communique election - Consulat Général d`Algérie à Tunis

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communique election - Consulat Général d`Algérie à Tunis
CONFERENCE DES CADRES DE LA NATION
Discours
(Palais des nations, Alger, Jeudi 26 Avril 2001)
Mesdames, Messieurs les Cadres de la Nation,
Il y a deux ans, le peuple algérien, dans un vaste mouvement de confiance et d’espoir,
me portait aux responsabilités qui sont aujourd’hui les miennes, sur un programme destiné à
sortir le pays de la crise.
Aujourd’hui, je voudrais procéder devant vous, et devant la nation tout entière, à un
point de la situation pour mesurer le chemin parcouru, avant de présenter les grandes lignes
du « programme de soutien de la relance économique à court et moyen terme » pour
consolider et prolonger les résultats positifs acquis au cours des deux dernières années.
Au moment où je prenais mes fonctions, notre pays semblait avoir été frappé par un
séisme de forte magnitude non suivi de reconstruction. Les décombres s’ajoutaient aux
décombres et les morts aux morts, tandis que la population, livrée au désarroi, s’interrogeait
sur son devenir.
C’est dans ce climat qui évoquait la fin du monde, que le commun des Algériens a pris
conscience de l’état de décadence avancé atteint par le pays, et qu’il réalisa que l’Algérie
n’était pas, ainsi que nous l’avions cru jusqu’alors, une réalisation des années passées, mais
un pays qu’il fallait reconstruire de fond en comble.
Avec le passage à un nouveau siècle, cette prise de conscience a été accompagnée d’un
autre sentiment, non moins angoissant, à savoir qu’en entrant dans un nouveau millénaire,
nous mettions le pied sur une nouvelle planète, dans une nouvelle ère caractérisée par le
rétrécissement de l’espace et la diminution des ressources, et où la sélection technologique
allait produire sur les peuples les mêmes effets que ceux produits sur les espèces à travers les
temps géologiques par la sélection naturelle.
Au cours des dix dernières années, notre pays a été comme un organisme atteint du
virus du Sida et qui voit tomber ses défenses immunitaires les unes après les autres. En
perdant sa cohésion morale et sociale à un moment où il croyait se libérer, il perdait ses
articulations internes, son « désir de vivre ensemble », son système immunitaire. Ce qui lui
avait été présenté comme une libération démocratique s’était avéré une désintégration morale,
une désarticulation de son corps, une dispersion de ses forces qui l’arrêtèrent sur la voie du
progrès, tandis que les autres nations poursuivaient leur développement.
En l’espace d’une décennie, tous les fils qui tissaient notre unité séculaire ont été brisés
sous la poussée conjointe de l’islamisme, du laïcisme, de l’arabisme, du berbérisme, du
corporatisme, du féminisme qui, à la faveur d’une ouverture démocratique mal préparée et
mal assumée, choquèrent les esprits et divisèrent la société en une multitude de factions.
Autant de dissensions et de dissonances, autant de discordances et de différences, ne peuvent
assurément rendre possibles la régulation de la vie sociale ni la définition d’une bonne
gouvernance.
Dès que le multipartisme fut proclamé, les Algériens qui s’attendaient à se voir invités à
adhérer à des programmes politiques et économiques alternatifs et annonciateurs d’avenir, se
virent brutalement confrontés à l’une ou l’autre des idéologies extrémistes qu’ils découvraient
soudainement, alors que tout ce qu’ils avaient souhaité au lendemain des événements
d’Octobre, c’était de vivre dans un Etat de droit dispensant la justice, protégeant les libertés
fondamentales, capable de relancer l’économie et de donner une place à l’Algérie dans le
monde.
De toute évidence, l’Etat en place à l’époque n’était pas en condition de répondre à cette
attente et à ces aspirations, et c’est pourquoi il s’effondra comme un château de cartes. L’Etat
qui a engagé le pays dans un pseudo processus de démocratisation farfelu, anarchique et
porteur de dangers, n’en était pas un. L’Etat qui a laissé se former dans les maquis une
véritable armée terroriste sans en venir à bout après dix ans n’en est pas un. L’Etat qui a
permis à des monopoles mafieux de mettre sous coupe réglée le commerce extérieur n’en est
pas un. L’Etat qui a soulevé contre lui méfiance et colère en agitant pendant plus de six ans le
spectre de la privatisation sans privatiser le moindre Souk-el-fellah n’en est pas un.
«Tout ce qui rompt l’unité sociale ne vaut rien. Toutes les institutions qui mettent
l’homme en contradiction avec lui-même ne valent rien» écrivait Rousseau dans « le Contrat
Social ». Cette vérité, nous l’avons cruellement vérifiée dans notre chair et dans notre âme.
C’est pour toutes ces raisons que je me suis fixé comme premier objectif de reconstruire
l’Etat en réformant les structures qui en restent pour mettre en place les fondations d’un
véritable Etat de droit, prenant en charge les intérêts de la nation et se mettant au service des
citoyens.
Mesdames, Messieurs les Cadres de la Nation,
En préconisant dès mon entrée en campagne électorale la Réconciliation Nationale, je
présentais en fait l’antidote du mal nouveau, le remède destiné à nous faire retrouver notre
désir de vivre ensemble dans des conditions et dans un cadre totalement renouvelés.
Dans mon esprit, la réconciliation nationale n’a jamais visé, ainsi que l’a prétendu une
vision réductrice, celle des assassins avec leurs victimes. Elle revêtait une portée
multidimensionnelle plus large et plus profonde.
Son but était de reconstituer les liens rompus entre les membres d’une même
communauté déchirée non seulement par les actes de violence, mais aussi et surtout par des
idéologies souvent erronées. Elle ne pouvait consister à mes yeux en une simple cessation des
actes de violence suivie d’une amnistie généralisée.
Elle signifiait dans son ultime finalité la restauration de la concorde entre les Algériens
de tous bords, la pacification des esprits et la sécurité pour tous, dans un effort quelquefois
inhumain d’oublier le passé.
Elle signifiait dans ses modalités la réconciliation spirituelle et politique des Algériens,
et la mobilisation de tous autour d’une œuvre de rénovation nationale qui, à travers la refonte
de l’Etat, la réorganisation du champ politique et les réformes structurelles, serait de nature à
éliminer les causes qui avaient engendré la crise, et à créer de nouvelles relations sociales.
Quand je parle de réconciliation, je n’envisage pas un retour au monolithisme ou à
l’autocratie, je veux dire un accord minimal sur les règles régissant la vie politique et sociale,
et un consensus absolu lorsque les intérêts vitaux du pays sont en péril.
La réconciliation nationale, pour réussir effectivement, doit être multidimensionnelle, et
là encore je dois préciser ma pensée. J’entends par là qu’elle doit être à la fois de nature
morale, sociale, politique, économique et civilisationnelle.
Morale, parce que les Algériens doivent retrouver confiance en leur Etat, en leurs
institutions, en leurs dirigeants. Ils accorderont de nouveau leur confiance lorsque l’Etat
algérien aura été moralisé, lorsque ses pratiques seront devenues transparentes, lorsque la
justice sera devenue impartiale et ses décisions exécutoires, lorsque l’administration aura
cessé d’être une forteresse infranchissable, lorsque les services publics se seront réellement
mis au service des citoyens, lorsque les douanes et les ports ne seront plus des rideaux de fer
pour les uns et des passoires pour les autres, lorsque la corruption et la «Tchipa » auront
disparu, lorsqu’il n’y aura plus de ségrégation entre les citoyens et les «ayant-droits», lorsque
l’impunité ne sera plus opposée à leurs recours…
Sociale, parce que les Algériens doivent retrouver le sentiment que, quelle que soit la
classe sociale à laquelle ils appartiennent, qu’ils soient pauvres ou riches, chômeurs ou en
activité, ils sont solidaires dans la joie comme dans la peine ; que l’Etat utilise son budget et
sa fiscalité pour assurer une redistribution équitable de la richesse nationale, lutter contre la
pauvreté et l’exclusion; qu’il répartit les infrastructures et les facteurs de développement sur
l’ensemble des régions sans en privilégier les unes par rapport aux autres…
- Economique, parce que les discriminations entre les secteurs public et privé ont
longtemps porté préjudice au développement du pays, et qu’il devient urgent de mettre
définitivement un terme, dans les lois, les règlements et les pratiques à cette dualité, afin qu’il
ne soit plus question que de l’ « entreprise algérienne ». L’entreprise étrangère ou celle
résultant d’un partenariat devra être éligible au même traitement. Les partenaires
économiques et sociaux doivent également se réconcilier à travers un dialogue organisé et
permanent qui prenne en compte l’intérêt de l’entreprise autant que celui des travailleurs.
Politique, parce que c’est de là que tout est venu. Ni la première, ni la seconde loi sur
les partis n’ont remis de l’ordre dans le champ politique qui continue d’être caractérisé par
l’instrumentalisation des valeurs nationales que sont l’Islam, l’Arabité, l’Amazighité et les
valeurs de Novembre. Le réalisme et l’objectivité doivent faire percevoir à chacun que nous
sommes un pays qui relève d’une longue crise et qui demeure de ce fait fragile. Il faut du
temps, beaucoup de temps à un peuple pour acquérir une culture politique, une culture sociale
et une culture économique, préalables indispensables au passage du stade pré démocratique au
stade démocratique. Il lui faut une longue habitude de vivre, de travailler et d’entreprendre
ensemble avant d’aborder la phase où la thèse et l’antithèse ne débouchent plus sur des
affrontements armés, mais sur des compromis, sur une synthèse propre à rendre envisageables
la vie commune et la gouvernance au profit de tous.
La liberté d’expression n’est pas la liberté d’agression. Les lois doivent garantir, en
même temps que les libertés fondamentales, les recours contre les abus et les excès qui
peuvent être commis au nom de cette liberté.
- Civilisationnelle, car nous devons nous réconcilier aussi bien avec notre passé et notre
histoire millénaire qu’avec le monde contemporain. L’histoire de notre Révolution doit être
écrite et enseignée comme le couronnement de notre résurrection dans les temps modernes.
Toutes les étapes (coloniale, ottomane, arabe, romaine, amazighe) de notre histoire doivent
être connues et assumées comme autant de maillons de notre cheminement historique et
civilisationnel, avec ses hauts et ses bas, ses splendeurs et ses misères..
Mesdames, Messieurs les Cadres de la Nation,
La Concorde Civile que j’ai soumise au référendum populaire le 16 Septembre 1999
n’était qu’un jalon sur la voie de cette politique, dont les fruits apparaîtront au fur et à mesure
que les réformes touchant aux institutions de l’Etat, à la justice, à l’école et surtout à
l’économie donneront leurs résultats.
Certes, l’Algérie a beaucoup perdu du fait de la crise, mais elle se perdrait elle-même si
elle ne se décidait à rompre avec le cycle de la violence et la perpétuation de la haine. Un
précepte puisé dans notre tradition dit : « Il est mieux pour un gouvernant ou un juge de
pardonner par erreur que de châtier par erreur.».
M’inspirant de lui et en conformité avec la loi, j’ai pris des mesures de grâce et
d’amnistie allant dans le sens de la nécessaire réconciliation nationale. Je l’ai fait avec gravité,
avec la pleine conscience qu’en agissant ainsi, je déférais au sens de mes responsabilités pour
sortir le pays de l’engrenage de la mort.
Un jour, la crise ne sera plus qu’un mauvais souvenir, mais elle aura été utile. Elle nous
aura ouvert les yeux sur nos défaillances, notre naïveté, nos erreurs… Nous ne construirons
pas à l’avenir sur du sable, mais sur des assises fermes. La fraternité, la convivialité, la
tolérance, reviendront et seront fondées, non plus sur des non-dits ou des équivoques, mais sur
l’expérience vécue et les enseignements tirés du passé récent.
Partageant une même histoire, une même culture et une même terre, égaux en droits et
en devoirs, nous sommes condamnés à nous accepter mutuellement, à remplacer les « casus
belli » qui nous ont opposés par des « modus vivendi » durables, seules garanties de notre
pérennité en tant qu’Etat et nation. Pour ce faire, nous devons combiner notre énergie du
désespoir et toute notre lucidité pour nous élever au-dessus de nos divisions qui ne sont ni
irrémédiables ni définitives.
Les Algériens connaissent désormais le prix de la paix civile et sociale. Ils seront moins
enclins à l’avenir à la gaspiller ou à la troquer contre de dangereuses illusions colportées par
des agitateurs, des charlatans ou des hérauts du séparatisme. C’est cela le prix de la
citoyenneté, c’est à ce prix que se sont formés les Etats stables, les sociétés homogènes et les
économies fonctionnelles.
Les crises sont en fait nécessaires au développement et à l’évolution des sociétés. Les
métabolismes culturels et mentaux, les changements de régime politique, ne s’accomplissent
pas dans la liesse mais dans la douleur, les déchirements et les ruptures, car ils trouvent
toujours pour s’opposer à eux l’inertie inhérente à la nature humaine, la peur du changement
et la défense des intérêts attachés à l’ordre ancien.
Si l’unité est un idéal, la diversité est une donnée de la nature, de la biologie et de la
pensée religieuse elle-même. La modernité n’a pas changé les idéaux de l’humanité, elle ne
s’est pas écartée de la recherche de la justice, de la liberté, de la tolérance et du respect de la
vie. Elle a seulement modernisé les moyens de les atteindre et elle en a inventé d’autres.
C’est à l’ensemble de la société et des institutions qu’incombe la tâche de reconstruire
l’Algérie ; c’est maintenant qu’il faut intensifier nos efforts, car les générations à venir seront
plus dépourvues que la nôtre qui peut, pendant quelque temps encore, compter sur les
hydrocarbures. C’est maintenant qu’il faut jeter les bases d’une économie de production
diversifiée, capable de pourvoir à nos besoins et de soutenir la concurrence à l’ère de la
mondialisation.
Et ce n’est pas au moment où l’évolution du monde s’oriente vers la globalisation et
l’effacement des différences que nous devons, nous Algériens, ouvrir de vaines querelles, des
débats retardataires et hors de propos sur nos origines ou les nuances de nos convictions.
Nous n’aurons ce droit que lorsque nous aurons définitivement consolidé le domaine de nos
convergences, de nos ressemblances et de nos intérêts communs.
Comment ne pas comprendre qu’il n’y a pas d’alternative à notre réconciliation, et que
l’avenir de l’Algérie se situe au confluent où se rencontrent les aspects positifs et où
s’annulent les aspects négatifs des conceptions que nous nous faisons d’elle : un pays attaché
à ses valeurs morales et spirituelles et résolument tourné vers la modernité.
Le monde musulman sort d’une longue période de servitude et de décadence. Les
problèmes nombreux et complexes auxquels il se trouve confronté proviennent pour la plupart
de l’écart qui le sépare du monde moderne qui a connu une évolution accélérée fondée sur les
progrès de la science et de la technique. Nous sommes tous concernés par la nécessité de
donner à nos pays l’impulsion énergique nécessaire pour entrer dans la modernité, mais il
devra être clair que cette mission n’incombe pas seulement au peuple algérien et que nous ne
saurions accepter que notre pays serve de laboratoire pour des expériences que certains
feraient mieux de tenter chez eux.
On croit défendre les « constantes nationales » en prônant de laisser les choses en leur
état et en obstruant les chemins de l’avenir, alors que les retards accumulés par notre pays
dans tous les domaines sont considérables. Le maraboutisme d’hier et le charlatanisme
d’aujourd’hui se ressemblent et se rejoignent dans leur refus des idées de progrès, de
patriotisme et de conscience nationale.
On trouve pourtant dans le Coran et le droit musulman assez de fondements juridiques
et de précédents pour faire admettre qu’en situation de péril général ou personnel, l’islam
autorise le recours à tout moyen susceptible de réduire ce péril, et même aux « interdits ». Or,
aujourd’hui, les musulmans sont en péril. Ou ils relèvent le défi de la modernité, ou ils
sombrent de nouveau dans le sous-développement et la dépendance.
Le colloque international sur Saint Augustin que l’Algérie vient d’organiser dans le
cadre du « Dialogue des civilisations » ouvert par l’ONU à été l’occasion pour nos citoyens
et nos universités de découvrir, pour les uns, et d’approfondir leur connaissance, pour les
autres, d’un penseur dont le rayonnement a traversé les âges, et que la chrétienté révère
partout dans le monde. Il a permis à la communauté internationale de prendre une nouvelle
fois acte de l’apport de l’Algérie éternelle au patrimoine universel. Car si tout le monde
connaît la contribution du monde musulman dans son ensemble à ce patrimoine, et reconnaît
son rôle essentiel dans la continuité et la transmission du savoir humain, peu de gens, hors les
cercles spécialisés, connaissent l’apport du Maghreb en général et de l’Algérie en particulier,
à l’épanouissement de la culture latine entre le 1er et le IVème siècle de l’ère chrétienne.
Mesdames, Messieurs les Cadres de l’Etat,
Au cours de la dernière décennie, le nom de l’Algérie n’était cité dans les médias
internationaux que pour être suivi du bilan du dernier attentat ou du dernier massacre commis
sur son territoire. Affaiblie, notre diplomatie avait presque disparu de la scène internationale,
abandonnant le terrain aux relais du terrorisme à l’étranger qui, avec l’aide de forces
agissantes à l’intérieur et d’officines à l’extérieur, étaient parvenus à monter une véritable
cabale contre l’Etat algérien et ses institutions, pour les discréditer et les mettre au ban de la
société internationale. Petit à petit, l’étau international se refermait sur l’Algérie, et une forme
insidieuse d’embargo se mettait en place pour nous couper du monde.
Il était de la plus haute importance de réagir rapidement à cette stratégie d’enclavement
et de mise en quarantaine par une stratégie de réoccupation de l’espace international et de
redressement de l’image de marque du pays. C’est là le sens de l’activité soutenue que j’ai
déployée à l’étranger depuis le début de mon mandat, et c’est grâce à une riposte énergique à
laquelle la société civile et des amis de l’Algérie ont apporté leur concours, que notre pays est
parvenu à rétablir son crédit, à briser son encerclement, et à renouer le contact avec les centres
de décision de la politique mondiale.
La politique de réconciliation nationale a été unanimement saluée à l’étranger comme
l’unique moyen de sortir l’Algérie de la crise, et c’est grâce à elle qu’après une longue éclipse
et une grave détérioration du statut de notre pays dans le monde, nous sommes en train de
nous réconcilier avec notre environnement extérieur et de nous réinsérer dans les relations
internationales.
Nous avons pu neutraliser un grand nombre de bases arrière du terrorisme en
sensibilisant l’opinion et les Etats des pays concernés sur son danger, nous avons pu rétablir
nos relations diplomatiques avec les pays qui avaient pris pendant longtemps le parti de
soutenir les terroristes.
Notre pays a retrouvé sa vocation africaine et contribué activement au règlement de
conflits sanglants, tout comme il est redevenu le porte-voix de la cause africaine auprès des
institutions multilatérales et des grandes puissances économiques.
Dans le même temps où l’Algérie ouvrait et intensifiait un dialogue global avec
l’OTAN, elle concluait des accords de coopération et de partenariat stratégique avec
d’importantes puissances régionales, recouvrant ainsi son droit de cité dans les affaires
internationales.
Mais cela ne suffit pas. L’Algérie est l’un des derniers pays au monde à ne faire partie
d’aucun regroupement économique régional, l’un des derniers pays d’Afrique à n’avoir pas
rejoint l’OMC, l’un des derniers pays de la rive Sud de la Méditerranée à n’avoir pas signé
l’accord d’association avec l’Union Européenne. Tout cela atteste du retard que nous avons
pris dans notre adaptation au contexte mondial apparu depuis le début des années 90, et
explique notamment que notre pays soit tenu à l’écart des flux des investissements directs
étrangers qui couvrent le monde et qui sont courtisés par tous les Etats.
En effet, notre pays n’a reçu entre 1992 et 1998 en matière d’IDE que 60 millions de
dollars US hors hydrocarbures, tandis que la Tunisie recevait durant la même période 3
milliards de dollars et le Maroc 2,8 milliards. Pour l’année 1999, l’Algérie a enregistré un
volume global d’investissements extérieurs de 530 millions de dollars, dont 500 dans les
hydrocarbures et le reste dans le secteur pharmaceutique.
Les chiffres que je viens de vous citer ne sont pas le fait de quelque injustice immanente
qui aurait juré notre perte. Ils renseignent sur l’état de notre économie et le peu d’attractivité
qu’elle exerce sur les investisseurs étrangers. Et ce n’est pas à cause de la situation sécuritaire,
car des investisseurs étrangers sont venus dans notre pays puis en sont repartis pour la plupart,
parce qu’ils n’y ont pas trouvé le cadre législatif et réglementaire favorable, ni la dynamique
interne qui les aurait rassurés.
Et là, j’en viens à ce que je vous annonçais au début de mon intervention, c’est-à-dire au
lancement d’un programme de soutien à la relance de la croissance dans notre pays pour les
années 2001, 2002, 2003 et 2004, ainsi que la mise en place d’un plan d’urgence pour le
développement des 13 wilaya du Sud.
Mais, avant d’aller plus loin, et pour que tout soit parfaitement clair entre nous dès le
départ, j’aimerais faire les mises au point suivantes :
Premièrement
Il ne faut pas prendre le programme de soutien à la relance pour un plan quadriennal
dans la tradition des plans connus par notre pays dans les années 70, ou le plan d’urgence
pour le Sud pour un programme spécial de développement régional du genre de ceux que nous
avions inaugurés à la fin des années 60. Cette époque est révolue.
Nous en avons bel et bien fini avec l’économie administrée, et nous sommes
définitivement installés dans l’économie de marché qui n’exclut cependant ni toute idée de
planification centrale, ni le financement par l’Etat des équipements sociaux et des
infrastructures de base.
Les missions de l’Etat dans la nouvelle configuration économique sont d’assurer à
l’entreprise et à l’investissement un environnement favorable, de lever les contraintes
réglementaires et bureaucratiques qui freinent leur croissance, de réguler et de contrôler le
marché, et d’assurer par ses politiques monétaire et budgétaire la liquidité de l’économie et
son expansion.
Créer des richesses et des emplois n’est pas en économie de marché une responsabilité
de l’Etat, mais une tâche des entreprises. A travers ce programme, l’Etat leur apportera des
plans de charges et leur passera des commandes pour qu’elles créent de la valeur ajoutée et
des emplois, réalisent des bénéfices et paient leurs impôts, mais il ne se substituera en aucune
manière à elles.
Deuxièmement
Ce programme ne doit pas être décodé comme un changement de cap ou une action
improvisée décidée à la hâte. Il s’inscrit dans la politique économique définie dans le
programme du Gouvernement adopté en Septembre dernier par le Parlement, et les montants
sur lesquels il porte viendront en complément des montants inscrits au titre du budget
d’équipement normal de l’Etat pour les années 2001, 2002, 2003 et 2004.
Troisièmement
Ce programme ne réussira à déclencher un véritable processus de croissance qu’à la
condition que les réformes annoncées entrent en application dès cette année : réforme du
secteur bancaire et financier, de l’énergie (hydrocarbures, mines et électricité), des
télécommunications, du secteur économique public, de la fiscalité et de l’administration
fiscale, du code des marchés publics, du tarif douanier, du foncier industriel, de la
réglementation et des procédures d’investissement… Sinon, il pourrait s’enliser dans les
sables mouvants de la bureaucratie, de l’incompétence et de la corruption, comme la plupart
des plans et programmes qui l’ont précédé.
Mesdames, Messieurs les Cadres de la Nation,
Ces éclaircissements apportés, je vous annonce que l’Etat va injecter sur les quatre
années à venir 500 milliards de dinars, sous forme de dépenses d’équipement et d’aides aux
entreprises, auxquels s’ajoutera une mobilisation de crédits extérieurs de l’ordre de trois à
quatre milliards de dollars. Une loi de finances complémentaire sera prise dans ce sens
prochainement pour prendre en charge les dépenses au titre de l’année en cours.
Cette importante action sur la demande globale à travers un accroissement des
engagements de l’Etat, va être accompagnée d’initiatives en faveur de l’investissement privé
local et étranger, et de mesures de recapitalisation des banques pour élargir leurs capacités de
financement des entreprises.
Les redressements macro-économiques opérés moyennant les lourds sacrifices consentis
par le peuple algérien dans la foulée des accords avec le FMI et du programme d’ajustement
structurel qu’ils ont induits, ajoutés aux résultats macro financiers obtenus en 2000 par suite
de la nette amélioration de nos recettes extérieures, rendent possible aujourd’hui une prise de
paris sur l’avenir.
Ces paris ne seront pas des sauts dans le vide, des sauts dans l’inconnu, mais des sauts
calculés, qui reposent sur une visibilité rendue possible par tous les indicateurs économiques.
Ce cadre macro-économique favorable va être résolument orienté vers l’amélioration
des conditions de vie des citoyens, avec comme objectifs d’assurer sur les quatre prochaines
années un taux de croissance annuel moyen de 5 à 6 %, une réduction sensible du taux de
chômage, une plus grande disponibilité des logements et une relance de la consommation.
Après l’augmentation du SNMG (salaire national minimum garanti) de 33%, et celle
des traitements de la fonction publique de 15 %, en début d’année, ce programme va
améliorer de manière substantielle les conditions de vie des citoyens en mettant à leur
disposition davantage de structures sanitaires, plus de routes, plus de voies ferrées, plus de
lycées, plus d’écoles…
Ce plan définit un ensemble d’objectifs choisis selon un ordre de priorités dictées par le
sens de l’équité autant que par le réalisme.
Les équilibres budgétaires ne seront pas affectés. Les besoins de financement du Trésor
prévus en 2002 et 2003 ne poseront pas de problèmes fondamentaux de financement : leur
couverture pourra être assurée par la mobilisation de crédits extérieurs concessionnels,
l’amélioration du rendement de la fiscalité ordinaire, et des interventions ciblées du Trésor sur
les marchés monétaire et financier en cas de besoin.
Notre dette extérieure ne s’en ressentira pas non plus, et il est même envisagé que son
stock soit ramené autour de 22 milliards de dollars en 2004, tandis que le service de la dette
descendra à moins de 20 % des recettes d’exportations.
Il importe cependant de préciser aussi bien à l’intention de notre opinion intérieure que
de nos partenaires étrangers que ce programme ne sera pas porté par l’Etat comme une
camisole de force. En cas de retournement de situation extraordinaire ou de force majeure, il
sera adapté et modulé. Nous ne sommes plus dans une stratégie développementaliste ignorant
les coûts, les délais et le risque de retour de manivelle. Nos besoins seront adaptés à nos
moyens et nos ambitions à nos possibilités réelles.
En période de sous-emploi des capacités de production, et c’est le cas de notre pays, la
relance de l’activité économique par la politique budgétaire ne représente aucun danger quand
elle est couplée à une politique monétaire vigilante et rigoureuse à l’égard de la valeur de la
monnaie et du niveau des prix.
Les effets de l’inflation apparaissent lorsqu’une économie connaît une forte élévation
de la demande alors qu’elle tourne au maximum de ses capacités. Mais, si elle recèle des
capacités inutilisées, des gisements de production inexploités, alors l’accroissement de la
demande s’accompagnera d’un accroissement de production qui empêchera une forte hausse
des prix.
Il n’y a certes pas de certitudes absolues en économie, mais les anticipations et le
modèle de prévisions élaborés à ma demande, reposent sur un ensemble de paramètres
objectifs et fiables.
Néanmoins, notre vigilance devra être de tous les instants envers le niveau de déficit
budgétaire, de l’inflation, de l’endettement et des recettes fiscales.
Mesdames, Messieurs les Cadres de la Nation,
Le décollage économique de notre pays est un objectif poursuivi depuis l’indépendance.
L’expérience passée nous a appris que la réalisation des projets repose en premier lieu sur une
meilleure préparation des cahiers des charges et une amélioration de la maîtrise de l’ouvrage
qui sont donc des conditions essentielles du succès de ce programme.
La gestion des dépenses publiques a été notre point faible tout au long des dernières
décennies. Le volontarisme, les mauvaises évaluations de départ qui conduisent à de
perpétuelles réévaluations, le mauvais suivi, la multiplicité des intervenants, le « turn-over »
des cadres, les actions sporadiques, toutes ces tares sont à proscrire à l’avenir.
Je tiens tout particulièrement à vous mettre en garde contre la frénésie dépensière qui a
caractérisé le comportement de nos gestionnaires par le passé, et qui s’était soldée par
d’innombrables « projets inachevés» et un grand nombre de chantiers abandonnés. Deux
usages peuvent être faits de l’argent : le fructifier ou le flamber. Force est de constater que
dans notre cas, c’est surtout le second usage qui a prévalu.
Les deniers de l’Etat ne doivent pas servir à procurer des plans de charges aux
entreprises, et encore moins aux entreprises défaillantes, mais à sélectionner les entreprises les
plus capables de mener à leur terme les travaux et les chantiers. Le mieux-disant doit être le
mieux-faisant dans le respect des coûts, des délais et des garanties offertes, et ce quel que soit
son statut : public, privé ou étranger.
Les administrations, les collectivités et les décideurs en général doivent veiller à ce que
les marchés soient attribués dans le strict respect des règles de la concurrence, et sur la base
de cahiers des charges soigneusement élaborés.
Il faut aussi que l’Etat se mette à raisonner en termes de retour sur investissement,
d’amortissement des dépenses d’équipements et de reconstitution de ses ressources, par le
biais d’un plus grand rendement de la fiscalité, d’un accès payant aux infrastructures,
d’opérations de recouvrement des loyers et d’une révision de la tarification des prestations
publiques.
Ainsi que je l’avais promis, les dettes des communes et celles des agriculteurs seront
allégées, mais tout le monde doit se convaincre mentalement que l’ère des financements à
fonds perdus et des prestations gratuites est définitivement close.
Pour les projets de grande envergure, il sera fait appel à l’avenir à la concession, au
B.O.T et au partenariat. C’est dans cette perspective que nous allons procéder à l’ouverture du
capital d’Air Algérie et de la CNAN, relancer les travaux d’aménagement de l’aérogare
d’Alger, séparer la poste des télécommunications et doter l’Algérie d’un réseau de téléphonie
mobile performant.
Les retards que nous avons pris dans le domaine des nouvelles technologies de
l’information doivent être rattrapés. A cet effet, j’ai décidé la création d’un Cyber-parc dans la
nouvelle ville de Sidi-Abdellah, à Alger, où seront développées les activités liées aux
nouvelles technologies de l’information et de la communication, et où seront regroupés les
services d’appui des grands fournisseurs d’équipements et de logiciels, les entreprises
travaillant en off-shore et les intelligences du pays en la matière.
S’étendant sur 86 hectares, ce Cyber-parc va réunir en un même lieu une école
supérieure des communications, une école des surdoués, un institut supérieur des études
technologiques en communications, un centre d’études et de recherche en
télécommunications, l’agence algérienne d’Internet et des pépinières de projets.
Il n’y a aucun doute que les entreprises algériennes ont besoin de nouvelles
compétences, de savoir-faire et de maîtrise technologique. Elles doivent changer leur système
de production, de distribution et de management si elles veulent se maintenir ou conquérir de
nouvelles parts de marché.
Elles ne changeront pas leur gestion et n’amélioreront pas leurs performances si leur
mise à niveau ne s’effectue pas dans le sens tracé par les réformes, c’est-à-dire la sanction par
le marché. Elles doivent devenir compétitives au lieu de compter sur l’Etat pour les protéger
indéfiniment de la concurrence étrangère. La meilleure protection n’est pas celle d’un tarif
douanier obsolète ou, pire encore, celle de « valeurs administrées » aussi immorales
qu’illégales, mais celle qui résultera d’un bon management et d’un bon rapport qualité/prix.
L’ère du protectionnisme et du nationalisme économique est finie. Nous allons vers une
ouverture complète sur le monde. J’espère que nous signerons, d’ici la fin de l’année,
l’Accord d’Association avec l’Union Européenne dont vous connaissez les implications : libre
circulation des capitaux, des produits agricoles et industriels et des services, démantèlement
tarifaire, libre installation des entreprises dans les deux sens, fin du régime préférentiel et
réciprocité dans les échanges…
Durant le peu de temps qui nous reste avant l’adhésion à l’OMC, l’Etat s’efforcera de
mettre en œuvre une politique de protection ponctuelle et ciblée des filières présentant un fort
potentiel de croissance et de compétitivité, mais il ne donnera plus de prime à la médiocrité en
protégeant des productions de piètre qualité qui pénalisent le consommateur et nuisent à sa
santé et à son sens du goût.
C’est donc en toute légitimité qu’on peut s’interroger sur les capacités de nos
entreprises à absorber une dose massive de commandes, et se demander si elles seront en
mesure d’assurer effectivement une offre en équipements, biens et services à la hauteur de la
demande que va générer ce programme.
Ce qui est sûr, c’est que nous n’allons plus nous ruiner pour réveiller des machines
endormies depuis vingt ans ou réanimer des corps déjà à moitié décomposés.
C’est le lieu d’énoncer devant vous quelques vérités sur notre secteur public
économique. Ce secteur se compose actuellement de 400 entreprises dont 335 EPE
(entreprises publiques économiques) disposant de 1117 unités de production qui emploient
480.000 personnes. Il convient de rappeler que la population employée dans notre pays est de
l’ordre de six millions de personnes.
Pour maintenir ces entreprises et les 480.000 personnes qu’elles emploient, l’Etat a
dépensé près de 1200 milliards de DA au cours de la dernière décennie, pour se retrouver dans
la situation de départ, c’est-à-dire celle d’entreprises déstructurées financièrement et non
performantes économiquement. Au 30 Juin 2000, l’assainissement de ces EPE est à l’origine
de 58,2 % de la dette publique globale.
Depuis 1998, la part du secteur privé dans la formation de la valeur ajoutée (52 %) est
supérieure à celle du secteur public, et le nombre d’emplois créés par le secteur privé, qui n’a
rien coûté à l’Etat mais au contraire lui a rapporté des impôts, équivaut au double de celui
existant dans le secteur public.
Ajoutez à cela que la croissance industrielle du secteur public est en baisse d’année en
année, alors que celle du secteur privée est en hausse. Elle a été de l’ordre de 8 % en 2000. Ce
secteur assure aujourd’hui 88 % des services, 68 % du BTP, 66 % de l’agro-alimentaire, 34 %
de l’industrie et 65 % des importations.
Combien de millions d’emplois l’Algérie aurait-elle créés si elle avait mis toutes ces
centaines de milliards de dinars à la disposition de nos citoyens sous forme de crédits
bancaires remboursables ? Pourquoi la préservation de l’emploi dans le secteur public devraitelle nous coûter autant ? Pourquoi le maintien de ces mêmes emplois justifierait-il qu’on prive
des millions d’autres Algériens d’accéder à un emploi ? Ne serait-ce pas là une autre forme de
discrimination entre Algériens ?
Il y a actuellement 55 entreprises publiques dont le poids économique et social est
considérable, et qui, sans traitement, sont vouées à la liquidation. Pour une douzaine d’entre
elles, une liquidation se traduirait par une perte d’actifs et un coût social important. L’Etat
s’efforcera de les aider, mais ils n’est aucunement dans ses possibilités financières de venir en
aide à l’ensemble des entreprises défaillantes. C’est pourquoi il est nécessaire de chercher des
opportunités de partenariat et d’ouverture de capital qui associeraient des opérateurs privés,
étrangers ou nationaux, ou encore nationaux et étrangers regroupés.
Nous mettrons fin aux fonds d’assainissement, mais nous appliquerons des traitements
au cas par cas ! Ce que nous avons prévu pour le secteur public dans le cadre du programme
de soutien à la relance, c’est la mise en place d’un fonds de partenariat pour financer les coûts
d’accompagnement des opérations de privatisation, de 22,5 milliards de dinars, et le
renforcement de 02 milliards de dinars du « fonds de promotion de la compétitivité
industrielle».
Mesdames, Messieurs les cadres de la Nation,
Les structures administratives actuellement en place sont celles-là même qui avaient été
conçues en 1962 pour un modèle socio-économique périmé. Notre Etat est passé de
l’économie administrée à l’économie de marché sans modifier son cadre organisationnel, ni
son architecture gouvernementale, et sans avoir fait sa mue au plan mental.
Aujourd’hui, nous devons conformer nos institutions et nos structures à la nouvelle
politique et aux nouvelles options. Le moment venu, même la Constitution sera revue pour
qu’on ne puisse plus se prévaloir d’elle pour aller à l’encontre des Réformes.
En attendant, il faut balayer les obstacles mis en place par une bureaucratie inconsciente
des torts qu’elle cause à l’Etat et à la société, et libérer complètement l’investissement ! En
tant que cadres du pays, c’est sur votre bilan économique que vous serez essentiellement jugés
dorénavant !
Il ne faut pas attendre la montée en cadence des réformes ou leur achèvement pour
engager les correctifs nécessaires et commencer à concrétiser les actions projetées. Dès
demain vous devez commencer à prendre les mesures de nature à lever les entraves qui pèsent
sur l’investissement ! Vous devez notamment mettre immédiatement sur le marché les terrains
à usage industriel et les biens immobiliers restés en déshérence depuis la dissolution des
entreprises locales. Des instructions précises vont vous parvenir dans les prochaines semaines
à ce sujet, mais vous devez d’ores et déjà vous y préparer.
Comment expliquer que, sur les 40.000 dossiers d’investissement déclarés auprès de
l’APSI à Février dernier, portant sur un montant global de près de 40 milliards de dollars et
devant créer un million et demi d’emplois, moins de 10 % soient entrés en activité ?
Ce potentiel d’investissement est six fois supérieur au volume financier postulé par le
programme que nous allons lancer et il continue de dormir dans les tiroirs !
Pour mettre à contribution le secteur privé et motiver les investisseurs, nous avons prévu
de réduire puis de supprimer la TSA, (Taxe Spécifique Additionnelle) et le VF (Versement
Forfaitaire), de supprimer les valeurs administrées des biens non concernés par une
production nationale, de transférer les allocations familiales vers les caisses de Sécurité
Sociale, de réduire les Taux de douane, de consacrer deux milliards de dinars à
l’aménagement des zones industrielles, et de créer un fonds de garantie des crédits.
Nos mentalités, dans tous les domaines, nous ont conduits là où nous sommes, c’est-àdire à la crise politique et à l’échec économique. Si elles avaient été bonnes, elles nous
auraient conduits à la paix, au progrès, à la cohésion sociale et à la prospérité.
C’est ce renouvellement des mentalités, des schémas d’organisation et des modes de
fonctionnement qui est visé à travers les commissions de réforme de la justice, de l’école et
des structures de l’Etat, installées au cours de la dernière année.
Par le nombre, l’étendue et les ressources aussi bien naturelles qu’humaines, nous
pouvons accéder à un niveau de vie supérieur. Nous avons la chance aujourd’hui de disposer
d’une stabilité politique et d’une visibilité économique propices à un saut qualitatif dans tous
les domaines : culturel, économique, social et international. Qu’attendons-nous pour mettre à
profit tous ces atouts et l’heureux concours de circonstances que nous vivons?
Mesdames, Messieurs les Cadres de la Nation,
Ce qu’on appelle le « Sud algérien » commence en fait à 200 Km d’Alger où l’on
rencontre les premières dunes de sable. Plus de deux millions de km2 de notre territoire sont
habités par seulement quatre millions de citoyens, répartis sur treize wilayas.
Cette distorsion dans l’occupation des sols est en soi une menace pour notre avenir. En
attendant l’élaboration d’un plan d’orientation du développement durable des régions du Sud,
j’ai décidé le lancement immédiat d’un programme d’urgence de réalisation de projets
structurants qui seront financés par le Fonds Spécial de Développement des Régions du Sud,
pour un montant de 12 milliards de dinars.
Ce programme viendra en sus des projets figurant dans le programme de soutien à la
relance et en plus de ceux inscrits dans les programmes d’équipement sectoriels. Il tend à
réhabiliter les infrastructures et à améliorer l’habitat, mais aussi à créer les conditions
favorables à l’émergence d’activités économiques initiées par les particuliers, notamment par
l’aménagement de zones d’activité viabilisées et dotées de toutes les utilités.
Mesdames, Messieurs les Cadres de la Nation,
Je m’adresse en vous aux cadres de la nation. C’est donc à celles et à ceux qui
représentent l’Etat, qui lui donnent consistance et vie et qui détiennent les facteurs de son
succès. Vos défaillances sont celles de l’Etat, mais votre vigilance et votre efficacité sont
également celles de l’Etat. Tournons la page du passé, et cessons de nous auto flageller. La
tâche qui vous attend, qui « nous » attend, est lourde et complexe et ce n’est que par un regard
tourné vers l’avenir, par une conscience aiguë des besoins et des attentes de notre peuple, que
nous pourrons nous engager ensemble dans la voie de reconstruction de notre pays.
Le monde dans lequel nous vivons n’est plus celui que nous avons connu : c’est un
monde qui ne tolère aucune faiblesse et ne donne aucune chance aux retardataires. C’est un
monde rationnel, professionnel et concurrentiel, qui exige que chaque chose soit à sa place et
chacun dans son rôle.
Vous avez servi ce pays dans des conditions extrêmement pénibles et difficiles, et vous
avez largement contribué à le maintenir contre les vents et les marées qui ont failli le
submerger ces dernières années. Je vous rends pour cela hommage. Aujourd’hui, vous vous
trouvez dans des conditions beaucoup plus favorables pour le servir. Je vous appelle à le faire
à la lumière des idées que j’ai essayé de vous transmettre.
Les changements organisationnels et institutionnels qui devront accompagner la
nouvelle politique économique interviendront en temps opportun. Mettez-vous au travail !
Considérez-vous comme les architectes et les chevilles ouvrières de la reconstruction de notre
pays ! Agissez dans le cadre des lois et règlements du pays, et soyez à l’écoute des citoyens
dont vous avez la charge car, dans une certaine mesure, chacun de vous est un peu l’Algérie.
Nos concitoyens sont souvent malheureux parce qu’ils n’arrivent pas à régler les
innombrables problèmes de leur vie quotidienne. Plus que tout le monde, j’en ai conscience, à
travers les milliers et les milliers de requêtes qui me parviennent chaque jour, et dans
lesquelles des hommes et des femmes de tous les milieux m’exposent leurs difficultés en me
demandant de les aider à les résoudre. Chacune de ces suppliques ajoute au poids de mes
responsabilités et rend ma charge plus insupportable devant l’impossibilité matérielle pour
moi-même de me pencher sur chacun de ces cas. Que tous ceux, que toutes celles qui
s’adressent à moi sachent que leur appel ne me laisse jamais indifférent et que je fais tout pour
alléger leurs préoccupations. Si cette situation témoigne d’un état social difficile,
profondément perturbé par la crise que nous venons de vivre, elle indique aussi que les
institutions de l’Etat ne jouent pas convenablement leur rôle, et que le citoyen ne trouve pas
auprès des structures administratives locales le soutien qu’il en attend pour la résolution de
ses difficultés personnelles ou familiales. C’est pour cela que j’insiste auprès de vous, Cadres
de la Nation, pour que les choses changent radicalement et sans tarder, car il va de soi que je
ne saurai continuer à consacrer une grande part de mes activités à prendre en charge des
problèmes qu’il vous appartient précisément de régler. La bonne santé de notre administration
pourra se mesurer au tarissement du flot de requêtes qui me sont adressées, car il constituera
la démonstration que le citoyen est enfin et pleinement satisfait de l’administration de son
pays.
Merci de votre attention, et que Dieu vous assiste dans votre noble mission.