Responsabilité des professionnels de la vente et de la
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Responsabilité des professionnels de la vente et de la
Dossier z RC et assurances des professionnels de la vente et de la réparation professionnels de l’automobile La responsabilité civile, un risque omniprésent Le professionnel de l’automobile peut voir sa responsabilité civile engagée à l’occasion de son activité dès lors qu’une faute entraînant un préjudice peut être retenue à son encontre. Et si, lorsque le thème de la responsabilité civile du professionnel est abordé, il est généralement fait référence à la responsabilité contractuelle, il demeure que la responsabilité délictuelle de celui-ci est parfois retenue. L es activités du professionnel de l’automobile sont si variées que les tribunaux ont eu l’occasion d’adapter, en faisant même du « sur mesure », le régime de la responsabilité civile à chacune d’entre elles. Ainsi, selon l’activité concernée, le manquement entraînant la mise en œuvre de la responsabilité civile du professionnel sera un manquement à une obligation de moyens ou à une obligation de résultat entraînant des différences non négligeables dans l’administration de la preuve. Dès lors, le présent article n’a pas vocation à traiter l’ensemble des situations de mise en cause de la responsabilité civile du professionnel de l’automobile ; le sujet est trop dense pour se résumer ici en quelques pa- Il appartient, par exemple, au vendeur d’informer l’acquéreur d’un véhicule d’éventuels accidents antérieurs ou de préciser si le véhicule a appartenu à une auto-école. L’obligation d’information précontractuelle du vendeur est source de nombreuses actions en responsabilité à l’encontre du professionnel. 16 ges. Son ambition se limitera à souligner la diversité des risques de mise en œuvre de la responsabilité civile du professionnel. L’activité du professionnel de l’automobile s’articule essentiellement autour des trois axes suivants : la vente du véhicule, l’entretien et la réparation du véhicule et la garde du véhicule réparé. n La vente de véhicule, source de RC contractuelle mais aussi délictuelle Toute faute du professionnel lors de la vente d’un véhicule est susceptible d’engager sa responsabilité civile si elle est à l’origine d’un préjudice que la victime entend faire réparer. L’obligation d’information précontractuelle du vendeur, portant notamment sur les caractéristiques essentielles du véhicule, est source de nombreuses actions en responsabilité à l’encontre du professionnel. Sans revenir de façon détaillée sur le contenu de cette obligation (voir « L’information précontractuelle dans la vente automobile », Nathalie Gi- roudet-Demay, JA 2009 p. 69), il appartient ainsi au vendeur de prouver qu’il a informé le client de l’existence d’accidents antérieurs (Civ. 1re, 15 mai 2002, n° 99-21.521) ou que le véhicule a précédemment appartenu à une auto-école (CA Besançon, 14 novembre 2000)… La sanction du défaut d’information, ou plus précisément de l’incapacité du vendeur à prouver qu’il a transmis l’information, sera l’indemnisation de l’acquéreur si celui-ci démontre en avoir subi un préjudice, voire la nullité de la vente si la réticence dolosive du vendeur est retenue. Les situations de mise en œuvre de la responsabilité civile du vendeur sont nombreuses. Si l’action en responsabilité civile a tendance à être confondue avec l’action en garantie des vices cachés ou avec l’obligation de livraison conforme (voir ce dossier, p. 26), elle en est pourtant bien distincte (Civ. 1re, 11 juin 1991, n° 8912.748) et bénéficie surtout d’un champ d’action beaucoup plus vaste. Pour exemple, il est possible de citer le manquement du vendeur professionnel à son obligation d’indiquer jurisprudence automobile • N°809 • juillet-août 2009 • jurisprudence-automobile.fr dans tout contrat ayant pour objet la vente d’un bien meuble à un consommateur, lorsque la livraison n’est pas immédiate et que le prix convenu est supérieur à 500 euros TTC, la date limite à laquelle il s’engage à livrer le bien (art. L. 114-1 et R. 114-1 c. consom.). Le dépassement de cette date limite de plus de 7 jours permet au consommateur de dénoncer le contrat. Cependant, le fait, pour l’acheteur, de ne pas résilier le contrat de vente alors que la date est effectivement dépassée de plus de 7 jours, et même de confirmer la commande et donc d’accepter sans réserve le report de la date de livraison, ne constituent pas pour le consomma- teur une renonciation au droit de demander réparation du préjudice causé par le retard (Civ. 1re, 12 mai 2004, n° 01-14.271). Il convient de souligner que la responsabilité civile délictuelle du vendeur peut également être engagée si le véhicule vendu est à l’origine d’un dommage subi par un tiers. Ainsi, si le véhicule vendu est atteint d’un vice caché et que cette défaillance est à l’origine d’un accident causant un préjudice à un tiers, ce dernier peut se prévaloir de la faute du vendeur pour engager sa responsabilité civile et obtenir réparation de son préjudice au titre de la responsabilité civile délictuelle. Ainsi, la Cour d’appel de La sanction du défaut d’information, ou de l’incapacité du vendeur à prouver qu’il a transmis l’information, sera l’indemnisation de l’acquéreur, voire la nullité de la vente. FotoLia Dossier Riom (Ch. Com., 21 janvier 2009, n° 07/01833) a rappelé que « Dans une chaîne de contrats de vente d’un véhicule automobile, les vendeurs professionnels qui ont vendu le véhicule sans procéder aux réparations prescrites par le constructeur dans deux notes techniques sont responsables au titre de l’article 1382 du code civil ». n l’activité de réparation, une obligation de résultat atténuée Les opérations d’entretien et de réparation du véhicule peuvent être à l’origine d’actions en responsa- jurispruDEncE automobiLE • n°809 • juillet-août 2009 • jurisprudence-automobile.fr ... 17 Dossier z rC et assurances des professionnels de la vente et de la réparation La responsabilité civile du contrôleur technique Le contrôleur technique agréé exécute, dans le cadre d’un contrat d’entreprise, une obligation de faire (contrôler) qui porte sur une chose corporelle (le véhicule). Selon l’arrêté du 18 juin 1991, plusieurs fois modifié, notamment par un arrêté du 19 janvier 2007, il n’est tenu de mentionner sur le procès-verbal que les défauts qu’il peut déceler visuellement sans procéder à un quelconque démontage lors de la vérification d’un certain nombre de points limitativement énumérés par les textes. Un document officiel émis par l’UTAC-OTC (document AM.42.00.01 du 2 février 2007) différencie ainsi explicitement les points de contrôle dont certains font l’objet d’une contre-visite. Une cour d’appel s’est attachée à définir sa mission : le contrôleur technique « n’a pas une mission d’expert ou de diagnostic envers le client qui s’adresse à lui, ni une mission de réparateur ; le contrôle technique est une mission de service public déléguée par l’État à des organismes privés chargés d’effectuer des opérations identiques, simples et rapides, portant sur des points limitativement définis par instruction ministérielle, sans possibilité de faire des commentaires ou de prodiguer des conseils » (Montpellier, 1re Ch B, bilité civile contractuelle à l’encontre du professionnel, celui-ci étant notamment tenu à l’égard de son client de l’informer et de le conseiller sur la nature et l’opportunité des opérations à réaliser (voir l’encadré sur le devoir de conseil du réparateur p. 21) et d’exécuter la prestation convenue. Nous nous attarderons plus spécialement sur le manquement à l’engagement d’entretenir ou de réparer le véhicule. S’agissant d’une obligation de résultat atténuée, lorsqu’une panne touche un véhicule récem- 18 7 décembre 2004 RG : 03/05890). Sa responsabilité s’envisage distinctement selon qu’elle est recherchée par son client ou par un tiers. le client, victime du contrôleur technique Le contrôleur technique est contractuellement débiteur à l’égard de son client d’une obligation de moyens, en vertu de laquelle il s’engage à apporter dans son travail tout le soin, l’attention, la diligence que l’on est en droit d’attendre d’un bon professionnel. Un contrôleur technique qui omet ainsi de signaler dans un rapport de contrôle les détériorations qui affectent le châssis d’un véhicule contrôlé, alors qu’une expertise a pu les établir sans démontage par simple examen visuel, engage sa responsabilité à l’égard de son client, vendeur, sur le fondement de l’article 1147 du code civil (Versailles, 3e Ch, 26 février 1998, Juris Data n° 1998-110169). Le contrôleur technique peut également engager sa responsabilité en qualité de dépositaire du véhicule, à l’instar d’un garagiste. On sait que ce dernier est effectivement tenu de veiller, en bon père de famille, sur le véhicule qui lui a été confié et est responsable notamment du vol du matériel placé à l’intérieur du véhicule dont il était dépositaire (Civ. 1re, 7 juillet 1992 ; Bull. Civ. 1992, I, n° 222 ; voir plus généralement « Le point sur la responsabilité du garagiste dépositaire », JA 2009 p. 201). S’agissant du contrôleur technique, il a été jugé que l’existence d’un contrat d’entreprise portant sur une chose remise n’exclut pas que celui à qui la chose est remise soit aussi tenu des obligations du dépositaire ; un contrôleur technique est ainsi condamné à réparer les détériorations causées à un véhicule confié sur le fondement des articles 1927, 1928 et 1933 du code civil (Poitiers, 9 septembre 2003, Juris Data n° 2003-233473). le tiers, victime du contrôleur technique Le tiers étranger au contrat de contrôle technique pourra mettre en cause la responsabilité civile extracontractuelle du contrôleur sur le fondement des articles 1382 et suivants du code civil en prouvant la faute du contrôleur et son lien de causalité avec le préjudice invoqué. Ce sera, par exemple, le cas si le défaut de signalement d’une anomalie visible sans démontage a provoqué un accident. Toutefois, cet aspect de la responsabilité civile du contrôleur technique demeure ment réparé par un garagiste, la Cour de cassation suppose que la réparation est à l’origine du désordre (présomption de causalité) et que le garag iste a commis une faute (présomption de faute). Cependant, il appartient au client lésé de démontrer que le dommage (accident, panne ou défaillance) trouve son origine dans la prestation fournie par le garagiste réparateur (Civ. 1re, 14 décembre 2004, n° 0210.179). Tel n’est pas le cas de celui qui est intervenu pour une réparation électrique sur un véhicule frigorifique, dont le système réfrigération était ensuite tombé en panne. Il n’est pas établi que la réparation avait porté sur le groupe frigorifique luimême ou sur tout système électrique s’y rapportant directement (Com., 22 janvier 2002, n° 00-13.510). Mais en pratique, l’imputabilité peut être présumée lorsque la panne ou la défaillance s’est produite rapidement après l’intervention du garagiste, alors que le véhicule n’a parcouru qu’un faible kilométrage depuis la jurispruDEncE automobiLE • n°809 • juillet-août 2009 • jurisprudence-automobile.fr Dossier statistiquement rare à la différence de la vente du véhicule pour laquelle sa responsabilité sera recherchée plus fréquemment par l’acheteur ou le vendeur, qui y trouvent d’ailleurs un intérêt commun. L’acheteur soutiendra que la faute du contrôleur, en ce qu’elle n’a pas révélé un défaut qui aurait dû être mentionné, a directement contribué au préjudice subi par lui, tandis que le vendeur lui reprochera d’être actionné par l’acheteur sur le fondement de la garantie légale des vices cachés, ce qui n’eût pas été le cas en présence d’un signalement correct sur le PV de contrôle. On peut supposer que le vendeur aurait renoncé à la vente ou n’y aurait consenti qu’après réparation à ses frais du point litigieux dûment signalé. La jurisprudence considère en effet que le vice du véhicule n’est pas caché lorsqu’il était expressément mentionné dans le rapport du contrôle technique remis à l’acquéreur avant la conclusion de la vente (Toulouse, 25 avril 2001, Juris Data n° 2001-152435). Cependant, le contrôleur technique n’engage pas nécessairement sa responsabilité envers le vendeur ou l’acquéreur d’un véhicule d’occasion s’il n’a pas détecté visuellement la présence d’un vice caché ayant entraîné la résolution de la vente. Il ne sera pas responsable réparation (Civ. 1 re, 20 juin 1995, n° 93-16.381). Pour la Cour de cassation, le lien entre la dernière présentation du véhicule au garagiste réparateur et la nouvelle panne s’estompe avec le temps (Civ. 1re, 16 février 1988 : Bull. civ. I, n° 42 : panne intervenue plus de 6 000 kilomètres et un mois après l’intervention du réparateur). Lorsque le lien entre l’intervention et la panne actuelle n’a pas disparu avec le temps, il appartient au garagiste réparateur d’établir la cause précise du dommage et de démon- si l’expertise révèle par exemple que le véhicule présentait une « fissuration du longeron avant droit au niveau de la fixation intérieure du moteur » et si les experts avaient souligné que le réparateur avait pris soin de réaliser sa réparation en la « camouflant par du mastic polyester, la présence de souillure sur l’élément achevant de la rendre indécelable par simple contrôle visuel » (Montpellier, 1re Ch, 20 juin 2006, Juris Data n° 2006-326616). C’est donc essentiellement le caractère visible ou non du défaut lors du contrôle qui permet d’engager, le cas échéant, la responsabilité civile du contrôleur technique lorsqu’un vice caché est ultérieurement décelé sur le véhicule. Le recours à l’expertise, pour le constater, est un préalable quasiment indispensable en présence d’une difficulté d’ordre technique qui peut s’avérer subtile selon la nature du vice allégué. Toutefois, le vendeur professionnel, lui-même garagiste, est aussi qualifié pour déceler un vice sans démontage. Ainsi, une cour d’appel a pu condamner le contrôleur technique à ne garantir un garagiste-vendeur qu’à hauteur de 50 % de toutes les condamnations prononcées à sa charge (Bourges, 11 octobre 2007, RG : 06/01896). philippe ravayrol, avocat au barreau de paris, diplômé de l’institut des assurances de paris trer que cette cause ne peut pas être imputable à la prestation qu’il a fournie. Cette cause étrangère pourrait être l’intervention malencontreuse d’un autre réparateur sans lien avec celui qui a réalisé la prestation mise en cause (Civ. 1re, 8 décembre 1998, n° 94-11.848), une erreur d’utilisation, un vice interne de la chose situé en dehors des pièces de rechange fournies avec la remise en état du véhicule, un défaut d’entretien incombant au client ou la conséquence d’une usure normale… Lorsque l’intervention du garagiste réparateur se révèle défectueuse, il lui appartient d’apporter la preuve de son absence de faute (Com., 26 avril 2000, n° 96-21.093). En pratique, le garagiste réparateur doit notamment démontrer qu’il a suivi les prescriptions du constructeur, qu’il a apporté lors de la réparation tous les soins nécessaires à la remise en état du véhicule et l’a restitué à son propriétaire dans un bon état de marche. Mais la responsabilité civile du réparateur peut également être délictuelle, notamment si une mauvaise réparation a causé un accident de la circulation, dont des tiers ont été victimes (Civ. 1re, 16 mai 1960). Il en va de même pour un tiers acquéreur qui n’a jamais été en relation contractuelle avec le réparateur (CA Versailles, 27 mars 1996). n la garde du véhicule, une obligation de moyens renforcée En qualité de dépositaire du véhicule confié pour la réparation, le professionnel de l’automobile peut également voir sa responsabilité civile contractuelle engagée (1). L’obligation de garde oblige le professionnel de l’automobile à apporter au véhicule confié les mêmes soins qu’il apporterait à la garde de la chose lui appartenant (Civ. 1re, 5 mars 2009, n° 0721.519). S’agissant d’une obligation de moyens renforcée, il ne peut s’en exonérer qu’en prouvant qu’il est étranger à la détérioration du véhicule et donc en démontrant soit qu’il n’a pas commis de faute (Civ. 1 re, 7 octobre 1997, n° 95-20.418) soit que le dommage est dû à un cas de force majeure (Civ. 1re, 11 juillet 1984, n° 83-13.754). Par ailleurs, l’obligation de garde incombant au garagiste dépositaire peut également être la source jurispruDEncE automobiLE • n°809 • juillet-août 2009 • jurisprudence-automobile.fr ... 19 Dossier z rC et assurances des professionnels de la vente et de la réparation dans ses relations avec ses clients, le professionnel de l’automobile est tenu à une obligation de sécurité. dès lors que les fautes qu’il a commises (omission de verrouiller les portières et de retirer la clé de contact) excluraient l’exonération de responsabilité en dépouillant le fait d’un tiers, à le supposer prouvé, des caractères de la force majeure. » d’une action en responsabilité civile délictuelle. Pour exemple, on se référera à la décision de la Cour d’appel de Colmar (1re ch., 17 mai 1982, JurisData 1982-043910) : « Le garagiste à qui une automobile a été confiée en vue de réparations en est le dépositaire salarié et exerce les pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle constitutifs de la garde au sens de l’art. 1384 alinéa 1 du code civil ; il est donc responsable de l’accident causé par cette automobile, retrouvée tous feux éteints sur la chaussée et heurtée de nuit par un automobiliste, dès lors que les conditions du déplacement de l’automobile sont totalement inconnues, ce qui empêche le garagiste d’établir la perte de la garde, et n la sécurité des clients, une obligation contractuelle ? source : ja Dans ses relations avec ses clients, le professionnel de l’automobile est nécessairement tenu à une obligation de sécurité. En cas de dommages accidentels survenus au client dans l’atelier de réparation, la jurisprudence a d’abord retenu la responsabilité du professionnel sur le terrain délictuel (Civ. 2e, 3 juillet 1968) en application des articles 1382 et s. du code civil, notamment dans le cas d’une chute du client sur un sol mouillé rendu glissant par la présence d’un liquide gras à un endroit accessible aux clients (Civ. 3e, 27 novembre 1970). Toutefois, dans un arrêt de principe de la première chambre civile en date du 9 juin 1993 (n° 9117.387), la Cour de cassation semble vouloir qualifier de façon relativement systématique l’obligation de sécurité du garagiste d’obligation contractuelle. Il s’agit dès lors d’une obligation de moyens renforcée emportant présomption de faute et de causalité, le garagiste ne pouvant s’en exonérer qu’en démontrant la cause étrangère ou son absence de faute. En revanche, le doute n’est pas permis sur la nature de la responsabilité civile concernée dès lors qu’il est question de dommages subis par les tiers. Pour exemple, on citera la décision de la Cour de cassation, 1re chambre civile, 9 juillet 2002 (n° 9915.471) : « Justifie légalement sa décision sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1er, du code civil, la cour d’appel qui retient qu’un commerçant est responsable de l’accident dont une cliente a été victime en raison de l’agencement anormal des les différents régimes de responsabilité civile responsabilité civile inexécution d’une obligation contractuelle retard dans l’exécution absence d’exécution rC contractuelle violation du devoir général de ne causer aucun dommage à autrui par son fait personnel du fait des choses dont on a la garde du fait des personnes dont on a la garde rC délictuelle Les trois activités principales d’un professionnel de l’automobile, à savoir la vente d’un véhicule, son entretien et sa réparation, ainsi que la garde du véhicule, donnent lieu à une diversité de risques de mise en œuvre de sa responsabilité civile. 20 jurispruDEncE automobiLE • n°809 • juillet-août 2009 • jurisprudence-automobile.fr Dossier lieux qui avait contribué à la réalisation de son dommage ». Mais il ne faudrait pas oublier que la responsabilité délictuelle du client peut parfois être retenue en cas de dommages subis dans l’enceinte de l’entreprise du professionnel de l’automobile. Ainsi, la Cour d’appel de Paris (ch. 17, section A, 3 octobre 1995, Juris Data n° 1995-023885) a opportunément décidé que « répond de sa faute, conformément aux règles de la responsabilité civile délictuelle ou quasi-délictuelle, le conducteur d’un semi porte-chars qui, après avoir reculé son véhicule dans l’atelier du garage qui avait accepté d’effectuer une réparation, prend l’initiative de retirer la chaîne de sécurité retenant la rampe de la remorque, agissant ainsi de sa propre autorité en dehors de toute consigne ou directive du chef d’atelier du garage dont il n’était par conséquent pas le préposé occasionnel, blessant un des employés du garage alors qu’il avait conservé sur l’ensemble articulé les pouvoirs de contrôle d’usage et de direction, lesquels n’avaient pas encore été transférés au garage dépositaire. » Mais il s’agit-là d’un tout autre sujet… Nathalie Giroudet-Demay, avocat au barreau de Paris, DESS droit de la distribution (1) Pour de plus amples développements, lire « La responsabilité du garagiste dépositaire », Emmanuelle Peronet, JA 2009 p. 201. Le devoir de conseil du réparateur Le garagiste est tenu de conseiller le client et de remettre le véhicule en bon état de marche. Voici quelques conseils en la matière. 1 En fonction des réparations demandées par le client, le réparateur est avant tout tenu de délivrer un diagnostic afin de déterminer précisément les éléments défectueux du véhicule. Il doit mentionner, dans l’ordre de réparation, les travaux demandés par le client et, le cas échéant, recontacter le client pour lui indiquer les éventuelles réparations complémentaires qui sont nécessaires et recueillir au préalable son consentement. Si le client ne souhaite pas procéder à certaines de ces réparations, le garagiste doit alors l’informer formellement des conséquences pouvant en résulter sur le fonctionnement de son véhicule, en particulier sur son état de sécurité. Il est essentiel pour le garagiste de mentionner précisément tous ces éléments dans un document signé par le client (ordre de réparation, décharge de responsabilité…). 2 Lorsque la pièce défectueuse nécessite un remplacement, et non une réparation, le garagiste ne doit pas se contenter de la réparer. Il doit avertir le client de la nécessité d’effectuer un remplacement et solliciter l’accord de celui-ci. Lorsque le garagiste a réparé la pièce défectueuse, mais qu’ultérieurement cette même pièce nécessite d’être remplacée, la Cour de cassation a précisé que ce garagiste ne sera exonéré de sa responsabilité que s’il prouve « qu’il avait, dès la première intervention, ap- porté tous les soins nécessaires à la remise en état du véhicule, en démontrant que l’usure de la pièce défectueuse n’exigeait pas qu’elle fût alors remplacée » (Civ. 1re, 12 janvier 1994, JA 1994 p. 202). 3 Le garagiste doit, avec l’accord du client, procéder à la réparation complète du véhicule en remplaçant toutes les pièces défectueuses. 4 Lorsque les réparations nécessaires sont onéreuses compte tenu de la valeur vénale du véhicule, il doit en informer le client (CA Rennes, 1er février 2002) et lui conseiller, le cas échéant, d’y renoncer ou d’envisager le remplacement du véhicule (Civ. 1re, 15 mai 2001, n° 99-14.128). Il appartient au garagiste de prouver, par tous moyens, qu’il a exécuté son obligation de conseil (Civ. 1re, 25 février 1997). Le garagiste, tenu de faire une réparation complète, doit prouver, pour être exonéré de sa responsabilité : - soit que son client s’est opposé à certaines réparations, alors même qu’il a été averti de leur nécessité (Com., 26 avril 2000, n° 9621.093) ; - soit qu’il a prévenu son client que les réparations qu’il a effectuées sont incomplètes et qu’il y a lieu d’entreprendre d’autres travaux. Dans ces deux cas de figure, il est vivement recommandé de faire signer une décharge de responsabilité (voir Cas pratique, JA juin 2009, p. 50). Aliou Sow, juriste en droit des affaires, secrétaire général FNAA ... jurisprudence automobile • N°809 • juillet-août 2009 • jurisprudence-automobile.fr 21 Dossier z RC et assurances des professionnels de la vente et de la réparation assurances Un millefeuille de garanties pour des risques professionnels étendus L’assurance de l’activité professionnelle est comme une danse à deux temps : elle distingue les risques avant et après livraison. Concernant les entreprises de l’automobile, qui contrôlent, dépannent, effectuent des travaux ou vendent des produits (pièces ou véhicules), il est indispensable d’assurer ces deux risques. Ainsi, l’assurance du professionnel de l’automobile est classiquement éclatée à partir de la notion de livraison. L es risques juridiques découlant des diverses activités du professionnel de l’automobile sont traités dans des contrats dits « multirisque ». Ils peuvent s’agréger à côté de l’assurance directe des événements factuels ; incendie, vol, dégâts des eaux, mais s’articulent toujours à partir de la notion de livraison. Cette appréhension chronologique des risques de responsabilité civile encourus par l’entreprise permet de différencier leur traitement quant aux montants de garanties, franchises ou exclusions. D’où l’importance de se reporter au tableau des montants de garanties, annexé au contrat, pour vérifier si l’entreprise est suffisamment bien assurée pour chacun des risques souscrits. C’est donc la notion de livraison qui établit la ligne de partage entre la responsabilité civile exploitation et Les professionnels doivent veiller à assurer leurs activités habituelles, mais également les activités particulières ou ponctuelles, dans le cadre desquelles un accident peut toujours survenir. C’est la notion de livraison qui établit la ligne de partage entre la responsabilité civile exploitation et la responsabilité civile après livraison. 22 la responsabilité civile après livraison (autrement dénommée professionnelle). Elle est définie contractuellement dans les termes suivants : « remise effective d’un véhicule ou d’un produit dès lors que cette remise, qu’elle soit à titre définitif ou provisoire, donne au nouveau détenteur le pouvoir d’en user hors de toute intervention de l’assuré [professionnel de l’automobile] ou de celle de ses préposés ». On observera que cette définition ne coïncide pas avec les notions de transfert juridique de la propriété ou de réception des travaux. Ensuite, ce sont les activités déclarées aux conditions particulières qui délimitent l’objet du contrat pour les risques avant et après livraison. Les activités couvertes sont en général énumérées positivement, de manière exhaustive et avec précision. Par exemple, dans un contrat couvrant la responsabilité civile du garagiste, une clause pourra stipuler les activités garanties : « Nous garantissons votre activité [...] conformément à l’une des clauses ci-après : contrôle technique ; station-service avec baie technique ; vente et pose d’accessoires automobiles neufs ; mécanique générale sur les véhicules légers ; carrosserie, tôlerie, peinture ». Les professionnels doivent donc veiller à assurer leurs activités habituelles mais également les activités particulières ou ponctuelles, dans le cadre desquelles un accident peut toujours survenir. La pratique contractuelle retient parfois un pourcentage du chiffre d’affaires de l’assuré pour qualifier les activités secondaires (+ 30 %) ou annexes (- de 30 %) par rapport à l’activité principale. Seule la première doit faire l’objet d’une déclaration au contrat. Pour les activités non déclarées, le professionnel s’expose à un refus de garantie légitimé par la jurisprudence. n Le gymkhana de l’assurance des véhicules confiés Le premier acte de l’assurance des risques juridiques de l’entreprise est consacré aux dommages survenus « avant livraison » : du fait, et au cours des activités déclarées par le souscripteur. Sans faire référence aux textes du code civil, elle s’applique aux dommages corporels, matériels, immatériels consécutifs causés à autrui (tiers et clients de l’entreprise) par les préposés de l’entreprise (tels que vols), les soustraitants (avec le bénéfice ou pas d’une renonciation à recours), les biens mobiliers (matériels, marchandises, appareils mécaniques) et immobiliers affectés à l’exercice de l’activité. Pour le cas de l’incendie et des responsabilités en découlant au niveau de l’entreprise, la garantie jurisprudence automobile • N°809 • juillet-août 2009 • jurisprudence-automobile.fr Dossier relève en général de la responsabilité civile exploitation seulement pour les dommages corporels et de l’assurance des biens de l’entreprise pour les risques locatifs et recours des voisins et des tiers (Civ. 1 re, 4 juillet 1995, n° 93-18.913, RGAT 1995, p. 868, note Maleville). S’agissant des dommages de pollution, on observe que les assureurs limitent leurs engagements au niveau des polices de responsabilité civile générale, y compris à l’égard des entreprises du secteur de l’automobile, dans une démarche de garantie automatique. Seule l’atteinte accidentelle à l’environnement est couverte. L’introduction de cette limitation permet d’exclure les conséquences de la corrosion ou d’autres formes d’altérations lentes, graduelles ou répétées. Toutefois, si l’entreprise fait partie des installations classées soumises à autorisation préfectorales (art. L. 512-1 à L. 512-7 du code de l’environnement), les dommages de pollution peuvent faire l’objet d’un contrat spécifique. Parmi les risques concernant de très près les professionnels de l’automobile, il faut s’arrêter sur la question des dommages aux véhicules confiés. Pendant la période où le client remet en dépôt son véhicule, c’est-à-dire lorsque l’entreprise assurée en a la garde, la responsabilité pécuniaire de celle-ci peut être recherchée du fait des dommages matériels de toute nature subis par les véhicules confiés, y compris leur contenu, leurs accessoires, leurs aménagements et leurs équipements (voir Le point sur la responsabilité du garagiste dépositaire, Emmanuelle Peronet, JA 2009, p. 201). Les dommages causés par les véhicules relèvent, par ailleurs, de l’assurance automobile obligatoire. À cet égard, il est important de vérifier l’étendue de son assurance responsabilité afin qu’elle se superpose Pendant la période de dépôt du véhicule, la responsabilité pécuniaire de l’entreprise peut être recherchée du fait des dommages matériels subis par le véhicule. avec le risque encouru. L’arrêt rapporté illustre la portée pratique de cette observation : la Cour de cassation a censuré une cour d’appel qui avait décidé que l’assureur devait couvrir son assuré, un garagiste réparateur, pour avoir endommagé le moteur alors qu’il ramenait le véhicule à son client. Elle relève que la police souscrite garantissait non pas les dommages subis par les véhicules confiés à l’assuré, sauf dans le cas de certaines causes accidentelles précisées par la police, mais les dommages causés du fait des travaux ou prestations effectués par l’assuré ou du fait des véhicules ayant donné lieu à prestation. En l’espèce, les dommages au moteur étaient étrangers à la prestation (Civ. 1re, 27 janvier 2004, n° 01-11.983). Au-delà du véhicule confié, la garantie s’étend aussi aux pièces, matériels et organes confiés ainsi qu’aux dommages immatériels (privation de jouissance) consécutifs à ces dommages matériels. Pratiquement, cette garantie spécifique englobée dans la garantie de base est généralement délimitée par des exclusions qui lui sont propres. Elles visent les dommages causés aux pièces et organes non livrés et appartenant encore au professionnel, les dommages qui seraient la conséquence directe de l’usure du véhicule ou de leur défaut d’entretien imputable aux clients, ou encore le coût de la prestation à l’origine des dommages (pièces et main-d’œuvre) effectué par l’assuré ou ses sous-traitants, sur le bien confié. À noter que la garantie de responsabilité civile biens confiés souscrite, en ce qui concerne les véhicules en dépôt, peut prévoir de jouer comme une assurance de choses « pour compte de qui il appartiendra » (Civ. 2e, 4 novembre 2003, n° 01-18.038, voir pour le cas où la clause n’en fait pas mention). Lorsqu’il en est ainsi, même si la responsabilité de l’assuré n’est pas engagée (tel que vol), les dommages matériels subis par le véhicule confié seront indemnisés par l’assureur du professionnel en cas d’absence ou d’insuffisance d’assurance du client. Par ailleurs, l’attention doit être portée sur la démarche singulière de certains assureurs couvrant les dommages causés et subis par les véhicules confiés, dans le cadre d’une assurance automobile, qui forme un tout avec l’assurance des véhicules « appartenant » au professionnel. Dans ce cas de figure, il faut être très vigilant sur les éventuels plafonds de garanties par véhicule et par événement. En effet, pour éviter les cumuls au sein du contrat « multirisque », les dommages couverts par les garanties automobiles sont en principe exclus de la garantie responsabilité civile exploitation. Notons qu’en l’absence de toute clause exprimant que cette assurance directe souscrite par le garagiste est établie pour le compte du déposant, il serait difficile, à notre sens, de ne pas y voir une assurance pour compte implicite (Civ. 1re, 24 juin 2003, n° 00-17.213, RGDA 2003, p. 678). Comme au moment du sinistre, c’est son intérêt d’assurance qui est atteint, le déposant aurait ainsi le droit à garantie. Enfin, au titre des dommages immatériels, on s’arrêtera sur le retard de livraison et ses conséquences pécuniaires pouvant parfois être garanti s’il résulte d’un dommage corporel d’origine accidentelle attei- jurisprudence automobile • N°809 • juillet-août 2009 • jurisprudence-automobile.fr ... 23 Dossier z RC et assurances des professionnels de la vente et de la réparation gnant le professionnel assuré ou ses préposés ou d’un dommage matériel causé à ses biens. n L’objet de la garantie du risque professionnel Le second acte de l’assurance responsabilité de l’entreprise a pour objet de couvrir, à concurrence des montants de garantie et pour les risques prévus aux dispositions du contrat tels que : « les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile auxquelles l’assuré peut être tenu : après achèvement des travaux ou des prestations exécutés par lui et résultant d’une malfaçon ou de toute autre faute, erreur ou négligence, en raison des dommages corporels, des dommages matériels et des dommages immatériels qui en sont la conséquence, causés aux tiers, y compris ceux occasionnés par un incendie, une explosion ou par l’action des eaux et autres fluides ». À la différence de la précédente, cette garantie ne joue qu’à partir du moment où le garagiste a livré le véhicule à son client (voir ci-avant). Panorama des garanties concernées par l’assurance des dommages aux véhicules confiés Garantie concernée Dommages causés au véhicule du client Du fait des travaux XSans objet effectués par le garagiste Consécutifs à unContrat incendie (4) incendie/explosion Consécutifs à un vol X (2)Contrat vol (4) Contrat d’assurance des véhicules (5) X X X Les dommages aux véhicules confiés sont susceptibles de relever de plusieurs sortes de garanties au sein d’un contrat multirisque, voire d’autres contrats. (1) Si RC du garagiste non engagée, assurance qui fonctionne au moyen d’une clause comme une assurance pour compte du déposant en cas d’absence ou d’insuffisance de garantie. (2) Voir : CA Agen, 20 septembre 2005, RG 04/01264. (3) Assurance qui fonctionne au moyen d’une clause comme une assurance pour compte du déposant. (4) Dans l’enceinte de l’entreprise. (5) À défaut de clause, assurance susceptible de fonctionner comme une assurance pour compte implicite du déposant. Application de la garantie dans le temps Depuis la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, JO 2 août (art. L. 124-5 C. assur.), la garantie est déclenchée dans le cadre d’une activité professionnelle par le fait dommageable ou la réclamation, le contrat d’assurance devant préciser la modalité retenue. En règle générale, les contrats retiennent le déclenchement de la garantie « par la réclamation » adressée à l’assureur ou l’assuré pendant la période de validité de la garantie souscrite. La garantie est acquise, même si le fait à l’origine du sinistre s’est produit avant la souscription du contrat. À l’expiration de la garantie, en cas de résiliation, il est prévu une garantie subséquente d’une durée qui ne peut être inférieure à cinq ans, qui peut être portée à dix ans lorsque la garantie souscrite est la dernière avant la cessation d’activité professionnelle ou le décès du souscripteur. 24 Garantie spécifique Contrat d’assurance englobée dans la directe des biens garantie de base RC de l’entreprise (3) exploitation (1) Encore faut-il que le fait générateur de la responsabilité civile de l’assuré soit couvert. Et sur cette question, il convient de se montrer très vigilant. En effet, les dispositions de la police d’assurance de RC peuvent ne faire référence qu’aux dommages causés résultant de certains faits générateurs (malfaçon, erreur, négligence, défaut de conseil…) ou viser plus largement la responsabilité civile encourue par l’assuré prenant ainsi implicitement en considération tous ses faits générateurs, même si l’obligation en question est de création jurisprudentielle. Au titre des dommages garantis, les assureurs de responsabilité civile retiennent, dans la terminologie qui leur est propre, les trois catégories suivantes : dommage corporel, matériel et immatériel. Cette garantie intervient aussi bien pour les dommages subis par le véhicule confié que pour ceux qu’il pourrait causer. On se souviendra que le client du professionnel est un tiers au niveau du contrat d’assurance de responsabilité. Le plus souvent, l’assureur couvre les dom- mages à caractère accidentel ou non, c’est-à-dire à réalisation lente et progressive (usure prématurée de pièce, fatigue anormale, corrosion, ox ydation, dépôt excessif de rouille…). Toutefois, il peut arriver que l’assureur subordonne sa garantie au caractère accidentel des dommages comme aux termes de cette clause prévoyant, pour le cas d’un véhicule vendu par l’assuré, la prise en charge des dommages s’ils résultent d’un choc avec une personne, un animal, une chose, ou d’un incendie ou d’une explosion. Selon la jurisprudence, ce type de clause doit recevoir application (Civ. 1re, 4 mars 2003, n° 01-10.026). Enfin, les dommages immatériels ont trait aux préjudices pécuniaires, dont l’exemple type rapporté à l’activité des professionnels de l’automobile est la perte d’utilisation du véhicule confié (préjudice d’immobilisation). En principe, seuls sont a priori pris en compte les dommages immatériels consécutifs à des dommages corporels ou matériels garantis. Toutefois, les contrats peuvent partiellement déroger à cette limitation. En jurisprudence automobile • N°809 • juillet-août 2009 • jurisprudence-automobile.fr Dossier Au titre des dommages garantis, les assureurs de responsabilité civile retiennent les trois catégories suivantes : dommage corporel, matériel et immatériel. voici un exemple : « Si vous avez déclaré exercer l’activité de contrôle technique automobile, sont également couverts les dommages immatériels non consécutifs à des dommages corporels ou matériels lorsque ces dommages sont imputables à une erreur commise dans les conclusions d’un contrôle automobile ». n Trous de garanties Les exclusions générales se retrouvent dans la plupart des contrats couvrant la responsabilité civile des professionnels. Ainsi, sont de principe exclus : les dommages occasionnés par la guerre civile ou étrangère, la faute intentionnelle et le dol de l’assuré, un tremblement de terre, tout combustible nucléaire et toute source de rayonnements ionisant, ou encore les dommages résultant d’actes de terrorisme ou d’attentats. Ensuite, les exclusions particulières sont celles que l’assureur souhaite ajouter au contrat couvrant la responsabilité civile du professionnel de l’automobile. On retrouve ici, en général, la cause de la prestation (le travail mal fait et à refaire). Ainsi, le coût de remboursement, de réparation, de remplacement ou de réfection des produits ou des travaux (pièces et main-d’œuvre) à l’origine des dommages n’est pas pris en charge (CA Versailles, 11 juillet 2006, RG n° 05/02994). Sauf à ce qu’il soit établi lors de l’expertise que la pièce sur laquelle avait porté la prestation du garagiste n’était pas en cause (Civ. 1 re, 2 décembre 2003, n° 00-17.085). Reste que la distinction entre cause et conséquence du dommage peut être difficile à effectuer. Prenons l’exemple d’un garagiste qui intervient sur une seule pièce défaillante de l’ensemble d’un organe du moteur qui s’avère très usé, il apparaît alors que sa prestation est inutile, mais qu’elle peut tout de même engendrer des conséquences dont la responsabilité du garagiste peut être exonérée selon le cas. Dès lors, l’intervention de l’expert sera particulièrement intéressante sur ce point. En particulier, le détail des chiffrages est fondamental car il permet de quantifier le montant des dommages qui sont garantis, ou non, au titre du contrat. Dans cette opération, il conviendra de bien distinguer la cause de la responsabilité de ses conséquences car à l’inverse de cette dernière, la cause n’est pas prise en charge par le contrat. Toutefois, l’insertion d’une telle exclusion n’est pas de droit et ne figure pas dans toutes les assurances de responsabilité civile professionnelle. Ainsi, dans une police conçue spécifiquement pour couvrir les responsabilités des entreprises du secteur de l’automobile on déduit, d’une lecture a contrario d’une clause d’exclusion, que sont garantis les frais occasionnés pour refaire les travaux mal exécutés ou pour y remédier, lorsque lesdits travaux ont entraîné un dommage matériel. n Lionel Namin, chargé d’enseignement à l’université Paris II Panthéon-Assas, diplômé de l’Institut des assurances de Paris (1) 1. Remerciements particuliers à Christian Lalou, Groupe MMA, pour l’aide précieuse qu’ il a bien voulu m’apporter dans la rédaction de cet article. Lexique Garantie subséquente Dans les assurances de responsabilité civile, extension de garantie permettant de couvrir les réclamations présentées après la date de résiliation du contrat, dès lors qu’elles sont afférentes à des dommages ou à des faits générateurs survenus pendant la période de validité du contrat. Cette extension de garantie est limitée dans le temps. Reprise du passé (clause de) Clause contenue dans une assurance de responsabilité civile, par laquelle l’assureur accepte de garantir les réclamations présentées pendant la période de garantie et portant sur des dommages antérieurs à la prise d’effet du contrat, à condition que l’assuré ait été dans l’ignorance de celle-ci au moment de sa conclusion. Source : Lexique des termes d’assurance, J. Landel, L’Argus éditions, 5 e éd. 2007. jurisprudence automobile • N°809 • juillet-août 2009 • jurisprudence-automobile.fr ... 25 Dossier z RC et assurances des professionnels de la vente et de la réparation Vente automobile Vices cachés et RC produits livrés, attention au risque d’exclusion Le régime juridique de la responsabilité civile du garagiste et de son assurance arrive à maturité, offrant régulièrement de nouvelles illustrations jurisprudentielles. En revanche, celui qui découle de son activité de vendeur est plus nébuleux et prête parfois à confusion sur l’étendue de la couverture d’assurance. A ux origines du développement de l’automobile, le garagiste était essentiellement un dépositaire auquel le client confiait son véhicule. Du verbe garer sur le plan étymologique, il est encore défini par quelques dictionnaires comme un « exploitant commercial assurant le remisage des voitures et, souvent, les travaux d’entretien et de réparation » (Larousse). L’activité du garagiste est ainsi devenue protéiforme au fil du temps, exercée au sein d’une communauté de professionnels qui ont su marquer de leur empreinte le parcours du véhicule, y compris en marge de son seul dysfonctionnement technique. C’est ainsi que le garagiste est devenu prêteur de véhicule de remplacement, vendeur du véhicule d’occasion et même parfois garant contractuel de certaines pannes ou encore intermédiaire d’assurance entre l’acheteur et les assureurs offrant des garanties contractuelles lors de la vente. n La garantie n’est pas une faute Lorsqu’il vend un véhicule, le garagiste est juridiquement « un vendeur comme les autres ». En ce sens, il demeure tenu envers l’acquéreur de 26 La faute ou le fait générateur de responsabilité civile sont sans lien avec la garantie du droit de la vente, au moins pour le vendeur de bonne foi. l’ensemble des obligations qui incombent au vendeur, dont la plus emblématique est certainement la garantie légale des vices cachés de l’article 1641 du code civil. Aux termes de l’article 1603, le vendeur assume « deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend ». Rappelons simplement que l’acheteur d’un véhicule, s’il veut mobiliser la garantie légale des vices cachés, devra établir l’existence d’un vice occulte nécessairement antérieur à la vente et d’une certaine gravité, la chose vendue devant être impropre à son usage ou à tout le moins d’un usage atténué. Le propos n’est pas ici d’exposer le régime juridique de cette garantie mais d’en souligner la spécificité au regard de celui de la responsabilité civile du garagiste vendeur. En effet, la responsabilité civile suppose une faute ou un fait générateur imputable au débiteur et un lien de causalité avec le dommage allégué par la vic- La garantie suppose établie l’existence d’un vice, lequel ne doit pas être apparent à l’examen de la chose. time : le créancier peut donc lui réclamer des dommages et intérêts qui n’ont pour seule limite que la réparation intégrale de son préjudice. En revanche, la garantie suppose établie l’existence d’un vice, lequel ne doit pas être apparent à l’examen de la chose, qui ouvre au créancier le choix de demander la résolution du contrat de vente (action rédhibitoire) ou la réduction du prix (action estimatoire). La faute ou le fait générateur de la responsabilité civile sont donc sans lien avec la garantie du droit de la vente, au moins pour le vendeur de bonne foi, l’article 1645 du code civil mettant à la charge du vendeur de mauvaise foi les autres dommagesintérêts excédant le cadre strict de la mise en œuvre de l’action rédhibitoire ou estimatoire. La haute juridiction avait d’ailleurs rappelé que « les vices cachés, lesquels se définissent comme un défaut rendant la chose impropre à sa destination normale, ne donnent pas ouverture à une action en responsabilité contractuelle, mais à une garantie dont les modalités sont fixées par les articles 1641 et suivants du code civil » (Civ. 1re, 5 mai 1993, Gaz. Pal. 1994, 1, jurispr. p. 77, note B. Boubli). n La faute peut surgir de la garantie Le vice caché, qui affecte la chose elle-même dans ses qualités substantielles, peut aussi provoquer d’autres dommages lors de sa survenance, dépassant le périmètre de son dysfonctionnement intrinsèque. Affectant le véhicule, le vice caché peut jurisprudence automobile • N°809 • juillet-août 2009 • jurisprudence-automobile.fr Dossier être la source d’un dommage matériel ou corporel causé à un tiers si sa manifestation provoque un accident de la circulation ou contribue à sa survenance. Il en sera ainsi du véhicule dont la discrète fuite d’huile, indécelable lors de la vente, provoquera ultérieurement la perte de contrôle d’un véhicule tiers lors de son aggravation soudaine en circulation. De même, siégeant sur un élément d’équipement du véhicule, le vice peut provoquer des dommages collatéraux. Par exemple, le vice caché affectant un arbre à cames remplacé par le réparateur dans les règles de l’art, sur une automobile, peut conduire au seul remplacement de cet élément du moteur ou, de façon plus globale, au remplacement du moteur complet si celui-ci a subi des dommages irréversibles en raison du vice de l’arbre à cames. Dans les deux cas, le vice caché devient pour le vendeur du véhicule, ou de la pièce détachée, un fait générateur susceptible d’engager sa responsabilité civile à l’égard des tiers, de façon incidente à la vente. S’il touche à la sécurité, il embrassera de concert le régime des articles 1386-1 et suivants du code civil, qui instituent une responsabilité de plein droit du producteur envers les victimes de dommages dus à un défaut de sécurité des produits qu’ils ont mis en circulation, le vendeur étant ici assimilé au producteur. n L’adéquation de la couverture d’assurance La singularité de la manifestation d’un vice caché conduit donc le professionnel vendeur à s’interroger sur l’étendue et les limites de sa couverture d’assurance, en général dénommée « RC produits livrés » ou « RC après livraison » (voir l’article précédent de ce dossier). Cette assurance indemnise classiquement les domma- Une confusion est encore entretenue par certaines polices d’assurance qui associent sans distinction le droit de la vente et celui de la responsabilité civile. Un vice caché affectant un véhicule peut être la source d’un dommage matériel ou corporel causé à un tiers si sa manifestation provoque un accident de la circulation ou contribue à sa survenance. ges causés par le produit en excluant la prise en charge des obligations du vendeur, découlant du contrat de vente. L’assureur ne doit donc sa garantie qu’en cas de dommage causé par un produit et qui engage corrélativement la responsabilité civile de son assuré. Une clause d’exclusion assez répandue cantonne son application : « Sont exclus les dommages subis par les biens livrés ou par les travaux exécutés par l’assuré, et d’une façon générale tous les coûts de réparation ou de remboursement des produits ou travaux qui ne remplissent pas les fonctions promises à l’assuré ». Les dommages subis par le produit, objets de l’exclusion, s’opposent aux dommages causés par celuici, qui sont garantis ; les assureurs entendent ainsi exclure le risque d’entreprise. Il n’y a toutefois pas ici de règle absolue, car le vice caché présente, pour le vendeur, un caractère aléatoire qui le rend assurable au titre d’une assurance de choses. n La nature juridique de l’assurance L’interrogation portera donc bien souvent sur la nature juridique de l’assurance, à savoir une assurance de choses ou de responsabilité, cette dernière supposant que l’assuré soit actionné par un tiers dans le cadre d’un régime de responsabilité. La doctrine en trace ainsi la frontière : « Lorsque la réclamation adressée par le tiers lésé à l’assuré tend à l’obtention de dommages-intérêts, elle entre par nature dans le champ de l’assurance de responsabilité civile et correspond à son objet. En revanche, lorsque la réclamation du tiers lésé tend à la reprise du produit contre remboursement du prix ou à la diminution du prix, ce n’est pas une action en responsabilité civile tendant à l’allocation de dommages et intérêts, mais une action rédhibitoire ou estimatoire, dont la nature est différente, et qui ne relève pas de l’assurance de responsabilité civile » (J. Bigot, note RGAT 1992, p. 362). Pourtant, une confusion est encore entretenue par la rédaction de certaines polices d’assurance qui associent sans distinction le droit de la vente et celui de la responsabilité civile, l’assuré étant réputé garanti « des conséquences de sa responsabilité civile découlant des articles 1641 et suivants du code civil ». Si l’assureur n’entend garantir qu’une responsabilité civile ayant pour fait générateur un vice caché, certains y voient la garantie plus générale, par l’assureur, des obligations du vendeur. La Cour de cassation valide cependant depuis 1995 les polices d’assurance qui garantissent le dommage causé par le produit, en excluant celui subi par ce dernier (Civ. 1re, 7 février 1995, Bull. civ. 1995, I, n° 72). Plus récemment, il a été reproché à un arrêt d’avoir condamné un assureur à garantir son assuré de l’indemnisation de la totalité de son préjudice, « en ce compris le coût de remplacement d’une machine », alors « qu’étaient exclus de la garantie le remboursement ou la diminution du prix […] et du remplacement des produits défectueux effectués par l’assuré ou pour son compte » (Civ. 2e, 9 avril 2009, n° Resp. civ. et ass. 2009 comm. 191, note Groutel). Philippe Ravayrol, avocat au barreau de Paris, diplômé de l’Institut des assurances de Paris jurisprudence automobile • N°809 • juillet-août 2009 • jurisprudence-automobile.fr ... 27 Dossier cnpa entretien aveC ... « Une nouvelle problématique relative aux risques d’atteintes à l’environnement émerge » patrick baillY, président du cnpa (conseil national des professions de l’automobile) Quel regard portez-vous sur l’évolution des relations professionnels / consommateurs et de leur résonance en termes de réclamations ? De manière générale, dans notre profession, peu de réclamation clientèle arrivent jusqu’au CNPA. Les litiges se règlent le plus souvent sur le terrain entre le consommateur et les professionnels concernés. Les uns comme les autres préfèrent privilégier les règlements amiables aux procédures contentieuses. Nous avons d’ailleurs mis en place au sein de notre organisation une commission de conciliation et d’arbitrage qui prévoit de traiter les litiges entre consommateurs et professionnels au niveau national, mais aussi local par l’intermédiaire de nos secteurs départementaux et régionaux. Le nombre de dossiers faisant l’objet d’une conciliation ou d’un arbitrage reste toutefois assez faible (pour le siège : 139 en 2007 et 145 en 2008 ; pour les secteurs : 371 en 2007 et 287 en 2008). Ce constat s’explique par le fait que la profession a su faire évoluer le contenu des contrats, sur les garanties liées au véhicule ou sur les commandes de travaux à la réception des véhicules en ateliers. Plus précis et plus transparents, ils permettent d’éviter bon nombre de malentendus et donc de litiges. vos activités sont en général soumises à une obligation de résultat. est-elle de nature à améliorer la qualité du service rendu ? Quand un professionnel accepte des travaux d’entretien ou de réparation, il doit s’assurer de pouvoir les réaliser. En qualité d’homme de l’art, il est normal d’être tenu à une obligation de résultat à l’égard du client, mais ce n’est pas toujours simple, notamment lorsqu’un véhicule a fait l’objet de transformations par son propriétaire. Le professionnel n’a pas toujours connaissance de la nature de la transformation ni de ses conséquences. L’efficacité et la compétence technique doivent améliorer la qualité du service rendu au client et attendu par lui. estimez-vous que vos professionnels doivent de plus en plus faire face à un alourdissement de leurs responsabilités ? Cela suscite t-il des actions spécifiques du Cnpa ? 28 Il est vrai que le client est de plus en plus exigeant sur la qualité du travail fourni et sur le résultat à obtenir. Au CNPA, nous sommes vigilants et mettons en place des moyens pour la formation des techniciens. La solution aux problèmes techniques passe par la formation initiale, tout d’abord, mais également par la formation permanente qui permet de s’adapter aux évolutions technologiques particulièrement nombreuses et rapides dans le secteur automobile. existe-t-il au Cnpa des dispositifs particuliers pour traiter et/ ou assister les professionnels mis en cause ? Il existe des systèmes d’assurance de protection juridique proposés directement par certains assureurs à nos adhérents. En tant qu’organisme professionnel, le CNPA ne recommande aucun partenaire particulier mais joue un rôle de sensibilisation et d’information sur la nature des couvertures d’assurance qu’il est recommandé de souscrire. les garanties rC présentes sur le marché sont-elles bien adaptées à votre risque juridique ? le taux de couverture estil satisfaisant dans la profession ? Nous avons très peu d’insatisfactions sur les garanties accordées actuellement par les assureurs. Nous voyons toutefois émerger, dans nos activités, une problématique nouvelle relative aux atteintes à l’environnement. Les risques sont potentiellement nombreux et à forte amplitude : certains matériels de garage, les citernes de carburants, les activités de récupération d’huiles usagées, de résidus de peinture, de liquide de refroidissement…, peuvent entraîner des pollutions. Le professionnel doit donc être vigilant sur le niveau de couverture proposé sur ce type de risques dans les contrats (plusieurs millions d’euros pour la couverture corporelle, matérielle, nettement moins pour la pollution accidentelle qui, seule, est couverte). pensez-vous qu’il faille envisager une assurance obligatoire pour le risque de responsabilité des professionnels de l’automobile ? Notre profession recouvre plusieurs activités, plusieurs facettes différentes et souvent complexes. En fait, les professionnels sont couverts pour leur responsabilité civile. Réclamer une assurance obligatoire ne fait pas partie des préoccupations du CNPA, qui privilégie des actions d’information. n propos recueillis par véronique Crouzy jurispruDEncE automobiLE • n°809 • juillet-août 2009 • jurisprudence-automobile.fr