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le shofar
revue mensuelle de la communauté israélite libérale de belgique
N° d’agréation P401059
synagogue
beth hillel
bruxelles
Pessach
avril 2008— n°293 / Adar/Nissan 5768
n°293
avril 2008 / Adar/Nissan 5768
N° d’agréation P401059
re vue mensuelle de l a
communauté isr aélite
libér ale de belgique
EDITEUR RESPONSABLE : 
Rabbin Floriane Chinsky
Rédactrice en chef :  
Jacqueline Wiener
COMITÉ DE RÉDACTION : 
Rabbi Abraham Dahan, Rabbi
Floriane Chinsky, Ralph Bisschops,
Gilbert Lederman, Philippe
Lewkowicz, Jacqueline Wiener,
Emmanuel Wolf
ONT EGALEMENT COLLABORÉ a
cette livraison : 
Monique Ebstein, Henri Lindner, Serge
Weinber, Julia Plat, Simon Umflat,Dan
Van den Berg
Mise en page : 
www.inextremis.be
Le Shofar est édité par la
COMMUNAUTÉ ISRAÉLITE LIBÉRALE
DE BELGIQUE A.S.B.L.
N° d’entreprise : 408.710.191
Synagogue Beth Hillel
80, rue des Primeurs,
B-1190 Bruxelles
Tél. 02 332 25 28
Fax 02 376 72 19
www.beth-hillel.org
[email protected]
CBC 192-5133742-59
RABBINS : Abraham Dahan
et Floriane Chinsky
Président exécutif :
Philippe Lewkowicz
CONSEIL D’ADMINISTRATION : 
Président : Gilbert Lederman
Avishaï Ben David, Ralph Bisschops,
Patrick Ebstein, Paul-Gérard Ebstein,
Ephraïm Fischgrund, Josiane
Goldschmidt, Willy Pomeranc, Elie Vulfs,
Serge Weinber, Jacqueline Wiener,
Emmanuel Wolf.
Les textes publiés n’engagent que
leurs auteurs.
Photo de couverture :
Désert du Neguev
Sommaire
09
04
Resolution de la W.U.P.J. - E.R.
05
EDITORIAL
Le Judaïsme libéral en Belgique : poubelle ?!?
07
Le mot du président
Religion ghetto ou citoyenne ?
09
JUDAÏSME
Vayikra, des rituels catalyseurs
12
La liberté est une aventure dangereuse
16
La liberté
par Jacqueline Wiener
par Philippe Lewkowicz
par Rabbi Floriane Chinsky
par Rabbi Abraham Dahan et Dr. Ralph Bisschops
par Jacqueline Wiener
16
36
18
Pessach : l’enfantement de la libération
21
Seder Communautaire de Pessach
23
Nos Bné Mitsva
27
Cérémonie de commémoration de Yom HaShoah
28
AGENDA
31
Vie communautaire
Beth Hillel est notre maison
36
Place Guthmann, Berlin 65 ans après
40
La pensée de Léo Baeck
par Henri Lindner
par Julia Plat, Simon Umflat et Dan Van den Berg
par Rabbi Floriane Chinsky
par Monique Ebstein
44
Une double rencontre en Belgique
46
Lu pour vous
par Jacqueline Wiener
par Monique Ebstein
50
Quelques nouvelles d’Israël et d’ailleurs
53
Un peu d’humour
54
Dîner chabbatique communautaire
55
Informations utiles
RESOLUTION
of the European Region of the World Union for Progressive Judaism
Rabbi Dr. Andrew Goldstein, Chairman
by the ER WUPJ General Assembly
Vienna, Austria
16 March 2008
WHEREAS:
• The Beth Hillel synagogue community in Brussels Belgium is an affiliate in good standing of the World Union for Progressive Judaism, the largest international Jewish religious organization, with 1.7 million members worldwide;
• Beth Hillel is an established focal point within Belgian Judaism by virtue of its size,
dynamism and the authenticity of its commitment;
• The function of the Consistoire Central Israélite de Belgique, according to its own constitution, is to give national representation to all Belgian Jews;
• The executive chairman of Beth Hillel was originally invited to attend the bicentennial
gala dinner of the Consistoire Central Israélite de Belgique; however, that invitation
was subsequently withdrawn;
THEREFORE:
We, the General Assembly at the biennial conference of the European Region of the
World Union for Progressive Judaism hereby
• Protest and condemn the action of the Consistoire in "uninviting" the esteemed representative of Belgium’s liberal Jewish community to its bicentennial celebration;
• Deem this action to be an unacceptable rejection both of the Beth Hillel community
and of the greater mission of Jewish unity for which it stands;
• Thank the World Union for Progressive Judaism for its unwavering support of Beth
Hillel – and similar Progressive Jewish communities throughout Europe and the rest
of the world – in the struggle for full and equal recognition by religious and government
authorities;
• Call upon the Consistoire and all constituents of the greater Belgian Jewish community
to unite in the pursuit of our common goals as a unified Jewish people.
Rabbi Uri Regev
President
Rabbi Andrew Goldstein
Chair, European Region
le shofar
Le judaïsme libéral en
Belgique : poubelle ?!?
Par Jacqueline Wiener, le 14 mars 2008
Au moment de boucler ce présent numéro
du Shofar consacré à Pessach, fête essentiellement tournée vers le commandement de toujours se souvenir, à travers
notre propre expérience historique de la
sortie d’Egypte, que chaque Juif se doit
de continuellement lutter contre toute
forme d’oppression afin de s’engager
sur le cheminement d’un projet, celui du
Progrès du genre humain, nous apprenons que certains Juifs de notre pays,
et non des moindres puisqu’il s’agit des
dirigeants du Consistoire Central Israélite de Belgique, avaient décidé d’oublier
cette exigence de la Première des Dix
Paroles en asservissant collégialement
à nos dépens leur pensée à celle d’une
ultra-orthodoxie anversoise profondément ethnocentrique.
En effet, le Consistoire Central Israélite
de Belgique a cédé aux exigences d’une
partie des siens, en refusant formellement à la Communauté Israélite Libérale
de Belgique-synagogue Beth Hillel, après
l’avoir dans un premier temps conviée
officiellement en la personne de son président exécutif, d’être présente aux festivités commémoratives du bicentenaire
du Consistoire.
Cette attitude de rejet, inacceptable dans
sa forme, est intolérable sur le plan des
fondements mêmes du Judaïsme et dont la
finalité ultime, est-il nécessaire de le rappeler, est le respect infini de l’Homme.
Le Consistoire Central Israélite de Belgique est l’institution cultuelle, en regard de
la législation sur le temporel des cultes et
ses quelque cinquante et un arrêtés d’exécution, reconnue comme l’interlocutrice
légitime, à l’égard de l’Etat, des citoyens
belges de confession juive.
De ce fait, notifier au courant religieux
modéré du Judaïsme belge un tel rejet en
l’écartant d’une commémoration publique hautement symbolique pour tous les
Juifs, et ce, en présence des plus hautes
autorités du Royaume ainsi que de représentants d’autres confessions philosophiques et religieuses, constitue un affront
fait à la communauté juive de Belgique
toute entière, aux centaines de familles
juives qui fréquentent la synagogue Beth
Hillel ainsi, également, qu’aux millions
de Juifs, de par le monde, qui se revendiquent du Judaïsme réformé
Qui plus est, cette conduite nous paraît
extrêmement inquiétante, tant elle pose
question quant aux qualités éthiques et
humaines de ces représentants officiels
auprès des autorités publiques. Ne nous
leurrons guère : les Juifs de Belgique, au
même titre que les Juifs des autres pays
d’Europe, ont à surmonter de nombreux
défis dont ceux en regard du contexte
géopolitique international ne sont pas les
moindres ! Le contenu de tout ce qui s’est
dit à la conférence sur l’antisémitisme, du
24 au 26 février dernier à Jérusalem, et
5
ÉDI TO RI A L
dont nous évoquons par ailleurs la teneur
dans nos colonnes, est là pour en attester.
Sur quelles listes d’éventuelle poubelle
nous mettraient-ils, donc, ces gens-là, si
d’aventure, une abominable répétition de
l’Histoire avait à survenir ?
Nous terminerons provisoirement par la
considération suivante : partout, dans le
monde, le courant non orthodoxe est en
progression constante : écoles rabbiniques, synagogues et communautés libérales ou massortis se multiplient. Même
en Israël, le développement du judaïsme
réformé est spectaculaire ces dernières années, avec ses dizaines de jardins
d’enfants qui éclosent un peu partout, ses
propres écoles primaires qui accueillent
sans cesse plus de bambins ; sans parler
de ses programmes éducatifs dans les
autres écoles du pays, ses kibboutzim
et moshav à l’écologie très marquée ou
la notoriété grandissante de l’Hebrew
Union College…
Ce mouvement est irréversible, parce qu’il
répond à une réalité sociologique : celle
de nombreux Juifs de pouvoir penser et
vivre leur identité dans la modernité.
Il ne durera plus longtemps, le temps
où ceux qui arborent de néfastes replis
sur soi réussiront encore à se faire passer pour les uniques, vrais et authentiques détenteurs du Judaïsme. Même en
Belgique.
Parce que les Juifs, ici comme ailleurs,
aiment, notamment, à ne pas asservir
leur âme…
6
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Le m ot d u pr és i d ent
le shofar
Religion ghetto ou citoyenne ?
Par Philippe Lewkowicz
« Un monde sans Dieu n’est pas la bonne la Torah et l’intégration sociétale dans une
voie ». Cette phrase est extraite du discours république laïque.
de Nicolas Sarkozy au dernier dîner du CRIF. La France a ses spécificités, la Belgique a les
Pour le Président français, les deux morales, siennes. Pour les examens universitaires,
la laïque et la religieuse, sont complémentai- nos étudiants ont un choix que les Français
n’ont pas. L’Université
res, et il précise : « On ne
Libre de Bruxelles a, à
peut ignorer qu’il existe
« Militons plus encore,
ma connaissance, touune immense demande
de spiritualité. Personne pour une intégration forte jours refusé des reports
ou des dispenses pour
ne veut remettre en cause
et complète »
des motifs religieux.
la laïcité. Est-ce que cela
L’Université Catholique
doit nous interdire pour
de Louvain, par contre, les a toujours accepautant de parler de religion ?»
Je mets en rapport ces extraits de discours tées. C’est logique, chacune de ces univeravec la récente saisine par le Consistoire sités applique sa philosophie. Cela pourrait
français de la HALDE (Haute Autorité de être mieux, mais le système tourne et ce n’est
Lutte contre les Discriminations et pour déjà pas si mal.
l’Egalité) estimant que la communauté juive La vraie question récurrente en ces temps
de France est victime de certaines discri- de forte extension de communautarisme
minations. Le cas des horaires d’examens est la place exacte de chaque chose, ou pluest classique. La demande d’arrêt des digi- tôt la solution à un conflit artificiel concernant la valeur à mettre
codes le shabbat dans
en avant : la religion ou
les immeubles où résident des occupants juifs « Craignons une société où la société (l’intégration),
orthodoxes est certes il faudra, sous peine d’être alors qu’en réalité et chacun le perçoit, les deux
anecdotique mais démontre que la revendication « en dehors », s’identifier à peuvent parfaitement se
religieuse prend des une communauté ethnique concilier.
Voulons-nous être des
proportions inusitées.
ou religieuse »
Juifs repliés sur nousCertaines
exigences
mêmes, enfermés dans
défigurent le judaïsme,
nos valeurs ou, au contraire, être des citoyens
sachons les refuser.
Les rabbins du MJLF (Mouvement Juif Libé- actifs, acteurs d’un dialogue où nous pourral de France) ont condamné cette démarche rons présenter, expliquer, mettre en avant
dans le Figaro et le débat critique et peu amène et dans la balance ces valeurs qui nous
qui s’ensuivit montre la difficulté actuelle de sont si chères ? A Bruxelles, nous sommes
concilier une pratique religieuse imposée par confrontés aussi à une forte montée d’une
7
Le m ot d u pr és i d ent
8
communautarisation religieuse, principale- force. Craignons une société où il faudra,
ment musulmane, ce n’est pas offensant de le sous peine d’être « en dehors », s’identifier
dire (voir le baromètre des religions dans La à une communauté ethnique ou religieuse.
Les Juifs ont assez souffert de ce marquage
Libre Belgique du 11 mars 2008).
Laissons à nos amis musulmans, avec qui pour y participer à nouveau de manière insidieuse. Le Talmud enseinous sommes actifs dans
gne qu’il faut s’intégrer et
le dialogue inter-cultuel,
le soin de rechercher « Intégration ne veut pas s’adapter aux lois du pays
pour eux le meilleur
dire assimilation. Bien qui nous accueille.
de créer en
moyen de collaborer à la
au contraire, défendons Refusons
Belgique nos propres
société civile.
Mais, parce que les
nos valeurs, crions haut ghettos. Espérons que
musulmans modérés
« autres » exagèrent ou
et fort que nous sommes les
repousseront dans l’omfont de la surenchère,
devons-nous faire de fiers d’être juifs et que nous bre ceux qui considèrent
même ? Prenons-nous
sommes fiers aussi d’être que chaque terre où vit
un musulman est une
un risque de perdre
belges »
terre à conquérir (Dar
des points ? Bien sûr
al-Harb). Souhaitons que
que non ! Militons plus
encore, pour une intégration forte et com- l’Eglise suive la voie de Vatican II et ne cède
plète. Est-il nécessaire de le rappeler, inté- pas devant les fondamentalistes ; l’audience
gration ne veut pas dire assimilation. Bien des créationnistes américains est un sympau contraire, défendons nos valeurs, crions tôme inquiétant.
haut et fort que nous sommes fiers d’être juifs Suivons l’exemple des Druzes israéliens qui
et que nous sommes fiers aussi d’être belges. nous montrent le chemin. Ils sont de parfaits
Aujourd’hui, nous devons faire le constat citoyens, ce sont des soldats d’élite et pourque la religion est sortie de la sphère privée tant ils ont conservé toute leur identité.
et a envahi tous les secteurs de notre civilisa- Pessah que nous célébrerons bientôt est la
tion : politique, média, culture. Nous devons célébration de la liberté ; de toutes les liberle regretter car, et cela devrait être évident, tés, y compris celle de la pensée. Sans toléla foi est une affaire personnelle. Si je suis rance, elle n’existe pas.
juif, c’est mon choix et je l’assume avec
Envie de nous écrire ?
de participer à la rédaction du Shofar ?
N’hésitez pas et contactez nous !
J UDA Ï SM E
le shofar
Vaykra, des rituels-catalyseurs
Par Rabbi Floriane Chinsky
quelques années, ou se proL’esprit juif, toujours ouvert à
longer durant de nombreuses
la réflexion, est prêt à apprengénérations. Les victimes
dre de toute chose, fidèle à
souffrent de leur esclavage
l’esprit des Pirké Avot comme
ou de leur enfermement. Les
à celui de Maimonide et à nos
répercussions dépassent les
sages en général. Les exemconséquences physiques. Les
ples tirés de la nature alivictimes s’adaptent à un envimentent nos réflexions. J’ai
ronnement appauvri, et cette
été marquée cette semaine
adaptation négative les laisse
par le récit des aventures des
dépourvues des capacités de
Tétras du Mexique. De terrivivre auxquelles elles avaient
bles tremblements de terre
droit. L’atteinte peut se proont provoqué des modificalonger longtemps. Comment
tions du terrain, enterré des
guérir de la Shoa, blessure
rivières et des lacs, isolé cette
encore ouverte au cœur du
espèce en différents groupes
peuple juif, de l’humanité, et
répartis dans des cavernes
ténébreuses. Au fil des géné- Haggadah de Barcelone, XIV° siècle de beaucoup d’entre-nous ?
rations, durant un million d’année, les tétras En Israël, l’expérience d’otages comme Ehud
cavernicoles se sont adaptés à l’appauvris- Goldwasser, Eldad Régev et Gilad Chalit,
sement de leur environnement, et toute leur celle des habitants de Sdérot vivant dans la
peur...
population est devenue aveugle.
Nos vies sont parfois secouées par d’in- Un isolement passé peut avoir appauvri
croyables tremblements qui bouleversent le notre univers, sans même que nous nous en
paysage de notre quotidien. Ces évènements rendions compte.
nous poussent à la fuite, le nouveau paysage Bien que le sujet soit extrêmement sensible,
créé se révèle parfois être un cul de sac, dans je ne veux pas exclure de nos réflexions un
lequel nous nous trouvons enfermés durant groupe que des circonstances concordande longues années. L’isolement que nous tes placent dans un enfermement physique,
subissons, détaché des personnes, des pay- moral et intellectuel particulièrement nuisisages, des courants, des types de relations ble à la pacification de la situation en Israël.
qui nous nourrissaient, nous entraîne alors Dans les Territoires, l’isolement des Palestivers un appauvrissement de nos pensées niens est également un facteur de cécité, dû
et de nos sentiments, un rétrécissement de à l’absence de démocratie, à la partialité de
l’éducation, à la propagande arabe anti-israénotre être.
Ce type d’expérience peut nous toucher, en lienne, aux mesures de sécurité israéliennes,
tant que personne, en tant que groupe fami- et au danger qui menace ceux qui, travaillant
lial, en tant que peuple. Il peut durer quelques avec des Israéliens, risquent d’être considéheures ou quelques jours, quelques mois, rés comme traîtres.
9
J UDA Ï SM E
10
Nous avons achevé la lecture du livre de
l’Exode et nous pouvons nous demander si
l’expérience vécue par les enfants d’Israël
n’est pas du même ordre.
Le choc du dépaysement en Egypte les a
affaibli, puis l’esclavage qui harasse le corps
et l’esprit a interdit toute évolution de la pensée, tout développement identitaire et émotionnel. Pour les Hébreux, le « kotser rouaH
véavoda kacha », le souffle court et le dur
labeur ont été aussi efficaces qu’une caverne
isolée de la lumière. Ils refuseront d’entrer en
Canaan, ce qui les condamnera à une errance
de 40 ans, temps de renouvellement total de
la génération. 40 ans peuvent-ils suffire ? Il
semble tellement facile de détruire et tellement difficile de reconstruire ! Peut-on, en
40 ans, espérer soigner tout un peuple blessé
par un esclavage de plus de 400 ans ?
En ce qui concerne les Tétras, une génération a suffit. Un chercheur new-yorkais a
croisé des individus issus de quatre populations venant de 4 grottes différentes. 40%
des descendants étaient capables de voir.
Les mutations génétiques ayant provoqué la
cécité étant de nature différente, le mélange
des gènes a permis d’obtenir un gène sain
pour chaque facteur déterminant les capacités visuelles. Ainsi, la rencontre d’individus
souffrant du même type d’aveuglement ne
sert à rien, mais contrairement à notre intuition, la rencontre de types d’aveuglement différents peut nous rendre la clairvoyance.
L’expérience est-elle transposble à la régénération de l’indépendance des enfants
d’Israël ? Qui viendra sortir notre peuple
de son isolement émotionnel et intellectuel
hérité de l’Egypte ? L’apprentissage auprès
de Moïse dans le désert, l’étude et le service
du tabernacle redonneront force à un peuple
exsangue.
Le livre de Vaykra nous accompagnera tout
le long du mois d’avril et du mois de mai. La
création des rituels du Lévitique n’a pas pour
but de nous isoler en tant que peuple. Ils nous
Dessin de Lisa Davidov, 7 ans, Sderot
permettront, au contraire, de construire et
de cultiver notre identité spécifique, que l’on
pourra confronter avec celle des autres. Nous
avons besoin, pour que l’humanité grandisse,
de groupes qui développent leur génie propre.
C’est la raison pour laquelle notre civilisation s’est toujours opposée au polythéisme,
au syncrétisme, au prosélytisme, à la pensée
unique (comme à l’absence de pensée…), à la
grande soupe universelle.
Les pèlerinages à Jérusalem à l’occasion
des fêtes permettaient ce grand brassage
des idées, cette confrontation des expériences entre différentes tribus et entre tribus
et prêtres, comme la participation des tribus par l’intermédiaire des maamadot, des
représentations envoyées périodiquement au
Temple. De même, les prêtres sont spécialisés dans une œuvre qui leur est propre mais
ils ne sont pas isolés comme l’aristocratie ou
la noblesse européenne au Moyen-âge. Nousmêmes, en tant que peuple, nous nous considérons comme « or lagoyim », un éclairage
pour les Nations, mais nous sommes également prêts à apprendre d’elles, comme nos
grands sages-médecins de toutes les époques, étudiant les sciences externes autant
que la Torah pour mieux comprendre à la fois
le fonctionnement du monde et son sens.
La construction de ces rituels juifs a permis
la constitution d’un milieu favorable à ce que
le shofar
notre peuple développe une identité humaine
particulière capable de contribuer à l’identité
humaine collective. Elle a permis le développement d’une caste de prêtres, de rituels et
d’un savoir spécifique, capable de le transmettre au peuple. En nos périodes où science
et « consciences » sont souvent opposées sur
le ring des média, il est bon de rappeler qu’au
sens juif, elles n’ont pour but ni de droguer
le peuple ni de le « désenchanter ». Elles doivent, au contraire, nous aider à cultiver notre
esprit de critique scientifique et sociale, notre
esprit de quête et de recherche, notre volonté
de nous améliorer et d’améliorer le monde.
Nous tentons de trouver notre équilibre
entre deux attitudes nécessaires : Une très
grand ouverture sur le monde, à travers nos
voyages, volontaires (commerce) ou forcés (déportations) et à travers notre soif de
savoir ; Une très grande cohésion, grâce à des
« sanctuaires », des points de rencontre, géographiques (Temple, synagogue, Israël…),
temporels (shabbat, fêtes…), langagiers
(l’hébreu, partage de symboles communs…),
comportementaux…
De cette façon, nous devons être capables de
remettre notre identité en chantier et de toujours l’enrichir sans perdre son essence.
Que le bouillonnement identitaire qui nous a
sauvé de l’esprit d’esclavage continue à nous
inspirer, nous, nos communautés, et « tous
les habitants de la terre ». Amen.
11
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J UDA Ï SM E
« La liberté est une aventure
dangereuse »
Entretien avec Rabbi Abraham Dahan sur Pesach
par Dr. Ralph Bisschops
R.B. : A Pesach, nous célébrons la sortie d’Egypte.
Alors que le Christianisme
a conféré à cette fête une
signification métaphysique
(« résurrection »), la signification originaire et juive est
concrète et même politique.
12
Rabbi Dahan : C’est vraiment la libération, comme
le dit le premier commandement « Je suis l’Eternel,
ton Dieu, qui t’ai fait sortir
d’Egypte de la maison de servitude. » Dieu y est évoqué
avant tout comme libérateur.
En ce qui concerne le Christianisme, je crois
que sa tendance générale a été de spiritualiser les données originelles du judaïsme. La
foi s’y substitue à la loi. La liberté, dans le
judaïsme, n’a pas seulement un sens métaphysique, elle est le produit d’une libération.
Ce qui me touche beaucoup dans Pesach,
c’est que cette fête célèbre la première
libération de l’histoire. Dans un temps où
l’on naissait et mourrait esclave et où il n’y
avait pas d’autre condition que la servitude
sauf pour l’aristocratie et les prêtres, ce
fut quelque chose de très révolutionnaire.
Dans Exode 21 (« voici les lois que tu mettras devant les Hébreux »), la première loi
adressée aux Hébreux fut : « S’il arrive que
tu achètes un esclave hébreu, il travaillera
six ans et la septième année
il sera libre » (Ex. 21, 1).
L’idée que l’homme est né
pour être libre n’a d’ailleurs
en rien perdu de sa nouveauté ; même aujourd’hui,
les démocraties sont rares.
Il y a un autre aspect qu’il
serait intéressant d’évoquer,
c’est que quand on parle
de libération, ce n’est pas
seulement une libération
physique, c’est aussi une
libération de l’idolâtrie et de
l’absurde. La Torah se veut
être un outil de sculptage
des têtes ; elle crée des têtes
mobiles qui posent les vraies questions, qui
ne s’enferment pas dans des schémas, qui
ne se moulent pas dans des idéologies. C’est
ce qui fait que les Juifs resteront un peuple
qui pose des questions qui dérangent. C’est
peut-être aussi cela, l’idée de libération : de
rester avec une distance par rapport aux
choses.
R.B. : Cependant, au cours de l’Histoire,
les Juifs se sont avérés de grand inventeurs de systèmes : le marxisme, le néoconservatisme…
Rabbi Dahan : …sans oublier le monothéisme ! C’est vrai que les Juifs créent souvent des systèmes. Mais quand le système
le shofar
n’est pas géré avec intelligence, il devient
une fin en soi au lieu d’être un outil. C’est
ce qui conduit à leur échec. Même le monothéisme est condamné à l’échec quand la
lettre cesse d’être le tremplin vers quelque
chose qui la dépasse. Par rapport aux systèmes, il importe d’être à la fois dedans et
dehors, ce qui va de pair avec un certain
détachement et un brin d’humour. La Torah
est très claire à ce sujet : la vraie liberté
et la vraie démocratie impliquent une évolution de la tête et un sens de Dieu. Le
verset « Je suis celui qui vous a fait sortir
d’Egypte » suggère que ce n’est pas l’homme
qui libère l’homme. Pour que l’homme
libère l’homme, il faut qu’il soit touché par
quelque chose qui vient d’ailleurs. Qui, plus
que les Juifs, a cru au communisme ? Les
idéaux de partage, de justice, d’égalité, tout
cela correspond à l’idée que les Juifs se font
du messianisme. Ensuite, quand cela est
pris en charge par des gens qui n’ont pas
le niveau et qui n’ont pas la lumière, c’est
dévoyé, et les premiers broyés par leur propre système seront toujours les Juifs.
R.B. : Est-ce que cela n’est pas déjà préfiguré dans l’histoire de Joseph qui avait
créé le système totalitaire égyptien ? Ce fut
bien lui qui avait asservi le peuple égyptien
à Pharaon et élaboré le système qui broya
le peuple juif ?
Rabbi Dahan : Ce n’est pas Joseph qui avait
mis ce système en route car d’ores et déjà,
Pharaon représentait le pouvoir absolu.
C’était le Dieu de l’Egypte. Mais ce qui est
pour ainsi dire la « faute » ou « l’erreur » de
Joseph, c’est d’avoir nourri ce système. Par
la méthodologie qu’il prônera, toute la terre
et tous les hommes deviendront la propriété de Pharaon. C’est effrayant de voir
comment il institutionnalise le despotisme
pharaonien. Et on peut même se demander si la Torah, à travers la servitude des
Hébreux en Egypte, ne suggère pas à mot
couvert que la facture de Joseph sera payée
par l’asservissement de son peuple.
R.B. : L’Exode fut une libération. Dans la
vision moderne des choses, la libération se
fait par les armes et la révolution. Rien de
tel dans le récit de l’Exode.
Rabbi Dahan : La libération n’est pas que
la révolution. La révolution toute seule ne
libère pas ; il faut qu’elle soit l’aboutissement de l’évolution des idées et des mentalités. On ne plaque pas un savoir ou
une doctrine sur une société ; il faut que
la société soit pour un minimum à parité.
La Révolution française ne fut pas née de
rien. Il y eut d’abord les encyclopédistes,
les philosophes, les écrivains. Les vraies
révolutions sont des naissances lentes,
des mûrissements. Et pour que cela arrive
à éclore, il faut que quelque chose vienne
d’ailleurs. C’est ce que la Torah suggère.
R.B. : Même si cette chose « venue
d’ailleurs » se manifeste sous forme
d’athéisme ?
Rabbi Dahan : Evidemment ! Quand la
Torah dit « Dieu », ce n’est pas penser Dieu
comme démiurge, ou comme grand gendarme. Dire « Dieu », c’est reconnaître
humblement qu’il y a des choses qui nous
dépassent, qu’il y a une transcendance qui
ouvre l’horizon pour que l’homme puisse
voir plus loin. La clef, c’est l’homme qui la
détient. J’aime beaucoup l’adage du Talmud :
‫( הבא לפתח פותחים לו הבא לסגר סוגרים לו‬celui
qui fait l’effort d’ouvrir, on l’aidera à ouvrir,
et celui qui ferme, on l’aidera à fermer). Si
on fait l’effort d’ouvrir l’horizon, il y aura
quelque chose au bout ; si, par contre, on
ferme l’horizon, les possibilités s’éloigneront
encore plus. La main de l’homme ne suffit
pas ; il faut autre chose. Selon la Haggadah,
13
J UDA Ï SM E
les Juifs ont été libérés parce qu’ils se souvenaient de l’enseignement d’Abraham. L’idée
de liberté était en eux, ils la comprenaient.
Et en Egypte « ils ont crié ». Il faut se lever et
crier ; c’est le premier pas.
RB. : Un marxiste athée dirait « ils ont prié
au lieu de prendre les armes ».
14
Rabbi Dahan : La Torah ne dit pas qu’ils
ont prié, mais qu’ils ont « crié », « hurlé »
parce qu’ils savaient que le contraire de ce
qu’ils vivaient était possible. Le cri, c’est
l’expression de ce savoir. Je me rappelle
d’une façon très claire les manifestations
des Juifs de l’Union Soviétique. Des gens
sont venus me demander à cette époque :
« Tout le monde en USSR est prisonnier,
pourquoi vous les Juifs, vous vous singularisez ? » En effet, les premiers à avoir
dit « non », qui ont « crié », ce furent les
Juifs. Mais le cri de l’homme souffrant ne
rejoint-il pas quelque part la prière ?
R.B. : Revenons à l’Exode. Il y eut un cri. Mais
par la suite, la libération émana avant tout
de Dieu lui même qui fit sortir les Hébreux
« d’une main forte et d’un bras étendu ».
Rabbi Dahan : C’est vrai. Mais le mouvement part de l’homme. La liberté se
conquiert. Bien entendu, l’homme tout seul
n’y arrive pas. Si la libération ne se faisait
que par lui, elle se dégénérerait.
R.B. : Certains archéologues vont jusqu’à
dire que les Hébreux n’ont jamais été en
Egypte. Supposons que le livre de l’Exode
et la Haggadah relèvent de la fiction, une
chose est certaine : ils préfigurent avec une
précision surprenante des événements qui
se sont produits trois mille ans après : les
camps, Auschwitz, la Shoah.
Rabbi Dahan : Absolument. On trouve
d’ailleurs dans les midrachim des
commentaires qui vont dans ce sens. A
l’instar des nazis, Pharaon et ses sbires ne
cherchaient pas le rendement ou la rentabilité. Ils cherchaient la destruction des hommes ; ils tentaient d’enlever aux humains
le minimum de dignité d’être humain. Le
Midrach nous rapporte, par exemple, que
les gardiens égyptiens mettaient de grands
paniers pleins de briques sur les épaules
de faibles femmes et de petits paniers sur
ceux des hommes grands et forts. Lorsque
les femmes titubaient et s’écroulaient sous
le poids, les Egyptiens s’en amusaient. Il
est donc possible que les textes relèvent
de la prémonition. Mais ce qui me frappe,
c’est l’intelligence du texte. Comment pouvait-on, à cette époque-là, mettre la liberté
comme première valeur après la vie ? D’où
cela vient-il ? Comment se fait-il que la
première des Dix Paroles enseigne « Je
suis l’Eternel, ton Dieu, qui t’ai libéré » ?
D’où cela vient-il ? Pourquoi la première loi
sociale qui est donnée est celle concernant
la libération des esclaves ? Pourquoi la
première fête du calendrier, c’est Pesach ?
Pourquoi la première prescription que le
peuple juif reçoit, sa première mitzvah, c’est
de commémorer la libération ? Comment se
fait-il que la première commémoration, le
premier seder, se fasse encore en Egypte ?
Nous sommes pourtant en pleine religion !
On aurait pu s’attendre aux appels à la foi
et à la prière. Mais ce n’est pas du tout cela.
C’est graver dans un peuple entier, pour la
rendre indéracinable, la conviction de la
liberté. Et là, peut-être, c’est prémonitoire,
encore une fois. Parce qu’on savait que ce
peuple allait être ballotté par l’histoire,
écrasé, déchu, maudit et dispersé jusqu’à
l’éclatement.
R. B. : La Haggadah de Pesach met l’accent
sur l’acharnement des nations à détruire
l’identité juive. Elle rappelle le passage
où Dieu annonce à Abraham que ses descendants vivront pendant quatre siècles
le shofar
comme esclaves sur une terre étrangère
(Ex. 15, 13). Vous m’avez dit un jour qu’il y
avait un prix lourd à payer si l’on veut sortir de l’absurde et se mettre à la quête d’un
sens.
Rabbi Dahan : Dieu dit à Abraham : « Tu
seras une bénédiction » et « par toi seront
bénies toutes les familles de la terre ». Il
n’y a pas d’autre chemin que d’évoluer vers
la fraternité universelle qu’inspire l’idée du
Dieu Un. Mais d’un autre côté, il y a le poids
de cela. Le poids d’être porteur d’un tel
idéal révolutionnaire. Cela va coûter très
cher. « Les premiers qui paieront la facture
seront tes descendants directs, » dit Dieu à
Abraham. Ne crois pas que tu auras droit à
des privilèges et à un passe-partout parce
que tu dis Dieu et la liberté. Non ! Vous serez
écrasés. La liberté est une aventure dangereuse. Cela me fait penser au verset concernant la consommation de l’agneau pascal
(Ex. 12, 48) : ‫וכל ערל לא יאכל בו‬, « aucun
non-circoncis n’en mangera ». Dans le
même texte, il est pourtant dit « Une seule
et même loi régira l’indigène, et l’étranger
demeurant au milieu de vous » (Ex. 12, 49).
Cependant, seulement l’étranger circoncis
pourra participer au seder, ce qui semble
paradoxal. Pourquoi dit-on d’abord : « vous
avez la même carte d’identité, l’indigène
et l’étranger qui vit avec toi », pour légiférer ensuite : « l’étranger incirconcis ne
consommera pas l’agneau » ? Cela vient
nous suggérer que la liberté ne s’improvise
pas ; c’est un travail, un cheminement. On
n’entre pas à l’improviste pour participer
au seder. Ce n’est pas la foire du Midi. La
démocratie ne naît pas d’un coup.
R.B. : La Brit Mila peut revêtir beaucoup
de significations, dont la plus connue est
« l’alliance de sang ». Mais dans le passage
que vous venez d’évoquer, la circoncision
apparaît avant tout comme l’expression
charnelle de la liberté.
Rabbi Dahan : Le Talmud enseigne :
‫אדם צריך תיקון‬, « l’homme a besoin d’être
réparé », d’aller vers son humanité. Tant
que l’on accepte le monde tel qu’il est, on
est également amené à croire qu’il est
« naturel » que le fort bouffe le faible. Dès
lors, on ne comprend rien à la liberté, car
elle est d’abord une sortie ou une distance
par rapport à l’état de nature.
Au Musée Juif de Belgique
du 14 mars au 22 juin 2008
« A Fleur de Peau »
œuvres de l’artiste Maurice Frydman
rue des Minimes, 21 – 1000 Bruxelles (Sablon)
15
J UDA Ï SM E
La liberté
Par Jacqueline Wiener
16
Les Dix Commandements constituent le
socle d’un comportement moral dont la finalité est de rendre les individus meilleurs,
dans l’espoir qu’ils sauront, ensuite, un jour,
s’organiser en une société juste.
L’éthique contenue dans le Décalogue, à la
fois concept d’outil de perfectibilité de l’esprit et comprise comme un but en soi, prend
tout son sens, donc, dans l’aspiration à voir
chaque vie humaine s’épanouir parmi les
autres en Homme libre.
Cette liberté de l’homme commence, pour ce
qui nous concerne, par la découverte sans
cesse renouvelée, au moment de la Pâque,
Pessach, d’une idée marquante, authentique
fondée sur une histoire grandiose et qui fait
partie intégrante de l’histoire universelle : la
sortie d’Egypte.
Ce départ volontaire et organisé de la horde
des enfants d’Israël qui avaient été réduits
à l’état d’esclaves de Pharaon, il est exigé,
aujourd’hui et demain, chaque année, à
chaque Juif de porter son regard dessus, de
manière à reconduire l’expérience historique
par excellence d’une prise de conscience du
passage vers la liberté. Chaque Juif se doit,
ainsi, de faire sien le choix de se libérer de
toute forme d’oppression pour s’engager sur
le cheminement d’un projet, celui du Progrès
du genre humain, cet idéal jamais assouvi
des temps messianiques.
La liberté liée à la sortie d’Egypte ne correspond pas, dans une telle acceptation
du terme, uniquement au passage à un état
d’abolition de l’asservissement. Elle revêt
une autre dimension : celle d’un mouvement
qualitatif où cette absence de domination,
aussi bien intellectuelle que physique, aussi
bien personnelle qu’imputable à autrui,
devient indissociablement lié à une infinie
exigence éthique.
C’est en cette perception-là de la liberté que
peut se comprendre le début du Décalogue,
lorsqu’il commence par l’évocation divine.
Celle-ci, la Première des Dix Paroles, nous
dit « Je suis l’Eternel ton Dieu qui t’ai fait
sortir de la terre d’Egypte, d’une maison
d’esclavage »1.
Pour nos jours, ce qui pourrait sembler une
répétition du lieu d’où s’effectua la libération
n’en est pas une ; au contraire, cette double
précision de la terre et de la maison nous
indique combien la liberté revêt de nombreux aspects auxquels il faut prendre garde,
de peur d’en oublier à la fois la complexité et
la finalité.
La prescription de se souvenir que nous avons
été esclaves entraîne, dans cette perspective,
également celle de ne pas tenter d’oublier
que nous avons été asservis et, par là même,
à notre tour, d’attendre d’être servis2, ce
qui constitue une des formes ultimes de la
1 Ex. 20 :2
2à l’instar des enfants d’Israël, dans le désert, lorsqu’ils réclamèrent auprès de Moïse afin qu’il leur donnât de l’eau (Ex. 15 :24
et 17 :2). Dans une compréhension contemporaine de l’attente d’être servi, il nous semble qu’on peut citer en exemple aussi
bien la recherche effrénée d’une aura sociale qu’un manque de conscience professionnelle individuel au détriment d’une
équipe de travail.
le shofar
servitude puisqu’elle ôte
à son auteur le choix
délibéré de lui-même…
Or donc, au-delà de ce
que nous instruit l’utilité,
dans le calendrier hébraïque, du rappel annuel
de la sortie d’Egypte
dans une perspective de
remise en question de
soi à l’instar des fêtes
de Tichri, la Première
Parole a ceci d’universel qu’elle fournit à qui
veut bien l’entendre une magistrale clef de
compréhension d’un monde à venir meilleur
où les hommes se seraient intelligiblement
choisi cette liberté altruiste.
Cette clef passe par la préhension de
l’Histoire.
Aujourd’hui, les notions de liberté s’abreuvent aux Droits de l’Homme, là où conventions internationales et charte fondamentale
des Etats de Droit les consacrent en s’appliquant à en assurer le respect au travers de
Cours et tribunaux indépendants. Dans ces
Etats de Droit, dont la Belgique peut s’enorgueillir de faire partie, d’aucuns pourraient
penser qu’il n’est plus nécessaire de se souvenir des circonstances aux travers desquelles
ces Droits de l’Homme ont été obtenus, maintenus, recouvrés.
Pourtant est apparu ces dernières années,
dans ces pays dont le nôtre, un déni de liberté
au nom, tantôt d’un nationalisme exacerbé,
tantôt du respect du sacré, tantôt d’un clanisme obsolète et plaçant celles et ceux qui
en sont victimes dans une situation d’asservissement anachronique.
La liberté de l’esprit, telle
qu’instituée notamment
par les Constitutions
européennes, constitue
un Progrès de l’Homme
dans la mesure où elle
permet aux citoyens,
riches de leurs particularités culturelles, philosophiques, religieuses,
de se réaliser dans tous
les domaines de leurs
choix librement assumés.
Dans cette perspective là, l’histoire du peuple juif montre à quel point se remémorer
années après années, générations à la suite
des générations, la sortie d’Egypte, conserve
aujourd’hui toute son acuité.
Sans doute, selon nos propres valeurs, la
démocratie occidentale développée selon le
concept d’Etat de Droit se rapproche-t-elle
le plus de cette liberté éthique vers laquelle
le Décalogue nous prescrit de tendre. Mais
l’abolition de toute forme de domination
assortie de la prévalence de la justesse dans
les rapports sociaux n’a, jusqu’à présent,
jamais été acquise.
Et l’Histoire nous enseigne, qui plus est, que
l’idée de liberté, continuellement remise en
question (lorsque ce n’est pas son concept luimême qui est déformé par ceux-là mêmes qui
s’en revendiquent), ne connaît pas de borne
chronologique marqué du sceau d’un nonretour vers une antériorité plus coercitive.
La progression de l’Homme vers la liberté
n’est jamais atteinte ; cependant, cela ne dispense aucun d’entre nous d’en recommencer
à effectuer les premiers pas… 17
J UDA Ï SM E
Pessach : l’enfantement
(assisté) de la libération
Par Henri Lindner
18
Le septième jour de Pessach, nous lisons
à la synagogue la Paracha Bechalakh dans
l'Exode. Elle nous raconte ce qui s'est passé
pendant les premiers sept jours après la
sortie d'Egypte. Cette Paracha est riche en
événements, mais aussi en enseignements.
Elle nous raconte un tas de choses dont
même un manuel d'histoire pourrait se passer. Il est vrai que c'est le propre de toute la
Tora, mais ici, cela frappe particulièrement
fort. Pourquoi ces détails et ces remarques
apparemment superflus historiquement
parlant ?
Or, c'est ainsi parce que, justement, la Tora
n'est pas un manuel d'histoire. Elle se sert
des événements historiques, du vécu, parfois de légendes, pour nous enseigner en
premier lieu quels sont les points faibles
et les points forts de l'homme. Et comment
vivre sa vie pour en faire – malgré et grâce
à cela – une réussite, aussi bien sur le plan
individuel que social. Car, en premier lieu,
c'est une Torat Haïm, « l'enseignement de la
vie ».
Prenons, par exemple, le tout premier verset
de cette paracha (Ex 13/17): « Quand Pharaon fit partir le peuple, Dieu ne le dirigea
point par le pays des Philistins, car il était
proche; parce que Dieu disait : « De peur
que le peuple ne regrette quand ils verront
la guerre, et qu'ils retournent en Egypte ».
Pourquoi le texte ne répète-t-il pas (pour
la énième fois…) « quand Dieu fait sortir
les enfants d'Israël d'Egypte…»? mais «…
Pharaon fit partir le peuple…» ? Pour nous
faire comprendre que Dieu s'est servi du
Pharaon pour les faire sortir. Pour nous
rappeler et nous faire comprendre que
quand les gens sont habitués à vivre dans
la soumission – pour ne pas dire l'esclavage – mais qu'ils mangent plus ou moins à
satiété, quand ils sont habitués à cet état de
choses, n'ayant jamais connu la liberté, sauf
par ouï-dire, alors la liberté ne constitue par
pour eux un attrait irrésistible ni une raison
valable pour prendre de gros risques. C'est
ainsi qu'on nous rappelle que les Hébreux
ne brûlaient pas d'envie de quitter l'Egypte
pour s'aventurer dans le désert. Il fallait les
pousser dans le dos et crier : « Partez ! »
Cette résistance face à l'aventure ou à un
danger sur le chemin de la liberté, accompagnée des reproches adressés à Moïse et
Aaron, revient à chaque occasion qui s'y
prête. Jusqu'au moment où la génération
des adultes ayant conne le « bonheur » et
le "bien-être" de l'esclavage égyptien se soit
éteinte. La jeune génération, élevée dans le
désert, dans l'indépendance et la liberté, où
le seul donneur d'ordre était l'Eternel par la
bouche de son prophète Moïse et non pas
un roi tyran, cette génération réagit très
différemment.
Les commentateurs bibliques ont même
trouvé dans le texte des traces de dégâts
causés par notre faiblesse, dans le verset
suivant (Ex. 13/18). Le mot « hamoushim »
est généralement traduit par « armés »(en
le shofar
possession d'armes). Mais d'autres commentateurs l'ont traduit par « réduits à
un cinquième », à partir du « hamesh »,
cinq (comme on dit « décimé » à partir de
« dix »), avec cette justification que les quatre cinquièmes refusèrent de s'engager dans
cette « aventure » et sont morts pendant les
trois jours de ténèbres.
Mais, si nous abordons ce problème comme
nous le propose la Haggadah que nous récitons pendant le Seder, ce n'est pas seulement eux qui sont sortis d'Egypte, c'est
nous aussi. Et leurs points faibles nous les
retrouvons facilement en nous. Et nous les
comprenons.
Nous savons que l'homme, même s'il vient
de la poussière et y retourne, entre les deux
moments il n'est pas d'argile, et qu'il est difficilement maniable. Et ce premier verset
nous enseigne que quand Dieu se sert de
nous pour réaliser un projet, et notamment
faire de nous un peuple libre, il tient compte
de nos faiblesses. Et c'est à nous de faire le
premier pas dans la bonne direction. Et, si
le premier pas s'avère difficile, trop difficile,
Dieu nous aide et nous encourage. C'est
quand les Hébreux aperçoivent l'armée
égyptienne qui les poursuit et se trouve tout
près qu'ils évoquent leurs revendications
anciennes : « Et ils dirent à Moïse : est-ce
faute de tombeaux en Egypte que tu nous
as pris pour mourir dans le désert ? Que
nous as-tu fait en nous tirant d'Egypte ?
N'est-ce pas là la chose que nous t'avions
dite en Egypte, disant ‘laisse-nous et servons les Egyptiens’ ? Car mieux valait pour
nous servir les Egyptiens que mourir dans
le désert. » (Ex. 14/10,11,12)
Moïse calme les Hébreux et se prépare pour
adresser une prière à Dieu. Mais Dieu lui
ordonne d'arrêter la prière, de faire avancer
les enfants d'Israël et de faire fendre la mer
par un geste de son bâton.
Et ici commence l'épisode le plus dramatique de l'histoire de la sortie d'Egypte.
D'après nos commentateurs, les enfants d'Israël voient la mer et n'osent pas s'y avancer.
Finalement, ce serait Kalef ben Yphoune, le
chef de la tribu de Yehouda, qui aurait fait le
premier pas dans l'eau et c'est alors que les
eaux se sont retirées et les enfants d'Israël
se sont avancés.
L'armée égyptienne les suivait de près.
« L'ange de Dieu, qui marchait en avant du
camp d'Israël, partit et il passa derrière eux :
la colonne de nuée se retira de devant eux
et alla derrière eux. Elle vint entre le camp
égyptien et celui des Israélites : et il y eut la
nuée et l'obscurité, et elle éclaira la nuit; et
de toute la nuit, l'un n'approcha pas l'autre.
Moïse étendit sa main sur la mer et l'Eternel refoula la mer, toute la nuit, avec un vent
d'est puissant, et il mit la mer à sec, et les
eaux furent divisées. » (Ex. 14/19,20,21) Et
ici, un « secret » à découvrir. Dans la Tora,
en hébreu, le texte de chacun de ces trois
versets compte 72 lettres. Pourquoi ? Peutêtre parce que 72, c'est la valeur numérique
de l'expression hébraïque qui exprime l'intemporalité du Dieu Eternel. Elle s'exprime
par « Il a été, il est et il sera ». Celui qui se
manifeste ici selon la promesse faite des siècles auparavant à Abraham (Gen. 15/13,14).
Je ne peux pas imaginer que les « grandes
richesses » de cette promesse désignent une
fortune matérielle. Cela devait désigner un
savoir et une conviction acquis à l'échelle
sociale par tout un peuple, et qui deviendraient la pierre d'angle de notre histoire,
de notre croyance, de nos convictions et de
notre culture.
Un jour, je me suis dit : « imaginons… je
m'imagine qu'un ange de Dieu apparaît à
mon grand-père, z"l (que j'aimais beaucoup
et qui m'aimait autant) dans un rêve et qu'il
lui annonce que son petit-fils bien-aimé passerait plusieurs années dans les camps de
concentration allemands, y serait torturé et
souffrirait beaucoup. Mais que, finalement,
il serait libéré, les Allemands seraient punis
19
J UDA Ï SM E
20
et lui, il toucherait de belles indemnisations
jusqu'à la fin de ses jours ». Connaissant mon
aïeul, je suis persuadé qu'il aurait répondu à
l'ange : « s'il te plaît, garde tes indemnisations et ne le fais pas souffrir » . Si Abraham
n'a rien répondu, c'est qu'il savait de par
son propre vécu qu'il faut d'abord être victime d'une tyrannie impitoyable et oppressive pour apprécier ensuite la liberté, pour
l'aimer malgré ses exigences et les difficultés du parcours qu'elle impose.
C'est cela la signification du début du récit
de la Haggadah que nous récitons au Seder
quand nous invitons un étranger pour partager avec nous la matza, le pauvre pain de
misère. « Ha lakhma anyah…» Car il vaut
mieux manger mal et être libre que manger mieux et être tyrannisé. C'est cela la
première signification du chant que vont
entonner Moïse et les enfants d'Israël, plus
loin dans la paracha; heureux, non seulement d'avoir échappé à la mort, mais d'avoir
acquis un savoir et une conviction par l'expérience vécue, ainsi que la liberté grâce à
l'intervention de l'Eternel.
Pour revenir à ces trois versets (Ex
14/19,20,21), en les relisant nous pouvons
imaginer et comprendre ce qu'ont ressenti
les Hébreux en s'engageant dans la Mer des
Joncs et voyant les Egyptiens qui les suivaient de près, et quel était leur sentiment
de vivre un miracle en voyant la colonne de
nuée qui les guidait le jour se déplacer avant
la tombée de la nuit et se mettre entre eux
et leurs poursuivants. Et voir aussi apparaître plus tôt que d'habitude la colonne de feu
devant eux pour les guider.
Mais, pour nous, plus de 3000 ans plus tard,
quelle est la leçon que nous présente la
« Tora de la vie »? Miracle du passé lointain
mis à part, qu'apprenons-nous pour l'avenir,
pour NOTRE avenir ?
Nous aussi, nous sommes guidés jour et
nuit. Nous l'évoquons par exemple dans la
prière juste avant celle de « Kryiat Chema »,
le vendredi soir :
« C'est pourquoi, Eternel, notre Dieu, à notre
coucher et à notre lever, nous parlerons de
tes préceptes… ils sont notre vie et le prolongement de nos jours, et sur eux nous
méditerons le jour et la nuit ». Ce sont eux
qui nous indiquent le chemin à suivre. Mais
nos ennemis n'y voient pas une guidance. Ce
qui nous guide devient pour eux, sous l'effet
de la haine, une « colonne de nuée » qui les
rend aveugles. Il faut ne pas - ne plus - être
imprégné de cette haine pour commencer à
y voir clair. Comme le beau-père de Moïse –
Yéthro – quand il dit à Moïse : « Je reconnais
maintenant, je sais que l'Eternel est plus
grand que tous les dieux » (Ex. 18/11)
Mais rien n'est parfait dans ce monde. Malgré
cette expérience et la conviction exprimée
dans ce chant, les erreurs suivront; même si
l'essentiel reste acquis. C'est toujours « deux
pas en avant et un pas en arrière ». Arithmétiquement, c'est quand même un pas de gagné
dans la bonne direction… L'homme n'est pas
parfait et la vie est parfois difficile. Après
quarante années de désert, les Hébreux sont
entrés en Canaan ? Et même si, plus tard, à
deux reprises, ils ont été chassés de cette
terre, nous y sommes arrivés une fois encore.
Peut-être cette troisième fois sera la bonne ?
Essayons et faisons le nécessaire pour en
faire une réussite. Vous l'avez lu : avec l'aide
de Dieu, tout devient possible.
Hag Saméah !
SEDER
COMMUNAUTAIRE
DE PESSACH
Cette année, le Seder
Communautaire aura lieu à Beth Hillel
Le SAMEDI 19 AVRIL 2008 à 20h00
Si vous désirez être des nôtres, renvoyez sans tarder le bon de réservation ci-dessous,
dûment complété, ou bien envoyez-nous un email à [email protected].
Participation :
€ 40,00 Adultes
€ 30,00 Enfants entre 5 et 13 ans
gratuit Enfants de moins de 5 ans
Pour permettre à tout le monde de participer, le prix a été diminué par rapport à l’année
dernière, mais ne couvre pas totalement les frais du seder. Un don éventuel est laissé à
votre appréciation.
Les réservations ne seront enregistrées qu’après réception du payement par virement au
compte CILB n° 192-5133742-59 auprès de la Banque C.B.C, avec la mention « SEDER ». En
cas de désistement de dernière minute, veuillez contacter Giny au 02.332.25.28.
L’office du soir aura lieu à 19h00 précises
Je désire participer au Seder du 19 avril 2008
Adultes
Nom et prénom
Enfants Age
Langue
.........................................................................
.........................................................................
.........................................................................
.........................................................................
.........................................................................
.........................................................................
.........................................................................
J’ai fait un virement de €. . . . . . . . . . . . . . . . . au compte C.B.C n° 192-5133742-59
Tel :. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Signature :. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . LECOBEL
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le shofar
Nos bné Mitsva
Par Dan Van den Berg, Simon Umflat et Julia Plat
Dracha de Dan Van den Berg
« Paracha BéchalaH. Que veut dire béchalaH ? Cela signifie « quand il a envoyé ». Qui
a envoyé ? C’est Pharaon qui renvoie les Bné
Israël d’Egypte après la dernière des dix
plaies. (…) Quand j’ai lu la traduction de ma
paracha, je me suis posé pas mal de questions, et j’ai choisi d’en développer une.
Le verset 26 du chapitre 15 nous dit :
« Si tu écoutes la voix de l’Eternel ton dieu,
si tu t’appliques à lui plaire, si tu es docile
à ses préceptes, et fidèle à toutes ses lois,
aucune des plaies dont j’ai frappé l’Égypte
ne t’atteindra, car moi, l’Eternel, je te
préserverai ».
Cela veut-il dire que réellement, si on obéit à
Dieu, tout va bien se passer ? Le but serait de
nous faire obéir et de nous faire taire ? Les
miracles aussi pourraient trop nous impressionner et donc nous soumettre à Dieu.
Karl Marx a dit que la religion était l’opium du
peuple, destinée à endormir notre conscience
et notre esprit critique. Avait-il donc raison ?
Je ne le crois pas.
La Torah, c’est comme la vie. D’abord tu nais,
et tes parents t’imposent plein de limites.
Ensuite, tu grandis et tu reçois plus d’explications. Puis, tu grandis encore et c’est à
toi d’expliquer à tes enfants. La Torah parle
d’abord à un petit peuple à peine sorti de l’esclavage. Effectivement, les enfants d’Israël
se comportent comme des enfants râleurs,
craintifs et ignorants ; il est normal que la
Torah parle comme un parent qui rassure et
qui dirige. Par contre, dés qu’on le peut, on
doit s’adresser à l’intelligence des gens. Si
quelqu’un me disait d’obéir sans réfléchir et
que tout ira bien, cela éveillerait mes soupçons. Ce sont les dictateurs qui parlent ainsi.
Il ne faudrait pas revenir à une mentalité
d’esclave.
Cela veut dire que Dieu est soit un parent,
soit un dictateur. Mais comme le disent les
Pirké avot, il faut toujours voir le côté positif des gens ; donc, on va dire que Dieu est
plus comme un parent. Et d’ailleurs quand
on grandit, les parents se calment, ils arrêtent de faire des miracles, et ils laissent les
enfants continuer.
La Torah est une histoire racontée en même
temps pour les enfants et pour les grands,
pour un peuple à peine né autant que pour
un peuple millénaire. Il faut savoir combiner
les deux, faire une histoire que les enfants
auront envie de lire, et que les grands pourront étudier avec intelligence pour en tirer
des leçons. A première vue, elle nous dit de
faire les choses d’une façon précise. D’un
autre côté, elle nous dit que c’est à nous de
développer son message.
C’est ce que j’ai appris lors de mes études à
Beth Hillel.
C’est ce que la Hagada de PessaH, qui
raconte l’histoire de la libération, nous enseigne à faire. Elle nous encourage à poser des
questions.
C’est ce que le Talmud fait constamment, il est
basé sur des questions, des réponses divergentes, des questions sur les questions (…).
On a démontré que le judaïsme est une éducation à la conscience, à la réflexion, à l’indépendance et à l’esprit critique. Rappelons-nous
23
J UDA Ï SM E
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que Karl Marx était un juif élevé dans le protestantisme. Ses parents, avocats, n’auraient
pas pu exercer leur profession en restant
juifs. Le fait que Karl Marx critique une religion qui serait l’opium du peuple prouve qu’il
a hérité des conceptions juives !
Pour conclure, je voudrais rappeler combien
l’épisode de la traversée de la mer a été difficile pour les enfants d’Israël. Dieu n’a pas
ouvert directement la mer. Ils ont eu le temps
de bien paniquer, puis de voir qu’il ne fallait
pas désespérer.
Ils pourront s’en souvenir la prochaine fois
que c’est la galère, comme ça arrive dans la
vie.
Faire ma bar mitsva m’a demandé beaucoup
de travail, d’investissement, de réflexion et
de courage. C’est un peu comme les enfants
d’Israël. Une fois l’épreuve dépassée, on vit
un moment magique qu’on n’est pas prêt
d’oublier et dont on se souviendra à l’avenir,
dans les moments difficiles. On cultive en
soi un espoir et une force qui ne s’éteindront
jamais… »
Seder à Beth Hillel vers 1970 avenue Albert
Dracha de Simon Umflat
« Ma paracha s’appelle Ytro, qui est la paracha
des Dix commandements (…). Dans la Torah,
il n’y a pas beaucoup de parachot qui portent
le nom d’une personne, et pas une ne s’appelle
Avraham ou Moïse. Ytro (…) est un prêtre de
Midian, qui a accueilli Moïse, s’est occupé de
lui et lui a donné sa fille en mariage quand il
avait fui l’oppression égyptienne (…).
Pendant mon apprentissage, il y a une chose
qui m’a préoccupé : Dieu se révèle dans la
paracha, et il ne le fait plus maintenant.
Pourquoi ne nous parle-t-il plus ? N’a-t-il
plus rien à ajouter ? Pourquoi n’aide-t-il pas
encore Israël à s’en sortir ? N’avons-nous
plus besoin d’être guidés ? Nous pourrions
penser qu’il ne parle plus car il a déjà dit
ce qu’il voulait, ce que nous avions besoin
d’entendre. Le texte de la Torah est souvent
compliqué et difficile à comprendre. Ne
pourrait-il pas le clarifier ? Bien sûr que
non ! Car dans ce cas, il n’y aurait plus
besoin de réfléchir, tout serait écrit, il n’y
aurait plus qu’à obéir, le texte nous enseignerait à devenir des robots et pas des êtres
humains ! Or, vous avez peut-être remarqué
que le peuple juif est très loin d’être un troupeau de robots dociles !
C’est tout nous, on nous aime comme on est,
mais sans exagérer quand même ! Il vaut
donc mieux que Dieu se taise !
On comprend qu’il ne parle PAS pour ne PAS
clarifier le texte de la Torah, pour que la Torah
reste un texte vivant rempli de nouvelles choses à découvrir : c’est à nous de parler !
Nous nous sommes demandés si Dieu avait
arrêté de parler. Mais a-t-il vraiment jamais
commencé à parler ?
le shofar
Comme on considère que Dieu n’a pas de
corps, il n’a pas de bouche pour produire un
son !
D’autre part, Dieu n’a dit les Dix Commandements qu’une seule fois. Comment se
fait-il alors qu’il soit écrit deux fois dans la
Torah, de deux façons différentes ?
Pour le shabbat, dans la paracha Ytro, la
raison donnée est de se souvenir de la création du monde, et dans la paracha vaétHanan, la raison donnée est de se souvenir
que nous sommes sortis d’Égypte ! Si Dieu
les avait réellement gravés dans les Tables
de la Loi, il n’y aurait pas deux versions différentes !
Dieu n’a certainement pas parlé au sens littéral du mot.
Mais il a certainement inspiré Moïse, ou
bien même l’ensemble du peuple d’Israël. Il
n’a pas parlé réellement ni arrêté de parler,
il a inspiré un peuple et continue, on l’espère, à nous inspirer parfois aujourd’hui.
Si vous voulez mon sentiment, j’avoue que
j’aimerais bien que Dieu parle encore, que
Dieu agisse encore, pour voir directement
à quoi cela ressemblerait. J’en suis très
curieux.
On dit d’ailleurs que le mérite des convertis
est plus grand que celui de ceux qui sont
nés dans le peuple d’Israël car ils n’ont pas
été témoins de la révélation du Sinaï, et
pourtant ils ont quand même voulu adhérer
à l’Alliance de la Torah.
De nos jours, nous sommes tous un peu
comme les convertis. Certains d’entres
nous sont rentrés dans le judaïsme, d’autres
ont renoué avec lui après beaucoup de
souffrances.
Nous n’avons pas vu cette révélation tellement impressionnante et nous devons
trouver en nous l’intelligence de comprendre le sens de la vie par nous mêmes. Pour
moi, l’étude de la Torah aide à éclairer ce
sens… »
Dracha de Julia Plat
« Ma Paracha s’appelle Tétsavé, qui se traduit
par « tu ordonneras » (…).
Cette Parasha-ci parle des vêtements que
doit porter Aaron, le frère de Moïse et qui est
le prêtre du Temple (…). On y parle aussi des
sacrifices. A l’aide d’une technique visant à
ne pas faire souffrir l’animal, on égorgeait un
jeune taureau et deux béliers.
Ce chapitre parle de ces sujets avec de nombreux détails. Lorsque je les ai lues pour la
première fois, toutes ces histoires de sacrifices et de vêtements m’ont paru bizarres.
Je me suis posée de nombreuses questions, et
je vais vous parler des trois plus centrales (…).
1° les « sacrifices ».
L’idée de tuer des animaux ne me semble
pas du tout une chose « sacrée ». En quoi
les sacrifices pourraient-ils être bons ?
Que pouvaient-ils apporter aux gens de
l’époque ? Que peuvent-ils encore nous
enseigner aujourd’hui ? (…) Plutôt que
d’utiliser le mot « sacrifice » qui pose
beaucoup de problèmes, nous allons utiliser le mot hébreu : « Korban »
Quand on te dit « je me suis sacrifiée pour
toi », c’est comme si tu avais une dette visà-vis de la personne : « j’ai fait ça pour toi,
alors maintenant, tu dois faire ça pour moi,
tu dois m’aimer, tu dois me dire merci cinq
millions de fois ». Finalement, se sacrifier
pour les gens, ça les éloigne. Au contraire,
le mot « Karov » qui veut dire « proche »
en hébreu, et le mot « Korban » qui est issu
de la même racine, et qu’on traduit par
sacrifice, veut dire « ce qui rapproche ». Le
korban, c’est le contraire d’un sacrifice !
C’est parfois bien de faire un sacrifice car
c’est comme une offrande ou un cadeau,
ils servent à rapprocher Dieu de l’homme,
et l’homme de Dieu (…).
2° Il y aurait aussi beaucoup à dire à propos
des vêtements du grand prêtre. Rappelons simplement que c’est une façon de
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J UDA Ï SM E
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souligner ce qui est important, vis-à-vis
de l’extérieur, et vis-à-vis de nous-mêmes.
Même si nous avons un idéal de pureté,
nous ne le sommes pas.
Les vêtements que porte Aaron frappent
notre imaginaire, afin de renforcer le message de la Torah.
3° Pourquoi choisir Aaron et pas Moïse ? Moïse
est le chef politique ; Aaron est le chef religieux. Dans notre tradition, on ne doit pas
mélanger le politique et le religieux. Donc
Moise ne peut pas être chef religieux. Personne ne doit avoir dans sa main tous les
pouvoirs, ni toutes les influences ! Locke,
Montesquieu, grands penseurs des Lumières en France et en Europe vers la fin du
18iem siècle, ont repris cette idée. Plus
tard, il n’y aurait pas du y avoir de roi en
Israël. C’est le peuple qui a dit : « Donne
nous un roi, on veut être comme tout le
monde ! ». Quand il y a un monarque, il y a
un risque de décisions arbitraires, par une
personne qui fait ce qu’elle veut en fonction de ce qu’elle croit, ressent et souhaite.
Sans loi, sans critère extérieur à elle. Le
roi sera humble au départ, puis risquera
de perdre le contact avec les besoins réels
de son peuple. Traditionnellement, le Roi
d’Israël devait écrire de sa main un Sefer
Torah (…). Le Sefer Torah est comme la
Constitution d’Israël. On peut dire que l’organisation du peuple en Canaan était une
Monarchie constitutionnelle ! Avec un Roi,
mais pas de décisions arbitraires ! Comme
quoi, la Belgique n’a rien inventé ! Nous, on
l’avait il y a 2500 ans. Dans notre tradition, non seulement le roi doit obéir à la
loi, mais Dieu lui-même y est soumis. Pour
encore contrebalancer ce pouvoir, il y a
les Prophètes. On appelle cela un contrepouvoir. Justement, en étudiant les sacrifices, j’ai aimé ce que dit le Prophète Osée
(chapitre 14 :3) : « Nous voulons remplacer les taureaux par cette promesse de
nos lèvres ». Aux yeux des Prophètes, les
sacrifices sont moins importants qu’un
bon comportement, et c’est également
mon avis ! Même si nous ne sommes pas
des Prophètes, nous sommes tous parfois
comme des contre-pouvoirs.
La Torah nous enseigne dans la Paracha
Kédochim qu’il faut réprimander son prochain quand il commet des erreurs ou qu’il
est blessant. Nous avons parfois le devoir
d’être le contre-pouvoir de nos amis, voisins
ou, plus largement, des autres membres de la
société.
Tétsavé est issu de la même racine que Mitsvah qui signifie commandement.
Bat mitsva se traduit par : « fille du
commandement ».
Les commandements seraient-ils nos
parents ? C’est quoi le rôle des parents ? Ils
nous élèvent. Les commandements aussi doivent nous élever. Comme les korbanot : ne
pas nous sacrifier, mais nous rapprocher. Ou
comme les contre-pouvoirs : ils ne sont pas là
pour nous importuner, mais pour nous empêcher de nous croire meilleurs, ou plus intelligents. Comme les vêtements spéciaux : ce
n’est pas nous mettre dans un costume, mais
nous faire réfléchir, et créer une certaine
ambiance. Quand on s’habille bien pour une
fête, (…) on montre que cela compte pour
nous ; nous faisons honneur ainsi au moment
important que nous sommes en train de
vivre… »
Cérémonie de commémoration de
Yom HaShoah
avec l’interprétation pour la première fois en Belgique
d’oeuvres musicales écrites dans les camps
Le mercredi 30 avril 2008 à 18h30
à la Synagogue Beth Hillel
Organisée par l’Union des Déportés Juifs en Belgique – Filles et Fils de la
Déportation ; l’Enfant Caché ; l’Union des Anciens Résistants Juifs de Belgique ; la
Continuité de l’Union des Anciens Résistants Juifs de Belgique et la Communauté
Israélite Libérale de Belgique.
18 :30
•
•
•
Accueil du Président Exécutif de la C.I.L.B.
Allocution du Représentant des Associations de la Mémoire
Allumage des bougies
Discours du Rabbin Floriane Chinsky
• Lecture des noms
•El Male Rakhamim (Dieu de Miséricorde, donne le repos et la paix aux
âmes de nos frères martyrisés)
• Enosh Kekhatsir (L’homme, ses jours sont comme l’herbe…)
• Kaddish
• Hymnes nationaux
Introduction de la partie musicale : Paul Danblon
Journaliste, président du Centre Laïque de l’Audiovisuel
Hazzan : Georges Samuel Lison
Piano : David Baltuch
Ilse Weber
• Und der Regen rinnt
• Wiegala
Viktor Ullman
• Beryozkele
Carlo Sigmud Taube
• Ein Judisches Kind
Alexander von Zemlinsky
• Klagen ist der Mond gekommen
• Ich geh’ des Nachts
Gideon Klein
• Ukolebavka
Zikmund Schul
• Uv’tzeil Kenofekha
20 :15 Fin de la cérémonie
AG EN DA
AVRIL 2008 / MAi 2008 Mardi 1er avril 2008
20h00 : Rikoudei Am (danses folkloriques)
Mercredi 2 avril 2008
Pas de Talmud Tora
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Vendredi 4 avril 2008
20h00 : Office de Kabbalat Chabbat
Samedi 5 avril 2008 – 29 Adar II 5768
– Tazria – Chabbat HaHodech
10H30 : Office
Dimanche 6 avril 2008 – Roch Hodech
Nissan 5768
Lundi 7 avril 2008
20h00 à 21h30 : Cours Adultes : notre
Judaïsme, pensée et pratiques avec Rabbi
Chinsky Thème : la Brith Mila
Mardi 8 avril 2008
20h00 : Rikoudei Am (danses folkloriques)
Mercredi 9 avril 2008
14h15 à 16h15 : Talmidi
Jeudi 10 avril 2008
20h00 : Midrach dans le texte avec Rabbi
Abraham Dahan
Vendredi 11 avril 2008.
20h00 : office de Kabbalat Chabbat
Suivi d’un dîner chabbatique communautaire (inscriptions 02.332.25.28)
Samedi 12 avril 2008 – 7 Nissan 5768
– Metzora
10h30 : Office
Dimanche 13 avril 2008
18h00 : Chir Tefila
Lundi 14 avril 2008
20h00 à 21h30 : Cours Adultes : notre
Judaïsme, pensée et pratiques avec Rabbi
Chinsky. Thème : Pessach
Mardi 15 avril 2008
20h00 : Rikoudei Am (danses folkloriques)
Mercredi 16 avril 2008
14h15 à 16h15 : Talmidi
Vendredi 18 avril 2008
20h00 : office de Kabbalat Chabbat
Samedi 19 avril 2008 – 14 Nissan 5768
– Aharé Mot – Chabbat HaGadol
Erev Pessach
10h30 : Office
19h00 : Office de Erev Pessach, suivi
du Seder Communautaire (inscriptions
02 332 25 28 - voir annonce )
Dimanche 20 avril 2008 – PESSACH I.
10h30 : Office de Pessach
Lundi 21 avril 2008 – PESSACH II.
Pas de cours Adultes
le shofar
ADAR II / Nissan / Yiar 5768
Mardi 22 avril 2008
20h00 : Rikoudei Am (danses folkloriques)
Mercredi 23 avril 2008 – PESSACH IV.
Hol Hamoed
14h15 à 16h45 : Talmidi
Jeudi 24 avril 2008 – PESSACH V. Hol
Hamoed
20h00 : Midrach dans le texte avec Rabbi
Abraham Dahan
Vendredi 25 avril 2008 – PESSACH VI.
20h00 : Office de Kabbalat Chabbat
Samedi 26 avril 2008 – 21 Nissan
5768 – PESSACH VII
10h30 : Office de Pessach
Lundi 28 avril 2008
20h00 à 21h30 : Cours Adultes : notre
Judaïsme, pensée et pratiques avec Rabbi
Chinsky. Thème : Le mariage
Mardi 29 avril 2008
20h00 : Pas de Rikoudei Am (danses
folkloriques)
Mercredi 30 avril 2008
14h15 à 16h45 : Talmidi
18h15 : Office de Commémoration de
Yom HaShoa (voir annonce)
Vendredi 2 mai 2008
20h00 : Office de Kabbalat Chabbat
Samedi 3 mai 2008 – 28 Nissan 5768
– Kedochim
10h30 : Office
Bar Mitsva de Jolan Goutier
Lundi 5 mai 2008 – ROCH HODECH
YIAR 5768
20h00 : Cours Adultes : notre Judaïsme, pensée et pratiques avec Rabbi Chinsky
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C O MMU N AU T É
le shofar
Beth Hillel est notre maison
Par Rabbi Floriane Chinsky
nous réévaluons, rénovons et régénérons les
idéaux et l’énergie de notre synagogue, telle
l’assemblée générale du 28 février dernier à
laquelle se rapporte mon propos qui suit.
Dans notre tradition, les rendez-vous solennels se suivent, marquant le temps de nos
vies d’un rythme de réévaluation, de rénovation, de recommencement. De Kipour à
PessaH, notre liberté et notre responsabilité
sont nettoyés et remis à neuf, régénérés. Beth
Hillel participe à la grande vibration du peuple juif, nous sommes irrigués par l’énergie et
l’espoir renouvelés qui émanent de notre peuple, et nous contribuons également à nourrir
et faire circuler cette énergie et cet espoir.
Nous avons également un rythme propre,
nos rendez-vous solennels au cours desquels
Au cours de l’année qui s’est écoulée entre la
précédente et cette dernière assemblée, nous
avons essayé de faire progresser deux idées
centrales dans l’identité juive et dans celle
de notre synagogue. Ce sont les deux mêmes
idées que j’évoquais dans mon article de la
rentrée de septembre : être plus Beth Hillel
en 5768.
La dimension de Bait, la maison, l’accueil. La dimension de Hillel, l’étude, le
renouement identitaire.
Nos membres, chacun des membres du
Conseil d’Administration et moi également
sommes très sensibles au fait que Beth Hillel
est notre maison. Nous voulons nous y sentir accueillis et nous voulons y accueillir
ceux qui nous rejoignent.
Cela répond à un besoin renforcé encore
dans l’identité juive belge actuelle, un
besoin d’accueil inconditionnel et un besoin
de ressourcement identitaire.
Ce besoin est particulièrement pressant,
et en tant que synagogue moderne, nous
essayons de luter contre différents phénomènes qui menacent notre peuple et notre
identité.
Ce besoin, ce n’est pas que des mots ; il
correspond à une réalité sociologique très
préoccupante et à une réalité humaine que
nous comprenons tous au plus profond de
nous-mêmes.
Beaucoup de facteurs entraînent les Juifs
loin de leur identité.
1Le traumatisme de la Shoa est toujours
présent. Les problèmes posés par cet évènement tragique ne sont pas résolus. Non
seulement ils ne le sont pas, mais ils restent souvent le seul point de rattachement
identitaire, sans qu’aucune autre réalité
juive ne prenne le relais.
2L’éloignement de la génération de la Shoa
a provoqué un vide de la transmission, qui
a laissé les générations suivantes souvent
ignorantes de leur identité.
3Dans ces conditions, les mariages mixtes n’étaient qu’une suite logique de cette
perte identitaire. Ils contribuent à leur
tour à rendre difficile le renouement identitaire, exception faite de ces conjoints
incroyables qui encouragent leur partenaire juif à renouer avec son identité.
4Une autre conséquence de l’éloignement
identitaire est le rapprochement extrémiste
par retour de balancier. En renouant avec
leurs racines, certains Juifs ont une telle soif
de judaïsme qu’ils rentrent dans des mouvements extrémistes, qui se font un plaisir de
prendre en charge leur identité à leur place.
31
C O MMU N AU T É
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5Une conséquence de cette extrémisation,
à son tour, est l’éloignement encore plus
grand de Juifs qui ne voient de leur identité que l’image extrémiste présentée par
les médias. Les difficultés du conflit Israélo-Palestinien et la façon dont il est traité
par les médias renforcent cette image
négative.
6Enfin, l’aspect « religieux » de notre tradition souffre également d’être assimilé
injustement à d’autres religions perçues
parfois comme peu respectueuses de la
liberté humaine. Nous luttons au quotidien pour faire comprendre combien la
façon juive d’être « religieux » ou plutôt
pratiquant et engagé est une chance et une
merveille sur le plan humain.
7Pour finir, l’attitude très fermée d’autres
communautés juive est également la cause
de blessures parfois profondes chez ceux
qui ont fait de vaines tentatives de renouement avec leur identité.
Ces constats mènent les communautés
orthodoxes européennes à la fermeture
et au jugement, à l’extrême difficulté des
conversions, à l’humiliation de ceux qui ont
fait des mariages mixtes, au rejet de leurs
enfants.
Ces constats nous mènent, pour notre part,
au sentiment de l’urgence de réhabiliter
l’identité juive et d’accepter pour partenaire
toutes ces personnes extraordinaires, juives ou non juives sur le plan de la HalaHa,
qui veulent renforcer leur propre identité
ainsi que leur peuple. Nous ne sommes pas
là pour punir (au nom de quoi ?), mais pour
construire.
Pour ces raisons, nous essayons d’exprimer la dimension de l’accueil et la
dimension de la reconstruction identitaire dans chacune de nos activités.
•Talmidi est le centre de nos plus grands
efforts, en particulier de notre directrice
du Talmud Torah, Josiane Goldschmidt,
qui effectue un bénévolat remarquable,
engagé, patient, auprès des enseignants,
des parents et des enfants, avec le soutien
absolu du Conseil d’Administration. Ainsi,
nous avons effectués près de trois BM par
mois depuis le début de l’année, mis en
place l’accueil des parents, poursuivi notre
action d’implication des parents dans la
communauté à travers dîners chabbatiques et actions conjointes « communauté-Talmidi ». Cela demande de l’énergie et
de l’imagination. Cela seul nous permettra de donner aux parents le sentiment
de faire partie d’une communauté et non
d’emmener leurs enfants dans une énième
activité. Un programme de formation des
enseignants une fois par mois a également
été mis en place. C’est une façon de poursuivre le travail d’étude, qui ne se termine
pas avec l’enseignement dans notre tradition, bien au contraire. Il faut également
remercier parents et enfants qui font l’effort d’apprendre à nous connaître et à
apprécier la profondeur de notre judaïsme
exigeant mais vrai.
•Le cours de Judaïsme Pensée et Pratique
se poursuit ; il inclut des candidats à la
conversion comme des personnes qui
souhaitent renouer avec leur racines ou
mieux connaître le judaïsme.
•L a newsletter fonctionne à nouveau et
permettra de reprendre la diffusion des
annonces communautaires et du mot
du rabbin, de mobiliser la communauté
autour de l’étude et de l’action, elle est
essentielle à notre progression ainsi que le
site Web, dont Gilbert Lederman s’occupe
activement. Catherine Venencie en assure
la mise à jour régulière, travail fondamental et régulier dont nous la remercions.
•D es dîners chabbatiques ont été prévus
à l’avance, ce qui permettra de les poursuivre malgré le grand nombre de BM.
Leur reprise a été un succès, il est bon
de voir que la communauté aime toujours autant se retrouver, que les talents
culinaires ne se sont pas perdus, et que
les nouveaux venus sont toujours aussi
bien accueillis.
le shofar
•Les services communautaires suivent
leur cours, Hevra Kadicha (Jules Dubois),
Gan hachalom (Willy Pomeranc et Jules
Dubois), visite des malades (Monique Ebstein et Jean-Marc Loppes), travail avec les
post BM (moi-même), travail interreligieux
(Elie Vulfs, Gaëlle Schiffer et moi-même),
activités culturelles… Il faudrait les renforcer dés que cela sera possible, ainsi que
l’action de Tsédaka. Les responsabilités
de la Hevra Kadicha sont importantes,
lourdes, mais réellement riches de sens.
Il est possible de se joindre au groupe en
contactant les rabbins ou Jules Dubois qui
examineront les candidatures.
•Nos remerciements à Monique Ebstein
pour son volontariat indéfectible et son
idée d’ouvrir la bibliothèque régulièrement le vendredi soir. Merci à Monsieur
et Madame Ledermann pour leur travail
d’organisation de la bibliothèque et de
classement des livres, ainsi qu’à tous ceux
qui ont permis par leurs dons l’enrichissement de la bibliothèque.
•Le Conseil d’Administration s’investit
particulièrement dans les grandes manifestations comme Yom Hashoa ou Yom
Haatsmaout et le soutient à Israël, ainsi
que le voyage, en plus d’assurer la gestion courante des affaires de la synagogue. Sur les administrateurs repose une
lourde responsabilité que chacun exerce
avec conscience et dévouement. Tout en
assumant ces charges, ils affirment leur
volonté de renouvellement et d’ouverture,
qu’il faut encourager.
J’utiliserais trop de lignes pour rendre
compte ici du détail de ces activités, mais je
tiens à présenter notre travail et nos objectifs pour ce qui concerne les offices.
Nos offices sont le premier lieu de lutte
contre un judaïsme perçu comme fermé,
exclusif, religieux dans la perception
« opium du peuple » de ce mot. Ils constituent l’une des vitrines de notre synagogue.
Nos offices sont de deux types, l’un que
j’appellerai « communautaire » et l’autre
« public ».
Les offices communautaires sont ceux qui
réunissent nos fidèles, ceux de nos membres qui viennent tous les shabatot, une fois
par mois ou quelques fois par an. Lors de
ces offices, nous expérimentons les dimensions d’accueil, d’étude et de lien communautaire en ayant un office plus participatif,
en essayant de donner à chacun une place,
lors de lectures en hébreu, de lectures en
français, de montée à la Tora… La dimension de l’étude se retrouve également dans
la dracha ou dans quelques réflexions sur le
sens de nos prières. Le lien communautaire
est renforcé par la possibilité de se joindre
au chant à travers les feuilles en translittération et les feuilles d’apprentissage de
l’hébreu, ainsi que le CD pédagogique du
shabbat matin, qui facilitent l’apprentissage
de l’hébreu.
Nous avons expérimenté récemment, pour
la première fois, ce que l’on peut appeler un
shabbat communautaire « des membres »,
au cours duquel la plus grande partie de l’office a été assurée par la communauté. L’expérience de monter sur la Bima et de prendre
en charge la prière est une expérience très
enrichissante et puissante pour l’identité
personnelle et pour le sentiment de faire
partie de l’Alliance, le sentiment d’être « à
la maison » à Beth Hillel. Il m’a semblé que
les participants se sont sentis rapprochés de
la communauté, acceptés, intégrés, renforcés dans leur identité personnelle comme
communautaire.
L’idée n’est pas de le faire tous les shabatot, mais une fois de temps en temps. Notre
espoir est que chacun se rapproche de la
façon dont il le souhaite et qu’à terme, la
communauté puisse se délecter de cette
participation et entraîner peut-être également des vocations rabbiniques. Ceci est un
exemple de la façon dont les offices prennent
une dimension de construction identitaire
et communautaire. Vous êtes chaleureusement invités à participer à cette expérience
la prochaine fois.
Les offices « publics », pour leur part, sont
ceux qui réunissent beaucoup de personnes
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C O MMU N AU T É
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peu habituées à la communauté, à notre tradition de participation de tous à l’office, à la
présence active des femmes, à la lecture de
certains textes en français, à l’ambiance à la
fois détendue et respectueuse, participative
et coordonnée. Il nous arrive d’accueillir à
Beth Hillel une assemblée parfois dix fois
plus nombreuse que le nombre de fidèles.
C’est un défi difficile, mais que nous relevons, parfois, au prix de beaucoup d’énergie. Cette dépense d’énergie est justifiée
par l’importance de cette mission qui nous
permet de présenter Beth Hillel comme
une synagogue extrêmement sérieuse sur
le plan de nos convictions. En promouvant
notre image, nous faisons aussi la promotion d’une identité juive intelligente dont
beaucoup de Juifs ont soif et qui pour nous
est seule porteuse d’avenir.
Comment intégrer une assemblée dix fois
plus importante que la nôtre ?
Ce sont ces petits détails qui définissent le
cadre dans lequel nous souhaitons que les
participants occasionnels s’intègrent.
Tout d’abord, nous avons souvent des compliments sur le cadre de la synagogue, la
beauté du bâtiment. Ceci est une magnifique
validation du travail accompli par les derniers Conseils d’Administration et la communauté dans son ensemble ces dernières
années. Il est important que chacun en soit
conscient.
Nous devons nos remerciements à Gilda,
Hélène et Daliah aux fidèles qui organisent
une tournante pour distribuer les livres de
prière à l’entrée. Philippe Notre président,
Philippe Lewkowicz et Manu Wolf encadrent, canalisent les enfants, enrichissent le
chant par leurs voix de basses reconnaissables entre toutes. L’arrangement des chaises
donne à chacun une vision de ce qui se passe
sur la Bima, les feuilles en translittérations
permettent aux invités de chanter avec le/la
Bar/ bat mitsva ; notre réflexion se poursuivra et chacun est invité à y contribuer.
Le travail d’implication des familles est également très important dans cette réussite,
grâce au travail de Josiane Goldschmidt qui
les reçoit avec moi, les encourage à participer, organise des dîners shabbatiques pour
le Talmud Torah, aide les parents à mettre au point des livrets personnalisés qui,
distribués aux invités, leur permettent de
comprendre qui nous sommes et ce qu’est le
comportement adéquat dans nos murs.
Enfin, le groupe de chir tefila se développe
de façon positive. Ce groupe de chant et de
développement vocal autour de nos prières
permet de renforcer encore la participation
des fidèles au cours de ces offices. C’est
aussi une façon de permettre à nos membres réguliers de garder le sentiment de leur
existence et de leur contribution et d’éviter
qu’ils ne se sentent « noyés » par la vague
des invités.
L’ensemble de ces efforts nous permet de
nous éloigner d’un modèle de judaïsme
déconnecté, isolé en haut de la Bima et de
nous présenter comme une communauté
engagée, attractive, qui a le courage de se
démarquer pour le plus grand bonheur de
ses membres.
Globalement, ces offices sont un franc succès. Les invités en sortent souvent remués,
rassurés dans leur identité, ou, au contraire,
pleins de questions vis-à-vis de leur ancienne
critique du monde libéral. Ce succès n’est
pourtant jamais acquis et reste un défi difficile, il reflète de défi général qui est le nôtre :
donner à chacun l’accès à une identité juive
fière, libre et active.
Je crois qu’humblement, nous essayons de
contrer toutes les difficultés que rencontre
notre peuple, en vivant un judaïsme qui rend
fier de son identité, en accueillant ceux qui
se sont éloignés et veulent revenir, en encourageant chacun à développer un judaïsme
d’ouverture, engagé, sans se renfermer, un
judaïsme où le rituel est au service de l’humain, qui permet d’en savoir plus sur soi
même et sur le monde, une maison d’accueil,
et une maison d’étude, Beth Hillel.
Merci à chacun pour son aide ; je sais que
chacun participe avec tout son cœur, toute
son âme et tout son pouvoir, et c’est ainsi
que cela doit être, Merci.
Pour l’organisation de vos Simhot
Un nom : Solange !
Un numéro : 0497.57.47.27 !
C O MMU N AU T É
Place Guthmann,
Berlin, 65 ans après
36
C’était il y a 65 ans.
Le 27 février 1943.
Léopold
Guthmann
était arrêté sur son lieu
de travail et déporté à
Auschwitz.
Ses parents, Otto et
Charlotte
Guthmann,
ses deux frères Hans (16
ans) et Berthold (19 ans)
ainsi que ses deux petites
sœurs Eva (15 ans) et Maria (6 ans) seront
tous assassinés par les nazis. Les uns à
Auschwitz, les autres à Buchenwald.
Ils étaient Allemands. Des Juifs allemands.
Des Berlinois.
Charlotte, la mère de Leopold Guthmann,
était issue d’une famille de rabbins, dont
le fameux Rabbin berlinois Rozencweig.
Quant à son père, Otto, né à Berlin d’un
père négociant en papier, c’était un Allemand convaincu. Comme tant d’autres
Juifs d’Allemagne. La Croix de Fer pour
services rendus à la Patrie dont il avait
été décoré parce qu’il avait servi l’Allemagne tout naturellement durant la Première
Guerre Mondiale 1914-18 (ce qui lui avait
valu, du reste, de se retrouver stationné à
Gand !) ne l’empêcha guère, en application
de la loi du 19 septembre 1941 qui imposait le port de l’étoile jaune, de se retrouver affublé de celle-ci cousue fermement
sur la gauche de son vêtement, parfaitement symétriquement à cette Croix de Fer
dont il continua
à en orner le pan
droit…
Peu après la prise
de pouvoir par le
régime
nationalsocialiste,
Otto
Guthmann
avait
perdu son travail
et déménagé dans
le quartier de Mahlsdorf où il y dirigeait une petite exploitation agricole, avant de poursuivre avec un
emploi au sein du service de construction
des voies de la Deutsche Reichsbahn, la
compagnie nationale des chemins de fer
allemands. A l’époque où les synagogues
brûlèrent dans toute l’Allemagne, un certain Monsieur Schulz vint en aide aux
Guthmann et préserva leur propriété d’intrusions malveillantes. Après le pogrom de
novembre, les enfants ne furent plus autorisés à fréquenter l’école primaire de Mahlsdorf. Puis, en 1939, les Guthmann se virent
contraints d’ajouter à leur nom le prénom
discriminatoire de « Sarah » ou « Israël ».
L’étau se referma, au point qu’ils décidèrent
d’émigrer et versèrent même, dans ce but,
de l’argent au consulat de Bolivie. En vain :
leur demande resta sans suite.
En 1942, Berthold fut arrêté pour activités
dans la résistance juive et déporté à Riga.
Il mourut quelques jours avant la libération du camp de Buchenwald.
le shofar
Otto, Hans et Leopold furent appréhen- dont l’auteure nous est familière puisqu’il
dés, quant à eux, sur leur lieu de travail, s’agit de notre amie Charlotte GutmanJWH.
le 27 février 1943 et déportés à Auschwitz. Fischgrund.
Comme Charlotte, Eva et Maria.
… « En tant que fille aînée, je prends la
Seul, Leopold survécut à l’enfer.
« Libéré » en avril 1945 du camp de parole au nom de mes sœurs Simonne et
Buchenwald, après avoir participé à la Marianne. (…) Nous avons grandi en BelMarche de la Mort depuis Auschwitz, là où gique dans une famille restreinte avec une
lui avait été tatoué sur le bras le numéro tante adoptive et nos parents ici présents.
Notre tante adoptive, Paula Weiss, dont le
de matricule 105.946.
La même année, il émigra en Belgique où fils Heinz, ami de notre père a aussi été
assassiné dans un camp de
il fut inscrit sous le nom de
concentration, a pris le rôle
Léon Gutman, nom qu’il a
de grand-mère. Ils nous
pu récupérer après avoir été
ont surtout transmis les
enregistré comme Goodvaleurs du travail, de l’inman par les Américains à
dépendance et du respect de
la libération du camp de
l’autre. Ils ont réussi à nous
Buchenwald.
transmettre l’envie de profiLe 27 février dernier, Leoter de la vie.
pold Guthmann, alias Léon
En ce jour de commémoGutman, et les siens, qui
ration à la mémoire de la
habitent à Bruxelles, étaient
famille de notre père, nous
invités par la Ville de Berdevons insister sur l’imlin à inaugurer une place
portance de cette date.
à la mémoire de sa famille
Notre père n’a pas beaucoup
déportée.
parlé de cette période noire
Cette place est située au
de sa vie, il aura fallu attencroisement de la rue Am Leopold Guthmann alias
dre 50 ans pour obtenir
Rosenhag et de la Kieler Léon Gutman
Straße, à 100 mètres de son ancien domi- certaines réponses à des questions qu’on
cile, au numéro 156 de la Lemkestraße, n’osait pas lui poser de peur de remuer
qui devint un cimetière sous le régime le passé. Les informations nous ont été
apportées par hasard : à la naissance de
communiste.
Parmi les nombreuses personnalités pré- Julien, le seul petit-enfant de mes parents,
sentes figuraient Dagmar Pohle, la bourg- né le 27 février 1996, nous avons appris
mestre de Marzahn-Hellersdorf, une des ce qu’était la Fabriek-Aktion. Il y a donc
douze communes de Berlin, qui insista sur 65 ans exactement, en ce 27 février 1943,
le devoir de mémoire et de responsabilité la Fabriek-Aktion allait déporter tous les
à reconnaître les fautes du passé, ainsi « Juifs berlinois » directement de leur
que la présidente de la communauté juive lieu de travail obligatoire.
Nous avons aussi appris que notre père
de Berlin, Lala Susskind.
avait fait sa Bar Mitzva (…) en cachette,
Nous reproduisons ci-dessous des extraits dans l’hôpital juif de Berlin, en 1938,
d’un des discours qui furent prononcés à quand toutes les synagogues de la ville
l’occasion de cet évènement de Mémoire et étaient fermées.
37
C O MMU N AU T É
38
Mes sœurs et moi-même, avons gardé de
notre enfance un vide rempli de fantômes non seulement du côté de notre père
mais aussi du côté de notre mère, dont
la majorité de la famille fut assassinée à
Babiyar, à Kiev en Ukraine.
Vous connaissez sûrement le « second
generation syndrome » qui nous habite
même si on en n’est pas conscient. Notre
père est le seul survivant de sa famille
de Berlin. Son cauchemar est le nôtre,
même si les messages étaient surtout
transmis par des non-dits.
Notre père est aussi le survivant de nombreuses maladies : il a, entre autres, surmonté quatre cancers, quatre pontages,
une méningite, l’ablation d’un rein il y a
32 ans ; dernièrement, il a eu deux crises cardiaques (...). Nombreux sont les
médecins qui l’ont surnommé le miraculé à l’hôpital universitaire où il est
soigné à Bruxelles, tant pour son passé
dans la Shoa que pour sa résistance aux
maladies.
Il semble que son destin était aussi de
vivre ce jour de commémoration à sa
famille, 65 ans après, et nous sommes
tous émus par cette opportunité de célébrer des êtres proches que nous n’avons
pas connus.
Notre père, notre héros !
Il parle de plus en plus de cette époque, comme s’il voulait nous laisser un
témoignage, lequel existe également en
six heures de vidéo prise par l’équipe de
Spielberg il y a une dizaine d’années,
dans le projet de prendre un maximum
d’interviews des survivants de la Shoa.
Il aura beaucoup souffert, il sera passé
à deux doigts de la mort plusieurs fois,
changeant de file, ou répondant à un SS
qu’il avait été accusé à tort de l’incident
dans la mine de charbon. Il aura survécu
principalement car il devait survivre
mais surtout car il était un bon travailleur et qu’il parlait « Hoch Deutsch »
oder « Berliner Deutsch », ce qui a décontenancé des SS alors qu’ils lui avaient
déjà mis le revolver sur la tempe.
Nous sommes tous venus à Berlin,
laquelle est de plus en plus reconnue
comme une ville de la mémoire juive. Il
est important pour nous de vivre ces instants et de commémorer cette place qui
nous permettra de donner une base plus
stable à notre avenir. Cette place symbolise la reconnaissance de la vérité face
au négationnisme trop actif. Notre père
fut le triste témoin de ce qui relevait de
l’enfer et non de l’imaginaire.
La place « Guthmann », et c’étaient en
effet de « bonnes personnes », symbolise
une magnifique évolution vers plus de
conscience des valeurs humaines essentielles que sont la reconnaissance et le
respect de la diversité des cultures, la
tolérance et le refus de tous les enseignements de haine (…)
Que Dieu nous protège tous, que de tels
fléaux inhumains ne trouvent de relais
pour exister à nouveau »
C O MMU N AU T É
La pensée de Leo Baeck
(1873-1956)
Par Monique Ebstein
Dans le numéro précédent du Shofar 1 , nous avons esquissé une biographie de Leo
Baeck, le plus prestigieux parmi les premiers rabbins du Judaïsme libéral. Nous
voudrions à présent souligner les thèmes essentiels de son enseignement2 .
40
Certains s’étonneront que notre exposé sur
la pensée de Leo Baeck commence par une
controverse concernant le christianisme.
L’intérêt manifesté durant toute sa vie par
Leo Baeck pour cette religion semble avoir
été suscité par la publication en 1900 de
seize cours intitulés « l’Essence du Christianisme » que le professeur protestant
Adolf von Harnack (1851-1930) avait donnés à l’Université de Berlin en 1899/1900. A
l’origine l’auteur n’envisageait pas du tout la
publication d’un livre, mais ses cours avaient
connu un tel retentissement qu’il y eut quatre
éditions successives de l’ouvrage, et qu’il est
encore disponible aujourd’hui.
Qu’est-ce que le christianisme ? Harnack
essaie de répondre à cette question en
appliquant des méthodes scientifiques à la
recherche historique. Selon lui, l’essence du
christianisme est d’avoir mis l’homme en
tant qu’individu en rapport direct et filial
avec Dieu. Harnack reconnaît que l’enseignement des Prophètes de l’Ancien Testament a
révolutionné le monothéisme en en faisant un
monothéisme éthique. Cependant il dénonce
le fait qu’au temps de Jésus, l’éthique riche et
profonde du judaïsme était tellement occultée par les rites qu’elle s’était transformée en
son contraire.
Harnack, grâce à sa position de premier plan
au sein de la théologie protestante et à son
abondante production scientifique, était
considéré par les Juifs comme le représentant par excellence de la culture universitaire
allemande. C’est pourquoi la polémique antijuive contenue dans l’Essence du Christianisme était d’autant plus grave à leurs yeux
que les cours de Harnack s’adressaient à des
auditeurs de toutes les Facultés, et qu’ils
avaient été donnés à Berlin, la ville où l’antisémitisme universitaire avait ses racines.
En effet, Berlin où résidait la plus nombreuse
communauté juive, était après Francfort le
centre le plus important du judaïsme libéral et
de « la Science du Judaïsme » (Wissenschaft
des Judentums). Or, l’influence des cours de
Harnack fut telle qu’elle entraîna de nombreux Juifs à se convertir au christianisme.
1 Monique Ebstein, « Leo Baeck : d’une lignée de rabbins », Shofar n° 291, février 2008, p. 36 à 44
2C
et article se base sur la biographie écrite par le Rabbin Walter Homolka, « Leo Baeck, Perspektiven für heute », éd.
Herder, Freiburg in Breisgau, 2006. Le rabbin Walter Homolka est recteur du Collège Abraham Geiger à l’Université de
Potsdam et président de la « Leo Baeck Foundation »
le shofar
L’opposition des universitaires et des érudits juifs aux thèses de Harnack se fit sur
la scène publique. Les discussions ne se
limitèrent pas à la presse spécialisée, mais
furent publiées dans des journaux à large
audience comme l’« Allgemeine Zeitung des
Judentums », principal organe du judaïsme
libéral. La critique juive s’en prit surtout à la
thèse selon laquelle Israël connut un déclin
religieux et national à partir de l’exil, et se
transforma alors en « peuple juif » ce qui permit au christianisme de contester des racines qui seraient issues de « ce judaïsme-là ».
La théologie juive y vit une double négation :
celle du judaïsme historique ainsi que celle
du judaïsme moderne qui pourrait être considéré comme n’étant qu’une partie de l’histoire
juive dans son intégralité.
Du point de vue juif, cette thèse était erronée pour deux raisons. En effet, dès 1902 la
Société pour la promotion de la Science du
Judaïsme avait été fondée à Berlin. Or Harnack ne prenait pas du tout en considération
les résultats des recherches de la Science du
Judaïsme, qui avaient porté essentiellement
d’une part sur la vie de Jésus, et d’autre part
sur les rapports entre Jésus et le christianisme des origines. Ensuite, Harnack faisait
preuve d’une grande méconnaissance de la
littérature rabbinique. On le critiqua notamment pour avoir donné une égale importance
à la Halakha et la Haggada, c’est à dire à la
dimension rituelle et à l’éthique.
La pression de l’émancipation ressentie
depuis les Lumières au 18ème siècle, avait
poussé la première génération de « Juifs
libéraux » à relativiser certains principes
de la tradition qui semblaient poser trop de
problèmes à leurs compatriotes chrétiens,
comme par exemple l’autorité normative
de la Halakha, le Talmud, les « lois cérémonielles » et certains aspects du judaïsme qui
3 J ournal mensuel d’Histoire et de Science du Judaïsme
pouvaient être soupçonnés de particularisme
national. C’est dans ce sens que l’Election
d’Israël fut dorénavant considérée comme
une mission morale impartie au peuple juif,
et que l’on attribua aux pharisiens la fonction
historique d’avoir représenté les éléments
universels de la religion juive.
Dans cette controverse sur « l’Essence »,
les Juifs voulaient que l’on reconnaisse
le judaïsme comme une religion vivante,
aussi bien au temps de Jésus qu’en ce début
du 20ème siècle, ce qui devait permettre une
cohabitation harmonieuse entre Juifs et
Chrétiens. Cependant, ils se contentèrent
trop souvent de s’opposer aux thèses de Harnack et de les réfuter.
Ce fut Leo Baeck qui le premier fit paraître
une vision globale et cohérente de l’« Essence
du Judaïsme ». En 1901, alors qu’il était un
jeune rabbin inconnu de vingt-huit ans, il
publia sa première réaction à « L’Essence du
Christianisme » de Harnack, sous forme
d’un article dans le Monatsschrift für Geschichte und Wissenschaft des Judentums 3.
Ainsi débuta une très longue confrontation
de Leo Baeck avec le christianisme, telle
qu’il y en eut peu après lui. Une polémique
solide au sujet du christianisme comme Harnack l’avait exposé dans ses cours, lui permit de développer les lignes fondamentales
de l’« Essence du Judaïsme ».
Quels sont les points essentiels que Leo
Baeck critique chez Harnack ? Premièrement
il lui reproche son mépris pour la science et
la littérature juives qui le conduit à une mauvaise perception du judaïsme au temps de
Jésus. Deuxièmement, il souligne l’intention
apologétique du livre de Harnack auquel il
reproche de ne pas faire de distinction entre
son propre « jugement de valeur » et la signification objective « des faits historiques ».
41
C O MMU N AU T É
42
Harnack projetterait ainsi sa
conception personnelle du
christianisme sur les origines historiques de la religion.
Curieusement Baeck défend
le christianisme contre l’interprétation de Harnack qui, en le
modernisant, falsifie son message et affaiblit le caractère
radical de son impératif éthique. Pour Baeck, Jesus était
une figure authentiquement
juive, et il considère le fait que
Harnack nie la condition juive
de Jésus comme un exemple
typique de la vision déformée
que l’Université allemande
porte sur le judaïsme. Cette controverse qui
l’opposa à Harnack, détermina dans la pensée de Baeck tout au long de sa vie, le rapport
entre le judaïsme et le christianisme, ou plutôt le rapport entre le judaïsme libéral et le
protestantisme libéral (ou culturel).
Quatre ans plus tard, en 1905, la réponse
détaillée et systématique de Baeck aux thèses de Harnack parut sous le titre « L’Essence
du Judaïsme », ouvrage qui fut republié
en 19224. Pour lui, l’essence est la norme
à laquelle se mesurent tous les courants
historiques, apparus au sein du judaïsme.
Baeck enracine cette essence dans le monothéisme éthique des prophètes, qui donne
une place singulière à Israël dans l’histoire
des religions, et qui confirme la pérennité du
judaïsme.
« Le judaïsme n’est pas seulement éthique,
mais son essence est l’éthique elle-même »5.
Un des fondements du judaïsme libéral est
de faire remonter l’essence du judaïsme à
l’apparition des prophètes sur la scène de
l’histoire, alors que le courant
orthodoxe considère que cette
essence est née au moment de
la Révélation au Sinaï. Cette
différence reflète déjà clairement l’influence de la critique
historique sur l’interprétation
de la Bible. En effet, le judaïsme
est en évolution constante, son
histoire est composée par l’ensemble de ses courants, mais
il n’est pas encore parvenu à
son accomplissement. Ce ne
sera que lorsqu’il l’aura atteint
que nous pourrons l’appréhender totalement. Pour l’instant,
l’incomplétude est une caractéristique inévitable d’un développement historique encore en cours.
Le fil conducteur de ce développement est
la Bible hébraïque issue du monothéisme
éthique, garante de la tradition et de la transmission de la Parole de Dieu. Les prophètes,
dans leur enseignement, ont lié les concepts
de « vie » et de « religion » de façon tellement intime que l’on ne peut, avec Harnack,
parler d’une religion qui accompagne la vie
de l’homme, mais plutôt d’une religion qui
« est » la vie même de l’homme.
La dimension éthique, fondement du judaïsme,
assure à la fois son unité et son universalité.
Puisqu’il n’y a pas d’autorité pouvant proclamer des dogmes, le judaïsme n’en a pas.
Au cours de son analyse, Baeck est amené à
reprendre certains des concepts et des citations que Harnack attribue à Jésus, comme
découlant naturellement du monothéisme
éthique dont Jésus lui-même se revendique :
la valeur unique et incomparable de chaque
être humain créé à l’image de Dieu, l’amour
4 « L’Essence du Judaïsme » de Léo Baeck est disponible à la bibliothèque
5 Leo Baeck, Oeuvres complètes, vol V (Pourquoi les Juifs sont-ils au monde ?)
le shofar
du prochain, et aussi le concept d’une histoire universelle éthique en harmonie avec le
concept de « Royaume de Dieu ».
Dans son « Essence du Judaïsme », Baeck
vise avant tout à justifier la persistance du
judaïsme contemporain qu’il affirme être
le continuateur en droite ligne du judaïsme
biblique. Il ne se sent pour autant nullement
obligé d’étayer sa thèse par des arguments
historiques ou exégétiques comme d’autres
penseurs juifs l’avaient fait avant lui.6
Harnack avait enseigné que la prédication de
Jésus était la racine pure, à présent quelque
peu occultée du protestantisme auquel il fallait revenir. Baeck lui oppose la continuité de
la tradition juive formée et structurée par le
monothéisme éthique. Selon lui, chaque Juif
qui se réfère à la tradition la fait sienne, tout
en gardant à son égard une liberté critique
et une indépendance d’esprit qui lui confère
une responsabilité dans la pratique personnelle de sa vie religieuse.
Le débat entre penseurs juifs et protestants
sur l’essence des deux religions avait comme
but de bien définir leur identité. Il permit
aux Juifs d’approfondir leur réflexion sur le
phénomène unique que représente l’histoire
du judaïsme, et sur la tradition engendrée
par cette histoire. Ils purent ainsi mieux
comprendre comment du point de vue théologique certains points communs aux deux
religions pouvaient être controversés et
interprétés de façon hostile au judaïsme par
les penseurs chrétiens. (à suivre)
Dans un prochain article, nous essaierons
d’entrer dans le texte même de L’Essence du
Judaïsme »
Envie de nous écrire ?
de participer à la rédaction du Shofar ?
N’hésitez pas et contactez nous !
6 Felix Perles, « Was lehrt uns Harnack ?», 1902; Martin Schreiner, « Die jüngsten Urteile über das Judentum », 1902;
J oseph Eschelbacher « Das Judentum und das Wesen des Christenums », 1904 et « Das Judentum im Urteile der
modernen protestantische Theologie », 1907.
43
C O MMU N AU T É
Une double rencontre en
Belgique
Par Jacqueline Wiener
Ces dernières semaines sont marquées d’une double et peu habituelle rencontre
du public belge non-initié avec le monde juif : la première consiste en un rendezvous avec la Shoa à travers la sortie sur les écrans de cinéma du film documentaire « Modus Operandi » réalisé par Hugues Lanneau ; la seconde, en une entrevue
avec le judaïsme, grâce à une réflexion partagée du Rabbin David Meyer, dans « Les
versets douloureux », avec le jésuite Yves SIMOENS1 , enseignant, et l’imam Soheib
BENCHEIKH2 , ancien Grand Mufti de Marseille et fondateur de l’Institut supérieur
des Sciences islamiques.
44
« Modus Operandi », c’est la Mémoire cinématographiée chronologiquement, la description rouage après rouage, phase après phase,
le modus operandi, des 24.916 Juifs, hommes, femmes et enfants déportés, de 1942
à 1944, depuis Malines à Auschwitz et dont
seuls, 1.206 d’entre eux réchappèrent ; c’est
l’histoire de notre pays sous l’Occupation, au
sein duquel nazis et collaborateurs mirent en
place la Solution Finale, avec l’appui tantôt
volontaire, tantôt inconscient d’une partie
des autorités belges et l’aberrante aide de
l’Association des Juifs de Belgique créée à
cet effet par les Allemands.
Nonobstant le fait que les images d’archive
soient extrêmement rares, le film parvient à
reconstruire une narration rigoureuse des
évènements grâce aux photos, telles celles
de la caserne Dossin, à Malines, ou à cette
bobine où l’on distingue, à la sauvette, le sigle
de la SNCB sur un wagon à marchandises en
partance pour Auschwitz. Et puis surtout, il
y a les témoignages. De survivants, d’enfants
cachés, de ces Justes…
Pédagogiquement, « Modus Operandi » met
magistralement en relief combien le manque
de clairvoyance facilite l’évènement, combien croire être à l’abri tant que c’est l’autre
qui est attaqué produit l’effet inverse à celui
escompté. Au début, les Allemands sont
polis, et à Dieu va, si les premières ordonnances antijuives débarquent le 28 octobre 1940 :
on est Belge, et donc pas menacé, puisque
ce sont les Juifs qui sont visés ; si on obéit
aux nazis, peut être bien que cela limitera la
casse… « le moindre mal »…
1 Yves SIMOENS enseigne l’Écriture Sainte au Centre Sèvres (Paris) ; il enseigne aussi, en particulier, l’Evangile de Jean à
l’Institut Biblique Pontifical (Rome).
2 Soheib BENCHEIKH a étudié la théologie islamique à l’Université al-Azhar du Caire et est Docteur en Sciences religieuses
de l’EPHE (Sorbonne). En 1995, il est nommé Grand Mufti pour la ville de Marseille où il fonde, en 2005, l’Institut Supérieur
des Sciences Islamiques. Il est l’auteur de « Marianne et le Prophète ». le shofar
A notre sens, il manque une
dimension mémorielle à
ce documentaire, un grave
oubli que l’on retrouve si
souvent et avec une telle
constance qu’elle donne
régulièrement à penser que
les Juifs se laissèrent partout anéantir, résignés, sans
broncher : c’est la réalité
de ces nombreux Belges
visés par les ordonnances
allemandes anti-juives, avocats, médecins, ingénieurs,
poètes ou manuels, libéraux
ou communistes, qui se portèrent volontaires soit dans
les forces militaires alliées ,
soit dans la Résistance, avec
un courage et une détermination exemplaires ; ces Belges juifs que la
Belgique, par la suite, honora, il est vrai, le
plus souvent sans dire grands mots sur leur
appartenance au peuple d’Israël, comme
pour mieux marquer le refus de la différence,
au sens où l’entendait cette Bête Immonde
qu’ils avaient combattu…
« Les Versets douloureux », c’est le livre3,
dans la finalité, de la magnifique rencontre
entre trois pensées, la musulmane, la catholique, la juive, qui se désirent un mutuel et
3 Ed. Lessius
salutaire apaisement ; c’est
le livre, dans l’outil, de l’opiniâtre volonté de trois intelligences d’aller au-delà de leur
propre identité culturelle
pour analyser ceux de leurs
textes respectifs aux éventuels douloureux contenus
séparateurs.
Suggestions s’entrechoquent
entre, pour l’imam, libération du discours coranique
de son moment historique,
pour le prêtre, relecture de
pans entiers de théologie
chrétienne antijudaïques –
telle l’Evangile de Jean- et
pour le rabbin, passage d’une
lecture littérale à un décryptage éthique conforme à l’enseignement rabbinique de ceux des textes
auxquels la tradition a conservé un sens inadapté à nos jours.
Magistrale leçon de respect de l’autre, dont
le mérite de l’initiative revient au Rabbin
David Meyer, et dont nous vous livrons, en
guise d’invitation à découvrir sans tarder
le contenu, une phrase de sa plume : «…la
force d’une tradition religieuse réside sans
doute dans sa capacité à trouver le courage
de se regarder en face, sans aucune forme
de complaisance…»
45
C O MMU N AU T É
Lu pour vous
par Monique Ebstein
Une histoire d’amour et de ténèbres,
Amos Oz1, éd. Gallimard
46
Un très beau livre dont la traduction française est parue en 2004, « Une histoire
d’amour et de ténèbres » est un roman
autobiographique de plus de 500 pages
que le lecteur quitte à regrets lorsqu’il est
arrivé au point final.
L’histoire commence avant la naissance
de l’auteur, dans ces pays d’Europe centrale où vivaient, et prospéraient parfois,
d’importantes communautés juives, ces
pays slaves aux frontières mal définies qui
se situent aux confins de l’immense Russie. Elle se poursuit en Israël où ses deux
familles, celle de son père et celle de sa
mère, émigrèrent en 1933, et où naquit le
petit Amos Klausner. Il nous présente des
personnages riches en couleur : sa grand-
mère Schlomit,« morte de propreté », ou
plutôt victime d’une peur des microbes
qui la poussait irrésistiblement à prendre
des bains trop chauds qu’un jour son coeur
ne put supporter. Son grand-père Alexandre qui dût pourchasser les microbes
jusqu’à la mort de sa femme, et se révéla
au cours de son veuvage le plus séduisant
des amants. Son oncle, le professeur Yosef
Klausner de l’université hébraïque de Jérusalem, l’auteur du célèbre ouvrage « Jésus
de Nazareth ». Le grand-père de sa mère,
Ephraïm Mussman, « à mi-chemin entre
la personnification de Tolstoï âgé et l’incarnation de Saint-Nicolas,... il faisait
l’aumône et compatissait du matin au
soir, en-dehors de quoi il ne faisait pratiquement rien d’autre de ses journées ».
Son père, véritable érudit, lisant seize ou
dix-sept langues, qui se croyait destiné à
devenir « un vaillant pionnier du renouveau intellectuel hébraïque, mais qui toute
sa vie dut se contenter d’un modeste poste
de bibliothécaire, car son oncle, le fameux
professeur, avait la hantise d’être accusé
de népotisme. Mais peut-être aussi, tout
simplement, parce qu’en ces temps-là,
Israël regorgeait de professeurs réfugiés,
affamés, tous bardés de diplômes et spécialistes dans tous les domaines imaginables, se disputant un misérable demi-poste
d’assistant. Sa mère enfin, belle et intelligente, romantique et fantasque, solitaire et
1 A mos Oz est né à Jérusalem en 1939. « Une histoire d’amour et de ténèbres a valu à l’auteur son plus grand succès en Israël,
où le livre a été le best-seller pendant dix-huit mois. Amos Oz est un des co-fondateurs du mouvement « La Paix maintenant ». Il a participé aux travaux qui aboutirent aux accords de Genève. Il vit à présent à Arad, au bord du Néguev
le shofar
déprimée qui choisit un jour de tout quitter,
la vie, son enfant de douze ans et demi, son
mari... blessure béante qui n’aura jamais
d’explication. « Si ma mère m’avait quitté
de cette façon, sans un regard en arrière,
c’était la preuve qu’elle ne m’avait jamais
aimé ».
La vocation d’Amos est précoce. A cinq
ans, quelques semaines après avoir appris
l’alphabet, il rédige en caractères d’imprimerie une affiche « Amos Klausner,
écrivain ». Nous le voyons grandir dans le
logement étroit de ses parents. Avec lui, il
avait alors neuf ans, nous participons à la
guerre d’Indépendance d’Israël, à la naissance de l’Etat. Il raconte comment il est
devenu Amos Oz : « La mort des adultes
possédait un puissant charme magique.
Et à l’âge de quatorze ans et demi, deux
ans après la mort de ma mère, je tuai
mon père et tout Jérusalem, changeai de
nom et partis au kibboutz Houlda vivre
sur les ruines ». Il y partage la vie d’une
famille d’origine polonaise, dont le père est
le directeur du lycée, et participe à cette vie
très spéciale des kibboutzim de l’époque
où «...même les derniers des agriculteurs
lisaient des livres la nuit, et en discutaient le jour. En cueillant les olives, ils
débattaient frénétiquement sur Tolstoï,
Plekhanov et Bakounine, ...En triant les
oeufs, au poulailler, ils délibéraient sur
la question de savoir comment redonner
une couleur locale aux anciennes fêtes
juives. Et ils se querellaient à propos de
l’art moderne en taillant la vigne ». Aussi
conclut-il « Moi qui voulais fuir le monde
de l’érudition et des sempiternelles palabres où j’avais grandi, je tombais de Charybde en Scylla...» Au kibboutz, Amos,
malgré tous ses efforts pour devenir aussi
fort, aussi solidement bâti et brûlé par le
soleil que ses compagnons, reste « l’enfant
de la ville, frêle, tendre, sensible, bavard,
inventant des histoires fantaisistes qui
n’avaient jamais existé ». Il nous raconte
alors avec une pudeur exquise, dans une
prose digne des plus grands poèmes, sa
rencontre avec Nilli, princesse de rêve,
environnée d’une nuée de soupirants, alors
qu’il avait quinze ou seize ans. Il osait à
peine lever les yeux sur elle, mais «...ce
jour-là, le soleil brilla soixante-dix-sept
heures au-dessus des cyprès et refusa de
se coucher. » Aujourd’hui encore Nilli est
sa première lectrice...
***
Vie et mort en quatre rimes, Amos Oz,
éd. Gallimard 2008
Le plus grand écrivain peut rater un livre.
Après vous avoir fait part de mon admiration débordante pour Une histoire
d’amour et de ténèbres je me vois obligée, à mon grand regret, de vous dire mon
immense déception à la lecture du dernier
livre d’Amos Oz, « Vie et mort en quatre
rimes ».
Un auteur célèbre, après avoir participé
à une soirée donnée en son honneur dans
un centre culturel, rencontre différentes
personnes qu’il transforme dans son imagination en personnages d’un futur roman.
Comme la liste de ces personnages est longue, une quarantaine environ, leurs noms
sont récapitulés à la fin de l’ouvrage, avec
quelques mots explicatifs sur chacun. Je
donne deux ou trois exemples : « M. Léon :
homme de main, Massif et impérieux.
– Youval Dahan-Dotan : poète en herbe.
Tourmenté. – Rochale Reznik : lectrice et
comédienne. Elle collectionne les pochettes d’allumettes des palaces internationaux. » etc.... Lorsque vous rencontrez ces
personnages dans le texte, vous n’en apprenez guère plus sur eux, ils sont vides. J’ai
pourtant lu ce livre jusqu’au bout, voulant
47
C O MMU N AU T É
48
désespérément croire que quelque chose
allait se passer, que j’allais enfin comprendre le sens de cette histoire qui n’en était
pas une. Amos Oz a dû, lui aussi relire sa
première version, et la trouver sans aucun
intérêt. Mais plutôt que de la jeter comme
il aurait dû le faire, et d’attendre que la
merveilleuse inspiration du livre précédent lui revienne, il a sans doute cru qu’en
aspergeant ce texte fade et creux de détails
salaces (quelques heures passées par ennui
dans le lit de la lectrice), ou peu ragoûtants,
ils lui donneraient du sex-appeal : (« Ophélia : mère invalide d’Arnold Bartok : Quatre-vingt-six ans. Paraplégique. A besoin
d’un pot de chambre. Elle partage le même
lit que son fils de soixante ans qu’elle
s’obstine à appeler Aralé, pour l’ennuyer
même s’il s’appelle Arnold et qu’il le lui a
répété mille fois ») ! Raté, mille fois raté !
Quel dommage ! Bah, oublions vite ce livre,
ne nous rappelons que du précédent. A ne
pas chercher sur les étagères de la bibliothèque de Beth Hillel.
***
A lire, également, un magnifique nouvel
ouvrage :
Juifs du Congo - La confiance et l’espoir, Moïse Rahmani, éd. de l’Institut
Sépharade Européen, 2008, dont nous vous
livrons ci-dessous de larges extraits de
l’avant-propos de l’auteur :
« En 2002, je publiais Shalom Bwana,
la saga des Juifs du Congo (éditions
Romillat, Paris). Je contais l’épopée extraordinaire d’une poignée de jeunes Juifs,
venus principalement de Rhodes, cette île
merveilleuse, baignant dans la mer Egée.
Ils avaient tenté l’aventure africaine et
découvert une nouvelle « terre promise »
qu’ils avaient faite leur. Je les avais suivis de leur terre natale au Katanga. Certes, tous n’étaient pas du Dodécanèse,
certains arrivaient d’Egypte, de Turquie,
de Palestine et d’Europe et les premiers
Juifs à fouler le sol katangais étaient des
Ashkénazes, débarqués à la fin du XIXe
siècle d’Afrique du Sud, mais la grande
majorité de ceux qui ancrèrent cette communauté venaient de l’Ile des Roses. En
quelques décennies, rejoints par un frère,
un cousin, un parent proche ou éloigné,
ils avaient implanté une communauté
vivante, active, dynamique. A sa tête le
Grand Rabbin Moïse M. Levy.
Ils avaient participé à l’essor économique
de la colonie belge, contribuant à en faire le
fleuron, non seulement de la Belgique, mais
de tout le continent africain. Début des
années 1950, le livre Le Congo Belge et
ses coloniaux (éditions Stanley, Léopoldville, 1953), leur rendait hommage puisque
sur 2.500 noms recensés, moins de 2% des
130.000 habitants européens, figuraient 180
Juifs, près de 10% de la communauté israélite (…). Mon père avait contribué à cet
essor entre 1929 et 1934. Puis il était rentré
en Egypte. La vengeance du gouvernement
égyptien après ses défaites contre Israël
s’étant tournée contre les Juifs de ce pays,
en 1956, voici cinquante ans, je débarquais
à Elisabethville (…).
Après la naissance de notre bohora, de
notre aînée, Inès Daniela, nous avons
quitté cette terre africaine en octobre 1969.
J’avais arrêté cette saga aux années 1960 et
mon livre se terminait sur une note triste
car, après les tragiques événements et les
pillages des années 1990 qui eurent pour
conséquence la disparition de pratiquement toute présence étrangère, je pensais
la vie juive au Congo presque éteinte.
Mon livre, entamé en 2000, s’achevait dans la
désespérance. Durant les quarante ans qui
nous séparaient de l’indépendance du pays,
le 30 juin 1960, bien des tragédies s’étaient
passées et d’abord pour le peuple congolais,
première et malheureuse victime.
le shofar
Les troubles de 1960, les diverses sécessions, les rébellions, les mutineries, les
attaques avaient balayé le labeur des
hommes qui s’étaient accrochés à cette
terre africaine. Beaucoup étaient partis. D’autres, demeurés sur place, avaient
reconstruit, mais la zaïrisation les avait
spoliés. Quelques années après, devant la
situation économique désastreuse, le gouvernement décidait de faire marche arrière
et restituait les biens. Mais, à l’exception
des immeubles, les affaires commerciales
et industrielles n’étaient plus que coquilles
vides. Pourtant, certains reconstruisaient
à nouveau. Les pillages de 1991 et 1993,
la guerre de Laurent-Désiré Kabila contre
Mobutu, l’exil de ce dernier, l’assassinat de
Kabila, le Mzee, le vieux, les diverses rébellions qui suivirent, eurent raison des plus
audacieux.
Lors de l’écriture de Shalom Bwana, la
saga des Juifs du Congo, la population
juive du pays oscillait entre 30 et 50 personnes, faisant des allers retours avec l’Europe (…). La plupart de mes amis étaient
rentrés en Europe, ceux qui tentaient de
renouer avec le pays, de redémarrer une
activité commerciale, désespéraient, la
situation économique étant extrêmement
difficile.
J’avais écrit ce livre pensant que la communauté ne se redresserait pas, mais disparaîtrait, à l’exemple de celle de Lumumbashi
où seuls quatre Juifs résident encore.
Je ne pensais plus revoir cette terre qui
nous était si chère, tant à Manuela, mon
épouse, qu’à moi. Je ne pensais plus revoir
l’endroit où reposait ma mère; mon livre
s’achevait par ces lignes : Les morts, nos
morts, Maman, sont désespérément tout
seuls désormais…
Et puis, en 2004, je rencontrais Aslan Piha.
Et Aslan me parlait avec fougue et passion
de cette communauté qui se réveillait d’un
long sommeil, qui sortait de sa léthargie.
Et Aslan m’a fait part de ses projets, de ses
ambitions, de ses désirs, de ses rêves. Et
Aslan m’invitait à Kinshasa pour donner
une conférence. Je croyais rêver : bibliothèque, revues, conférences…
Et j’y suis allé. Et j’ai vu. Et j’ai constaté. Et
surtout, j’ai aimé (…).
Après mon bref séjour, j’ai voulu rendre
hommage à toutes celles et à tous ceux
qui, des années durant, entre 1960 et
aujourd’hui, ont perpétué cette mémoire
juive, ont continué cette saga, ont œuvré
afin que cette communauté, née dans les
années 1900, atteigne et dépasse son centenaire. S’il y a encore, aujourd’hui, une vie
juive au Congo, si dans dix ans, dans vingt
ans, dans cinquante ou dans cent ans il
subsiste, je le souhaite et l’espère, une vie
juive dans ce pays, c’est à Clément Israël et
à son comité que nous le devrons. Quelle
meilleure preuve d’admiration et de respect
sinon de raconter leur histoire et, à travers
elle, la pérennité de cette présence juive
dans ce qui fut pour nos grands-parents,
nos parents et pour nous-mêmes une nouvelle terre promise, cette seconde patrie, le
Congo, notre Congo ?
En relatant l’histoire de quelques-uns, c’est
celle de tous que je veux raconter et j’entends, avec ce témoignage, leur rendre justice et leur faire honneur… »
49
C O MMU N AU T É
Nouvelles d’Israël
et d’ailleurs
50
Afin de répondre aux exigences de son
accroissement constant de membres, la
Communauté Israélite Libérale de Genève,
actuellement installée au Seujet, entame à
Chêne, ce printemps, la construction d’un
nouveau centre comprenant une synagogue
et un espace culturel. Le bâtiment épousera
le terrain en forme de shofar et les deux
faces de l’édifice, à l’aspect minéral, afficheront les Tables de la Loi.
Depuis la route, seule la pointe de l’immeuble de béton et de verre sera visible. L’intérieur comprendra une partie culturelle avec
des salles de conférence et de cours destinés
principalement aux quelque 120 enfants qui
fréquentent le Talmud Torah ainsi qu’une
synagogue pouvant contenir jusque 750 places lors des grandes fêtes.
Sont également prévus un mikvé, un local
d’archives et une grande salle pour les jeunes avec accès WI-FI.
fondée en 1990 et qui a ouvert sa première
synagogue à Vienne en 2003, les communautés libérales sont celles qui ont le plus
de succès auprès des Juifs allemands et,
aujourd’hui aussi, des Juifs autrichiens.
Parmi les sujets à l’ordre du jour de la
conférence a figuré le rôle des femmes
dans le judaïsme.
Le principal intervenant au congrès fut le
rabbin Michael Mermur, directeur de l’Université de l’Union hébraïque à Jérusalem
(Hebrew Union College). Nous reviendrons
sur le sujet dans le prochain Shofar puisque
la Communauté Israélite Libérale de Belgique-synagogue Beth Hillel y était représentée en la personne de Rabbi Floriane
Chinsky et de notre ami Ralph Bisschops,
en sa qualité d’administrateur délégué à la
WUPJ.
***
L’unique citoyen britannique déporté à
Auschwitz, Leon Greenman, est décédé
ce 7 mars 2008 à Londres, à l’âge de
97 ans. Son épouse, Esther Van Dam,
de nationalité néerlandaise, et leur
petit garçon Barney, né à Rotterdam et
déporté à l’âge de 3 ans, n’avaient pas
sur vécu à la Shoa.
Les parents de Leon Greenman, né à Londres le 18 décembre 1910, s’installèrent
avec leur fils en 1915 à Rotterdam où ils
vécurent quelques années. De retour à
Londres, c’est là qu’en 1935, Leon Greenman épousa Esther. Mais le couple, désireux de veiller sur la grand-mère d’Esther
Le Congrès Européen des Juifs réformateurs de l’Union Mondiale du Judaïsme
Progressiste (World Union of Progressive
Judaism, WUPJ) s’est ouvert, pour une
durée de quatre jours, le 12 mars dernier
à Vienne, 70 ans jour pour jour après l’Anschluss de l’Autriche par l’Allemagne nazie.
Plus de 300 délégués venus de toute l’Europe ont participé à ce congrès, qui s’est
tenu pour la première fois dans la capitale
autrichienne.
D’après la communauté juive réformatrice
d’Autriche, Or Chadasch, Nouvelle Lumière
***
le shofar
laissée seule aux Pays-Bas, décida, alors
que les bruits de botte nazies s’amplifiaient, d’aller vivre à Rotterdam, C’est
là que naquit leur fils Barney. Arrêtés à
leur domicile en octobre 1942, avec des
centaines d’autres Juifs, les Greenman
furent incarcérés à Westerbork avant
d’être déportés à Auschwitz où Esther et
Barney furent gazés dès leur arrivée.
Leon Greenman participa à la Marche de
la Mort d’Auschwitz à Buchenwald, d’où il
fut « libéré » le 11 avril 1945 par l’armée
américaine.
Jamais Leon Greenman ne se remaria.
Il consacra le reste de sa vie à honorer
la mémoire de son épouse et de leur fils.
Auteur d’un ouvrage, « An Englishman
in Auschwitz », il reçu en 1988, pour sa
lutte contre le racisme, la très haute distinction honorifique de l’Ordre du British
Empire des mains de sa majesté la reine
Elisabeth II.
***
Signe tangible d’une reprise de vie juive en
Pologne, le grand rabbin ashkénaze d’Israël Yona Metzger s’apprête à y installer
une association de rabbins, la première du
genre depuis la Seconde Guerre Mondiale.
Ce groupement réunira huit rabbins issus
des principales villes du pays. Cet évènement est hautement symbolique, dès lors
que la quasi-totalité de la population juive
polonaise fut exterminée durant la Shoa…
***
Là où se trouvait le ghetto de Varsovie,
avec son lot de désolation, de souffrance
et de morts, a été reconstruit un anodin
quartier citadin d’affaires, pareil à celui
d’une quelconque métropole. Les gens
qui s’y trouvent aujourd’hui ne peuvent
imaginer le sort qui fut réservé, au même
endroit, durant la Seconde Guerre Mondiale, à près d’un demi million d’enfants,
de femmes et d’hommes juifs polonais.
Mais cela va changer. En effet, à l’occasion du soixante cinquième anniversaire
du soulèvement du Ghetto, la municipalité
de Varsovie a décidé de marquer la délimitation du ghetto au sein de la capitale
d’une ligne rouge afin que soit rappelée à
chaque passant l’horreur qui fut commise
sur son territoire.
Les responsables de l’Ambassade d’Israël
à Varsovie ont favorablement accueilli
cette mesure, en déclarant notamment
qu’elle constituait un pas important dans
la commémoration des 400 000 Juifs qui
furent parqués dans le ghetto.
***
Du 24 au 26 février dernier s’est déroulée,
à Jérusalem, une conférence internationale sur l’antisémitisme présidée par Tzipi
Livni, vice-Premier ministre et ministre des
Affaires étrangères d’Israël et à laquelle
participaient quelque deux cent cinquante
personnes, parmi lesquelles des diplomates, chercheurs et représentants d’institutions juives.
Les interventions furent nombreuses (septante trois conférenciers !). L’intérêt principal de colloque fut de poser la réflexion sur
les nombreux défis actuels suscités par le
contexte géo-politique international et que
la haine répandue notamment via Internet
exacerbe, aussi bien dans la rue que sur les
campus universitaires.
Les différents intervenants se sont accordés
sur la gravité de la situation. Ils ont estimé
qu’il y avait une recrudescence significative
de l’antisémitisme dans le monde, lequel
s’employait d’abord à délégitimer Israël, à
le diaboliser en l’assimilant au nazisme, à
l’apartheid ou au racisme pour, ensuite, s’attaquer aux personnes individuellement.
51
C O MMU N AU T É
L’éducation des jeunes, l’intensification du
dialogue inter-religieux, la protestation
systématique auprès des pouvoirs publics
compétents, l’adaptation adéquate des
cadres juridiques de protection des droits
des minorités furent autant de pistes évoquées parmi les solution proposées.
***
Le Premier ministre israélien, Ehud
Olmert, a créé un groupe de travail au sein
du gouvernement chargé de se pencher sur
les modifications à apporter aux relations
entre Israël et la diaspora. Car il s’agit de
chercher les moyens par lesquels l’Etat d’Israël pourrait commencer à investir dans la
diaspora, et non plus rester uniquement
bénéficiaire de l’aide de celle-ci. Affaire à
suivre.
52
***
La plus ancienne école juive de Londres, la
Jewish Free School fondée en 1732 et qui
compte quelque 1900 élèves issus, pour
la plupart, de familles non pratiquantes,
fait actuellement l’objet d’une action en
justice devant la Hight Court de Londres
pour ségrégation raciale. L’affaire fait
grand bruit, dans les media britanniques.
En cause : le refus par l’établissement scolaire d’accueillir en son sein un enfant dont
la judéité n’est, selon sa direction, pas
conforme aux exigences halachique en la
matière. En effet, si le père du garçon est
bien juif, l’école reproche à la mère, d’origine non juive, de ne pas s’être présentée
devant un Beth Din d’obédience orthodoxe,
mais bien devant un tribunal composé de
rabbins de mouvance conservative. La
Jewish Free School, qui fait allégeance au
Beth Din de Londres bien connu pour ses
positions peu enclines à l’ouverture sur le
monde extérieur, risque bien de perdre le
procès, tant il est vrai que recevant des
subsides publics, elle risque d’être condamnée pour refus d’inscription fondée sur
des motifs illicites. Ce qui devrait réjouir
d’autres parents qui se sont joint à l’affaire, ayant vécu la même regrettable expérience. A noter, pour la petite histoire, que
parmi ces mères jugées non suffisamment
cacher s’en trouve une dont la conversion,
en Israël, devant un Beth Din pourtant
orthodoxe il y a plus de 20 ans, n’a pas été
jugée satisfaisante. La raison invoquée ? Le
manque de sincérité de cette maman puisque son mari, David Ligtman, était Cohen
et que convertie, elle avait fait fi du joug de
la Loi en l’épousant !
Selon le Rabbin Danny Rich, Président exécutif du Liberal Judaism Movement, l’attitude discriminatoire adoptée par l’école
est essentiellement motivée par des considérations politiques, lesquelles consistent
à essayer d’accorder un monopole de fait
à l’orthodoxie, en Angleterre, alors que
près de la moitié des Juifs britanniques se
revendiquent du judaïsme conservative ou
libéral. le shofar
Un peu d’humour
Il pleuvait, en cette fin de journée-là. Daniel
rentrait à la maison, où, comme chaque soir,
il se retrouvait seul, face à son assiette,
depuis que Sarah n’était plus. Ah, si quelque
chose de merveilleux pouvait à nouveau
éclairer son existence devenue si monotone ! Oui, il y avait bien les petits-enfants,
mais il les voyait si peu…
Daniel, tout à ses sombres pensées, passa
devant un magasin d’animaux de compagnie. C’est alors qu’il entendit une voix rauque criant en yiddish :
« Couaaa... Vus machts du ? » (hé ! comment
vas-tu ?)
« Ouï, du ! » (oui, toi !)
Daniel n’en croyait pas ses oreilles. Un perroquet, et du parfait yiddish !
Son nez aussitôt collé à la vitrine du magasin, le propriétaire du négoce l’invita à
entrer.
« Regardez, Monsieur, regardez ! Admirezmoi ce perroquet : n’est-il pas magnifique et
étonnant ?!?... » Daniel resta sans voix, subjugué. Car non
seulement l’animal était paré d’un très soigné plumage gris mais en plus, il penchait sa
petite tête pour reprendre de plus belle :
« Vus ? Vus ? Kenst sprechen Yiddish ? »
(Alors ? Savez-vous parler le yiddish ?)
Sans hésiter, Daniel offrit huit cent euros au
commerçant et ramena sans plus attendre
cet extraordinaire oiseau chez lui.
Quel bonheur : toute la nuit, il dialogua en
yiddish avec son perroquet !
Il lui raconta les aventures de sa jeunesse.
Il évoqua la beauté de sa défunte épouse
Sarah, leur mariage alors qu’ils n’avaient
pas vingt ans, les deux merveilleux enfants
qu’ils avaient eu ensemble et qui vivaient à
présent si loin.
Il parla de ses longues années de labeur
dans les schmates, de sa retraite à Knokke
du temps de Sarah… Quant au perroquet,
celui-ci lui conta sa vie difficile dans le magasin d’animaux de compagnie, l’ignorance
des clients qui ne comprenaient guère son
langage trop exotique pour eux, les longues
heures de solitude les jours de fermeture.
Au petit matin, Daniel, comme chaque
jour, entama la journée en posant ses
tefillin.
Le perroquet, intrigué, demanda ce qu’il
faisait et lorsque Daniel lui eut expliqué, le
perroquet lui fit part de son désir de faire
la même chose. Daniel sortit et lui acheta
des tefillin adaptés spécialement à sa petite
taille. Puis, le perroquet souhaita apprendre
les prières en hébreu.
C’est ainsi que Daniel se retrouva à passer
des semaines, puis des mois à former le
perroquet : il lui enseigna la Tora, le familiarisa avec l’étude talmudique, lui fit aimer
les midrashim et entreprit même de lui faire
explorer les mystères de la Cabale…
Puis vint Rosh Hashana. Daniel était sur le
point de partir à la synagogue lorsque le perroquet lui demanda de l’accompagner.
Daniel lui expliqua que la shule n’était pas
plus un endroit pour les oiseaux que pour
les femmes mais le perroquet argumenta
tellement adroitement que Meyer céda et
l’emmena sur son épaule. Inutile de dire
qu’arrivés devant la synagogue, nos deux
compères firent sensation ! Le rabbin, agacé
par le remue-ménage que provoquait l’insolite couple en ce saint jour, décida d’interdire l’accès du bâtiment au perroquet.
Mais Daniel persuada le Rabbin de le laisser
entrer, en jurant que le perroquet psalmodiait avec une remarquable dévotion.
53
C O MMU N AU T É
Des paris furent bientôt lancés et des centaines d’euros mis en jeu sur la capacité ou
non du perroquet à prier, à parler en yiddish,
à commenter les Sages…
Pendant l’office, tous les yeux se rivèrent sur
le perroquet imperturbablement perché sur
l’épaule de Daniel. Or donc, voilà que l’animal ne bougeait pas, restait le bec cloué.
Daniel murmura « Daven ! Daven ! » (prie !)
Le perroquet restait impassible.
« Perroquet, daven ! allons, vas-y !tu
peux ! daven ! daven ! Tout le monde nous
regarde ! »
Le perroquet ne bronchait toujours pas.
A l’issue de l’office de Rosh Hashana, Daniel
se vit dans l’obligation de promettre de
régler ses dettes de jeu ; or celles-ci n’étaient
pas des moindres : y en avait pour plus de
mille euros, du fait de son pari perdu !
54
Très en colère, il regagna sa maison.
A peine le pas de la porte franchi, le perroquet commença à chanter une vieille chanson yiddish, aussi heureux qu’une perruche
en goguette.
Daniel le regarda droit dans les yeux : « Dis
donc, toi, pourquoi m’as-tu fait un coup
pareil, hein ? Pourquoi ? Après tout ce que
j’ai fait pour toi ! que je t’ai fait confectionner des tefillin sur mesure, que je t’ai enseigné toutes les prières, que je t’ai appris à
lire l’hébreu, que je t’ai familiarisé avec la
Torah, le Talmud, la Cabale, que je t’ai même
emmené à la Shule pour Rosh Hashana !
Pourquoi… ? »
« Allons, Daniel, cesse de t’énerver et ne
sois pas aussi stupide ! », lui répondit le perroquet « pense à tout l’argent qu’on va leur
piquer à Kippour... »
Le vendredi 11 avril 2008
après l’office de kabbalat
chabbat
DîNER CHABBATIQUE COMMUNAUTAIRE
A BETH HILLEL
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