Les composantes rationnelles d`une réforme administrative

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Les composantes rationnelles d`une réforme administrative
Les composantes rationnelles
d’une réforme administrative
Sami Salhab
L’administration libanaise ne témoigne que rarement
d’une vive ardeur au travail. L’incompétence et l’inefficacité sont au premier rang des problèmes qui l’affligent à
l’heure actuelle. L’Etat se trouve sur la défensive ; il
éprouve des difficultés à surmonter les problèmes qui ont
secoué ses structures politiques et administratives. Cette
crise influe énormément sur l’administration, outil au
service de l’appareil gouvernemental, qui devient le réceptacle de toutes les imprécations contre l’Etat. De même,
elle influe négativement sur les agents publics. Ces
derniers constituent la première richesse de l’Etat ; de leur
compétence dépend la capacité des services publics à
répondre aux besoins du pays. En effet, cette crise
entraîne chez les agents publics une perte de confiance
grandissante dans la mission qui leur est confiée au point
qu’ils ont fini par s’habituer au blocage de l’administration et aux plaintes du public qui fait de preuve de
défiance à l’égard des dirigeants et des institutions.
Aujourd’hui, l’Etat doit s’engager à respecter des objectifs
de qualité ; ainsi seule une administration compétente et
dépolitisée lui permettrait de devenir un véritable Etat
stratège.
U
ne politique réformatrice ne doit pas seulement tenir compte
des problèmes qu’elle entend résoudre, mais plutôt déceler
les voies que l’administration devrait emprunter pour
répondre au mieux à ses missions.
La recherche d’une meilleure productivité ainsi que la satisfaction
du public passe inévitablement par une hausse des qualifications, par
une remotivation des fonctionnaires, par la suppression des emplois
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non rentables dans un cadre général de réorganisation des administrations. Mais pour la réaliser, la réforme administrative doit s’inscrire
dans un mouvement de dépolitisation de la fonction publique qui
s’opère par une séparation entre le politique et l’administratif.
Rationalisation structurelle et fonctionnelle
Moderniser le service public
Au XXIe siècle, les missions de l’Etat ont évolué en fonction des
besoins de la population. De nouveaux métiers – inconcevables il y a
seulement quelques années – ont surgi à un rythme accéléré ; les
métiers des fonctionnaires évoluent rapidement sous l’effet conjugué
de plusieurs facteurs, à savoir l’élargissement de leur finalité sociale,
la mutation des modes relationnels de collaboration internes et
externes, l’apparition de nouvelles technologies, la nécessité de
disposer de qualifications variées dans des services jusqu’alors sectoriels1. Dans cet environnement en évolution rapide, la qualité du
service public est évaluée en fonction de sa possibilité de s’adapter
aux besoins exprimés localement et à leur évaluation.
En effet, l’administration libanaise ne pouvait plus intégrer le changement rapide que l’on vient de mentionner pour diverses raisons.
D’une part, les structures archaïques de l’administration posent des
problèmes sérieux que toute réforme doit prendre en considération.
«L’administration, écrit Mohamed Zebib, pâtit de structures quasiment
vides, sinon inexistantes sauf sur le papier ; elles ont, toutes ou presque, été
créées il y a plus de vingt-cinq ans et n’ont connu aucune évolution, aucune
modernisation, aucune remise à jour, aucune adaptation, ni au niveau des
textes organisateurs ni à celui des objectifs à atteindre et encore moins au
niveau des instruments de travail»2. De surcroît, la diversification des
fonctions de l’Etat a fait augmenter aussi le nombre des ministères. A
ce propos, il convient de rappeler que la création d’un ministère et
celle d’un certain nombre de services ainsi que leur rattachement à tel
ou tel ministère sont le plus souvent fixés par des décisions prises en
fonction de la conjoncture politique. C’est ainsi que l’on a vu apparaître après la guerre civile au Liban –1975 à 1990 – des ministères qui
correspondent à des besoins nouveaux ; citons à titre d’exemple le
ministère des «Déplacés», chargé d’assurer le retour des familles qui
ont dû abandonner leur foyer et leur village durant le conflit.
On s’accorde à reconnaître, avec Mohamed Zebib, que ces rares
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structures récemment mises en place ne résultaient pas d’études techniques pointues. De ce fait même, elles posent souvent des problèmes
de double emploi, d’empiètement de prérogatives, de tâches ou de
responsabilités, par rapport à des administrations qui existaient avant
elles3.
Le règlement de cette question est un impératif auquel les gouvernements actuels s’attachent en priorité. Pour ces derniers, moderniser
est donc bien revoir l’esprit des normes qui organisent les missions du
service public et les structures des unités administratives chargées de
promouvoir ce service.
Pour ce faire, le ministère d’Etat pour la Réforme administrative
œuvre depuis septembre 2001 de concert avec d’autres ministères qui,
au fil du temps, ont perdu leur raison d’être, et ce pour dresser un
plan de développement technique nécessaire pour chacun d’eux et en
fixer les moyens d’exécution.
En effet, une équipe de travail a été formée pour réorganiser les
organigrammes de vingt ministères, exception faite des ministères des
Finances, de la Justice, de la Défense, des Postes et Télécommunications.
Le résultat de ce travail a été soumis aux ministères concernés : sept
seulement l’ont approuvé in extenso et trois autres l’ont accepté
partiellement. Pour l’instant, le dossier des organigrammes demeure
à l’ordre du jour du Conseil des ministres4.
La formation des fonctionnaires
L’administration libanaise souffre d’une insuffisance de personnel
spécialisé. On observe un décalage entre le niveau de recrutement des
agents publics et celui des fonctions qu’ils exercent réellement. Cet
état de fait est dû à l’absence des concours de recrutement des fonctionnaires pendant les années de guerre5.
En principe, le Statut de la Fonction Publique, établi en 1959 par le
décret législatif n°112, s’érige en véritable protecteur des droits des
fonctionnaires contre les ingérences du pouvoir politique et souligne
qu’ils sont recrutés par le biais d’un concours (article 15).
Le concours, selon Bernard Chenot, est «une opération complexe, mais
relativement facile à interpréter, car en réalité le procédé du concours cherche
à combiner un principe d’intérêt public qui est la sélection organisée dans
l’intérêt du service public, avec le principe du respect des droits des citoyens
à savoir la règle de l’égalité de tous dans l’accès aux emplois publics»6.
Mais il s’est avéré que le système du concours à lui seul ne suffit pas.
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Il sert uniquement à vérifier l’existence d’un savoir très général
dispensé par les établissements d’enseignement scolaire ou universitaire, ou au contraire la possession des connaissances spéciales qui ne
peuvent être acquises que dans des centres de formation technique.
Ainsi, les critères de sélection sont purement intellectuels et ne
donnent aucune garantie sur l’intelligence pratique, sur l’esprit d’initiative, les qualités d’organisation, le caractère du candidat reçu ; c’est
une prime aux connaissances acquises, aux connaissances générales,
au mécanisme intellectuel pur et cela ne garantit nullement un bon
recrutement pour les services de l’Etat7.
Certes, le perfectionnement des fonctionnaires peut être assuré
simplement par leur effort personnel et l’expérience qu’ils acquièrent
en exerçant leurs fonctions. Mais, dans l’essence de sa tâche, le
personnel doit apprendre à améliorer ses relations avec le public8.
En fait, beaucoup de malaises et de tensions, qui résultent de l’administration et de son fonctionnement, tiennent souvent à la méconnaissance du public et de l’administration de leurs droits et de leurs
devoirs. L’idée que l’administration est à la disposition du public doit
être toujours rappelée à l’esprit du fonctionnaire.
C’est pourquoi la mission de toute institution administrative
consiste à transmettre, d’une génération à l’autre, non seulement un
savoir-faire, mais aussi une éthique. La formation est un élément
essentiel de valorisation des compétences professionnelles, de perfectionnement des qualifications d’adaptabilité et d’efficacité.
Pendant les années de la guerre civile, le Conseil de la Fonction
Publique libanais n’a pas pu organiser de concours de recrutement
des fonctionnaires. Ainsi les pouvoirs publics ont succombé à la tentation de recruter, parallèlement à la fonction publique proprement dite,
du personnel contractuel correspondant tantôt, au prix d’un meilleur
niveau de rémunération, à un besoin de spécialistes qualifiés, tantôt,
à un niveau de salaire inférieur, à la nécessité de faire appel à des
personnes hors cadre9.
Si l’on prend les quinze dernières années, on constate qu’elles ont
été marquées par une croissance sans précédent des effectifs de la
fonction publique dans certaines unités de l’administration. Les
chiffres qui sont avancés actuellement sur le nombre des fonctionnaires diffèrent selon que l’on considère les fonctionnaires au sens
strict du terme, autrement dit les agents publics de l’Etat, ou que l’on
y intègre tous les contractuels10. De plus, il n’y a pas un recensement
exact du personnel dans les différentes administrations et établissements
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publics. On remarque une différence entre les chiffres obtenus du
Conseil de la Fonction Publique et ceux exposés par les ministères
concernés11.
Cela dit, on remarque que bon nombre de postes sont vacants. Selon
les estimations du Conseil de la Fonction Publique, le cadre de l’administration publique (ministères) comprend 21 436 postes dont 7 448
seulement sont pourvus12.
Certes le nombre des fonctionnaires a augmenté dans certaines
unités en raison du développement de l’action administrative, mais
aussi en raison des pressions politiques et du désir de s’assurer des
clientèles. Il y a une relation évidente entre le développement du
nombre des agents et l’intervention des hommes politiques dans l’administration. Il faut d’ailleurs remarquer que les politiciens mêmes
qui se plaignent de la pléthore de fonctionnaires dans certains
secteurs sont justement les mêmes personnes qui sont à l’origine de
leur recrutement.
La définition des postes
Il convient de faire remarquer que le recrutement des fonctionnaires
en l’absence de concours pose des problèmes sérieux : d’une part, les
personnes recrutées ne sont pas le plus souvent affectées à des tâches
productives, d’autre part, l’absence de spécification des tâches
récentes conduit à un enchevêtrement des responsabilités.
Le sociologue Max Weber avait mis l’accent sur l’importance de la
spécification des fonctions en prévoyant l’existence – dans la domination légale-rationnelle – d’une bureaucratie subordonnée à une autorité fixant les compétences et les attributions13.
L’administration wébérienne présuppose une hiérarchie des fonctions : le programme mis en œuvre par la bureaucratie est réparti en
une multitude de tâches dont chacune est attribuée à une ou plusieurs
unités administratives. Ces tâches sont définies en fonction d’un
ensemble de règles et d’instructions fixées à l’avance.
Cet «idéal-type» de Weber est loin d’être appliqué au Liban. Les
nouvelles fonctions créées ces dernières années n’ont pas fait l’objet
d’un projet de description préalable des profils de postes cohérent et
celles qui existent déjà n’ont pas été spécifiées d’une façon claire dans
les décrets d’organisation des ministères.
Actuellement, un projet de classification des fonctions a été préparé
au ministère de la Réforme administrative. Le processus consiste à
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définir les postes, à les évaluer sur la base d’un plan d’évaluation, à
déterminer les fonctions équivalentes et à ajuster les salaires.
Une réforme doit donc répartir les tâches avec doigté entre les
diverses unités administratives et procéder éventuellement à une
spécialisation au sein de chacune d’elles. Remotiver le fonctionnaire
constitue sans aucun doute un complément inévitable de cette
réforme.
Lutte contre la corruption et revalorisation du traitement des fonctionnaires
En effet, les manquements de la machine administrative en termes
d’efficacité et de performance ne sont pas uniquement une source de
mécontentement pour le public, mais aussi pour les agents publics.
Ceux-ci sont la cible des critiques adressées à leur égard. On a souvent
tendance à considérer qu’il y a dans l’administration une lenteur
regrettable, une incompétence, un manque d’initiative et de créativité
notoires ; les fonctionnaires souffrent d’un manque de reconnaissance.
Ainsi, tant que cet état d’esprit subsistera, il sera difficile de réaliser
une réforme. Celle-ci n’a de chance d’aboutir qu’en remotivant les
fonctionnaires par l’amélioration de leurs conditions de travail, mais
aussi par la revalorisation de leurs salaires.
Il est indéniable que l’une des causes qui ont contribué à l’inefficacité de l’appareil administratif libanais et à la propagation de la
corruption est la modicité des salaires du secteur public. Les conditions de vie étaient plus faciles autrefois, mais avec la détérioration de
la situation économique du pays et la hausse corrélative du coût de la
vie, le prestige de la fonction publique est en déclin puisque les traitements des fonctionnaires ont suivi avec retard cette progression14.
En outre, cette modicité encourage le développement de la corruption dans l’administration. Les cas de corruption, selon Antoine
Messarra, montrent que les fonctionnaires instruits et ceux qui le sont
moins la pratiquent ; la différence réside dans le procédé qui est plus
perfectionné pour les uns et moins pour les autres15.
Pour apporter une solution au phénomène de la corruption, le
gouvernement a entamé un mouvement d’épuration afin de démettre
certains fonctionnaires et ce en 199316. Cette épuration a fait l’objet de
controverses.
En effet, le Parlement a accordé au Conseil des ministres cette prérogative.
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Il était permis aux ministres de soumettre la liste des fonctionnaires
indésirables de leurs ministères respectifs à une commission exceptionnelle après avis du Conseil des ministres. De même, l’Inspection
Centrale était à même de présenter la liste susdite sans se référer aux
dossiers des fonctionnaires.
Cette Commission était présidée par le président du Conseil de la
Fonction Publique et formée par le président de l’Inspection Centrale,
l’inspecteur général des Finances, le commissaire du gouvernement
auprès du Conseil de discipline et le chef du bureau des fonctionnaires au Conseil de la Fonction Publique. Après examen de la liste, la
Commission la transmettait au Conseil des ministres qui décidait de
la démission du fonctionnaire.
Suite à cette démarche plus arbitraire que «discrétionnaire», certains
fonctionnaires privés de leur droit de connaître les raisons de leur
expulsion ont fait appel au Conseil d’Etat. Celui-ci a reconsidéré les
cas présentés et réintégré certains fonctionnaires dans leurs fonctions17. Une autre «catégorie» de fonctionnaires, ceux qui bénéficiaient
d’un appui politique, a été déférée en Conseil de discipline qui lui a
accordé le droit d’accéder aux dossiers personnels.
Cette épuration a mis en évidence la mentalité clientéliste des
hommes au pouvoir. A ce titre, cette tentative de réforme pour le
moins ratée nous laisse sceptique face à toute initiative gouvernementale.
Le secteur public est de plus en plus concurrencé par les emplois du
secteur privé, d’autant que ceux-ci sont largement plus rémunérateurs. Ainsi, les fonctionnaires ressentent presque partout de l’amertume en constatant le déséquilibre entre ce qu’ils perçoivent et ce que
touchent leurs homologues dans le secteur privé. Cette différence de
rémunérations entre les deux secteurs s’explique par le fait que la
rémunération d’un fonctionnaire évolue, au cours de sa carrière, en
fonction des avancements qu’il obtient soit au choix normalement
prévisible, soit à l’ancienneté.
L’ancienneté, d’après Gérard Timsit, joue un double rôle dans la
fonction publique ; «elle permet au fonctionnaire d’accroître ses qualifications par l’expérience qu’il acquiert au cours de sa carrière, et elle joue aussi
un rôle important dans l’amélioration des rémunérations»18. Bernard
Chenot considère qu’il est «normal qu’il y ait un décalage de rémunération
entre le personnel du secteur public et celui du secteur privé, parce que la
fonction publique donne tout de même des garanties de stabilité supérieures
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à celles du secteur privé ; mais il est mauvais que cet écart soit trop grand et
que le niveau de vie du fonctionnaire soit trop médiocre pour la raison bien
évidente que cela entraîne une fuite devant la fonction publique»19.
Une revalorisation sérieuse du traitement des fonctionnaires doit
être faite. A cet égard, le ministère pour la Réforme administrative a
préparé une nouvelle échelle de salaires. Le Comité s’est référé à la loi
372/94 et à la loi 396/95 relatives à la nouvelle échelle de traitements
du Corps enseignant de l’Université Libanaise.
Ses objectifs sont généraux et spécifiques. Les premiers consistent à
mettre en place une échelle de traitements momentanée qui pourrait :
- Promouvoir les salaires du secteur public.
- Réduire la différence entre les salaires des fonctions appartenant à
la même catégorie, au même Corps, aux différents Corps (c’est-à-dire
les fonctions qui ont un classement équivalent mais qui appartiennent
aux différents Corps).
Quant aux objectifs spécifiques adoptés par le Comité, ils tendent à :
- Préparer une étude détaillée sur la situation présente des salaires
et des allocations que touchent les fonctionnaires et les employés des
Etablissements Publics y compris les Corps administratif, éducatif,
judiciaire, militaire et diplomatique.
- Préparer des tableaux comparatifs sur les salaires et les allocations
d’un nombre spécifique de fonctions qui appartiennent à la même
catégorie.
Le Comité a accompli une partie de ses objectifs :
- Il a réuni les informations nécessaires concernant plus de 200 types
d’allocations qui pourraient être incluses dans le salaire de base.
- Il a établi les propositions suivantes :
1. Séparation des Corps de façon à ce que chaque Corps bénéficie
d’une échelle de salaires qui lui soit propre.
2. Séparation des catégories de façon à ce que chacune ait sa propre
échelle de salaires.
3. Prolongement de la durée du travail (40 h/semaine).
4. Suppression du paiement des heures supplémentaires.
La Commission s’est réunie avec les représentants des Corps et des
Etablissements Publics affectés par la nouvelle échelle et a coopéré
avec le ministre des Finances pour l’estimation des coûts de cette
échelle proposée.
Le projet de cette nouvelle échelle a été soumis au Parlement qui ne
l’a pas approuvé20.
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Réforme administrative
Dépolitisation de l’administration
La bureaucratie, d’après Max Weber, est un instrument neutre
chargé d’exécuter tous les ordres – quels qu’ils soient – transmis par
tous ceux qui revendiquent l’exercice légitime de l’autorité légale ; la
bureaucratie est neutre en ce sens qu’elle ne répond pas à des aspirations charismatiques ou clientélistes21.
L’Etat libanais avait adopté une structure administrative moderne
présupposant la neutralité politique de l’administration. Le décret-loi
112 du 12 juin 1959 avait interdit au fonctionnaire de se livrer à une
activité politique. En outre, le fonctionnaire ne jouissait pas d’une
totale liberté de pensée ; il lui était interdit de prononcer ou de publier
des discours, des articles, des déclarations ou livres sans l’autorisation
écrite du chef compétent de son ministère (article 15 du Statut des
Fonctionnaires). Ce principe de neutralité a connu un assouplissement.
En 1991, le ministre d’Etat pour la Réforme administrative a présenté
au Conseil des ministres un projet de loi visant à la modification des
articles 14 et 15 du Statut des fonctionnaires publics.
Le Conseil des ministres prit connaissance et approuva les documents précités dans ce projet de loi. Ainsi, on a reconnu au fonctionnaire le droit d’adhérer aux partis ou associations politiques à condition de se décharger de toute responsabilité dans ces partis.
Relations entre le pouvoir politique et l’administration
Max Weber semblait établir une séparation entre l’administration
«chargée d’exécuter les ordres» et l’organe politique disposant du
recours à la contrainte physique et légitime. Cette séparation constitue
le mécanisme principal du fonctionnement de tout appareil administratif. En fait, il revenait aux hommes politiques siégeant au Parlement
ou réunis en cabinet (gouvernement) d’arrêter la politique, tandis
qu’il incombait aux fonctionnaires d’exécuter les ordres de leurs supérieurs politiques, sans qu’ils se voient jamais confier des fonctions en
relation avec l’élaboration de la politique22.
La séparation – entendue au sens de non-confusion du pouvoir politique et de l’administration – est le moyen le plus sûr pour que l’administration puisse continuer de servir le pouvoir politique.
L’administration, écrit Gérard Timsit, ne peut être liée à ce dernier,
«sous peine, en même temps que changerait le pouvoir politique placé à la tête
de l’Etat, de devoir être, elle aussi, renouvelée dans sa totalité»23.
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Parmi les démocraties d’Europe occidentale, la Grande-Bretagne
nous offre l’exemple d’une intégration relative par excellence.
Pourtant, le système britannique n’a pas tenu la haute fonction
publique à l’abri des interventions politiques24.
Au Liban, le principe de subordination constitue le mécanisme principal de fonctionnement de l’appareil administratif. En effet, la subordination de l’administration au pouvoir politique est d’abord la
conséquence de sa structure même. On constate entre le pouvoir politique et l’administration une grande similitude des acteurs et une
intrication réelle des rôles qui nous font penser que la distinction entre
politique et administratif n’est qu’une illusion. Les organes supérieurs
du pouvoir exécutif à savoir le Président de la République, le
Président du Conseil des ministres et les ministres participent à la fois
à la vie politique et à la vie administrative25.
Cet état de fait se situe essentiellement au niveau des ministères,
organismes dirigés par des ministres qui jouent un rôle politique en
tant que membres du gouvernement et possèdent, en même temps,
une autorité administrative comme chefs de leurs départements
ministériels26.
Il va de soi qu’une séparation stricte entre le pouvoir politique et
l’administration est inconcevable du fait que l’administration – ensemble
des organismes divers et de services – assure l’exécution des décisions
émanant des instances supérieures. Cette exécution se manifeste par
l’interprétation des textes, la recherche des moyens d’exécution,
l’adaptation des moyens aux circonstances afin de réaliser les objectifs
fixés dans les décisions prises par les supérieurs politiques.
La doctrine a soutenu l’idée que l’activité administrative n’est
qu’une activité d’exécution des lois ; cette idée a été reprise et l’administration est connue comme étant l’exercice du pouvoir exécutif sous
un régime de puissance publique.
A part sa fonction d’exécution, l’administration participe à l’élaboration des textes comme les projets de lois, mais cette tâche est aussi
conditionnée par la volonté gouvernementale.
Il est indéniable que le problème de l’administration au Liban ne
résulte pas du fait qu’elle soit subordonnée au pouvoir politique ou
séparée de lui. En réalité, la défaillance de l’administration consiste
dans la politisation de la Fonction Publique, c’est-à-dire l’influence
étendue des dépositaires du pouvoir politique sur le recrutement et la
carrière des agents publics.
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Réforme administrative
Corruption et contrôle de l’administration par le gouvernement
En fait, l’organisation des emplois publics au Liban suit le principe
de la hiérarchie. Cette dernière aide à définir la marche du travail. Le
fonctionnaire public, quel que soit le niveau de sa responsabilité, fait
partie de cette hiérarchie au sommet de laquelle se trouve le ministre.
Il participe donc à une tâche collective de service public qui appelle en
permanence la réunion de plusieurs qualités dont la probité, la discrétion, l’efficacité ainsi que la loyauté dans l’exécution de ses missions.
Le fonctionnaire se présente, d’après Jacques Lagroye, comme «le
serviteur de l’Etat», dont l’honneur consiste à appliquer scrupuleusement les décisions prises par les gouvernants quels qu’ils soient, du
moins tant que ces décisions sont conformes aux règles en vigueur27.
Il n’est pas inutile de préciser, avec Michel Grozier, que ces règles
impersonnelles définissent les diverses fonctions et prescrivent la
conduite à tenir par leurs occupants dans le plus grand nombre
possible d’éventualités. En outre, du fait de l’existence de ces règles,
chaque membre de l’organisation se trouve protégé à la fois contre les
pressions de ses supérieurs et contre celles de ses subordonnés28.
L’administration libanaise est devenue ainsi un terrain favorable au
développement des phénomènes de corruption. Cela provient,
d’après Colin Leys, de ce que la population ne perçoit pas clairement
les règles qui s’imposent aux agents publics et ce qui en représente
effectivement une transgression. Toutefois même lorsque la population comprend ces règles, elle n’est guère portée à les respecter et ne
met aucun zèle à prévenir la corruption29. Pour pallier cette situation,
le renforcement du contrôle doit constituer la cible de toute réforme
administrative au Liban. Il va sans dire que l’efficacité du contrôle
permet d’éviter l’arbitraire et la corruption ; elle assure une prise de
décision impartiale. De plus, elle serait de nature à créer un environnement et une pression permettant de mieux connaître les délits et
d’en déduire le nombre et l’importance. Les contrôles qui s’exercent
sur l’administration libanaise sont de diverses natures.
En premier lieu, l’administration – instrument d’exécution de la
politique gouvernementale – est soumise au contrôle du gouvernement qui s’exerce par le relais du ministre. Il va de soi que les détenteurs du pouvoir disposent des moyens de vérifier que l’action de
leurs subordonnés est bien conforme aux instructions qu’ils avaient
données.
En outre, il paraît souhaitable que le ministre soit assuré de la
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loyauté du directeur général du ministère. C’est pourquoi les directeurs entrent dans la catégorie des titulaires d’emplois supérieurs
dont la nomination et la révocation sont laissées au choix du gouvernement. De ce fait, le directeur général apparaît bien comme
«l’homme du ministre» à qui il doit la conservation de son poste.
Les autres moyens de contrôle
A côté du contrôle exercé par les ministres sur l’action administrative des unités relevant de leur ministère, il convient de faire remarquer l’existence d’un autre type de contrôle ; c’est celui que l’administration effectue sur elle-même par l’intermédiaire de l’Inspection
Centrale.
Ce contrôle s’exerce soit en vertu d’un programme établi à l’avance,
soit à propos de programmes exceptionnels ou de missions spéciales
qui lui sont demandées. Le chef du Service ou le directeur à qui est
dévolu le pouvoir disciplinaire n’est pas formellement obligé de
suivre l’avis prononcé par les inspecteurs.
Les techniques d’autorégulation de l’administration n’étant pas efficaces, il est apparu nécessaire de les compléter par des contrôles
externes. Certains des organes qui les exercent sont en situation d’extériorité totale par rapport à l’administration (contrôle politique du
Parlement) tandis que d’autres le sont moins (la Cour des Comptes et
le Conseil d’Etat).
Pour Bernard Chenot, le seul contrôle politique des Services publics
conçu dans toute démocratie, c’est celui qui est exercé au nom de l’ensemble des citoyens sur le gouvernement et l’administration par le
Parlement.
Il est un fait que le contrôle parlementaire est étendu et efficace dans
la plupart des démocraties parlementaires. Mais dans le cas du Liban,
ce contrôle demeure imparfait. Labib Zuwiyya Yamak a fait remarquer que, depuis 1943, aucun gouvernement n’a manqué de la
confiance parlementaire. D’ailleurs, à ce jour, il est difficile de citer un
seul cas concernant la condamnation d’un ministre dans le cadre de
malversations liées à ses responsabilités. Ce phénomène est vraiment
significatif ; il ne prouve pas seulement la faiblesse de l’autorité législative, il prouve aussi le pouvoir exorbitant du chef du pouvoir
exécutif30.
Déjà au cours des années 60, c’est le Président du Conseil des
ministres, Saêb Salam, qui a le mieux exprimé cette situation qui
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Réforme administrative
perdure : «au lieu de contrôler l’exécutif, les parlementaires éprouvent, le
plus souvent, le besoin d’être à sa dévotion afin d’obtenir certaines faveurs,
en particulier celle de réussir aux prochaines élections grâce à l’appui des
pouvoirs publics. Ainsi, les rôles sont renversés. C’est l’exécutif qui contrôle,
dans une large mesure, la chambre au lieu d’être contrôlée par elle»31.
Pour ce faire, certains pays comme la Grande-Bretagne et les EtatsUnis ont développé des garanties préalables qui permettent aux
citoyens de contrôler les projets de l’administration par le recours aux
enquêtes publiques. D’autres, comme le Liban, ont mis l’accent sur
des protections de caractère juridique qui se manifestent par les avis
de la Cour des Comptes, le Conseil d’Etat et le Conseil Général de
Discipline.
La Cour des Comptes exerce un contrôle des «comptabilités administratives». Pierre Delvolve observait, à cet égard, que la perception
de certaines recettes, la nomination d’un agent, la conclusion d’un
contrat, l’acquisition d’un immeuble, l’octroi d’une subvention ainsi
que la transaction mettant fin à un litige ne peuvent être réalisés sans
l’accord de la Cour32.
Le Conseil d’Etat, pour sa part, est obligatoirement consulté sur les
actes de valeur législative pris par l’exécutif, autrement dit, il est
consulté sur les projets de loi d’origine gouvernementale avant leur
transmission au Parlement. Ce Conseil exerce une attribution juridictionnelle chaque fois qu’il est saisi d’un litige mettant en cause l’Etat.
Ainsi, en fonction de cette attribution, il est amené à examiner la légalité de toute décision administrative.
Quant au Conseil Général de Discipline, il est compétent pour
connaître – sur l’initiative de l’Inspection Centrale ou de l’autorité
chargée de la nomination des fonctionnaires – des affaires disciplinaires relatives aux agents publics qui ne sont pas placés dans une
situation spéciale33.
Ces appareils de contrôle empêchent l’administration d’agir arbitrairement, en violation de la loi ou au mépris des droits des citoyens.
Pour garantir l’efficacité de leur action, il nous paraît raisonnable de
leur redonner l’immunité dont ils jouissaient auparavant. Autrement
dit, cette immunité mettrait les membres des appareils de contrôle à
l’abri des pressions politiques.
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Conclusion
Les composantes rationnelles de la réforme administrative constituent un ensemble ambitieux et cohérent, et une avancée sans précédent du droit des citoyens libanais à une administration compétente
qui s’acquitte plus efficacement de ses tâches, et qui est plus à l’écoute
de leurs préoccupations. Cependant, le destin de cette réforme est lié
à la volonté du pouvoir politique en place.
D’autre part, cette réforme devrait s’accompagner d’un changement
au niveau de la mentalité du citoyen. Ce dernier avait perdu la
croyance en l’aptitude des institutions administratives à satisfaire ses
aspirations. Les services publics apparaissent souvent aux citoyens
comme une machinerie complexe qui leur impose d’emprunter un
dédale de formalités sans avoir toujours la certitude d’obtenir une
réponse.
Le déclin de la capacité de l’administration attise le mécontentement
de la population non seulement dans les villes et chez les citoyens les
plus aisés, mais surtout parmi la population défavorisée.
Il revient donc à l’Etat le devoir d’orienter et de renforcer le citoyen
dans la moralité pour assurer la fonction administrative au service de
la nation. Ainsi, quand l’homme se voit assuré de ses besoins matériels et moraux, il devient immunisé par sa moralité contre la nécessité et la corruption. En fait, quelles que soient les améliorations
apportées à l’administration, l’ordre administratif n’aurait aucune
durée sans une réforme morale qui s’opère par une socialisation
administrative.
En analysant le processus de la socialisation, Philippe Braud montre
qu’il répond à une double exigence à la fois du point de vue des administrateurs et de celui des administrés.
Les administrateurs, tout d’abord, ont besoin que soient inculquées
des normes et des valeurs qui légitiment l’exercice de leurs tâches et
qui facilitent considérablement l’obéissance des administrés. D’autre
part, une socialisation réussie facilite l’acceptation des contraintes ;
l’administré se persuade qu’il obéit à des normes d’intérêt général34.
Pour Jean-Jacques Chevallier, «chaque administration exerce une action
socialisatrice en direction de sa clientèle mais aussi du public en général, elle
cherche à établir son bien-fondé au regard des normes qui commandent son
institution»35.
La proposition, qui devrait s’inscrire aujourd’hui dans le cadre des
nouvelles relations entre l’administration et le citoyen libanais,
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consiste à redistribuer les ressources d’une manière égale ou équitable
entre tous les citoyens, à confronter les réseaux de services publics au
contact direct des citoyens afin que ces derniers puissent y trouver
l’essentiel des prestations publiques de base dont ils peuvent avoir
besoin. Pour réaliser ces objectifs, il convient d’agir dans deux directions : sur l’ensemble du territoire, les réseaux existants de services
publics devraient être mieux utilisés. En contrepartie, dans les zones
rurales ou urbaines où la présence des services publics apparaît insuffisante, de nouveaux réseaux devraient être créées. Ainsi, seule une
administration fonctionnelle de services permettra à l’Etat de se
réconcilier avec le citoyen.
Sami Salhab est professeur de droit public à l’Université libanaise de
Beyrouth et conseiller juridique en matière de contentieux administratif
Notes :
1. DELIGNY, Jean-Louis ; CARDON, Jeanne-Marie. Le fonctionnaire du futur : méthodes
et mobilisations. Paris : Eyrolles, 1990. p. 39.
2. ZEBIB, Mohamed. «L’administration - ces maux qui font peur». Magazine,
Beyrouth, 21 Juin 1996, pp.18-22.
3. Ibidem. A titre d’exemple un autre ministère a été créé, celui des «Affaires des
municipalités» qui a posé un problème de double emploi ou d’empiétement de prérogatives avec le ministère de l’Intérieur en matière de tutelle.
4. Publications du ministère de la Réforme administrative. Rapport annuel 2002.
Beyrouth : ministère de la Réforme administrative, 2002. Cette réforme est soutenue
par un don de l’Union européenne sous le titre : Assistance à la réhabilitation de
l’Administration publique au Liban (ARAL).
5. En effet la figure de l’agent public contractuel domine la fonction publique au Liban
consacrant ainsi les maux du clientélisme par lequel le député et le ministre cherchent
à élargir leur base électorale.
6. CHENOT, Bernard. Les institutions administratives françaises. Paris : Université de
Paris-Institut d’Etudes Politiques, 1963. p. 242. Dans ce sens, l’article 12 de la
Constitution libanaise consacre cette règle d’égalité dans les termes suivants : «Tout
citoyen libanais a le droit d’accès aux emplois publics sans autre motif de préférence que son
mérite et sa compétence selon les conditions fixées par la loi».
7. CHENOT, Bernard. op.cit., p. 240.
8. A cet effet, La charte du citoyen : vers une nouvelle relation entre citoyen et administration publique (Publications du ministère de la Réforme administrative. Beyrouth :
novembre 2001) a été approuvée le 15/11/2001 par le Conseil des ministres. Le
14/2/2002 le Conseil approuvait Le code de conduite du fonctionnaire dans le secteur
public (Publications du ministère de la réforme administrative. Beyrouth : février
2002) qui détaille ses droits et ses obligations face à l’administration et au citoyen. Il
doit signer un document par lequel il s’engage à le respecter et ce, dans les 30 jours
qui suivent son entrée en fonction.
9. QUERMONNE, Jean-Louis. L’appareil administratif de l’Etat. Paris : Le Seuil, 1991. p.
142.
10. Publications du ministère de la Réforme administrative. Stratégies du développement
de l’administration publique. Beyrouth : ministère de la Réforme administrative,
septembre 2001. p. 10.
11. MANNING, Nick (ss la dir.). Interim Strategy Report, 29 Octobre 1996. Beyrouth :
ministère de la Réforme administrative, octobre 1996.
12. ZEBIB, Mohamed. Op. cit., pp. 18-22. Bien entendu ce recensement n’englobe ni
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l’armée, ni les forces de sécurité intérieures, les effectifs de ces deux branches étant
estimés à quelque 65 000 à 70 000 hommes dont 35 000 ont été engagés durant les trois
dernières années.
13. Cité in BUSINO, Giovanni. Les théories de la bureaucratie. Paris : PUF, 1993. p.42.
14. CHENOT, Bernard. Op.cit, p. 220. Comparé aux salaires du secteur privé, ce
niveau trop bas des salaires provoque d’une part le découragement des fonctionnaires et réduit assez considérablement leur position privilégiée dans une société
dominée par des considérations matérielles, où l’on répartit les gens en classes
sociales et où l’on juge le niveau social de quelqu’un en fonction de critères purement
matériels.
15. MESSARRA, Antoine. Le modèle politique et sa survie. Beyrouth : Publications de
l’Université Libanaise, 1983. p. 418.
16. EL KHATIB Hind. The Lebanese purge mouvement of 1993. Beyrouth. Mémoire
Master : université américaine de Beyrouth : janvier 1997.
17. Une jurisprudence très riche du C.E. libanais en matière d’annulation des décrets
qui ont mis fin aux services de plusieurs fonctionnaires démontre clairement l’anarchie dans laquelle se trouvait l’administration qui dans la majorité des cas ne pouvait
pas fournir le dossier du fonctionnaire puisqu’elle ne l’avait pas ou bien, si elle l’avait,
il était incomplet en matière disciplinaire.
18. TIMSIT, Gérard. Théorie de l’administration. Paris : Economica, 1996. p. 171. Dans ce
sens, le candidat à un emploi de titulaire de la fonction publique ne doit pas se
contenter d’apprécier le traitement et les indemnités qu’il va percevoir mais aussi les
augmentations liées à l’ancienneté et à la retraite.
19. CHENOT, Bernard. Op.cit, p. 275.
20. MANNING, Nick (ss la dir.). Op. cit.
21. Cité in DRAGO, Roland (ss la dir.). L’administration publique. Paris : Armand-Colin,
1971. p. 391. Ce principe de neutralité se traduit, dans certaines sociétés démocratiques rationnelles, surtout en Grande-Bretagne, par une définition rigoureuse des
droits et des obligations des fonctionnaires destinée à empêcher ces derniers – en l’occurrence ceux qui occupent des emplois importants dans la hiérarchie administrative
– de faire de la politique. Cette neutralité est une règle absolue afin d’éviter les conflits
entre une administration permanente et des gouvernements changeants.
22. DRAGO Roland. Op. cit, p. 391.
23. TIMSIT Gérard. Op. cit, p. 275. Ce principe de séparation n’a jamais été observé
dans les démocraties d’Europe occidentale d’une manière absolue afin, d’éviter la
paralysie de l’appareil d’Etat.
24. TIMSIT Gérard. Op. cit, p. 307. On a reproché à Mme Thatcher d’avoir causé la
rupture de cette situation de non-ingérence, par les mesures qu’elle a prises dont la
plus importante fut la suppression du ministère de la Fonction Publique et le transfert de ses tâches à la Trésorerie et au «Cabinet Office», et la désignation du secrétaire
du Cabinet comme chef du «Civil Service», conférant au Premier ministre la possibilité d’exercer un contrôle plus direct sur l’administration. Le modèle d’intégration
relative est aussi remarquable aux Etats-Unis. La subordination de la fonction
publique américaine au pouvoir politique est la conséquence de sa structure qui se
caractérise par la coexistence dans les plus hauts emplois de l’administration de deux
types d’agents : les fonctionnaires de carrière (careerists) et les recrutés nommés par le
pouvoir exécutif (political appointees). Par le recours à des agents recrutés à l’extérieur
de l’administration, le Président américain maintient son autorité sur l’administration.
25. FADEL, Robert. La modernisation des institutions libanaises. Paris : ENA, 1995.
26. Ibid. p. 59. Il en résulte que les ministres sont tenus pour responsables de tous les
actes de leurs subordonnés. L’anonymat dans lequel le principe de responsabilité
ministérielle maintient les fonctionnaires accentue donc le caractère hiérarchique de
la relation entre eux et leur ministre.
27. LAGROYE, Jacques. Sociologie politique. Paris : Presses de la Fondation Nationale
des Sciences Politiques & Dalloz, 1991. p. 420. En France, l’on trouve également des
organes politico- administratifs, dont le recrutement est lié à la personnalité politique
du ministre en place. Ces organes sont chargés de faire le lien entre le pouvoir politique et l’administration.
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28. CROZIER, Michel. Les apports de la sociologie contemporaine. p. 393. Ce type de
rapports humains, reposant sur des règles abstraites et objectives, conduit à une
dépersonnalisation complète de la relation entre supérieurs et subordonnés.
29. LEYS, Colin. Op. cit., p. 428. Il résulte aussi de ce que les appareils de contrôle
n’exercent pas leurs fonctions d’une manière efficace.
30. YAMAK LABIB, Zuwiyya. Party politics in the Lebanese political system. Cité par
MESSARRA, Antoine. Op.cit., p. 362. Ce contrôle est exercé sous forme d’intervention
des commissions parlementaires devant lesquelles les ministres viennent s’expliquer
en détail sur la gestion de leurs ministères et défendre certaines décisions prises par
l’administration.
31. SALAM, Saêb. La réforme politique, son enjeu, ses limites. Cité par MESSARRA,
Antoine. Op.cit., p. 361. Le contrôle parlementaire n’étant pas efficace, la nécessité de
renforcer un autre moyen de contrôle s’impose aux réformateurs pour aligner en
quelque sorte la situation de l’administration. Cette dernière devrait avoir toujours la
possibilité de prévenir ses erreurs, de les corriger.
32. DELVOLVE, Pierre. L’administration libanaise. Paris : éd. Berger-Levrault, 1971.
p. 63.
33. Les agents publics placés dans une situation spéciale sont : les membres des
comités du Conseil de la Fonction Publique et de l’Inspection Centrale, les magistrats,
les militaires, les agents des Forces de sécurité intérieure, chaque corps ayant sa
propre loi d’organisation.
34. BRAUD, Philippe. Sociologie politique. Paris : LGDJ, 1994. p. 187. Les valeurs sur
lesquelles l’administration fonde sa légitimité sont diffusées par une série d’institutions qui jouent le rôle d’instances de socialisation administrative. Mais l’apprentissage administratif s’effectue surtout à l’occasion des contacts directs avec les divers
services publics.
35. CHEVALLIER, Jean-Jacques. Science administrative. Paris : PUF, 1986. p. 560. A cet
égard, l’administration libanaise doit toujours prouver au public qu’elle est seule en
mesure de défendre l’intérêt général, qu’elle est disponible pour répondre à ses
besoins.
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