LES AYANTS DROIT DE FEU - Tribunal de Commerce d`Abidjan

Transcription

LES AYANTS DROIT DE FEU - Tribunal de Commerce d`Abidjan
REPUBLIQUE
DE
COTE
D’IVOIRE
----------------COUR D’APPEL D’ABIDJAN
---------------TRIBUNAL DE COMMERCE
D’ABIDJAN
--------------RG N° 2393/2015
-------------
AUDIENCE PUBLIQUE DU 29 JUIN 2015
L’an deux mil quinze
Et le vingt-neuf juin
Nous, TOURE AMINATA, Juge délégué dans les fonctions du
Président du Tribunal de commerce d’Abidjan, statuant en
matière d’urgence ;
Assisté de Maître KODJANE MARIE-LAURE épouse
NANOU, Greffier ;
ORDONNANCE DU JUGE DE
L’EXECUTION
Avons rendu l’ordonnance dont la teneur suit :
-------------Affaire :
Par exploit d’huissier en date du 18 juin 2015, la société PALMCI
a fait servir assignation à TRA BI ZA née ASSEMIEN MAGNE
-LA SOCIETE PALMCI
MADELEINE, TRA TCHANLEE ADELE, BEAUYAT CHANTAL
GUIE ABBLAN, ZAHABI KHALEBIN TRATO CHARLES,
LA SCPA FADIKA,
BEAUYAT ZAHABI KOUET DANIEL, BEAUYAT ZAHABLI
DELAFOSSE, KACOUTIE et
YATTY ALAIN et à BEAUYAT VANIER MARC, tous ayants droit
Associés
de feu BEAUYAT TRA BI ZA BERNARD d’avoir à comparaître
devant la juridiction présidentielle de ce siège pour entendre :
contre
-déclarer nul et de nul effet le procès verbal de saisie vente ;
-ordonner en conséquence la mainlevée de la saisie vente
-LES AYANTS DROIT DE pratiquée ;
FEU BEAUYAT TRA BI ZA Condamner les ayants droit de BEAUYAT TRA BI ZA BERNARD
BERNARD
aux entiers dépens distraits au profit du cabinet FDKA avocats
aux offres de droit ;
LA SCPA NAMBEYADOGBEMIN ET ASSOCIES
Au soutien de son action, la société PALMCI expose que par
exploit d’assignation en date du 26 mars 2010, les ayants droit
de feu BEAUYAT TRA BI ZA BERNARD l’ont attraite par-devant
-------------le Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau aux fins
DECISION :
d’entendre :
Contradictoire
-prononcer la résolution faute de mandat de gestion ;
-condamner la société PALMCI à leur rembourser les revenus
Donnons acte aux défendeurs de leur
mensuels de leur plantation sur la période d’avril 2009 à février
renonciation à la fin de non recevoir
2010, évalués par leurs soins à la somme de 2.000.000 FCFA
soulevée ;
par mois soit 22.000.000 FCFA ;
Recevons la société PALMCI en son -la condamner en outre à leur payer la somme de 2.500.000
action ;
FCFA à titre de dommages et intérêts ;
L’y disons bien fondée ;
Par jugement N° 1751 du 10 mai 2012, le Tribunal de Première
Déclarons nul le procès verbal de saisie
Instance d’Abidjan-Plateau la condamnait à payer aux
vente du 29 avril 2015 ;
Ordonnons la mainlevée de ladite saisie demandeurs la somme 22.000.000 FCFA et celle de 2.500.000
vente pratiquée au préjudice de la société FCFA à titre de dommages et intérêts ;
PALMCI par les ayants droit de feu Poursuivant l’exécution de ce jugement, les ayants droit de feu
BEAUYAT TRA BI ZA BERNARD ;
BEAUYAT TRA BI ZA BERNARD ont perçu la somme de
23.065.032 FCFA ;
Mettons les dépens de l’instance à la
charge des ayants droit de feu Elle précise qu’elle a relevé appel de cette décision et les ayants
BEAUYAT TRA BI ZA BERNARD droit de feu BEAUYAT TRA BI ZA BERNARD ont fait un appel
distraits au profit du cabinet FDKA incident en formulant de nouvelles demandes ;
La Cour d’Appel d’Abidjan par arrêt N° 392 du 31 octobre 2014
rendait la décision dont le dispositif suit : « déclare la société
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avocats aux offres de droit.
PALMCI partiellement fondée en son appel et les ayants droit de
feu BEAUYAT TRA BI ZA BERNARD mal fondés en leur appel
incident.
Reformant le jugement entrepris,
Ramène à 9.629.040 FCFA le montant des revenus de
l’exploitation.
Confirme le jugement pour le surplus.
Condamne la société PALMCI aux dépens. » ;
Lors de la signification de cet arrêt, elle était surprise de
découvrir que sous le biais de la procédure de rectification, des
modifications de fond ont été apportées à l’arrêt, portant ainsi le
montant des condamnations de 9.269.040 FCFA à 111.228.480
FCFA ;
En effet, par ordonnance N° 010/2015 rendue le 8 janvier 2015
au pied d’une requête présentée le 30 décembre 2014, madame
le Premier Président de la Cour d’Appel ordonnait la
rectification du tonnage mentionné en page 09 de l’arrêt,
comme suit : « écrire 2,20 t/ha en lieu et place de 220 t/ha ;
Du fait de cette rectification justifiée, en raison de l’omission de
la virgule dans le nombre « 220 », l’on aboutissait bien au
résultat de 9.269.040 FCFA ;
En outre par ordonnance rendue le 23 mars 2015, madame le
Premier Président de la Cour d’Appel ordonnait une seconde
rectification de l’arrêt comme suit : remplacer le nombre
9.269.040 FCFA par 111.228.480 FCFA ;
C’est donc dans ces conditions que l’arrêt lui a été signifié sans
les ordonnances rectificatives ;
Sur le fondement de cet arrêt rectifié, les défendeurs ont
pratiqué une saisie vente par acte d’huissier du 29 avril 2015 sur
les biens meubles de PALMCI ;
Une telle saisie viole l’article 100.2 de l’acte uniforme OHADA
portant organisation des procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d’exécution, en ce que l’acte de saisie
contient des irrégularités sur l’énonciation du titre exécutoire ;
En effet la saisie a été pratiquée sur le fondement des
ordonnances N° 10/2015 du 8 janvier 2015 et N° 105/2015 du
23 mars 2015 ainsi que de l’arrêt N° 392 du 31 octobre 2014 ;
Or, en application des articles 324, 341 du code de procédure
civile, commerciale et administrative, ainsi que des articles 33 et
34 de l’acte uniforme sus visé, aucune décision ne peut être
exécutée sans signification préalable et aucune saisie vente ne
peut être pratiquée sans titre exécutoire ;
Le procès verbal de saisie est donc nul et mainlevée de la saisie
querellée doit être ordonnée ;
En outre précise la société PALMCI, la juridiction devant
connaitre des contestations relatives à la saisie vente et qui se
trouve être le Président du Tribunal de commerce d’Abidjan en
raison de la qualité de commerçante de la PALMCI et du
caractère commercial des actes posés par elle dans le cadre de
ses activités, n’a pas été précisée ;
Il a été mentionné sur l’acte de saisie, « Président du Tribunal de
Première de commerce » ;
Il n’y a donc aucune indication du lieu de situation du Tribunal
et telle que nommée, la juridiction n’existe pas ;
L’acte de saisie est donc nul et il y a lieu d’ordonner la mainlevée
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de la saisie vente ;
Répondant aux moyens des défendeurs, la société PALMCI fait
noter que le juge de l’exécution peut apprécier le caractère
régulier ou non du titre exécutoire en vertu duquel la saisie
vente est pratiquée ;
C’est de manière irrégulière que la formule a été apposée sur le
titre servant de fondement à la saisie ;
Bien que comportant la formule exécutoire l’arrêt ne constitue
pas un titre exécutoire ;
En réplique les ayants droit de feu BEAUYAT TRA BI ZA
BERNARD font valoir qu’ils sont en train d’exécuter un arrêt et
non des ordonnances de rectification ;
L’arrêt a fait l’objet de rectifications, qui y ont été mentionnées ;
Ils soulèvent l’irrecevabilité de l’action au motif que la
demanderesse n’est plus dans le délai d’un mois requis pour
procéder à la contestation de la saisie vente ;
Ils font noter qu’ils ont signifié une grosse qui contient les
rectifications intervenues ;
L’arrêt est revêtue de la formule exécutoire ;
Le juge de l’exécution ne peut apprécier la validité de décisions
rendues par la Cour d’Appel ;
Au demeurant la société PALMCI a été déboutée de sa demande
en rétractation des ordonnances de rectifications querellées ;
Le présent débat ne peut porter que sur l’exécution et non sur la
validité des décisions rendues ;
La juridiction compétente pour connaitre des contestations de la
saisie vente querellée a été indiquée ;
Bien que la loi ait prévu la création de plusieurs Tribunaux de
commerce, il n’existe à ce jour qu’un seul Tribunal de commerce
fonctionnel ;
Il y a certes eu une erreur matérielle sur l’indication de la
juridiction compétente, mais celle-ci n’affecte en rien la
désignation de ladite juridiction ;
Au cours des débats, les défendeurs renonçaient à la fin de non
recevoir soulevée relativement au délai pour contester la saisie
vente ;
DES MOTIFS
EN LA FORME
Sur le caractère de la décision
Les défendeurs ont comparu et conclu;
Il y a lieu de statuer par décision contradictoire ;
Sur la recevabilité de l’action
Les défendeurs ayant renoncé au moyen d’irrecevabilité qu’ils
avaient soulevé relativement au délai pour contester la saisie
vente, il y a lieu de leur en donner acte et de recevoir l’action
pour avoir été initiée dans le respect des prescriptions légales de
forme et de délai ;
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AU FOND
Sur le moyen tiré de l’absence de titre exécutoire
La société PALMCI estime que la saisie vente querellée a été
pratiquée sans titre exécutoire et en sollicite donc la nullité et la
mainlevée au motif que les ordonnances de rectification de
l’arrêt qui a prononcé sa condamnation ne lui ont pas été
signifiées;
L’article 91 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
dispose : « Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant
une créance liquide et exigible, peut, après signification
commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des
biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu’ils
soient ou non détenus par ce dernier, afin de se payer sur le
prix…» ;
En application de ce texte, pour pratiquer une saisie vente, il
faut être muni d’un titre exécutoire ;
S’agissant du titre exécutoire, l’article 33 de l’acte uniforme susindiqué, précise : « Constituent des titres exécutoires :
1) Les décisions juridictionnelles revêtues de la formule
exécutoire et celles qui sont exécutoires sur minute ;
2) Les actes et décisions juridictionnelles étrangers ainsi
que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par
une décision juridictionnelle, non susceptibles de
recours suspensif d’exécution, de l’Etat dans lequel ce
titre est invoqué… » ;
Il est constant que la décision dont exécution est poursuivie, est
l’arrêt N° 392 du 31 octobre 2014 rendue par la Cour d’Appel
d’Abidjan et non les ordonnances de rectification N° 10/2015 du
8 janvier 2015 et N° 105/2015 ;
Il n’est pas contesté que cet arrêt qui a fait l’objet de
rectifications et qui comporte la mention desdites rectifications
avec lesquelles il fait corps, a été signifiée à la société PALMCI
suivant exploit d’huissier en date du 9 avril 2015 et est revêtue
de la formule exécutoire ;
Cet arrêt dont l’exécution est poursuivie et qui comporte la
mention des rectifications faites, est bel et bien un titre
exécutoire dès lors qu’il est revêtu de la formule exécutoire et ce
conformément à l’article 33 sus visé ;
En effet, dès que l’arrêt est signifié avec la mention des
rectifications avec lesquelles il fait corps, il ne saurait être
question d’une signification séparée des ordonnances de
rectifications ;
c’est en cela que l’article 185 in fine du code de procédure civile
commerciale et administrative, prévoit que la décision qui
ordonne la rectification est mentionnée sur la minute et les
expéditions qui auraient pu être délivrées, la décision
rectificative s’incorporant à la décision qu’elle modifie par un
lien de dépendance nécessaire;
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Au demeurant, la société PALMCI ne conteste pas qu’elle a été
déboutée de son recours en rétractation contre les ordonnances
querellées ;
La société PALMCI ne rapporte donc pas la preuve que c’est
irrégulièrement que la formule exécutoire a été apposée sur la
décision dont l’exécution est poursuivie ;
Il s’ensuit que c’est munis d’un titre exécutoire que les créanciers
saisissants ont pratiqué la saisie vente querellée, de sorte qu’il y
a lieu de rejeter ce moyen tendant à la nullité du procès verbal
de saisie vente du 29 avril 2015 et à la mainlevée de ladite
saisie ;
Sur le moyen tiré du défaut de mention du titre
exécutoire
L’article 100 de l’acte uniforme sus visé dispose : « L'huissier ou
l'agent d'exécution dresse un inventaire des
biens. L'acte de saisie contient, à peine de nullité :
1) les noms, prénoms et domiciles du saisi et du saisissant ou,
s'il s'agit de personnes morales, leurs forme, dénomination et
siège social; l'élection éventuelle de domicile du saisissant;
2) la référence au titre exécutoire en vertu duquel la saisie est
pratiquée;
3) la mention de la personne à qui l'exploit est laissé;
4) la désignation détaillée des objets saisis;
5) si le débiteur est présent, la déclaration de celui-ci au sujet
d'une éventuelle saisie antérieure des mêmes biens;
6) la mention, en caractères très apparents, que les biens saisis
sont indisponibles, qu'ils sont placés sous la garde du débiteur,
qu'ils ne peuvent être ni aliénés ni déplacés, si ce n'est dans le
cas prévu par l'article 97 ci-dessus, sous peine de sanctions
pénales, et que le débiteur est tenu de faire connaître la
présente saisie à tout créancier qui procéderait à une nouvelle
saisie des mêmes biens ;
7) l’indication, en caractères très apparents, que le débiteur
dispose d'un délai d'un mois pour procéder à la vente amiable
des biens saisis dans les conditions prévues par les articles 115
à 119 ci-après;
8) la désignation de la juridiction devant laquelle seront
portées les contestations relatives à la saisie-vente;
9) l'indication, le cas échéant, des noms, prénoms et qualités
des personnes qui ont assisté aux opérations de saisie,
lesquelles devront apposer leur signature sur l'original et les
copies; en cas de refus, il en est fait mention dans le procès
verbal;
10) la reproduction des dispositions pénales sanctionnant le
détournement d'objets saisis ainsi que de celles des articles 115
à 119 ci-après;
11) la reproduction des articles 143 à 146 ci-après. » ;
Cet article exige donc en son point 2, à peine de nullité, la
référence au titre exécutoire en vertu duquel la saisie est
pratiquée ;
L’examen du procès verbal de saisie vente du 29 avril 2015
révèle que le titre exécutoire dont l’exécution est poursuivie à
savoir la grosse de l’arrêt civil contradictoire N° 392 CIV du 31
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octobre 2014 a été mentionné, de même qu’il a été précisé que
cet arrêt a fait l’objet de rectifications par ordonnance N° °
10/2015 du 8 janvier 2015 et N° 105/2015 ;
Une telle indication satisfait aux exigences de l’article 100 sus
visé ;
Il sied dès lors de rejeter cet autre moyen tendant à la mainlevée
de la saisie ;
Sur le moyen tiré du défaut d’indication de la
juridiction compétente
Il ressort du point 8 de l’article 100 sus indiqué, que l’acte de
saisie doit contenir à peine de nullité, la désignation de la
juridiction devant laquelle seront portées les contestations
relatives à la saisie-vente ;
L’indication de ladite juridiction doit être précise pour permettre
au débiteur d’y élever ses contestations ;
Or, en l’espèce, il a été mentionné ceci au titre de l’exigence faite
relativement à la désignation de la juridiction compétente pour
connaitre des contestations contre la saisie vente : « le Président
du Tribunal de Première de commerce » ;
Une telle indication erronée et imprécise, ne saurait valoir
indication de la juridiction compétente ;
En effet, le Tribunal de Première de commerce n’existe pas, il
existe plutôt le Tribunal de commerce d’Abidjan ;
En outre l’indication de la situation géographique du Tribunal
fait défaut notamment « Abidjan » ;
Il y a donc lieu de dire que la juridiction compétente pour
connaitre des contestations n’a pas été indiquée ;
Cette exigence ayant été prescrite à peine de nullité de l’acte de
saisie, il y a lieu de déclarer nul le procès verbal de saisie vente
du 29 avril 2015 et d’ordonner la mainlevée subséquente de
ladite saisie vente ;
Sur les dépens
Les ayants droit de feu BEAUYAT TRA BI ZA BERNARD
succombant, il y a lieu de leur faire supporter les dépens
distraits au profit du cabinet FDKA avocats aux offres de droit ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de voies
d’exécution et en premier ressort ;
Donnons acte aux défendeurs de leur renonciation à la fin de
non recevoir soulevée ;
Recevons la société PALMCI en son action ;
L’y disons bien fondée ;
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Déclarons nul le procès verbal de saisie vente du 29 avril 2015 ;
Ordonnons la mainlevée de ladite saisie vente pratiquée au
préjudice de la société PALMCI par les ayants droit de feu
BEAUYAT TRA BI ZA BERNARD ;
Mettons les dépens de l’instance à la charge des ayants droit de
feu BEAUYAT TRA BI ZA BERNARD distraits au profit du
cabinet FDKA avocats aux offres de droit.
ET AVONS SIGNE, LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.
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