La personnalité juridique est conférée à un patrimoine affecté à un certain objet. L’établissement public se définit comme un ensemble de moyens, affectés à un service public spécialisé, doté de la personnalité morale de droit public. Tous les établissements publics sont rattachés à une collectivité territoriale et ont une spécialité fonctionnelle plus ou moins précisément définie. Certains sont des entreprises publiques, entreprises industrielles ou commerciales dont le capital est entièrement public. C - Institution publique spécialisée et établissement public Certaines personnes publiques ne sont ni des collectivités territoriales ni des établissements publics. La possibilité de dissociation entre la qualité d’institution publique spécialisée et celle d’établissement public a été consacrée à propos de la Banque de France, qualifiée de personne morale de droit public. Le silence de la loi conduit à lui appliquer la méthode du faisceau d’indices ; la Banque a été créée par les pouvoirs publics, dans un but d’intérêt public, ses dirigeants sont nommés et sa gestion contrôlée par l’État, elle est investie de prérogatives de puissance publique. Elle n’a pas le caractère d’un établissement public mais revêt une nature particulière et présente des caractéristiques propres2. La solution vaut pour les groupements d’intérêt public, en raison du caractère d’intérêt général de leurs activités et du contrôle exercé par l’État sur leur création et leur gestion3. Certains organes, comme les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, peuvent se doter de la personnalité morale et dans ce cas opter pour un statut de personne publique (GIP ou établissement public de coopération scientifique) ou de personne privée (fondation de coopération scientifique). 2 • LES PERSONNES MORALES DE DROIT PRIVÉ GÉRANT UNE MISSION DE SERVICE PUBLIC Le procédé de la gestion déléguée consiste à confier la gestion d’un service public par contrat, par une loi ou une décision de l’autorité administrative, à un organisme privé ou une personne physique4. Un organisme privé peut être chargé d’une mission de service —— 1. 2. 3. 4. T. confl., 23 nov. 1959, Soc. de meunerie : Rec. 870 ; -23 janv. 1978, Marchand : Rec. 643 ; -9 juin 1986, Cne Kintzheim c/ONF : Rec. 448 ; CE, 3 déc. 2003, Houté : Rec. 716 ; -sect., 17 avr. 1959, Abadie : Rec. 239 ; -21 oct. 1988, SARL Cetra : Rec. 364. T. confl., 16 juin 1997, Soc. La Fontaine de mars c/BDF : Rec. 532 ; CE, 22 mars 2000, Synd. nal autonome du personnel de la Banque de France : Rec. 125 ; -2 oct. 2002, Banque de France : JCP G 2003, I, 119, nº 6. T. confl., 14 févr. 2000, GIP Habitat et interventions sociales pour les mal-logés et sans-abri : Rec. 748. CE, sect., 20 avr. 1956, Épx Bertin : Rec. 167. 72 MÉMENTOS LMD – DROIT ADMINISTRATIF public, qu’il détienne ou non des prérogatives de puissance publique5, parce que le législateur a entendu reconnaître l’existence de ce service public. Une personne privée est encore chargée de l’exécution d’un service public lorsqu’elle assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration, qui la dote à cette fin de prérogatives de puissance publique. Même en l’absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission6. L’expression délégation de service public a été consacrée par la loi du 6 février 1992 sur l’administration territoriale de la République et reprise par celle du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption. A - La concession de service public industriel et commercial Par la concession, une collectivité publique (concédant) concède le service public par contrat (contrat de concession) à une société privée (concessionnaire). Le contrat contient les conditions de gestion et d’exploitation du service public, conformes aux exigences d’intérêt général. Le concessionnaire perçoit les bénéfices et assume les pertes. B - La gestion de services publics administratifs par des organismes de droit privé Le recours à des personnes privées pour assurer des services publics administratifs, qui fait pénétrer des personnes privées dans la sphère publique, répond à la préoccupation de confier la gestion d’une activité d’intérêt général aux représentants de la catégorie de personnes qu’elle intéresse, tout en limitant la soumission de l’organisme au droit public (sociétés mutualistes, syndicats professionnels7, associations communales de chasse ou de pêche agréées, sportives, fédérations de football, rugby, athlétisme...). Les comités d’organisation, apparus au début de la Seconde Guerre mondiale afin de gérer la pénurie dans le domaine industriel, avaient pour mission de répartir les matières premières et la main-d’œuvre. Les ordres professionnels reçurent à partir de 1943 la mission d’encadrer et de veiller à la discipline des professions libérales. Les textes comme la jurisprudence restent muets sur leur nature8. Les arrêts indiquent qu’ils ne sont pas des établissements publics, avant d’admettre leur qualité d’organismes privés, d’un type particulier. De même, le juge a reconnu, sans les qualifier, que certains organismes gèrent un service public administratif9. Des sociétés commerciales se voient aussi confier des missions de service public (concessions d’autoroutes). —— 5. 6. 7. 8. 9. CE, 20 juill. 1990, V. Melun : Rec. 220. CE, sect., 22 févr. 2007, Assoc. du personnel relevant des établissements pour inadaptés (APREI) : Rec. 92. CE, ass., 13 mai 1938, Caisse primaire Aide et protection : Rec. 417 ; -sect., 13 janv. 1961, Magnier : Rec. 33. CE, ass., 31 juill. 1942, Monpeurt : Rec. 239 ; -ass., 2 avr. 1943, Bouguen : Rec. 86. T. confl., 20 nov. 1961, Centre rég. de lutte c/le cancer Eugène Marquis : Rec. 879.