Conseil de Paris Séance des 26, 27 et 28 septembre 2016 Sur
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Conseil de Paris Séance des 26, 27 et 28 septembre 2016 Sur
Conseil de Paris Séance des 26, 27 et 28 septembre 2016 Sur proposition de Danielle Simonnet, Voeu en faveur d’une coopérative SCIC de coursiers à vélo exerçant aujourd’hui sous le statut d’auto-entrepreneurs indépendants pour le compte de plateformes Considérant le développement, passé et actuel, sur Paris, de plusieurs plateformes numérique de livraison (PNL) ayant pour objet la mise en relation de restaurateurs et de clients pour la livraison de repas : Foodora, Take Eat Easy, Deliveroo, Toktoktok, Stuart, etc. Considérant que les livraisons sont effectuées par des coursiers à vélo ou éventuellement à scooter, qui n’ont pas le statut de salariés de la plateforme, mais qui sont considérés comme des autoentrepreneurs indépendants, Considérant que nombre de ces travailleurs estiment qu’il existe un faisceau d’indices évident de leur subordination à la plateforme, suffisant pour que leur requalification en contrat salarié soit exigible devant les prud’hommes, qu’ainsi les plateformes imposent le statut d’Auto-entrepreneur aux livreurs postulants, déterminent les horaires et zone de travail contraints, obligent le port d’une tenue aux couleurs de la plateforme, fixent les tarifs non négociables et fluctuant à la baisse dans le temps, éditent les factures des livreurs “indépendants”, notent (via le client), classent et gèrent les livreurs au sein d’une base de données, qu’elles les sanctionnent, qu’en cas de congés le livreur doit soumettre une demande de congés..., Considérant que plusieurs centaines de ces coursiers s’organisent et envisagent de mener par la voie judiciaire de telles actions en requalification, Considérant que le statut d’auto-entrepreneur indépendant de ces coursiers a pour conséquence une protection sociale très faible, une absence de droits au chômage et de cotisation à la retraite, Considérant que le métier de coursier à vélo implique une prise de risque notable, avec des accidents fréquents au cours du travail (rares sont les coursiers qui ne se sont pas déjà blessés), Considérant que les coursiers sont incités à multiplier autant que possible les courses, et donc à prendre des risques en circulant aussi vite que possible dans la capitale, posant également des problèmes de sécurité routière à l’ensemble de la collectivité, Considérant que, lorsqu’un coursier se blesse au cours de son travail, il n’a pas de droit en matière de revenus et de protection sociale, ne bénéficie pas des droits qui sont ceux des salariés lors d’un accident du travail, mais qu’il est simplement “déconnecté” de la plateforme jusqu’à sa guérison, Considérant que les plateformes disposent, sans justification aucune, du droit de “déconnecter” définitivement un livreur, qui se retrouve ainsi sans travail, sans bénéficier aucunement des protections inhérentes au droit du travail et du licenciement, ni au droit au chômage, Considérant qu’un tel pouvoir des plateformes sur les travailleurs entretient un climat de peur, de menaces et de délation à l’encontre de ceux qui souhaitent s’organiser pour défendre leurs droits et en conquérir de nouveaux, Considérant que certaines entreprises du secteur ont connue de sérieuses difficultés, si bien que les plateformes Take Eat Easy (en juillet) et Toktoktok (en septembre) ont cessé leur activité, Considérant que les livreurs de Take Eat Easy ont appris par Facebook fin juillet de manière très brutale la cessation d’activité de la plateforme, et donc la perte de leur travail, et qu’ils n’ont pas été payés pour leurs courses du mois de juillet, Considérant que, dans nombre de secteurs d’activité, se multiplient de telles plateformes de mise en relation qui prétendent se substituer aux “petits jobs”, notamment pour les jeunes, et imposent à celles et ceux qui travaillent pour elles un statut d’auto-entrepreneur faussement indépendant, Considérant que, si ce mode de travail peut être choisi par certains, il est imposé à la plupart, et qu’il signifie la perte de droits sociaux (protection sociale, droit du licenciement, droit syndical…), Considérant qu’un tel mode de travail constitue un archaïsme, un retour sur nombre de conquêtes sociales, et qu’il est au contraire opportun d’initier et d’encourager des modèles sociaux alternatifs et innovants, Considérant que, malgré leur précarité et la fragilité de leurs droits, nombre de coursiers aiment leur travail, notamment par attachement à la pratique du vélo, à la communauté qui y existe et à leur ville, Considérant qu’il n’y a pas de fatalité à cette précarité, et qu’il est au contraire urgent d’initier un modèle permettant à la fois le développement de ces livraisons à vélo, et un statut social et des conditions de travail décents pour celles et ceux qui en vivent, et que cela répond également à un intérêt général ne serait-ce qu’en matière de sécurité routière, Considérant l’engagement de la Ville de Paris pour l’innovation sociale, pour la défense des droits de tous ceux qui y travaillent et la conquête de droits nouveaux, pour l’émancipation de chacune et de chacun, Considérant dans le cadre de la lutte contre la pollution l’engagement de la Ville de Paris pour développer la pratique du vélo, comme outil de loisir et de transport, qui doit tout naturellement se poursuivre par des innovations et un développement socialement acceptable de son usage comme outil de travail, Considérant qu’il existe la possibilité légale, portée par certains coursiers après la cessation d’activité des plateformes pour lesquelles ils travaillaient (Take Eat Easy, Toktoktok), d’engager la création d’une Société Coopérative d’Intérêt Collectif, forme de coopérative dédiée à des activités d’intérêt général et qui permet d’associer toute personne physique ou morale de droit privé ou de droit public autour du projet commun, incluant les collectivités telles que la Ville de Paris, Considérant que cette possibilité permettrait à la Ville de Paris de développer un modèle de coopérative associant ambition écologique, innovation sociale et réappropriation citoyenne par la collectivité et par les travailleurs de l’outil de travail par l’intermédiaire d’une plateforme réellement ancrée en tout point ancré dans le local, Considérant que le travail de livreur à vélo, outre une bonne condition physique ne nécessite aucune réelle qualification, si ce n’est une formation sommaire, et qu’il peut être un véritable outil de réinsertion sociale par l’emploi, Considérant que la livraison peut constituer une substantielle aide à la personne dépendante, ajoutant ainsi une dimension solidaire à l'Intérêt Collectif de cette SCIC, Considérant que ce cadre légal permettrait aux coursiers qui le souhaitent de se constituer en coopérative, tout en bénéficiant de financements et des moyens de communication de la Ville de Paris, Considérant que nombre de coopératives comme Coopaname, la Gescop/Alpha Taxis, ont développé des modèles économiques et sociaux innovants, qui permettent d’associer les statuts de travailleur indépendant et de travailleur salarié, dans un cadre coopératif, et que ces innovations peuvent nous inspirer, Considérant les récentes prises de positions de la Maire de Paris à l’encontre des impacts négatifs de l’ubérisation sauvage sur la capitale, tel que Airbnb, Amazon, Considérant qu’une telle réflexion permettrait de mettre en oeuvre dans ce secteur d’activité l’ambition de la Maire de Paris de lutter contre les aspects les plus régressifs socialement de cette ubérisation à l’oeuvre dans notre société, et de donner à voir une alternative progressiste, qui prendrait acte des évolutions technologiques de notre société tout en préservant les droits et la protection sociale liés au salariat. Sur proposition de Danielle Simonnet, le Conseil de Paris émet le voeu : - que soit engagée une réflexion associant les livreurs à vélo et les représentants des collectifs qui se constituent pour les représenter, en vue d’envisager un modèle économique, social et coopératif permettant de développer les livraisons à vélo dans la capitale tout en garantissant aux travailleurs une protection sociale et des conditions de travail décentes - que, dans ce cadre, soit notamment étudiée la possibilité de créer une Société Coopérative d’Intérêt Collectif, à laquelle la Ville s’associerait en tant que collectivité.