Analyse du suivi d`entraînement d`un SHN triathlon

Transcription

Analyse du suivi d`entraînement d`un SHN triathlon
Analyse du suivi d’entraînement d’un SHN triathlon
Evolution du niveau de performance en course à pied
Sommaire
1- PRESENTATION
2- ANALYSE DES DONNEES
3- DISCUSSION
4- CONCLUSION
1-
PRESENTATION
Le but de cette étude de cas n'est pas d’ériger un modèle mais plutôt de retracer en détails un exemple de
chemin singulier de sportif inscrit dans une démarche de Haut Niveau en Triathlon. Grâce au suivi précis de son carnet
d’entraînement depuis son entrée en pôle Espoir en septembre 2005, à 15 ans, jusqu’à la réalisation de performances
de bon niveau à 22 ans en catégorie U23, c'est-à-dire sur 7 années complètes. Les nombreux éléments et repères qui
émergent permettent de caractériser la progression de cet athlète.
D’une façon générale, les qualités de ce sportif ne se reflètent pas forcément dans les données chiffrées mais
plutôt dans le respect des fondamentaux de l'entraînement que sont l’engagement, la passion, la rigueur et la
consistance dans le travail. A ce titre, cette lecture permet de prendre du recul vis-à-vis des niveaux de performances
attendues dans les catégories jeunes. Chaque sportif a son histoire, ses qualités propres et une capacité plus ou moins
importante à s’investir dans un projet de performance sur le long terme. Dans l'exemple présenté ci-après le chemin
vers la haute performance est en cours, il n’est pas achevé.
Issu d’un environnement familial assez sportif, le sport a toujours été pratiqué dès l’école primaire avec une
activité multisport le mercredi après-midi et une sortie en famille le dimanche : le plus souvent une balade à vélo ou
une petite randonnée. La première activité sportive encadrée est le tennis à raison d’une séance par semaine. On peut
dire que ce futur sportif de haut niveau a baigné très jeune dans un contexte sportif avec des activités en semaine, les
weekends et pendant les vacances mais sans notion de compétition ni projet clairement défini. Il n’y a pas eu de
pratique intensive avant 14 ans.
La découverte du triathlon s’est faite au travers du club local avec des entraînements le mercredi (natation) et le
samedi (vélo – course à pied) en minimes. Les premières compétitions et le 1er Championnat de France en minime 1
(26ème) ont été réalisés avec un volume global d’entraînement compris entre 5h et 10h par semaine.
La naissance du projet d’entrée en Pôle s’est opérée durant l’année de minime 2 avec une plus grande implication dans
l’entraînement avant les Championnats en suivant les conseils et les plans d’un entraîneur de triathlon. Une deuxième
séance de natation, une sortie en vélo le dimanche matin et quelques séances de home-trainer en semaine ont alors été
ajoutées. En minime 2, l’athlète a ainsi pu atteindre un niveau national et intégrer un Pôle Espoirs de triathlon lors de
la rentrée en classe de seconde, pour la saison cadet 1ère année.
Dès lors, le projet triathlon est devenu plus concret grâce à un entraînement ciblé et systématique, et à l'abandon de la
pratique du tennis.
Pendant les 3 années de lycée et la première année à l’université, les charges d'entraînement ont
progressivement augmenté. Pendant ces 4 années, le niveau de performance de l'athlète se situait parmi les 5 meilleurs
français de la catégorie d'âge (Cadets puis Juniors). Le passage en catégorie U23 a été difficile et les performances ne
correspondaient plus au niveau d’exigence du Pôle Espoirs. La décision a alors été prise de ne pas reconduire l'athlète
dans la structure.
L’année suivante a été marquée par un retour à un entraînement en club avec un changement d’entraîneur
référent et une forte augmentation des charges mais sans réussir à concrétiser de résultats. Puis l'athlète a à nouveau
changé de club. S'en est suivie une période de flou sur le plan de l’entraînement jusqu'au retour au sein du Pôle en tant
que partenaire d’entraînement. L'athlète a alors été pris en charge par un nouvel entraîneur référent. Des résultats
significatifs obtenus alors ont justifié la réintégration officielle de l'athlète au sein du Pôle.
2- ANALYSE DES DONNEES
L'athlète a commencé à noter quotidiennement ses séances dans son carnet d’entraînement à partir de son entrée en
Pôle Espoirs à la fin de la saison de Minime 2. Dès lors, il est possible d'analyser et de comparer les données d'une
année sur l'autre.
D’un point de vue quantitatif, les semaines ont été classées en fonction du nombre d’heures d’entrainement réalisées
en triathlon et du nombre de kilomètres courus. Ce premier critère permet d’identifier les semaines sans course à pied
(0km) et les semaines de repos complet (coupure). Aussi ont été identifiées pour chaque année les semaines
maximales en termes d’heures d’entraînement et de kilométrage en course à pied.
En course à pied, nous avons isolé certaines séries types réalisées chaque saison. Ces données sont complétées par les
valeurs de tests sur piste, les temps officiels réalisés sur route et les vitesses relevées en compétitions triathlon /
duathlon.
Carnets d’entraînement :
Le suivi d’entraînement porte sur 7 années, soit un total de 2555 jours.
- Aperçu d’ensemble
Le tableau ci-dessous montre année par année les trois paramètres généraux : le volume horaire, le nombre de
kilomètres parcourus et le nombre de séances par semaine. Les valeurs correspondent non pas à des moyennes
annuelles strictes mais à la base hebdomadaire type de l’entraînement hivernal.
Saison
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Catégorie
Minime 1
Minime 2
Cadet 1
Cadet 2
Junior 1
Junior 2
U 23 (1)
U 23 (2)
U 23 (3)
Situation
Club, Collège
Club, Collège
Pôle, Lycée
Pôle, Lycée
Pôle, Lycée
Pôle, FAC
Pôle, FAC
Club, FAC
Pôle, FAC
tennis, club
triathlon
Mononucléose
chute fin août
(2 mois off
entre J1 et
J2)
blessure
cuisse
8
8
13
15
16
18
22
15 à 25
25
8
15
25 à 30
30 à 40
35 à 40
45 à 50
60
20 à 80
80 à 90
1à2
2
3
4
4à5
5
6
7à8
8
(hiver précédent)
Remarques
Vol. horaire
hebdomadaire
2
blessures
(6 sem.
off)
(base hivernale)
Kilométrage
hebdomadaire
(base hivernale)
Nombre de
séances
hebdomadaires
(base hivernale)
- Analyse détaillée
Les volumes horaires et kilométriques hebdomadaires sont répartis en quatre groupes:
Moins de 10h, entre 10 et 15h, entre 15 et 20h, plus de 20h,
Moins de 20km, entre 20 et 40km, entre 40 et 60km, plus de 60km.
En italique est indiqué le nombre de semaines supérieures à 25h et le volume précis des semaines à plus de 70km.
Les autres paramètres relevés sont : le nombre de courses (triathlon / duathlon), le nombre de semaines sans courir,
ainsi que les kilométrages et volumes horaires hebdomadaires maximaux.
Nombres
Volumes
de
Horaires semaines
hebdo
Années
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Catégorie
CG1
CG 2
JG 1
JG 2
U 23 (1)
U 23 (2)
U 23 (3)
Vol H < 10h
5
9
10
4
6
3
5
15h > Vol H > 10h
20
14
11
12
7
9
8
20h > Vol H > 15h
16
19
22
16
17
16
13
25h > Vol H > 20h
7
10
6
7
15
12
9
Vol H > 25h
1
0
1
3
7
12
17
30h40
33h30
34h35
H hebdo max
Nombres
de
semaines
Km
hebdo
CàP
25h20 23h40 26h30 30h20
0 km
5
4
4
3
5
7
4
km CàP < 20km
14
7
4
5
2
5
0
40km > km CàP > 20km
28
35
38
17
9
10
5
60km > km CàP> 40km
1
6
14
23
20
13
10
0
2
3
14
17
33
78, 79,
71, 74,
70, 71,
95
80, 73,
93, 97,
87, 84,
87, 78,
95, 94
108, 90, 79, 97, 84,
100, 70, 74, 78, 108,
116, 77, 80,101,87,
74, 102, 98, 81, 111,
110, 100, 110, 110,
116, 76, 98
95
97,5
116,5
18
19
17
120 > km CàP > 60km
km hebdo CàP > 70 km
km CàP hebdo max
52
48
66
62,5
8
16
16
(FIT +
coupe
OX)
24
Nombre de TRI et DUA
CHRONO sur 10km FFA
33'47" 33'28" 32'36"
31'42"
30'48"
Séances types :
Les temps effectués sur piste lors des séries types de course à pied réalisées chaque année (excepté en minime où elles
ont été réalisées en nature ou sur route) témoignent d’un niveau de réponse dans la discipline à un instant précis de la
carrière de l’athlète. L’évolution dans le temps des paramètres de la charge révèle une progression : les distances, le
nombre de course et le nombre de répétitions augmentent. Dans le même temps on observe une augmentation des
vitesses et/ou une diminution du temps de récupération au sein des séances.
Catégories
Dates
Minime 1
01/12/2004
3x[10x 30’’-30’’] VMA
06/05/2005
10x400m d=2’ (1’16’’)
22/12/2005
5x1000m r=1’15’’ (3’20’’)
11/01/2006
8x600m r=1’30’’ (tout en 1’52’’)
01/02/2006
10x400m r=1’ (tout en 1’10’’)
22/02/2006
4x1200m d=6’30’’ (3’59’’ 3’57’’ 3’58’’ 3’58’’)
28/02/2007
5x800m r=100m marche / 100m trottiné (entre 2’29’’ et 2’32’’)
21/03/2007
5x1000m d=5’ (3’11’ 3’12’’ 3’11’’ 3’12’’ 3’03’’)
21/04/2007
2000m d=9’ (6’18’’) + 3x1000m d=5’ (2’53’’ 3’05 3’00’’)
17/01/2008
1200m 1600m 1200m 1000m r=100 marche / 100 trottiné (3’50’’ 5’12’’ 3’55’’ 3’04’’)
24/01/2008
10x500m r=50 marche / 50 trottiné (tout en 1’33’’, 1’35’’)
01/04/2008
2x[1200m 800m 400m] (3’45’’ 2’26’’ 1’12’’ 3’37’’ 2’23’’ 1’12’’)
01/06/2008
2000m 1000m 1500m 500m r=2’ (6’34’’ 3’06’’ 4’45’’ 1’28’’)
22/01/2009
5x800m r =100 marche / 100 trottiné (2’26’’ 2’29’’ 2 27’’ 2’28’’ 2’27’’)
17/02/2009
12x400m r=diagonale marche (tout en 1’14’’)
13/03/2009
4x1500m r=1’marche 1’30’’ trottiné (5’05’’ 4’55’’ 4’48’’ 4’40’’) - idem (tout en 4’53’’)
01/06/2009
2x2000m d=9’ (6’27’’ 6’26’’)
25/03/2010
3000m 2000m 2000m 1000m r= 3’ / 2’/ 2’ (9’45’’ 6’20’’ 6’15’’ 3’05’’)
01/06/2010
15x300m r=100 trottiné / R=4’ après le 8è (tout en 54’’, 53’’)
20/08/2010
10x500m r=100 trottiné (tout en 1’31’’, 1’33’’)
01/02/2011
4x1000m r=3’ (2’55’’)
26/02/2011
3x [3x400m] r=1’15’’ / R=6’ (tout en 1’04’’, 1’05’’)
02/03/2011
10x800m r=100 marche (tout en 2’38’’, 2’40’’)
08/03/2011
3x1000m d=5’ (r=3’) 2x500m d=3’ (r=2’) 2x1000m d=5’ 500m (3’03’’ 3’05’’ 3’04’’ 1’26’’ 1’27’’ 3’05’’ 3’04’’ 1’29’’)
14/02/2012
10x600m r=1’20’’ (progressif 1’43’’ à 1’35’’)
11/04/2012
10x400m r=1’15’’ (progressif 1’06’’ à 1’02’’)
Minime 2
Cadet 1
Cadet 2
Junior 1
Junior 2
U 23 (1)
U23 (2)
U23 (3)
Détails des séries sur piste : date / série / récupération / temps réalisés
3x[2000m 1000m 500m] r=2’/ 1’30’’ / 3’ (6’19’’ 3’04’’ 1’30’’ 6’15’’ 3’02’’ 1’28’’ 6’14’’ 3'00’’ 1 ‘24’’)
Cross-country :
Depuis minime 1 la préparation hivernale a intégré la participation systématique à la saison de cross-country (UNSS
puis FFA) et à une course locale sur route réservée aux jeunes.
En cadet 2, une ou deux épreuves de 10km sur route (sauf en 2011) sont venues compléter ces épreuves d’athlétisme.
Au final, cela représente une moyenne de 3 à 4 compétitions chaque hiver entre décembre à février (aucune
participation aux Championnats de France que ce soit UNSS ou FFA).
Tests d’effort :
Les tests d’efforts ont tous été réalisés au laboratoire d’Antibes Centre Régional Médico Sportif d'Antibes Centre
Hospitalier d'Antibes.
Le premier a été réalisé sur ergocycle lors de l'entrée en pôle espoirs. Par la suite, trois tests d’efforts ont été réalisés
dans des conditions similaires mais en course à pied sur tapis roulant avant les saisons de Junior 1, Junior 2 et U23. Le
protocole était le suivant : Après un échauffement, la vitesse était incrémentée de 1 km/h toutes les 3 minutes jusqu’à
atteinte du SV2 puis de 1 km/h toutes les minutes jusqu'à épuisement. Les valeurs de SV2 et de PMA /VMA obtenues
sont reportées dans le tableau suivant.
03/10/2005
06/12/2007
26/03/2009
18/03/2010
Hiver avant C1
Hiver avant J1
Junior 2
U23
Ergocycle
Tapis roulant*
Tapis roulant*
Tapis roulant*
FC repos (bpm)
49
53
50
51
VO2max (l/min)
3,63
3,94
4,42
4,19
VO2max (ml/min/kg)
63,6
69
72,6
68,2
FC max (bpm)
185
193
193
190
PMA (W) / VMA (km/h)
320
20
22
22
TESTS D'EFFORT
Ergomètres
18 / 184
19 / 181
19 / 173
SV2 (km/h et bpm)
(*) Les valeurs de VMA obtenues sur tapis roulant sont en général supérieures de 0,5 à 1,5 km/h àcelles
obtenues sur piste, en fonction des tapis et des protocoles utilisés.
Temps officiels :
10km Route
A partir de la catégorie Cadet 2, l'athlète a participé à des compétitions sur route dont son premier 10km officiel FFA
en février à Cannes. L’année suivante il a à nouveau participé à cette compétition. Les années suivantes, toutes les
références ont été établies à Nice en janvier sur une épreuve officielle FFA. Chaque saison (hormis 2011), nous avons
observé une amélioration du temps total et également du temps de passage au 5km. Ce dernier est très représentatif de
la valeur de l'athlète sur 5000m lors de chaque saison.
Tests sur piste
Les tests indiqués ont été réalisés sur piste dans le cadre de la recherche des minimas à réaliser pour l’Equipe de
France Junior. Il ne s’agit pas de compétitions FFA. Le temps sur 3000m noté en 2012 correspond à une série test
réalisée en août à l’entraînement.
TEMPS
OFFICIELS
Année
2007
Catégorie
Cadet 2
2008
Junior 1 Junior 2
Route (10km)
Route (5km)
5000
15’57’’
5000
Chrono final
16’01’’
33’47’’
33’28’’
Passage 5km
Chrono final
2010
2011
2012
2013
U 23 (1)
U 23 (2)
U 23 (3)
Elite
9’01’’
3000
Pistes
2009
16’21’’
* 2x500m - 3000m (8’43’’fin à 172 bpm) 4x500m
** malade
8’43’’*
32’36’’
31’42’’
30’48’’
30’59’’**
16’13’’
15’55’’
15’10’’
15’05’’
Vitesses en course :
Depuis plusieurs années, la Direction Technique Nationale mesure avec un odomètre les parcours pédestres des
grandes épreuves de triathlon. Ces données permettent d’obtenir des informations complémentaires et précises sur les
vitesses de courses à pied. Le tableau ci-dessous présente les relevés de distances sur les épreuves nationales
(Championnat de France et Grand Prix) et sur les épreuves internationales (Coupes d'Europe et Championnat du
Monde de Duathlon) auxquelles l'athlète a participé en 2011 et 2012.
Date
avril-11
sept. 2011
mars-12
Type
GP
Chpt France
CE
mai-12
CE
GP
Nice
Villiers/L
Quarteira Antalya Dunkerque
Lieu
10231m
10039m 9966m
5150m
Distance 5163m
19.06
17.88
18.99
18.74
19.07
Vitesse
*En déduisant la pénalité la vitesse réelle corrigée est de 19.9km/h.
juin-12
WC FISU
Yilan
9729m
17.61
septembre-12
Cht
France
Saint Cyr
9331m
18.41
GP
WC Duathlon
Nice
5700m
20.07
Nancy
10325m 5075m
19.53 19.42*
3- DISCUSSION
Les épisodes liés au parcours
Le parcours de cet athlète a été ponctué de périodes d’arrêts causées par des blessures liées à la pratique et à des
accidents. Une phase de mononucléose a également perturbé toute la préparation et le début de saison de l’année en
cadet 1. Ainsi l'analyse du cahier d'entraînement révèle chaque année entre 3 et 7 semaines sans courir qui
correspondent à des périodes de coupure volontaire en fin de saison et à des périodes d’arrêt pour raisons médicales.
De ce point de vue, le scénario n’a rien d’exceptionnel sur une période si longue (7 années). On observe cependant
chez cet athlète une forte capacité à reprendre rapidement un entraînement conséquent, à se remobiliser vers de
nouveaux objectifs après une blessure venue perturber la programmation initiale.
Les relations entre entraînement et performance
L’analyse de la charge d’entraînement montre une certaine cohérence au regard de la catégorie d’âge. Par exemple, on
constate une évolution progressive du nombre de semaines à 15h et plus (16 en cadet 1 dont 8 de plus de 20h, 39 en
U23 dont 17 à plus de 25h). A chaque stade, les performances réalisées en triathlon ont pu suivre assez logiquement la
courbe de l’entraînement.
Il s’agit d’un athlète qui répond bien à l’entraînement et qui a élevé son niveau de performance en même temps que sa
charge d’entraînement.
De la même manière, concernant le nombre de kilomètres de course à pied par semaine, on dénombre 1 seule semaine
à 40km et plus en cadet 1. 6 semaines en cadet 2, puis 16, 26, 34, 30 semaines lors des années suivantes et finalement
43 semaines en U23 2ème année. Les semaines à 70km et plus n'ont débuté qu'en catégorie U23 : seulement 7 et 10
semaines pour les deux premières années U23 puis 27 semaines lors de la troisième année U23. L'augmentation
importante du kilométrage hebdomadaire en course à pied en 2eme année U23 s’explique par la systématisation d’au
moins une journée par semaine incluant 2 entraînements de course. L’année suivante, c’est l’allongement de la durée
de chaque séance qui justifie le nombre bien plus élevé des semaines à 70km et plus (27).
L’analyse des séries types témoigne d’une VMA élevée dès les premières années et une augmentation de tous les
paramètres de la charge ainsi que des allures et des volumes les années suivantes.
En cadet 1, sur une séance visant le développement de SV2, l'athlète courait à 18km/h sur un 4800m (février) ce qui
explique les temps réalisés sur 10km et la difficulté à atteindre le palier de 33’20’’ (33’28’’ en junior 1).
En U23 (1), pour un même objectif, une des séances totalisait 8 km courus entre 18,5 et 19,5 km/h (mars). Cette
année-là, l'athlète a réalisé le temps de 31’42’’ (19km/h) sur 10km (janvier).
Les relations entre les valeurs de tests et les performances en compétition
Les valeurs des tests d’effort indiquent une progression importante entre les années juniors et U23. Pour un protocole
de test triangulaire identique, l’athlète valide en junior 2 un palier de plus à SV2 (19km/h) comparativement à l’année
de junior 1 (18km/h). Autrement dit, l'athlète a été capable de courir 3’de plus à 1 km/h plus vite pour la même
fréquence cardiaque presque identique (184 en J1 vs. 181bpm en J2). La valeur à VMA passe quant à elle de 20 à
22km/h (avec la restriction évoquée ci-dessus quant au test sur tapis roulant).
Les valeurs de VO2max de l'athlète autour de 70ml/min/kg en junior ne sont pas hors normes.
Les temps réalisés sur piste ne sont pas suffisamment nombreux pour permettre une analyse. On remarque que le
record sur 5000m en junior est à peine inférieur à 16' (15'57"), un temps interrogeant sur la capacité de l'athlète à
courir un jour à plus de 19.5 km/h sur 10km.
En revanche les temps officiels réalisés sur 10km témoignent d’une progression régulière. Il faut attendre la catégorie
Junior 1 pour voir l'athlète atteindre une vitesse moyenne de 18km/h sur 10km (3’20’’ au kilomètre). Ensuite, la
progression se fait par paliers successifs avec un gain de 52’’ en Junior puis 54’’ en U23 (1) avec le chrono de 31'42
(3'10/km, 19km/h). Enfin, deux saisons plus tard, l'athlète a atteint le palier de 19.5km/h sur 10km (3’05’’ au
kilomètre).
La correspondance avec les vitesses réalisées en triathlon n’est pas immédiate. Pour courir à 19km/h sur 5km lors d'un
triathlon en 2011, l’athlète a déjà couru un 10km sec à cette allure l’année précédente. En 2012, l'athlète a réussi à
courir à 19km/h sur 10km en triathlon mais seulement après avoir amélioré ses performances sur 10km sec (30’48’’
en janvier de cette année). Il est alors devenu possible de courir à 20km/h sur 5km après le vélo (en triathlon et
duathlon). Les temps réalisés sur piste confirment les étapes franchies dans les allures soutenues en triathlon et en
duathlon. A ce titre, la performance de 8’43’’ réalisée sur 3000m (en série) est révélatrice du cap franchi lors de l'hiver
2012-2013.
Ces observations confirment la pensée communément admise dans l’entraînement en triathlon selon laquelle il est
possible de courir 5km en triathlon à la vitesse du 10km sec. Inversement, on peut dans une certaine mesure extrapoler
une valeur sur 10km à partir de la vitesse sur 5km en triathlon.
Pour son 1er triathlon Courte Distance en junior 1, l’athlète n’était pas en capacité de supporter la pré-fatigue
occasionnée par les efforts fournis dans l’eau et sur le vélo. La course à pied était alors difficile à la fois sur le plan
musculaire et sur le plan physiologique et, au final, les vitesses étaient faibles. A cette même période, le triathlon
sprint ne posait par contre aucun problème et l’athlète parvenait à s’exprimer pleinement sur la dernière épreuve
(5km).
Le niveau atteint aujourd'hui par cet athlète lui a permis de courir à 2 reprises à 20 km/h sur 5 km en triathlon sprint
(septembre 2012, dont une fois sur 5700 m). Ainsi on peut estimer que le niveau de l'athlète sur 10km sec était proche
de 30’00’’. Sur triathlon CD, la vitesse de 19km/h a été maintenue dès le début de saison mais ensuite les parcours et
les conditions climatiques n’ont pas permis l'amélioration de cette marque.
4- CONCLUSION
Analyse du sportif par lui-même
"Dans les catégories jeunes, je me suis toujours considéré et j'ai toujours été considéré comme un coureur à pied. Les
résultats allaient dans ce sens et je pensais pouvoir courir moins de 33’ dès mon premier 10 km. En réalisant très
difficilement 33’45’’ j’ai compris qu'il serait très difficile de courir un jour moins de 31’. Ca me paraissait énorme à
cette époque. Malgré tout dans mon esprit, je voulais être prudent sur le volume et privilégier la qualité. J’ai toujours
eu l’impression que les kilomètres me fatiguaient et que je n’avais pas besoin de courir beaucoup pour être
performant. Cela a bien fonctionné avec bien sûr une augmentation progressive mais raisonnée de la charge. Sur mes
deux années juniors j’ai continué être l’un des meilleurs coureurs de la catégorie et mes temps se sont améliorés
chaque année. Le grand choc est intervenu en catégorie U23 avec mes premiers grand prix et coupes d’Europe.
J’ai réalisé que je n’avais pas le niveau pour suivre en course à pied et j’ai perdu confiance dans ma qualité de
coureur. J’ai donc pris conscience que pour pouvoir rivaliser je devrais beaucoup travailler et dès lors l’entraînement
en course à pied est devenu ma priorité.
Ce fut un vrai déclic. J’ai commencé à courir vraiment plus et j’ai amélioré progressivement tous mes temps de
référence". "Aujourd’hui un temps de 30’30’’ ne m’impressionne plus, je place le curseur à moins de 30’ sur 10km
FFA. Dans ma représentation je ne me sens pas forcément capable de courir mieux que 29’55’’. Par contre je me
sentirais presque en mesure de le refaire après le vélo. En effet j’ai constaté que sur les sprints je pouvais courir à des
allures très proches de celles de mon record sur 5km".
"Désormais je considère que je peux encaisser sans souci une semaine complète de 28h d’entraînement incluant
100km de course à pied. Aussi je peux répéter cette charge sur plusieurs semaines sans risquer de me blesser. Je sais
qu’auparavant ce type de sollicitations aurait déclenché des blessures. Voilà pourquoi aujourd’hui mon objectif de
volume à pied est de valider 100km chaque semaine. En réduisant le volume en natation et à vélo, je peux
logiquement courir jusqu’à 130km. C’est vraiment l’acceptation de charges d’entraînement de plus en plus
conséquente qui me rend plus fort. Je sens que j’ai progressé grâce à une régularité et à une consistance dans mon
entraînement, j’ai atteint une plus grande maturité physique. L’an passé j’ai répondu présent sur toutes les séances
d’intensité sans jamais démissionner. Il faut reconnaître aussi la valeur de la force mentale. Je me pose maintenant
moins de questions, je sais vraiment me faire mal, je n’ai pas peur de la compétition et je peux prendre des risques. En
somme, j’ai plus d’expérience et de confiance en moi. Aussi, mon niveau vélo me permet de mieux courir puisque
désormais je souffre moins. Il y a certains triathlons sur lesquels je ne ressens rien sur le vélo. Même lorsque c’est très
difficile de rouler, je cours quand même bien derrière sans ressentir les efforts consentis avant. Le fait d’être
quasiment systématiquement au sein du groupe principal à vélo me met également dans de meilleures conditions pour
réaliser une bonne performance en course à pied : je fournis moins d’effort et je peux calquer mon allure sur celle des
meilleurs coureurs. Enfin, j’accorde plus d'importance à ma récupération avant les compétitions et je déculpabilise
lorsque je me repose au lieu de m’entraîner. Je suis beaucoup plus positif dans la tête, même en situation de course
lorsque le scénario ne m’est pas favorable. Aujourd’hui je sais que quoi qu’il se passe, je peux être actif mentalement
et physiquement jusqu’au bout sur un 10km en triathlon. Il m’a fallu 7 ans pour y arriver".
Quels enseignements nous apporte cette étude de cas ?
Ce sportif n’a pas réalisé de temps de valeur nationale, ni de résultats en course à pied significatifs dans les catégories
jeunes. Il a connu des épisodes difficiles qui ont retardé sa progression (mononucléose, lourde chute avec opération,
etc.) et ses résultats n'ont pas été réguliers. Qui plus est, des contre-indications à la pratique de la course à pied lui
avait été signalées par des kinésithérapeutes et podologues.
Néanmoins doté d’une forte personnalité, mise au service d’un réel projet de performance cet athlète a toujours montré
une grande persévérance. Sa passion pour le triathlon est réelle, et le fait d’aimer l’entraînement et la compétition sont
des atouts essentiels dans sa démarche. N’ayant pas obtenu de résultats dans la facilité chez les jeunes, le travail,
réalité quotidienne des sportifs de haut niveau, a vite été une valeur importante dans la construction de ses
performances. La capacité à savoir rebondir après des périodes difficiles est également un atout majeur de la réussite
de cet athlète. Enfin, avoir pu bénéficier à tous les instants d’un soutien important de sa famille est également une
donnée importante.
En résumé, cet athlète se caractérise par :
- Une envie de s’entraîner, un investissement sans faille, une vraie passion pour le triathlon,
- Une capacité à aller loin dans l’effort en compétition,
- Une aptitude en course à courir vite quelles que soient les conditions,
- Une capacité à performer de manière ciblée,
- Une qualité de « pied » et un poids léger.
La construction d’un sportif de haut niveau est un processus long qui demande une persévérance à long terme dans
l’entraînement. Le parcours singulier présenté, sans être un modèle, montre une volonté importante de l'athlète à
arriver à exprimer son potentiel.
Si les volumes kilométriques et horaires de notre athlète se rapprochent de ce qui se pratique chez les U23 au niveau
mondial, les valeurs des triathlètes Elite du circuit WCS sont supérieures. Il y a encore une marche à gravir,
notamment en natation afin que nous sachions, et lui aussi, quel est son niveau.
Aujourd’hui, les juniors de niveau international effectuent des charges d’entraînement plus importantes que celles de
notre athlète lors de ses années juniors. Il s’agit donc de mieux gérer et anticiper le passage d'une préparation pour des
épreuves Sprint à celle pour des épreuves Courte Distance de haut niveau. Sans doute les juniors d'aujourd'hui serontils mieux préparés au passage sur le format de course en U23.
Par Nicolas BECKER