le chantage
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LE CHANTAGE Le chantage est le fait d’obtenir, en menaçant de révéler ou d’imputer des faits de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération, soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d’un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien quelconque. I - ELEMENT LEGAL L’article 312-10 du C.P. définit et réprime le chantage. II - ELEMENT MATERIEL C’est la nature de la menace qui distingue le chantage de l’extorsion. Il ne s’agit pas de menaces de violences ou de contrainte morale, mais de menace de diffamation. En revanche le but recherché est identique à celui de l’extorsion. MENACE DE REVELATIONS OU D’IMPUTATIONS DIFFAMATOIRES Caractère diffamatoire de la menace L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse définit la diffamation comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ». La jurisprudence en déduit que « le chantage consiste à menacer quelqu’un de faire connaître à des tiers…des faits portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne menacée » (C.A. Paris, 24 mars 1953). La révélation est à distinguer de l’imputation. Si la première consiste à reprendre, répéter ou reproduire des propos ou des écrits attribués à des tiers, la seconde s’entend plutôt de l’affirmation personnelle d’un fait dont son auteur prend la responsabilité. Une menace visant une personne physique ou morale L’atteinte diffamatoire doit être dirigée exclusivement contre une personne physique ou morale. L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 protège ces deux types de personnes qui peuvent, l’une comme l’autre, être atteintes dans leur honneur ou leur considération. On en déduit que le délit de chantage peut être commis à l’égard d’une société. Jurisprudence : . Menace proférée par l’employé d’une banque de saisir la Commission des opérations de bourse d’un dossier compromettant sur des pratiques de ladite banque (cass. crim., 12 octobre 1995). Version au 01/11/2010 © INFPN – Tous droits réservés Page 1 La personne qui est sous le coup de la menace de diffamation peut ne pas être la victime directe du chantage. Le délit existe dès la menace de révélation d’un fait pouvant porter atteinte à l’honneur ou la considération d’un tiers. Par exemple, un proche parent qui a pu exercer sur celui qui en est l’objet une contrainte morale propre à obtenir de lui la remise d’une somme d’argent ou de valeurs (cass. crim., 15 avril 1896). Une menace visant un fait déterminé vrai ou faux La menace doit se référer à un fait précis, qui à lui seul, va déterminer la victime à procéder à la remise de l’objet demandé. Par contre, peu importe que le fait soit vrai ou faux. Le code pénal vise « l’imputation » pouvant porter sur des faits imaginaires, mais également la « révélation » impliquant la véracité du fait. Jurisprudences : . Menace de dévoiler à la famille de la victime et à ses proches ses liaisons vraies ou supposées (C.A. Aix-en-Provence, 7 juin 1993). . La menace de divulguer à la presse et à l’opinion publique des agissements prétendus frauduleux (C.A. Paris 11° chambre, 8 mars 1989). L’EXPRESSION DE LA MENACE Menace écrite ou verbale L’article 312-12 du C.P. ne fait aucune distinction quant à la forme de la menace, on peut donc en déduire que celle-ci peut être aussi bien écrite qu’orale. Sens et portée de la menace Il arrive souvent que la menace soit exprimée en termes voilés, sibyllins ou lourds de sous-entendus. La Cour de cassation n’a jamais exigé que le fait diffamatoire soit clairement énoncé par le maître chanteur et se contente de menaces implicites ou par allusion, dès lors que celles-ci sont faciles à comprendre par la victime et qu’elles produisent sur elle une pression entraînant de sa part la remise de fonds ou de valeurs. Inapplicabilité des lois sur la presse Le chantage peut être commis par voie de presse, cependant il sera toujours traité comme un délit de droit commun. La jurisprudence a toujours refusé de lui appliquer les règles de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. L’OBJET DE LA MENACE L’objet de la menace est le même que celui de l’extorsion (une signature, un engagement, une renonciation ou la révélation d’un secret). Quel que soit le but recherché, celui-ci doit résulter directement des menaces pour que le chantage soit juridiquement constitué. Il ne saurait y avoir chantage s’il n’est pas clairement établi que l’auteur des menaces exigeait quelque chose (C.A. Paris, 11° chambre, 25 mai 1999). Une signature Il s’agit de l’extorsion de la signature elle-même. En ce sens, l’infraction est constituée par le seul fait de contraindre une personne à apposer sa signature ou son paraphe sur un document. La nature et la portée de ce document importent peu, il peut même s’agir d’une feuille blanche. Version au 01/11/2010 © INFPN – Tous droits réservés Page 2 Un engagement ou une renonciation Sont visés ici les actes écrits emportant ou non des conséquences pécuniaires (contrats de toute sorte, quittances, reçus, démission, mainlevées, etc.), mais également des engagements non écrits ou à caractère non patrimonial. Jurisprudence : . Exigence, par un salarié, d’une promotion recommandation (cass. crim., 12 octobre 1995). professionnelle et d’une lettre de La révélation d’un secret L’article 312-10 du C.P. ne donne aucune précision sur le mot « secret », on doit donc l’entendre dans son acception la plus large. Sont compris aussi bien les secrets de la vie privée que les secrets professionnels, les secrets de correspondance ou les secrets des affaires. De même, il peut s’agir du secret personnel comme du secret d’autrui extorqué à son dépositaire. La remise de fonds, de valeurs ou d’un bien quelconque Les termes « fonds et valeurs » visent l’ensemble des valeurs mobilières (actions, obligations, bons, titres de rente, etc.), les effets de commerce, mais aussi tous les instruments de paiement (billets de banque, chèques, cartes bancaires ou leur code confidentiel, mandats, etc.). Jurisprudence : . Pression exercée par un frère sur sa sœur afin qu’elle verse une somme correspondant à une partie de l’héritage de leur père, avant que la part de chacun ne soit déterminée par le notaire (C.A. Orléans, 9 janvier 1995). III - ELEMENT MORAL VOLONTE DE L’AUTEUR DE CONTRAINDRE AUTRUI POUR OBTENIR CE QUI N’AURAIT PU ETRE OBTENU PAR UN ACCORD LIBREMENT CONSENTI La Cour de cassation a défini l’élément intentionnel du chantage comme étant « le dessein de contraindre autrui à souscrire des engagements ou à remettre des fonds » (cass. crim., 25 octobre 1973). Cette définition qui écarte le mobile, permet d’atteindre notamment le maître chanteur qui agit par simple esprit de vengeance ou par intérêt personnel, qu’il veuille s’ériger en justicier ou poursuivre des buts désintéressés. IV - CIRCONSTANCES AGGRAVANTES Article 312-11 du C.P. Lorsque l’auteur du chantage a mis sa menace à exécution. Version au 01/11/2010 © INFPN – Tous droits réservés Page 3 V - REPRESSION LES PEINES ENCOURUES Personnes physiques QUALIFICATION CLASSIFICATION SIMPLE ARTICLE CIRCONSTANCES AGGRAVANTES - 5 ans d’emprisonnement - 75 000 € d’amende 312-10 du C.P. DELIT AGGRAVEE 312-11 du C.P. PEINES PRINCIPALES Circonstance prévue au présent article - 7 ans d'emprisonnement - 100 000 € d'amende Personnes morales Les peines applicables aux personnes morales responsables sont énumérées à l’article 312-15 du C.P.. déclarées PEINES COMPLEMENTAIRES Article 312-13 du C.P. pénalement LA TENTATIVE : OUI La tentative de chantage est prévue et réprimée par l’article 312-12 du C.P.. La tentative est réprimée comme le délit lui-même. Comme pour toute tentative, elle doit être caractérisée par un commencement d’exécution et ne pas aboutir du fait de l’intervention de circonstances indépendantes de la volonté de l’auteur. Ainsi, la tentative est constituée quand la victime parvient à résister au chantage, lorsqu’elle a refusé de s’exécuter dans le délai qui lui était imparti ou bien encore lorsque le titre remis par celle-ci est entaché de nullité. Jurisprudences : . Tentative de chantage constituée lorsque la victime refuse de s’exécuter dans le délai imparti, même si le maître chanteur envoie une lettre d’excuses à l’expiration dudit délai (C.A. Orléans, 9 janvier 1995). . Tentative de chantage constituée, lorsque la victime a contrefait elle-même sa propre signature sur le chèque qu’elle a remis, le rendant ainsi sans valeur effective (C.A. Bordeaux, 23 février 1994). LA COMPLICITE : OUI La complicité est évidemment applicable en matière de chantage conformément aux dispositions de l’article 121-7 du C.P. Elle suppose un des faits constitutifs de complicité prévus par la loi, à savoir : aide et assistance, provocation ou instructions données. L’IMMUNITE FAMILIALE : OUI L’article 312-12 alinéa 2 du C.P. précise que les dispositions de l’article 311-12 instituant une immunité familiale en matière de vol s’appliquent au chantage. Ainsi, le chantage ne peut donner lieu à des poursuites pénales lorsqu’il est commis par une personne : 1° au préjudice de son ascendant ou de son descendant ; 2° au préjudice de son conjoint, sauf en cas de séparation de corps ou de résidences séparées. Toutefois, l’immunité familiale n’est pas retenue lorsque le chantage porte sur des objets ou documents indispensables à la vie quotidienne de la victime, tels que des documents d'identité, relatifs au titre de séjour ou de résidence d'un étranger, ou des moyens de paiement. EXEMPTION ET REDUCTION DE PEINE : NON Version au 01/11/2010 © INFPN – Tous droits réservés Page 4