Note préparatoire

Transcription

Note préparatoire
Note préparatoire
Petit déjeuner du 09/02/12
Qu’est ce que l’insertion ?
Comme beaucoup de termes de la sphère des politiques publiques et singulièrement du travail social, la notion
d’insertion recouvre à la fois des notions floues et des compétences dont le périmètre, le financement et l’exercice sont
eux précisément définis par les textes et la loi.
L’inscription de la notion d’insertion dans le champ du travail social crée également une certaine distorsion au sein d’un
monde où se côtoient la légitimité d’association purement locale d’émanation locale, celle de fédération nationale dont
l’origine confessionnelle ou militante, même atténuée aujourd’hui reste à la base de leurs paradigmes, et celle d’un
service public puissant organisé, aujourd’hui presque exclusivement décentralisée au sein du département qui gère à
la fois les équipes de terrains, et d’importants subsides.
Enfin la double nature des minima sociaux, et en particulier du Revenu de Solidarité Active, crée 2 droits qui vont se
confronter et se contredire. D’une part le droit à l’allocation, dont l’exercice a été confié au département, s’exerce dans le
cadre général de l’accès aux allocations de la branche famille la sécurité sociale, CAF et MSA. Il est un droit qui s’inscrit
d’abord dans la question de la lutte contre la pauvreté.
D’autre part le droit à l’insertion s’exerce aujourd’hui à partir d’un diagnostic et d’une orientation qui remet le pôle
emploi dans une position vis-à-vis des publics les plus fragiles qu’il avait perdu en partie sous l’effet de l’ancien revenu
minimum d’insertion.
Ces trois facteurs créent une tension réelle, à la fois dans la définition du qui fait quoi, et dans la définition même des
termes. Cette note exploratoire a pour ambition de préparer le premier petit déjeuner des assises de l’insertion, qui doit
permettre à son tour de définir les thèmes à approfondir critiquer et explorer.
À l’origine des termes
Les termes insertion, lutte contre les exclusions, inclusion sont des termes neufs à la fois dans le débat politique et dans
les disciplines du travail social.
L’ouvrage de Lenoir en 1974 sur les exclus permet à l’époque de tracer une définition de la pauvreté, évaluée à 10 % à
l’époque où se mêlent personnes âgées et populations dont le cumul de difficultés sociales se transmet de génération
en génération nécessitant une approche spécifique.
Cet ouvrage est important car il permet de dater une cassure à partir de la crise économique des années 70 avec
l’émergence de ceux que Robert Castel appelait les naufragés de la crise, c’est-à-dire ceux pour qui la problématique
sociale qui émergeait était due principalement à l’absence de ressources issues du travail.
C’est dans ce contexte-là que naît la notion d’insertion. D’abord dans le rapport Schwartz en 1981, pour les jeunes
sortant de l’école sans diplôme, et qui aboutira à la création des missions locales et des Permanences d’Accueil et
d’Information et d’Orientation (PAIO).
Ensuite dans les plans de réinsertion des chômeurs de longue durée lancés par Jean le Garrec qui vont aboutir en 1984
à la création d’allocation d’insertion pour les chômeurs financés par l’État dissociés des allocations d’assurance-chômage financées par les contributions des partenaires sociaux. Ainsi naissent les allocations d’insertion accordées sous
condition aux jeunes et aux femmes seules à la recherche d’un emploi et l’allocation spécifique destinée aux chômeurs
de longue durée ayant épuisé leurs droits.
Ainsi, également naissent les premiers contrats aidés, les travaux d’utilité collective (TUC), dans un contexte qui n’est
toujours pas la lutte contre la pauvreté, mais celui de l’insertion de personnes privées d’emploi.
Le tournant s’effectue d’abord dans l’alternance de 1986, quand Adrien Zeller, secrétaire d’État chargé de la sécurité
sociale signe avec des communes d’Ille-et-Vilaine des conventions de compléments de ressources pour les personnes
les plus défavorisées, et qu’en parallèle le gouvernement met en place un plan d’action contre la pauvreté la précarité
qui notamment favorise les dons aux associations caritatives et ce par du système de déduction fiscale.
C’est dans ce temps d’ailleurs que se cristallise le débat sur la nouvelle pauvreté, et c’est Joseph Wrezinski le fondateur
d’ATD quart-monde qui réintroduira cette question de la pauvreté dans l’exclusion de ces nouveaux pauvres dont la
problématique vient rejoindre celle des anciens pauvres décrits dans l’ouvrage de Lenoir.
L’institution du Revenu Minimum d’Insertion par Michel Rocard est une tentative de résolution de cette tension. D’une
part la loi crée un revenu minimum, une allocation universelle dont l’objectif est clairement de lutter contre la pauvreté
et qui s’inscrit dans la continuité de la création du minimum vieillesse en 1956 de l’allocation adulte handicapé, et dans
la création de l’allocation parent isolé en 1976. D’autre part elle crée une obligation d’insertion. Cette obligation est un
objet inédit. Elle porte obligation de contractualiser entre la puissance publique et le bénéficiaire, mais n’est pas une
contrepartie à l’allocation. Par contre la puissance publique, ici le Département, doit prévoir la mise en oeuvre d’action
d’insertion sociale et professionnelle qui se traduit par un Programme Départemental d’Insertion (PDI) financé par une
obligation légale d’inscrire 20 % de la dépense en terme d’allocation en actions d’insertion (c’est dans ce cadre-là que
vont se développer ou se consolider toute une série d’actions d’insertion que nous examinerons dans la deuxième
partie). De 88 à 96, c’est autour de cette question du RMI que vont s’articuler les mesures de lutte contre l’exclusion.
Cette notion s’affermit et se redéfinit en 1996 avec Jacques Barrot, Xavier Emmanuelli, et Geneviève Antonioz De
Gaulle qui remettent en avant les notions de renforcement de cohésion sociale et de lutte contre l’exclusion sociale, et
qui trouveront leur traduction dans le programme de prévention de lutte contre les exclusions présentées par Martine
Aubry en 98, dans la création de la couverture maladie universelle, puis dans le programme de prévention et de lutte
contre la pauvreté d’exclusion sociale d’Élisabeth Guigou.
Cette tension sera celle des 10 dernières années. Parce que la pauvreté et l’exclusion montent, le RMI est montré du
doigt comme incapable de résoudre la question de la pauvreté, alors que ce n’était pas sa fonction, et en parallèle, l’Etat
promeut la notion de cohésion sociale notamment et principalement autour de la question du renouvellement urbain. On
prévoit des dispositifs d’hébergement d’urgence en amplifiant les mesures fiscales et en focalisant un certain nombre de
questions sur le logement préparant l’arrivée récente du « logement d’abord » comme mesure phare de la lutte contre
l’exclusion.
Le RSA va également être une tentative de résolution de cette tension. Celui-ci s’origine dans deux débats.
La critique du RMI déjà pointée qui fait fi de la mise en place des outils financés sur les crédits insertion, et du turnover
important (un tiers entrant, un tiers sortant) des bénéficiaires.
Le rapport « famille, vulnérabilité, pauvreté » remis par Martin Hirsh au ministre Douste-Blazy.
Ce rapport met en perspective la question des travailleurs pauvres dans la famille, mettant en évidence le caractère
insupportable que dès lors qu’au moins un membre de la famille travaille régulièrement, les unités, la composant,
puissent vivre en dessous du seuil de pauvreté. Ce rapport porte plusieurs propositions sur l’établissement de nouvelles
relations avec les services sociaux, sur l’accompagnement personnalisé, sur la création d’un droit opposable... Il porte
surtout l’idée d’un revenu de solidarité active qui se substitue au RMI, remplace celui ci en terme de revenu universel,
mais comporte un mécanisme de calcul différentiel plus incitateur à la reprise d’emploi.
Le mécanisme qui sera mis en place par la loi de 2009 et par Martin Hirsh devenu haut-commissaire aux solidarités
actives va tenter de résoudre la tension entre lutte contre la pauvreté et insertion.
Ainsi la loi va reposer la question des droits en créant d’un côté le droit à l’allocation et de l’autre le droit à
l’accompagnement, en posant timidement la question de l’orientation vers l’accompagnement.
En effet, en posant la question de l’orientation vers le service social départemental, (pour faire simple), des
publics pour lesquels le frein social empêchant paraît trop important et vers pôle emploi pour les autres publics cette loi
interroge les fondements même de l’insertion et de la pauvreté.
Ainsi d’un côté on retrouve la notion d’exclus pour lesquels le travail social doit mettre en place des actions réparatrices
et/ou éducatives et de l’autre la question de l’insertion des travailleurs privés durablement d’emplois et pour lesquels on
demande à pôle emploi de reprendre son rôle perdu depuis 1988.
Les principaux outils de l’insertion
L’insertion est une idée neuve qui a permis de développer de nombreuses initiatives dans plusieurs champs différents
mais principalement autour de deux étapes : le diagnostic et l’accompagnement. Le diagnostic est un peu le parent
pauvre et la dimension oubliée des politiques d’insertion. Une hypothèse envisageable est une conjonction entre d’une
part l’idéologie du contrat porté par le revenu minimum d’insertion et celle du projet de l’accompagnement à l’élaboration
de projets portés par le travail social qui laissent en apparence une marge d’initiative plus importante aux bénéficiaires,
et qui masque en réalité une certaine impuissance.
Cette notion n’est quasiment jamais abordée autrement qu’en filigrane. Absente de la loi créant le RMI, elle a souvent
pourtant été mise en place par les départements et assez souvent en relation avec l’ANPE.
Cette notion a été reprise en Gironde dans quelques cas.
Le diagnostic social est resté la compétence des travailleurs sociaux, même si il n’a jamais fait l’objet d’une
formalisation partagée au-delà de ce qu’on a pu inscrire dans les contrats d’insertion.
Le diagnostic professionnel ou social professionnel a été testé au travers de prestations de type marché, qui ont évolué
de plus en plus avec la pression du revenu de solidarité active vers l’idée de construire des projets personnalisés pour
l’emploi réaliste adapté et conçu avec les personnes.
La loi généralisant le RSA introduisait la nécessité de ce diagnostic afin que celui-ci puisse permettre
l’orientation des bénéficiaires soit vers l’emploi soit vers le social. Malheureusement ce diagnostic d’orientation est
resté embryonnaire, en partie parce que nous n’avons pas su nous saisir de la possibilité d’utiliser @rsa pour saisir les
données socioprofessionnelles, en partie parce que le dispositif de plate-forme d’orientation en aval que nous avions
construit n’a pas permis de recevoir les allocataires en masse.
L’essentiel des actions d’insertion mises en place dans les départements, comme en Gironde, ont été constituées
autour de la notion d’accompagnement.
- Accompagnement social, en appliquant dans le champ d’insertion des méthodologies de travail social et
d’accompagnement des personnes à mettre en place leur « stratégie ».
- Accompagnement par l’activité, en permettant de développer auprès de l’État d’insertion par l’activité
économique (I A E)
- Accompagnement dans l’emploi, soit dans l’emploi direct avec des méthodes du type IOD soit dans des
emplois protégés type CES CAV.
- Accompagnement dans/et par la formation, allant d’action d’alphabétisation au développement de chantiers
d’insertion formation avec la région.
Ces deux outils ont eu un effet de normalisation d’une partie du monde associatif, permettant la professionnalisation en
particulier du réseau de l’IAE et de la formation, mais en limitant la marge d’initiative.
Enfin un troisième type d’outil a été forgé autour de l’idée de rendre le territoire insérant. Cette idée fait en partie
le pont avec les outils de lutte contre les exclusions et la pauvreté. Elle vise en effet à permettre aux territoires de
trouver les ressources endogènes pour lutter contre la précarité et la pauvreté, voire pour développer des recettes et
réponses spécifiques aux problèmes rencontrés. C’est dans cette optique qu’avaient été créées les Antennes
Girondines d’Insertion (AGI) en 2004. C’est à cet objectif que répondent les politiques de développement social local.
En Gironde deux grands types d’actions y répondent :
- les développeurs de l’offre d’insertion qui répondent à la commande de générer une offre d’insertion et
d’emplois adaptés aux besoins du territoire.
- la politique de citoyenneté qui recherche à faire émerger l’initiative locale et à renouer le lien social.
Les outils de la lutte contre les exclusions et la pauvreté.
Les premiers outils de lutte contre la pauvreté restent les minima sociaux accordés dans le cadre de la redistribution
des richesses l’État-providence. Leur date de création illustre bien la tension et l’évolution historique montrées dans la
première partie.
Le minimum vieillesse, l’allocation adulte handicapé, l’allocation parent isolé ne sont pas des allocations universelles
mais sont destinés à permettre de lutter contre la pauvreté du public que leur situation démographique ou sociale exclue
de la croissance.
L’ASS, l’allocation d’insertion et plus encore le RMI vont rompre avec cette situation. Il y a à partir de 1988 un
mécanisme qui empêche la pauvreté absolue, mais qui reste très en dessous du seuil de pauvreté.
À côté de ces allocations universelles, s’ajoutent des dispositifs thématiques. Dans le champ de la santé, pour éviter
l’exclusion des plus précaires de la sécurité sociale, on invente la couverture maladie universelle qui est d’abord une
réponse en matière d’accès au système médical.
Le logement est le secteur où s’amoncellent le plus d’outils destinés aux personnes et la construction.
Allocation personnalisée logement, fonds de solidarité logement, logement opposable, prévention des expulsions,
sous-location, baux glissants, CHRS, pensions de familles …. À destination des personnes.
Loi SRU, financement des logements sociaux, défiscalisation pour favoriser la construction de logements locatifs,
Et enfin dispositif de SIAO et de logement d’abord. L’ensemble de ces dispositifs logements sont d’ailleurs définis à
partir des différentes lois de lutte contre l’exclusion, mais en ne tenant pas compte de la position du Conseil Général
comme chef de file de l’insertion.
Sur ce champ de la lutte contre la pauvreté, l’État diversement relayé par les départements a pesé fort sur
l’externalisation vers les associations en cherchant dans ce monde associatif des relais et les initiatives. Pour autant il a
conduit également une politique de dispositifs qui a conduit ces mêmes associations à s’inscrire dans des programmes
pas toujours pérennes. L’initiative associative peut y être davantage mise en valeur, mais en fragilisant les structures qui
doivent multiplier leurs sources de financement et en particulier par le biais de la collecte, dans un temps où le bénévolat
est en crise.
L’occasion nous est fournie par les assises de l’insertion de repositionner ces politiques et ces actions.
Comment pouvons-nous reformuler cette question de l’insertion ?
Comment pouvons-nous faire en sorte que politiques d’insertion et politiques de lutte contre l’exclusion ne soient pas
utilisées à tour de rôle mais forment bien un continuum ?
Comment le Conseil Général intègre-t-il ses partenaires ?
Quelle est la place des associations ? de l’initiative associative ? de l’initiative locale ? des travailleurs sociaux ? De pôle
emploi ? de l’économie ?