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JEAN PRUVOST, LE PRINCE DES DICTIONNAIRES
Le savant Jean Pruvost est un professeur qui rend heureux. Un public de plus en
plus large sait que ce linguiste protéiforme sert notre langue à la fois avec munificence, majesté et simplicité et c’est une fois de plus le cas notamment dans son dernier livre : Journal d’un amoureux des mots 1.
Ce journal, véritable autobiographie généreuse, organise un immense réseau au
service du donner-recevoir. Aussi nous permet-il de partager mille émotions tirées de
sa marmite érudite.
Tant de générosité linguistique, je pourrais dire d’offrandes, a de quoi exalter nos
papilles lesquelles goûtent chaque mot découvert, examiné, célébré.
En plongeant dans ces chroniques foisonnantes, alléchantes, toutes plus étonnantes
les unes que les autres, grâce à Jean Pruvost, nous nous retrouvons au cœur de la
création lexicographique, comme avec Hubert Reeves lorsqu’il nous entraîne au
cœur de notre galaxie.
Toujours pour notre plus grand plaisir, notre savant linguiste dessine, cisèle, colorie
des mots à l’infini.
Ces chroniques pleines d’humour, d’humanité, s’écoulent de janvier à décembre,
c'est-à-dire une année complète. Avec l’auteur, un magicien, vous vous retrouvez en
train de parcourir un jardin où les mots deviennent des fruits délicieux, comme puisés
chez Brassens, Barbara ou Nougaro.
Mais, avant de vous immerger totalement dans ce jardin des délices, il faut découvrir
la force de conviction de l’auteur en lisant son préambule. Il est ineffable tant il
touche au tréfonds de l’être. Titré : « Tout cela à cause d’une mobylette », ce morceau d’anthologie devrait être obligatoire pour passer son baccalauréat. Pruvost,
Alain, Prévert, même combat.
« De la mob au mot, il n’y a en vérité qu’une lettre de différence », nous confie cet
éternel étudiant si respectueux des autres comme de son paternel. Ce n’est pas si
fréquent. Et un paternel s’use comme une pile « Wonder », à la condition que l’on
s’en serve. Avis aux amateurs.
Ce collectionneur impénitent de dictionnaires (il en a écrit plusieurs fort originaux),
directeur littéraire de la célèbre maison d’édition Honoré Champion, nous entraîne
dans une fascinante et délicieuse année que nous traversons tantôt avec la lenteur
d’un chanoine ou d’un pèlerin, tantôt à la vitesse d’un Georges Méliès.
En vérité, Jean Pruvost représente à merveille un pays à lui tout seul. Bientôt, on dira
« être Français comme Jean Pruvost » comme on disait « être Français comme Rivarol ou Sacha Guitry ».
1
Jean Pruvost : Journal d’un amoureux des mots, Larousse 2013.
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Avec une gentillesse un peu perverse, sans en avoir l’air mais l’œil brillant, cet amoureux des mots et de la vie nous livre mille et une anecdotes.
Autant avouer que ce « Journal d’un amoureux des mots » est un véritable chef
d’œuvre qui se lit comme un roman, sans cesse recommencé.
Il y a longtemps qu’à cause d’un livre je n’avais pas passé une nuit blanche (voir
page 134). Le très malicieux prince des dictionnaires s’est d’ailleurs bien gardé de
citer le mot insomniaque dans ce journal, vous l’avez compris, absolument génial. À
quand une rencontre entre Fabrice Lucchini et Jean Pruvost ? Elle s’impose comme
la respiration si nécessaire au bon déroulement de la vie.
Axel Maugey
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