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Dossier
L‘Aquitaine
l’Aquitaine numérique - HORS-SERIE - Droit d’auteur et numérique - Mars 2008
Dossier spécial Juridique
Droit d’auteur et numérique : le grand bouleversement
Dossier Spécial
Droits d’auteur
et numérique :
le grand
bouleversement
Pas un jour ne passe sans que soient
dénoncés la chute du marché du disque
dans le monde, l’effondrement des ventes
de DVD ou encore la violation des droits
détenus sur des logiciels propriétaires.
Montrés du doigt : les pirates du web,
ces internautes téléchargeant sur leurs
ordinateurs des œuvres protégées et
disponibles en quelques clics sur la toile.
Ces derniers, ainsi que les hébergeurs de
sites internet, telles les plateformes de
partage de vidéos ou de musique, et les
éditeurs de contenus n’échappent ni aux
critiques ni aux poursuites judiciaires. Les
lois sur le droit d’auteur et la loi DADVSI
votée en 2006 n’y ont rien changé : les
règles de propriété intellectuelle restent
largement bafouées sur internet.
Face à ces constats, politiques et industriels
s’organisent. La mission Olivennes, dont
le récent rapport plaide en faveur d’une
riposte graduée à l’encontre des internautes
qui s’adonnent au téléchargement illégal,
en est l’illustration. Autre témoignage
des bouleversements du secteur : une
nouvelle offre de distribution des œuvres
audiovisuelles se fait jour sur la toile
et, avec elle, de nouveaux modèles
économiques apparaissent.
Que préconisent la loi DADVSI et le rapport
Olivennes ? Que risquent réellement les
différents acteurs du web_internautes,
hébergeurs, éditeurs - en matière de non
respect des droits d’auteur ? Quels sont les
nouveaux modes de distribution des œuvres
culturelles sur internet ? Comment pourront,
à l’avenir, se rémunérer les artistes et les
majors ? Les collectivités, gestionnaires de
contenus protégés, doivent-elles adopter
de nouvelles pratiques ? Comment les
internautes peuvent-ils télécharger en
restant dans la légalité ?
Eléments de réponses dans ce « dossier
spécial juridique » de l’Aquitaine
Numérique.
Sommaire
L’actu du dossier : les pirates du web bientôt sous contrôle. p4
Contenus illégaux : qui sont les responsables ? p6
Economie : vers de nouveaux modèles de distribution. p8
Licences libres : l’alternative. p10
Téléchargement: ce qui est légal et ce qui ne l’est pas. p12
La gestion des contenus protégés dans les collectivités. p13
LAN - HORS SERIE - Mars 2008
Les systèmes électroniques de protection. p9
3
Denis Olivennes, le P-DG de la Fnac a mené pendant deux mois les consultations entre
toutes les industries pour aboutir à l’accord qui porte son nom, remis en novembre
dernier. « Il devrait dissuader le petit piratage de masse, tout en permettant de
lever les verrous numériques qui empêchent la copie. Ce sont deux mesures qui
devraient permettre à l’industrie de la musique de retrouver les financements dont
elle a besoin pour la création », avait-il alors déclaré. (crédit photo : ZDNet.fr)
L’actu du dossier
Dossier
La loi du 1er août 2006 portant sur les Droits d’auteurs et droits voisins dans la société de
l’information, dite loi « DADVSI », n’a pas empêché le non respect des règles de propriété
intellectuelle sur Internet. Entre temps, le rapport Olivennes a été remis à la Ministre de la Culture.
Les pirates du web bientôt sous contrôle
Le droit
La loi Dadvsi
1 prévoit des
amendes d’un
montant de
300 000 euros
ainsi que 3 ans
de prison pour
toute personne
éditant un logiciel
manifestement
destiné à la mise
à disposition
du public
non autorisée
d’œuvres ou
d’objets protégés.
En 2006, la loi DADVSI a été promulguée pour
protéger les droits d’auteur et droits voisins dans
le monde numérique. Plus d’un an et demi plus
tard, on ne peut que constater la difficulté de fixer
dans des textes de loi une protection adéquate
des œuvres immatérielles qui sont soumises à des
modes de diffusion alternatifs et non maîtrisés.
La loi DADVSI a été peu mentionnée dans les
décisions de justice depuis son entrée en vigueur,
si ce n’est sur les questions d’exception aux droits
d’auteur et sur les mesures techniques de protection
(DRM, lire page 11) fortement contestées. On ne
peut parler pour autant d’abandon de la lutte pour
la protection des droits d’auteur sur l’internet.
Car l’activité des plateformes de partage et de
téléchargement de fichiers musicaux et de vidéos
continue de croître. Le vote d’une deuxième loi
DADVSI pour palier les carences de la première loi
ne semble pas au programme. L’heure est plutôt à
l’action : la mise en œuvre prochaine de la riposte
graduée, dispositif annoncé par la loi DADVSI en
est un exemple.
Il est inscrit dans le rapport de la mission confiée à
Denis Olivennes et remis à la Ministre de la Culture,
Christine Albanel, en novembre 2007. Cette mission
apporte des indices sur la législation future en
matière de protection des droits d’auteur.
La conciliation des acteurs : trouver des
solutions acceptables pour tous
LAN - HORS SERIE - Mars 2008
L’Etat, les ayants droit des industries de la musique,
du cinéma et de l’audiovisuel et les fournisseurs
d’accès à internet se sont mis d’accord sur la mise
en place de la riposte graduée , mesure considérée
comme indispensable dans la lutte contre le
piratage sur internet. Cette action doit être menée,
selon les termes du rapport, avec la participation
active des acteurs de l’internet notamment des
fournisseurs d’accès, qui auront pour mission
de prêcher la bonne parole et d’agir de manière
préventive.
4
Ce que préconise le rapport Olivennes :
• Une meilleure coordination des intérêts d’ayantsdroits des différents secteurs : ils pourront créer
une agence représentative ayant la capacité
d’agir en justice en leurs noms et de déterminer
une « action concertée » dans la recherche de
solutions technologiques communes de protection
des contenus (techniques de reconnaissance des
contenus).
• La mise en place d’indicateurs permettant de
définir la part de marché de chaque FAI (fournisseur
d’accès à Internet – Free, Neuf, Orange etc.) dans
le piratage en Peer-to-Peer : les FAI seront amenés
à opérer un filtrage sur les contenus avant leur
mise en ligne grâce au contrôle des empreintes, le
filtrage en temps réel semble être tenu à la phase
expérimentale pour l’instant.
• Les sanctions appliquées aux internautes
seront calculées en fonction de la gravité des
comportements. Il faut distinguer plusieurs types
de consommation de musique gratuite en ligne :
1. L’internaute écoute de la musique en streaming,
c’est-à-dire en ligne et en temps réel à partir d’un
site proposant de la musique en streaming (Il n’est
pas visé par les mesures de répression) ;
2. L’internaute télécharge de la musique
illégalement à partir d’une plateforme sans en
mettre à disposition ;
3. L’internaute met à disposition de la musique de
façon modérée en plus d’en télécharger ;
4. L’internaute met à disposition de la musique de
manière massive ou à des fins commerciales.
La riposte graduée : un dispositif adapté
Il s’agit d’une intervention à plusieurs étapes,
destinée à inciter ceux qui téléchargent à respecter
la loi, en leur faisant comprendre que l’internet
n’est pas une zone de non-droit et que les
agissements sur cette zone peuvent être soumis
à une surveillance et un contrôle. La riposte
graduée a pour but de détourner les internautes
de l’attractivité de la gratuité en sanctionnant au
prix fort le téléchargement illégal. On espère ainsi
les orienter vers les offres légales qui seront mises
à leur disposition.
Ce mécanisme vise aussi, dans un premier temps,
à avertir les contrevenants et, dans un deuxième
temps, à les sanctionner par des mesures d’ordre
plus pratique notamment la suspension ou la
rupture de l’abonnement à internet.
Dans ce deuxième cas de figure, les FAI n’auraient
pas de part active dans la sensibilisation des
internautes. La sensibilisation, les avertissements et
finalement les sanctions seraient des prérogatives
accordées à la Haute Autorité pour la diffusion
des œuvres et la protection des droits sur Internet
(qui remplacera l’Autorité pour la régulation des
mesures techniques instaurée par la loi DADVSI).
Ce qu’il faut retenir
2. Création d’une agence des Ayantsdroits pour les poursuites juridiciaires
et la recherche technologique.
3. Riposte graduée contre les pirates :
mise en demeure par une autorité de
régulation, via les FAI puis sanctions
pécuniaires, puis résiliation de contrat
internet, puis condamanation pénale.
Dossier
1. Filtrage des contenus et contrôle
des empreintes des internautes par
les FAI.
L’autorité agirait sur saisine par un titulaire de
droits d’auteur qui estime ses droits lésés et
elle procèderait à des réquisitions auprès des
FAI pour identifier les contrevenants, les FAI
enverraient des courriers d’avertissements signés
par l’autorité et celle-ci pourrait finalement
prononcer des sanctions allant de la suspension
à la rupture de l’abonnement.
Les autres propositions du rapport
Olivennes
- La simplification de la circulaire pour l’application
de la loi DADVSI notamment sur la gamme de
sanction et l’étendue de l’exception pour copie
privée ;
- La désignation de juridictions spécialisées dans
la lutte contre la contrefaçon sur Internet
- L’assouplissement des dispositions de la loi
« informatique et libertés » pour faciliter la mise en
œuvre de recherche d’infractions et l’identification
des contrevenants par le rapprochement des
adresses IP et les noms des abonnés sans recourir
à l’intervention du juge
- Une nouvelle loi sur les données des
internautes : l’adresse IP (numéro qui identifie
chaque ordinateur connecté à internet) conservée
par les FAI ou les ayants droits ne constituerait
pas une donnée directement ou indirectement
nominative.
- La mission Olivennes veut aussi modifier l’actuel
article L34-1 du CPCE pour autoriser la conservation
des données de trafic par les FAI.
Termes
La riposte graduée : mode d’emploi
La copie privée
est une exception
au droit d’auteur
permettant à
une personne de
reproduire une
œuvre pour son
usage privé.
Un internaute se fait repérer par le système
de filtrage du réseau Peer-to-Peer qu’il
fréquente, que se passe-t-il ?
Un courriel d’avertissement constatant
le manquement signé par l’Autorité sera
adressé par le FAI à l’abonné responsable
de la ligne.
L’internaute persiste…
Il reçoit un second message d’avertissement
constatant ce deuxième manquement,
toujours par courriel.
Il sera mis « sous observation » pendant
6 mois, s’il recommence pendant cette
période, il subira une suspension provisoire
de son abonnement pendant un mois.
Si dans les six mois suivant
rétablissement de son abonnement,
récidive, l’abonnement sera résilié
bloqué pendant un an à l’initiative
l’autorité.
Ayant-droit
Une personne qui
détient un droit
sur une œuvre du
fait de son lien
avec l’auteur de
celle-ci.
le
il
et
de
Et s’il prenait un abonnement chez un autre
fournisseur d’accès à Internet ?
Au cours de ces douze mois, il ne pourra
pas se réabonner auprès d’un autre FAI, il
fera partie d’une liste noire constituée à
cette fin.
LAN - HORS SERIE- Mars 2008
Rapport Olivennes :
5
Les termes à maîtriser :
Hébergeur
Editeur
L’article 6-I LCEN définit les hébergeurs comme les
personnes qui assurent « le stockage de signaux,
d’écrits, d’images, de sons ou de message de toute
nature fournis par des destinataires de ces services ».
l’article 6-III LCEN vise les personnes « éditant à titre
non professionnel un service de communication au
public en ligne
Dossier
En jeu.
La qualification légale du statut d’hébergeur sur internet s’applique à un vaste panel d’acteurs et
de pratiques : du simple hébergement de forum à la plateforme d’échanges de fichiers musicaux
ou vidéos. Elle rend difficile la mise en œuvre du respect de la loi sur les droits d’auteur.
Contenus illégaux : qui sont les responsables ?
La diffusion des œuvres sur Internet sans respect
des droits de leurs auteurs est facilitée par des
services d’hébergement de contenus offerts
par des plateformes telles que YouTube, Daily
motion, MySpace, etc. Ces plateformes invitant à
la contribution des internautes ne sont cependant
pas à l’origine des contenus mis en cause : les
internautes eux-mêmes mettent en ligne des
contenus sans autorisation de leurs auteurs. La
multiplication des intermédiaires sur internet,
tels les services d’hébergement de contenus, et la
diffusion massive des œuvres ont donné lieu à de
nombreux contentieux en justice. Les titulaires des
droits (photographes, auteurs de textes, sociétés de
production musicale et cinématographique) veulent
faire reconnaître la part de responsabilité des
prestataires d’hébergement dans leur préjudice.
Deux solutions : hébergeur ou éditeur.
LAN - HORS SERIE - Mars 2008
La loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans
l’économie numérique (LCEN) prévoit deux régimes
qui pourraient être appliqués aux nouveaux acteurs
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du Net : le régime d’hébergeur et celui d’éditeur.
La nature de leur responsabilité dépendra de la
qualification qui sera retenue par le juge.
Contrairement à l’hébergeur, l’éditeur est
pleinement responsable des contenus qu’il met
en ligne. Le statut d’hébergeur est donc plus
protecteur. Il est plus attirant pour les acteurs du
Web puisqu’il peut s’appliquer à des acteurs aussi
divers que des hébergeurs de pages personnelles
(MySpace, FaceBook), de contenus vidéos, images,
musicaux (YouTube, FlickR, Deezer) mais aussi des
plateformes d’échanges et de partage de fichiers,
de vente en ligne (eBay), des exploitants de forums
de discussion ou encore à une encyclopédie
collaborative en ligne.
L’application du même statut à une large gamme
de prestataires est à l’origine de nombreuses
confusions.
Ce que dit la Loi :
(tableau ci-dessous)
Hébergeur
Editeur
Obligations
Obligations
Détenir et conserver les données de nature à
permettre l’identification des personnes qui
contribuent au contenu des services dont il est
prestataire
Mettre à disposition, sur son propre site et dans un
standard ouvert, le nom du directeur ou codirecteur
de publication ou du responsable de publication,
ainsi que le nom, dénomination ou raison sociale,
adresse et numéro de téléphone du fournisseur
d’hébergement.
Responsabilité
Responsabilité
(articles 6-I-2 et 6-I-3 LCEN)
Les hébergeurs ne peuvent être tenus pour
responsables des activités ou informations
stockées si :
- Ils n’avaient pas connaissance du caractère
illicite des contenus ;
- Dès qu’ils en ont eu connaissance, ils ont agi
promptement pour retirer ces contenus illicites
ou en rendre l’accès impossible ;
- Ils n’ont pas une obligation générale de
surveillance des informations transmises ou
stockées.
La responsabilité de l’éditeur directeur de
publication au sens de la loi du 29 juillet 1982, en
ce qu’il a procédé à la fixation préalable du contenu
mis en ligne.
- Il est pleinement responsable du contenu qu’il a
créé et mis en ligne.
Ce qu’il faut retenir :
Editeur : critères retenus par la jurisprudence
La mise en ligne directe des contenus par les internautes
eux-mêmes sans intervention du prestataire d’hébergement
à ce stade.
Dossier
- Le fait d’imposer une structure de présentation;
- La proposition aux annonceurs d’afficher des
publicités près des contenus en cause ;
- Ou la fourniture d’outils nécessaires à la conception du/
des contenus.
Hébergeur : critères retenus par la
jurisprudence
Une jurisprudence incertaine.
Dans un premier temps, la jurisprudence a étendu
les critères de la qualification d’hébergeur au-delà
de la simple prestation technique d’hébergement.
Elle a appliqué cette notion à des prestataires
agissant notamment comme intermédiaires de
vente aux enchères en ligne, de fourniture de
liens commerciaux et de forums de discussion.
Dans un second temps, certains juges ont traité
ces mêmes prestataires avec plus de rigueur. Ils
ont invoqué le statut d’éditeur afin de retenir
la responsabilité de certains prestataires de
services.
Par la suite, une décision divergente abandonne le
critère de présence de publicités pour reconnaître
la qualité d’éditeur. La qualification d’hébergeur y
est retenue à partir du moment où les contenus
sont mis en ligne par les internautes eux-mêmes.
Il est évident que les usages actuels devancent
de loin les outils juridiques disponibles, d’où la
nécessité de fournir un cadre juridique mieux
adapté aux activités qui émanent du Web 2.0.
Dans l’idéal, ce cadre permettrait l’équilibre
entre l’épanouissement de nouveaux modèles
économiques sur l’internet et le respect des droits
de propriété intellectuelle des auteurs.
Une loi inadaptée aux usages actuels.
La loi pour la confiance dans l’économie
numérique (LCEN) propose deux statuts pour
les intermédiaires du web. La jurisprudence
n’envisage que l’application de l’un ou l’autre de
ces statuts alors que la nature même des usages
actuels sur internet est de cumuler les deux
fonctions, voire des pratiques émergentes qui ne
trouvent pas d’existence dans le droit.
« La jurisprudence est
tentée de faire adopter
aux plateformes de
vidéos et de musique
en ligne les techniques
de filtrage et de
reconnaissance des
œuvres marquées,
dans le cadre de la lutte
contre le piratage
»
LAN - HORS SERIE - Mars 2008
Par exemple : Sur un blog certains contenus sont
mis en ligne par le blogueur lui-même ; il a donc
une responsabilité éditoriale quant aux contenus
qu’il diffuse sur son blog. A côté de ces contenus,
on retrouve également les contributions des
internautes qui consultent le blog et qui y laissent
des commentaires ce qui fait du blogueur un
hébergeur.
Face à un cadre juridique insuffisant, la
jurisprudence a tenté d’imputer à l’hébergeur une
obligation de contrôle a priori des contenus. Cette
tentative est critiquable dans le sens où elle prend
le contrepied de la LCEN, qui énonce clairement
l’absence d’une obligation de surveillance
générale pour les hébergeurs. Elle s’inscrit
cependant dans la volonté de faire adopter aux
plateformes de vidéos et de musique en ligne les
techniques de filtrage et de reconnaissance des
œuvres marquées, dans le cadre de la lutte contre
le piratage.
7
Ce qu’il faut retenir :
« En France, les ventes de CD audio et de
DVD musicaux ont chuté en 2007 de 18,3%
en volume et de 17,1% en valeur, les singles
étant particulièrement touchés
»
« Les revenus numériques, s’ils ont crû de 40% l’an dernier à
l’échelle mondiale pour atteindre 15% de part de marché, ne
compensent pas pour autant la baisse du marché du disque »
Dossier
Economie.
Les mutations juridiques en matière de droits d’auteurs induits par les technologies numériques
sont indissociables des nouveaux modes de consommation des œuvres culturelles dans le monde.
Le téléchargement illégal est pointé du doigt.
Vers de nouveaux modèles de distribution
L’Observatoire de la musique mis en place par la Cité
de la musique vient de publier à l’occasion du Midem
des chiffres qui confirment la baisse du marché du
disque constatée depuis plusieurs années : en France,
les ventes de CD audio et de DVD musicaux ont chuté
en 2007 de 18,3% en volume et de 17,1% en valeur,
les singles étant particulièrement touchés. Selon le
Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP),
le marché physique a perdu la moitié de sa valeur
(soit 640 millions d’euros).
Faible croissance des revenus numériques.
LAN - HORS SERIE - Mars 2008
Même si certaines études pointent un recul relatif
des pratiques de téléchargement illégal, cellesci n’en restent pas moins fermement ancrées :
l’enquête Eurobaromètre publiée par la Commission
européenne en mai 2007 montrait que si la plupart
des enfants de 9 à 14 ans savent que bon nombre
de leurs pratiques en la matière sont illégales, ils ne
sont pas prêts pour autant à y renoncer. Interrogé
dans le numéro de février 2008 de Capital, François
Moreau, économiste et spécialiste de la diffusion
numérique des œuvres culturelles, ne nie pas l’impact
du téléchargement illégal sur le marché du disque,
mais souligne que les économistes sont divisés sur
la question : « statistiquement imperceptible » pour
les uns, il « explique toute la baisse des ventes de
disques » pour les autres.
8
Les revenus numériques, s’ils ont cru de 40% l’an
dernier à l’échelle mondiale pour atteindre 15% de
part de marché (soit environ 3 milliards de dollars,
chiffres de la Fédération internationale de l’industrie
phonographique, IFPI), ne compensent pas pour
autant la baisse du marché du disque. Encore moins
en France, où la part des ventes numériques plafonne
pour l’instant à 7%.
La raison de cette particularité nationale tient
notamment à la part importante de la téléphonie
mobile en termes de débouchés : les téléchargements
de sonneries, où l’on avait cru voir un eldorado, sont
en baisse constante et masquent la progression des
téléchargements de chansons en version intégrale.
Le SNEP reconnaît que les revenus numériques ont
été multipliés par six entre 2004 et 2007. L’arrivée
du modèle iTunes a sans aucun doute participé
àdynamiser le marché en donnant accès, via un portail
unique étroitement intégré à son lecteur à succès,
l’iPod, à une offre parmi les plus larges du marché
et certainement la plus lisible, avec son tarif unique
de 0,99 euro la chanson. Mais on est encore loin
du compte si l’on compare le marché de l’industrie
phonographique actuel à son pic, estimé à 1,3 milliard
d’euros en 2002.
Le verrouillage des fichiers
Un premier frein à une dynamisation encore plus
massive du marché a été le choix fait par Apple de
recourir à un format de fichier propriétaire verrouillé
par des DRM (digital rights management, voir encadré),
l’interopérabilité n’étant pas au rendez-vous dans un
univers numérique où les usages tendent au contraire
vers une transition sans couture entre supports de
lecture, en fonction de la situation d’écoute de l’instant.
De plus en plus de majors commencent à proposer leur
catalogue sans DRM depuis l’été 2007, essentiellement
d’ailleurs pour tenter de rompre la position dominante
d’iTunes sur le marché de la distribution numérique
en s’appuyant sur son concurrent Amazon.
La vente de titre à l’unité
Un autre élément peut expliquer la chute des ventes
sur support physique : le modèle de la vente à
l’unité, qui correspond à une part de marché certes
significative mais en décalage croissant avec les
usages du numérique. Ceux-ci sont certes marqués
par l’illusion de la gratuité, mais surtout par un
changement dans la valeur perçue. Dans un univers
d’offre pléthorique où domine la notion de flux, la
valeur ne réside plus dans le contenu singulier mais
dans l’accès. Les capacités de stockage offertes par
les lecteurs MP3 correspondent d’ailleurs à une durée
d’écoute en continu de plusieurs années dans une
qualité moyenne, et la fonction de lecture aléatoire y
est devenue incontournable. Les pratiques de flux sont
complémentaires d’une consommation plus sélective
de bien des manières : elles permettent la découverte,
peuvent déclencher des achats ciblés, et de plus en
plus sont facilitées par des outils de recommandation,
souvent à dimension communautaire comme chez le
pionnier Last.fm
Les termes à maîtriser :
DRM (pour Digital Rights Management en anglais)
DVD Haute-définition : du DRM logiciel vers un DRM matériel
Dossier
Dispositif technique protégeant une œuvre en empêchant ou limitant
les actes non autorisés par le titulaire des droits d’auteur.
Souvent confondues avec les mesures techniques de protection des œuvres visant à
interdire techniquement leur consommation illicite, les DRM (digital right management,
ou système numérique de gestion des droits) ont également pour objet l’identification
des œuvres, le suivi de leur exploitation et le « reporting » auprès des sociétés de gestion
collective. En pratique, néanmoins, les deux aspects sont étroitement liés.
Le principe repose sur le chiffrement des œuvres, qu’elles soient audio ou vidéo, afin
que seul un matériel disposant de la clé de déchiffrement inscrite sur le support soit
capable d’accéder au contenu. Jusque là, sur les DVD, seule une protection logicielle était
retenue. Elle a très rapidement été contournée et les DVD ainsi protégés sont désormais
très aisément décryptables par des logiciels grand public (le contournement des DRM
demeure lui-même illégal, avec ce paradoxe : les DRM, mesures techniques permettant
de renforcer l’interdiction légale de copie, ne tirent plus leur force que du droit, la
technique étant dépassée).
L’année 2007 a d’ailleurs été marquée par l’abandon des protections matérielles attachées
à la vente de musique au format numérique (on sait que les systèmes de protection n’ont
pas réussi à s’imposer majoritairement sur les CD) : EMI a complètement abandonné les
DRM, Warner Music, Universal Music et Sony BMG ont signé des accords en ce sens
(au moins pour ce qui concerne le territoire américain) avec Amazon, concurrent du
iTunes d’Apple. Cela revient pour l’industrie phonographique à acter un débordement
par les usages (un an après l’adoption en France de la loi DADVSI qui a rendu illégal le
contournement des DRM).
L’industrie cinématographique, en collaboration avec les fabricants de matériels, fait un
autre pari : elle mise sur l’arrivée de la haute définition pour verrouiller les usages hauts
de gamme naissants. Les protections logicielles s’avérant insuffisantes, les fabricants se
sont orientés vers des systèmes de DRM matériels qui assurent une identification fiable,
via internet, du matériel afin de contrôler l’utilisation qui est faite d’une œuvre.
Cette double protection, réputée inviolable par ses concepteurs, est en fait déjà largement
attaquée et a subi des revers dès les premiers mois de son utilisation : outre qu’un
hacker a réussi à la contourner en mettant à profit une faille de sécurité corrigée depuis,
elle suppose de toute façon que les constructeurs implémentent les puces électroniques
dédiées dans leurs périphériques, ce qui est encore loin d’être le cas de tous, en
particulier dans l’univers informatique.
LAN - HORS SERIE - Mars 2008
C’est le cas des DVD haute définition (le format BlueRay vient d’ailleurs de s’imposer
au détriment du HD-DVD), dont le contenu n’est pas protégé de manière logicielle mais
bien directement via une double protection matérielle : AACS et HDCP. Alors qu’AACS
(Advanced Access Content System) est essentiellement utilisée pour protéger le contenu
du DVD, HDCP (High Bandwidth Digital Content Protection) permet d’encrypter un flux
transitant entre un lecteur et le support utilisé pour la restitution du contenu (écran ou
moniteur). Bien entendu, cet encryptage nécessite une qualification de toute la chaîne
matérielle utilisée pour le rendu de l’œuvre.
9
« Le modèle publicitaire pour la musique pourrait
bien être le lieu d’une prochaine bulle : les revenus
générés, fondés sur le nombre de pages vues, se
révèlent marginaux et en tout cas inférieurs à la
rémunération attendue par les majors.
Dossier
»
le pionnier Last.fm, permettant de déléguer une
part du choix à des outils qui prennent en compte
les goûts de l’utilisateur. Il existe presque autant
de modèles de distribution que d’acteurs se
positionnant sur le secteur, depuis la web radio
pure et simple transposant sur internet la logique
de la bonne vieille TSF jusqu’à des modèles de
téléchargement, avec ou sans DRM.
L’abonnement
LAN - HORS SERIE - Mars 2008
D’un point de vue des modèles économiques, la
logique de l’abonnement a d’abord prévalu, comme
par exemple chez la Fnac ou MusicMe (15 euros par
mois pour du téléchargement illimité, avec écoute
sur n’importe quel support même hors de toute
connexion internet, les DRM bloquent la lecture une
fois l’abonnement échu ou résilié) ; c’est également
le modèle retenu par exemple par Neuf avec son
service Neuf music, dont la version de base est
gratuite pour tout abonné à l’offre internet triple
play du FAI, tandis que pour moins de 5 euros par
mois il peut accéder à un catalogue élargi. Là aussi,
la musique téléchargée devient inexploitable si
l’abonnement est interrompu. On remplace donc
une logique d’achat d’un droit d’écoute indéfini
d’une œuvre en particulier par une logique d’accès
payant pour une durée déterminée à un catalogue
global. Il y a fort à parier que ce type de modèles
de musique dite illimitée vont se généraliser et être
intégrés dans les offres de base des fournisseurs
d’accès, des opérateurs mobiles, des fabricants
de hardware, mais aussi sur les réseaux sociaux
et les blogs (avec les widgets, comme ceux que
vient de lancer Apple, sous le label My Tunes). Un
moteur de recherche dédié comme gBox fait un pari
similaire, et Google soi-même noue des partenariats
en ce sens pour concurrencer Baidu sur le territoire
chinois.
10
La borne Automazic, créée
par l’association Musique Libre !,
diffuse gratuitement de la musique
produite sous licences libres.
Lire ci-contre et en page 3
Les licences dites « libres » attirent de plus en plus
d’adeptes. Elles offrent une souplesse et une liberté
dans la production, la modification, la diffusion et la
consommation des oeuvres culturelles.
Licences libres : l’alternative
Une licence libre est une licence s’appliquant
à une œuvre pour en faire un contenu libre,
offrant à l’utilisateur certains droits quant à
l’utilisation, à la modification, à la rediffusion et à
la réutilisation de cette œuvre (source Wikipédia).
Il existe plusieurs formes de licences libres,
allant de la formule offrant le maximum de
liberté d’utilisation à la formule ouverte mais
avec quelques restrictions de réutilisation.
L’esprit de ces licences va à l’encontre de
la position des majors de l’industrie de la
musique mais semble attirer de plus en plus
d’adeptes. Les internautes y trouvent leur
compte car elles permettent, entre autres, de
consommer gratuitement de la musique, de
découvrir de nouveaux artistes, de promouvoir
le développement d’un système alternatif en
dehors de tout risque de sanction.
Certains artistes pensent pouvoir tirer plus de
bénéfices de la distribution de leur musique sous
licence libre que de passer par le système de
distribution classique qui compte de nombreux
intermédiaires et permet selon eux à très peu
d’artistes de vivre des recettes de leurs œuvres.
Sur le Net, la rémunération passe par plupart
du temps par des appels à donations et/ou par
le partage des revenus publicitaires entre la
plateforme de musique libre et les artistes.
Exemples
La plateforme en ligne Pragmazic, de
l’association Musique Libre ! (Lire page 3) opte
pour la signature d’accords avec certains labels
et permet à la fois le téléchargement gratuit
sous format MP3 et la vente sous format CD.
Sur Jamendo, les artistes ont le choix de mettre
en ligne leur musique sous licence « Creative
Commons ». Cela leur permet de varier le degré
de restriction et donc de conserver leurs droits
d’auteurs sur leurs œuvres ainsi qu’une certaine
maîtrise de leur réutilisation. Un artiste pourra
donc diffuser une chanson sur la plateforme en
exigeant que sa chanson ne soit pas modifiée
ni distribuée à des fins commerciales. La facilité
de récupération des contenus sur Internet rend
plus que probable une utilisation contraire aux
intentions de l’artiste mais ces licences agissent
comme garantes de la possibilité d’un éventuel
recours en justice en cas de violation des
conditions posées.
La licence globale remise au goût du jour
Scott Cohen, fondateur de The Orchard, un service
d’agrégation pour la distribution musicale numérique, a
donné le 6 février au Midem ce que d’aucuns considèrent
comme une magistrale leçon de mathématiques
économiques : de 42 milliards de dollars il y a dix
ans, le marché mondial de la musique est aujourd’hui
inférieur à 30 milliards, et probablement sous les 20
milliards d’ici 2010. Comment générer 20 milliards
de plus par an ? Croire qu’on puisse monétiser les
fichiers téléchargés illégalement aujourd’hui est une
illusion, mais même en imaginant le faire à hauteur
de 99 cents l’unité, on ne dégagerait que 12 milliards
de dollars par an. Le modèle par abonnement génère
aujourd’hui un demi milliard de dollars par an, et le
modèle publicitaire a dégagé moins de 100 millions
de dollars de chiffre d’affaires en 2007. Même en
tenant compte de la marge de progression de ces
deux derniers modèles, on est loin du compte.
La conclusion qu’il en tire ne surprend pas :
« considérez le nombre de personnes connectées, car
c’est là que les choses se passent, conseille Scott
Cohen : 1,1 milliard d’abonnés à Internet dans le
monde ; 3,6 milliards d’abonnés à la téléphonie
mobile. Un prélèvement de un dollar sur chacun de
ces abonnements rapporterait environ 4,7 milliards de
dollars par mois, soit plus de 50 milliards de dollars
par an ». Voici le modèle de la licence globale qui
repointe le bout de son nez, une conclusion pas très
éloignée de celle de François Moreau dans Capital, qui
en se limitant au marché français évalue à six euros
le surcoût mensuel à imposer aux 14 millions de foyer
connectés à haut débit.
Reste qu’à ce jour on n’a guère vu de proposition
applicable de mise en œuvre d’une telle mesure, et
que le rapport Olivennes (lire page 7) ne s’oriente
clairement pas dans ce sens (le rapport Attali y
semble plus favorable mais demeure très général).
Et puis il faut se méfier de l’évidence de certains
rapprochements chiffrés : là où la production d’un
CD a un coût unitaire, un fichier est reproductible à
l’infini à l’identique sans surcoût unitaire (hors coûts
de mise à disposition), ce qui implique pour l’industrie
phonographique et les multiples acteurs de la chaîne
un changement de paradigme douloureux.
Dossier
A l’abonnement forfaitisé s’ajoute donc le modèle de
l’abonnement sponsorisé, les majors se rétribuant
directement auprès des distributeurs. Et l’on en vient
à la fameuse gratuité, le modèle publicitaire ayant fait
l’objet de nombreux lancements de startups durant le
second semestre 2007. C’est le modèle proche de celui
d’une webradio (celle-ci reverse environ 5% de son
chiffre d’affaires à des organismes comme la SACEM)
qui a été retenu par Deezer, on se rémunère donc
indirectement sur le trafic généré par le contenu plutôt
que sur le contenu lui-même. Avec Airtist, le modèle
est différent, puisque l’internaute peut télécharger
gratuitement un fichier MP3 dépourvu de DRM mais
doit pour cela visionner auparavant l’intégralité d’un
clip publicitaire en ligne.
Reste que le modèle publicitaire pour la musique
pourrait bien être le lieu d’une prochaine bulle : les
revenus générés, fondés sur le nombre de pages vues,
se révèlent marginaux et en tout cas inférieurs à la
rémunération attendue par les majors. Pour donner
accès à leur catalogue, ces dernières exigent de plus
en contrepartie des avances sur recettes et des prises
de participation au capital qui donnent à penser qu’il
s’agit de pomper à court terme les capitaux disposés
à s’investir dans le web 2.0 plutôt que d’inventer un
nouveau modèle pérenne… et qui prenne en compte
la redistribution aux artistes.
Livre numérique et téléchargement
Le livre numérique devient un fait de société,
relayé par des terminaux de lecture adaptés
et connectés (le Booken de Cytale ou plus
récemment, le Kindle d’Amazon par exemple).
De grands projets de numérisation en cours
_Google, notamment, aurait scanné près de 9
millions d’ouvrages_ placent les professionnels
du livre face aux même enjeux que ceux
rencontrés par les acteurs de l’industrie du
disque et du cinéma : droits d’auteur et droits
voisins malmenés, téléchargement illégal (on
trouve déjà sur les réseaux peer-to-peer certains
ouvrages et revues scannés par les internautes
eux-mêmes, et notamment des bandes dessinées
et des revues en grand nombre), verrous
techniques et défaut d’interopérabilité, etc. Les
enjeux économiques ne peuvent être dissociés
des enjeux patrimoniaux : ce n’est pas la seule
conservation qui est en jeu mais la capacité à
continuer d’enrichir le patrimoine existant dans
le respect des diversités. D’autant que le marché
du livre est déjà bien malmené, et que le livre
lui-même, en tant que pratique culturelle, a
connu des jours meilleurs. La numérisation
pourrait donc bien, à terme, accompagner la
mutation du livre vers une forme nouvelle.
D’ailleurs, la plupart des terminaux de lecture de
livres électroniques, dits « readers », développés
actuellement intègrent également une fonction
de baladeur MP3…
(Extrait du dossier hors série (octobre 2007), « Vers
un écosystème numérique de l’écrit et du livre »,
disponible en pdf sur le site d’AEC :
http://www.aecom.org/veille/pdf/Lan_hors-serie_
livre_numerisation.pdf)
LAN -HORS SERIE - Mars 2008
La gratuité
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Les termes à maîtriser :
Télécharger des logiciels :
telecharger.com ; cnet.com ; O1.net ;
framasoft.net (logiciels libres) ;
microsoft.com
Télécharger des fichiers multimédias : jamendo.com et dogmazic.net
; Miro et Joost sont des logiciels permettant de télécharger des vidéos grâce à
la technologie peer-to-peer. L’utilisation de logiciels basés sur cette technologie
(Kazaa, Emule, Azureus) est autorisée mais il faut garder à l’esprit que la source
téléchargée doit être légale pour ne pas se retrouver en infraction avec la loi.
Dossier
Utilisateurs.
Voici une synthèse de tout ce que vous devez savoir pour télécharger des fichiers sur internet.
Ce qui est légal… et ce qui ne l’est pas
Concernant les logiciels :
Le logiciel ne peut être téléchargé qu’avec l’accord
de son auteur. La copie en est interdite sauf dans
un objectif de sauvegarde si l’on détient déjà les
droits d’utilisation.
les personnes diffusant ou facilitant la diffusion
d’un logiciel permettant de casser les mesures
de protection. Le téléchargement de ces outils
est reconnu comme du recel avec des peines
équivalentes (Lire aussi page 6 et 7).
Ces règles s’appliquent à tous téléchargements
ou échanges de copies effectués par le biais des
e-mails, messageries instantanées, newsgroups,
logiciels d’échanges en peer-to-peer et serveurs de
fichiers, séparés du serveur web (ftp) ou intégrés
(http). La légalité incombe, là, au diffuseur du
fichier et parfois aussi à l’hébergeur (lire également
page 8 et 9).
Quand devient-on un pirate du net ?
LAN - HORS SERIE - Mars 2008
Concernant les oeuvres audiovisuelles :
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Il faut avoir acquis les droits pour pouvoir y accéder
mais la loi prévoit qu’une fois diffusée, les ayantsdroits ne peuvent s’opposer à la communication
de l’œuvre. Les personnes qui détiennent les
droits doivent alors percevoir une rémunération.
La copie privée est exceptionnellement autorisée
pour un usage privé du copiste (pour écoute sur
un baladeur MP3 notamment), ce dernier pouvant
partager uniquement l’original avec ses amis ou sa
famille.
La loi Dadvsi précise l’exercice de l’exception de
copie privée par le fait qu’elle ne doit pas porter
atteinte à « l’exploitation normale » de l’œuvre
ni aux intérêts légitimes du titulaire des droits
de façon injustifiée. La loi affirme aussi le statut
de protection anti-copie mis en place par les
distributeurs et l’interdiction de s’attaquer aux
dispositifs de protection des œuvres (de type DRM,
chiffrement des DVD, etc. Lire aussi l’encadré page
11). Enfin, elle interdit la mise à disposition de la
version numérisée d’œuvres protégées.
Les peines : la loi Dadvsi fixe des amendes de 300
000 euros et une peine de 3 ans d’emprisonnement
pour toute personne éditant un logiciel destiné à
la mise à disposition non autorisée d’œuvres ou
d’objets protégés par le droit d’auteur, et jusqu’à
6 mois de prison et 30 000 euros d’amende pour
La légalité du téléchargement dépend de l’origine
du fichier : si le site qui le diffuse possède les droits
de diffusion, alors le téléchargement est légal. Dans
le cas contraire, les internautes qui téléchargent
peuvent être poursuivis. Ils doivent alors faire la
preuve de leur bonne foi. De même pour la copie
privée qui n’est autorisée que si le fichier source
est légal et qui ne peut être utilisée que dans un
cadre strictement privé. Dans le cas d’échanges en
Peer-to-peer, les fichiers même incomplets sont
considérés comme pirates. Le seul fait d’essayer
de télécharger est en soi une infraction. C’est
toujours le responsable de la connexion internet
de l’ordinateur incriminé qui est responsable des
activités illégales constatées sur cet ordinateur.
Vos contact à AEC :
Service accompagnement Juridique et TIC :
François Gilbert : [email protected]
Oumeira Tegally : [email protected]
Elles gèrent aussi des contenus objets de droits d’auteur qu’il faut recenser et partager.
Créer une cartographie des origines des oeuvres
Les collectivités gèrent quotidiennement des contenus objets de droit d’auteur qu’il s’agisse de photos
illustrant le patrimoine architectural de la ville, de textes décrivant un lieu historique ou des données
récupérées auprès de tiers. La gestion de ce fonds de contenus est souvent faite de manière éparse,
les différents services ayant chacun leur propre « lot » de textes, images et vidéos. La multiplication de
contenus sous format numérique rend le recensement nécessaire. Pour ce faire, chaque service devrait
être amené à remplir une grille standardisée pour recueillir des informations sur le type d’œuvre détenu,
les conventions passées pour son obtention, les droits qui ont été accordés (diffusion sur tel et tel support,
diffusion sous licence « Creative Commons ») et les utilisations qui en ont été faites afin de tout centraliser
et de permettre, dans la mesure du possible, un partage et une connaissance des fonds existants.
Dossier
Collectivités.
La question du blog juridique d’AEC
L’agent public détient-il des droits sur l’œuvre qu’il a créée dans le cadre de l’exercice de ses
fonctions ou de l’exécution des instructions reçues?
Oui, puisque la loi DADVSI est venue consacrer le droit d’auteur de l’agent public. Avant cette loi,
on faisait référence à l’avis « Ofrateme » rendu par le Conseil d’Etat en 1972, qui précise que les
nécessités du service public justifient que l’administration détiennent automatiquement les droits
sur les œuvres créées par ses agents.
Depuis la loi du 1er août 2006, un fonctionnaire qui créé une œuvre en détient les droits. Il faut
cependant distinguer selon la nature de l’exploitation prévue de l’œuvre (nouvel article L131-3-1 al.1
du Code de la propriété intellectuelle):
Une exploitation non commerciale
Les droits ne seront cédés de plein droit à l’administration qu’à la condition que ce soit dans
une mesure « strictement nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public ». Cette
cession de plein droit peut donner lieu à intéressement de l’agent en contrepartie de l’avantage tiré
de cette exploitation par l’administration. Un décret en Conseil d’Etat viendra préciser les modalités
de cet intéressement.
L’administration ne dispose envers l’agent public que d’un droit de préférence, il ne pourra être
reproché à l’agent de céder ses droits au plus offrant.
L’article L 111-1 du Code de la propriété intellectuelle s’applique désormais à l’agent public. Celui-ci
bénéficie de la protection de son œuvre au même titre que n’importe quel autre salarié, et à la même
condition que la création en question présente le caractère d’originalité, c’est-à-dire comportant
l’empreinte de la personnalité de son auteur.
Si la loi du 1er août 2006 a étendu les droits des agents publics, elle a inversement réduit le champ
des droits moraux des agents :
Droit de divulgation : l’agent est soumis aux restrictions liées à son statut de fonctionnaire, il a
une forte obligation de discrétion et une obligation de respecter les règles propres à l’institution à
laquelle il appartient.
Droit de repentir : le droit de repentir et de retrait (article L.121-4 du Code de la propriété intellectuelle)
est exclu, sauf accord de l’autorité hiérarchique.
http://www.aecom.org/blog/juridique/questions.html
LAN - HORS SERIE - Mars 2008
Une exploitation commerciale
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Dossier
Aquitaine Europe Communication et ses
partenaires, vous donnent rendez-vous pour débattre, notamment, des
droits d’auteur dans un monde numérique :
Conférence
« Mutations numériques, mutations juridiques »
Les bouleversements sociétaux liés aux technologies numériques soulèvent de multiples
questions sur le plan juridique. Le numérique impacte nos vies personnelles et
professionnelles, il remet en jeu les libertés individuelles, il modifie les modèles existants
de création de valeur, le travail des collectivités, la création de contenus de propriété
intellectuelle et la politique publique d’accès à Internet, etc.
En collaboration avec le Forum des droits de l’internet et l’Université de Bordeaux 4, AEC consacre une
journée d’échanges sur ces questions baptisée «Mutations numériques, mutations juridiques».
L’occasion d’approfondir des sujets comme l’encadrement juridique des lieux d’accès public à l’internet,
la valeur et la valorisations de la donnée publique au sein des collectivités, les Creative Commons, la
protection des données personnelles, la cybersurveillance des salariés et de découvrir les perspectives 2008
en matière de commerce électronique, participation citoyenne (vote électronique, participation citoyenne…)
et protection de l’enfance, propriété littéraire et artistique.
Avec Isabelle Falque-Pierrotin, présidente du Forum des Droits sur l’Internet ; Maître Daniel Lasserre, avocat,
SCP Wickers Lasserre Maysounabe ; Emmanuel Kessous, chercheur en sociologie économique, laboratoire de
Sociologie des Usages et de traitement Statistique de l’Information du centre de R&D de France Télécom ;
Stéphane Gregoire, juriste, chargé de mission du Forum des Droits de l’Internet ; François Gilbert, directeur
de l’Accompagnement, juriste TIC, Aquitaine Europe Communication et Eric Culnaert, responsable de la
veille, Aquitaine Europe Communication.
Colloque
« Cinéma et audiovisuel à l’heure du numérique »
Internet et le numérique ont profondément bouleversé l’industrie culturelle du cinéma et de l’audiovisuel
au niveau de la création, de la diffusion ou de la consommation des oeuvres.
Quelles sont ces mutations en court ou à venir, aussi bien dans les foyers que dans les salles ?
Quels modèles économiques émergent, au niveau international, dans un respect des
libertés individuelles et des droits d’auteurs ?
A l’occasion du 400ème anniversaire de la fondation de la ville de Québec, Aquitaine Image
Cinéma et Aquitaine Europe Communication proposent un colloque sur le thème « Cinéma
et audiovisuel : la création d’origine incontrôlée. L’économie de la création à l’heure du
numérique. »
LAN - N° 12 - Mars 2008
Il se déroulera le 7 avril prochain, à partir de 10 heures, au Conseil régional d’Aquitaine.
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Parmi les intervenants programmés, sont notamment attendus : Margot RICARD, réalisatrice, professeure,
École des médias, Université du Québec à Montréal ; Daniel SAUVAGET, géographe, économiste, enseignant
en cinéma et audiovisuel, Université de Paris III ; Philippe LEMOINE, président du groupe Laser et président
du Forum d’action Modernités ; Pierre MAJOR, directeur général, direction générale de la planification
et projets spéciaux, société de développement des entreprises culturelles (SODEC) ; Xavier DAVERAT,
professeur, Université Montesquieu Bordeaux 4 ; Dahlia KOWNATOR, déléguée générale, Association des
Fournisseurs d’Accès ; Pascal ROGARD, directeur général, Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques
; Guy SELIGMAN, président de la Société civile des auteurs multimédia (SCAM)
Programmes complets et comptes rendus sur :
http://www.aecom.org/blog/rdv/actualitesaec.html
Aquitaine Europe Communication 23, parvis de Chartrons 33074 Bordeaux Téléphone:+33 (0)5 57 57 01 01 web : www.aecom.org